L'Irak en danger
MISSION EFECTUÉE EN IRAK PAR UNE DÉLÉGATION DU GROUPE SÉNATORIAL D'AMITIÉ FRANCE-IRAK DU 18 AU 23 JUIN 2001.
Rapport au format Acrobat ( 443 Ko ) - Annexe (pp 1 à 96) - Annexe (pp 97 à 138)Table des matières
- COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE I : LES RELATIONS FRANCO IRAKIENNES
-
I. UNE DÉGRADATION TEMPORAIRES DES RELATIONS
POLITIQUES FRANCO-IRAKIENNES
- A. LA POSITION DE LA FRANCE À L'ONU
- B. ENTRETIENS AVEC M. TAREK AZIZ, VICE-PREMIER MINISTRE ET AVEC M. SAADOUN HAMMADI, PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- II. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES SIGNIFICATIFS
- III. LA POLITIQUE CULTURELLE DYNAMIQUE DANS UN CONTEXTE DE CULTURE SOUS EMBARGO
-
I. UNE DÉGRADATION TEMPORAIRES DES RELATIONS
POLITIQUES FRANCO-IRAKIENNES
- CHAPITRE II
- UNE SITUATION SANITAIRE ET SOCIALE : UN GÉNOCIDE RAMPANT
- CHAPITRE III
- UNE POLITIQUE DE SANCTIONS INUTILE ET INEFFICACE
- CHAPITRE IV
- LA QUESTION IRAKIENNE ET LES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001
- CONCLUSION
- ANNEXE au format Acrobat (pages 1 à 96)
- ANNEXE au format Acrobat (pages 97 à 138)
COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
M. Serge
MATHIEU, président du groupe d'amitié
(Républicain Indépendant, sénateur du Rhône)
M. Edmond LAURET
(Rassemblement pour la République, sénateur de la Réunion)
M. Marc MASSION
(Groupe socialiste, sénateur de Seine Maritime)
M. Michel PELCHAT
(Républicain Indépendant, sénateur de l'Essonne)
La délégation était accompagnée de M. Olivier
DELAMARE DEBOUTTEVILLE, administrateur des services du Sénat,
secrétaire exécutif du groupe d'amitié ainsi que de :
Mme Nadia BENAMER, chirurgien orthopédiste
M. Gabriel LENA , neurochirurgien pédiatre
M. Jean Marie PRIVAT, neurochirurgien
INTRODUCTION
Dans la
longue histoire de l'après guerre du golfe, des voix de plus en plus
nombreuses se sont élevées contre les conséquences
humanitaires et l'inefficacité politique de l'embargo imposé
à ce pays sur la base d'un impressionnant dispositif juridique de l'ONU.
L'objectif de l'embargo sur les armes n'est certes contesté par
personne, pas même par les autorités irakiennes. Il n'en va pas de
même de l'embargo sur les biens civils. On a suffisamment
dénoncé, dans de nombreux rapports, de nombreuses
conférences, le caractère ubuesque de certaines décisions
du Comité des sanctions interdisant l'acquisition de biens pouvant avoir
un double usage, civil et militaire, pour qu'il soit utile d'y revenir ici.
Les conséquences humanitaires catastrophiques de l'embargo ont conduit
l'ONU et le Conseil de Sécurité à mettre en place en 1996
le programme « pétrole contre nourriture » afin de
tenter de desserrer l'étau qui se refermait sur la population civile.
Si ce dispositif a eu une certaine efficacité en ralentissant la
dégradation de la situation sanitaire et sociale, mais non en la
stoppant, il n'a en rien empêché l'Irak de contourner les
restrictions imposées en laissant se développer un important
marché de contrebande et en multipliant les accords régionaux
avec ses voisins.
Les chiffres avancées par l'UNICEF font état d'au moins 1 million
de morts supplémentaires par rapport à la tendance naturelle en
10 ans d'embargo. Sans qu'il soit nécessaire de rentrer dans un
débat inutile sur la définition du génocide, il s'agit
bien là d'un acte de cette nature par son ampleur comme par son
caractère implacablement organisé et par la connaissance qu'ont
les responsables de ses conséquences sur la population.
On ne veut certes pas dire que l'objectif de l'embargo était d'organiser
un génocide mais, de manière tout aussi terrible, que la
première conséquence de l'embargo a été un
génocide rampant pendant 10 années de souffrances
supportées par le peuple irakien, notamment les plus faibles d'enter
eux, les enfants. Ces chiffres sont connus et officiels. Ce qui signifie
malheureusement qu'ils ne peuvent être ignorés de ceux qui, aux
gouvernements ou au Comité des sanctions, continuent à prendre
des décisions mortifères.
Quant à l'objectif politique de l'embargo qui était de faire
s'effondrer le régime conduit par M. Saddam HUSSEIN, l'expérience
cubaine aurait suffit pour en démonter l'inanité. Loin de
fragiliser le régime en faisant monter une opposition intérieure,
elle a conduit à un renforcement de celui-ci.
Le groupe d'amitié France Irak du Sénat a de longue date
milité pour une levée totale de l'embargo, principalement pour
des raisons humanitaires, mais aussi parce que l'expérience nous
enseigne que la démocratie dépend étroitement du
développement économique et social. Le grand poète
Rabindrahna TAGORE exprimait magnifiquement cette idée en affirmant que
« ventre creux n'a pas d'oreille ».
C'est cette conviction et cet objectif qui ont conduit le groupe
d'amitié à organiser au mois de juin 2001 une mission en Irak. La
délégation, conduite par son président M. Serge MATHIEU,
était composée de MM. Edmond LAURET, Marc MASSION et Michel
PELCHAT.
L'objectif de cette mission était de se rendre compte sur place des
conséquences sanitaires et sociales de l'embargo. C'est la raison pour
laquelle la délégation était accompagnée de trois
médecins venus opérer en Irak : Mme Nadia BENAMER,
chirurgien orthopédiste, Jean Marie PRIVAT, neurochirurgien et Gabriel
LENA, neurochirurgien pédiatre. Le rapport de ces praticiens qui nous a
été remis en janvier 2002 est joint en annexe de ce rapport
d'information.
Ce rapport exprime les analyses et les opinions de ses
auteurs
. Nous n'avons pas cru utile d'ajouter au caractère terrible
de ce rapport dont le constat est accablant et moralement inacceptable.
Depuis juin 2001, le contexte des relations avec l'Irak a été
modifié par deux faits marquants :
D'une part l'adoption des résolutions 1352 et 1382, respectivement du
1
er
juin et du 29 novembre 2001 va modifier, en l'assouplissant, le
programme « pétrole contre nourriture »,
D'autre part, les événements tragiques du 11 septembre ont
modifié l'approche que les principales puissances, et notamment les
États-Unis d'Amérique, ont de l'avenir des relations de la
communauté internationale et de l'Irak. La question d'une intervention
militaire américaine contre ce pays semble se préciser de plus en
plus.
Face à ses modifications, l'Irak a jusqu'à présent
adopté une attitude de rejet totale. Il demande une levée pure et
simple de l'embargo qui le frappe et refuse que lui soient imposées de
nouvelles modalités d'application des sanctions. Depuis 1998, l'Irak
s'oppose également à la venue de la mission d'inspection
créée par la résolution 1284. Le contexte des attentats du
11 septembre a contribué encore plus à aggraver la situation et
à dresser l'un contre l'autre deux intransigeances. L'Irak est
aujourd'hui en danger.
CHAPITRE I : LES RELATIONS FRANCO IRAKIENNES
I. UNE DÉGRADATION TEMPORAIRES DES RELATIONS POLITIQUES FRANCO-IRAKIENNES
Au moment où la délégation de votre groupe sénatorial d'amitié visitait l'Irak (juin 2001), l'image de la France s'était considérablement dégradée depuis le début de l'année 2000 en raison de son action en faveur du projet de résolution sur les sanctions dites « intelligentes ». Cette caricature parue dans Al Tawka du 21 juin 2001 stigmatisait la position jugée désormais en retrait, indifférente, de notre pays à l'ONU.
A. LA POSITION DE LA FRANCE À L'ONU
La
politique étrangère de la France, ne pouvant se satisfaire du
statu quo qui aboutit à un désastre humanitaire moralement
inacceptable, poursuit trois objectifs :
• Améliorer la situation humanitaire
• Assurer la sécurité régionale
• Restaurer l'autorité du Conseil de sécurité
Le gouvernement français, constatant le blocage de la situation depuis
l'expulsion en 1998 de l'UNSCOM et la reprise des bombardements anglo-saxons
sur l'Irak, a accepté, en 2001, de participer, au sein du Conseil de
sécurité, à la mise en place d'un dispositif nouveau
d'application des sanctions susceptible, selon lui, d'améliorer
sensiblement la situation humanitaire de la population irakienne. C'est cet
accord français sur un nouveau dispositif qui a été
à l'origine d'un très sérieux refroidissement des
relations franco-irakiennes.
Ce nouveau dispositif, prévu par la résolution 1352 du 1 er juin 2001 a été finalement entériné par le Conseil de sécurité dans la résolution 1382 du 29 novembre 2001. Celle-ci prévoit que sa mise en oeuvre opérationnelle devra intervenir le 30 mai 2002. Dans l'état actuel des choses l'Irak refuse ce dispositif et continue de prôner une levée pure et simple de l'embargo. Votre groupe d'amitié, dont l'objectif a toujours été la levée totale de l'embargo économique, souhaite que ce dispositif qui, selon toute vraisemblance s'imposera à l'Irak, soit assorti de conditions claires de levée des sanctions. Dans le contexte de l'après 11 septembre, notre action politique devrait porter sur un refus catégorique d'une intervention militaire anglo-saxonne contre ce pays et rechercher, avec l'Irak, les voies et moyens de sortie de la crise actuelle. |
1. Améliorer la situation humanitaire : les résolutions 1352, 1360 et 1382 du Conseil de Sécurité
a) Le contenu de la résolution 1352 du 1er juin 2001
La
résolution 1352, adoptée à l'unanimité par le
Conseil de sécurité le 1
er
juin 2001, peut s'analyser
comme une tentative anglo-saxonne, à laquelle les autres pays se sont
ralliés, de sortir du blocage du régime des sanctions, sans pour
autant envisager une levée de l'embargo auquel les États-Unis,
soutenus par la Grande Bretagne, s'opposent.
Cette nouvelle approche reposait sur deux principes :
• Libéraliser le flux des biens civils vers l'Irak à travers
une liste limitative de biens contrôlés (notamment en raison de
leur double usage militaire et civil potentiel), qui demeureraient soumis
à l'appréciation du comité des sanctions, dit
comité 661,
• Lutter contre la contrebande avec l'aide des pays limitrophes de l'Irak.
Il s'agissait en somme de passer d'une logique où tout est interdit sauf
ce qui est autorisé par le comité des sanctions, à une
logique où tout est permis sauf pour un certain nombre de produits
contrôlés par le même comité.
Les discussions sur les modalités pratiques d'application de ces
principes avaient porté sur deux volets principaux :
a1 - Un nouveau concept d'approbation des contrats civils
Tous les contrats qui n'incluraient pas de biens formellement visés par
la liste seraient libres d'exportation, après simple notification au
Secrétariat des Nations Unies.
Une amélioration substantielle du fonctionnement du programme
humanitaire était donc attendue d'un dispositif qui avait le
mérite pour les Etats-Unis de maintenir le cadre général
du régime des sanctions (compte séquestre, économie
irakienne administrée depuis New York).
a2 - L'amélioration des contrôles
Il s'agissait essentiellement d'améliorer le contrôle des
transactions prohibées, c'est-à-dire de la contrebande. Dans la
mesure où les efforts du gouvernement irakien allaient dans le sens d'un
contournement de l'embargo avec l'aide intéressée des pays
limitrophes, il était proposé de négocier des
« arrangements » avec les pays voisins et de leur offrir
des « compensations » en échange de cette
coopération.
Il était même envisagé que ces compensations
destinées à indemniser ces pays des effets indirects de l'embargo
sur leurs économies, soient prélevées sur les revenus du
programme pétrole contre nourriture.
b) la résolution 1360 du 3 juillet 2001
Le
dispositif de la résolution 1352 donnait un mois au Conseil pour trouver
un terrain d'entente sur la mise en oeuvre des principes qu'elle
énonçait et dont les deux volets ont été
rappelés ci-dessus.
L'Irak a immédiatement dénoncé ce nouveau projet en
mettant en avant les arguments suivants :
q L'Irak estime avoir totalement satisfait aux obligations prévues par
les résolutions de l'ONU et notamment la résolution 687 et
demande en conséquence que soient appliqués les articles 21 et 22
qui prévoient la levée des sanctions,
q Elle n'accepte pas la résolution 1284 du 17 décembre 1999 dont
les critères de déclenchement de la suspension des sanctions ne
sont pas clairs,
1(
*
)
q Elle dénonce l'absence de toute référence à une
sortie de l'embargo,
q Elle rejette le principe d'une liste de produits à double usage qui
permettrait l'instauration d'un nouvel embargo, plus sévère que
le dispositif existant,
q Elle refuse la mise en place d'une tutelle totale sur les revenus de l'Etat
irakien, y compris ceux provenant des accords de libre échange
régionaux,
q Elle dénonce un mécanisme d'indemnisation des Etats voisins qui
serait financé par les revenus provenant du compte séquestre,
c'est-à-dire, au détriment du programme humanitaire.
Cette dénonciation a été soutenue par la Russie tandis que
les pays voisins de l'Irak faisaient savoir qu'ils n'acceptaient pas la
proposition « d'arrangements commerciaux » aussi incitatifs
étaient-ils. La menace de veto de la Russie, membre permanent du Conseil
de sécurité, a abouti à l'adoption de la résolution
1360 qui reconduisait pour 6 mois le dispositif existant. L'Irak, qui avait
cessé d'exporter son pétrole pour peser sur les cours, a
considéré cette décision comme une victoire.
c) La résolution 1382 du 29 novembre 2001
La
résolution 1382, adoptée à l'unanimité par le
Conseil de sécurité deux mois et demi après les attentats
du 11 septembre 2001, résulte d'un intense travail diplomatique,
notamment en direction de la Russie et, dans une moindre mesure, de la Chine.
Elle permet de constater l'unité retrouvée du Conseil et
l'isolement de l'Irak.
Par rapport au schéma esquissé par la résolution 1352, la
nouvelle résolution se caractérise par trois points
fondamentaux :
q Elle abandonne toute référence à un système
d'arrangements et de compensations à destination des pays voisins de
l'Irak. Ceux-avaient du reste refusé de participer à ce
dispositif de contrôle des échanges économiques hors
programme pétrole contre nourriture,
q Elle publie en annexe la liste des articles sujets à examen et
détermine les procédures relatives à l'application du
nouveau dispositif,
q Elle fixe au 30 mai 2002 le commencement de mise en oeuvre du nouveau
dispositif.
Comme les autres résolution de l'ONU la R1382 rappelle le maintien
absolu de l'embargo militaire et réaffirme son « attachement
à un règlement global sur la base des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité, et des
éclaircissements nécessaires à l'application de la
résolution 1284 (1999) ».
2. Position exprimée par votre groupe d'amitié
a) Pour une levée de l'embargo civil
La
levée des sanctions a d'abord été organisée par la
résolution 687 du 3 avril 1991, dans ses paragraphes 21 et 22. Ce
dernier paragraphe vise les obligations prévues aux paragraphes 8
à 13 de la résolution qui concerne la destruction et l'engagement
de l'Irak a ne pas fabriquer des armes de destruction massive, biologiques,
chimiques et nucléaires ainsi que des vecteurs balistiques susceptibles
de les propulser. La levée des sanctions était explicitement
liée au respect par l'Irak des obligations
énumérées aux paragraphes 8 à 13 et dont
l'application a été supervisée jusqu'en 1998 par l'UNSCOM.
