M. Victorin Lurel. C’est pour cela que M. Buval voulait déposer un sous-amendement !
M. Yannick Neuder, ministre. Monsieur Lurel, le préjudice moral est lié au fait d’être atteint d’une maladie, et, en pareil cas, il est reconnu ; le préjudice d’anxiété est lié à la crainte de développer une maladie, point sur lequel le Gouvernement ne suivra pas vos propositions.
Mme Agnès Canayer. Heureusement !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 259 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 135 |
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Piednoir, Favreau et Savin, Mme Lassarade, M. Brisson, Mmes Lopez, Deseyne, Belrhiti et Guidez, M. Panunzi, Mmes Dumont, Evren et Richer, M. Henno, Mme Muller-Bronn, M. H. Leroy et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Nous proposons de supprimer la campagne de prévention sur l’ensemble du territoire prévue à l’alinéa 3, car il nous semble plus pertinent de limiter cette campagne aux territoires concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadège Havet, rapporteure. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer la mise en place d’une campagne de prévention pour permettre aux personnes exposées de connaître le taux de chlordécone dans leur sang.
En cohérence avec l’amendement qui vient d’être adopté, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre position.
Les personnes exposées au chlordécone peuvent se trouver partout, et ne sont pas situées sur un seul territoire. Il s’agit de réaliser une prise de sang pour toute personne qui, à un moment de sa vie, a été exposée à ce produit.
L’alinéa 3 est absolument nécessaire. Le ministre chargé de la santé devrait logiquement émettre un avis défavorable sur cet amendement, pour garantir que l’on mesure la possible contamination de toutes les personnes concernées, même si elles ont depuis changé de territoire.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadège Havet, rapporteure. Monsieur Piednoir, compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 16 rectifié, qui tendait à maintenir l’alinéa 3 de l’article 1er, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 2 rectifié.
M. Jacques Fernique. C’est logique !
M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Nous ferons un geste pour saluer le travail important de Mme la rapporteure sur ce texte.
Monsieur Dantec, l’alinéa prévoit la mise en place d’une campagne de prévention afin de mettre en avant l’existence de la chlordéconémie. Elle ne vise pas à prévenir les effets sur ceux qui ont été exposés au chlordécone.
En réalité, il s’agit d’une campagne de communication et de prévention. Les Antillais, les métropolitains ou les étrangers ayant travaillé aux Antilles sont déjà bien au courant de l’existence des risques.
Conformément à ce que j’ai indiqué, je confirme le retrait de mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’article.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, mes chers collègues, compte tenu des résultats du vote précédent, je demande le retrait de ma proposition de loi de l’ordre du jour.
M. le président. Monsieur Théophile, acte est donné de votre demande de retirer de l’ordre du jour réservé au groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants l’examen de la proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l’État et à l’indemnisation des victimes du chlordécone.
La proposition de loi est donc retirée.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 32 de notre règlement, relatif à la qualité de nos débats en séance.
Mes chers collègues, ce que nous venons de vivre est littéralement désespérant pour les populations de Martinique et de Guadeloupe.
Nous avons assisté à une sorte de mascarade. Nous aurions soutenu ce texte, à l’instar des socialistes de l’Assemblée nationale, qui ont soutenu la proposition de loi déposée par Élie Califer.
M. Didier Mandelli. Il fallait voter en faveur de l’article 1er !
M. Patrick Kanner. C’est un nouveau rendez-vous manqué pour ces populations. Je regrette que nous en soyons arrivés là. Mes chers collègues de la majorité sénatoriale – je mets de côté Mme Annick Petrus –, je vous l’assure, cette séquence sera marquée d’une pierre noire pour ces populations. J’en suis désolé. Nous aurions pu avancer.
Monsieur le ministre, c’est parce que vous n’avez pas voulu prendre vos responsabilités et que vous cherchez toujours à procrastiner que nous en sommes là aujourd’hui. Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je le regrette solennellement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Fernique. Au titre de l’article 32 du règlement, relatif à la qualité de nos débats, je regrette les conditions incroyables dans lesquelles le débat a été avorté. C’est un rendez-vous manqué.
