M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le livre blanc de la Commission européenne sur la défense.

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de résolution tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification
Article 1er

Moyens de contrôle des sénateurs et droits des groupes politiques

Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification, présentée par M. Gérard Larcher et Mme Sylvie Vermeillet (proposition n° 332, texte de la commission n° 509, rapport n° 508).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sylvie Vermeillet, auteure de la proposition de résolution. Madame la présidente, mes chers collègues, le président Larcher, que je remercie sans réserve de la confiance qu’il m’a accordée, m’a confié en janvier 2024, voilà donc près d’un an et demi, une mission sur l’évolution du travail parlementaire, en ma qualité de présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire et des conditions d’exercice du mandat de sénateur.

Cette mission m’a amenée à entendre l’ensemble des présidents de commission, de délégation et de groupe, mais aussi des personnalités extérieures, parmi lesquelles plusieurs de nos collègues du parlement italien.

De ces échanges fructueux sont ressorties dix-sept propositions, qui ont été adoptées par la conférence des présidents et qui peuvent être réparties selon quatre axes : conforter notre procédure législative pour renforcer le rôle du Parlement tout en préservant la qualité du débat parlementaire ; renforcer nos moyens de contrôle ; simplifier la gestion de l’agenda de nos collègues ; enfin, poursuivre l’adaptation de notre règlement aux évolutions de nos pratiques.

Plusieurs de ces 17 propositions sont déjà mises en œuvre par la conférence des présidents.

C’est le cas de la nouvelle organisation de nos mardis après-midi des semaines de contrôle, qui sont désormais consacrés aux travaux des délégations, des structures temporaires et des commissions. Il s’agit à la fois de renforcer le contrôle – vous êtes nombreux à estimer qu’il est plus efficace en commission et devant les délégations –, mais aussi de permettre à un plus grand nombre de nos collègues d’assister aux différentes réunions qui, jusqu’à présent, avaient tendance à se chevaucher.

C’est également le cas de la réorganisation de nos semaines sénatoriales : l’espace réservé du mercredi après-midi de la semaine d’initiative a été déplacé au mercredi de la semaine de contrôle, afin, d’une part, de permettre de poursuivre le mercredi, après les questions au Gouvernement, l’examen du texte qui n’aurait pas été achevé le mardi soir – autrement dit, cela évite de saucissonner le texte –, et, d’autre part, d’expérimenter la mise en place de deux espaces transpartisans.

Le premier espace a été mis en place le mercredi 19 mars dernier, avec l’examen de deux propositions de loi et d’une proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, toutes trois adoptées à l’unanimité. Il s’agit là d’une occasion de valoriser et de faire prospérer les initiatives parlementaires faisant l’objet d’un large consensus au sein de notre assemblée, dans un esprit de coconstruction et de travail en bonne intelligence entre les différents groupes.

Le second espace transpartisan aura lieu le mercredi 14 mai prochain et connaîtra, je l’espère, le même engouement.

D’autres propositions nécessitent de modifier la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, ainsi que l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Ces mesures visent, par exemple, à reconnaître un intérêt à agir aux présidents des commissions et des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière d’application des lois, ou encore à enrichir les dispositions relatives aux études d’impact et à soumettre les amendements du Gouvernement à une obligation de production d’étude d’impact. Elles devront être adoptées par l’Assemblée nationale pour pouvoir être mises en œuvre.

J’en viens maintenant aux mesures qui modifient notre règlement et qui sont soumises à votre approbation ce soir.

Plusieurs d’entre elles visent à conforter les droits des groupes politiques. Tel est le sens de l’article 2, qui attribue aux groupes la « propriété » de leurs postes au sein du Bureau, ainsi que des commissions et des structures temporaires.

En cas de changement de groupe, le sénateur concerné cesserait de plein droit d’appartenir à cette instance. Le groupe « propriétaire » du poste aurait le choix de nommer un sénateur à sa place ou de laisser le poste. Il s’agit là d’une demande forte qui a été exprimée par l’ensemble des groupes de notre assemblée. Il appartiendra au Bureau d’édicter cette même règle pour les présidences et pour le bureau des groupes d’études et des groupes d’amitié.

Plusieurs mesures portent par ailleurs sur le renforcement des missions de contrôle et s’inscrivent dans la continuité des conclusions de la mission de réflexion sur le contrôle sénatorial, dont notre collègue Pascale Gruny, alors vice-présidente du Sénat, était le rapporteur.

