III. LES RÉGIMES DES NON-SALARIÉS : UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ

A. UNE RÉFORME SOUHAITÉE : UN NOUVEAU RÉGIME COMPLÉMENTAIRE POUR LES INDUSTRIELS ET COMMERÇANTS

Il convient de rappeler que le régime d'assurance vieillesse des artisans est géré par la CANCAVA 42 ( * ) , tandis que celui des industriels et commerçants est géré par l'ORGANIC 43 ( * ) .

Ces deux régimes de retraite de base sont alignés sur le régime général depuis 1973, ce qui signifie que, à cotisations identiques, les assurés perçoivent des pensions égales à celles des salariés.

La CANCAVA assure également la gestion de l'assurance invalidité-décès depuis 1961 et celle de la retraite complémentaire des artisans, rendue obligatoire en 1979. Ce régime de retraite complémentaire est similaire à celui de l'AGIRC-ARRCO, en ce sens qu'il s'agit d'un régime par points. Celui-ci n'est pas directement concerné par la présente réforme.

En revanche, le chapitre I er du titre IV du présent projet de loi transforme en profondeur le régime complémentaire de l'ORGANIC, par le biais de la création d'un nouveau régime complémentaire obligatoire pour les industriels et commerçants, sur le modèle de celui en vigueur pour les artisans.

Il importe cependant de rappeler que les dispositions relatives aux artisans, industriels et commerçants ne sont pas toutes contenues dans ce titre IV qui leur est pourtant expressément consacré.

En effet, le titre II du présent projet de loi est consacré au régime général et aux régimes alignés, donc aux régimes des artisans et des industriels et commerçants 44 ( * ) .

D'autre part, il faut rappeler qu'une disposition essentielle en faveur des pluripensionnés - la proratisation du salaire annuel moyen par régime - qui concerne au premier chef les assurés de ces régimes, ne figure pas dans le texte du présent projet de loi puisqu'elle relève du domaine réglementaire.

1. Des dispositions actuelles inéquitables et obsolètes

Le régime de base d'assurance vieillesse des non-salariés des professions industrielles et commerciales a été créé en 1949. En 1973 a été créée une assurance complémentaire obligatoire, mais pour les seuls conjoints. Puis une assurance vieillesse invalidité-décès a été créée en 1975, suivie en 1978 d'un régime complémentaire à caractère facultatif fonctionnant en répartition provisionnée. Les industriels et commerçants sont aujourd'hui une des dernières professions à ne pas bénéficier d'un véritable régime de retraite complémentaire.

L'ORGANIC gère ces quatre régimes, auxquels il faut ajouter, depuis le 1 er janvier 1998, le régime complémentaire des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (RCEBTP), voué à disparaître dans la mesure où il ne reçoit plus de cotisations depuis son rattachement à la caisse nationale de l'ORGANIC.

Le régime des conjoints de l'ORGANIC est financé par une cotisation additionnelle obligatoire, à la charge de l'ensemble des actifs, qu'ils soient mariés ou non, affiliés à l'organisation autonome de retraite des industriels et commerçants. Cette cotisation a été relevée en 1998 compte tenu des difficultés financières alors rencontrées.

Ce régime des conjoints permet d'attribuer une majoration de la pension de base au titre d'un conjoint coexistant, selon les modalités suivantes.

Les droits directs sont proportionnels aux droits de base et à la durée d'activité. En deçà de quinze années d'activité, la prestation est égale à 25 % des droits de base. Au-delà de quinze années d'activité, la prestation augmente de 0,25 point par trimestre d'activité supplémentaire, pour atteindre le taux plein de 50 % lorsque l'assuré justifie de 40 années de cotisation.

Pour pouvoir bénéficier de ces prestations, le titulaire doit avoir au minimum 60 ans et le conjoint au minimum 65 ans. Le titulaire doit avoir, en outre, été marié au conjoint deux ans avant la date d'ouverture des droits de base. En deçà de quinze années d'activité, la prestation est réduite du montant des ressources personnelles du conjoint et peut éventuellement ne pas être versée. Elle est toutefois versée sans restriction si les cotisations versées sont égales à 90 fois le vingtième du plafond annuel de la sécurité sociale 45 ( * ) .

En cas de décès du pensionné de droit direct, le régime des conjoints permet également de servir une prestation différentielle s'ajoutant à la prestation du régime de base, pour atteindre un niveau global de pension de réversion de 75 % du revenu.