Les objectifs fixés par la résolution ayant été
atteints à l'issue du conflit, avec le retrait de l'Iraq du Koweït,
les sanctions auraient dû être levées surtout après
la reconnaissance des frontières entre les deux pays. La commission des
Nations Unies a coopéré avec l'Irak jusqu'en 1998. Elle a pu
effectuer sur place l'ensemble des contrôles voulus. Le comportement de
cette mission, dont l'ONU elle même a reconnu qu'elle s'était
éloigné de sa mission originelle, a été vivement
dénoncé par l'Irak qui, en dépit d'une coopération
certaine, ne voyait pas d'issue à la levée de l'embargo.
Dans l'excellent rapport de la Commission des affaires étrangères
de l'Assemblée nationale qu'a présenté notre
collègue René MANGIN
2(
*
)
l'analyse
suivante est présentée :
« Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont opposés
à la levée des sanctions, en dépit du fait que les
conditions ayant justifié l'imposition de ces sanctions étaient
caduques. L'objectif des sanctions a alors changé pour l'administration
américaine : il s'est agi d'obtenir la démission de Saddam
Hussein.
Après une période de bonne coopération de l'Iraq avec les
experts de la Commission de contrôle des armements (UNSCOM), pendant les
années 1995 à 1998, l'absence de perspectives quant à la
levée des sanctions a conduit l'Iraq à rejeter ces
procédures considérées comme humiliantes. Le rejet
iraquien a entraîné, en retour, des bombardements
unilatéraux américains et britanniques en décembre 1998
contraires à toutes les résolutions.
Comme on l'a vu, le Conseil de sécurité a adopté la
résolution 1284 pour sortir de l'impasse. Celle-ci prévoit la
suspension temporaire et renouvelable des sanctions civiles en cas de
« coopération à tous égards » de
l'Iraq avec la nouvelle Commission de contrôle des armements (CCVINU). La
résolution a été adoptée avec l'abstention de trois
des cinq membres permanents (Russie, Chine et France). La France s'est abstenue
considérant que la résolution contenait de trop nombreuses
ambiguïtés : le flou de la notion de
« coopération à tous égards »,
l'absence de précisions quant aux conditions de surveillance
financière de l'Iraq après la suspension des sanctions. Les
diplomates reprochent à la rédaction de la résolution de
faciliter le statu quo pour Saddam Hussein : mais, la résolution
fut-elle plus précise, le Président iraquien ne
préfère-t-il pas voir perdurer la situation actuelle ?
C'est pourquoi notre pays a longtemps demandé que cette
résolution soit précisée dans un nouveau texte, afin de
proposer à l'Iraq une perspective plus claire et plus précise de
suspension des sanctions.
La situation actuelle est celle d'une gestion du dossier dépourvue de
logique conductrice : les exigences récurrentes du Conseil
reflètent la mauvaise foi de certains de ses membres, l'Iraq a
été conduit à mener une politique de contournement
systématique de l'embargo, les sanctions ont pris une connotation
répressive, punitive, qui n'a plus guère de
légitimité eu égard aux objectifs du Conseil de
sécurité, et ce, quelque soit l'appréciation que l'on
porte sur le régime de Bagdad. »
Votre groupe d'amitié partage cette analyse sur la levée de
l'embargo. Celle ci demeure un objectif prioritaire non seulement pour les
raisons humanitaires évidentes mais aussi pour des raisons politiques.
Il est en effet évident que démocratie et développement
économique vont de pair.
b) position de votre groupe sur l'application des résolutions 1352 et 1382
A la
suite de la mission effectuée en Irak par votre groupe d'amitié,
des courriers, en date du 27 juin 2001, ont été adressés
au Président de la République, au Premier ministre et au ministre
des affaires étrangères pour attirer leur attention sur
l'extrême précarité dans laquelle l'embargo forçait
la population civile irakienne à vivre.
S'agissant de la résolution 1352 la position de votre groupe
d'amitié, que nous avions exprimée dans une lettre
adressée à M. Védrine le 27 juin 2001, était alors
la suivante :
« Lors des entretiens politiques, les responsables irakiens ont
utilisé vis-à-vis de la politique suivie par notre pays un
langage de critique et de déception. Il nous est reproché ce que
les autorités irakiennes considèrent comme un abandon de la
position équilibrée de la France au Conseil de
sécurité.
J'ai bien évidemment rappelé la position de la France et notre
objectif premier qui est d'alléger le sort des populations civiles.
Je voudrais, ainsi que mes collègues missionnaires, attirer votre
attention sur les arguments mis en avant par M. Tarek AZIZ, qui nous paraissent
dignes d'être pris en considération.
Fondamentalement notre groupe s'interroge sur la nécessité d'une
nouvelle résolution et d'une modification unilatérale, puisque
l'Irak s'y oppose, de la règle du jeu. Le fait même de parler de
sanctions « intelligentes » par rapport aux
précédentes est caractéristique. Notre objectif, que je
crois vous partagez à terme, est celui de la levée totale de
l'embargo économique. Plutôt qu'une nouvelle résolution
nous préférerions que les conditions de levée de l'embargo
soient vérifiées, voire même précisées. C'est
un point fondamental et le fait que l'on semble oublier dans ce nouveau projet
la possibilité de levée des sanctions nous paraît
inquiétant pour l'avenir. Une pérennisation des sanctions me
paraît aller évidemment à l'encontre de l'objectif de
retour de l'Irak dans le concert des nations.
C'est dans cet esprit de contrôle et de transparence que nous avons
appelé les responsables irakiens à accepter la venue de la
nouvelle commission de contrôle dans un esprit de coopération
mutuelle.
Le projet de résolution qui est à l'heure actuelle en cours de
négociation au sein du Conseil de sécurité, s'il devait
être adopté, risque d'avoir des effets indirects qui me paraissent
néfastes. Certes, l'inversion du principe des interdictions paraît
a priori être un gain pour alléger l'embargo et ses effets sur les
populations civiles. Il semble toutefois que la liste limitative de produits
interdits, même limitée comme je sais que vous le souhaitez,
permettrait en fait l'interdiction d'importation d'un grand nombre de produits
par le jeu de composants essentiels, par exemple aux ordinateurs.
Par ailleurs, les arrangements commerciaux incitatifs avec les pays
limitrophes, notamment la Jordanie et la Syrie, sont inacceptables pour l'Irak
qui y voit, à juste titre, un moyen de contrôler totalement les
ressources de son Etat. Ils comportent également, si ils étaient
mis en oeuvre des risques de déstabilisation de l'économie de ces
pays, notamment de la Jordanie.
Dans l'état actuel des choses, la signature par la France de cette
résolution aboutira à une crise grave entre nos deux pays. Les
effets dommageables de cette crise, notamment pour nos entreprises, ne peuvent
que nous préoccuper alors même que, grâce à vos
efforts, nous avions ménagé à notre pays une place
éminente en Irak. Je suis convaincu que la négociation est
préférable à l'affrontement et que cette nouvelle
résolution restera vraisemblablement inappliquée et inapplicable
du fait du refus irakien mais aussi des très fortes réticences
des pays voisins ».
Depuis cette lettre la résolution 1382 est intervenue et rentrera en
application au 30 mai 2002. En droit, cette résolution s'applique
à l'Irak qui, comme le rappelle le Conseil de sécurité
« est tenu de coopérer à l'application de la
présente résolution et des autres résolutions
pertinentes... ». L'Irak peut certes décider de ne pas
appliquer les résolutions des Nations Unies et d'engager une partie de
bras de fer dont la principale victime serait une fois de plus la population
civile. C'est cette position qui a été jusqu'à
présent choisie par le gouvernement irakien. On observera cependant que
le contexte économique qui prévalait en juin 2001 (tensions sur
le marché pétrolier mondial, volume des contrats en attente,
effets financiers du contournement de l'embargo) a considérablement
changé aujourd'hui. On remarquera également que le contexte
politique a été bouleversé par les attentats du 11
septembre. La marge de manoeuvre de l'Irak s'est indiscutablement
singulièrement rétrécie.
Votre groupe d'amitié, qui approuve tout objectif d'amélioration
du sort des populations civiles, constate que les critiques qu'il avait
formulées en juin 2001 ont été en partie prises en
compte :
q L'effort de notre diplomatie a porté sur la réduction de la
liste dont les produits resteront soumis au comité 661,
q Le dispositif de contrôle des échanges, hors programme
pétrole contre nourriture, a été abandonné,
q Une référence à la levée définitive des
sanctions a été incluse.
Ces avancées importantes ne permettent cependant pas de lever les
critiques opposées par le gouvernement irakien et notamment
l'utilisation qui pourrait être faite de la liste annexée à
la résolution 1382. Seule la pratique permettra de dire s'il s'agit d'un
progrès.
L'un des objectif immédiat de notre diplomatie devrait être
d'oeuvrer a préciser les modalités d'application des nouvelles
procédures. Il est particulièrement important qu'il soit bien
clair que ces nouvelles procédures se substituent totalement et
complètement aux procédures antérieures. Le dispositif
1382 entraîne en effet au moins trois conséquences fondamentales
qu'il convient de souligner et de rappeler :
q Les plans de distribution disparaissent,
q Le mandat des observateurs est à revoir profondément,
q Le contrôle d'opportunité des exportations cesse.
Ces trois conséquences bouleversent manifestement les relations de l'ONU
et de l'Irak. Votre groupe pense que si les conséquences de la
résolution 1382 sont pleinement tirées il en résultera un
effet bénéfique quasi immédiat pour l'Irak et sa
population.
Votre groupe d'amitié n'ignore évidemment pas, comme il l'avait
du reste rappelé clairement à ses différents
interlocuteurs irakiens, que la levée définitive de l'embargo
suppose une reprise de la coopération entre ce pays et les Nations Unies
et notamment le
retour d'une mission de contrôle
des armements.
Faute de ce geste, les objectifs de sécurité régionale et
de restauration de l'autorité du Conseil de sécurité ne
seraient pas atteints.
Toutefois, la rhétorique martiale qui consiste à subordonner
toute ouverture de discussion à une présence effective de la
mission de l'ONU en Irak ne peut être retenue par votre groupe
d'amitié. Le geste qui est demandé au gouvernement irakien doit
impérativement s'accompagner d'un dispositif clair de sortie de
l'embargo. Il serait souhaitable que le Conseil de sécurité
puisse, d'ici le 30 mai 2002, clarifier ce point et offrir ainsi à
l'Irak une perspective acceptable lui permettant de reprendre la
négociation avec l'ONU. Il doit également, selon votre groupe
d'amitié, s'accompagner d'un engagement particulièrement ferme et
d'une action diplomatique déterminée contre toute tentation de
régler par les armes le blocage politique actuel.
Cette position de votre groupe d'amitié rejoint très largement
celle du ministère des affaires étrangères telle que
l'exprimait M. Hubert Védrine, le 8 août 2001, en réponse
à notre lettre du 27 juin.
« D'emblée, je tiens à vous indiquer que la
politique de la France n'a pas varié à l'égard de l'Iraq
et que nous n'avons d'aucune façon renoncé à notre
position équilibrée et légaliste. Nos objectifs sont
constants. Ils visent à promouvoir une solution durable et globale qui
permette de garantir la stabilité et la sécurité
régionales ainsi que de réinsérer l'Iraq et sa population
dans la communauté internationale. La réalisation de cette
perspective ne peut cependant se décréter unilatéralement.
Elle ne pourra se décider qu'en contrepartie du respect par l'Iraq de
ses obligations internationales..
La mise en oeuvre de la résolution 1284, adoptée par le Conseil
de sécurité en décembre 1999, pourrait permettre
d'atteindre ces objectifs. Cette résolution largement inspirée
d'idées françaises repose en effet sur le principe d'une
suspension des sanctions, première étape vers leur levée,
en contrepartie de la coopération de l'Iraq avec une commission de
contrôle des armements rénovée (CCVINU). Cela suppose
cependant que l'Iraq accepte de coopérer à sa mise en oeuvre, ce
que Bagdad a refusé jusqu'ici, en dépit des encouragements
réitérés, tout au long des deux années
passées, par les autorités françaises lors de leurs
contacts réguliers avec les responsables iraquiens. Cela suppose
également, comme vous le signalez, que le Conseil de
sécurité en clarifie les termes. Ce second point, souhaité
notamment par la France et la Russie, n'a cependant reçu aucun
écho positif de la part de l'Iraq, qui s'en tient à une exigence
non recevable de levée inconditionnelle des sanctions.
Dans l'attente d'une telle perspective, que nous continuons d'appeler de nos
voeux, il nous a cependant paru nécessaire de sortir du statu quo, dont
les effets sont en tout point préoccupants, s'agissant aussi bien de la
situation de la population iraquienne, que de la préservation de la
sécurité régionale, ou de l'autorité du Conseil de
sécurité.
La France a donc appelé, au cours des derniers mois, à la mise en
place d'une nouvelle approche à l'égard de l'Iraq, qui ne soit
plus fondée sur une logique de sanctions punitives mais de vigilance et
de contrôle, susceptible de favoriser une réelle
amélioration de la situation humanitaire iraquienne et de mieux garantir
la sécurité régionale. Dans ce contexte,
différentes idées ont été avancées,
notamment par les Etats-Unis, qui nous sont apparues aller dans le sens de nos
propres préoccupations, s'agissant en particulier de la
nécessité d'aller vers la quasi-levée des sanctions
civiles, à travers un assouplissement substantiel des mécanismes
d'exportation des biens civils vers l'Iraq.
Sur cette base, le Conseil de sécurité a adopté à
l'unanimité le 1
er
juin la résolution 1352 qui exprime
l'intention du Conseil d'envisager de nouveaux arrangements, en particulier
pour libéraliser l'exportation de biens civils vers l'Iraq. Le
délai d'un mois fixé par ce texte pour mener à bien les
discussions n'a cependant pas permis de conclure. En dépit
d'avancées importantes, plusieurs questions techniques doivent encore
être réglées. Le Conseil de sécurité est donc
convenu de se donner un délai supplémentaire pour poursuivre et
achever la négociations en votant, le 3 juillet dernier, la
résolution 1360 qui reconduit pour cinq mois le programme humanitaire
dit « pétrole contre nourriture ».
Cette nouvelle approche envisagée par le Conseil de
sécurité n'a pas pour ambition de régler la question
iraquienne sur le fond, ce qui dépend de l'Iraq, ni de pérenniser
un système de sanctions, dont la France a toujours dénoncé
les effets cruels et dangereux. Il s'agit d'améliorer substantiellement
les choses et, en particulier, la situation humanitaire de la population
iraquienne, en l'absence de signes de coopération de la part de Bagdad.
Il n'est pas non plus question pour la France de remettre en cause sa relation
avec l'Iraq, pays majeur du Moyen-Orient, ni avec la population iraquienne,
à laquelle nous rattachent des liens anciens et étroits. A cet
égard, et comme vous le savez, la France demeure le seul pays occidental
à conduire, dans le cadre des résolutions des Nations unies, une
politique de coopération suivie avec ce pays, en particulier dans les
domaines culturel et linguistique mais aussi médical et universitaire et
ce, dans le souci de contribuer au désenclavement intellectuel de
l'Iraq, à la reformation de ses élites universitaires ainsi
qu'à l'atténuation des difficultés de sa population, dans
l'attente de la levée des sanctions.
Nous sommes enfin très sensibles à ce que, dans le cadre du
programme humanitaire, les entreprises françaises puissent poursuivre le
développement de leur action en Iraq et y préserver leur rang.
