Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Des mesures existent déjà !
M. Olivier Paccaud. … par ailleurs, et c’est important, il contribuera à « désarmer » les OQTF ; enfin, il évitera que nos mairies ne deviennent des bureaux d’aide à la régularisation de hors-la-loi et de sans-papiers ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme Valérie Boyer. Bien sûr, et des filières !
M. Thomas Dossus. Oh là là !
M. Olivier Paccaud. Qu’on le veuille ou non !
M. Thomas Dossus. Donnez des chiffres et arrêtez vos fantasmes !
M. Olivier Paccaud. Pour terminer, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen décline quatre droits naturels et imprescriptibles de l’homme : la liberté ; la sûreté ; la propriété ; la résistance à l’oppression. Il n’y est pas question de mariage !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Il s’agit clairement d’un débat gauche-droite.
M. Olivier Paccaud. Non, droite-gauche ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. C’est un débat gauche-droite, assumez, ce n’est pas grave ! Nous sommes ici au Parlement, nous sommes là pour débattre, réfléchir autour d’idées et de faits. C’est pourquoi je vous pose de nouveau la question, monsieur le ministre, en espérant une réponse cette fois-ci : de combien de cas parlons-nous ?
M. Francis Szpiner. Un seul suffit !
M. Fabien Gay. Quand je suis devenu sénateur, on m’a expliqué qu’au Sénat on légiférait sur l’essentiel, pour traiter une majorité de cas.
Alors, je repose la question : sur plusieurs dizaines ou centaines de milliers de mariages chaque année, de combien de cas est-il question ?
Monsieur Demilly, je sais qu’il m’arrive de m’emporter, mais je fais attention aux mots que j’emploie : je n’ai pas dit que vous étiez d’extrême droite, mais que vous couriez derrière l’extrême droite. (Protestations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. C’est pareil !
M. Olivier Paccaud. Vous êtes un adepte du jésuitisme ?
M. Fabien Gay. Vous n’aurez qu’à réécouter l’ensemble de mes propos.
Je sais que nous vivons une époque qui illustre une certaine inversion des valeurs – ainsi, les défenseurs de la liberté d’expression ne la défendent que pour pouvoir diffuser leur racisme –, mais, personnellement, monsieur Demilly, je ne suis pas membre d’un gouvernement qui ne tient que par la laisse de Mme Le Pen. Voilà la réalité !
M. Francis Szpiner. C’est pourtant vous qui avez voté la censure avec le RN !
M. Fabien Gay. Vous aurez beau dire que ce sont les gens de gauche qui font monter le racisme, ce sont bien eux, et notamment nous, les communistes, qui combattent les idées du Rassemblement national et le racisme. Vous, vous leur passez les plats !
Enfin, je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, lorsque vous avez reproché à Mélanie Vogel, Corinne Narassiguin et moi-même de n’avoir jamais été maires. C’est vrai, pour ma part, je n’ai jamais célébré de mariage. Mais qu’un ministre d’État se permette de nous dire qu’en définitive nous n’aurions pas notre mot à dire sur cette question, parce que nous n’avons jamais célébré de mariages,…
M. Fabien Gay. … ou que notre parole vaudrait moins que celle des orateurs qui ont déjà été maires, est stigmatisant. Je le dis comme je le pense, ici, nous légiférons tous à égalité, car nous sommes tous élus à égalité.
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Pour ma part, j’ai été dix ans au Smic ; pour autant, je n’oserais jamais dire que certains de mes collègues ne devraient pas parler de salaire et de Smic, parce qu’ils ne savent pas ce que c’est ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, la commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.
proposition de loi visant à interdire un mariage en france lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire
Avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Le Rudulier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 63 du code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 2°, après le mot : « fournies, », sont insérés les mots : « y compris en application de l’avant-dernier alinéa du présent article, » ;
2° Après l’avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les futurs époux de nationalité étrangère fournissent à l’officier d’état civil, outre les pièces mentionnées au 1° du présent article, tout élément lui permettant d’apprécier leur situation au regard du séjour. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de trouver une voie de passage en vue de concilier, d’une part, les objectifs visés par les auteurs de la proposition de loi et, de l’autre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Notre amendement tend à modifier l’article 63 du code civil : le dispositif que nous proposons repose sur l’obligation de fournir toute pièce justifiant la régularité du séjour et permettant d’apprécier la situation des futurs époux. Ainsi, l’officier d’état civil pourra réclamer cette pièce, qui devra obligatoirement lui être délivrée et lui permettra d’évaluer la situation.
J’ajoute que l’absence d’une telle pièce, qui a un caractère obligatoire, ne permet pas en tant que telle la saisine automatique du procureur de la République. L’officier ne pourra le saisir qu’à partir des auditions auxquelles il a procédé. Pour autant, cette pièce justificative s’inscrira dans le faisceau d’indices qui doit guider l’officier d’état civil pour repérer d’éventuels mariages frauduleux.