Ce mode de fonctionnement est aujourd'hui obsolète et inéquitable. Les différentes conditions évoquées précédemment conduisent en effet à exclure les deux tiers des retraités du bénéfice des prestations du régime des conjoints, ce qui n'est pas juste dans la mesure où l'ensemble des actifs est tenu de cotiser. Cela ne tient pas à la condition de mariage proprement dite puisque 80 % des commerçants retraités sont mariés. En revanche, les deux principales causes d'exclusion sont la condition d'âge du conjoint et la faiblesse des cotisations versées.

Cette dernière raison est liée au fait que les commerçants sont bien souvent des pluripensionnés et ne sont affiliés à l'ORGANIC que pour une courte durée : d'après l'ORGANIC, plus de 40 % des affiliés à la caisse qui ont fait valoir leurs droits à la retraite ont exercé leur activité moins de dix ans et les deux tiers ont exercé moins de vingt ans. Comme le souligne l'organisation, « pour la très grande majorité des cotisants qui aura été, à un moment ou à un autre, rattachée à Organic, ce rattachement ne représentera qu'un épisode dans la vie professionnelle, et la plupart du temps un épisode secondaire ».

Enfin, le régime des conjoints avait été mis en place pour compenser l'absence de droits personnels à la retraite des conjoints de commerçants qui participaient assez souvent autrefois à l'activité du commerce. Or ce n'est plus le cas aujourd'hui que chez 25 % des couples de commerçants, ce qui confirme le caractère obsolète de ce régime.

2. Un nouveau régime complémentaire qui répond aux demandes des délégués de l'ORGANIC

Les délégués des caisses d'assurance vieillesse de base d'ORGANIC se sont prononcés en faveur de l'évolution de leur régime complémentaire lors de leur assemblée plénière, tenue à Lille le 22 octobre 2001, en décidant de fermer le régime des conjoints et de créer un nouveau régime complémentaire reprenant les droits acquis au titre du régime spécifique des conjoints. Conformément aux dispositions de l'article L. 635-1 du code de la sécurité sociale, la délibération de l'assemblée plénière est source de droit et s'impose aux pouvoirs publics.


Les huit principes fondamentaux de la délibération de l'assemblée plénière

du 22 octobre 2001

1. Fermeture du régime des conjoints,

2. Création du nouveau régime complémentaire obligatoire et reprise des droits de conjoints acquis,

3. Taux de cotisation fixé à 6,5 % des revenus, dans la limite de trois fois le plafond de sécurité sociale,

4. Gestion en points des droits acquis dans le nouveau régime complémentaire obligatoire,

5. Institution d'un pilotage régulier du régime,

6. Constitution d'une réserve de financement,

7. Renvoi à un règlement et conseil d'administration pour définir les modalités d'attribution et de service des prestations,

8. Institution d'une action sociale en faveur des actifs.

Source : ORGANIC

Le premier chapitre du titre IV du présent projet de loi répond à ces attentes, d'une part en adaptant les dispositions législatives actuellement en vigueur pour permettre la création du nouveau régime complémentaire obligatoire pour les industriels et commerçants ( article 56 ), d'autre part en fermant au 31 décembre 2003 l'actuel régime des conjoints et en assurant la conversion en points, dans le nouveau régime complémentaire obligatoire, des droits acquis dans le cadre du régime des conjoints ( article 58 ).

A la suite des modifications apportées par l'Assemblée nationale, l'article 56 prévoit explicitement que les chauffeurs de taxi non salariés ayant adhéré, dans le cadre de la loi n° 56-659 du 6 juillet 1956, à l'assurance volontaire du régime général de la sécurité sociale sont affiliés au régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales.

L'article 57 du présent projet de loi étend la compétence des organisations autonomes pour donner des avis aux pouvoirs publics s'agissant de l'élaboration de textes régissant les régimes de retraite des professions artisanales, industrielles et commerciales : actuellement limitée aux régimes de base, cette compétence, exercée dans le cadre d'une délégation commune des conseils d'administrations des deux caisses nationales, est étendue aux régimes complémentaires d'assurance vieillesse.

Enfin, l'article 59 du présent projet de loi dispose que l'ORGANIC complémentaire, c'est-à-dire la caisse qui gère actuellement le régime complémentaire facultatif des industriels et commerçants, est transformée à compter du 1 er janvier 2004 en mutuelle et précise les obligations du conseil d'administration de la caisse en vue de cette évolution.

* 40 Résultant des décret précités et de l'instruction de référence de la direction générale de la comptabilité publique n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 : en principe, les absences du territoire ne peuvent dépasser 40 jours pour l'année civile, et l'indemnité doit être proratisée en cas de dépassement.

* 41 In JO Débats Sénat, séance du 22 mai 2003, page 3545.

* 42 Caisse autonome nationale de compensation d'assurance vieillesse des artisans.

* 43 Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce.

Page mise à jour le

Partager cette page