Je comprends tout à fait la décision de l’auteur de la proposition de loi. Je regrette cette issue, mais nous savons au moins comment faire pour être à la hauteur : clarifier les conditions d’obtention des indemnisations pour les victimes avérées, respecter le contradictoire et la procédure, proposer des réparations intégrales et non forfaitaires, financer l’indemnisation par une taxe additionnelle.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, faites mieux la prochaine fois !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour un rappel au règlement.
Mme Frédérique Puissat. Je formule ce rappel au règlement sur le fondement du même article que celui qui a été mentionné par mes collègues.
En l’occurrence, je parlerai, au nom du groupe Les Républicains, non du fond – le texte a été débattu en commission, chacun a pu s’exprimer, y compris le ministre –, mais de la forme.
La proposition de loi a été déposée ; conformément au règlement, un amendement a été adopté lors d’un scrutin public.
Ensuite, mes chers collègues, vous avez choisi de voter contre l’article 1er. Vous devez assumer votre choix. Monsieur le président Kanner, en aucun cas vous ne pouvez considérer que notre groupe est responsable de ce vote.
Chacun pensera ce qu’il souhaite de ce vote. Le Gouvernement a sa position, notre groupe a la sienne. Voilà comment les choses se sont passées.
M. Patrick Kanner. C’est vous qui avez demandé un scrutin public !
M. Stéphane Piednoir. Pas du tout !
Mme Frédérique Puissat. C’est la commission !
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour un rappel au règlement.
M. Yannick Jadot. Mon propos se fonde également sur le même article de notre règlement que celui qui a été mentionné par nos collègues.
Nos compatriotes de Guadeloupe et de Martinique ont une attente extraordinaire. Depuis tant d’années, ils expriment le besoin de réparations pour des préjudices tant sanitaires que moraux ou liés à l’anxiété.
Monsieur le ministre, vous avez fait du « en même temps ». Avec raison, vous avez rappelé que le Président de la République avait dénoncé le scandale. Toutefois, lors d’une réunion du grand débat national avec des élus d’outre-mer, lui-même doutait de la responsabilité du chlordécone dans l’apparition des cancers !
Vous conservez en permanence la même ambiguïté en ce qui concerne les pesticides : vous n’arrivez pas à trancher pour la santé au détriment des intérêts économiques.
Ce vote est l’expression du mépris par lequel vous accueillez l’angoisse, l’anxiété et les dégâts sanitaires chez nos compatriotes antillais.
Mme Frédérique Puissat. C’est vous qui avez voté contre l’article 1er !
M. Stéphane Piednoir. Vous pratiquez la politique de la terre brûlée !
M. Yannick Jadot. La politique de la terre brûlée, c’était le chlordécone !
M. le président. Mes chers collègues, acte vous est donné de ces rappels au règlement.
4
Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-quatre, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Traitement des maladies des cultures végétales par aéronefs télépilotés
Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (proposition n° 273, texte de la commission n° 490, rapport n° 489).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, chère Dominique Estrosi Sassone, monsieur le rapporteur, cher Henri Cabanel, mesdames, messieurs les sénateurs, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques suscite dans notre société des débats légitimes autour des enjeux de santé humaine et environnementale, ainsi que de protection des cultures. Aussi, je tiens à rappeler d’office ma position. Elle est claire : il faut réduire les risques et les usages.
Ceci étant, l’enjeu est en réalité le suivant : comment accompagner les agriculteurs le long de ce chemin ? En effet, les interdictions brutales nuisent à l’ensemble du monde agricole. Parmi les moyens à notre disposition, le progrès technique, notamment l’agriculture de précision, est un allié fidèle. Il permet de maintenir le niveau de protection dont bénéficient les cultures tout en réduisant considérablement les risques environnementaux et sanitaires.
Je profite donc de cette tribune pour remercier le député qui a pris l’initiative de ce texte et qui assiste à la séance en marque de soutien, Jean-Luc Fugit, ainsi que le rapporteur du Sénat, Henri Cabanel, pour leur travail.
Premièrement, mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle que le dispositif envisagé se fonde sur une expérimentation menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur trois ans. Le constat de l’Agence est clair : « Le recours à des drones de pulvérisation est envisagé comme une alternative pouvant présenter de multiples avantages. »
Ceux-ci sont de trois ordres.
