Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Olivia Richard. Madame la présidente, mes chers collègues, cent textes en cent jours : tel est, selon le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, le beau bilan de l’activité du Parlement.
Je ne sais pas si nous devons nous féliciter de ce qu’il convient plutôt d’appeler une suractivité parlementaire, mais, en tout cas, cela suffit à me convaincre que l’amendement tendant à supprimer les votes par scrutin public par groupe n’est pas bienvenu.
Bien entendu, nos votes doivent rester personnels et il nous revient d’être particulièrement vigilants dans les consignes de vote que nous transmettons à nos groupes. Cependant, il est illusoire de croire que nous pouvons, avec les moyens insuffisants qui sont les nôtres, prendre une part active ou même éclairée à l’ensemble des travaux parlementaires. Nous ne pouvons pas et même nous ne devons pas être partout.
Le texte dont nous débattons ce soir contient des propositions consensuelles. Je salue Sylvie Vermeillet, vice-présidente de la délégation du Bureau du Sénat chargée du travail parlementaire et des conditions d’exercice du mandat de sénateur. Elle a mené un travail fouillé pendant plus d’un an.
Ce texte comporte des avancées notables, je tiens à le souligner. Il en va ainsi de la clarification de la procédure par laquelle une commission permanente peut déposer une proposition de résolution européenne. Les commissions permanentes pourront se saisir au fond, ce qui, là encore, me semble très intéressant pour améliorer notre connaissance des sujets européens.
Ensuite, nous avons noté avec intérêt les dispositions visant à attribuer aux groupes la « propriété » de leurs postes au sein du Bureau du Sénat et des commissions. À vrai dire, dans la mesure où ces postes sont attribués à la proportionnelle des groupes, cela semble couler de source. Cette règle mérite toutefois d’être écrite.
De nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Leur examen nous permettra de mener d’intéressants débats. Même s’ils ne devaient pas être adoptés, ils nourriront notre réflexion dans la perspective de prochaines évolutions de notre règlement, que notre président souhaite régulièrement actualiser.
Nous parlerons certainement beaucoup ce soir des droits des groupes minoritaires. Il est toujours aisé, pour la majorité, de faire l’impasse sur ce sujet : à ses yeux, il n’est jamais urgent.
À cet égard, je voudrais rappeler que les droits des groupes minoritaires et la place qui leur est faite disent quelque chose de notre chambre. Nous nous honorons de parvenir à des consensus lorsque c’est possible – l’espace transpartisan en est une bonne illustration.
Lorsque ce n’est pas possible, la qualité de nos échanges, emprunts de respect, est montrée en exemple. On voit sur certains sujets d’autres majorités se former, et cela participe de la vitalité de nos travaux. Gardons à l’esprit que la majorité d’aujourd’hui peut devenir la minorité de demain.
Alors que nous procédons à une modernisation du règlement du Sénat, je vous soumets, mes chers collègues, deux réflexions.
La première concerne l’application du régime des présences obligatoires aux sénateurs des Français de l’étranger. Ces derniers, en effet, se voient soumis aux mêmes règles de présence que les sénateurs des départements de métropole. Cela prête à sourire lorsque l’on connaît la taille de notre circonscription : tout simplement le monde !
Nos élus, les conseillers des Français de l’étranger, font un travail de terrain, et nous les accompagnons de notre mieux à distance. Mais rien, nous le savons, ne saurait remplacer les déplacements. Ils ont besoin de notre présence, et nous avons besoin d’aller au contact de leurs réalités, qui sont très diverses. Le système actuel ne nous laisse que quatre jours pour partir, en incluant le week-end. Je dois donc faire des choix entre mes enfants et les élus. Plusieurs de mes collègues sont dans la même situation, même si nous ne sommes pas majoritaires.
Ma seconde observation a trait à nos délégations. Celles-ci constituent un vivier de ressources. Par définition, nos délégations sont thématiques. Leurs membres y acquièrent rapidement des compétences, dont ils font bénéficier la commission permanente dans laquelle ils ou elles siègent.
Ainsi, je me suis dit plusieurs fois que chaque sénateur gagnerait à suivre un stage au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Dominique Vérien, dont les travaux sont très éclairants sur l’état de la société.
C’est pourquoi je me suis réjouie de la création d’une mission commune entre la commission des lois et la délégation aux droits des femmes, dont je salue les deux présidentes, sur la prévention de la récidive en matière d’infraction sexuelle. Certes, une telle initiative n’était pas inédite, mais cela reste rare : ces regards croisés sont tout à fait enrichissants.
