Sommaire
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger.
2. Mariage en France et résidence irrégulière sur le territoire. – Adoption d’une proposition de loi modifiée
M. Stéphane Demilly, auteur de la proposition de loi
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 10 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Adoption, par scrutin public n° 208, de l’article.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 12 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé.
Adoption, par scrutin public n° 209, de la proposition de loi, modifiée.
Suspension et reprise de la séance
3. Mise au point au sujet de votes
4. Lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la proposition de loi
M. Bernard Fialaire, rapporteur de la commission de la culture
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Clôture de la discussion générale.
Intitulé du chapitre Ier
Amendement n° 6 de M. David Ros. – Rejet.
Amendement n° 13 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Mathilde Ollivier. – Adoption.
Amendement n° 12 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Adoption.
Amendement n° 4 de Mme Mathilde Ollivier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 9 de M. David Ros. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 14 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 5 de M. David Ros. – Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 210, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
M. Philippe Baptiste, ministre
5. Mises au point au sujet de votes
6. Modification de l’ordre du jour
7. Souveraineté alimentaire et agricole. – Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 6 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 8 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 7 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Réservé.
Amendement n° 9 du Gouvernement. – Réservé.
Adoption définitive du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de M. Loïc Hervé
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mariage en France et résidence irrégulière sur le territoire
Adoption d’une proposition de loi modifiée
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, présentée par M. Stéphane Demilly et plusieurs de ses collègues (texte n° 190 rectifié [2023-2024], résultat des travaux de la commission n° 334, rapport n° 333).
Discussion générale
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Stéphane Demilly, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je soumets aujourd’hui à votre examen une proposition de loi simple, univoque et laconique.
Simple, car elle s’appuie sur le bon sens. Univoque, car elle clarifie la loi. Laconique, enfin, car elle tient en une seule phrase. Si cette proposition de loi revêt ces trois qualités, me semble-t-il, son chemin parlementaire et juridique ne saurait tout à fait bénéficier des mêmes qualificatifs, j’en suis bien conscient. J’en ai beaucoup parlé avec M. le rapporteur, que je remercie de sa disponibilité.
Ce texte vise à encadrer juridiquement le mariage des personnes séjournant irrégulièrement en France. Pour le dire plus simplement, il tend à ce que le mariage ne soit autorisé qu’aux personnes séjournant de manière régulière sur notre territoire.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Stéphane Demilly. J’évoque régulièrement cette idée, qui m’apparaît logique et légitime, avec les élus et les citoyens de mon territoire, mais aussi ici, avec mes collègues du Sénat. La plupart du temps, la réaction est à peu près la même face à la découverte, pour certains, de cette incohérence : comment se fait-il que cette mesure ne soit pas déjà en vigueur ?
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Stéphane Demilly. Comment est-il possible de marier quelqu’un qui n’est pas en situation régulière sur le territoire ? Est-il concevable de lire des articles du code civil, au sein de la maison municipale de la République, à une personne qui n’a pas le droit d’être là ?
Tels sont les retours et les réactions interrogatives de ceux à qui j’en parle. Pourtant, si cette mesure semble évidente à beaucoup, notre droit, en l’état, ne permet pas de s’opposer au mariage d’une personne en situation irrégulière ou faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
M. Thomas Dossus. Heureusement !
M. Stéphane Demilly. Dans notre chambre, beaucoup sont d’anciens maires. Je sais que certains d’entre vous, mes chers collègues, ont été confrontés à cette situation.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Oh oui !
M. Stéphane Demilly. Je voudrais d’ailleurs vous rappeler l’expérience douloureuse de Stéphane Wilmotte, maire d’Hautmont, que nous avons reçu la semaine dernière au Sénat. Il avait refusé de célébrer le mariage d’un individu placé sous obligation de quitter le territoire français, ancien président d’une mosquée fermée pour discours haineux et apologie du djihad armé.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est le summum !
M. Stéphane Demilly. À ce titre, notre collègue Wilmotte a reçu des menaces de mort et subi des pressions. Son domicile a dû être protégé.
C’est le monde à l’envers : l’individu sous OQTF a porté plainte contre le maire, qui a de ce fait encouru une peine de prison et d’inéligibilité, ainsi que le versement de dommages et intérêts !
Heureusement, la justice a tranché en sa faveur. Mais comment est-il possible de placer un élu de la République dans une telle situation ? Comment est-il possible que les maires risquent de longs mois de procès, parfois aggravés d’un stress personnel et familial, alors qu’ils agissent pour le bien du territoire ?
S’il est bien un espace parlementaire pour répondre à ces interrogations, c’est celui du Sénat. La législation actuelle contre les mariages de complaisance est insuffisante et place les officiers d’état civil dans des situations ubuesques.
Ainsi, face à une demande de mariage émanant d’une personne en situation irrégulière, le maire doit rechercher « une présomption de fraude », ou examiner « la sincérité de l’union ». Bref, on lui demande de se transformer en inspecteur Colombo ou en ersatz d’huissier conjugal pour enquêter.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Stéphane Demilly. Mes chers collègues, comme vous le savez, ce n’est pas le rôle du maire, d’autant plus que sa volonté d’investiguer, ou celle de l’adjoint délégué, variera selon sa propre sensibilité. En outre, le temps et les moyens consacrés à ces démarches, tout comme les conclusions tirées de ces investigations, sont pluriels et changent d’une mairie à une autre, comme le confirme le Syndicat de la magistrature lui-même.
Pour le dire autrement, il n’y a pas d’égalité de traitement. Ces disparités peuvent même être interprétées comme une inégalité devant la loi, en complète opposition à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
Ainsi, ma proposition de loi est un moyen de clarifier et d’uniformiser notre droit, mais aussi, in fine, de protéger les élus. En revanche, contrairement à ce que j’ai pu lire, elle n’est pas une manière de remettre en cause nos droits fondamentaux. Elle n’est pas non plus un texte teinté d’un quelconque ressentiment vis-à-vis des étrangers. Elle n’est pas, enfin, un texte populiste surfant sur l’actualité politico-juridique d’un édile de l’Hérault.
M. Fabien Gay. Mais non…
M. Stéphane Demilly. En effet, je le rappelle, j’ai déposé cette proposition de loi en 2023, à la suite de l’affaire Wilmotte.
Je souhaite également anticiper les préoccupations légitimes que soulève ce texte, notamment au regard de la protection des droits et du respect des libertés individuelles.
M. Thomas Dossus. Ah !
M. Stéphane Demilly. Par exemple, je n’ignore pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 20 novembre 2003, a estimé qu’une telle mesure constituerait une atteinte disproportionnée au droit fondamental du mariage.
Cependant, plus de vingt ans après, le contexte a radicalement évolué.
Mme Frédérique Puissat. Eh oui !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Absolument !
M. Stéphane Demilly. Ainsi, en 2003, le nombre des OQTF prononcées était de 20 000, contre 130 000 en 2023, soit plus de six fois plus !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout est dit !
M. Stéphane Demilly. Pour rendre sa décision, le Conseil constitutionnel s’était fondé sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui consacrent la liberté personnelle. Je tiens donc à rappeler spécifiquement les termes dudit article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
Je répète cette dernière phrase : « Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
Mme Marie-Do Aeschlimann. Très bien !
M. Stéphane Demilly. Je vous propose donc aujourd’hui, mes chers collègues, de déplacer le curseur de ces bornes, puisque c’est nous qui faisons la loi !
D’aucuns évoqueront peut-être nos engagements internationaux, notamment l’article 12 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Là encore, relisons-le : « L’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. »
Je répète la fin de cet article : « selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ». Le texte est donc clair : ce droit est encadré par les lois nationales des États. Or c’est l’une de nos prérogatives que de faire évoluer ces dernières.
Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs régulièrement clarifié sa position, indiquant que, concernant les restrictions que la loi nationale peut appliquer au droit du mariage, les États jouissent d’une « ample marge d’appréciation », notamment lorsqu’ils sont appelés à protéger les intérêts de la société.
On pourrait d’ailleurs citer ici l’exemple du Danemark, pays membre de l’Union européenne, qui impose depuis 2002 la détention d’un titre de séjour valide pour les étrangers qui souhaitent se marier dans le pays. Même si certains devaient me rappeller la particularité danoise liée au mécanisme d’exemption, il n’en reste pas moins vrai que je ne fais que proposer la même mesure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. Stéphane Demilly. C’est également le cas, depuis 2011, pour la Suisse, pays membre du Conseil de l’Europe.
Mme Valérie Boyer. Il a raison !
M. Stéphane Demilly. Oui, mes chers collègues : le mariage est une institution protégée par la loi, mais rien n’interdit de la préciser, donc de la faire évoluer, pour éviter des contournements de son esprit.
Je souhaite appeler aujourd’hui à un débat riche et constructif, ainsi qu’à l’examen approfondi des amendements déposés sur ce texte.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement », disait Boileau. En interdisant avec cette proposition de loi le mariage de personnes en situation irrégulière, nous visons, une fois de plus, à clarifier les choses, à protéger les maires et à prévenir les abus.
Puisque j’ai évoqué un homme de lettres du XVIIe siècle, qu’il me soit permis de conclure en citant un auteur de la première moitié du XVIIIe siècle, Montesquieu, qui, dans L’Esprit des lois, écrivait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » (M. Thomas Dossus manifeste son ironie.)
Mes chers collègues, il me semble que cette proposition de loi est utile et qu’elle renforce les lois de notre République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, par un hasard du calendrier, nous voilà réunis aujourd’hui pour débattre d’une proposition de loi de notre collègue Stéphane Demilly, laquelle trouve un large écho dans l’actualité judiciaire, médiatique et politique.
En tant que rapporteur de la commission des lois, il ne me revient pas de prendre position sur les affaires judiciaires en cours, qui accaparent l’attention de la presse et interpellent très largement notre population quant à la justesse de notre législation civile et pénale.
Je rappelle simplement que M. Robert Ménard, maire de Béziers, n’est pas le seul édile à avoir été assigné en justice pour avoir refusé de célébrer un mariage dont l’un des futurs époux était soumis à une obligation de quitter le territoire français. L’auteur du texte a également cité Stéphane Wilmotte, maire d’Hautmont, que nous avons eu l’honneur de recevoir au Sénat il y a quelques jours.
Cela dit, sans ignorer ce contexte judiciaire, la commission des lois a adopté une position en deux temps, fondée sur une analyse juridique approfondie, plutôt que sur l’émotion à court terme, partagée ou non, que suscitent les procédures judiciaires en cours.
Tout d’abord, je souhaite éclairer nos collègues membres d’une autre commission en dressant un rapide état du droit en la matière.
Actuellement, la liberté du mariage est, certes, consacrée par quatre décisions constitutionnelles et traités internationaux. Elle n’est pas, pour autant, absolue. Ces limites à la liberté matrimoniale ne peuvent, en outre, être déterminées que par la loi, donc par le législateur, comme l’a rappelé, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel. Nous sommes donc, aujourd’hui, dans notre rôle.
Les restrictions à la liberté du mariage prévues par la législation française sont cependant peu nombreuses : elles sont quatre et concernent exclusivement les mineurs, la polygamie, la consanguinité et l’absence de consentement. Cette dernière constitue, en fait, le cœur de la question qui nous est soumise ce matin. En effet, c’est sur ce fondement que repose le dispositif civil de prévention des mariages simulés ou arrangés, appelés couramment les mariages blancs ou gris.
Or dans sa jurisprudence, la Cour de cassation a toujours associé les mariages arrangés à un vice de consentement. C’est ainsi sur ce motif que le ministère public peut s’opposer à de tels mariages, sur saisine, bien évidemment, de l’officier d’état civil. Ce dernier doit apprécier, notamment sur la base des pièces fournies par les époux et des auditions qu’il peut mener, s’il existe « des indices sérieux laissant présumer » un mariage simulé ou arrangé.
Le procureur a ensuite le choix de laisser le mariage se tenir, de s’y opposer ou de surseoir à la célébration dans l’attente des résultats d’une enquête. Ce sursis est actuellement limité à une durée d’un mois renouvelable une fois, à l’expiration de laquelle il fait savoir à l’officier d’état civil, par une décision motivée, s’il laisse le mariage se produire ou s’il refuse sa célébration.
Bien que ces dispositions constituent une entrave à la liberté du mariage, le Conseil constitutionnel a considéré que le cadre législatif actuel était conforme à la Constitution. D’une part, en effet, cette liberté « ne fait pas obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l’union matrimoniale ». D’autre part, il a réfuté explicitement l’existence d’un droit de contracter le mariage à des fins étrangères à l’union matrimoniale.
Il y a donc une reconnaissance constitutionnelle de ces bornes à la liberté du mariage. Cependant, celle-ci est, en l’état du droit et de la jurisprudence actuels, dissociée du droit au séjour.
Autrement dit, cette liberté du mariage n’est pas conditionnée à la régularité du séjour. C’est la raison pour laquelle le maire, en tant qu’officier d’état civil, ne dispose d’aucun pouvoir pour s’opposer formellement au mariage de toute personne présente en situation irrégulière sur le territoire national, ou encore d’une personne soumise à une OQTF.
Cela résulte d’une décision de 2003 du Conseil constitutionnel, laquelle énonce clairement que « le respect de la liberté du mariage […] s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ». Ainsi, l’officier d’état civil ne peut, en l’état actuel du droit, demander une pièce justifiant de la régularité du séjour des futurs époux, même à titre informatif.
Le code pénal prévoit d’ailleurs qu’un maire qui s’opposerait, de façon illégale, à la célébration d’un mariage est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité. Telles sont les sanctions qu’encourent, actuellement, les maires de Béziers et d’Hautmont.
Une fois rappelé le cadre juridique qui structure notre débat de ce jour, et afin d’éviter des polémiques stériles de la part des opposants à cette proposition de loi (M. Jean-Claude Tissot proteste.), je précise d’ores et déjà que l’incompatibilité du dispositif initial avec la jurisprudence constitutionnelle n’a jamais été niée par la commission des lois. Celle-ci l’a même formalisé clairement dans son rapport, adopté à l’unanimité.
Ainsi, j’y insiste, le débat ne porte pas sur une éventuelle marge d’interprétation laissée par le Conseil constitutionnel quant au dispositif initial du texte.
J’en viens désormais à la position de la commission, qui s’est construite en deux temps. En effet, celle-ci était consciente de la fragilité constitutionnelle du texte initial et gênée par son caractère lacunaire, qu’a reconnu son auteur. Notamment, l’autorité chargée de se prononcer sur le respect de la condition de régularité du séjour n’était pas précisée.
C’est pourquoi la commission a rejeté le texte à l’unanimité lors de son premier examen, la semaine dernière – pour des raisons sans doute différentes d’un groupe politique à l’autre… Il ne s’agissait toutefois pas d’un rejet sec, et cela pour deux raisons.