D’abord, les drones permettent une amélioration des conditions de travail. L’Anses estime que le facteur de réduction des risques pour l’utilisateur de produits phytosanitaires est de 200 sur un terrain en pente entre l’utilisation d’un drone et celle d’un chenillard. Il s’agit d’un progrès considérable.
Ensuite, les drones permettent des gains sanitaires en raison de la baisse du nombre et du volume des applications, d’un meilleur ciblage, qui préserve les populations environnantes, et d’un éloignement de la personne qui pulvérise de la zone d’épandage.
Prenons seulement l’exemple des travailleurs de bananeraie, qui luttent contre la cercosporiose noire. Ces derniers sont contraints à une pulvérisation depuis le sol vers le sommet des bananiers, laquelle les expose à des retombées de produits fongicides. Je ne parle même pas de la fatigue, de la chaleur et de l’épuisement physique liés à leur travail. Pour eux, l’usage de drones répond concrètement à une réalité professionnelle très difficile.
Enfin, l’usage de drones permet des gains environnementaux. La raison est la même : une utilisation moindre des produits de traitement.
En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons devant nous une solution concrète et scientifiquement validée. Elle permet, tout en préservant les bénéfices des produits de traitement, d’en réduire drastiquement les risques.
Deuxièmement, grâce à cette proposition de loi, cet usage serait strictement encadré.
En premier lieu, le périmètre d’utilisation du drone serait restreint aux seuls terrains en forte pente, aux bananeraies et aux cultures de vignes mères. Pour ces dernières, l’expérimentation a confirmé l’avantage manifeste des drones par rapport à une pulvérisation terrestre.
En deuxième lieu, nous limitons au travers du dispositif envisagé les applications par drone aux seuls produits présentant un risque faible pour la santé humaine, aux produits de biocontrôle ainsi qu’à ceux qui sont utilisés en agriculture biologique. Cette limitation est de nature à rassurer nos concitoyens et donc à favoriser une utilisation plus large de cette technologie.
En troisième lieu, des mesures de gestion des risques et des conditions d’utilisation strictes, notamment l’établissement de distances de sécurité dans les zones sensibles, garantiront la santé des personnes et la préservation de l’environnement.
Grâce à ces différents garde-fous, ce texte est équilibré. Nous offrons ainsi des garanties suffisantes à nos producteurs comme à nos concitoyens sur l’ensemble des points de préoccupation.
Troisièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi définit une méthode robuste, fondée sur l’évaluation scientifique des avantages manifestes du drone pour la santé et l’environnement. Elle permettra d’étendre par voie réglementaire le dispositif aujourd’hui envisagé à de nouveaux types de parcelles ou de cultures. En plaçant la science au cœur du processus de décision, nous réduirons la lourdeur des procédures afférentes. Dans le même temps, nos décisions disposeront d’un fondement très légitime.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte étant source de multiples progrès, je vous appelle à le voter conforme. Nous serions ainsi en mesure d’adopter une démarche équilibrée en matière de prises de décision relatives à notre agriculture, dans la pleine maîtrise des progrès scientifiques et techniques, au bénéfice de notre production comme de la santé humaine et de la protection de l’environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Henri Cabanel, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons cet après-midi, dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe RDPI, est connu de la Haute Assemblée et attendu par les agriculteurs. Conformément au droit européen et sous de strictes conditions, il s’agit d’autoriser, par le biais d’une dérogation à l’interdiction générale de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques, l’usage de drones.
J’ai conscience que la transition entre l’examen du précédent texte – le sujet était particulièrement lourd pour nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais – et celui-ci n’est pas forcément des plus simples. Soyons clairs : si, dans un cas, il s’agissait de reconnaître la responsabilité de l’État et d’indemniser les victimes du chlordécone, il est à présent question d’améliorer la protection des applicateurs de produits phytopharmaceutiques et même de réduire, à terme, la quantité de pesticides utilisée.
Ainsi, au travers de la proposition de loi de notre collègue député Jean-Luc Fugit visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, il s’agit de moderniser le cadre législatif applicable à l’usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. En cela, nous continuons notre action de « désurtransposition » de notre droit national, comme d’autres pays l’ont fait avant.