Ainsi, l’article 7 simplifie l’octroi des prérogatives de commission d’enquête aux commissions permanentes, en remplaçant le passage en séance publique par une procédure d’affichage et de ratification en l’absence d’opposition.

L’article 19 réécrit le chapitre XX du règlement, relatif aux affaires européennes. Il est notamment proposé de clarifier la rédaction actuelle en distinguant mieux la procédure à suivre, selon qu’une proposition de résolution européenne est engagée par la commission permanente, par la commission des affaires européennes ou par un sénateur.

En outre, les propositions de résolutions européennes déposées par les sénateurs ne seraient plus automatiquement examinées par la commission des affaires européennes, mais pourraient l’être à la demande d’un président de groupe ou de commission.

En complément, j’ai proposé qu’un vade-mecum vienne préciser les bonnes pratiques d’élaboration des propositions de résolution déposées au nom de la commission des affaires européennes, notamment le délai de mise à disposition du projet de texte du rapporteur aux autres membres de la commission, afin de leur permettre de proposer des amendements.

Ce vade-mecum pourrait également œuvrer dans le sens d’un renforcement des interactions entre la commission des affaires européennes et les commissions permanentes, en prévoyant une veille active alertant les sénateurs des initiatives législatives européennes susceptibles d’affecter le droit national.

Par ailleurs, la proposition de résolution comporte diverses dispositions destinées à sécuriser notre règlement. Par exemple, l’article 21 modifie l’article 96 du règlement, afin de renforcer le caractère collégial et contradictoire de la procédure de sanction en matière de censure : il transfère le pouvoir de proposition de cette sanction, qui emporte des conséquences financières importantes, du président du Sénat au Bureau. Il s’agit ici de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui exige que le parlementaire sanctionné bénéficie de garanties procédurales.

Dans le même esprit, la présente proposition de résolution prévoit des mesures d’actualisation du règlement, pour le rendre plus conforme aux pratiques.

Je citerai notamment l’article 11, qui procède à une actualisation du rôle des secrétaires en cas de scrutin public ordinaire, pour tenir compte de la mise en place du système de scrutin électronique.

L’article 20 met en œuvre la réforme présentée par le comité de déontologie parlementaire et validée par le Bureau du Sénat en juillet 2023, en matière de cadeaux et de déplacements proposés aux sénateurs.

Enfin, plusieurs articles de la présente proposition de résolution suppriment des mesures obsolètes du règlement et corrigent des erreurs de coordination.

Ainsi, l’article 22 abroge l’article 106 du règlement relatif aux députations, qui permettait d’envoyer dans les cérémonies une députation, c’est-à-dire des membres de l’assemblée concernée tirés au sort. Cette disposition n’ayant jamais été utilisée depuis 1959, je vous propose de la supprimer.

La réflexion doit encore se poursuivre sur les outils qui pourraient nous être utiles demain si le développement de l’intelligence artificielle et un recours accru à cette technologie entraînaient une démultiplication du nombre d’amendements et si les outils du règlement du Sénat apparaissaient insuffisants pour y faire face.

Mes chers collègues, je vous rappelle l’exemple du Sénat italien, où un vice-président a déposé 83 millions d’amendements… (Sensation.)

Aujourd’hui, seul le Gouvernement peut agir face à une telle situation, avec les outils que la Constitution lui a confiés. Cela crée un biais qu’il nous faut résoudre : le Sénat doit pouvoir anticiper les grandes évolutions, mais aussi réagir rapidement aux enjeux plus immédiats. Il y va de notre responsabilité individuelle et collective, par-delà nos sensibilités distinctes.

En conclusion, je suis convaincue que ces mesures, qui ont été élaborées en tenant compte des observations qui m’ont été faites, sauront recueillir un consensus autour d’un objectif qui doit tous nous rassembler : l’amélioration des conditions du travail parlementaire.

Plus que jamais, le Sénat doit continuer d’incarner une assemblée efficace au service de tous nos concitoyens, qui ne transige jamais sur la qualité du débat et veille au respect de nos différences, tout en sachant transcender les clivages au nom de l’intérêt général.