En premier lieu, une majorité des commissaires partagent les deux objectifs de ce texte, à savoir, d’une part, la protection des officiers d’état civil, les maires, qui ne disposent pas toujours de toutes les informations nécessaires à l’appréciation de la légalité des mariages et, d’autre part, le renforcement de la prévention et de la lutte contre les mariages simulés ou arrangés, qui dévoient une institution centrale de notre société. En effet, nonobstant le déni dont font preuve certaines associations que j’ai auditionnées, ces derniers sont une réalité incontestable.
En second lieu, comme je m’y étais engagé vis-à-vis de la commission, nous avons déposé, en vue de la séance publique, des amendements de nature, selon moi, à concilier les exigences du Conseil constitutionnel et les objectifs de cette proposition de loi. Élaborés en bonne intelligence et en coordination avec les services du ministère de la justice, ils constituent, je le pense, une voie de passage raisonnable, que je vous présenterai plus en détail lorsque nous les examinerons.
Ces trois amendements, j’y insiste, ont un caractère détachable du dispositif initial du texte. Ils peuvent être vus, soit comme tendant à le compléter utilement en précisant les moyens dont disposeront les maires et le ministère public pour s’opposer au mariage au sein duquel l’un des futurs époux est en situation irrégulière, soit comme un renforcement, même sans l’adoption du dispositif initial, des prérogatives des maires et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés.
Pour conclure, il est vrai que la situation des maires d’Haumont et de Béziers nous interpelle et que la jurisprudence du Conseil constitutionnel soulève des interrogations quant aux marges d’action réduites qu’elle laisse au législateur.
C’est la raison pour laquelle nous estimons que l’institution du mariage doit être protégée de tout dévoiement et que la liberté matrimoniale ne doit pas être confondue avec un passe-droit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Bernard Buis et Jean-Pierre Grand applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, certains textes que nous sommes amenés à examiner exigent des démonstrations juridiques très fines. D’autres relèvent de la simple évidence, pour ne pas dire du bon sens. La proposition de loi de Stéphane Demilly et de ses collègues centristes appartient sans doute à cette seconde catégorie.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Elle repose sur une idée simple : le mariage, acte d’engagement, ne peut être conclu que par des personnes ayant la capacité de s’engager.
Ainsi, la proposition de loi qui nous est présentée est nécessaire, parce qu’elle répond à une incohérence criante : comment un État peut-il constater qu’une personne est en situation irrégulière, tout en lui permettant d’accéder à une institution aussi forte et symbolique que le mariage, qui ouvre, en droit français, des droits durables ?
La situation irrégulière signifie, par essence, que l’intéressé n’a pas vocation à demeurer de manière prolongée sur le territoire national.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est en attente !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Dans ces conditions, comment justifier l’accès à une institution qui consacre une forme de pérennité ?
M. Thomas Dossus. Par l’amour !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cette contradiction fragilise l’autorité de l’État et nourrit l’incompréhension criante de nos concitoyens. Plus encore, elle vient placer, au cœur de ce paradoxe, les acteurs essentiels de la démocratie que sont les maires, représentants de l’État, représentants du préfet, représentants du procureur de la République.
Premiers garants de la légalité des actes civils, ils se trouvent aujourd’hui en première ligne d’un front qu’ils n’ont pas choisi. En effet, la célébration du mariage est à la fois un devoir d’officier d’état civil et un acte fort qui peut contribuer à la construction d’une famille dans la commune.
Le mariage n’est pas une simple déclaration d’amour. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’être amoureux pour se marier,… (Sourires.)
M. Thomas Dossus. C’est tout de même mieux !
M. Jean-Claude Tissot. Cela dure plus longtemps !
M. Patrick Kanner. Ça, c’est bien vrai !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Un mariage oblige à une communauté de vie. Un mariage oblige au secours, à l’assistance, à l’éducation des enfants – tout ce qui est désormais dit et redit dans toutes les salles de mariage de France. Pour avoir été maire, comme nombre d’entre vous, j’ai moi aussi fait la lecture des articles du code civil concernés.
Toutefois, comment contribuer à une communauté de vie, au secours, à l’assistance, à l’éducation des enfants et à la pérennité de la famille quand on doit être expulsé du territoire national ?
« Mariage d’amour, mariage d’argent, j’ai vu se marier toutes sortes de gens », disait Brassens. Mais les maires sont souvent les spectateurs des tentatives d’instrumentalisation de cette institution. Nous ne comptons plus les témoignages d’élus qui font part de leur malaise face à des situations où la fraude est soit criante, soit larvée, ce qui les place dans une position dans laquelle le courage n’est, aujourd’hui, plus suffisant.
En l’état de notre droit, et alors même qu’ils ont connaissance de la situation irrégulière du futur conjoint, des maires se retrouvent contraints de célébrer un mariage ouvrant le droit direct à une régularisation.
Quand bien même un signalement au parquet aurait été réalisé, quand bien même le parquet aurait répondu, quand bien même une mesure d’éloignement aurait été ordonnée, le maire se retrouve obligé de célébrer une union qui ne constituera qu’un obstacle à l’État de droit.
Mme Marie-Do Aeschlimann. C’est sûr !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Si cette proposition de loi est l’œuvre d’un sénateur, il ne faut pas y voir un hasard. Le Gouvernement et la société ne peuvent être sourds à la volonté de la chambre représentant les collectivités locales, porte-parole des maires. Le Gouvernement et la société ne peuvent être sourds au cri d’alarme du maire d’Hautmont, dans le Nord, qui a courageusement essayé de poursuivre l’action de l’État – celui-ci avait fermé la mosquée radicalisée et ordonné l’expulsion de la personne en cause –, mais qui était obligé par la loi de célébrer ce mariage.
Mettre en cohérence notre droit est, avant tout, une manière de protéger les maires, de leur redonner les moyens d’agir face aux abus, mais, surtout, de restaurer l’autorité de l’État et la force de nos lois dans chacune des mairies de France. Remettre du bon sens dans notre droit et du bon sens au ministère de la justice, voilà le sens de l’œuvre du sénateur Demilly, que je soutiens particulièrement.
Deux débats vont donc se tenir ce matin, dont la légitimité est bien sûr entière.
Sur le fond, certains soutiendront que cette mesure constitue une atteinte aux libertés fondamentales. À ceux-là, je veux dire très clairement que, en République, les droits s’acquièrent dans le respect des règles communes, et d’aucune autre manière.
Mme Frédérique Puissat. Exactement !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. La régularité du séjour est la condition même de l’intégration. Ainsi, permettre à une personne en situation irrégulière de se marier ouvre le droit à une régularisation, ce qui affaiblit considérablement nos règles de vie en commun, ainsi que la loi votée par le Parlement et validée par ailleurs par le Conseil constitutionnel.
C’est pourquoi ce texte vise à rétablir une logique simple : l’accès au mariage et aux nombreux droits qu’offre cette institution ne se conçoit pas sans le respect de nos lois sur le séjour.
Le second débat est juridique : le Parlement ne pourrait légiférer, parce que la Constitution ou la CEDH l’interdiraient.
S’agissant des engagements internationaux de la France, il faut regarder la réalité en face : la Suisse, ou encore le Danemark, sous des gouvernements comprenant des socialistes, ont déjà adopté des législations similaires à celle que vous allez adopter, je n’en doute pas, dans quelques instants.
