C. LES PROGRÈS DE L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS EN FRANCE
Les progrès enregistrés depuis 1998 résultent de facteurs multiples :
- Le cadre administratif et législatif de la mobilité étudiante a été réformé : loi RESEDA de 1998 et loi de 2003. Il constitue un cadre plus favorable à l'accueil. La délivrance de visas d'étudiants continue à être parfois trop restrictive. Toutefois, il en est délivré beaucoup plus.
Les modalités d'attribution des titres de séjour par les préfectures restent difficiles, mais les modalités aménagées se multiplient, par exemple par l'ouverture de bureaux des préfectures dans les universités.
L'offre de formation française s'est améliorée
Les diplômes décernés par la majorité des universités sont maintenant conformes au standard international LMD (licence, master, doctorat). Ainsi, l'étudiant étranger comprend quel diplôme il peut acquérir en France et comment il s'insère dans sa formation. Par ailleurs, le nombre de formations réalisées conjointement avec un partenaire étranger se multiplie ainsi que les doubles certifications . C'est ce que des étudiants qui devront travailler dans un environnement international, que ce soit dans la recherche, les affaires, l'industrie, recherchent. Les Institutions de formation supérieure commencent à offrir des modules d'enseignement que l'étudiant recherche hors de son pays pour compléter son cursus national.
Université franco-allemande
La fondation de l'Université franco-allemande a fait l'objet d'un accord intergouvernemental, signé le 19 septembre 1997, lors du Sommet franco-allemand de Weimar. Créée officiellement le 13 septembre 1999, l'UFA a repris, pour les amplifier, les activités de l'ancien Collège franco-allemand pour l'Enseignement supérieur (CFAES).
L'Université franco-allemande (UFA) est un établissement sans murs, constitué par un réseau d'établissements d'enseignement supérieur français et allemands, mais elle dispose d'une personnalité morale et d'un statut de droit international propres, d'un siège administratif à Sarrebruck et d'un budget unique.
L'UFA a bénéficié d'un budget de 8,665 M€ pour l'année 2003.
Pour l'année universitaire 2003/2004 l'Université Franco-Allemande (UFA) soutiendra 115 cursus intégrés binationaux entre établissements d'enseignement supérieur français et allemands. A l'heure actuelle l'institution binationale coopère avec 133 établissements d'enseignement supérieur en France et en Allemagne.
L'UFA a pour fonction de susciter de coordonner et de financer des cursus intégrés entre établissements français et allemands conduisant à des doubles diplômes.
L'UFA soutient également des coopérations en matière de recherche. A l'heure actuelle elle soutient trois programmes : les ateliers franco-allemands de jeunes chercheurs, les écoles thématiques d'été pour doctorants et post-doctorants en sciences naturelles et sciences de l'ingénieur et l'Université d'été franco-allemande en sciences humaines et sociales qui est la première université européenne d'été binationale.
Le bilan de l'UFA est très positif et c'est sûrement le projet le plus important, le plus visible et le plus novateur dans le domaine de la coopération universitaire bilatérale, tout du moins en Europe. Les doubles diplômes sont très prisés par les entreprises comme le démontre le succès du Forum Franco-Allemand Etudiants-Entreprises-Universités qui est une initiative de l'UFA.
« La culture de la mobilité s'enracine chez les étudiants français » (Elie Cohen)
Tous les acteurs de la politique d'ouverture de la France aux étudiants étrangers s'accordent sur l'idée que la France devient d'autant plus ouverte pour l'accueil que les professeurs et les étudiants ont effectué une partie de leur formation supérieure à l'étranger. Les premiers prennent l'initiative des formations et diplômes communs avec des universités étrangères. Tous contribuent à la naissance d'un milieu universitaire plus ouvert au monde et plus accueillant. C'est pourquoi on parle dorénavant de « mobilité entrante » (des étudiants étrangers) et de « mobilité sortante » (des étudiants français).
Une mobilisation presque générale a eu lieu.
Les structures dédiées à l'international , anciennes et nouvelles, celles de l'accompagnement social des étudiants telles que le CNOUS (Centre nationale des oeuvres universitaires) et ses antennes régionales (CROUS), des collectivités territoriales telles que Rhône-Alpes ou les villes de Nantes de Strasbourg ou de Montpellier mènent des actions plus convergentes qu'il n'y parait.
Les postes diplomatiques ont pris des initiatives prometteuses. En Chine, la création du CELA (centre d'évaluation linguistique et académique), service payant, est mis à la disposition des étudiants chinois et leur permet de mieux évaluer leurs capacités à suivre une formation adaptée à leurs besoins en France.
Dans un autre registre, la création du centre des études Françaises à l'Université de Chicago, en 2000, grâce à une initiative de l'ambassade de France à Washington, permet de multiplier les échanges d'étudiants et d'enseignants. L'université de Chicago vient d'ouvrir un centre à Paris .
Centre France-chicago
Le centre est une fondation multidisciplinaire créée sous l'impulsion du gouvernement français avec l'Université de Chicago à l'aide de partenaires privés. La France dispose à ce jour de quatre fondations de ce type aux Etats-Unis : Chicago, MIT, Stanford, Berkeley.