Ce sujet est loin de nous être inconnu : nous nous sommes d’ores et déjà prononcés par deux fois dans cet hémicycle sur la question des drones en agriculture. Par deux fois, le Sénat a soutenu, dans le respect du cadre européen, une évolution de notre droit en la matière.
En premier lieu, nous l’avons fait à l’occasion du vote, en mai 2023, de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, portée par nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou.
En second lieu, nous l’avons fait tout récemment à l’occasion du vote, en janvier dernier, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville. À une nuance près, nous retrouvons dans le texte que nous examinons cet après-midi une mesure adoptée dans cette précédente proposition de loi, mesure qui avait fait l’objet d’un compromis entre le rapporteur Pierre Cuypers et le Gouvernement. Autrement dit, le Sénat s’est d’ores et déjà prononcé favorablement sur un dispositif quasi identique il y a trois mois.
Dans ce cadre, la commission des affaires économiques a fait le choix de suivre la vieille maxime paysanne « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » en adoptant ce texte sans modification. Du reste, tel est le souhait de l’essentiel des acteurs agricoles que j’ai entendus dans le cadre de mes auditions.
Que contient précisément cet article unique que je vous invite à adopter sans modification ?
Tout en maintenant l’interdiction de principe de la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques, il s’agit de prévoir une dérogation spécifique pour certains usages de drone, conformément à l’article 9 de la directive européenne de 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
Bien entendu, cet usage est encadré et limité. Nous ne parlons pas d’utiliser des hélicoptères pour arroser sans discrimination toute une zone avec des produits classés cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction !
D’abord, seuls les produits les moins dangereux pourront être épandus par drone, à savoir ceux de biocontrôle, ceux qui sont autorisés en agriculture biologique et ceux qui sont classés à faible risque.
Ensuite, seules les parcelles en pente, les bananeraies et les vignes mères porte-greffes seront susceptibles de recevoir des traitements selon ce mode d’administration. Cette limitation recoupe l’expérimentation menée dans le cadre de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim 1.
Enfin, la pratique est encadrée par les règles générales entourant tout usage de drone et de produits phytopharmaceutiques.
Notons que la seule différence entre le texte qui nous est soumis et le dispositif adopté dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur réside dans le pourcentage minimal de pente autorisant l’épandage par drone. Dans le cadre de l’accord global conclu avec le Gouvernement lors de la précédente PPL, le pourcentage retenu par le Sénat était de 30 %. Dans le présent texte, les députés ont préféré l’établir à 20 %. Ce dernier chiffre me semble tout à fait pertinent. Il permettra naturellement à davantage d’agriculteurs de bénéficier s’ils le souhaitent de cette technique et donc de sécuriser l’intervention des applicateurs.
À ce propos, je tiens à souligner le point suivant : si passer d’un pourcentage de pente de 30 % à 20 % – l’inclinaison demeure très importante ! – permet aux agriculteurs de réduire les risques au travail, j’y suis tout à l’ait favorable. Rappelons que, en 2023 encore, la viticulture détenait le triste record d’accidents du travail graves non mortels ainsi que d’accidents du travail mortels.
Si le drone est loin d’être l’alpha et l’oméga de la sécurité au travail, il aide à réduire à la fois l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et les risques d’accident liés à l’utilisation de machines agricoles dans des conditions difficiles. Nous pouvons tous nous accorder à dire que c’est un progrès.
En matière d’exposition des applicateurs, je ne peux pas ne pas dire un mot de la filière de la banane. Je sais que l’usage de produits phytopharmaceutiques dans les bananeraies est une question sensible, pour des raisons dont nous venons de débattre dans le cadre du précédent texte à l’ordre du jour. Force est de constater que, au travers de la présente proposition de loi, nous ne répondrons qu’imparfaitement au besoin de réduire l’exposition des applicateurs de cette filière. En effet, ils pulvérisent depuis le sol un fongicide qui ne sera pas susceptible d’être pulvérisé par drone pour atteindre les feuilles de la cime de l’arbre et ainsi lutter contre la cercosporiose noire.
Je sais que certains d’entre vous auraient souhaité adopter des dispositions spécifiques. Pour cette raison, je considère ce texte comme un point de départ : il n’épuise pas le sujet de la réduction de l’exposition des applicateurs.