La légitimité du Sénat repose notamment sur les compétences de ses membres. Ne négligeons donc aucune modalité de travail qui nous permettrait d’en gagner, en utilisant, plutôt que d’en créer, les structures existantes.
Ce texte est l’aboutissement d’un travail important, dans tous les sens du terme, et je tiens à réitérer mes félicitations à notre collègue Sylvie Vermeillet.
Le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, mes chers collègues, il n’est jamais anodin de débattre d’une réforme du règlement du Sénat, même à une heure tardive, car ce document garantit le fonctionnement démocratique de notre institution.
L’ambition première de cette réforme nous avait inquiétés, car, une nouvelle fois, la majorité de notre assemblée affichait une volonté forte de rationalisation du travail parlementaire, c’est-à-dire, en langage décodé, une volonté de réduction du droit d’amendement et du temps d’expression des parlementaires.
Les ambitions de ce texte ont été revues à la baisse, grâce, selon nous, à deux éléments : d’une part, une prise en compte, presque inédite, des remarques émises par les différents groupes – c’est un facteur positif que nous saluons – et, d’autre part, une évolution de la situation politique, qui confère au Parlement une responsabilité nouvelle.
Le président du Sénat le sait bien, à chaque réforme du règlement, notre groupe souligne l’incongruité que représente le fait, pour une assemblée parlementaire, de voter elle-même la réduction de ses prérogatives, ce qui favorise ainsi le pouvoir exécutif.
D’année en année, déposer un amendement est devenu un exercice difficile. D’année en année, développer une argumentation construite est devenu une gageure, tant le temps de parole est restreint. Sur ce dernier point, nous avons souvent alerté sur le fait que la restriction des discussions pouvait paradoxalement alimenter le dépôt d’amendements. Surtout, le débat démocratique se retrouve abaissé et la confrontation des idées mise en berne.
Lors des élections législatives qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, Emmanuel Macron a été mis en forte minorité, plus fortement encore qu’en juin 2022.
La configuration nouvelle place, de fait, le Parlement au centre du jeu, même si, comme François Bayrou l’a confirmé sans ambages, la tentation de le contourner est grande.
La recherche de majorités texte par texte exige un débat approfondi et l’expression précise de chaque groupe. Le rôle important, voire décisif, du Sénat dans l’adoption des textes exige également que nous ayons ici, au Palais du Luxembourg, un débat renforcé.
J’ai relevé ainsi, avec un certain étonnement, que l’on voulait réduire les possibilités d’expression contre les conclusions d’une commission mixte paritaire, en écartant, par exemple, la possibilité de déposer une question préalable à leur encontre.
Voilà qui est d’autant plus inquiétant que la configuration actuelle des CMP se révèle favorable au Gouvernement, alors même que le Gouvernement ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale… La multiplication des CMP conclusives au terme d’une procédure accélérée exige, pour le moins, un véritable débat sur le travail effectué par les quatorze parlementaires qui légifèrent dans des conditions de transparence bien modestes.
Dans ce contexte éruptif, il était donc difficile de corseter plus encore le travail parlementaire. La démocratie est en crise et il faudra se pencher, dans de proches délais, sur notre Constitution. Le mouvement d’hyperprésidentialisation, accéléré par Emmanuel Macron, a causé des dégâts considérables sur le plan institutionnel et sur la confiance du peuple dans notre système politique.
Les épisodes successifs que nous avons vécus depuis juillet dernier nous poussent à nous interroger sur le rapport de nos institutions avec les réalités de notre pays. Je pense notamment au maintien au pouvoir d’un gouvernement démissionnaire durant cinquante jours, alors qu’il était totalement illégitime politiquement, ou au vote d’un budget censuré, qui avait été présenté par un pouvoir battu aux élections.
La discussion sur le règlement du Sénat peut ainsi paraître anecdotique, voire technique, dans le grand désordre ambiant. Il s’agit là pourtant d’une vision trompeuse, car c’est dans les articles du texte qui régit nos travaux que se trouvent, selon nous, les clés d’une restauration des prérogatives parlementaires.