Je remercie Mme le rapporteur de l’examen attentif et pertinent du texte auquel elle s’est livrée, comme toujours. Je remercie bien sûr, et sans réserve, l’équipe de la séance et le cabinet du président Larcher, qui m’ont accompagnée avec patience et bonne humeur depuis plus d’un an et qui méritent eux aussi votre soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, mes chers collègues – il n’y a pas de ministre, pour une fois ! (Sourires.) –, le travail de Sylvie Vermeillet, qui a duré de longs mois, est évidemment bien plus large que ce qui en ressort au travers de cette proposition de résolution visant à modifier le règlement, mais j’y reviendrai dans quelques instants.

Sylvie Vermeillet a veillé à ce que le texte qui nous est présenté revête un caractère consensuel. En effet, un certain nombre de mesures – notamment celles qui visaient à éviter que l’examen de 83 millions d’amendements, comme au parlement italien, ne vienne obstruer nos travaux – n’ont pas eu l’heur de convenir à tous. Nous nous contenterons donc d’aborder les mesures qui sont comprises dans cette proposition de résolution.

Au regard de l’heure avancée et des propos déjà tenus par l’auteure du texte, auxquels vous avez été extrêmement attentifs, je ne reviendrai pas dans le détail sur l’ensemble des dispositions.

Les deux propositions phares de ce texte portent, vous l’aurez compris, sur la « propriété » des postes et l’éclaircissement de la procédure relative aux propositions de résolution à la commission des affaires européennes, dont le travail se trouvera, de toute évidence, grandement facilité.

Nous avons supprimé en commission le dispositif visant à autoriser l’examen conjoint d’une proposition de résolution européenne par la commission permanente compétente et par la commission des affaires européennes. En effet, bien que cette proposition fût marquée au coin du bon sens, elle nous aurait contraints à imaginer un processus de vote aux modalités particulièrement complexes.

Nous l’avons donc abandonnée, tout en rappelant qu’une commission permanente et la commission des affaires européennes pouvaient très bien, d’un commun accord, unir leurs travaux.

À titre d’exemple, l’examen de la résolution du Sénat du 8 février 2023 sur l’avenir de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) avait donné lieu à une réunion commune à la commission des lois et à la commission des affaires européennes. Chaque commission conservera ses modalités de vote, mais nous pourrons tout de même travailler ensemble. Laissons donc un peu de souplesse !

Les autres mesures vous ont été présentées avec suffisamment de précisions. L’une d’entre elles intéressera tous les sénateurs : elle porte sur nos relations avec les tiers et sur les conditions dans lesquelles nous pouvons éventuellement, dans le cadre de notre travail et de façon assez restrictive, accepter les avantages et cadeaux qui peuvent nous être accordés. L’adoption d’un ou deux amendements devrait éclaircir les possibilités d’action dont nous disposons, dans le cadre des règles déontologiques qui s’imposent à nous. Nous y reviendrons bien sûr au cours de la discussion.

Différentes mesures d’une portée plus réduite vous sont enfin proposées. Nous les aborderons au fil de l’eau, de sorte que je ne crois pas utile de m’y attarder.

Je voudrais plutôt souligner l’état d’esprit dans lequel j’ai pu travailler. Il a été semblable, me semble-t-il, à celui qui a animé notre collègue Sylvie Vermeillet lorsqu’elle a établi ce texte : s’agissant de règles qui s’appliqueront à notre travail en commun, l’esprit de consensus m’est apparu nécessaire.

Ainsi, les mesures qui ne faisaient plus consensus et dont la suppression a été demandée seront mises aux voix. Comme je l’ai fait en commission, j’émettrai un avis de sagesse sur un certain nombre de propositions, et le Sénat statuera.

S’il est sain de retravailler les règles communes qui président à nos relations – vous verrez que des questions qui n’étaient nullement envisagées dans cette proposition de résolution ressurgiront à la faveur des multiples amendements qui ont été déposés –, il m’apparaît nécessaire de conserver une certaine souplesse. En effet, il serait sans doute contre-productif de vouloir par trop rigidifier le règlement.

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est pourquoi, comme vous le constaterez, je serai assez défavorable – vous ferez ce que vous voudrez, mes chers collègues – à un certain nombre de propositions qui ont été formulées,…

Mme Muriel Jourda, rapporteur. … car elles me semblent trop rigides.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit d’un règlement !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Elles ne permettent pas cette souplesse qui fait l’agrément de nos relations sénatoriales.