Notre dispositif – c’est très important – n’est pas incompatible avec l’article unique de la proposition de loi de Stéphane Demilly. Rien n’empêche donc de voter les deux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Permettez-moi de contredire M. le rapporteur sur la constitutionnalité de cet amendement.
Deux éléments nous permettent en effet d’en douter.
En premier lieu, cet amendement vise à rendre obligatoire, pour tout étranger, la fourniture de la preuve de la régularité de son séjour. Les termes mêmes du dispositif ne disent rien d’autre. Si l’on rend obligatoire la fourniture de cette preuve, cela signifie que les personnes qui ne pourront pas l’apporter ne pourront pas se marier. Dès lors, la régularité du séjour devient, en toute hypothèse, une condition pour contracter mariage. Or le Conseil constitutionnel a déjà clairement indiqué que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger ne peut faire obstacle en lui-même au mariage de l’intéressé.
En second lieu, si l’on rend obligatoire la fourniture de la preuve de la régularité du séjour, un étranger en situation irrégulière serait nécessairement dissuadé de se marier.
La question qu’il convient de se poser est alors la suivante : aura-t-il été dissuadé de se marier, parce que son mariage était frauduleux ? Pas nécessairement – ce sera même le plus souvent le contraire. En fait, dans la majeure partie des cas, il renoncera à se marier tout simplement par crainte d’une procédure d’éloignement. Dès lors, l’étranger en situation irrégulière aura à choisir entre se marier, avec les risques que cela comporte en termes d’éloignement, et ne pas prendre ce risque, c’est-à-dire renoncer à se marier, renoncer à une liberté garantie par la Constitution.
En conséquence, quelle que soit la rédaction retenue, dès lors qu’un dispositif établit une connexion entre régularité du séjour et mariage, il porte nécessairement atteinte à une liberté fondamentale.
Mme Valérie Boyer. Non, c’est l’inverse !
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. À ce stade du débat, je vais essayer de vous convaincre que la présente proposition de loi, dont ses auteurs prétendent qu’elle protège les maires, ne fait que les exposer davantage aux menaces.
J’ai compris qu’aujourd’hui c’était « jeudi confession » et qu’il fallait commencer son intervention en déclarant si l’on avait été maire ou pas : je n’ai pas été maire de Paris… (Sourires sur les travées du groupe SER. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Enfin, pas encore, tout reste ouvert ! (Nouveaux sourires.) J’ai tout de même déjà célébré quelques mariages.
Avec ce texte, mes chers collègues, vous voulez faire du maire le décisionnaire du mariage ; or ce n’est pas son rôle, c’est celui du procureur de la République, lorsqu’il est saisi par l’édile. Paradoxalement, ce texte ne fera qu’exposer davantage les élus, en première ligne face à de potentielles menaces.
Mme Valérie Boyer. Mais non, c’est tout le contraire !
Mme Colombe Brossel. Cette proposition de loi les placera de facto encore plus souvent dans des situations de possible danger. Les maires et les officiers d’état civil seront incités à sortir de leur seule mission, la célébration des mariages, pour devenir les acteurs du contrôle de l’immigration. Or, je le redis, tel n’est pas le rôle des maires ni celui de leurs adjoints.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mais si, tout le monde doit y participer !
Mme Colombe Brossel. Notre rôle, lorsque nous sommes en responsabilité, est de vérifier que le mariage est fondé sur le consentement libre et éclairé des futurs époux et le souhait d’une vie commune, conformément aux principes du mariage figurant dans notre code civil.
L’AMF, dont plusieurs représentants ont été auditionnés dans le cadre des travaux préparatoires en commission, l’a du reste rappelé à plusieurs reprises,…
M. Stéphane Demilly. L’AMF soutient le texte !
Mme Colombe Brossel. … et a par ailleurs attesté du fait qu’elle n’avait recensé que peu de cas.
Vous cherchez à nous faire croire qu’il s’agit de la priorité des maires sur l’ensemble du territoire ; honnêtement, ils ont bien d’autres priorités en ce moment.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je veux simplement dire que demander systématiquement des papiers à une personne en situation irrégulière protège les maires, parce que cela revient à mettre tous les élus sur un pied d’égalité, partout sur le territoire.
Ceux qui ont été maires – je suis désolé d’invoquer cette expérience – le savent bien : lorsqu’ils faisaient en sorte que les entretiens préalables au mariage soient effectifs, ils subissaient des pressions pour éviter qu’ils ne saisissent les autorités.
En demandant partout en France des pièces justificatives supplémentaires ou en menant une enquête complémentaire lorsque l’un des futurs époux est en situation irrégulière, on ne fait rien d’autre que protéger les maires, car on garantit une égalité de droit sur tout le territoire.
