A. UNE ÉVOLUTION INQUIÉTANTE DE LA POLITIQUE AMÉRICAINE VIS-À-VIS DE L'IRAK
Afin de pouvoir clairement présenter l'évolution actuelle de la situation vis-à-vis de l'Irak, il convient de rappeler brièvement les principales étapes qui ont jalonné l'histoire des 10 dernières années.
Chronologie résumée 1990-2002
2
août 1990:
Les forces iraquiennes envahissent le Koweït. Le
même jour, le Conseil de sécurité adopte la
résolution 660 (1990) condamnant cette invasion.
|
Dès avant les élections présidentielles
américaines, la question du maintien des sanctions imposées
à l'Irak était au centre du débat politique. Après
plus de 10 ans de sanctions internationales qui ont abouti à un
véritable génocide sur la population et à un renforcement
du régime dirigé par M. Saddam Hussein, la résolution 1284
du 17 décembre 1999 a constitué une tentative de
résolution des contradictions.
En dépit de mises en garde concordantes et répétées
les autorités et l'opinion publique américaine s'orientent
clairement vers une intervention militaire contre l'Irak.
Dès après les attentats du 11 septembre la position politique des
Etats-Unis sur le dossier irakiens s'est considérablement durcie. Le 18
septembre l'Irak était mise en garde fermement contre toute tentative de
profiter de la situation créée par les attentats. Comme le
déclarait publiquement le Secrétaire d'Etat américain le
« seuil de patience » des Etats-Unis avait
singulièrement baissé.
Par ailleurs, les attaques à l'anthrax subies en octobre 2001 ont
déclenché une dénonciation, notamment par la presse, des
programmes biologiques supposés de l'Irak. C'est ainsi que certains
journaux comme le Wall street journal mettent en relief une
« convergence au moins tactique d'intérêts »
entre l'Irak et ses capacités supposées de production d'armes
biologiques et bactériologiques et Al Quaida. Ces allégations,
qui ne reposent que sur des suppositions non étayées, rencontrent
bien évidemment les efforts de l'aile « dure » du
département de la défense, conduite par M. Wolfowitz, de
convaincre l'administration américaine de préparer une
intervention militaire en Irak pour « finir le travail »
commencé en 1991.
Dans un contexte où les interventions qui avaient dénoncé
dans le passé les effets d'un embargo meurtrier sont de plus en plus
estompées par le choc des attentats de New York et de Washington, les
pressions de l'aile dure du département de la Défense, de la
presse et du Congrès s'intensifient sur le président Bush dont
les messages rappellent que l'Irak doit se soumettre aux résolutions des
Nations Unies et accepter la nouvelle commission de contrôle
instituée par la résolution 1284.
Il est certain que la détermination de l'administration
américaine à « en finir avec le régime de
Bagdad » est une ligne forte de la politique des Etats-Unis qui s'est
renforcée depuis le 11 septembre.
Les partisans d'une intervention militaire, qui ne peuvent s'appuyer sur une
quelconque implication de l'Irak dans les attentats du 11 septembre et d'un
lien avec Al-Quaida, font valoir deux arguments qui légitimeraient selon
eux une action :
q la persistance de programmes de fabrication d'armes de destruction massive,
q le faible coût supposé d'une intervention après les
succès connus en Afghanistan
Votre groupe d'amitié ne peut être que frappé par
l'évolution de la position américaine en faveur d'une
intervention militaire contre l'Irak. Il convient de répéter avec
vigueur - comme l'a fait le Secrétaire général des Nations
Unies, que « toute tentative de ce type ne peut qu'exacerber la
situation et augmenter les tensions dans une région déjà
en ébullition à cause du conflit
israélo-palestinien ».
Les déclarations du Président Georges W. BUSH lors du discours de
l'Union, le 29 janvier 2002, paraissent annoncer clairement une intervention en
Irak. Elles évoquent un lien entre la possession supposées
d'armes de destruction massive par certains Etats qui forment un
« axe maléfique » et la possibilité pour
ceux-ci d'en armer des réseaux terroristes.
Discours sur l'état de l'Union, 29 janvier 2002
« Notre second objectif consiste à
empêcher
les gouvernements qui parrainent le terrorisme de menacer les États-Unis
et leurs amis au moyen d'armes de destruction massive.
|
Ces
propos ont été dénoncés clairement par notre
diplomatie. M. Hubert VEDRINE devait déclarer en réaction que
« ce n'est pas avec ce type de formule qu'on peut trouver des
solutions ». De son coté, le ministre français de la
défense, M. Alain RICHARD, a déclaré que la France est
opposée à des frappes américaines contre l'Iraq et qu'elle
peut se retirer de l'alliance contre le terrorisme si les Américains
pensent à frapper l'Iraq.
Certes, votre groupe ne peut que prendre au sérieux l'assertion selon
laquelle des armes de destructions massives pourraient être
utilisées contre les démocraties. Cette menace doit effectivement
être prise au sérieux. C'est la raison pour laquelle votre groupe
a toujours indiqué clairement que le retour des inspecteurs en Irak
permettrait de faire toute la lumière sur cette question. En
l'état actuel des choses il serait éminemment souhaitable que les
accusations américaines soient étayées sur des faits
précis. Le premier ministre russe M. Mikhail KASSIANOV a estimé,
le 2 février 2002, à la suite d'entretiens avec le vice
président Dick CHENEY que le président américain avait
lancé des affirmations sans preuves.
L'analyse américaine paraît reposer sur une vision optimiste de
l'isolement de l'Irak dans le monde arabe. On imagine mal, compte tenu de la
puissance du sentiment anti-américain, que la « rue
arabe » et donc les gouvernements des pays de la zone, puissent
demeurer indifférents.
Il serait par ailleurs une illusion de croire qu'une telle opération
pourrait se faire à un moindre coût militaire. Au contraire, nous
croyons qu'une fois de plus la population civile serait durement frappée
et qu'elle se rassemblerait, dans un réflexe nationaliste, autour de ses
dirigeants.
Enfin, il convient de rappeler qu'en 1991 c'était bien le risque
d'éclatement de l'Irak (entre chiites et sunnites, entre kurdes et
arabes, entre nord et sud) qui avait conduit la coalition menée par les
Etats-Unis à ne pas poursuivre son offensive.
De ce point de vue, les choses n'ont pas changé. Il ne paraît pas
y avoir aujourd'hui d'alternative crédible au parti Baath. C'est, nous
semble t-il, le point de vue constant de la politique française. Or il
serait minimale qu'une action militaire prévoie une alternative au
régime actuellement en place qui soit susceptible de maintenir
l'intégrité de l'Irak. Il ne semble pas que ce soit le cas.
En dépit de ces arguments multiples et concordants il semble aujourd'hui
que la politique américaine s'oriente vers une intervention militaire
unilatérale en Irak dont les dangers pour l'ensemble de la
communauté internationale doivent être clairement indiqués.