Cet objectif ne doit pas conduire notre politique à s'écarter des
principes et des objectifs qui l'ont toujours guidée et que nous avons
toujours exposés avec clarté et franchise aux Iraquiens. Ces
principes restent, à nos yeux, la seule véritable voie vers une
sortie de crise durable et globale. »
3. L'amélioration des relations politiques depuis juin 2001
Les
tensions qui avaient opposé les deux pays se sont apaisées
dès le mois de septembre 2001. Lors d'un interview accordé
à l'AFP le 31 octobre, le ministre des affaires étrangères
M. Naji Sabri Al-Hadithi, a indiqué qu'il souhaitait ouvrir une nouvelle
page des relations franco-irakiennes et qu'il était prêt à
oeuvrer en ce sens.
Cette position, confirmée par le vice premier ministre, M. Tarek Aziz,
souligne bien le rôle que notre pays pourrait jouer dans la
résolution de ce conflit tant vis-à-vis de nos partenaires
européens qu'au Conseil de sécurité. L'intransigeance de
la politique américaine conduit l'Irak a opposer une même
intransigeance, tout dialogue étant rendu impossible.
Notre pays et notre diplomatie peuvent jouer, comme ils l'ont fait depuis
1990, un rôle de modérateur. Notre connaissance
particulière du monde arabe, nos liens anciens avec l'Irak, une position
constante de condamnation des conséquences humanitaires de l'embargo,
notre volonté d'aboutir à une solution de la crise et à la
réintégration de l'Irak dans le concert des nations, notre souci
d'assurer la sécurité régionale, donnent à la
France une légitimité indiscutable pour trouver les
éléments de compromis nécessaires. Votre groupe
d'amitié est persuadé que le contexte actuel offre une
opportunité pour établir, d'ici le 30 mai 2002, une
négociation et permettre l'application, avec le concours de l'Irak, de
la résolution 1382, première étape de la levée
définitive des sanctions.
B. ENTRETIENS AVEC M. TAREK AZIZ, VICE-PREMIER MINISTRE ET AVEC M. SAADOUN HAMMADI, PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Les
entretiens politiques qu'a eus votre délégation, notamment avec
M. Tarek Aziz, Vice premier ministre, et avec M. Saadoun Hammadi,
président de l'Assemblée Nationale, ont consisté en une
vive dénonciation de ce qu'ils considéraient alors comme un
changement profond de la politique de notre pays vis-àvis de l'Irak.
Tout en soulignant les liens d'amitié entre les deux pays, et en
s'autorisant de cette amitié pour employer un langage vigoureux, M.
Tarek Aziz a été particulièrement clair à ce sujet.
Après avoir rappelé le contexte juridique que constituent les
résolutions du Conseil de sécurité, il a
réitéré le refus de son pays, comme de la France qui
s'était alors abstenue, de la résolution 1284.
L'Irak refuse totalement les nouvelles résolutions 1352 et 1382 qui
remettent selon lui en cause l'accord obtenu avec la résolution 986
« pétrole contre nourriture » et son Memorandum of
understanding de 1996. Celui ci demeure, aux yeux des Irakiens la seule base
légale du programme pétrole contre nourriture.
Juridiquement parlant , M. Saadoun Hammadi a plaidé pour une
levée de l'embargo, « l'Irak ayant rempli toutes ses
obligations ». Il a notamment indiqué que la question des
armes de destructions massives avait été réglée et
que son pays ne constituait pas une menace pour ses voisins.
Le Vice Premier ministre a vivement regretté que la position
française définie en 1994 par M. Alain Juppé, alors
ministre des affaires étrangères, ait été
modifiée. Elle serait passée d'une interprétation
légaliste (toute les résolutions mais rien que les
résolutions) qui était ressentie à Bagdad comme une
position amie, à un ralliement à la position anglo-saxonne
définie dans les projets de résolution 1352 qui vise à
établir un nouveau régime de sanctions. Cette position est
jugée inamicale vis-à-vis de l'Irak.
La dégradation du climat politique entre les deux pays s'explique, selon
M. Tarek Aziz, par la proximité des élections
présidentielles. Le vice-premier ministre n'attend de ce fait aucun
infléchissement significatif de la position française avant le
milieu de l'année 2002 quand notre pays disposera d'un exécutif
et d'un législatif reconstitués.
Certes, l'Irak entretient de bonnes relations économiques et culturelles
avec la France. M. Tarek AZIZ distingue le partenariat naturel des deux pays,
de la difficile gestion quotidienne des relations franco-irakiennes. La France
ne participe pas aux interdictions de vol au nord et au sud de l'Irak et ne
soutient pas les opposants au régime en place. Il n'en reste pas moins,
selon lui, que le fond de la résolution soutenue par la France est
dirigé contre le gouvernement irakien. Elle vise en effet à
contrôler toutes les ressources de l'Irak, en dehors de l'application du
mémorandum, en provenance des pays voisins (Jordanie, Syrie et Turquie).
Le ton critique employé par M. Tarek Aziz et M. Saadoun Hammadi devant
la délégation du groupe d'amitié a été
progressivement atténué au cours des mois suivants. Selon M.
Tarek Aziz l'Irak a une « relation naturelle » avec la
France qui est à juste titre considérée comme le principal
support de son pays en Europe.
II. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES SIGNIFICATIFS
A. UN RECUL APPARENT DANS UN MARCHÉ QUI DÉPEND POUR PARTIE DU POLITIQUE
Le
commerce avec l'Irak s'effectue dans le cadre très contraignant des
sanctions imposées depuis août 1990.
Depuis 1996 dans le cadre des dispositions de la résolutions 1986
« pétrole contre nourriture » la France, en partie
en raison de ses positions équilibrées vis-à-vis de
l'Irak, a obtenu un montant cumulé de contrats de plus de 3,5 milliards
de dollars durant les sept première phases de ce programme.
Ce lien politique évident, valable pour tous les pays travaillant en
Irak, est du reste clairement affirmé par les responsables irakiens.
C'est ainsi qu'en septembre 2001, le nouveau ministre des affaires
étrangères , M. Naji Sabri AL HADITHI, a déclaré
que l'Irak « ne fermait pas la porte aux entreprises
françaises, mais qu'il était illogique de leur accorder la
priorité dans la mesure où la position française sur
l'Irak à l'ONU avait évolué ».
Toutefois, l'interprétation des échanges économiques
avec l'Irak dépend de son mode de présentation.
Le
ministère du commerce irakien publie des informations relatives aux
contrats conclus et à leur montant financier potentiel. Hors il est
évident que bon nombre de ces contrats sont bloqués et mis en
attente par le comité des sanctions et que certains contrats
n'aboutissent pas du fait de la défaillance du fournisseur. Enfin, les
statistiques irakiennes donnent une photographie à un instant
donné alors que de nombreux contrats n'ont de réalisation
effective que deux à trois ans après qu'ils aient
été conclus par les irakiens.
Cette position présentation plus politique que technique permet une
classification officieuse des partenaires de l'Irak en fonction de leur
nationalité.
Selon cette classification notre pays n'appartiendrait pas à la liste
« prioritaire » qui comprendrait les pays qui soutiennent
le plus l'Irak parmi lesquels on peut citer la Russie, l'Inde, la Chine et les
pays arabes les plus proches comme la Syrie, l'Egypte, la Jordanie, le Yemen,
le Liban, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, les Emirats
arabes unis. Cette liste traduit bien la stratégie du gouvernement
irakien qui privilégie les attributaires de contrats selon des
critères politiques et géographiques. Cette dernière
stratégie confirme clairement la réorientation du commerce
légal irakien vers ses voisins. Quatre pays - l'Egypte, la Jordanie, la
Syrie et les Emirats arabes unis se partageaient en août 2001 40% du
marché irakien.
Pourtant la France serait en tête de la liste « non
prioritaire » notamment avant les autres pays européens. Avec
environ 3% du marché irakien la France se situerait en onzième
position.
Selon cette lecture, il s'agirait d'un recul très significatif puisque
de décembre 1996 à juin 2000 (Phases I à VII) nos
entreprises possédaient 15 % environ de ce marché. Cette
situation exceptionnelle et remarquable s'est dégradée lorsque
les autorités irakiennes ont fait le choix de « l'option
arabe » qui privilégiait l'approche régionale et
géographique. En phase VIII la France occupait la sixième
position avec un montant de 500 millions de $ (contre 153 M$ en phase IX) et
avait 6% du marché irakien.
Ce recul s'est effectué de manière caractéristique au
profit de pays comme la Syrie, la Turquie ou la Tunisie mais aussi du Vietnam
et de l'Australie. Le lien entre intérêts politiques et
économiques est particulièrement clair pour la Syrie dont les
parts de marché ne cessent de progresser au rythme des visites du
Premier ministre ou du président Bachar El Hassad.
Mais ce recul s'est également effectué au profit de la Russie,
considérée par Bagdad comme son principal soutien au Conseil de
sécurité. Ce pays détient désormais plus de 8% de
parts de marché (contrats conclu avec l'Irak) à l'issue de la
phase IX du programme « pétrole contre nourriture ».
Mais il faut également souligner qu'elle détient également
le triste record des contrats en attente au comité des sanctions. Il
n'est du reste pas à exclure que le déblocage d'une partie de ces
contrats en attente n'ait pas contribué à l'adoption à
l'unanimité de la résolution 1382, le 29 novembre 2001.
Ce recul de notre part de marché serait d'autant plus significatif qu'il
correspond à des contrats passés avant le refroidissement
politique entre nos deux pays dû à la « nouvelle
approche » des sanctions du Conseil de sécurité. Nos
entreprises disposent donc d'une marge de progression appréciable qui
pourra être d'autant mieux mise à profit que leurs efforts seront
soutenus politiquement. Une des voies intéressantes à explorer
est évidemment celle de soumissionner aux contrats par
l'intermédiaire de filiales implantées dans les pays arabes
désormais favorisés par Bagdad.
Toutefois, ce recul ne serait qu'apparent et dépend de la
présentation statistique retenue par le gouvernement irakien. En termes
de flux commerciaux, la France demeure le premier fournisseur de l'Irak en 2000
et 2001 avec 14% de parts de marché.
B. LA FRANCE DEMEURE LE PREMIER FOURNISSEUR DE L'IRAK EN TERMES DE FLUX DE MARCHANDISES
L'Europe
dispose de la seule source de statistique complète et
détaillée en termes de flux de marchandises.
Selon ces sources, l'application de l'embargo se reflète de
manière particulièrement évidente dans l'analyse du
commerce extérieur irakien. L'Irak qui absorbait 0,2% des importations
mondiales en 1990, n'en représente plus aujourd'hui que 0,04%. En termes
de valeurs, les importations irakiennes ont diminué de 50% depuis 1990,
avec 2,75 milliards de $ en 2000.
Ses importations, dans le cadre du programme pétrole contre nourriture,
sont extrêmement peu diversifiées même si leur structure a
considérablement évolué depuis 1996.
Aujourd'hui les produits humanitaires, essentiellement l'agroalimentaire et la
santé ne représentent plus qu'un tiers des importations
irakiennes comme peut en témoigner la composition des plans de
distribution soumis par le gouvernement irakien à l'ONU à chaque
phase du programme pétrole contre nourriture. Les statistiques
européennes montrent notamment que les produits pharmaceutiques ne
représentent que 4% des importations de ce pays et qu'ils ne paraissent
donc pas constituer une priorité.
Pour l'Union européenne, huit catégories de produits
représentent près de 90% des importations irakiennes :
q Biens d'équipements industriels (27,5%)
q Véhicules de transport routier (12,4%)
q Produits laitiers 11%
q Équipements électriques (9,7%)
q Appareils d'optique (8,2%)
q Sucre (8%)
q Préparations à base de céréales (7%)
q Produits pharmaceutiques (4%)
En dépit du souhait des autorités irakiennes de réorienter
leur commerce vers les pays arabes, notamment les pays voisins et la Russie,
cette politique n'est pas encore entrée dans les faits. Pratiquement les
principaux fournisseurs de l'Irak appartiennent au monde industrialisé.
q Trois pays ont des parts de marchés d'exportations proches de
14% :
-
-
§ La France (390 millions de dollars)
§ L'Australie (380 millions de dollars)
§ La Chine (360 millions de dollars)
-
-
§ L'Italie 260 millions de dollars et 9,6% du marché)
§ L'Allemagne (140 millions de dollars et 5,1% du marché)
§ La Russie (100 millions de dollars et 3,6% du marché)
C. UN MARCHÉ QUI DEMEURE TRÈS ATTRACTIF POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES
Le
marché irakien demeure bien évidemment un marché
attractif. L'Irak est - en dépit de sa situation actuelle - un pays
riche qui dispose de 12% des ressources pétrolières mondiales.
Les destructions résultant de la guerre de 1990, puis des effets de
l'embargo (détérioration des équipements, non
remplacement....) en font un gigantesque chantier potentiel de reconstruction
des infrastructures et des équipements dans tous les domaines.
C'est la raison pour laquelle la présence de nos entreprises en Irak
doit être encouragée et soutenue par les pouvoirs publics.
Compte tenu de la structure des échanges franco-irakiens et leur
extrême concentration sur un petit nombre de secteurs (biens
d'équipement 369%, agroalimentaire 30% et industrie automobile 15%) nos
entreprises ont une marge de progression très appréciable surtout
si la structure des importations irakiennes évolue et se diversifie.
L'amélioration des relations franco-irakiennes depuis juin 2001 et la
simplification à venir des procédures d'attribution des contrats
constituent en effet des opportunités qu'il faut continuer à
mettre à profit.
Votre groupe est persuadé que si l'Irak accepte le mécanisme
prévu par la résolution 1382 et sa mise en oeuvre dès le
second semestre 2002, nos entreprises, dont la présence et la
persévérance sur le marché irakien sont des atouts
extrêmement importants, pourront encore développer leurs parts de
marché.
Les chiffres des exportations et des importations françaises (source
DREE) confirment l'attractivité de ce marché.