M. Bruno Sido. Parfaitement !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais dire en préambule. Suffisamment d’amendements ont été déposés pour que nous puissions échanger plus avant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de résolution fait suite aux travaux, placés sous l’égide du président Larcher, de notre collègue Sylvie Vermeillet, vice-présidente du Sénat, dans le cadre de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire et des conditions d’exercice du mandat de sénateur.

Ces travaux visent principalement à renforcer le rôle du Parlement dans la procédure législative et à accroître les outils de contrôle des sénateurs. Ils s’inscrivent dans la poursuite de l’adaptation du règlement aux pratiques du fonctionnement de notre Haute Assemblée.

Ainsi, 17 propositions ont été adoptées en conférence des présidents. La présente proposition de résolution vise à inscrire dans le règlement du Sénat celles qui en relèvent et qui portent sur la clarification et la facilitation de nos travaux. Elles visent l’efficacité – c’est le maître mot de ce texte, me semble-t-il –, à l’issue d’un travail concerté, qui a dépassé les clivages des groupes.

Je ne reviendrai pas de manière détaillée sur les différentes mesures qui visent à modifier le règlement du Sénat : celles-ci ont déjà été fort bien présentées par Sylvie Vermeillet. J’indique d’ores et déjà que le groupe Les Républicains votera cette proposition de résolution, pour faire en sorte que nos travaux soient aussi efficaces que possible et qu’ils soient réalisés dans la sérénité qui caractérise notre assemblée et dans le respect des groupes politiques.

Je veux profiter de ce débat pour intervenir sur deux sujets : l’affirmation du parlementarisme, d’une part, et le risque, pour les élus, lié à la transparence absolue et à un contrôle exacerbé, d’autre part.

La proposition de résolution concerne en effet, pour l’essentiel, le travail parlementaire : la construction de la loi et le contrôle de sa mise en œuvre. La période récente a montré combien il était précieux de faire confiance au Parlement, plus particulièrement au Sénat, quand l’exécutif ne dispose pas d’une majorité absolue, situation qui risque de durer…

Notre Constitution montre chaque jour sa robustesse et sa souplesse. La Ve République est un régime parlementaire lorsque l’exécutif ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale, et un régime présidentiel dans le cas contraire.

Dans le contexte actuel, le rôle et la place du Sénat sont renforcés. L’adoption du projet de loi de finances 2025 a parfaitement illustré cette situation, tout en en montrant les limites. On pourrait en énumérer plusieurs qui concernent aussi bien le Gouvernement, l’Assemblée nationale ou le Sénat, que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) elle-même.

Je me limiterai ici, dans le cadre du débat qui nous réunit, à évoquer quelques enjeux pour le Sénat. Il convient en effet d’accroître nos moyens d’investigation et de travail, aussi bien ceux du Sénat et de ses commissions que ceux de chaque sénateur, afin que nous puissions mieux légiférer, sans dépendre du Gouvernement. Nous manquons, en dépit de la grande qualité des services du Sénat, de moyens propres suffisants pour mesurer l’impact de telle ou telle proposition.

Par ailleurs, l’article 20 de la présente proposition de résolution me fait réagir sur la trajectoire de transparence et de contrôle de la vie politique et des élus dans laquelle nous sommes engagés et qui me semble très préoccupante.

Même l’ancien député René Dosière, qui s’est fait connaître comme le Monsieur Propre de l’utilisation de l’argent public, s’inquiétait de ce climat lorsqu’il déclarait : « Je suis très inquiet de la manière dont se passent les choses. La transparence, c’est un moyen de mieux faire fonctionner la démocratie quand il s’agit d’argent public. Mais la transparence sur la vie privée, c’est un régime dictatorial, ou moralisateur, enfin c’est l’enfer ! Il nous faut faire attention à cela ! » Or, mes chers collègues, la frontière est très poreuse entre les deux…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Stéphane Sautarel. Bien sûr, la probité en politique et dans l’engagement au service du bien commun est essentielle, et elle est fort heureusement largement répandue. Mais attention à l’effet de balancier, qui risque de dissuader beaucoup de nos concitoyens de s’investir dans la vie publique et qui jette toujours plus la suspicion, pour ne pas dire le soupçon, voire peut-être désormais un a priori de culpabilité, sur ceux qui s’engagent.