Ainsi, ne coexisteront plus des filières pour et contre l’examen approfondi de potentiels mariages frauduleux, ce qui contribuera à faire baisser la pression et à mettre l’État face à ses responsabilités : si une personne est en situation irrégulière sur le territoire français, c’est aussi parce qu’il y a des défaillances. (M. Thomas Dossus proteste.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour explication de vote.
M. Stéphane Demilly. Le maire que j’ai été pendant trente ans soutient bien évidemment cet amendement, qui tend à compléter utilement ma proposition de loi.
Le fait de devoir justifier de sa situation au regard de son séjour sur le territoire national, lorsque l’on souhaite se marier, relève vraiment du bon sens.
Mes chers collègues, le mariage est un contrat juridique, un engagement légal contractualisé, face au maire, selon les lois de notre République, et non une simple formalité administrative. Pourquoi ne pas s’assurer que ceux qui souhaitent se marier respectent les règles de droit qui fondent notre organisation sociale et notre vivre ensemble ?
Exiger la présentation d’un titre de séjour valide lors de la constitution du dossier de mariage est une mesure simple et logique. Ce serait une garantie pour le maire, qui disposerait alors d’un moyen très simple de savoir si le ressortissant étranger a effectué les démarches nécessaires pour résider sur notre territoire de manière légale. Cela le dispenserait également d’agir comme un enquêteur conjugal.
Une telle mesure protégerait les maires et leur permettrait de s’assurer qu’aucun mariage ne soit utilisé comme un stratagème pour contourner nos lois. Le garde des sceaux l’a dit et redit : le mariage doit être un droit et non un passe-droit !
Mme Valérie Boyer. Exactement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article unique.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 175-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « La saisine est systématique lorsque l’un des époux ne peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire national. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à ce que l’absence de justification de la régularité du séjour de l’un des époux entraîne la saisine automatique du procureur, aux fins de vérifier la sincérité de l’intention matrimoniale et de lever toutes les difficultés qui viennent d’être exposées.
Je ne développerai pas plus avant ; je répète simplement que cela protégerait les maires et éviterait les différences de traitement d’une mairie à l’autre et la constitution de filières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Chère collègue, je comprends totalement l’esprit de votre amendement. Toutefois, la mesure que vous proposez va beaucoup moins loin que l’article unique de la proposition de loi.
Par ailleurs – et malheureusement –, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est limpide sur ce sujet précis : ce motif ne peut justifier à lui seul une saisine du procureur de la République.
Je vous invite donc à retirer votre amendement et à saisir le Conseil constitutionnel selon la procédure définie par l’article 61 de la Constitution pour connaître sa position sur l’article unique de la proposition de loi – certains de nos collègues ne manqueront pas de le faire. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Je me bats pour cette mesure depuis 2018. Il est important d’instaurer une forme d’égalité entre toutes les mairies. Cela n’empêchera pas le Conseil constitutionnel de se prononcer – enfin ! – sur cette question et peut-être même de faire évoluer sa jurisprudence, comme cela a été dit lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Comme l’a souligné M. le rapporteur, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire : cet amendement est bien évidemment inconstitutionnel. (Mme Valérie Boyer le conteste.) S’il est rassurant de constater qu’une large partie de l’hémicycle respecte cette jurisprudence, je m’inquiète, madame Boyer, que M. le rapporteur vous suggère de saisir le Conseil constitutionnel pour tenter d’obtenir de lui une décision différente.
En réalité, votre mesure sous-entend que toute personne en situation irrégulière veut nécessairement frauder.
Mme Valérie Boyer. Non !
Mme Corinne Narassiguin. Si ! Vous considérez qu’il existe une présomption de suspicion justifiant de saisir systématiquement le procureur. C’est nourrir tous les amalgames, tous les fantasmes xénophobes qui circulent dans notre pays, c’est faire de la politique contre notre loi fondamentale !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Personnellement, je n’ai pas été maire, mais nombre de ceux qui combattent ce texte l’ont été. Au reste, nous sommes élus par des maires, qui ne nous disent jamais que ce sujet représente un grand problème pour eux.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. J’en connais plein !
M. Roger Karoutchi. Les Français de l’étranger ont des maires ?
Mme Mélanie Vogel. En réalité, les maires que vous voulez protéger sont ceux qui ont un problème avec la loi et avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ceux qui appliquent simplement la loi n’ont pas de problème.
Les maires saisissent le procureur de la République lorsqu’ils ont un doute sur la sincérité de l’intention matrimoniale. L’objet de cet amendement est de permettre au maire, dans une situation où celui-ci n’a pas de doute sur le fait qu’il s’agisse d’un mariage blanc, d’un mariage arrangé ou d’un mariage gris, non plus que sur la réalité de l’intention matrimoniale, de saisir malgré tout le procureur de la République. Pourquoi ?