Si le Danemark, classé premier en matière de respect de l’État de droit par le World Justice Project, a estimé pouvoir interdire le mariage aux personnes en situation irrégulière, je crois que la France peut suivre son gouvernement, qui a été membre de l’internationale socialiste européenne. Elle peut s’engager sur cette voie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. Thomas Dossus. Tout va bien !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Personne ne méconnaît, monsieur le rapporteur, la décision de 2003 du Conseil constitutionnel que vous avez mentionnée. Nul n’entend mépriser son autorité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sans blague !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cependant, la Constitution n’interdit pas de rédiger une telle loi ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus s’exclame.) Il s’agit d’une interprétation, d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci Richard Ferrand !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. En effet, la stabilité n’est pas l’immobilisme. Demander au Conseil constitutionnel de réexaminer sa position n’est pas un acte de défiance, mais, bien au contraire, un acte de confiance en sa capacité à s’adapter aux réalités de notre temps, comme l’ont voulu Michel Debré et le général de Gaulle en rédigeant la Constitution de 1958.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Poser deux fois la même question au juge constitutionnel à vingt ans d’intervalle, ce n’est être ni insolent ni kamikaze.
M. Patrick Kanner. Comme son nouveau président !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est reconnaître que la société évolue, que les enjeux changent et qu’il appartient à notre plus haute juridiction d’accompagner cette évolution.
M. Roger Karoutchi. Eh oui…
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. En un mot, il s’agit d’entendre le sentiment du peuple français, qui a changé sur le mariage et sur les personnes qui peuvent se marier sur le sol national.
M. Franck Dhersin. Absolument !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne se marie pas en entrant dans une mairie par effraction. Cela vaut pour les mariages gris et, plus généralement, pour tous ceux qui utilisent notre légalité pour escroquer non seulement leur futur conjoint, mais également la République.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra la proposition de loi et les amendements de M. le rapporteur, dont je crois qu’ils tendent à assurer la parfaite constitutionnalité et la sécurité juridique de l’interdiction proposée.
En luttant contre les mariages frauduleux, ce texte contribuera à soutenir les maires de notre pays et à rétablir l’autorité de l’État. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, chaque année, plus de 240 000 mariages sont célébrés dans notre pays.
Dans l’écrasante majorité des cas, il s’agit fort heureusement de moments de joie, à l’occasion desquels les maires sont ravis d’exercer leur mission d’officier d’état civil. Ces derniers sont alors convaincus d’être utiles à la société. Ils sont les témoins de l’épanouissement des citoyens de leur commune et ils partagent leur bonheur.
Toutefois, les élus municipaux se trouvent également confrontés à des situations dont on parle moins, des situations dans lesquelles le mariage est dévoyé et détourné de l’objectif et des valeurs que lui assigne notre code civil. Or ils sont bien démunis et – soyons honnêtes, mes chers collègues – bien seuls lorsqu’ils se trouvent face à des individus qui ne respectent ni nos valeurs ni nos lois.
Notre collègue Stéphane Demilly et notre rapporteur viennent de rappeler quelques-unes des situations ubuesques dans lesquelles nos maires se sont trouvés. Ces derniers ont en effet l’obligation, sous peine de sanction pénale, de marier une personne dont ils savent qu’elle ne respecte pas les règles du droit au séjour et pour laquelle l’autorité administrative a parfois délivré une obligation de quitter le territoire français.
Le maire est alors censé se mettre des œillères et célébrer le mariage comme si de rien n’était… Non, cette règle n’est plus acceptable. Comme moi, mes chers collègues, vous avez sans doute rencontré de nombreuses personnes qui ont découvert récemment la règle en vigueur actuellement selon laquelle la situation au regard du droit au séjour ne peut constituer la seule raison pour s’opposer à la célébration d’un mariage, y compris si le maire a face à lui un salafiste en situation irrégulière qui prêche la haine de notre pays.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Anne-Sophie Patru. Lorsque l’on décrit cette réalité juridique, nos concitoyens sont comme nous, ils sont choqués, mes chers collègues.
Il convient toutefois d’être précis : comme notre rapporteur l’a rappelé, la situation inacceptable dans laquelle se retrouvent parfois les maires découle non pas directement de l’application d’une loi ou d’un article du code civil, mais d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a placé la liberté du mariage au-dessus des règles régissant le droit au séjour en France. Il s’agit d’une interprétation du Conseil constitutionnel.
Le texte de notre Constitution ne prévoit pas à proprement parler – et c’est heureux – l’obligation pour les maires de marier des personnes en situation irrégulière. Mais cela n’a pas empêché le Conseil de déclarer contraire à la Constitution, au nom de « la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 », toutes les dispositions législatives qui feraient « du caractère irrégulier du séjour d’un étranger un obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ».
Voilà où nous en sommes en 2025, mes chers collègues : un maire ne peut pas refuser de marier une personne qui, en application de la loi française, ne devrait plus être sur le territoire national !
Certains édiles n’ont pas supporté cette aberration. Parce qu’ils ont considéré qu’en célébrant un tel mariage, ils se feraient en quelque sorte les complices du comportement de l’individu en situation irrégulière, les maires de Béziers et d’Hautmont se retrouvent aujourd’hui devant les tribunaux.
Cette réalité brutale est difficilement compréhensible. Je reconnais humblement que je ne me sens capable de justifier une telle situation sur le terrain ni auprès des maires de mon territoire ni auprès de nos concitoyens.
Ne soyons par ailleurs pas naïfs, mes chers collègues. Dans bien des cas, même si la régularisation n’est pas l’unique motivation des futurs époux, lorsque l’un d’entre eux est sous le coup d’une OQTF, on comprend aisément qu’un mariage récent peut constituer un moyen supplémentaire d’échapper à une procédure d’éloignement. Or nous savons que l’exécution d’une telle mesure est déjà un parcours semé d’embûches.
Je tiens donc à remercier une nouvelle fois mon collègue Stéphane Demilly de cette proposition de loi. Il a su faire preuve de détermination face aux nombreuses critiques et tentatives de découragement s’appuyant sur l’inconstitutionnalité supposée des dispositions proposées.
Je salue l’écoute et l’implication de notre rapporteur Stéphane Le Rudulier, qui a pris la pleine mesure de la nécessité de mieux protéger nos maires.
Je salue enfin l’attitude du Gouvernement, monsieur le garde des sceaux. Vous auriez pu vous cacher derrière le paravent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; vous n’en avez rien fait.
M. Stéphane Demilly. Très bien !
Mme Anne-Sophie Patru. J’espère que la suite de nos débats confirmera le soutien non équivoque du Gouvernement.
J’espère aussi que le Sénat, en tant que chambre des territoires, soucieuse des préoccupations des élus municipaux, adoptera la proposition de loi que nous vous soumettons, mes chers collègues.
J’espère enfin qu’il ne s’agira pas d’un coup d’épée dans l’eau et que le Gouvernement se saisira du texte pour le porter à l’Assemblée nationale, comme il a su le faire récemment pour d’autres propositions de loi sénatoriales, au premier rang desquelles la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Sans surprise, les sénateurs du groupe Union Centriste voteront évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je dois avouer que j’ai hésité à venir ce matin. Je suis en effet attristé, pour ne pas dire honteux, de l’image que nous donnons collectivement. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pas nous !
M. Fabien Gay. Il y a huit ans, quand j’ai été élu sénateur, un tel débat ne se serait pas tenu dans notre assemblée.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Il est dommage que l’on n’ait pas tenu ce débat plus tôt !
M. Fabien Gay. Ce débat ne porte pas véritablement sur le mariage entre un Français et un étranger en situation irrégulière. En réalité, vous avez peur, mes chers collègues.
Alors que dans un mouvement mondial, l’extrême droite… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ça y est, le mot est lâché !
M. Fabien Gay. … noue une alliance avec le grand capital et ratisse partout, vous nourrissez un fantasme, ou plutôt une illusion.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Oh là là !