Jusqu’où faudra-t-il aller pour s’apercevoir que, quelles que soient les mesures que nous prendrons en la matière, celles-ci ne seront jamais suffisantes aux yeux de certains ? C’est à peine si nous ne devrions pas, chaque jour, nous excuser du coût de notre démocratie, et d’abord de celui de notre démocratie parlementaire !

Quand va-t-on s’apercevoir que faire de la politique, c’est se mettre à nu et dévoiler sa situation personnelle, laquelle ne relève en rien de l’engagement public ? C’est mettre en difficulté ses proches, leur créer des contraintes supplémentaires. C’est exposer sa vie d’avant et hypothéquer sa vie d’après.

Quoi qu’on fasse en matière de contrôle et de transparence, ce ne sera jamais assez. Quoi que l’on fasse en ce qui concerne la prise en charge des frais et les indemnités, ce sera toujours trop.

L’article 20 s’inscrit dans cette trajectoire, plutôt que de tenter d’aller vers un autre système, que l’air du temps n’autorise sans doute pas à envisager. Nous allons donc nous y résoudre.

Tel était, mes chers collègues, le message que je voulais exprimer, en m’extrayant du strict cadre de l’examen de cette proposition de résolution.

En conclusion, je rappelle que nous voterons ce texte, qui vise à renforcer l’efficacité, la souplesse et la transparence, dans un esprit de consensus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, mes chers collègues, nous examinons ce soir une proposition de résolution importante, présentée par notre président Gérard Larcher et par Sylvie Vermeillet, dont je tiens à saluer le travail remarquable. Ce texte est en effet le fruit d’une réflexion que notre collègue a su conduire avec rigueur et ouverture, dans le cadre de ses fonctions de présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire et des conditions d’exercice du mandat de sénateur.

Cette démarche s’est appuyée sur une concertation approfondie avec l’ensemble des présidents de groupe, de commission et de délégation, selon une méthode respectueuse de nos équilibres. Cela mérite d’être souligné.

Issue de cette réflexion collective, cette proposition de résolution n’est pas qu’une simple révision technique de notre règlement. Son examen intervient à un moment qui est loin d’être anodin : le Sénat se doit d’être pleinement conscient de son rôle dans l’espace démocratique.

Dans un contexte où le politique est mis en cause, où la confiance se délite, où la parole publique est attendue au tournant, nous devons plus que jamais nous montrer à la hauteur de nos missions.

Dans une configuration institutionnelle où le Gouvernement ne dispose pas à l’Assemblée nationale d’une majorité clairement établie, le Sénat voit son rôle renforcé. Il est communément admis que les débats sont souvent plus apaisés dans cette chambre, qu’il est possible d’aboutir à des compromis et, plus largement, que l’examen des textes a lieu avec une certaine sérénité.

Cette capacité à nous extraire des logiques partisanes constitue notre force. Elle fonde la légitimité de notre rôle de contrôle, un rôle que nous devons pleinement assumer.

Cette proposition de résolution répond clairement aux enjeux. Elle renforce les prérogatives des commissions, facilite l’octroi des pouvoirs d’enquête, introduit des créneaux de contrôle plus lisibles et permet d’auditionner à mi-parcours les personnalités nommées au titre de l’article 13 de la Constitution. Ces outils ne sont pas de simples accessoires institutionnels : ils traduisent une exigence de transparence, de rigueur et d’évaluation qui est au cœur d’une démocratie vivante.

Le texte va plus loin : il conforte les droits des groupes politiques, en reconnaissant leur rôle structurant dans la répartition des responsabilités, et clarifie des points essentiels pour éviter que nos règles ne deviennent un frein à l’efficacité du travail parlementaire. Il modernise, simplifie, sécurise et supprime ce qui est devenu obsolète.

Dans un État de droit, le Parlement n’est pas un spectateur. Il est un acteur, un garant, parfois un garde-fou. Quand les équilibres institutionnels sont fragiles, comme c’est le cas de nos jours, le rôle du Sénat devient central.

Ce texte, par les outils qu’il met à notre disposition, nous permettra, s’il est adopté, de jouer ce rôle avec plus de force, plus de clarté et plus de responsabilité.

Si, à première vue, il semble relever de l’entre-soi et n’intéresser que les seuls sénateurs, il sert en réalité l’intérêt de tous. Il tend en effet à renforcer la démocratie, en permettant au Sénat de mieux remplir ses fonctions de contrôle et de représentation et, en définitive, de mieux servir nos concitoyens.