Répartition sectorielle
|
Exportations françaises |
Importations françaises |
||||
11 mois 2000 |
11 mois 2001 |
Variation en % |
11 mois 2000 |
11 mois 2001 |
Variation en % |
|
T O T A L |
323 |
580 |
79,3% |
1 284 |
930 |
-27,6 |
AGRICULTURE,SYLVICULTURE, PÊCHE |
6,4 |
0 |
0 |
0 |
||
Industries agricoles et alimentaires |
108,3 |
21,7 |
-80,2 |
0 |
0 |
|
AGRO-ALIMENTAIRE |
116,7 |
22,2 |
-30,7 |
0 |
0 |
|
Habillement, cuir |
0,1 |
0,2 |
173 |
0 |
0 |
|
Edition, imprimerie ou reproduction |
0,1 |
0 |
-81,4 |
0 |
0 |
|
Pharmacie, parfumerie et entretien |
8,7 |
12,8 |
47,6 |
0 |
0 |
|
Equipement du foyer |
0,2 |
3,3 |
1 592,8 |
0 |
0 |
|
BIENS DE CONSOMMATION |
9,1 |
16,3 |
70,6 |
0 |
0 |
|
Produits de l'industrie automobile |
42,6 |
117,8 |
179,5 |
0 |
0 |
|
INDUSTRIE AUTOMOBILE |
42,6 |
117,8 |
178,5 |
0 |
0 |
|
Bateaux, avions, trains, motos |
1,3 |
13,6 |
880,2 |
0 |
0 |
|
Equipements mécaniques |
61,9 |
131,1 |
111,7 |
0 |
0 |
|
Equipements électriques et électroniques |
48,3 |
165,3 |
242 |
0 |
0 |
|
BIENS d'ÉQUIPEMENT |
111,5 |
309,9 |
177,9 |
0 |
0 |
|
Produits minéraux |
1,6 |
2,1 |
30,7 |
0 |
0 |
|
Produits de l'industrie textile |
0,1 |
0 |
0 |
0 |
||
Produits en bois, papier ou carton |
1,0 |
0,1 |
-1 |
0 |
0 |
|
Chimie, caoutchouc, plastiques |
12,1 |
18,0 |
48,4 |
0 |
0 |
|
Métaux et produits métalliques |
5,3 |
11,8 |
121,5 |
0 |
0 |
|
Composants électriques et électroniques |
21,8 |
81,4 |
272,7 |
0 |
0 |
|
BIENS INTERMÉDIAIRES |
41,8 |
113,2 |
170,1 |
0 |
0 |
|
INDUSTRIE |
205,1 |
667,3 |
171,7 |
0 |
0 |
|
Combustibles et carburants |
0,7 |
0 |
-83,4 |
1 284 |
930 |
27,6 |
ÉNERGIE |
0,7 |
0,2 |
-83,4 |
27,8 |
||
Produits divers |
1,8 |
0 |
LES PRINCIPAUX PRODUITS EXPORTÉS
Exportations Millions d'Euros
Moteurs, génératrices et... |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
105 |
|||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Véhicules automobiles |
|
|
|
|
|
|
|
68 |
|
|
|
|||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Matériel de distributions |
|
55 |
|
|
|
|
||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Matériel médicochirurgical... |
|
36 |
|
|
|
|
|
|||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Moteurs et turbines |
|
92 |
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Pompes, compresseurs et... |
|
25 |
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Machines pour l'extraction... |
|
18 |
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Instruments de mesure |
|
11 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Matériel ferroviaire roulant |
|
11 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||
Préparations pharmaceutiques |
|
11 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
LES
PRINCIPAUX PRODUITS IMPORTÉS
(milliers d'Euros, parts en %)
Pétrole brut et gaz naturel |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
743 |
||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||
Lampes et appareils d'éclairage |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||
Ordinateurs et équipements... |
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
Importations Millions d'Euros |
|||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||
Principaux produits exportés en 2001 |
Expor-
|
Impor-
|
Solde |
Part (( * )1) |
Part
|
||||||||||||||||||
1. |
Moteurs, génératrices et transformateurs |
105 127 |
|
105 127 |
23,4 |
23,4 |
|||||||||||||||||
2. |
Véhicules automobiles |
68 044 |
|
68 044 |
15,1 |
38,5 |
|||||||||||||||||
3. |
Matériel de distribution et de commande |
54 506 |
|
54 505 |
12,1 |
50,6 |
|||||||||||||||||
4. |
Matériel médicochirurgical et d'orthopédie |
35 666 |
|
35 586 |
7,9 |
58,6 |
|||||||||||||||||
5. |
Moteurs et turbines |
32 100 |
|
32 100 |
7,1 |
65,7 |
|||||||||||||||||
6. |
Pompes, compresseurs et systèmes hydrauliques |
24 648 |
|
24 548 |
5,5 |
71,2 |
|||||||||||||||||
7. |
Machines pour l'extraction ou la combustion |
17 698 |
|
17 698 |
3,9 |
75,1 |
|||||||||||||||||
8. |
Instruments de mesure et de contrôle |
11 381 |
|
11 391 |
2,6 |
77,6 |
|||||||||||||||||
9. |
Matériel ferroviaire roulant |
11 188 |
|
11 188 |
2,5 |
80,1 |
|||||||||||||||||
10. |
Préparations pharmaceutiques |
10 806 |
|
10 806 |
2,4 |
62,6 |
|||||||||||||||||
11. |
Articles de robinetterie |
6 267 |
|
6 267 |
1,4 |
83,9 |
|||||||||||||||||
12. |
Aliments adaptés à l'enfant et diététiques |
6 264 |
|
6 264 |
1,2 |
85,1 |
|||||||||||||||||
13. |
Autres machines d'usage général |
6 226 |
|
5 226 |
1,2 |
86,3 |
|||||||||||||||||
14. |
Matériel de levage et de manutention |
6 215 |
|
5 215 |
1,2 |
87,4 |
|||||||||||||||||
15. |
Tubes en fonte |
4 704 |
|
4 704 |
1,0 |
88,5 |
|||||||||||||||||
16. |
Accumulateurs et piles électriques |
4 057 |
|
4 057 |
0,8 |
89,4 |
|||||||||||||||||
17. |
Sucre |
3 630 |
|
3 830 |
0,8 |
90,2 |
|||||||||||||||||
18. |
Produits agrochimiques |
3 458 |
|
3 458 |
0,8 |
90,8 |
|||||||||||||||||
19. |
Réservoirs métalliques |
3 091 |
|
3 091 |
0,7 |
91,6 |
|||||||||||||||||
20. |
Éléments en matières plastiques pour la construction |
2 717 |
|
2 717 |
0,6 |
92,2 |
|||||||||||||||||
Principaux produits importés en 2001 |
Expor-
|
Impor-
|
Solde |
Part (( * )2) |
Part
|
||||||||||||||||||
1. |
Pétrole brut et gaz naturel |
|
743 028 |
743 028 |
100,0 |
100,0 |
|||||||||||||||||
2. |
Lampes et appareils d'éclairage |
1 858 |
3 |
1 855 |
0,0 |
100,0 |
|||||||||||||||||
3. |
Ordinateurs et équipements informatiques |
43 |
2 |
41 |
0,0 |
100,0 |
D. LA PRÉSENCE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE À LA FOIRE DE BAGDAD
La
34
ème
Foire internationale de Bagdad s'est tenue du
1
er
au 14 novembre 2001. Cette importante manifestation est chaque
année l'occasion pour nos entreprises de réaffirmer leur
engagement dans ce pays .
Le groupe d'amitié du Sénat participe dans la mesure de ses
moyens à la promotion de nos entreprises en Irak. Il organise chaque
année un dîner de préparation de cette foire, en pleine
coopération avec le Bureau des Opérations Internationales (BOI)
afin de permettre aux exposants de rencontrer les représentants du
ministère des affaires étrangères et du ministère
de l'Economie, des finances et de l'industrie. Ce dîner s'est tenu au
Sénat le 10 octobre et a réuni plus de 90 participants.
Votre groupe ne peut que se féliciter du succès de la
participation des entreprises françaises à la foire de Bagdad. Le
Pavillon français a été honoré en recevant la
médaille d'honneur du meilleur pavillon étranger pour la
quatrième année consécutive.
Cette année, malgré les événements du 11 septembre,
le pavillon français a inauguré un bâtiment neuf de 2000
m
2
et 500 m
2
d'aire libre (RVI, ambulances Peugeot...).
Le nombre des exposants a dépassé les cents entreprises (104).
Notre pays se situait ainsi en nombre d'entreprises et en surface d'exposition
au premier rang avant l'Allemagne (30), l'Espagne (35) ; l'Italie
(institutionnel), Belgique (6), Russie (64) et devant tous nos autres
partenaires européens (Danemark, Suède, Grèce, Autriche,
Finlande...).
Cette forte participation, jointe à la déficience relative cette
année de nos principaux concurrents, y compris les Russes, a
marqué les autorités iraquiennes et a contribué à
replacer nos entreprises dans les fournisseurs prioritaires de l'Iraq.
Le pavillon français a reçu encore cette année
d'importantes visites officielles montrant, comme l'a déclaré M.
Tarek Aziz, que la période de refroidissement de cet été
était du passé et qu'il fallait tourner la page. Le Ministre du
Commerce, M. Mohammed Medhi Saleh, le Vice-premier ministre chargé des
Finances, M. Hickmat Al-Azzawi, le Vice-premier ministre chargé du
pétrole, M. Saddam Hassam Zebin, les deux vice-ministres du
Pétrole, MM. Leith Al-Hadithi et Hussein Al-Haditi ainsi que de nombreux
autres officiels sont venus visiter le pavillon français.
Une réunion particulière avait été organisée
par le Ministre du Commerce et exclusivement réservée aux
entreprises françaises. Elle a permis de dissiper les doutes et les
malentendus permettant aux entreprises françaises de se positionner
à nouveau, à leur niveau, dans la compétition pour
l'obtention de contrats.
Les secteurs d'activité correspondant aux besoins iraquiens de
coopération étaient présents : entreprises du secteur
pétrolier et para pétrolier, de l'agriculture et de l'industrie
agro-alimentaire, de la mécanique, des transports routiers, terrestres,
ferroviaires, de la signalisation, de la communication, des
télécommunications, de l'électricité, des
infrastructures, du traitement de l'eau, des travaux publics, des biens
d'équipement. Tous ces secteurs étant bien évidemment
inscrits dans le cadre du Programme des Nations-Unies, «Pétrole
contre Biens humanitaires».
La participation française était composée à la fois
de grosses entreprises (automobiles Peugeot, Schneider Industries,
TotalFinaElf, Renault V.I., Thermodyn, Nestlé-France) mais aussi, et
c'est la particularité des conditions actuelles d'accès au
marché iraquien, d'entreprises de taille plus petite
(Téléconsult, Haco, Tractel, Hydrokit, Delta Plus, Groupe
Bacou-Dalloz, Francexpa...).
Avec la France, les principaux pavillons représentés
étaient la Turquie, la Russie, l'Allemagne, l'Espagne, puis l'Autriche,
l'Italie, la Grèce, la Belgique, l'Irlande, la Finlande, la
Suède, le Danemark. Hors de l'Europe, on comptait l'Egypte, la Jordanie,
la Syrie, la Palestine, les Emirats, le Pakistan, la Corée, la Malaisie,
l'Inde, la Yougoslavie, la Bulgarie, le Bangladesh, puis en Afrique, la
Tunisie, le Maroc, l'Algérie, la Libye, l'Afrique du Sud et, en
Amérique latine, le Brésil.
Nous ne pouvons que constater que malgré la situation politique et
économique très complexe de cet automne 2001, les entreprises
françaises ont eu raison de participer cette année plus que toute
autre à la Foire internationale de Bagdad. Leurs principaux concurrents
de la France n'ont pas eu cette même stratégie qui est à
porter au crédit et au courage de nos entreprises et des organisateurs
du Pavillon français.
Pour l'avenir, votre groupe d'amitié, tout en comprenant que l'absence
de notre ministre du commerce extérieur ait été
justifiée par la préparation de la Conférence
ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à
Doha, souhaite vivement que la prochaine foire de Bagdad voit la
présence d'un ministre français qui vienne ainsi soutenir et
encourager l'effort considérable de nos entreprises.
III. LA POLITIQUE CULTURELLE DYNAMIQUE DANS UN CONTEXTE DE CULTURE SOUS EMBARGO
A. LE SCANDALE D'UNE CULTURE SOUS EMBARGO
M. Human
Abdul-khalid Abdul Ghafour, ministre irakien de la culture et de l'information
a dénoncé à maintes reprises ce qu'il appelle une
« culture sous embargo » lors des conférences des
ministres de la culture organisées par l'UNESCO .
Sans reprendre les données comparatives chiffrées que produit le
gouvernement irakien, il est évident que les effets de la guerre du
golfe ont été particulièrement destructeurs en
matière de culture et d'éducation. Avant 1990 l'Irak était
un pays dont l'ensemble du monde saluait les performances en matière
d'éducation, de lutte contre l'analphabétisme et l'illettrisme.
Cette action avait du reste été récompensée, en
1985, par le prix de l'Unesco contre l'illettrisme. L'enseignement
supérieur avait été considérablement
développé et de nouvelles générations de
diplômés mettaient leur compétence au service de leur pays.
La presse, l'édition se développaient également. Une vie
culturelle importante fleurissait dans un pays à l'histoire plusieurs
fois millénaire.
Votre groupe d'amitié ne peut que condamner une politique qui aboutit
de facto à un embargo culturel que rien ne justifie juridiquement.
A cet égard l'épisode récent de la menace de destruction
de livres irakiens temporairement importés en France à l'occasion
des journées du livre irakien organisées les 12 et 13 octobre
2001 à Paris par l'Académie diplomatique, est
particulièrement révélateur d'une application rigide des
résolutions de l'ONU.
Cette menace de détruire un millier de livres venait après le
blocage par les autorités douanières françaises des livres
destinés au Salon du livre euro-arabe organisé par l'Institut du
monde arabe en juin 2001. Des difficultés de même type
interviennent chaque année par exemple pour la Foire de Paris.
Il convient de rappeler que les résolutions de l'ONU, les dispositions
européennes et en conséquences la législation
douanière française, interdisent l'importation de biens irakiens,
hors pétrole et produits pétroliers. La vente ou même le
don de tout autre bien étant prohibé strictement. En
l'espèce, un conflit avec le transitaire et le fait que les
autorités irakiennes ne souhaitaient pas prendre en charge
financièrement le rapatriement de ces livres, risquaient de conduire
à leur mise au pilon.
Outre le symbole particulièrement fort que constitue la destruction de
livres il est difficile d'expliquer que la France a pu organiser librement un
salon du livre français à Bagdad en décembre 2000, et
instituer un ostracisme vis-à-vis de la culture irakienne.
Heureusement, les autorités françaises ont trouvé une
solution permettant la tenue de ces journées à Paris. Il est
toutefois révélateur que l'on doive arriver à une
situation de crise dont les conséquences sur l'image de notre pays et
sur les efforts que déploie notre coopération sont
évidemment négatives.
Afin que des situations de même type ne se reproduisent pas il semble
à votre groupe d'amitié qu'une interprétation souple des
résolutions devrait être adoptée en matière
culturelle.
Nous avons déjà accepté l'importation temporaire de biens
culturels mais aussi commerciaux. S'agissant des biens culturels il serait
nécessaire de permettre la diffusion des ouvrages d'auteurs irakiens en
France. Les ouvrages importés pourraient, s'ils demeuraient sur le
territoire français être considérés comme un don.
Outre cette mesure d'assouplissement, qui nous paraît parfaitement
respecter l'esprit de la résolution 661, votre groupe d'amitié
souhaite vivement que la France oeuvre pour que les domaines culturel,
artistique, universitaire, éducatif ou pédagogique, ne soient pas
inclus dans le régime des sanctions. Votre groupe rappelle
néanmoins avec vigueur qu'il ne s'agit que d'une mesure partielle avant
une levée totale de l'embargo.
B. LA COOPÉRATION CULTURELLE FRANÇAISE
En 1995,
la France a décidé de relancer sa coopération avec Bagdad
en prenant quelques mesures significatives (réhabilitation du centre
culturel de Bagdad, attribution de bourses d'études, aide à
l'enseignement du français dans le secondaire et le supérieur).
En 1997, le Centre culturel français a officiellement réouvert.
Il organise régulièrement des manifestations culturelles de
qualité (conférence, expositions, projection de films etc...). Il
accueille 600 étudiants en langue française.
En octobre 1999, une délégation de présidents
d'universités françaises a étudié sur place les
modalités de reprise de la coopération universitaire avec l'Irak
dans les domaines du droit, de la pharmacie, de la médecine, de
l'ingénierie, de l'informatique et du français.
L'enseignement du français a survécu difficilement durant les
cinq années de fermeture de notre ambassade à Bagdad. Pourtant
notre langue est aujourd'hui enseignée à 10000
élèves dans le secondaires et à 2500 étudiants dans
le supérieur. Cet enseignement du français rencontre une demande
croissante qui accompagne les progrès et le développement de
notre coopération universitaire, notamment dans les sections
scientifiques et techniques.
Enfin, de nouvelles perspectives de coopération pourraient se dessiner
dans les domaines de l'archéologie et de la muséologie, dans le
secteur de l'audiovisuel ainsi que dans celui de la coopération
administrative.