M. Franck Dhersin. Allez donc sur le terrain !
M. Fabien Gay. La mise à l’ordre du jour de cette proposition de loi n’est pas un hasard du calendrier. Remise en cause du droit du sol à Mayotte, énième tentative d’abolition de l’excuse de minorité et de réforme de la justice des mineurs, laïcité dans le sport, restrictions apportées à l’aide médicale de l’État (AME) et bientôt aux prestations sociales : lors de chacun de ces débats, vous donnez le point à l’extrême droite, qui pourra s’en prévaloir !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est vous qui lui donnez le point, avec le PS !
M. Fabien Gay. Je vous le dis, mes chers collègues, vous vous ferez avaler par Marine Le Pen. Et si cela m’importe peu, je crains que nous ne nous fassions tous avaler avec vous.
Or, si l’on sait quand l’extrême droite arrive au pouvoir, on ne sait jamais quand elle le perdra, ni dans quel état elle laissera l’État et la République. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
Nous parlons d’amour, mes chers collègues. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) En dépit de toutes les interdictions et de toutes les restrictions que vous inscrirez dans la loi, vous ne parviendrez jamais à enfermer la liberté ni d’aimer ni de penser. Un tampon administratif n’y suffira pas.
Vous semblez ne pas croire que les gens puissent se marier par amour…
Mme Valérie Boyer. On peut s’aimer sans se marier !
M. Fabien Gay. Revenons-en donc aux faits. Ne nourrissons pas de fantasme et ne désignons pas de bouc émissaire. Les mariages blancs sont interdits. En cas de suspicion de mariage blanc, le maire peut saisir le procureur ou demander une enquête administrative.
On nous propose de légiférer pour remédier à un prétendu problème. Contrairement à l’auteur de cette proposition de loi, qui indique être interpellé à ce sujet, je n’ai jamais été saisi de telles difficultés. (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Dhersin. Sortez donc un peu du Sénat !
M. Fabien Gay. Vous n’avez du reste cité aucune donnée lors de votre intervention, monsieur le garde des sceaux.
Or nous ne sommes pas sur le plateau d’une chaîne de désinformation telle que CNews. Dans cette enceinte, nous nous fondons sur des faits. Écoutons donc les faits, donnez-nous donc les chiffres, monsieur le garde des sceaux ! Les cas se comptent-ils par dizaines, centaines, milliers ou dizaines de milliers ?
Encore une fois, ne nourrissons pas de fantasme. Le mariage d’une personne en situation irrégulière ne lui permet pas de se voir délivrer automatiquement un titre de séjour.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Fabien Gay. Votre préoccupation est donc tout autre, mais à force de ne pas vous occuper des véritables problèmes que sont le réchauffement climatique et la question sociale, vous allez vous faire avaler, et nous avec vous, mes chers collègues. Et dans trois ans, lorsque nous serons confrontés à un tout autre problème, vous porterez la responsabilité d’avoir déplacé la fenêtre d’Overton et permis que de telles idées s’installent dans la société, mais aussi dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant de vous expliquer les raisons pour lesquelles le groupe écologiste s’opposera à cette proposition de loi, j’aimerais que nous nous mettions d’accord sur ce que ce texte n’est pas.
Ce texte ne vise pas à lutter contre les mariages blancs, gris ou arrangés, tout d’abord parce que, à l’évidence, le séjour irrégulier n’a strictement aucun rapport avec l’intention matrimoniale ou le consentement. Sauf à considérer que la situation légale d’une personne au regard de son séjour en France aurait un lien mécanique avec sa sincérité ou son honnêteté, on voit mal, même y mettant beaucoup de xénophobie, comment arriver à un tel résultat.
Cette proposition de loi ne vise pas à lutter contre les mariages blancs, ensuite, parce que, en matière de mariage simulé, notre pays dispose d’un arsenal juridique très étoffé, qui a de plus été récemment renforcé. Les mariages blancs sont interdits et les contrôles quasiment systématiques : les couples doivent constituer des dossiers, ils sont auditionnés, etc. Si le maire ne peut pas s’opposer à un mariage suspect, et c’est heureux, car il n’est pas juge, le procureur le peut.
Mme Valérie Boyer. Il n’en a ni le temps ni les moyens !
Mme Mélanie Vogel. Ce texte ne vise pas à lutter contre les mariages arrangés, parce que, en aucun cas, le mariage ne donne droit à la délivrance automatique d’un titre de séjour, et encore moins à l’octroi de la nationalité française.
L’exposé des motifs indique du reste clairement qu’il importe peu que le mariage soit de complaisance ou non : « Que le mariage soit de complaisance ou teinté de sentiments réels, il est essentiel qu’un aspirant au mariage réside sur le territoire français de façon régulière. » Votre préoccupation, mes chers collègues, est donc de priver des milliers de gens qui s’aiment, mais qui n’ont pas les bons papiers d’une liberté individuelle reconnue par la Constitution, et c’est bien d’ailleurs ce qui vous dérange.
Il s’agit non pas de protéger le principe du mariage d’amour, mais d’empêcher les mariages d’amour lorsque cet amour implique une personne de nationalité étrangère en situation irrégulière, parce que le fait que cette personne puisse obtenir des droits en se mariant vous est insupportable !
Acquérir des droits, des avantages fiscaux, médicaux, le droit à l’adoption ou aux aides sociales est pourtant le fondement du mariage en droit, particulièrement dans la vision de la droite. C’est d’ailleurs à ce titre que vous vous étiez violemment opposés au mariage pour tous,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Oh là là !
Mme Mélanie Vogel. … parce que vous refusiez que ces droits ne soient pas réservés aux couples hétérosexuels, mes chers collègues.
M. Laurent Somon. Non !
Mme Mélanie Vogel. Aujourd’hui, vous entendez priver de ces droits de nombreux couples binationaux, qui, pour beaucoup, ne pourraient plus se marier du tout, parce que l’un des époux vient d’un pays en guerre, d’un pays où le mariage est soumis à des restrictions religieuses, d’un pays où l’homosexualité est criminalisée.
Pis encore, ce texte vise en réalité à aller beaucoup plus loin. Mardi dernier, et ce n’est pas un hasard du calendrier, a eu lieu l’audience de Robert Ménard, mis en examen pour avoir refusé de célébrer le mariage d’Éva et de Mustapha, un couple franco-algérien, au motif que Mustapha était soumis à une OQTF. Et Robert Ménard d’expliquer au couple : « Je sais bien que ce n’est pas un mariage blanc, mais pour moi c’est un moyen de mettre le sujet des OQTF sur la table. »
Mme Valérie Boyer. Rien ne les empêche de se marier en Algérie !
Mme Mélanie Vogel. Nous avons donc passé le stade d’une proposition de loi déposée en réaction à un fait divers, mes chers collègues : nous assistons à la fabrication d’un fait divers, sur le dos de personnes voulant simplement jouir d’une liberté qui leur est garantie, pour justifier des reculs de droit et, au fond, pour attaquer l’État de droit ! (M. Thomas Dossus et Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Ça suffit !
Mme Mélanie Vogel. En déposant une proposition de loi manifestement anticonstitutionnelle et empreinte de racisme et de xénophobie – des sentiments que vous alimentez par la même occasion –, vous lancez une attaque en règle contre la Constitution, contre la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, partant, contre l’État de droit.
Vous racontez aux Français que nos droits, nos libertés fondamentales et notre Constitution font en réalité obstacle à la volonté populaire. À ce petit jeu, je vous le dis, non seulement vous allez sombrer, mais nous risquons toutes et tous de sombrer avec vous. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi de notre collègue Stéphane Demilly, qui aurait pour objectif de répondre « à un défaut d’application de notre droit civil qui met en péril nos politiques migratoires, ainsi que la sécurité de nos élus ».