Le groupe RDPI votera donc cette proposition de résolution,…

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

Mme Patricia Schillinger. … qui renforce notre institution, honore le travail collectif et répond aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent pouvoir compter sur des parlementaires utiles, exigeants et pleinement engagés dans l’exercice de leurs missions.

Toutefois, je rappelle aussi que les parlementaires travaillent jusqu’à des heures tardives : je crois, mes chers collègues, que nous devrons un jour modifier notre règlement pour nous attaquer à la question du travail de nuit, que l’examen de textes de loi à rallonge nous impose ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Madame la présidente, mes chers collègues, le parlementarisme est l’acte fondateur de la démocratie moderne. Il constitue à la fois une promesse, celle que la volonté générale guide à tout instant les décisions de la Nation, et une exigence, celle de disposer de représentants libres, éclairés, capables de traduire l’intérêt général en émettant des opinions, des votes des arbitrages.

La proposition de résolution s’inscrit dans cet héritage. Il s’agit d’améliorer la qualité du travail parlementaire aussi bien dans le vote de la loi que dans nos missions de contrôle de l’action du Gouvernement.

Je le dis en préambule, les vingt-deux articles de cette proposition de résolution qui visent à modifier le règlement du Sénat vont dans le bon sens. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’en retiendrai deux parmi les plus significatifs.

L’article 2 attribue aux groupes politiques la « propriété » de leurs postes au sein des instances du Sénat, notamment au sein du Bureau. Voilà une bonne mesure, sous réserve que le principe de la répartition des postes à la représentation proportionnelle soit bien respecté. En effet, le droit de « propriété » ne vaut que tant que les effectifs des groupes n’évoluent pas de façon substantielle durant le triennat.

Quant à l’article 19, le groupe du RDSE n’y est pas opposé. Nous souhaitons toutefois le maintien pour les groupes de la faculté de demander à la commission de se prononcer dans le délai d’un mois, pour permettre à certains textes d’être adoptés rapidement.

Mon groupe renouvellera, ce soir, les propositions qu’il a formulées en commission, faute d’avoir obtenu des réponses convaincantes.

Alors que l’article 17 bis de notre règlement prévoit qu’un délai de deux semaines doit s’écouler entre l’examen d’un texte en commission et son examen en séance, cette règle n’est quasiment jamais respectée. Nous voulons qu’elle le soit.

Ainsi, lors de la conférence des présidents du 19 mars dernier, deux textes ont bénéficié du délai normal de deux semaines, tandis que dix-huit autres ont fait l’objet de la dérogation : l’exception est devenue la règle, au détriment d’un examen serein des textes de loi.

La lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires (CMP) intervient également trop souvent dans un délai contraint, parfois le lendemain de la réunion. Dans ces conditions, comment pouvons-nous appréhender correctement un texte en navette ?

En ce qui concerne la composition des CMP, quel argument peut-on opposer à ce que tous les groupes soient représentés ? Je rappelle que l’Assemblée nationale est parvenue à trouver un équilibre, grâce aux postes de suppléants. Le Sénat doit tenir compte de la multiplication des groupes politiques.

Comme je l’ai indiqué, le groupe du RDSE soutient la proposition de résolution, mais nous nous interrogeons : suffira-t-elle à améliorer profondément notre travail ?

Depuis la dissolution, il n’y a plus qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Dans ces conditions, le Gouvernement et les corps intermédiaires reportent sur le Sénat leurs attentes. La démocratie parlementaire doit vivre dans la délibération, la transparence et l’efficacité, laquelle n’est pas synonyme de précipitation.

Au fond, le débat que nous avons aujourd’hui soulève une question plus fondamentale : ne faudrait-il pas réfléchir à de nouveaux ajustements constitutionnels ?

« Un constat s’impose en effet : depuis quelques années et à son corps défendant, la machine parlementaire s’est emballée ; elle tourne à plein régime, de jour comme de nuit […] Mais, chacun a pu le constater, l’excès de ces activités imposées n’est pas synonyme d’efficacité. » Ces propos sont ceux de Jacques Toubon, alors garde des sceaux, lors de l’examen de la réforme constitutionnelle de 1995.

Trente ans se sont écoulés, mais, comme en atteste la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, il faut toujours faire mieux pour renforcer notre système démocratique, qui en a bien besoin aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)