CHAPITRE II
UNE SITUATION SANITAIRE ET SOCIALE : UN GÉNOCIDE RAMPANT
I. LE RAPPORT DE L'OMS
Une
mission de l'OMS, conduite par le professeur égyptien Abdelaziz SALEH,
directeur adjoint du bureau régional de l'OMS pour la
méditerranée orientale, s'est rendue en Irak du 27 au 31
août 2001 afin de recueillir les éléments d'un rapport plus
complet sur la situation dans ce pays.
Elle avait pour mission de terminer le travail sur les propositions
détaillées d'études concernant les maladies non
transmissibles et les malformations congénitales, et d'établir un
calendrier pour l'exécution des travaux de recherche. Ceux-ci auront
pour objectif d'enquêter sur l'augmentation invoquée de ces
pathologies en Iraq et d'examiner le lien éventuel avec des facteurs de
risque, notamment dans l'environnement.
Cette mission était composée de spécialistes de divers
domaines médicaux et notamment des maladies non transmissibles, de
l'épidémiologie, d'environnementalistes, de cancérologues
de gynécologues etc....
Le rapport publié par l'OMS en octobre 2001 trace un constat
inquiétant de la dégradation des conditions de la santé en
Irak.
A. BON NIVEAU DU SYSTÈME DE SANTÉ EN IRAQ EN 1990.
Avec un
P.I.B. par tête de 2.600 dollars par habitant (en 1984), l'Iraq disposait
avant la guerre du Golfe d'une infrastructure sociale performante, d'un
accès aux soins de santé et d'un personnel médical
entraîné et compétent. Le pays était auto-suffisant
en matière d'installation d'unité de purification d'eau potable
et disposait d'un système de traitement des eaux usées assez
performant.
L'approvisionnement continu du pays en électricité et en eau
potable générait des conditions favorables au
développement d'un niveau d'hygiène décent pour l'ensemble
de la population.
Cette situation, souligne le rapport, s'est rapidement traduite par une nette
amélioration des indicateurs en matière de santé publique.
En 1990, la situation était la suivante :
o taux de natalité : 43 pour mille ;
o taux brut de mortalité : 8 pour mille ;
o taux de mortalité infantile : 52 pour mille naissances ;
o taux de mortalité en-dessous de 5 ans : 94 pour mille
naissances ;
o taux de mortalité maternelle : 160 pour cent mille
naissances ;
o espérance de vie : 66 ans.
Les services publics généraux assuraient l'approvisionnement de
l'eau potable à 95 pour cent dans les villes et à 75 pour cent
dans les campagnes. La protection maternelle et infantile touchait 90 pour cent
des femmes enceintes. 86 pour cent d'entre elles bénéficiaient
d'un soutien prénatal.
Les représentants de l'O.M.S. concluent qu'en 1990 le système de
santé iraquien, qui fournissait une très large gamme de
prestations aux usagers dans l'ensemble du pays, avec un corps médical
performant, était l'un des meilleurs de la région.
B. DÉTÉRIORATION SANS PRÉCÉDENT DU SYSTÈME DE SANTÉ DE 1991 À 1995
Au
lendemain de la guerre du Golfe, les conditions sanitaires de la population
iraquienne se sont largement détériorées :
dégâts importants dans les infrastructures économiques,
fermeture des stations d'épuration d'eau, chute de 40 pour cent de
l'approvisionnement en eau potable, absence de médicaments et de
fournitures médicales, détérioration des moyens de
communication et de transport, réapparition de la pauvreté, de la
malnutrition et des maladies autrefois éradiquées
(choléra, poliomyélite, tuberculose, malaria...).
Le rapport de l'O.M.S. montre que ces principales maladies ont fortement
augmenté depuis 1990, chez les enfants de moins de cinq ans :
o pneumonie : 32.003 cas en 1990 - 105.418 cas en 1994 -
152.932 cas en 2000.
o diarrhée : 882.375 cas en 1990 - 963.420 cas en
1994 - 1.002.549 cas en 2000.
o tuberculose : 4.753 cas en 1987 - 14.735 cas en 1990 -
19.581 cas en 1994 - 29.196 cas en 1996 et 25.251 cas en 2000.
o poliomyélite : 41 cas en 1987 - 10 cas en 1990 - 186 cas en
1991 - 53 cas en 1994, puis une diminution progressive jusqu'à
l'éradication de la maladie en l'an 2001.
o Les décès dus aux maladies non transmissibles ont
également progressé. Ils sont passés de 81 en 1989
à 763 en 2000 pour les maladies cardio-vasculaires - de 83 à 601
pour le diabète et de 316 à 1.821 pour les maladies mentales,
dans les mêmes périodes.
o Le nombre des opérations chirurgicales par mois est tombé de
15.125 en 1989 à 8.668 en 1990 pour atteindre 4.679 interventions en
1994 et 5.004 en 2000.
o Les admissions hospitalières sont relativement stables, passant de 70
pour mille habitants en 1990 à 67 pour mille habitants en 2000.
o Les travaux d'analyse de laboratoire ont suivi la même
évolution. Ils ont chuté de 1.494.050 actes en 1989 à
501.095 en 1995 pour se stabiliser à 504.051 bilans en 2000.
C. LA RÉSOLUTION 986 N'A PU, AU MIEUX, QUE STABILISER LA SITUATION EXISTANT EN 1996
Les
principaux enseignements tirés de cette étude montrent que le
programme « pétrole contre biens humanitaires » n'a
pu que pallier une situation déjà très critique. Les
experts de l'O.M.S. confirment qu'on est encore loin d'un retour à
l'état sanitaire prévalant en 1990.
Les comparaisons pour la mortalité infantile sont très
éloquentes. Pour la période 1979-1984, elle est de 54 cas pour
mille - de 1984 à 1989 elle chute légèrement à 47
cas pour mille - de 1989 à 1994 elle s'élève à 79
cas pour mille pour atteindre, de 1994 à 1999 108 cas pour mille. Les
chiffres de la mortalité infantile en-dessous de cinq ans sont, pour les
mêmes périodes, de 67 pour mille - 56 pour mille - 92 pour mille
et 131 pour mille.
800.000 enfants en-dessous de cinq ans souffrent actuellement de malnutrition
et d'anémie. Le rapport note une déficience chronique en vitamine
D. Les pertes de poids sont très fréquentes.
Le rapport du représentant de l'O.M.S. en Iraq montre que la situation
est loin d'être optimale. Les ressources de la résolution 986 ont
permis de stopper la dégradation de l'état sanitaire de la
population, mais pas de l'améliorer dans des proportions suffisantes.
Chacun reconnaît que les deux problèmes majeurs restent
l'approvisionnement en eau potable et en électricité, qui
dépassent largement l'action de l'O.M.S. Ces deux secteurs clés
conditionnent la vie quotidienne des habitants et celle des infrastructures
hospitalières (pas de chambres froides, dysfonctionnement des
laboratoires, pas de banque du sang...). Cette situation nous a
été confirmée lors des visites d'hôpitaux à
Bagdad ou à Babylone.
Le rapport dénonce d'une manière plus large les mises en attente
qui s'élevaient dans le domaine de la santé à 51 millions
de dollars au 31 décembre 1998, pour atteindre 218 millions de dollars
au 31 décembre 2000 et 351 millions de dollars au 30 décembre
2001. Il relève une très nette progression de ces
dernières entre décembre 2000 et septembre 2001.
En conclusion le rapport de l'OMS souligne qu'en dépit des très
nombreuses réhabilitations de dispensaires et de centres
médicaux, elle ne peut, à elle seule, mettre en oeuvre les
énormes investissements que requerrait une remise en état d'un
secteur médical, lourdement sinistré.
II. LE RAPPORT DE LA MISSION SÉNATORIALE
A. UN ENTRETIEN AVEC M. UMAID MIDHAT MUBARAK , MINISTRE DE LA SANTÉ (20 JUIN 2001)
M. Umaid
MIDHAT MUBARAK a dénoncé les conséquences médicales
de l'embargo. Il a notamment souligné que l'Irak ne recevait que 48,4%
des commandes de médicaments qu'elle avait passées par contrat,
le reste étant bloqué au niveau du comité des sanctions.
Le ministre a indiqué que 850.000 irakiens avaient une carte de
rationnement pour l'attribution de médicaments.
Beaucoup des problèmes sanitaires auxquels son ministère fait
face tiennent aux conséquences des coupures d'électricité
et du très mauvais état des canalisations en eau potable.
Une malnutrition généralisée continue de sévir avec
de dramatiques conséquences sur la croissance des enfants. Les maladies
infectieuses et chroniques ont connu une progression très importantes
depuis 10 ans. Il en va de même du développement des cancers dont
la progression est aggravée par le fait que les demandes de
matériels de diagnostic préventif sont bloquées par le
comité 661.
Le premier problème auquel doit faire face l'Irak est celui de la
prévention, notamment des maladies infectieuses. D'importants efforts
sont faits pour informer la population.
S'agissant des hôpitaux les services de maintenance ont de très
grandes difficultés du fait de l'embargo et du caractère
incertain de l'acceptation des contrats. Il en va de même pour les
questions de communication avec les hôpitaux et avec les ambulances
puisque le comité 661 a refusé l'équipement en standards
téléphoniques modernes.
Selon M. Umaid MIDHAT MUBARAK les insuffisances ou même l'absence de
matériels, notamment dans le domaine de la radiothérapie et de la
chimiothérapie, revenait à condamner à mort les malades
qui en avaient besoin.
D'une manière générale, les incertitudes sur les contrats,
le caractère absurde de certains refus, les retards dus à la mise
en attente empêchent d'avoir une politique du médicament, des
équipements, de leur entretien et de leur maintenance cohérente
et de long terme.
M. Umaid MIDHAT MUBARAK a souhaité que la coopération
française en matière de santé soit dynamisée. Il a
rappelé qu'il avait invité le ministre français de la
santé, M. Bernard Koutchner, à effectuer une visite officielle en
Irak, mais qu'aucune réponse n'avait encore été
donnée.
Dans le domaine de la santé le Service de l'action humanitaire (SAH) est intervenu jusqu'en 2000 pour la mise en place d'actions d'urgence en direction prioritairement de la population enfantine (programmes nutritionnels, vaccins, chirurgie) mais également dans le cadre d'action à plus long terme (réhabilitation d'infrastructures hospitalières, séminaires pharmaceutiques, mise en place d'atelier épidémiologique ou de chirurgie cardiaque). Afin de pérenniser les actions mises en place par le SAH des projets de coopération médicale, en partenariat avec plusieurs établissements hospitaliers et universitaires français dans les secteurs de la laparoscopie, de la cancérologie, de la pharmacie et de la pédiatrie sont en cours |
Après avoir souligné la compétence et
l'extrême dévouement des médecins irakiens, le ministre a
indiqué que d'importants problèmes de formation des jeunes
diplômés se posaient tant au niveau de l'acquisition des
connaissances que de la formation continue.
Il a souhaité que des délégations de médecins
français puissent venir en Irak pour former et opérer sur place.
La formation sur place est particulièrement importante car elle permet
d'utiliser les matériels qui sont à disposition en Irak. En effet
les stages à l'étranger dispensent une formation de grande
qualité mais avec les matériels les plus modernes et les plus
sophistiqués dont l'Irak, du fait de l'embargo, ne dispose pas. De
retour en Irak ces médecins devront travailler avec des matériels
obsolètes mais existants.
Par contre des stages dans des domaines spécialisés comme la
cardiologie ou encore des stages infirmiers dans des domaines comme la
neurologie seraient utiles.
Répondant à une question du docteur Privat, le ministre a
également insisté sur la difficulté de se procurer la
documentation et les revues médicales et les difficultés de
participation à des congrès.
B. RÉSUMÉ DU RAPPORT DES EXPERTS MÉDICAUX
L'un des
objectifs principaux de la mission du groupe d'amitié sénatorial
en Irak était de procéder à une évaluation des
effets de l'embargo sur l'état de santé de la population
irakienne, en particulier infantile ; Le rapport réalisé par le
docteur Nadia Benamer chirurgien Orthopédiste) et le docteur Jean Marie
Privat (Neurochirurgien), annexé au présent rapport
d'information, est basé sur une étude des données
épidémiologiques du Ministère de la santé
irakienne, confirmées par les rapports des instances internationales
(OMS, Unicef), ainsi que sur les visites des centres de santé à
Bagdad et à Babylone (hôpitaux, dispensaires) et
l'expérience pratique d'opérations. Le texte suivant a
été transmis à votre groupe d'amitié comme un
résumé du rapport complet publié en annexe. Comme le
rapport dans son ensemble il exprime les analyses et les opinions de ses
auteurs.
« L `extrême précarité de la situation
sanitaire a été confirmée dès la première
visite hospitalière au centre de Bagdad. Les visites effectuées
au cours de la mission ont montré que cette situation s'appliquait
à l'ensemble du territoire irakien. Il est du reste vraisemblable que
les conditions sanitaires et l'approvisionnement en médicaments soient
meilleurs à Bagdad que dans le reste du pays. Comme le confirme l'OMS,
la résolution 986 du conseil de sécurité des Nations
unies signée en 1996 par l'Irak n'a pas permis d'éviter la
catastrophe prévue en 1991.
Malgré les efforts déployés par les services hospitaliers,
le manque de moyens est tel que certains hôpitaux ressemblent à
des "mouroirs d'enfants".
Les déficits concernent l'ensemble des secteurs pouvant avoir des
conséquences directes et indirectes sur la santé d'une population.
Les grandes fractures sociales s'ajoutent à la misère de
l'état sanitaire, de la médecine, à une disparité
entre les hôpitaux "privilégiés" peu nombreux où il
y a une concentration du peu de moyens existants et les autres.
Les pénuries alimentaires persistent ; ce pays est sous alimenté
depuis 1990 ; le programme alimentaire mondial a montré que l'indice du
pouvoir d'achat est inférieur à 20 fois le seuil au-dessous
duquel il existe une insuffisance nutritionnelle dans la famille depuis 1955.
Les quotas pharmaceutiques (les classes de médicaments autorisés
sont toujours insuffisantes) rendent impossible les schémas
thérapeutiques même les plus élémentaires tel que le
traitement d'une angine. Les pénuries de médicaments par exemple
les pénuries d'insulines pour les diabétiques, ainsi que leur
coût moyen rapporté au salaire moyen, aggravent bien
évidemment cette situation.
Aux manques de matériel paramédical, de produits de base
(perfusions, seringues), de matériel chirurgical consommable, viennent
s'ajouter les problèmes de distributions dans les centres de
santé, l'insuffisance des transports et des communications, un
matériel lourd obsolète (pauvreté des équipements
médicaux), l'absence de maintenance, les dégradations des
infrastructures, les coupures d'électricité (la conservation de
certains produits est impossibls notamment les vaccins), le manque d'eau
potable (touchant plus de 50 % de la population).
La science est gelée depuis 10 ans. Alors que ce pays était
parmi les plus avancés de la région, le manque d'accès
aux nouvelles technologies se répercute sur la formation des
médecins et des paramédicaux.
Tous ces problèmes font que les urgences ne sont pas assurées,
qu'il existe une diminution de plus de la moitié des investigations
biologiques et de 60 % des activités chirurgicales par rapport à
1989. Il n'y plus de médecine préventive efficace (absence de
vaccination). Les difficultés, voire l'impossibilité
d'accéder aux soins adaptés, résument pour la
majorité des malades leur dramatique quotidien.
Les conséquences à court et à long terme sont la
dénutrition, les résurgences des maladies infectieuses
(choléra fréquent), l'augmentation des maladies infantiles, la
réapparition de pathologies initialement éradiquées
(poliomyélite, 0 cas en 1989, OMS). La fréquence et l'aggravation
des maladies dites bénignes sur un terrain de malnutrition,
exacerbées par l'arrêt des campagnes de prévention sont
responsables d'une mortalité importante en particulier infantile
dès les premières années de l'embargo.