En réalité, vous cherchez tous les artifices possibles pour contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle le seul séjour irrégulier ne peut pas faire obstacle à la liberté matrimoniale. En somme – et ce sera l’objet du débat tout au long de l’examen de ce texte –, vous avez fondamentalement un problème avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Karoutchi l’a même exprimé assez librement : au fond, cette jurisprudence pourrait changer ; le Conseil constitutionnel nous embête ; il nous empêche de légiférer comme nous le souhaitons. Voilà ce que vous voulez expliquer aux Françaises et aux Français !
M. Roger Karoutchi. Vous n’avez rien compris !
Mme Mélanie Vogel. Si, j’ai bien compris ce que vous avez dit, monsieur Karoutchi : vous nous avez expliqué que ce n’était pas parce que le Conseil constitutionnel disait une chose aujourd’hui qu’il ne pouvait pas changer d’avis demain, que la jurisprudence évoluait parfois dans notre intérêt à nous, et que, cette fois, elle pourrait le faire dans votre intérêt à vous.
M. Roger Karoutchi. N’importe quoi !
Mme Mélanie Vogel. En vérité, vous avez un problème avec le fait que la Constitution, les engagements internationaux de la France et la jurisprudence du Conseil constitutionnel vous empêchent de mettre en œuvre votre projet politique !
M. Roger Karoutchi. Et vous, vous avez un problème avec le Parlement !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par Mme V. Boyer.
L’amendement n° 11 est présenté par M. Le Rudulier, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 175-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « laisser » est remplacé par les mots : « donner injonction de » ;
b) À la seconde phrase, le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À défaut de décision motivée dans le délai imparti, il est réputé avoir décidé un sursis de deux mois à la célébration du mariage. » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois, renouvelables ».
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre le dispositif que le Sénat avait adopté en novembre 2023, avec un avis favorable du ministre de l’intérieur de l’époque. Nous proposons deux mesures : doubler le délai pendant lequel le procureur de la République peut surseoir à un mariage soupçonné d’être frauduleux et instaurer le principe selon lequel le silence vaut sursis au mariage.
Je précise que cet amendement est compatible avec l’article unique de cette proposition de loi.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article 175-2 du code civil, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Permettez-moi de revenir sur l’amendement n° 6 rectifié, que j’avais en effet fait adopter par le Sénat en novembre 2023. Je remercie mes collègues de la commission des lois de l’avoir repris et de le soutenir. Il me semble très important de le voter, car il permet de garder l’esprit du texte de M. Demilly.
En ce qui concerne l’amendement n° 7 rectifié, il s’agit simplement d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. L’amendement n° 7 est moins-disant par rapport aux deux amendements identiques. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme Valérie Boyer. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je tenais à prendre la parole pour soutenir publiquement ces amendements identiques. Je souhaitais d’ailleurs cosigner celui de Valérie Boyer, mais un incident informatique m’en a empêché.
J’ajoute que j’avais déposé un amendement identique sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 11.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article unique.
Article unique
Après l’article 143 du code civil, il est inséré un article 143-1 ainsi rédigé :
« Art. 143-1. – Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, sur l’article.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Le maire de Béziers, Robert Ménard, a été attrait en justice pour avoir refusé d’unir une Française à une personne sous obligation de quitter le territoire français et encourt une lourde sanction. En 2023, le maire d’Hautmont a été jugé pour des faits similaires. Le palmarès du futur marié était pourtant copieux : sous OQTF, il ne faisait rien de moins que l’apologie du djihad armé !
Il est inacceptable que des maires soient poursuivis par la justice de notre pays pour avoir refusé de se rendre complices d’une fraude manifeste. Cette situation ubuesque est très justement décrite dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de notre collègue Stéphane Demilly et dans le rapport de la commission des lois, tous deux excellents. Elle est révélatrice des injonctions contradictoires auxquelles les maires sont confrontés face à un État schizophrène.
En tant qu’officiers d’état civil, les maires ont l’obligation de vérifier scrupuleusement les documents présentés par les futurs époux. En cas de doute, les dispositions de l’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales (CGCT) sont problématiques. L’absence d’un titre de séjour valide ou l’obligation de quitter le territoire français ne suffisent pas à empêcher la tenue d’une union. C’est une aberration ! Le rôle du Sénat est de protéger, de respecter et de soutenir le travail des maires et des agents municipaux qui signalent des contournements manifestes de la loi.
Par ailleurs, le mariage n’est pas un instrument de régularisation administrative. Il s’agit non pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de s’assurer de la sincérité de la réalité de la volonté matrimoniale des futurs époux.
Je soutiens donc évidemment cette proposition de loi, ainsi que les amendements de nos collègues visant à trouver une voie de passage législative pour redonner aux maires les moyens de faire respecter la loi avec discernement et responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bravo !