J’ajoute qu’il est prévu dans le texte un mécanisme d’expérimentation de l’usage de drone sur d’autres cultures. Ces expérimentations devront faire l’objet d’une évaluation de la part de l’Anses avant, si des bénéfices manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement sont observés, d’être pérennisées. Ce mécanisme permet de faire évoluer les règles de façon plus agile que si nous devions repasser par le Parlement, filière par filière, ce qui n’aurait naturellement aucun sens.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à voter sans modification un texte équilibré, par lequel nous tenons compte non seulement des résultats positifs des expérimentations menées, mais aussi des incertitudes restantes. Même si le débat aura lieu, l’avis de la commission sur les treize amendements déposés sera, en toute logique, défavorable. Nous tenons un compromis intéressant pour notre agriculture, même s’il ne résoudra naturellement pas l’ensemble des problèmes de certaines filières. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. Vincent Louault. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour voter la proposition de loi de Jean-Luc Fugit, éminent député du département du Rhône. En l’adoptant, nous confirmerions ainsi notre vote de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
La principale différence entre le texte qui nous est soumis et le dispositif précédemment adopté réside dans le pourcentage minimal de pente nécessaire à l’autorisation de l’épandage par drone : alors qu’il était de 30 %, il est désormais établi à 20 %. Ce chiffre semble tout à fait pertinent, comme l’indiquait M. le rapporteur Cabanel. Il permettra à davantage d’agriculteurs de bénéficier de cette innovation.
Ce débat permet surtout de rappeler à quel point cette proposition de loi semble vertueuse pour l’évolution de notre agriculture et de notre sécurité alimentaire. Il est nécessaire de revenir sur la surtransposition au fondement de ce texte en permettant, comme les autres pays européens, d’utiliser l’innovation qu’incarnent les drones lorsqu’elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.
Cette technologie n’en est qu’à ses prémices, mais ce texte enverra un signal fort à la recherche et à l’innovation.
D’abord, l’innovation est ainsi mise au service de la réduction non seulement de l’exposition des opérateurs, mais aussi de la quantité globale de produits phytopharmaceutiques et d’eau utilisés.
Ensuite, elle est mise au service de l’attractivité du métier d’agriculteur par la réduction des contraintes et de la pénibilité, alors que se profile le mur du renouvellement des générations.
Enfin, l’innovation sauvera de l’arrachage des vignobles héroïques. J’en connais, dans mon département, sur certains coteaux du Beaujolais !
Comme nous le savons, ce texte a été particulièrement sujet à débat à l’Assemblée nationale. La rédaction proposée est un compromis, équilibré et proportionné : la protection tant de l’individu que de notre environnement est prise en compte. Les dispositions de ce texte permettent d’améliorer les conditions de travail sans porter atteinte à nos acquis en matière environnementale puisque son champ est circonscrit à l’épandage de produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique.
L’Anses conservera la responsabilité d’évaluer les avantages et les risques de cette méthode. En effet, cette levée de l’interdiction de principe ne suffit pas à autoriser les pulvérisations de produits phytopharmaceutiques par drone : il restera nécessaire d’étendre à un usage aérien les autorisations de mise sur le marché des produits concernés.
Ce garde-fou est nécessaire : pour déroger au principe général de l’interdiction de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques, nous fondons ce texte sur une expérimentation ayant fait l’objet d’une évaluation par l’Anses. Dans le rapport en question, l’Agence a présenté des résultats mesurés.
D’après elle, si le recours à des traitements par drone paraît une « solution intéressante pour protéger les cultures des bioagresseurs » et « une alternative pouvant présenter de multiples avantages », « les performances des drones de pulvérisation apparaissent inférieures à celles de pulvérisateurs terrestres classiques ». Par ailleurs, ces essais « doivent être considérés avec précaution compte tenu du jeu de données très restreint ». Aussi, « l’analyse des données ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées ».
En restreignant la dérogation à des produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique, nous prolongeons par ce texte l’expérimentation sans faire courir de risque sanitaire ou environnemental. Ainsi, nous envoyons un signal positif à la recherche et à l’innovation tout en accompagnant nos agriculteurs, dans l’attente d’une technologie qui permettra l’identification des maladies sur pied, afin de les traiter dès la première infection. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis applaudit également.)