La sous nutrition dont est victime la population irakienne a donné
naissance à de grands états carentiels tels le marasme, le
kwashiorkor, maladies qui sont habituellement fréquentes dans les pays
en voie de développement dont l'Irak ne faisait pas partie en 1989.
En ce qui concerne les irradiations, et la question de la responsabilité
de l'utilisation d'armes à uranium appauvri, les médecins qui
accompagnaient la mission ont retenu deux constatations :
q L'augmentation anormale de la fréquence des cancers,
q des malformations et la prédominance des patients originaires des
zones bombardées (Bassora et environs).
Les conséquences socio-psychologiques de l'embargo sont
considérables :
q Les guerres successives, l'embargo, la dégradation de
l'économie, et l'absence de conditions sanitaires minimales sont
responsables d'un important exode rurale vers la capitale mais aussi d'un
exode des autres villes vers Bagdad.
q le bouleversement de la cellule familiale, et la diminution de la
scolarisation (sur 5 millions d'enfants plus de 40 % ne sont plus
scolarisés) sont également des conséquences directes de
l'embargo.
q La recrudescence des maladies mentales (avec une incidence directe sur
l'augmentation du taux des suicides) est liée au désespoir d'une
population épuisée moralement et physiquement, qui meure de plus
en plus jeune.
Les conséquences d'un état de guerre militaire, puis
économique, ont des conséquences psychologiques évidentes
chez les enfants de moins de 12 ans qui ont toujours vécu sous ces
contraintes.
L'irakien est au niveau le plus bas de la pyramide de Maslow qui est
basée sur la santé, la sous nutrition et
l'insécurité permanente. L'Irak s'avance lentement mais
incontestablement vers le passé ; il est non seulement en danger, mais
il le devient également. pour les pays alentours ainsi qu'à
l'échelle planétaire. Le non respect des consensus
thérapeutiques d'utilisations des médicaments crée des
résistances bactériennes aux antibiotiques et l'extension de
certaines maladies graves comme la poliomyélite entre autre.
Les indicateurs de santé font état d'une mortalité de plus
de 1 million de morts supplémentaires qui résulte majoritairement
des problèmes socioéconomiques dus à l'embargo et aux
sanctions.
Sur le plan sanitaire trois priorités claires apparaissent :
q lutter contre la malnutrition,
q permettre les campagnes de vaccinations, notamment pour prévenir les
maladies infantiles,
q lutter contre les cancers.
En dépit de l'intervention du programme « pétrole
contre nourriture » depuis 1996 les moyens dont dispose l'Irak pour
sortir de cette sous nutrition et cette dégradation du secteur sanitaire
sont notoirement insuffisants. La mission médicale a en particulier pu
constater l'obsolescence des moyens en matériel (il existe
exceptionnellement des matériels récents mais l'absence de
maintenance et de pièces de rechange les rendent indisponibles
dès la première panne). Le système D, ne saurait pallier
l'insuffisance de ces moyens. La mission médicale ne peut que constater
que les soins de santé primaires essentiels ne peuvent être
assurés en Irak. Notamment l'étude épidémiologique
des maladies infectieuses en Irak de 1996 à 2001 fait état
d'aucune amélioration significative de leur incidence.
L'étude pratique effectuée par les médecins qui ont
accompagné la mission sénatoriale s'avère confortée
par l'étude des dossiers cliniques qui montre à l'évidence
que la moitié des enfants malades présentés sont
condamnés à mourir. Quant à l'expérience
chirurgicale au bloc opératoire dans un hôpital de Bagdad, elle a
permis de constater l'insuffisance des moyens, y compris des plus simples
(comme les champs opératoires usés, insuffisants pour recouvrir
en totalité le patient), le manque d'asepsie, et le retard de
"l'école chirurgicale". »
*
* *
Les
rapports de l'OMS, les déclarations du ministre irakien de la
santé et les constatations de la mission médicale qui
accompagnait votre groupe d'amitié convergent pour décrire une
dégradation sans précédent de la situation de la
santé dans ce pays, due aux conséquences de l'embargo.
Votre groupe de ne peut toutefois pas ignorer que les Nations Unies et
naturellement le gouvernement américain, rendent les autorités
irakiennes responsables de cette situation. C'est ainsi que dans le dernier
rapport du Secrétaire général, acceptant le plan de
distribution de la Phase XI du programme pétrole contre nourriture
(rapport du 4 janvier 2002) le directeur exécutif du programme Irak
indique :
« En outre, je voudrais réitérer ce qu'a
déclaré le Secrétaire général à
plusieurs reprises dans ses rapports au Conseil de sécurité
(voir, par exemple, S/2001/919, par. 105), à savoir qu'avec
l'amélioration des niveaux de financement du programme, le Gouvernement
iraquien est effectivement en mesure de remédier aux problèmes de
nutrition et de santé du peuple iraquien, s'agissant notamment de
l'état nutritionnel des enfants. .../...Contrairement aux
préoccupations exprimées à maintes reprises par le
Gouvernement iraquien au sujet des pénuries de médicaments et de
fournitures médicales, à moins que le Gouvernement iraquien
considère que les fournitures qui sont déjà disponibles ou
qui sont dans la filière suffisent pour satisfaire les besoins du peuple
iraquien, l'Organisation des Nations Unies demande respectueusement au
Gouvernement iraquien d'accroître les montants alloués et de faire
en sorte que les pénuries continues de médicaments et de
fournitures médicales dans le système public de soins de
santé soient éliminées. »
Votre groupe d'amitié n'entend pas trancher ce différend sur
la responsabilité respective du comité 661, des
dysfonctionnements du programme dus aux mises en attente, et du gouvernent
irakien sur l'état de pénurie dont souffre la population
irakienne.
Les effets cumulés depuis plus de dix années aboutissent à
un génocide rampant inacceptable. La dénonciation de cet
état de fait s'est jusqu'à présent heurtée à
un mur d'indifférence scandaleux.
Aujourd'hui, au delà de polémiques qui ne servent qu'à
exonérer de responsabilités les acteurs de ce drame en en
renvoyant la responsabilité sur l'autre, le meilleur moyen de lever ces
interrogations est de supprimer totalement l'embargo.
CHAPITRE III
UNE POLITIQUE DE SANCTIONS INUTILE ET INEFFICACE
I. LES SANCTIONS, L'EMBARGO ET SON CONTOURNEMENT
En ce qui concerne l'analyse du mécanisme et des effets des différents régimes de sanctions imposées en application du chapitre VII de la Charte des nations Unies, votre groupe d'amitié renvoie à l'excellent rapport de notre collègue député René Mangin, qui a publié récemment un rapport intitulé « ONU : les sanctions en question ». (AN 2001 n°3203 quinzième législature).
II. LE PROGRAMME PÉTROLE CONTRE NOURRITURE
Immédiatement après la guerre du Golfe en 1991,
l'Organisation des Nations Unies avait dépêché en Iraq une
mission qui a annoncé une catastrophe imminente au cas où les
besoins humanitaires vitaux ne seraient pas rapidement satisfaits. Dès
août 1991, le Conseil de sécurité avait proposé
l'idée de base du programme pétrole contre nourriture dans un
souci d'éviter la catastrophe humanitaire identifiée clairement.
Ce n'est cependant que cinq ans plus tard, en 1996, que le Gouvernement
iraquien et le Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies ont
signé un mémorandum d'accord précisant les conditions
d'application de la résolution 986 (1995), adoptée 13 mois
auparavant par le Conseil de sécurité. Cette résolution
fixait les modalités du programme pétrole contre vivres.
Ce programme pétrole contre vivres a toujours été
conçu comme une mesure temporaire dont le terme serait
déterminé par l'application des résolutions notamment la
résolution 687 (1991) du 3 avril 1991.
L'accord de 1996
permettait à l'Iraq de vendre du pétrole
d'une valeur allant jusqu'à 2 milliards de dollars au cours d'une
période de 180 jours. Le plafond pour les ventes de pétrole a
été réduit en 1998 et finalement supprimé en 1999,
permettant ainsi au programme d'être centré non seulement sur
l'achat de denrées alimentaires et de médicaments, mais
également sur la réparation des infrastructures essentielles, y
compris celles de l'industrie pétrolière.
Il convient de rappeler qu'avec l'adoption de la résolution 1330 (2000)
du Conseil de sécurité, le 5 décembre 2000, ce sont
quelques 72 % des recettes pétrolières qui financent le programme
humanitaire en Iraq (59 % allant aux gouvernorats du centre et du sud et 13 %
aux trois gouvernorats du nord). Les sommes restantes sont ainsi
réparties :
• 25 % vont à la Commission d'indemnisation à Genève,
• 2,2 % couvrent les dépenses engagées par l'Organisation
des Nations Unies pour gérer le programme,
• 0,8 % vont à l'administration de la Commission de contrôle,
de vérification et d'inspection des Nations Unies.
Auparavant, seulement 66 % étaient affectés au programme
humanitaire (53 % allant aux gouvernorats du centre et du sud et 13 % aux trois
gouvernorats du nord), la Commission d'indemnisation recevant 30 % des
recettes.
Outre les dépenses alimentaires, les fonds prélevés sur
les deux comptes humanitaires servent à financer l'achat de
matériel et de pièces de rechange destinés à
l'industrie pétrolière. Le Gouvernement iraquien est responsable
de l'achat et de la distribution des fournitures dans les 15 gouvernorats du
centre et du sud. L'Organisation des Nations Unies exécute les
programmes dans les trois gouvernorats du nord de Dahouk, Soulaïmaniyah et
Erbil pour le compte du Gouvernement iraquien.
4(
*
)
Depuis que le premier lot de denrées alimentaires est arrivé en
mars 1997, des denrées d'une valeur de 7,5 milliards de dollars et des
fournitures médicales d'une valeur de 1,4 milliard de dollars sont
arrivées en Iraq.
En avril 1998, le Conseil de sécurité a approuvé une
recommandation du Secrétaire général visant à
relever le plafond des ventes de pétrole de 2 milliards de dollars
à 5 milliards 265 millions de dollars, ce qui donnait 3,4 milliards de
dollars pour un programme humanitaire plus large.
Tous les contrats signés par le Gouvernement sont envoyés au
Bureau chargé du Programme Iraq à New York pour être
traités et, dans la plupart des cas, soumis pour examen au Comité
des sanctions créé par la résolution 661. Certains
contrats peuvent désormais être approuvés par le
Secrétariat de l'ONU sur la base des listes approuvées par le
Comité dans le cadre de la «procédure de la voie rapide
». A dater du 31 août 2001, le Bureau chargé du Programme
Iraq avait reçu des contrats d'une valeur de plus de 33.7 milliards de
dollars, dont 27.8 milliards de dollars ont été approuvés
et 3,75 milliards de dollars mis en attente. Des fournitures humanitaires et du
matériel destiné à l'industrie pétrolière
d'une valeur de 15.4 milliards de dollars ont été livrés
au centre et au sud de l'Iraq.
Chiffres de base (source ONU)
Les premières exportations de pétrole au titre du programme
« pétrole contre nourriture » ont quitté
l'Iraq le 10 décembre 1996. Pour les trois premières phases de
180 jours chacune, le Conseil de sécurité a fixé un
plafond de 2 milliards de dollars pour la valeur du pétrole devant
être exporté. Pour les phases IV et V le plafond a
été porté à 5,2 milliards, mais le faible prix du
pétrole et la situation de l'industrie pétrolière
iraquienne ont empêché d'atteindre ce montant. Pour la phase VI,
le Conseil de sécurité a reconnu les déficiences
précédentes et a autorisé l'Iraq à exporter 3
milliards de dollars de pétrole en plus et pour la phase VII, a
éliminé complètement le plafond.
Exportations de pétrole de décembre 1996 au 25 janvier 2002
Phases I à X |
Volume
de pétrole
|
Valeur
du pétrole exporté
|
Une |
120,0 |
2 150 |
Deux |
127,0 |
2 125 |
Trois |
182,0 |
2 085 |
Quatre |
308,0 |
3 027 |
Cinq |
360,8 |
3 947 |
Six |
389,6 |
7 402 |
Sept |
343,4 |
8 302 |
Huit |
375,7 |
9 564 |
Total ou moyenne |
2 206,5 |
$38 602 |
Phase |
Volume
de pétrole
|
Valeur
du pétrole exporté
|
Neuf |
293 |
6 668 (ou $5 638) |
Dix |
300,2 |
6 004 (ou $5 350 ) |
Onze |
78,5 |
1 359(ou $1 177 ) |
Total ou moyenne |
2 878 |
€14 031 (ou $12 165) |
L'objectif principal du Programme a été de fournir à
l'Iraq des denrées alimentaires et des fournitures médicales en
quantité suffisante. À compter de la phase IV, les pièces
de rechange et le matériel destinés au secteur pétrolier
ont également été considérés comme
prioritaires afin de permettre à l'Iraq de continuer à exporter
du pétrole et même d'augmenter ses exportations, le Conseil de
sécurité ayant autorisé ce dernier à importer, dans
un premier temps, jusqu'à 300 millions de dollars puis jusqu'à
600 millions de dollars de matériel grâce aux revenus provenant
des ventes effectuées lors de chaque phase.
Situation au 30 novembre 2001
Phase I - X |
Contrats reçus |
Contrats approuvés par le Conseil de Sécurité |
Contrats notifiés par la procédure accélérée |
Contrats en attente |
Chargement arrivé |
||||
Nombre |
en million de dollars |
Nombre |
en million de dollars |
Nombre |
en million de dollars |
Nombre |
en million de dollars |
en million de dollars |
|
Alimentation* |
3 355 |
$10 963 |
1 364 |
$5 782 |
1 679 |
$5 177 |
0 |
$0 |
$8 167,5 |
Traitement des aliments |
1 489 |
$3 131 |
953 |
$2 269 |
167 |
$131 |
121 |
$426 |
$1 097,3 |
Santé* |
3 492 |
$2 891 |
2 028 |
$1 704 |
839 |
$583 |
186 |
$409 |
$1 532,1 |
Pièces détachées du secteur pétrolier |
4 956 |
$3 772 |
2 958 |
$1 802 |
895 |
$841 |
562 |
$577 |
$1 019,2 |
Électricité |
1 856 |
$3 978 |
1 510 |
$2 597 |
2 |
$9,5 |
157 |
$1 160 |
$1 211,3 |
Eau/assainissement |
856 |
$1 956 |
586 |
$1 227 |
29 |
$114 |
127 |
$529 |
$797,9 |
Agriculture |
1 826 |
$3 337 |
1 120 |
$2 256 |
186 |
$290 |
213 |
$490 |
$1 380,3 |
Enseignement |
679 |
$1 007 |
377 |
$559 |
67 |
$167 |
106 |
$209 |
$267,7 |
Transport/ Télécommunication |
764 |
$2 018 |
543 |
$1 413 |
0 |
$0 |
107 |
$370 |
$326,2 |
Logement |
1 061 |
$2 429 |
671 |
$1 890 |
98 |
$306 |
91 |
$156 |
$755,6 |
Allocations speciales |
33 |
$399 |
1 |
$8 |
0 |
0 |
5 |
$45 |
0 |
Les gouvernorats du nord |
4 831 |
$1 256 |
4 126 |
$1 138 |
329 |
$92 |
2 |
$0,3 |
**$990.6 |
Total |
25 198 |
$37 137 |
16 237 |
$22 645 |
4 291 |
$7 711 |
1 677 |
$4 371 |
$17 546 |
* Comprend les fournitures pour les secteurs de l'alimentation et de la santé achetées en vrac par le Gouvernement iraquien pour les trois gouvernorats du nord ** Ne comprend pas les fournitures pour les secteurs de l'alimentation et de la santé achetées en vrac par le Gouvernement iraquien pour l'ensemble du pays.
