M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions, pour la troisième fois depuis 2023, un texte relatif à l’usage des drones dans l’agriculture. Comme le rapporteur l’a très justement indiqué, nous nous sommes déjà prononcés à deux reprises sur ce sujet : une première fois à l’occasion de l’examen de la proposition de la loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France de nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou ; une deuxième fois à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, adoptée par le Sénat il y a moins de trois mois.
J’ai eu le plaisir d’être le rapporteur de ce dernier texte ; la disposition relative aux drones ne m’est donc pas tout à fait étrangère, et le groupe Les Républicains soutiendra évidemment l’adoption de ce texte.
Cette proposition de loi reprend en effet presque mot pour mot la disposition que nous avons adoptée dans la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, un accord ayant été trouvé avec Mme la ministre, que je remercie une fois encore de son action résolue en la matière.
Il est donc logique pour nous de soutenir le présent texte, qui prévoit la possibilité de déroger à l’interdiction générale de la pulvérisation aérienne, pour un usage par drone faisant l’objet d’un strict encadrement.
En effet, les produits autorisés dans le dispositif proposé sont les produits homologués les moins dangereux, et les usages concernés se limitent à trois situations, à savoir les parcelles en pente, les vignes mères porte-greffes et les bananeraies.
L’ensemble est encadré par des dispositions réglementaires dont la charge de l’édiction reviendra notamment au ministre chargé de l’agriculture, après avis de l’Anses.
Autant dire que nous sommes loin d’une ouverture incontrôlée des vannes ! Il s’agit plutôt de tirer parti des possibilités offertes par le droit européen pour permettre à notre agriculture de faire ce qu’elle a toujours fait : s’adapter et se moderniser.
Cette modernisation se ferait d’ailleurs au bénéfice des applicateurs de produits phytopharmaceutiques, dont il est prouvé que l’exposition s’en trouverait significativement réduite – les conclusions de l’Anses en la matière sont parfaitement claires.
Elle se ferait aussi au bénéfice de l’environnement et de la réduction de l’usage des intrants. En effet, si nous pouvons d’ores et déjà localiser par drone le développement d’adventices au sein d’une parcelle, nous pourrons demain, à l’aide d’un drone et dans certaines conditions, soigner les plantes au plus près des besoins, au lieu de traiter l’ensemble d’une parcelle en utilisant un engin au sol.
La semaine dernière, à l’invitation du président du groupe d’études Agriculture, élevage et alimentation, Laurent Duplomb, nous sommes allés dans l’Oise assister à une démonstration de pulvérisation par drone d’eau sur un verger. Je puis vous assurer que, depuis les premiers développements de cette technologie voilà une dizaine d’années, les progrès réalisés, pour ce qui est notamment de la précision, ont été considérables.
M. Vincent Louault. Eh oui !
M. Pierre Cuypers. Ce n’est pas pour rien que l’usage des drones à des fins agricoles est autorisé en Suisse et que les surfaces traitées de cette façon augmentent d’année en année.
Je conclus en me réjouissant une fois encore que ce texte puisse être adopté aujourd’hui, ce qui, par effet rebond, devrait faciliter les débats qui auront lieu au mois de mai sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, en en retranchant une disposition.
Par notre vote, nous ferons donc d’une pierre deux coups : d’une part, permettre l’usage des drones dans l’agriculture et, d’autre part, accélérer les débats auxquels va donner lieu, à l’Assemblée nationale, le texte de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, qui est lui aussi très attendu par la profession agricole et soutenu par Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si ce texte, déposé par notre collègue député Jean-Luc Fugit, a été inscrit à l’ordre du jour de notre niche parlementaire, c’est pour deux raisons : d’une part, en raison des incertitudes qui entourent la date de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculture, qui intègre la disposition dont nous débattons aujourd’hui ; d’autre part, parce que mon groupe, le groupe RDPI, a souhaité démontrer une fois de plus sa volonté de répondre aux attentes des professions agricoles, qui souhaitent l’adoption de ce texte.
Après une expérimentation menée entre 2019 et 2022 sur le fondement de la loi Égalim 1, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a constaté, au gré de ses travaux, les bienfaits de l’épandage par drone.