Mais quel serait donc ce fléau ? Tenez-vous bien mes chers collègues, il s’agit du mariage, de l’amour entre deux êtres qui aspirent à passer le reste de leur vie ensemble ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. On n’est pas obligé de se marier quand on s’aime !
Mme Corinne Narassiguin. Par ce texte, vous prétendez vouloir assurer la sécurité de nos élus, mais vous les exposerez au contraire, en incitant les maires et les officiers d’état civil à sortir de leur seule mission, la célébration des mariages, pour devenir des acteurs du contrôle de l’immigration. Tel n’est pas leur rôle !
Leur rôle est de vérifier que le mariage est fondé sur le consentement libre et éclairé des futurs époux, ainsi que sur leur souhait d’une vie commune, conformément aux principes du mariage définis dans notre code civil.
Le maire d’Hautmont, dans le Nord, a décidé d’aller contre la décision du procureur et contre la loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Il a bien fait !
Mme Corinne Narassiguin. Il a choisi délibérément de ne pas marier un couple malgré la validation du procureur, s’exposant ainsi à des menaces. Est-ce là le rôle du maire ? Je ne le crois pas.
M. Stéphane Demilly. Incroyable !
M. Olivier Paccaud. C’est honteux !
Mme Corinne Narassiguin. Le présent texte crée une charge de travail supplémentaire pour le maire et ses services, pourtant déjà constamment sollicités, qui devront vérifier la régularité du séjour des futurs époux.
J’en viens au fond de cette proposition de loi, qui a le mérite d’être brève et de ne compter qu’un article unique : « Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. » Une telle disposition est contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Excusez du peu !
Dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel, considérant que la liberté du mariage est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, a estimé que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger ne pouvait faire obstacle au mariage de l’intéressé.
Les dispositions de la présente proposition de loi violeraient la liberté individuelle de se marier, non seulement du conjoint étranger, mais aussi du conjoint français.
Dans ses articles 12 et 14, la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacre le droit au mariage.
Les socialistes et la gauche ne sont du reste pas les seuls à être attachés au droit. Il n’y a pas si longtemps, lors de l’examen de ce qui est devenu la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, en réponse à Mme Valérie Boyer, qui avait déposé un amendement sur ce sujet, vous aviez vous-même déclaré, monsieur le garde des sceaux :
« Votre amendement est contraire non seulement à nos engagements internationaux, mais également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’appuie sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Convenez qu’il est possible de modifier beaucoup de choses, mais qu’il serait très osé – mais après tout, pourquoi pas ? – de vouloir modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. »
Mme Corinne Narassiguin. Sur certaines travées de cet hémicycle, ainsi qu’au sein de certains ministères du Gouvernement, il devient presque habituel de bafouer notre loi fondamentale et notre État de droit, dès lors que cela sert un agenda politique.
Mme Valérie Boyer. Trois Français sur quatre sont favorables à ce que nous proposons aujourd’hui !
Mme Corinne Narassiguin. M. le garde des sceaux a confié au Sénat le soin de trouver une voie qui serait constitutionnelle. Or la liberté matrimoniale étant une liberté constitutionnelle, il n’y en a pas ! Cette proposition de loi et tous les amendements proposés par le rapporteur sont contraires à la Constitution.
Je le répète, la situation irrégulière de l’un des mariés ne peut empêcher la célébration du mariage. Cela n’a rien à voir avec les mariages blancs ou gris, qui, eux, sont interdits, mais que vous citez dans vos argumentaires, preuve que vous mélangez tout, mes chers collègues.
Dans votre vision des choses, il serait donc impossible d’aimer une personne étrangère et de vouloir l’épouser pour d’autres raisons que sa régularisation ? Selon vous, toute personne en situation irrégulière qui souhaite se marier doit-elle être présumée suspecte d’intention frauduleuse ?
Derrière vos préjugés et vos obsessions, il y a des femmes et des hommes. Il y a un étudiant qui est dans l’attente du renouvellement de son titre de séjour. Il y a un travailleur qui vit depuis vingt ans en France et qui attend le renouvellement de sa carte de résident. Il y a Liri, cette jeune kosovare qui habite à Rouen, qui parle cinq langues et qui est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français. Avec votre loi, toutes ces personnes ne pourraient plus se marier !
Sur les travées de cet hémicycle, certains semblent ignorer qu’être en situation irrégulière, ce n’est pas être un délinquant. De plus, comme vous le savez, le manque cruel de moyens dans nos préfectures crée des situations ubuesques, des personnes se retrouvant dans l’irrégularité simplement parce que leur dossier n’a pas été traité en temps et en heure.
Enfin, cette proposition visant à alimenter de fausses polémiques, permettez-moi de rappeler quelques faits.
Le mariage ne conduit pas automatiquement et encore moins immédiatement à la régularisation.
M. Roger Karoutchi. Mais ça aide !
Mme Corinne Narassiguin. Les démarches nécessaires sont longues et ne présentent aucune garantie d’aboutissement. Le mariage ne protège en rien d’une obligation de quitter le territoire ni d’un arrêté d’expulsion.
Au-delà du droit, laissez-moi vous dire que votre vision du mariage semble bien triste, mes chers collègues. Ce texte est au fond un texte contre l’amour. Vous semblez considérer – ce n’est pas la première fois – que l’on choisit de qui l’on tombe amoureux…
Ce texte est symptomatique de la dérive d’une droite qui n’a plus de républicain que le nom et qui se laisse dicter ses propositions de loi par l’extrême droite.
Cette proposition de loi arrive après la mise à l’agenda de l’expression, empruntée à Jean-Marie Le Pen lui-même, de « submersion migratoire », après la circulaire Retailleau visant à durcir la régularisation des sans-papiers, après les attaques constantes et répétées contre l’aide médicale de l’État, après la remise en cause du droit du sol à Mayotte et avant une proposition de loi créant une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales.
Peu à peu, pas à pas, vous démantelez nos principes fondamentaux et notre démocratie. Face à vous, nous demeurons les seuls garants des valeurs républicaines. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Non, vous les détruisez !
Mme Corinne Narassiguin. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce texte, qui est contre la Constitution et contre l’amour. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une impérieuse nécessité : mettre fin à une faille législative qui fragilise notre souveraineté, affaiblit notre État de droit et met en danger nos élus locaux.
Chaque année, près de 230 000 mariages sont célébrés dans notre pays. Un certain nombre d’entre eux implique un conjoint en situation irrégulière sur le sol français. Ce phénomène est une brèche béante dans notre législation, qui permet à des étrangers illégaux de contourner les règles de notre politique migratoire.
Comment justifier qu’un individu qui ne respecte pas nos lois en matière de séjour puisse revendiquer un droit aussi fondamental que le mariage républicain, mes chers collègues ? Le mariage ne doit jamais être un moyen détourné pour s’imposer sur notre territoire.
Cette situation place en première ligne nos maires et nos élus locaux, qui sont garants de l’ordre républicain dans nos communes. Aujourd’hui, ils sont contraints de célébrer les mariages, y compris lorsqu’ils savent que l’un des époux réside illégalement dans notre pays.
Le maire d’Hautmont a par exemple demandé le report de la célébration du mariage d’un homme sous obligation de quitter le territoire français qui était l’ancien président d’une mosquée fermée pour radicalisation par le ministre de l’intérieur. Que s’est-il passé ensuite ? Menacé de mort, ce maire a été placé sous la protection de policiers de la République, puis il a été poursuivi en justice et n’a reçu que de très peu de soutien des autorités de l’État.
M. Joshua Hochart. Cette affaire est révélatrice de l’abandon dans lequel se trouvent les élus face à cette législation défaillante.