CHAPITRE IV
LA QUESTION IRAKIENNE ET LES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001
Les
attentats du 11 septembre sont intervenus à un moment où le
Conseil de sécurité essayait de trouver les voies et moyens d'une
sortie de la crise qui oppose l'Irak et la communauté internationale
depuis 1990. La proposition de « sanctions intelligentes »
qui permettrait une levée importante de l'embargo qui affecte les
populations civiles a été acceptée par le Conseil de
sécurité à l'unanimité le 30 novembre 2001. Son
application se heurte néanmoins à l'opposition de l'Irak.
Ce bras de fer continu qui dure depuis 1998 s'est aggravé dans le
contexte de l'attaque subie par les États-Unis en septembre. Au moment
où ce rapport est publié, la probabilité d'une
intervention militaire américaine en Irak est réelle et pourrait
intervenir au printemps 2002. Si cette hypothèse devait se
concrétiser elle constituerait une erreur politique majeure aux
conséquences imprévisibles. Le présent chapitre entend
démonter que le fondement juridique d'une telle intervention n'existe
pas actuellement.
I. LES RISQUES D'UNE INTERVENTION MILITAIRE
Le
Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan a clairement
indiqué le 19 décembre 2001 :
« fondamentalement, j'ai indiqué à plusieurs occasion
qu'il serait malavisé d'attaquer l'Irak maintenant. Je n'ai aucune
preuve liant l'Irak à ce qui s'est passé le 11 septembre. Toute
tentative de ce type ne peut bien sur qu'exacerber la situation et augmenter
les tensions dans une région déjà en ébullition
à cause du conflit israélo-palestinien ».
Le président de la République M. Jacques Chirac, semble partager
pleinement cette analyse en déclarant lors de la cérémonie
des voeux du corps diplomatique, le 4 janvier 2002 :
« Il faut aller jusqu'au bout de cet objectif militaire (la
destruction d'Al-Quaida) et le circonscrire au territoire afghan, sauf preuve
irréfutable de collusion d'un autre pays dans l'organisation des
attentats ou dans l'accueil des principaux responsables de ces actes
criminels »
Nous ne pouvons que partager ces analyses. Une opération militaire en
Irak serait évidemment une erreur politique majeure. Il semble pourtant
qu'en dépit de ces avertissements répétés cette
hypothèse progresse aux Etats-Unis, non seulement dans les médias
et auprès des lobbys anti-irakiens, mais aussi au sein du gouvernement
comme en témoigne les propos tenus par le président BUSH lors du
discours sur l'état de l'Union le 29 janvier 2002.
A. UNE ÉVOLUTION INQUIÉTANTE DE LA POLITIQUE AMÉRICAINE VIS-À-VIS DE L'IRAK
Afin de pouvoir clairement présenter l'évolution actuelle de la situation vis-à-vis de l'Irak, il convient de rappeler brièvement les principales étapes qui ont jalonné l'histoire des 10 dernières années.
Chronologie résumée 1990-2002
2
août 1990:
Les forces iraquiennes envahissent le Koweït. Le
même jour, le Conseil de sécurité adopte la
résolution 660 (1990) condamnant cette invasion.
|
Dès avant les élections présidentielles
américaines, la question du maintien des sanctions imposées
à l'Irak était au centre du débat politique. Après
plus de 10 ans de sanctions internationales qui ont abouti à un
véritable génocide sur la population et à un renforcement
du régime dirigé par M. Saddam Hussein, la résolution 1284
du 17 décembre 1999 a constitué une tentative de
résolution des contradictions.
En dépit de mises en garde concordantes et répétées
les autorités et l'opinion publique américaine s'orientent
clairement vers une intervention militaire contre l'Irak.
Dès après les attentats du 11 septembre la position politique des
Etats-Unis sur le dossier irakiens s'est considérablement durcie. Le 18
septembre l'Irak était mise en garde fermement contre toute tentative de
profiter de la situation créée par les attentats. Comme le
déclarait publiquement le Secrétaire d'Etat américain le
« seuil de patience » des Etats-Unis avait
singulièrement baissé.
Par ailleurs, les attaques à l'anthrax subies en octobre 2001 ont
déclenché une dénonciation, notamment par la presse, des
programmes biologiques supposés de l'Irak. C'est ainsi que certains
journaux comme le Wall street journal mettent en relief une
« convergence au moins tactique d'intérêts »
entre l'Irak et ses capacités supposées de production d'armes
biologiques et bactériologiques et Al Quaida. Ces allégations,
qui ne reposent que sur des suppositions non étayées, rencontrent
bien évidemment les efforts de l'aile « dure » du
département de la défense, conduite par M. Wolfowitz, de
convaincre l'administration américaine de préparer une
intervention militaire en Irak pour « finir le travail »
commencé en 1991.
Dans un contexte où les interventions qui avaient dénoncé
dans le passé les effets d'un embargo meurtrier sont de plus en plus
estompées par le choc des attentats de New York et de Washington, les
pressions de l'aile dure du département de la Défense, de la
presse et du Congrès s'intensifient sur le président Bush dont
les messages rappellent que l'Irak doit se soumettre aux résolutions des
Nations Unies et accepter la nouvelle commission de contrôle
instituée par la résolution 1284.
Il est certain que la détermination de l'administration
américaine à « en finir avec le régime de
Bagdad » est une ligne forte de la politique des Etats-Unis qui s'est
renforcée depuis le 11 septembre.
Les partisans d'une intervention militaire, qui ne peuvent s'appuyer sur une
quelconque implication de l'Irak dans les attentats du 11 septembre et d'un
lien avec Al-Quaida, font valoir deux arguments qui légitimeraient selon
eux une action :
q la persistance de programmes de fabrication d'armes de destruction massive,
q le faible coût supposé d'une intervention après les
succès connus en Afghanistan
Votre groupe d'amitié ne peut être que frappé par
l'évolution de la position américaine en faveur d'une
intervention militaire contre l'Irak. Il convient de répéter avec
vigueur - comme l'a fait le Secrétaire général des Nations
Unies, que « toute tentative de ce type ne peut qu'exacerber la
situation et augmenter les tensions dans une région déjà
en ébullition à cause du conflit
israélo-palestinien ».
Les déclarations du Président Georges W. BUSH lors du discours de
l'Union, le 29 janvier 2002, paraissent annoncer clairement une intervention en
Irak. Elles évoquent un lien entre la possession supposées
d'armes de destruction massive par certains Etats qui forment un
« axe maléfique » et la possibilité pour
ceux-ci d'en armer des réseaux terroristes.
Discours sur l'état de l'Union, 29 janvier 2002
« Notre second objectif consiste à
empêcher
les gouvernements qui parrainent le terrorisme de menacer les États-Unis
et leurs amis au moyen d'armes de destruction massive.
|
Ces
propos ont été dénoncés clairement par notre
diplomatie. M. Hubert VEDRINE devait déclarer en réaction que
« ce n'est pas avec ce type de formule qu'on peut trouver des
solutions ». De son coté, le ministre français de la
défense, M. Alain RICHARD, a déclaré que la France est
opposée à des frappes américaines contre l'Iraq et qu'elle
peut se retirer de l'alliance contre le terrorisme si les Américains
pensent à frapper l'Iraq.
Certes, votre groupe ne peut que prendre au sérieux l'assertion selon
laquelle des armes de destructions massives pourraient être
utilisées contre les démocraties. Cette menace doit effectivement
être prise au sérieux. C'est la raison pour laquelle votre groupe
a toujours indiqué clairement que le retour des inspecteurs en Irak
permettrait de faire toute la lumière sur cette question. En
l'état actuel des choses il serait éminemment souhaitable que les
accusations américaines soient étayées sur des faits
précis. Le premier ministre russe M. Mikhail KASSIANOV a estimé,
le 2 février 2002, à la suite d'entretiens avec le vice
président Dick CHENEY que le président américain avait
lancé des affirmations sans preuves.
L'analyse américaine paraît reposer sur une vision optimiste de
l'isolement de l'Irak dans le monde arabe. On imagine mal, compte tenu de la
puissance du sentiment anti-américain, que la « rue
arabe » et donc les gouvernements des pays de la zone, puissent
demeurer indifférents.
Il serait par ailleurs une illusion de croire qu'une telle opération
pourrait se faire à un moindre coût militaire. Au contraire, nous
croyons qu'une fois de plus la population civile serait durement frappée
et qu'elle se rassemblerait, dans un réflexe nationaliste, autour de ses
dirigeants.
Enfin, il convient de rappeler qu'en 1991 c'était bien le risque
d'éclatement de l'Irak (entre chiites et sunnites, entre kurdes et
arabes, entre nord et sud) qui avait conduit la coalition menée par les
Etats-Unis à ne pas poursuivre son offensive.
De ce point de vue, les choses n'ont pas changé. Il ne paraît pas
y avoir aujourd'hui d'alternative crédible au parti Baath. C'est, nous
semble t-il, le point de vue constant de la politique française. Or il
serait minimale qu'une action militaire prévoie une alternative au
régime actuellement en place qui soit susceptible de maintenir
l'intégrité de l'Irak. Il ne semble pas que ce soit le cas.
En dépit de ces arguments multiples et concordants il semble aujourd'hui
que la politique américaine s'oriente vers une intervention militaire
unilatérale en Irak dont les dangers pour l'ensemble de la
communauté internationale doivent être clairement
indiqués.
B. L'ATTITUDE IRAKIENNE EN RÉACTION AUX ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE
La
position irakienne peut se résumer de la manière suivante :
q persistance du refus des résolutions 1284, 1352 et 1382
q non condamnation des attentats, mais condamnation du terrorisme
q préparation militaire et économique à un éventuel
conflit
Il semble toutefois que cette position intransigeante connaisse depuis peu une
certaine inflexion devant la réalité de la menace.
1. une position intransigeante
Les
autorités irakiennes ont choisi de ne pas condamner les attentats du 11
septembre. Cette attitude qui isole l'Irak des autres pays arabes et de la
communauté internationale, unanime à dénoncer la barbarie
de ces actes, a été soulignée par trois interventions du
président Saddam Hussein, les 12, 13 et 15 septembre. Le 18 septembre,
une nouvelle lettre ouverte du Président Hussein a été
publiée. Au cours de ces interventions les attentats ont
été présentés comme une conséquence de la
politique impériale américaine, tout en distinguant soigneusement
le peuple américain de ses dirigeants et de leur politique.
Cette réaction du « Commandement » irakien était
adressée en priorité à l'opinion publique de son pays et
aux pays arabes et musulmans. L'utilisation de l'antiaméricanisme
extrêmement présent en Irak et dans la région rencontre un
écho certain dans les opinions publiques particulièrement dans un
pays dont la population souffre cruellement des effets de l'embargo
imposé depuis 1991 et dont les Etats-Unis et la Grande Bretagne sont
rendus responsables.
Il faut toutefois signaler que si l'Irak n'a pas condamner les attentats,
contrairement à ce que certains officiels américains avaient
affirmé, personne ne s'est réjoui de leur intervention.
L'argumentaire irakien est du reste extrêmement construit. Il invite
à s'interroger sur les causes qui ont pu conduire à de tels actes
et repose sur une analyse de la politique américaine qui - pour
reprendre les termes de M. Naji Sabri Al- Hadithi - doit passer de la
« loi de la force » à la « force de
la loi ».
Toutefois, très rapidement après ces interventions, le 18
septembre, profitant de la distinction entre peuple et gouvernants, M. Tarek
Aziz présentait ses condoléances aux familles des victimes
américaines à l'occasion d'un message à l'ONG
américaine « Voice in the wilderness ». Ce geste
était important dans la mesure où il permettait de laisser
ouverte la voie d'une évolution future de la position radicale
exprimée par le « Commandement ».
Le 19 septembre, c'était le ministre irakien des affaires
étrangères qui commentait la position de son pays, cette fois
à destination des gouvernement étrangers, notamment des
occidentaux. Ces explications s'accompagnaient d'une déclaration
particulièrement claire de l'absence de toute implication irakienne dans
les attentats. M. Naji Sabri Al- Hadithi indiquait « nous disons
clairement et officiellement que l'Irak n'a rien à voir avec tout
cela ».
Le gouvernement irakien a condamné toute forme de terrorisme, s'estimant
lui même victime du terrorisme d'Etat perpétré par les
Etats-Unis en Irak. Il a appelé à une définition
internationale du terrorisme.
Cette position, réitérée à maintes reprises par les
officiels irakiens, s'est accompagnée de mesures visant à mettre
le pays en alerte face à une éventuelle offensive militaire.
Ces mesures ont notamment concerné la réorganisation militaire,
le rapprochement avec les Kurdes du nord de l'Irak et avec les tribus qui
assurent de manière quasi autonome la sécurité de zones
entières du territoire. Par ailleurs, des forces paramilitaires ont
reçu une formation accélérée depuis le mois de
septembre 2001.
2. Une politique d'ouverture récente
Devant
la réalité et la précision de la menace, un certain nombre
de gestes ou de messages d'ouverture ont été transmis par le
gouvernement irakien. Ces signaux demandent naturellement à trouver une
expression précise. Ils concernent principalement :
q un souhait de reprendre les négociations avec l'ONU sous
l'égide du Secrétaire général, et de
négocier avec lui un accord politique global.
q un rapprochement avec les autres pays arabes par l'intermédiaire de la
ligue arabe. Il convient de noter que ce rapprochement se fait sans exclusive,
c'est à dire également en direction du Koweït et de l'Arabie
Saoudite.
q une offre de coopération économique bilatérale
renforcée avec l'ensemble des pays arabes (accords de fourniture en
pétrole à des conditions très avantageuses).
Votre groupe d'amitié ne peut que se féliciter de ces ouvertures
nouvelles qui mettraient fin à une politique d'opposition frontale de
l'Irak et de l'ONU.
C. LES BASES JURIDIQUES DE L'INTERVENTION CONTRE LE TERRORISME
Les
bases juridiques de l'intervention contre le terrorisme doivent être
présentées dans ce rapport car elles constituent le cadre dans
lequel une intervention armée contre l'Irak pourrait prendre place.
On notera que, de manière préventive, la position irakienne est
de considérer que l'intervention des États-Unis est
illégale en droit international. Cette opinion n'est fondée que
sur la conviction que les États-Unis manipulent le Conseil de
sécurité et l'ONU dans son ensemble.
Si des questionnements de certains juristes internationaux ont pu avoir lieu
s'agissant de la qualification des attentats il convient de noter que le
dispositif juridique mis en place donne une légitimité juridique
et politique indéniable à l'intervention armée
internationale des Etats-Unis contre Al Quaida et l'Afghanistan des talibans.
La détermination d'autres agresseurs et donc potentiellement de l'Irak
pose de très délicats problèmes.
Dans l'état actuel des choses il apparaît clairement à
votre groupe d'amitié qu'une intervention militaire contre l'Irak ne
peut s'appuyer sur la légalité internationale et serait un acte
de guerre unilatérale des Etats-Unis et une faute politique majeure.
1. Une base juridique incontestable : la légitime défense
La position des États-Unis, exprimée dès après les attentats du 11 septembre s'appuie sur le droit de légitime défense reconnu à chaque Etat par l'article 51 de la Charte des Nations Unies.
D. ARTICLE 51Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. |
On
notera que le droit à la légitime défense est un droit
encadré :
• Il suppose une agression armée précise et clairement
identifiée.
• Il est limité dans le temps. Il cesse dès lors que le
Conseil de sécurité a pris les mesures nécessaires pour
maintenir la paix et la sécurité internationales, ce qu'il peut
faire à tout moment.