Les évaluations ont montré que l’exposition aux produits phytosanitaires des opérateurs utilisant un drone pouvait être jusqu’à 200 fois inférieure à celle des opérateurs utilisant du matériel terrestre.
J’ajoute qu’un pulvérisateur à dos peut peser jusqu’à 40 kilogrammes et que chaque année on continue de déplorer le décès d’agriculteurs écrasés par leur tracteur renversé lors d’un épandage terrestre mécanique.
Par ailleurs, l’épandage par drone s’avère particulièrement utile à certains types d’environnements.
Je pense notamment aux zones dont les sols sont instables, comme les rizières, aux cultures dont les plantes sont ouvertes vers l’extérieur, à l’image des bananeraies, ou encore aux parcelles en pente forte, par exemple dans la vallée du Rhône, et notamment à Tain-l’Hermitage – je salue au passage mon collègue Gilbert Bouchet.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Bernard Buis. Je n’oublie pas non plus les vignes mères porte-greffes, qui sont quasi enterrées dans le sol.
L’Anses relève en outre dans sa note que « plusieurs essais d’efficacité conduits en Suisse ont […] montré que des traitements par drone pouvaient fournir une protection similaire à des traitements au sol […] en cas de faible pression en maladies sur vigne ».
De surcroît, les drones sont légers, rapides, manœuvrables et précis.
Autrement dit, dans certaines conditions biologiques, végétatives, climatiques et topographiques, l’épandage par drone est une solution intéressante, dont les avantages sont multiples, pour traiter plus efficacement les maladies affectant les cultures végétales et préserver la santé humaine, celle, en l’espèce, des agriculteurs.
Je rappelle également que l’autorisation d’épandage, qui s’appliquera uniquement aux environnements spécifiques précédemment cités, sera strictement encadrée et limitée aux produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique et aux produits associés de biocontrôle. De telles opérations devront faire l’objet, à nouveau, d’une évaluation favorable de l’Anses.
Mes chers collègues, nous avons l’occasion de voter conforme un texte attendu par les professions agricoles, un texte qui n’est pas vraiment inédit, puisque ces mesures – les précédents orateurs l’ont rappelé – ont déjà été votées à deux reprises par le Sénat : en mai 2023, à l’article 8 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, et en janvier 2025, dans la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
Par conséquent, notre groupe votera dans sa grande majorité pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la présidente de la commission et M. Vincent Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’agriculture française est un pilier de notre économie et de notre patrimoine. Nos agriculteurs, nos viticulteurs, nos producteurs font face à des défis croissants, comme le changement climatique, la pression économique et des exigences environnementales toujours plus strictes.
Dans ce contexte, nous avons la responsabilité d’accompagner ces hommes et ces femmes qui nous nourrissent, en leur donnant accès aux outils les plus innovants. C’est précisément l’objet de cette proposition de loi, qui vise à autoriser, sous conditions strictes, l’usage des drones pour le traitement des maladies affectant les cultures végétales.
Depuis 2011, la France interdit la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques, décision motivée par la nécessité de préserver la santé publique et l’environnement.
Toutefois, cette interdiction généralisée a aussi ses limites. Certaines parcelles agricoles, notamment en zones pentues ou difficiles d’accès, ne peuvent pas être traitées efficacement par des moyens terrestres, mettant en péril les récoltes et la viabilité des exploitations.
La présente proposition de loi ne revient pas sur l’interdiction de principe. Elle vise simplement à l’adapter aux réalités du terrain, en autorisant, dans des conditions strictement encadrées, l’utilisation d’aéronefs télépilotés pour l’épandage de produits de biocontrôle et à faible impact environnemental. Il ne s’agit donc ni d’un retour en arrière ni d’une concession aux pratiques du passé : c’est bien une avancée pragmatique, raisonnée et responsable.
L’adoption de ce texte offrira plusieurs avantages majeurs à notre agriculture.
Tout d’abord, elle permettra une application plus ciblée et plus précise des traitements, réduisant ainsi l’usage global de produits phytosanitaires et limitant la dérive des substances dans l’environnement.