Nous proposerons donc quelques amendements – bien loin des millions déposés au Parlement italien… –, pour défendre la démocratie parlementaire. Et nous nous abstiendrons lors du vote sur cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, mes chers collègues, élu sénateur il y a plus de quatre ans, j’ai pu apprécier la qualité des échanges que nous avons lors de nos différents travaux, en partie grâce aux règles qui régissent le fonctionnement de notre institution. J’ai pu aussi, durant ce court laps de temps, observer certaines problématiques liées notamment à l’appartenance à un groupe d’opposition. Je me réjouis donc que ce texte vise, au-delà des enjeux de clarification et de simplification, à s’atteler à la question des droits des groupes politiques.
Membre du groupe de réflexion du Bureau du Sénat sur l’organisation de nos travaux, j’ai pu, de manière plus précise, mettre l’accent sur les difficultés qui pèsent sur l’action parlementaire, notamment celle des plus petits groupes.
Le texte que nous étudions vise à mettre en œuvre plusieurs recommandations qui ont été adoptées à la suite des travaux menés par notre collègue Sylvie Vermeillet pour améliorer les conditions d’exercice du travail parlementaire. Il s’agit d’un texte transpartisan. Lors de sa préparation, l’ensemble des groupes a été auditionné, et je tiens à saluer la méthode employée par notre rapporteure.
Je me réjouis aussi que ce texte permette, en son article 2, d’accéder à une demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires relative à la sécurisation des places attribuées aux groupes au sein des commissions et du Bureau du Sénat.
Mon groupe accueille très favorablement l’article 20 sur le renforcement des obligations déontologiques. Celles-ci pourraient être accrues : je pense notamment aux obligations déclaratives relatives aux voyages offerts par des groupes d’intérêt public ou des États étrangers.
Cependant, en dépit de son titre, qui mentionne l’objectif de « conforter les droits des groupes politiques », la proposition de résolution est en réalité assez maigre sur ce sujet. Elle pourrait aussi aller plus loin en ce qui concerne l’amélioration du statut et du cadre de travail des collaborateurs.
Tout d’abord, je souhaiterais rappeler que les parlementaires ne pourraient guère agir sans le concours de ceux qui les accompagnent au quotidien, au-delà des services de l’administration. Nous avons tous conscience ici, sur toutes les travées, que le travail de nos collaborateurs nous permet de faire le nôtre au mieux. Je déplore donc que l’on porte trop peu d’attention à leurs conditions de travail et de rémunération dans nos discussions, ici comme au sein d’autres instances. (M. Antoine Lefèvre s’exclame.)
J’ai longtemps été le seul représentant de mon groupe à la commission des lois. En cas d’absence de ma part, quelle qu’en soit la raison – une grippe, un retard de train, etc. –, aucun conseiller parlementaire de mon groupe ne pouvait assister aux réunions de cette commission, où sont pourtant examinés les rapports et les amendements. Cela rend le travail parlementaire très compliqué.
Le groupe GEST déposera ainsi des amendements visant à permettre la participation des collaborateurs des groupes à certaines réunions de commission, même en l’absence de sénateurs du groupe.
M. Jean-François Husson. Non !
M. Guy Benarroche. Une telle évolution serait particulièrement utile pour les petits groupes comme le nôtre.
Nous défendrons aussi des amendements tendant à remédier à certaines difficultés des groupes minoritaires. Ainsi, depuis que je suis sénateur, je n’ai jamais été rapporteur au sein de ma commission. Nous proposerons donc un système d’attribution des rapports plus équilibré et plus transparent, ainsi que la possibilité d’être remplacé en commission.
J’évoque la question de la répartition des postes de rapporteurs, car il s’agit d’un vrai sujet. Je tiens d’ailleurs à remercier les administrateurs du Sénat, dont le travail est précieux. Il n’en demeure pas moins que le rapport de la commission, souvent voté le mercredi, n’est souvent disponible à l’ensemble des commissaires et des sénateurs que le vendredi, ce qui est souvent trop tard pour servir de base sérieuse de réflexion pour l’écriture des amendements, dont le délai limite de dépôt est souvent fixé au lundi.
Nous proposerons donc d’améliorer l’accès aux documents, tels que les questionnaires des auditions des rapporteurs ou le rapport lui-même.
Notre groupe présentera aussi, en coordination avec nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un amendement essentiel sur les modalités du scrutin public, afin d’éviter qu’un seul sénateur, de la majorité ou de l’opposition, ne puisse voter pour l’ensemble de son groupe.