1. Vocation
Le centre, créé le 11 avril 2000, a pour mission de promouvoir et accroître les liens entre l'université de Chicago, ses étudiants, ses professeurs, ses chercheurs et leurs homologues français. Le centre se distingue des autres fondations universitaires généralement créées aux Etats-Unis par l'accent mis sur la recherche , les conditions de financement , et par le suivi des autorités françaises des activités financées par le fonds (informations fournies au Consulat et au Service culturel et participation active de ces derniers aux institutions du centre).
2. Financement
Le gouvernement français s'est engagé, à hauteur de 1 million de dollars ( endowment inédit de la part des autorités françaises), somme versée sur un compte spécifique et placée en actifs à intérêts fixes. L'université a collecté la somme équivalente auprès d'entreprises, de fondations et de particuliers francophiles (système de « matching grant » = contributions équivalentes des deux parties).
- les dépenses concernant l'équipement sont plafonnées à 7 % du budget total, pour garantir que les dépenses du centre soient affectées au programme ;
- les ressources du centre proviennent du produit des fonds versés initialement et des contributions privées provenant d'entreprises intéressées par les programmes de recherche du centre.
3. Le centre est géré par une direction collégiale constituée de personnalités de l'université de Chicago, assistée de trois comités ; le comité exécutif, le comité de parrainage et le conseil scientifique.
4. L' action du centre est double et concerne :
- les échanges de professeurs et d'étudiants entre la France et Chicago. Ils existent avec l'Ecole normale supérieure, l'Ecole des haute études en sciences sociales, Science-Po Paris, le CNRS et Dauphine :
- L'organisation de colloques et symposiums :
. novembre 2000 : un symposium consacré à la France : « Esprit de régénération : crise et renouveau dans la France d'aujourd'hui »,
. 2001, colloque sur les nonomatériaux,
. 2002, conférence sur la « Mathematical Finance »,
. 2003, conférences sur l'éthique médicale,
. 2004, sur la France et le Maghreb.
- Mise en place de workshops (ateliers utilisant une approche interdisciplinaire de la France)
. « la science du commerce de Montesquieu » en février 2003
- Dans le cadre du « outreach » mené par le centre, des conférences sont fréquemment organisées en coopération avec l'Alliance française
- en mai 2002, une conférence sur « la mémoire et l'histoire de la France ».
Parmi les initiatives encouragées par le centre, on peut citer quelques projets ayant favorisé le rayonnement culturel de la France :
- le festival Playing French donne lieu à des événements nombreux soutenus par le centre : Master Class animé par Ludovic Lagarde, représentation au théâtre de l'Université et en français de Du hérisson d'E. Chevillard, table ronde...
- la programmation de films français à la cinémathèque du campus
- en outre, le centre participe à la formation de professeurs (américains) de lycée. Il s'agit d'un programme pédagogique estival assuré par des professeurs français et relatif à l'apprentissage des langues.
Depuis la rentrée universitaire 2004, l'université de Chicago dispose d'un centre à Paris, construit à proximité de la Bibliothèque Nationale. Il dispose, sur 520 m2, d'une salle de séminaire, de bureaux, d'une aire de réception, de salles de classe, d'une bibliothèque, d'une salle d'ordinateurs connectés à l'Internet et d'un jardin.
Ce centre permet à des étudiants américains de 1 er cycle de passer un trimestre à Paris pour y suivre des cours d'anglais dispensés par des professeurs français (Dauphine, Science-Po) et des professeurs américains.
« Il offrira un environnement de recherche convivial et stimulant aux bénéficiaires de bourses de recherches postdoctorales américains et français de l'Université de Chicago ».
« A terme, cette antenne est destinée à devenir un centre intellectuel européen où les traditions de recherche de haut niveau et d'excellence pédagogique propre à l'université de Chicago renoueront avec leurs racines européennes ».
La SFERE, société française d'exportation des ressources éducatives, oeuvre depuis 20 ans. Elle travaille sur la base de contrats avec des pays partenaires pour sélectionner les candidats dans leur pays d'origine et les suivre jusqu'à l'obtention du diplôme, dans tous les aspects de leur vie étudiante : hébergement, suivi des études, monitorat, en collaboration avec l'institution qui les reçoit. La SFERE donne ainsi au partenaire contractant la garantie de la bonne réussite du projet de formation.
EDUFRANCE est un GIP c rée en 1998 pour faire la promotion des formations supérieures françaises dans le monde et accueillir des étudiants étrangers. L'Agence s'est recentrée sur la première activité depuis 2002. Son budget est fragile du fait de l'extinction des recettes générées par l'accueil d'étudiants solvables, qui ont représenté 82 % de ses ressources en 2003. Les années 2003 et 2004 ont été marquées par le développement des actions de promotion à l'étranger en Asie et en Amérique Latine.
Edufrance a créé un nouveau site internet qui regroupe les informations en plusieurs langues (français, anglais, espagnol, portugais).