Ensuite, elle répondra à une demande forte des agriculteurs confrontés à des conditions topographiques complexes, notamment en zones montagneuses ou sur des cultures spécifiques, comme la banane et les vignes mères porte-greffes.
Enfin, et surtout, elle protégera leur santé.
Les expérimentations récentes menées en Alsace et en Ardèche viennent renforcer cette conviction. Les résultats sont sans appel : les drones permettent une réduction significative de l’exposition des opérateurs aux bouillies de traitement, ainsi qu’une baisse des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Parmi les secteurs qui bénéficieront directement de cette évolution, la viticulture occupe une place centrale. Nos vignobles, souvent situés sur des terrains escarpés et difficiles d’accès, sont particulièrement exposés aux maladies telles que le mildiou ou l’oïdium. Aujourd’hui, les viticulteurs doivent mobiliser des moyens lourds, coûteux et parfois dangereux pour traiter leurs vignes.
Les drones offrent une alternative plus sûre, plus efficace et plus respectueuse de l’environnement. Ils préservent la santé des travailleurs agricoles en réduisant leur exposition directe aux produits, limitent les risques de maladies professionnelles et d’accidents, tout en assurant une grande précision dans les traitements.
Depuis 2015, en Alsace, des acteurs engagés, tels que les Domaines Schlumberger, la CFTC-AGRI et la Caisse d’assurance-accidents agricoles du Haut-Rhin, ont démontré, par leur travail de terrain et leurs démarches auprès des autorités, que la technologie drone pouvait être mise au service de la sécurité des personnes.
Il est aussi essentiel de rappeler que la directive européenne de 2009 interdisant la pulvérisation aérienne visait spécifiquement les hélicoptères et les avions. C’est par surtransposition nationale que les drones ont été inclus dans cette interdiction. Une telle interprétation n’est pas suivie par d’autres pays européens, comme l’Allemagne et l’Autriche. La Suisse, quant à elle, assimile la pulvérisation par drone à une pulvérisation au sol ; c’est vers cette définition qu’il faudrait tendre.
La présente proposition de loi constitue non pas une autorisation généralisée, mais une adaptation nécessaire, encadrée et limitée à des situations spécifiques.
En la votant, nous faisons le choix du progrès raisonné, du soutien à notre agriculture et de l’innovation au service du développement durable. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à soutenir ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Vincent Louault applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés
Article 1er
(Non modifié)
Le I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par des I à I ter ainsi rédigés :
« I. – Sous réserve des I bis et I ter, la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite.
« I bis. – A. – Pour lutter contre un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.
« B. – Lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, les programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253-6 et figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article L. 253-7, de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil peuvent être autorisés sur les parcelles agricoles comportant une pente supérieure ou égale à 20 %, sur les bananeraies et sur les vignes mères de porte-greffes conduites au sol.
« Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et après consultation des organisations professionnelles et syndicales représentant les exploitants et les salariés agricoles, définit les conditions d’autorisation de ces programmes dans les conditions prévues à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
« I ter. – A. – Par dérogation au I du présent article, lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, des programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits mentionnés au B du I bis peuvent être autorisés, dans les conditions fixées aux B et C du présent I ter, sur des parcelles et des cultures autres que celles mentionnées au B du I bis.
« B. – Les programmes mentionnés au A du présent I ter sont autorisés à titre d’essai pour une durée maximale de trois ans.
« Les essais visent à déterminer, pour un type de parcelles ou un type de cultures, les avantages manifestes de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord du point de vue des incidences sur la santé humaine et sur l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.
« Leurs résultats sont évalués par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
« Les évaluations sont présentées à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« Un décret, pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, définit les conditions d’autorisation et les modalités de réalisation de ces essais ainsi que les modalités de transmission de leurs résultats à cette agence.
« C. – Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé dresse la liste des types de parcelles ou des cultures pour lesquelles les résultats des essais mentionnés au B montrent que la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement.