Ce texte, mes chers collègues, présente des avancées, et nos amendements ont pour objet d’en proposer d’autres, qui sont attendues de longue date.
Notre groupe salue toutes ces propositions, qu’elles concernent nos règles de fonctionnement et nos processus, afin de faciliter le travail des sénateurs et de leurs collaborateurs, qu’elles visent à garantir une meilleure représentativité des groupes minoritaires ou encore qu’elles tendent à consolider le fonctionnement démocratique du Sénat grâce à une modification de ses scrutins.
Nous serons attentifs à ce que notre débat puisse aboutir, comme cela a été le cas pour la rédaction du texte initial, à un consensus large, afin d’améliorer le fonctionnement de notre institution et de donner une place plus juste aux groupes politiques minoritaires.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, mes chers collègues, le changement, c’est maintenant. (Sourires sur les travées du groupe SER.) En tout cas, en ce qui concerne notre règlement, le changement, c’est ce soir !
Je serai direct : ce texte est acceptable dans son ensemble, dans la mesure où il ne contient pas réellement d’atteinte aux moyens d’action des sénateurs. Nous ne nous y opposerons donc pas.
Quatorze articles sur les vingt-deux que comporte cette proposition de résolution ne présentent pas, à nos yeux, d’enjeu particulier, même s’ils sont nécessaires. L’attribution aux groupes de la « propriété » de leurs postes au sein du Bureau du Sénat et des commissions permanentes est une avancée, parce que nous avons connu en la matière des situations dysfonctionnelles.
Comme il a été longuement travaillé, tant par le groupe de travail sur le travail parlementaire et les conditions d’exercice du mandat de sénateur que par le comité de déontologie parlementaire du Sénat, l’article 20 nous semble constituer un bon équilibre.
Toutefois, d’autres dispositions suscitent chez nous davantage de réserve, voire de véritables interrogations. En outre, certains thèmes qui nous sont chers n’ont pas été évoqués. Nous souhaitons que nous en débattions ce soir. C’est dans cette perspective que nous avons déposé différents amendements.
Je souhaite attirer particulièrement l’attention sur trois sujets : la défense de la commission des affaires européennes du Sénat, la défense des droits de l’opposition et la promotion de la parité.
Nous sommes, pour le moins, dubitatifs sur la réécriture du règlement proposée à l’article 19, qui est consacré aux affaires européennes. Hormis quelques précisions rédactionnelles bienvenues, mais secondaires, cette réécriture aurait pu et dû mettre en avant le rôle de la commission des affaires européennes, qui n’a cessé de croître au fil des années à mesure que les enjeux européens prenaient une place grandissante.
Pourtant, la réécriture proposée, à force de détails et de répétitions, aboutira à rendre les procédures plus complexes, alors que le règlement actuel nous semble explicite. Cette nouvelle rédaction donne à penser que la commission des affaires européennes ne pourrait se saisir que par défaut, par dérogation, en cas de non-saisine de la commission permanente sur un texte européen. Voilà qui risque de diminuer son importance de manière tout à fait inopportune.
Cette commission a su s’imposer au fil des années, par la qualité de son travail et par sa crédibilité. Cette instance est écoutée, aussi bien au sein du Sénat qu’au niveau européen. Elle constitue un atout que nous devons préserver, mais aussi, je crois, renforcer, parce qu’elle est indispensable.
Je voudrais aussi évoquer un autre sujet qui nous est cher, particulièrement au Sénat, celui des droits des groupes d’opposition. Actuellement, l’attribution de la présidence de la commission des finances au premier groupe d’opposition relève d’un gentleman’s agreement.
Toutefois, verba volant, scripta manent ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si seuls demeurent les écrits, il nous semble nécessaire, sans faire de procès d’intention, que cette évolution démocratique soit enfin inscrite « en dur » dans notre règlement, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale.
La parité réelle est un autre objectif qui guide la boussole du groupe socialiste. Nous souhaitons ainsi que, lorsque les groupes désignent des candidats en nombre pair pour le Bureau du Sénat, ils proposent autant de femmes que d’hommes à ces fonctions. Et si la désignation est en nombre impair, alors l’écart ne doit pas être de plus d’un. Nous devrions pouvoir y survivre collectivement.
De même, nous voudrions une parité dans les présidences de commission.
