B. LA STABILISATION À TERME DU RAPPORT ENTRE LE TEMPS DE TRAVAIL ET LE TEMPS DE RETRAITE
1. Un nouvel équilibre indispensable pour pérenniser la retraite par répartition
Afin de garantir la pérennité du système par répartition, le présent projet de loi prévoit également de faire appel à la solidarité nationale par le biais d'une stabilisation, à l'horizon 2020, du rapport entre le temps de travail et le temps de retraite, qui devrait inévitablement aboutir à un allongement de la durée d'assurance, proportionnel aux gains d'espérance de vie après retraite, et donc à un allongement de la durée de cotisation dans l'ensemble des régimes de retraites .
En effet, comme l'a rappelé M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le « débat sur l'avenir de nos retraites est d'abord un débat sur la place du travail en France (...) Nous avons en effet choisi de privilégier l'augmentation du taux d'activité, et donc de la durée de cotisation, pour combler le déficit de nos régimes par répartition à l'horizon 2020. Telle est la clef de voûte du projet de réforme : demander à tous de travailler un peu plus pour assurer à chacun un haut niveau de retraite sans accroître la pression fiscale qui est déjà l'une des plus élevées d'Europe ».
Ainsi, l'augmentation du taux d'activité des Français résulte à la fois d'une exigence démographique (dégradation du poids des actifs par rapport aux retraités) et d'un impératif économique et financier.
Espérance de vie à 60 ans : évolution et gain en années par période décennale
Date |
Espérance de vie à 60 ans |
Période |
Gain par période de 10 ans |
||
Hommes |
Femmes |
Hommes |
Femmes |
||
1950 |
15,4 |
18,4 |
|||
1960 |
15,7 |
19,5 |
1950-1960 |
0,4 |
1,2 |
1970 |
16,2 |
20,8 |
1960-1970 |
0,5 |
1,3 |
1980 |
17,3 |
22,4 |
1970-1980 |
1,1 |
1,5 |
1990 |
19,0* |
24,2 |
1980-1990 |
1,7** |
1,8 |
2000 |
20,2 |
25,6 |
1990-2000 |
1,2 |
1,4 |
2010 |
21,7 |
27,1 |
2000-2010 |
1,5 |
1,5 |
2020 |
23,2 |
28,5 |
2010-2020 |
1,5 |
1,4 |
2030 |
24,6 |
29,8 |
2020-2030 |
1,4 |
1,3 |
2040 |
25,9 |
31,0 |
2030-2040 |
1,3 |
1,2 |
Lecture : en 1990, les hommes avaient une espérance de vie à 60 ans de dix-neuf années (valeur marquée*), soit un accroissement de 1,7 ans (valeur marquée **) au cours de la décennie 1980-1990.
Source : INSEE, calcul COR
L'article 5 du présent projet de loi pose le principe de cette stabilisation du ratio durée d'activité/durée de retraite. Il s'agit d'un mécanisme simple permettant d'assurer une partie du financement du système de retraite à l'horizon 2020 : maintenir inchangé, d'ici 2020, le partage actuel entre vie active et retraite. Comme l'a souligné le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité lors des débats à l'Assemblée nationale, « le temps de la retraite continuera à augmenter et à bénéficier des gains d'espérance de vie, mais le temps de vie active permettant de financer les retraites devra augmenter aussi ».
L'article 5 du présent projet de loi dispose ainsi que la durée d'assurance pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein et la durée des services et bonifications nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite devra évoluer de manière à maintenir constant jusqu'en 2020 le rapport constaté entre ces durées et la durée moyenne de retraite. Pour les assurés du régime général, depuis le 1 er janvier 2003, cette durée est de 160 trimestres d'assurance pour bénéficier du taux plein entre 60 ans et 65 ans.
La durée moyenne de retraite représente, pour une année civile donnée, l'espérance de vie à l'âge de soixante ans telle qu'estimée cinq ans auparavant, dont on retranche l'écart existant entre la durée d'assurance et la durée des services et bonifications précitée pour l'année considérée et celle de 160 trimestres en 2008 4 ( * ) .
Jusqu'en 2008, cette mesure n'affecte que les régimes dont la durée d'assurance ou la durée des services et bonifications nécessaires au service d'une retraite ou d'une pension à taux plein est inférieure à 160 trimestres à la date de publication de la loi.
Le rapport jugé souhaitable entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite est de deux tiers/un tiers. Dès lors, pour maintenir constant ce rapport, il est indispensable d'augmenter la durée d'assurance.
2. Modifier en conséquence la durée d'assurance
La durée d'assurance ou de services et bonifications sera donc ajustée, de manière à partager pour le futur les gains d'espérance de vie entre temps de travail et temps de retraite, selon un ratio constant. Ce partage induit un allongement de la durée d'assurance à raison d'un trimestre par an à compter de 2009. Dès lors, la durée nécessaire à l'obtention du taux plein atteindra 41 ans (164 trimestres) en 2012, sauf si un décret modifie cette échéance sur la base d'un rapport public transmis par le gouvernement au Parlement avant le 1 er janvier 2008. Ce rapport devra faire apparaître l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de 50 ans, l'évolution de la situation financière des régimes de retraite, l'évolution de la situation de l'emploi, ainsi qu'un examen d'ensemble des paramètres de financement des régimes de retraite.