« Pour les types de parcelles ou pour les cultures inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent C, un programme d’application par aéronef circulant sans personne à bord peut être autorisé dans les conditions prévues au B du I bis. »
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Par ce premier amendement, nous proposons de supprimer l’article 1er. Pourquoi ? En 2022, à l’issue de l’expérimentation ouverte en 2018, l’Anses a rendu une évaluation très prudente – les choses sont beaucoup moins claires que ce que Mme la ministre a bien voulu dire tout à l’heure ! Si l’Agence a noté que l’exposition des opérateurs est très inférieure lors de l’utilisation d’un drone à ce qu’elle est lors de celle d’un chenillard, plusieurs études montrent, en revanche, que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité supérieure après l’utilisation de drones qu’avec des matériels d’application classiques. Ainsi, la question de l’impact de la quantité des dépôts sur les cultures sur l’exposition des travailleurs se pose, selon l’Anses, non pas au moment de la pulvérisation, mais ensuite.
L’étude de l’Agence mettait encore en relief que les niveaux de contamination de mannequins placés à trois, cinq et dix mètres de la parcelle étaient quatre à six fois plus élevés après application par drone qu’elles ne le sont dans le cas d’une pulvérisation par atomiseur à dos.
L’Anses recommandait, en conclusion, d’acquérir des données supplémentaires. Contrairement à ce que j’entends, les incertitudes paraissent donc trop importantes.
Nous nous opposons plus encore à la généralisation des expérimentations sur tous les types de cultures, également prévue à cet article. En effet, cette généralisation n’a, à ce stade, fait l’objet d’aucune expérimentation ni évaluation scientifique.
Et, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il faut ouvrir les yeux et voir que cette expérimentation a pour vocation, demain, à généraliser l’épandage de toutes sortes de pesticides sur toutes sortes de cultures. C’est bien cela qui est en filigrane et qui adviendra dans quelques années si nous votons cet article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Cabanel, rapporteur. Monsieur Salmon, je suis naturellement défavorable à votre amendement de suppression, pour les raisons que j’ai invoquées en commission.
Je l’ai dit, nous sommes face à un texte qui me semble équilibré, entre, d’un côté, l’ouverture, dans certains contextes, de l’usage des drones en agriculture et, de l’autre, de vraies assurances que l’on ne peut pulvériser n’importe quoi à n’importe quel moment.
Je rappelle encore une fois que cette proposition de loi permettra de réduire considérablement l’exposition des applicateurs – c’est tout de même reconnu par l’Anses !
Il me semble donc important que l’on n’adopte pas cet amendement.
Vous avez pointé la dérive des pulvérisations. On peut effectivement constater qu’il y a une légère dérive, mais celle-ci sera certainement atténuée par les progrès techniques, sur les buses antidérive.
Je rappelle que les essais qui ont été menés par l’Anses ont porté sur des produits phytopharmaceutiques de synthèse. Or le compromis qui a été trouvé ne porte que sur des produits naturels et de biocontrôle.
Compte tenu de cet équilibre, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Aux arguments du rapporteur, j’en ajouterai un autre, que vous n’avez pas abordé dans votre propos, monsieur le sénateur : c’est l’amélioration des conditions de travail de l’agriculteur. Celle-ci ne compte tout de même pas pour rien dans le choix de cette technologie !
Avis défavorable.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Bien entendu, nous ne sommes pas insensibles aux conditions de travail des opérateurs. C’est même essentiel !
Mais ce que nous mettons en avant – vous ne pouvez pas nous reprocher notre cohérence –, c’est le fait que ces épandages de pesticides sont bien souvent en lien avec un système de monoculture intensive qui apporte tout un lot de maladies. Et bien entendu, la réponse est alors le traitement et le surtraitement. Effectivement, quand on est dans cette logique, il convient à tout le moins d’exposer aussi peu que possible l’opérateur !
Toutefois, cet argument de protection de l’opérateur est assez contradictoire avec le fait que ces drones serviraient à répandre des pesticides peu dangereux, de biocontrôle ou autorisés en agriculture biologique.
Je le répète, regardons les choses en face et faisons tomber les masques et les faux nez ! Cet article n’est qu’un premier pas vers une autorisation, demain, de l’épandage de toutes sortes de pesticides, raison pour laquelle je maintiens, bien entendu, cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Cela ne va pas du tout améliorer les conditions de travail sous les bananiers ! Si l’on traite la canopée, donc le sommet des feuilles, il faudra toujours une pulvérisation à dos d’homme.