Un premier catalogue en anglais a été lancé en 2004.
Edufrance assure la réalisation du projet de candidature en ligne pour des facultés de Droit.
A l'intention des élèves du réseau de l'AEFE un site internet spécifique, destiné à les aider à « choisir la France » a été créé. ( www.edufrance-aefe.com ) ;
EGIDE accueille les boursiers du gouvernement français, plutôt les stagiaires (80% de sa « clientèle ») que les étudiants (20 %).
Le CNOUS gère les bourses du ministère des Affaires étrangères et s'occupe de l'accueil, du logement et de l'accompagnement social des étudiants étrangers au même titre que pour les étudiants français. Il loge actuellement 35 000 étudiants étrangers et le nombre d'étudiants étrangers qui ont bénéficié de son fonds d'aide d'urgence a doublé en quatre ans, l'absorbant ainsi pour moitié.
Le CNOUS et ses structures régionales, les CROUS, mènent une politique ambitieuse de coopération avec les universités et les collectivités territoriales pour renforcer les capacités d'accueil. Ce sont « les politiques de site », très prometteuses car la synergie entre tous les acteurs d'une ville ou d'une région à des effets démultiplicateurs.
Les points noirs
Le logement est l'un des obstacles les plus graves à l'attractivité de la France pour des étudiants étrangers. Il est évoqué par toutes les personnalités auditionnées. En effet, il y a en France 1,4 million d'étudiants à la recherche d'un logement autonome. Les étrangers sont les plus mal placés, surtout face aux exigences de garantie du secteur locatif privé. Sur les 150 000 places en cités universitaires, 35 000 sont occupées par des étrangers, mais ce parc qui date des années 60 a besoin d'une rénovation.
L'inégale ouverture à l'international des universités . Le fait que le Ministère de l'éducation nationale et de la recherche ait peu de moyens de peser sur les orientations des universités est un obstacle à la poursuite des progrès. Tout dépend des initiatives des professeurs, mais les efforts ne sont pratiquement pas récompensés par une amélioration de la participation de l'Etat. Pour l'essentiel, celle-ci est fondée sur le nombre d'étudiants inscrits et les facteurs qualitatifs restent trop marginaux.
L'initiative privée reste insignifiante : Renault est une des seules entreprises à financer des bourses pour quelques dizaines d'étudiants japonais. EADS aurait un projet... Nous sommes loin du mécénat à l'anglo-saxonne. L'effort financier de l'Etat ne doit donc pas se relâcher, en particulier celui du MAE pour les bourses Eiffel et Major dont il est prévu d'augmenter le nombre.
Les propositions pour l'avenir
Elles sont répertoriées dans les sept plans d'action thématiques du rapport Cohen et concernent :
- le système d'information relatif à la mobilité internationale des étudiants ;
- l'adaptation de l'offre française de formation supérieure aux nouvelles exigences induites par la mobilité internationale des étudiants ;
- l'amélioration des structures pédagogiques et administratives d'appui à la mobilité internationale des étudiants ;
- l'adaptation des dispositifs administratifs régissant la mobilité internationale des étudiants ;
- l'adaptation de la gestion des bourses ;
- l'amélioration de l'offre de logement ;
- l'amplification des interventions des collectivités territoriales en faveur de la mobilité internationale des étudiants.
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Les résultats inespérés de la politique mise en oeuvre depuis 1998 prouvent que le volontarisme paie, surtout si l'effort est poursuivi avec persévérance et si les changements de majorité gouvernementale ne conduisent pas à remettre en cause les dispositifs qui fonctionnent. Le plan de 1998 s'est situé, depuis 2003, dans la politique générale « d'attractivité de la France » et il en a été renforcé.
Sans faire preuve d'un optimisme excessif, on peut espérer que les axes tracés par le rapport Cohen soient suivis. La plupart des intervenants qui concourent à l'accueil des étudiants étrangers et, d'une façon plus générale et plus exacte, dans le développement de la mobilité étudiante, donnent des exemples de mise en oeuvre des propositions du rapport Cohen. Celui-ci reprend les initiatives les plus prometteuses des Institutions d'enseignement supérieur, des structures d'accompagnement évoquées ci-dessus, des collectivités territoriales. Mises en cohérence et enracinées dans des pratiques déjà consolidées et évaluées, ces mesures peuvent maintenant se répandre dans une bonne partie du tissu de l'enseignement supérieur et avoir des effets démultiplicateurs.
De l'ampleur de la mobilité étudiante dépend pour une part importante l'avenir de notre pays. Dans une Europe vieillissante, en retard scientifique et technique sur les Etats-Unis et dont l'avance sur la Chine et l'Inde sera assez vite comblée, la France doit disposer de l'atout de sa population plus jeune, bien formée, enrichie de l'apport des étudiants étrangers, qu'ils rentrent dans leur pays d'origine ou qu'ils restent en France. L'essentiel est que la mobilité des universitaires, étudiants et professeurs, des ingénieurs et des cadres se fasse tout autant dans le sens de la venue en France que dans celui du départ.