Une commission de garantie des retraites est en outre créée afin de veiller à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 5 du présent projet de loi. Elle se réunira périodiquement, en 2008, 2012 et 2016, pour examiner objectivement les données démographiques, économiques et sociales, et notamment l'évolution des caractéristiques du marché du travail. Ces rendez-vous devraient permettre un pilotage dans la durée du système de retraite et de la réforme le concernant.
A l'horizon 2020, la durée nécessaire à l'obtention d'un taux plein pourrait atteindre 41 ans ¾, compte tenu des hypothèses centrales retenues par le rapport du Conseil d'orientation des retraites de 2001.
Comme l'a rappelé le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, « cet allongement de la durée d'activité et d'assurance pour toucher une retraite à taux plein, en fonction de l'espérance de vie, est la meilleure garantie, la plus juste et la plus sûre, pour assurer un haut niveau de retraite sans reporter une charge écrasante sur les actifs de demain ».
Cette mesure est applicable aux assurés relevant du régime général de l'assurance vieillesse, du régime des salariés agricoles et des régimes alignés sur le régime général, aux fonctionnaires civils de l'Etat, des collectivités territoriale et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, ainsi qu'aux fonctionnaires militaires . Dès lors, une fois obtenue la convergence des durées de cotisations assurée entre le régime général et les régimes de fonction publique en 2008, la durée de cotisation augmentera progressivement pour tous les assurés précités de la même manière.
A cet égard, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le gouvernement, destiné à améliorer le fondement juridique des dispositions du présent article relatives à la définition de la durée d'assurance ou de services requise pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite. La rédaction initiale de l'article 5 présentait en effet certaines incohérences avec celle du titre III du présent projet de loi.
Après le rapport initial transmis par le gouvernement au Parlement avant le 1 er janvier 2008, un nouveau rapport sera remis au plus tard le 1 er janvier 2012 permettant de faire apparaître l'évolution prévisible du rapport entre la durée d'assurance et la durée moyenne de retraite sur la période 2012-2016. Au vu des éléments contenus dans ce rapport, les durées d'assurance nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein seront fixées par décret, pris après avis du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites.
Enfin, un troisième rapport sera remis au plus tard le 1 er janvier 2016 au titre de la période 2016-2020.
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements déposés par notre collègue député Xavier Bertrand, rapporteur au nom de la commission des finances, saisie pour avis, l'un tendant à préciser que, préalablement à la rédaction de ces rapports, une conférence tripartite rassemblant l'Etat, les représentants des salariés et les représentants des employeurs est organisée pour examiner les problématiques liées à l'emploi des personnes de plus de 50 ans, l'autre, dans le même sens, tendant à préciser que la Commission nationale de la négociation collective est chargée de suivre annuellement l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de 50 ans afin de faire au ministre chargé du travail toute proposition de nature à favoriser leur maintien ou leur retour dans l'emploi.
En fonction des conclusions de ces rapports, les durées d'assurance ou de services et de bonifications permettant le respect de la règle d'ajustement des durées sera fixée par décret après consultation des organismes compétents (le COR et la Commission de garantie des retraites).
D'après les informations fournies par le gouvernement, cette mesure devrait induire une économie pour les régimes d'assurance vieillesse liée au recul de la date de liquidation de la pension. Toutefois, cette économie immédiate peut dans certains cas être compensée pour partie par l'amélioration des droits à pension pour les régimes de base. L'impact modeste en début de période du fait de la progressivité de la mesure (130 millions d'euros) atteindrait, pour la seule durée d'assurance et pour le seul régime général, 3,6 milliards d'euros en 2020 .
Lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a enfin précisé que l'objectif du gouvernement était de faire passer l'âge moyen de cessation d'activité de 57,5 ans aujourd'hui à 59 ans en 2008. L'augmentation programmée de la durée d'assurance n'a en effet de sens que si des progrès notables sont constatés en termes de recul de l'âge réel de cessation d'activité des Français.
Cet objectif ne saurait être atteint sans un effort réel en faveur de l'emploi et du maintien en activité des travailleurs âgés de plus de 55 ans qui suppose une mobilisation nationale dans le but de limiter la tendance au départ précoce des actifs qui caractérise le marché du travail français.
* 4 Le calcul peut être établi de la manière suivante : si l'on prend l'exemple d'un fonctionnaire titulaire âgé de 60 ans en 2005, qui a un espérance de vie après 60 ans de 20,75 années (soit une durée moyenne de retraite de 83 trimestres) et qui totalise 37,5 annuités (donc sans modification de durée, soit 150 trimestres), la durée d'assurance nécessaire pour cette année civile étant de 154 trimestres. L'écart constaté entre ces 150 trimestres et les 154 trimestres exigés est de 4. il faut donc retrancher aux 83 trimestres de durée moyenne de retraite à 60 ans les 4 trimestres de l'écart constaté, soit 83 - 4 = 79. Avec l'application des effets du présent article, l'écart est ramené à 0 et la durée moyenne de retraite est de 83 (soit 20,75 années).