Autre exemple marquant, Robert Ménard, maire de Béziers, a également pris position contre ces mariages de complaisance, qui sont devenus une véritable industrie. Il a dénoncé publiquement des cas où des personnes en situation irrégulière tentaient de régulariser leur statut via le mariage, souvent avec des complicités.
Faut-il rappeler qu’un tiers des OQTF ne sont jamais exécutées ? En facilitant ces unions, nous entretenons un système dévoyé et inefficace, mes chers collègues. Il nous faut au contraire donner à nos maires et à nos élus locaux les outils nécessaires pour défendre la République et cesser de les exposer à des représailles lorsqu’ils agissent avec courage et bon sens.
Le Rassemblement national soutient avec force cette proposition de loi, qui s’inscrit pleinement dans notre combat contre l’immigration incontrôlée et l’impunité dont bénéficient ceux qui violent nos lois.
Depuis des années, nous dénonçons ces détournements du droit qui affaiblissent notre souveraineté et font peser une charge supplémentaire sur notre nation.
Le droit au mariage – Marine Le Pen l’a rappelé à plusieurs reprises – ne doit pas être un passe-droit pour rester illégalement en France. Les demandes massives de régularisation, l’usage abusif des demandes d’asile et maintenant ces mariages reposent sur la même mécanique, qui consiste à contourner la loi plutôt qu’à la respecter.
Le présent texte répond donc à une exigence de justice et de fermeté. Il empêchera le détournement du droit au mariage à des fins de régularisation. Les Français n’en peuvent plus de cette immigration incontrôlée : ils demandent des actes concrets. Je vous remercie du reste de reconnaître que, en huit ans, la société a changé, monsieur Gay.
Ce texte protégera les élus en leur donnant le pouvoir de refuser un mariage lorsque l’un des époux est en situation irrégulière.
Il apporte une réponse en indiquant que, pour se marier dans notre pays, il faut y séjourner de manière régulière. Loin d’une atteinte aux droits fondamentaux, c’est une mesure de bon sens, d’ordre et de justice.
Nous avons le devoir d’agir pour mettre fin à ce laxisme qui mine notre société et affaiblit l’autorité de l’État. Ce texte est non pas une option, mais une nécessité.
Mes chers collègues, adoptons-le avec la conviction qu’il est encore possible de redresser notre pays, de restaurer l’autorité de l’État et de protéger ceux qui, chaque jour, défendent la République face à l’irresponsabilité de l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’heureuse initiative de notre collègue Stéphane Demilly s’inscrit dans un contexte fort délicat. Je salue, monsieur le ministre d’État, les propos rassurants qui ont été les vôtres et qui ne seront pas étrangers à des votes qui, jusque-là, n’étaient pas certains.
Au cours de l’année 2023, la presse s’est fait l’écho du refus des maires Robert Ménard, de Béziers, et Stéphane Wilmotte, d’Hautmont, de procéder au mariage d’une Française avec un ressortissant algérien en situation irrégulière, de surcroît placé sous OQTF.
En cas de refus de procéder à un mariage, nous le savons, le maire encourt cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité. La sanction que prendra le tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier, même si elle se révèle une peine de principe, n’en demeurera pas moins une condamnation pénale difficile à admettre par les maires.
La proposition de loi que nous examinons tente d’apporter une réponse juridique à ce type de situation, afin de ne pas laisser les maires démunis.
En l’état actuel du droit, la liberté du mariage et la régularité du séjour sont deux notions dissociées. La première n’est pas conditionnée à la seconde. La liberté du mariage peut être restreinte seulement par l’absence de consentement, la polygamie, la consanguinité et la minorité.
La liberté matrimoniale constitue une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle garantie au niveau européen par la CEDH, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Nous n’entendons pas remettre en cause ces principes. Cette proposition de loi vise seulement à remédier à l’impossibilité, pour le maire, de s’opposer à un mariage dont l’un des futurs époux est en situation irrégulière et parfois, de surcroît, sous obligation de quitter le territoire national, voire, comme dans le cas de Béziers, condamné pour vol avec violence, ce qui aurait dû accélérer la mise en œuvre de l’OQTF, évitant ainsi à un maire de se retrouver devant la justice.
L’article unique de ce texte crée un nouvel article du code civil disposant que le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires souscrivent à objectif de renforcement de la lutte contre les mariages frauduleux comme de la protection des officiers d’état civil. Les maires ne doivent pas se retrouver en première ligne, seuls et démunis, face à de telles situations.
Cette proposition de loi se heurte toutefois – nous ne pouvons l’occulter – à des obstacles constitutionnels. Il est essentiel de trouver un équilibre entre la lutte contre les abus et le respect des droits fondamentaux.
Il nous faut donc envisager d’autres options, permettant de renforcer la coopération entre les maires et les autorités compétentes, sans porter atteinte aux libertés individuelles pour autant. Nous avons le devoir de préserver les maires de situations qu’ils ne peuvent pas accepter et qui sont de plus totalement incompréhensibles pour leurs administrés.
La commission des lois a parfaitement cerné les difficultés constitutionnelles soulevées par ce texte et a tenté de les résoudre.
L’idéal serait que le maire puisse saisir le préfet et le parquet dès lors que l’irrégularité du séjour est constatée, afin que l’exécution de l’obligation de quitter le territoire soit accélérée ou annulée si elle n’a plus lieu d’être.
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires souscrivent aux motifs de cette proposition de loi, mais ils souhaitent que l’on aboutisse à une solution constitutionnellement irréprochable. Le sort qui sera réservé aux amendements que nous allons examiner fondera leur vote.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je compléterai de quelques mots mon propos. Depuis les travées du groupe Les Indépendants, où je siège, je suis agacé, et le mot est faible, d’entendre dire que nous serions complaisants avec le Rassemblement national et que, en quelque sorte, nous ouvririons la voie à Mme Le Pen.
Laissez-moi vous dire que Mme Le Pen ne sera pas élue, car les élections présidentielles tomberont à un moment où, malheureusement, nous aurons autre chose à penser en France, parce que la situation à l’échelle mondiale et européenne sera extrêmement confuse.
J’ajouterai que je n’aurais jamais imaginé de ma vie qu’un président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, successeur d’André Lajoinie, puisse voter avec le Rassemblement national. Quand on est communiste, mais que l’on joint sa voix à celles du Rassemblement national pour voter un texte à l’Assemblée nationale, l’esprit de trahison n’est pas loin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Cela ne m’empêche pas d’ailleurs de conserver de la sympathie pour les communistes, parce que je n’ai jamais oublié ce qu’ils ont fait pendant la guerre.
M. Fabien Gay. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, chaque année, plusieurs milliers d’étrangers viennent vivre sur le sol français. Le représentant spécial du ministre de l’intérieur, Patrick Stefanini, estime que 900 000 étrangers environ seraient présents illégalement sur le territoire national.
Refuser ce constat en ne luttant pas contre l’immigration illégale, c’est encourager ceux qui sont les marchands d’esclaves de notre siècle. C’est pourquoi la France doit s’attaquer à la racine du problème, et je veux saluer l’engagement du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, sur cette question. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.)
Je rappelle que les migrants clandestins paient 7 000 euros par personne pour traverser la Méditerranée dans des conditions de voyage désastreuses, sans parler du sort qui est réservé aux femmes.
Parmi ces étrangers illégaux, certains veulent et peuvent se marier avec des ressortissants français, pensant ainsi échapper à leur situation irrégulière. Cela mène au risque de mariages de complaisance, mariages blancs ou gris – ou bien encore « mariages passeport » ou « mariages papiers » –, les citoyens français finissant dans certains cas par se trouver en position de victimes, car la loi est travestie, ou du moins son esprit.