• Il intègre une obligation de rendre compte des mesures prises.
• Son exercice doit respecter le principe de proportionnalité par
rapport à l'avantage militaire escompté ou par rapport à
la menace.
Le Conseil de sécurité a immédiatement accepté -
à l'unanimité de ses membres permanents et non permanents, y
compris les Etats musulmans - que les États-Unis se placent sous le
couvert de l'article 51 de la Charte en adoptant dès le 12 septembre la
résolution 1368.
Résolution 1368 (2001)
Le
Conseil de sécurité,
1. Reconnaissant le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective
conformément à la Charte,
|
Les
attentats du 11 septembre étant définis comme une
« menace contre la paix et la sécurité» le
Conseil de sécurité est habilité à prendre toutes
mesures utiles dans le cadre de l'application du chapitre VII de la Charte des
Nations unies.
La solidarité des Etats signataires de la Charte a encore
été renforcée par le fait que les 19 pays membres de
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ont appliqué
l'article 5 du traité de Washington du 4 avril 1949 qui déclenche
la solidarité des membres lorsque l'un d'entre eux est
attaqué.
Article 5
Les
parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs
d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera
considérée comme une attaque dirigée contre toutes les
parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque
se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime
défense, individuelle ou collective, reconnu par l'
article 51 de la
Charte des Nations Unies
, assistera la partie ou les parties ainsi
attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec
les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris
l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la
sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.
|
C'est
donc sur la base, juridiquement incontestable, du principe de légitime
défense rappelé par la résolution 1368 du 12 septembre
2001 et sur la base des résolutions 1373 du 28 septembre 2001 et 1377 du
12 novembre 2001 du Conseil de sécurité sur la menace à la
paix et à la sécurité internationales résultant
d'actes terroristes, les États-Unis, soutenus par une large coalition de
pays, ont entrepris de conduire une vaste opération contre le terrorisme
international dont les aspects militaires ne constituent que l'un des volets
à côté notamment des aspects financiers.
On remarquera néanmoins que la reconnaissance par la résolution
1368 du droit de légitime défense était
superfétatoire puisque ce droit, aux termes de l'article 51 de la Charte
est « naturel ». Il constitue en cela un droit inhérent
pour tout Etat victime d'une agression armée.
C'est cette reconnaissance du droit de légitime défense qui a
débouché, à l'initiative des Etats-Unis, sur un conflit
armé international avec un Etat, l'Afghanistan.
La question qui se pose pour l'avenir est de savoir si ce même droit
pourrait être à nouveau invoqué pour déclencher un
second état de guerre au sens du droit international.
2. La question de l'identification du ou des agresseurs
La
question de l'identification de celui ou de ceux contre lesquels le droit de
légitime défense va s'appliquer est centrale pour l'avenir.
En reconnaissant aux Etats-Unis, frappés par les attentats du 11
septembre, le droit de légitime défense, la résolution
1368 indique de manière large contre qui ce droit pourra s'exercer .
Le paragraphe 3 de la résolution 1368 représente une
avancée juridique importante. En effet, après avoir appelé
à juger les auteurs, organisateurs et commanditaires des attentats, le
texte prévient que « ceux qui portent la responsabilité
d'aider, soutenir et héberger les auteurs, organisateurs et
commanditaires de ces actes devront rendre des comptes ».
Le cas de Al-Quaida, dont la responsabilité pleine et entière a
été apportée de manière irréfutable,
identifie clairement l'organisation responsable et donne la base juridique pour
détruire les réseaux et juger ses membres.
Il en va de même pour l'Afghanistan et le gouvernement Taliban qui a fait
cause commune avec Al Quaida et dont les liens avec le terrorisme sont
avérés de longue date comme en témoigne les diverses
résolutions de l'ONU depuis 1996 (notamment les résolutions 1193,
1214, 1267 et 1333). A titre d'exemple la résolution 1267 du 15 octobre
1999 déplore que les talibans donnent asile à Oussama Ben Laden
et à ses camps d'entraînement de terroristes et note que
« les talibans font peser une menace sur la paix et la
sécurité internationales » ouvrant ainsi
potentiellement la voie à une application du chapitre 7 de la Charte.
S'agissant des organisations terroristes le Département d'Etat
américain publie et met régulièrement à jour une
liste d'organisations dans un double but. Le premier est de mettre en garde les
Etats qui auraient de près ou de loin des relations avec ces
organisations et de les inciter à rompre ces liens pour ne pas se mettre
dans la situation où des comptes leur seraient demandés. La
seconde est de permettre, aux Etats-Unis puis dans les autres pays, la saisie
des avoirs et le blocage des comptes financiers de ces organisations. Le 7
décembre 2001 les ministres de la justice et de l'intérieur de
l'Union européenne ont entériné une liste
actualisée d'organisations terroristes constituant une menace pour un ou
plusieurs Etats. Cette liste qui ne sera pas rendue publique fera l'objet
d'actualisation à chaque présidence de l'Union.
S'agissant des pays, force est de constater que ce même lien entre un
Etat et le terrorisme pourrait être aussi bien effectué en
théorie vis-à-vis d'autres pays, y compris vis-à-vis de
certains qui sont pourtant très proches des Etats-Unis et dont le
soutien direct ou indirect à Al-Quaida est très probable.
Le lien avec l'acte terroriste du 11 septembre et avec Al-Quaida est
essentiel. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité
les Etats-Unis se sont réservé le droit d'attaquer d'autres
organisations, d'autres Etats. Sauf à sortir de la
légalité internationale ce droit supposera que le Conseil de
sécurité accepte les justifications présentées et
que celles-ci apportent les preuves formelles de la responsabilité
d'autres organisations ou d'un autre Etat dans l'agression armée dont
les Etats-Unis ont été victimes le 11 septembre.
S'agissant de l'Irak ce lien de responsabilité ne peut être
évoqué.
Aucun lien n'a pu être trouvé entre l'Irak, les attentats du 11
septembre, Al Quaida et les attaques à l'anthrax. Comme le
reconnaît le Secrétaire générale de l'ONU dans une
déclaration du 19 décembre 2001 : « je n'ai aucune
preuve liant l'Irak à ce qui s'est passé le 11
septembre ». Les officiels américains du plus haut niveau, en
particulier M. Colin Powell, ont fait la même constatation. Cette
affirmation a d'autant plus de poids que les lobbies anti-irakien se sont
véritablement déchaînés aux Etats-Unis dans l'espoir
de prouver de tels liens.
Pourtant, les menaces d'intervention émises par le président
américain le 29 janvier 2002 dans son discours de l'Union,
établissent un lien entre la possession par certains Etats, d'armes de
destructions massives et la possibilité pour ceux-ci d'en armer des
réseaux terroristes.
De manière plus politique, l'Irak condamne toute forme de terrorisme
dont elle s'estime l'une des premières victimes. Elle réclame une
définition
5(
*
)
du terrorisme incluant le
terrorisme d'Etat visant ainsi clairement les Etats-Unis et Israël.
On notera également que le blanc-seing donné par le Conseil aux
Etats-Unis est réversible ou, tout au moins peut être mis sous
contrôle, puisque l'article 51 de la Charte dispose que le Conseil de
sécurité a le pouvoir et le devoir d'agir à tout moment de
la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité internationales. Cette
possibilité de remettre sous son contrôle le pouvoir de coercition
armée dont dispose le Conseil n'a jusqu'à présent
été évoquée par personne.
Les États-Unis n'ont toutefois pas souhaité profiter de ces
dispositions qui leur permettaient de s'appuyer sur la communauté
internationale et ont entrepris de conduire quasiment seuls les actions
militaires contre le gouvernement Taliban d'Afghanistan et l'organisation
terroriste Al-Quaida. Ce gouvernement et cette organisation constituaient la
première priorité de la vaste lutte anti-terroriste puisqu'ils
étaient directement responsables des attentats perpétrés
à New-York et à Washington.
Le succès de ces actions qui se traduisent par l'effondrement du
régime des Talibans et l'instauration d'un gouvernement provisoire en
Afghanistan pose la question de la suite des actions de lutte contre le
terrorisme international.
Le département d'Etat américain a publié une liste
d'organisations considérées comme terroristes dont les avoirs
sont gelés et qui constituent des cibles potentielles. De même ont
observe une nouvelle approche du traitement de foyers de tension extrême
au Proche Orient ou au Cachemire sous une même problématique de
lutte contre le terrorisme international.
Toutefois, il semble que la seconde priorité immédiate de
l'administration américaine est celle de la poursuite de la destruction
de l'organisation Al-Qaida dans tous les lieux où elle pourrait trouver
refuge. Outre la question du Pakistan qui a opté dès l'origine
pour un soutien de la coalition internationale cela pose la question
d'interventions militaires de même type dans d'autres pays tels que la
Somalie ou le Yémen comme l'a récemment déclaré M.
WOLFOWITZ.
3. La résolution 1390 du 16 janvier 2002
Le
Conseil de Sécurité a adopté le 16 janvier, à
l'unanimité, la résolution 1390 créant un régime de
sanctions contre Al-Qaïda. Ce nouveau régime de sanctions tient
compte de la situation nouvelle en Afghanistan : chute du régime des
Talibans, fermeture des camps terroristes en Afghanistan.
Dans le même temps, le Conseil de sécurité constate que les
activités d'Al-Qaïda n'ont pas complètement disparu et
justifient le maintien, moyennant une adaptation au nouveau contexte, des
sanctions contre les Talibans et les réseaux Ben Laden afin de
poursuivre la lutte contre le terrorisme.
La résolution reprend certaines dispositions utiles du régime de
sanctions contre les Talibans et le réseau d'Oussama Ben Laden
prévues notamment dans les résolutions 1267 (1999), 1333 (2000)
et 1363 (2001) du Conseil de Sécurité, tout en
étendant
son champ d'application au monde entier
et non plus au seul ''territoire
afghan contrôlé par les Talibans''. En revanche, les sanctions
frappant l'Afghanistan en tant que tel sont tombées : l'embargo visant
la compagnie aérienne nationale Ariana a ainsi été
abrogé par le Conseil de Sécurité le 15 novembre (R 1388).
Conformément à une volonté constante de la diplomatie
française le nouveau
régime de sanctions est ciblé
:
q il prévoit la reprise et la mise à jour de la liste d'individus
et entités instituées par les résolutions
précédentes, et qui comprend Ben Laden, les membres
d'Al-Qaïda et les Talibans ainsi que les groupes, individus, entreprises
et entités qui leur sont associés.
o Il impose aux Etats des obligations précises, à l'encontre des
personnes et entités portées sur cette liste :
o gel des avoirs et des ressources financières.,
o interdiction d'entrée et de transit sur le territoire (sauf pour les
nationaux de l'Etat concerné).,
o interdiction de fournir des armes, des matériels et de l'assistance
technique militaires.
q Une clause de rendez-vous est fixée, dans 12 mois, pour décider
de maintenir ou d'améliorer ce dispositif.
Cette résolution est importante dans la mesure où elle confirme
la volonté du Conseil de sécurité de cerner
précisément la question des sanctions et de la poursuite de la
lutte contre le terrorisme aux individus et aux organisations responsables des
attentats du 11 septembre.
Il nous semble que l'intervention de ces résolutions convergentes
rendent plus difficile leur utilisation pour mener une action militaire de
l'ONU contre l'Irak. L'action qui se profile et que nous ne pouvons que
dénoncer ne peut ainsi s'abriter derrière la
légalité internationale qui s'impose aux Etats-Unis comme
à tout Etat signataire de la Charte des Nations Unies.
CONCLUSION
L'Irak
est aujourd'hui en danger. Si ce phénomène n'est pas nouveau
depuis maintenant onze années, les menaces qui s'accumulent sur le
peuple irakien se sont singulièrement aggravées depuis le 11
septembre 2001.
A la catastrophe humanitaire scandaleuse que subit ce pays, et dont le rapport
médical ci-annexé témoigne, viennent s'ajouter les menaces
de plus en plus précises d'une intervention militaire unilatérale
des Etats-Unis. Cette intervention si elle se réalise sera un
échec pour la communauté internationale et un retour en
arrière de plusieurs décennies de tentatives de substituer le
droit à la force dans le cadre d'un mécanisme international de
règlement des différends.
La position de votre groupe d'amitié a toujours été
d'appeler et de militer activement pour une levée totale de l'embargo
qui pèse sur les populations civiles. Il ne convient pas ici de revenir
sur les occasions manquées, les erreurs et l'obstination des uns et des
autres, mais de rechercher les voies d'une solution à une crise dont la
durée est inadmissible et les effets sur la population criminels.
Sortir de l'impasse dangereuse actuelle suppose que des gestes soient faits de
part et d'autre. En effet, la rhétorique unilatérale des
Etats-Unis n'est pas acceptable, ni par l'Irak, ni par la communauté
internationale. De même, qu'il n'est pas admissible que l'autorité
du Conseil de sécurité soit contestée et remise en cause.
La sortie de crise et la levée totale de l'embargo, qui doit demeurer un
objectif prioritaire, ne peuvent s'inscrire que dans une reprise des
négociations entre l'Irak et l'ONU. Le dispositif de la
résolution 1382 donne l'occasion de cette reprise de la
négociation à la condition qu'il ne soit pas
détourné et qu'il n'aboutisse pas, comme le redoutent les
irakiens, à une nouvelle modalité d'un embargo sans limites.
Cela signifie qu'il est nécessaire que le Conseil de
sécurité précise les conditions d'application de cette
résolution non seulement en termes techniques mais aussi en termes
politiques. Il faut notamment préciser les conditions de sortie
définitive de l'embargo et offrir ainsi une perspective claire à
l'Irak.
De son côté, l'Irak doit accepter le retour des missions
d'inspection dans le cadre d'un embargo militaire qui doit évidemment
demeurer. La reprise des inspections sur place est seule de nature à
éloigner la menace d'une action militaire et à permettre
l'élaboration de propositions globales engageant l'Irak et l'ONU dans un
processus de négociation et de sortie de la crise commencée en
1991.
1
Il est à noter que cette
dernière position correspond à celle de la France qui
s'était abstenue, entre autres pour ces raisons, lors de l'adoption de
la résolution 1284.
2
Rapport n° 3203 (2001) ONU : Les sanctions en question
3
Ces chiffres ne tiennent naturellement pas compte des
exportations de pétrole non officielles
(1)
Part dans le total des exportations vers le pays
(2)
Part dans le total des importations en provenance du pays
4
En juin 1998, dans sa résolution 1175 (1998), le Conseil a
autorisé l'importation de pièces détachées et de
matériel destinés à l'industrie pétrolière
d'une valeur de 300 millions de dollars pour la phase IV. Depuis la phase VI
cette limite a été portée à 600 millions de
dollars. La résolution 1284 (1999) du Conseil de
sécurité a éliminé entièrement le plafond
mis à la quantité de pétrole que l'Iraq peut exporter dans
le cadre du programme.
5
La convention du 10 janvier 2000 pour la
répression du financement du terrorisme définit comme terroriste
« tout acte destiné à tuer ou à blesser
grièvement un civil, ou tout autre personne qui ne participe pas
directement aux hostilités dans une situation de conflit armé,
lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une
population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation
internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte
quelconque ». De même, le 6 décembre 2001, les ministres
de la justice des pays membres de l'Union européenne se sont mis
d'accord sur la définition suivante : « les actes
intentionnels, qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement
atteinte à un pays ou à une organisation internationale (...)
lorsque l'auteur les commet dans le but de gravement intimider une population,
ou contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation
internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte
quelconque, ou gravement déstabiliser ou détruire les structures
fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales
d'un pays ou d'une organisation internationale ».