Si les drones seront peut-être suffisants pour la vigne, je peux vous dire qu’ils ne le seront pas pour les bananiers !
C’est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement de notre collègue Salmon.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Une expérimentation de l’utilisation des aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime et figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article L. 253-7 du même code, de produits autorisés en agriculture biologique est menée sur les bananeraies, sur des surfaces agricoles plantées en vigne et présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, pour une période maximale de deux ans, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 253-8 dudit code.
Cette expérimentation fait l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, visant à déterminer les éventuels bénéfices liés à l’utilisation de drones pour l’application de produits phytopharmaceutiques en matière de réduction des risques pour la santé et l’environnement.
Les conditions et modalités de cette expérimentation sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, de manière à garantir l’absence de risque pour la santé et l’environnement.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement de repli vise à limiter la proposition de loi à la prorogation de l’expérimentation en cours.
Cette expérimentation est justement très cadrée : elle est menée sur les bananeraies et sur des surfaces agricoles plantées en vigne et présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, afin d’obtenir des informations beaucoup plus probantes que celles dont nous disposons, puisque l’évaluation de l’Anses a conclu à un manque de données pour juger de l’efficacité réelle de cette technologie – le rapport le dit clairement.
Nous proposons donc que l’Anses dresse un nouveau bilan d’ici à deux ans. Cette durée nous paraît suffisante pour permettre la tenue d’études complémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Cabanel, rapporteur. Cet amendement de nos collègues écologistes vise en quelque sorte à revenir à l’état du droit issu de la loi Égalim de 2018.
Sept ans et une évaluation de l’Anses plus tard, je pense que nous devons aller de l’avant. Et, si je suis profondément d’accord avec le principe de l’expérimentation des nouveaux dispositifs avant leur généralisation, je pense également qu’il ne faut pas avoir peur de son ombre. Il faut avancer !
En l’espèce, l’expérimentation a déjà eu lieu. Ses conclusions sont globalement positives, en dépit, je le reconnais, de quelques réserves. Cependant, celles-ci ont été levées précisément parce que l’on n’autorise que des produits de faible dangerosité.
J’ajoute que la proposition de loi prévoit également une expérimentation pour analyser les éventuels bénéfices de l’usage des drones dans d’autres contextes que ceux, très limités, qui font l’objet d’une autorisation.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Je veux rappeler que c’est en 2018 que la loi Égalim a permis que soient menées ces expérimentations. C’était il y a sept ans.
Et c’est en 2022 que l’Anses a produit son rapport. C’était il y a donc trois ans.
Aujourd’hui, nous légiférons. À un moment ou un autre, il faut bien décider. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je vais reprendre l’argumentaire de notre collègue Victorin Lurel.
Effectivement, la pulvérisation par les drones se fait par le dessus – cela coule un peu de source ! Elle se fait sur certaines cultures lorsque le développement foliaire n’est pas important. Mais, pour certaines maladies, dues, par exemple, à des champignons qui sont sous les feuilles, elle ne fonctionne pas.
L’utilisation de drones ne va donc pas empêcher que l’on doive compléter le travail à dos d’homme pour certaines cultures.
Il est nécessaire de continuer à expérimenter pour y voir plus clair.
Je me permets de rappeler que, demain, nous examinerons les conclusions de la CMP sur une proposition de loi tendant à reconduire une nouvelle fois certaines dispositions de la loi Égalim – voilà un certain nombre d’années que nous les reconduisons.
Je pense qu’il faut être très prudent s’agissant d’une telle expérimentation. Je rappelle que nous venons d’examiner, en séance, un texte sur le chlordécone, dont les implications sont dramatiques.
Oui, il faut aller de l’avant, mais avec modération et en pesant véritablement tous les avantages et tous les inconvénients. Ce qu’il ne faut pas, c’est aller toujours plus loin, dans une fuite technosolutionniste. Or c’est un peu ce que nous faisons.