Je souhaite évoquer un dernier point : le vote par assis et levé. Cette modalité de vote, qui pouvait apparaître comme une stigmatisation des personnes à mobilité réduite, a été abolie à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Des amendements identiques de mes collègues Marie-Pierre de La Gontrie et Guy Benarroche ont pour objet de faire de même, contrairement à votre amendement, madame le rapporteur, que vous avez déposé tardivement et qui ne nous semble pas pertinent.
M. Olivier Paccaud. À moi, si !
M. Éric Kerrouche. La pratique sénatoriale du scrutin public constitue une dernière et importante anomalie : elle autorise un unique sénateur à voter pour l’ensemble des membres de son groupe.
Cette modalité de vote est de toute évidence contraire à l’article 27 de la Constitution, qui dispose : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. » Il nous semble essentiel de revenir à la stricte application de ce texte, comme le font déjà nos collègues de l’Assemblée nationale.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Bruno Sido. Non !
M. Éric Kerrouche. Enfin, nous souhaitons instaurer une règle de révision du crédit dédié aux collaborateurs.
Avec la fin des majorités absolues à l’Assemblée nationale, notre chambre a retrouvé une place centrale dans nos institutions. Cependant, nos équipes sont notoirement trop peu nombreuses pour faire face à celles de l’exécutif et leurs rémunérations bien trop contraintes, alors même que notre besoin d’expertise s’intensifie. Il paraît donc indispensable que l’enveloppe des crédits affectés à la rémunération des collaborateurs soit a minima indexée sur l’inflation.
Pour conclure, je confirme que nous adhérons globalement à la philosophie de ce texte. Cette mise à jour est nécessaire, mais nous souhaitons mettre l’accent sur des sujets qui nous paraissent essentiels dans un parlement moderne : les droits de l’opposition, la parité, l’égalité et la transparence.
« Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour », disait le poète. À défaut, nous attendons un peu de compréhension. Ainsi, en fonction du sort réservé à certains de nos amendements, nous voterons pour ce texte. Sinon, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, c’est un honneur, en tant que délégué de la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe (Rasnag), d’évoquer avec vous les règles qui régissent notre institution.
Notre règlement est bien plus qu’un simple recueil de procédures : il est la colonne vertébrale de notre travail législatif, et sa modification doit être faite avec parcimonie et mesure. À ce titre, il me faut saluer le travail de concertation parfaitement œcuménique mené par la vice-présidente Sylvie Vermeillet.
Vous le savez comme moi, nous ne sommes plus seulement dans une crise de confiance : nous faisons face à une défiance généralisée, profonde et installée de nos concitoyens à l’encontre du Parlement, des politiques et de la politique en général.
Le règlement du Sénat, loin d’être une simple formalité technique ou procédurale, doit conforter tant l’efficacité de notre travail législatif que les droits des législateurs, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition.
Ainsi, à l’instar de nos collègues, nous saluons l’évolution bienvenue de l’article 2, avec la clarification apportée à la notion de « propriété » politique des sièges dans les commissions du Sénat. Cette mesure peut, sur le papier, apparaître comme une réponse logique à certaines pratiques parfois ambiguës.
Pour le reste, je sais que l’un des principaux enjeux de cette réforme du règlement était de tenter de fluidifier les débats et de rationaliser le temps en hémicycle.
J’imagine que personne n’oserait dire que nous travaillons trop : aucun de nos compatriotes ne le comprendrait, et à raison… Simplement, il a pu arriver que les débats s’éternisent de manière artificielle, en particulier à l’occasion des projets de loi de finances, que ce soit en 2023 ou en 2024. Ce temps, nous devrions parfois le passer sur le terrain, aux côtés des élus locaux et de nos concitoyens ; c’est aussi notre mission, au-delà du simple travail législatif.
Le véritable problème se situe ailleurs, et j’ai déjà pu m’en ouvrir auprès de vous, mes chers collègues : la réponse n’est pas réglementaire. Elle relève plutôt de la discipline individuelle et collective. La place de plus en plus importante qu’ont prise les réseaux sociaux dans le suivi de la vie politique a modifié nos pratiques, parfois en bien, puisqu’elle démocratise a priori l’accès à l’information, mais souvent en mal, puisqu’elle fait la part belle aux égos et à la tentation de multiplier le nombre d’amendements pour faire des vidéos et remplir les profils Facebook et Twitter.
Un parlementaire me confiait que, entre 2005 et 2025, le nombre d’amendements sur les projets de loi de finances avait été multiplié par dix.
Nous connaissons également l’autre cause de cette inflation : l’absence de majorité à l’Assemblée nationale fait de notre chambre une institution désormais centrale dans le travail législatif et nous avons tendance à rejouer les matchs. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais nous devons aussi regarder en face les dérives que cette situation peut entraîner. Je ne jette évidemment la pierre à personne, puisque nous cédons tous, à des degrés divers, à de mauvaises pratiques, mais nous voyons bien que l’inflation législative n’est pas toujours utile ni désintéressée.
Ce sont des choses sur lesquelles, malheureusement, aucun règlement intérieur ou aucun projet de résolution n’aura de prise réelle. Pour autant, nous n’avons aucune raison de nous opposer à ce texte, qui préserve de manière bienvenue les droits de la Rasnag. Nous le voterons donc. (M. Joshua Hochart applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame le rapporteur, mes chers collègues, dans le contexte politique troublé que notre pays connaît actuellement, le rôle du Parlement, singulièrement celui du Sénat, revient au premier plan.
Pour mener à bien ses missions, le Sénat doit veiller en permanence à l’efficacité des dispositions de son règlement. La proposition que nous examinons aujourd’hui vise à adapter nos règles de fonctionnement aux exigences contemporaines de l’action parlementaire, dans un esprit de continuité, d’efficacité et de responsabilité.
Fruit d’un travail mené, sur l’initiative du président du Sénat, Gérard Larcher, par notre collègue Sylvie Vermeillet, cette proposition de résolution découle d’observations formulées sur le travail parlementaire et les conditions d’exercice du mandat sénatorial.
Notre groupe tient à saluer la méthode qui a été employée. Nous avons apprécié l’écoute accordée aux contributions de l’ensemble des présidents de groupe, de commission et de délégation.
Le texte qui nous est soumis contient des dispositions techniques, parfois complexes, qui visent toutes à permettre à notre assemblée de mieux exercer ses missions, dans un environnement institutionnel et politique en constante mutation.
Afin de renforcer nos outils de contrôle, il est prévu de simplifier la procédure conférant à une commission permanente les pouvoirs d’une commission d’enquête, ou encore de fluidifier la désignation des membres des commissions mixtes paritaires.
La procédure d’examen des propositions de résolution européennes (PPRE) fait l’objet d’un article important. Les trois régimes prévus en fonction de la catégorie à laquelle appartient l’auteur de cette PPRE apporteront davantage de clarté, de souplesse et d’efficacité. Il nous semble que ces dispositions sont pragmatiques et qu’elles concourront utilement à la qualité du débat parlementaire.
Une attention particulière a également été portée aux droits des groupes politiques. Le texte clarifie notamment l’attribution des sièges dans les organes du Sénat, en assurant une meilleure lisibilité lors des changements d’appartenance politique. De telles dispositions contribueront également à garantir une représentation plus fidèle des équilibres internes.
Par ailleurs, plusieurs articles visent à améliorer la lisibilité et la cohérence de notre règlement. C’est notamment le cas des ajustements liés à l’évolution des outils de vote, ou encore d’une révision des modalités de prise de parole en séance. Toutes ces mesures faciliteront notre fonctionnement sans en altérer l’équilibre.
Le texte propose un encadrement renforcé de la déontologie parlementaire en matière de cadeaux et de déplacements proposés aux sénateurs, reprenant en cela les préconisations du comité de déontologie parlementaire du Sénat.
Comme il est déjà précisé dans le code de conduite, les sénateurs ne peuvent accepter un cadeau offert par un représentant d’intérêts lorsque sa valeur est supérieure à 150 euros. La suppression du régime dérogatoire pour les déclarations d’invitation à des manifestations culturelles ou sportives sur le territoire national dans une perspective de transparence, afin de faire progresser la probité, est aussi à saluer.
Enfin, cette proposition de résolution vise à effectuer un toilettage nécessaire, en supprimant certaines dispositions devenues obsolètes ou redondantes. Cela participe pleinement à l’objectif de simplification.
En définitive, cette proposition ne constitue ni une rupture ni une simple mise à jour formelle. Elle s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue au service de notre institution. Conscient de ses responsabilités et soucieux de son image, le Sénat se donne ainsi les moyens de renforcer son efficacité.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l’adoption de ce texte, afin de permettre au Sénat d’être mieux armé pour exercer pleinement les missions que lui confie la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)