Dans ce type de mariages, l’immigré illégal est motivé non pas par l’amour ou par un désir de devenir français, mais seulement par la volonté d’éviter une reconduite à la frontière. Par conséquent, mes chers collègues, nous ne sommes pas contre l’amour, mais contre le travestissement du mariage. Personne en France n’est obligé de se marier pour s’aimer, sinon cela se saurait !
Les enjeux financiers de ces mariages frauduleux sont tels que certains individus n’hésitent pas à menacer l’officier d’état civil qui aurait le malheur de s’opposer à leur union. En effet, selon certains médias, les tarifs varient selon le pays d’origine : 8 000 euros quand on vient d’Afrique subsaharienne, 15 000 euros pour un Algérien ou un Tunisien et près de 30 000 euros pour un Chinois. Cela a été relaté dans la presse sans être contesté, et il y a même eu des procès.
L’argent est ensuite réparti entre la filière et l’époux français. D’ailleurs, en 2021, un réseau de mariages blancs avait été démantelé dans les Ardennes. Il concernait des mariages franco-algériens le plus souvent, mais aussi franco-tunisiens, célébrés dans différentes mairies. Le service était facturé 23 000 euros, dont 13 000 euros pour la marieuse et 8 000 euros pour le conjoint français.
Au total, près d’une centaine d’unions frauduleuses ont été recensées en une décennie, et ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg.
De nombreux maires ont dénoncé ces pratiques, que ce soit grâce aux informations dont ils disposaient ou lors du dépôt d’un dossier de mariage pour lequel l’intention matrimoniale était jugée douteuse. Mais aujourd’hui, certains officiers d’état civil, parce qu’ils sont trop souvent exposés et pas assez soutenus par l’État, n’osent même plus dénoncer ces mariages.
Quand je suis devenue maire des XIe et XIIe arrondissements de Marseille, j’ai alerté les autorités sur ces mariages qui, sous couvert d’un « droit à l’amour », ne sont en réalité trop souvent qu’un « droit à la fraude » et constituent ainsi des « mariages passeport ».
C’est pourquoi en 2018, à l’Assemblée nationale, j’ai déposé une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les mariages frauduleux, dans le cadre de laquelle j’avais défendu des dispositions similaires sous les quolibets de certains de mes collègues, dont M. Mélenchon. Puis j’en ai déposé une autre au Sénat, en 2023, alors que vous étiez ministre de l’intérieur, monsieur le garde des sceaux.
Par ailleurs, toujours en 2023, lors de l’examen au Sénat du projet de loi sur l’immigration, j’ai fait voter un amendement visant à renforcer les procédures d’enquête et à décharger les maires de cette responsabilité. Cette disposition a été reprise dans le cadre de cette proposition de loi et j’espère que nous pourrons la voter, car la mesure avait été censurée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme et pas de fond.
Le Gouvernement de l’époque s’était engagé à avancer sur ce sujet, et je remercie mon collègue Stéphane Demilly de nous en donner l’occasion avec ce texte. En effet, depuis presque deux ans, rien n’a changé, de sorte que nous sommes aujourd’hui confrontés – c’était malheureusement prévisible – à l’affaire Robert Ménard et à l’affaire Stéphane Wilmotte.
À chaque fois, nous cautionnons par notre silence une situation humainement honteuse et nous encourageons l’organisation, à travers la fraude, d’un trafic d’êtres humains.
C’est pourquoi je salue l’initiative de notre collègue Stéphane Demilly, qui nous propose ce texte visant à interdire le mariage en France de deux personnes dont l’une réside de façon irrégulière sur le territoire. Cette proposition de loi relève du bon sens et de la logique, comme vous l’avez souligné, monsieur le garde des sceaux.
En effet, comment concevoir que l’État oblige un maire à célébrer, dans les locaux de la mairie, le mariage d’individus qui ne sont pas autorisés à être présents en France ? Nous sommes en Absurdistan !
Il me semble qu’il n’est pas nécessaire de réformer la Constitution pour prévoir une telle interdiction. Nous pouvons agir dès aujourd’hui. C’est pourquoi je proposerai de nouveau différentes mesures.
Premièrement, il s’agira de rendre systématique l’enquête diligentée par le procureur de la République lorsque la personne est en situation irrégulière. Pour l’instant, en effet, les futurs mariés peuvent choisir la mairie où ils se rendront, de sorte qu’ils évitent celles où ils savent qu’une enquête est demandée. Il faut prévoir une égalité de traitement entre les mairies, en rendant l’enquête systématique dès lors que l’une des deux personnes est en situation irrégulière, afin d’éviter tout détournement.
Deuxièmement, il conviendra d’allonger le délai de l’enquête et prévoir que l’absence de réponse du procureur sera considérée comme une annulation ou un report du mariage. En effet, nous devons renforcer la protection des maires et éviter que des pressions ne soient exercées sur certains d’entre eux, les conduisant à faire preuve de complaisance, quand d’autres réagiront différemment.
Comment pourrions-nous demander aux Français d’avoir confiance en l’État si celui-ci continue de favoriser l’immigration illégale ou la fraude, s’il n’est pas capable de protéger les maires face à des étrangers qui ne respectent pas nos lois ou, pire encore, s’il demande aux maires de valider, de dissimuler ou de camoufler ses insuffisances ?
En effet, c’est bien de cela qu’il s’agit quand l’État laisse des personnes se maintenir frauduleusement sur le sol français, puis demande aux maires de les marier à des Français pour qu’elles obtiennent des papiers qui leur permettront de ne plus être dans l’obligation de quitter le territoire, grâce à un passeport qui fera office de blanc-seing. Il n’est plus possible de tolérer cela plus longtemps !
Enfin, comment le Conseil constitutionnel peut-il refuser de protéger les maires en les obligeant à marier des personnes qui sont en situation irrégulière ? Comment peut-il accepter de telles inégalités entre ceux qui obéissent à la loi et ceux qui ne la respectent pas ?
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de ne jamais rien faire.
J’espère que nous parviendrons, aujourd’hui, à changer les choses, pour protéger les maires et faire respecter nos lois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il nous est demandé aujourd’hui de statuer sur une proposition de loi visant à interdire le mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de manière irrégulière sur le territoire français. Ce texte soulève des questions complexes, de nature non seulement juridique, mais aussi humaine.
Mes collègues l’ont rappelé, le mariage est une institution fondamentale dans notre société. C’est un acte symbolique qui lie deux individus devant la loi. En outre, le droit au mariage est une liberté individuelle largement consacrée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré, dans sa décision du 20 novembre 2003, que la liberté matrimoniale constituait une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle.
Nos collègues qui défendent cette proposition de loi ont un objectif clairement défini : faire en sorte que les maires ne soient plus tenus de célébrer l’union lorsque l’un des futurs époux ne dispose d’aucun titre de séjour valide ou fait l’objet d’une OQTF.
Si les élus du groupe RDPI souscrivent à cet objectif, l’interdiction absolue formulée à l’article unique ne saurait satisfaire les exigences constitutionnelles qui s’imposent à nous. C’est la raison pour laquelle la commission des lois n’a pas adopté ce texte.
En effet, nous comprenons de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’il est impossible pour le législateur, en l’état du droit, de subordonner systématiquement le mariage à une condition de régularité du séjour. Sa compétence réside plutôt dans l’encadrement de l’exercice de la liberté matrimoniale par des mesures visant à lutter contre les mariages frauduleux, à l’image des mariages de complaisance.
Ces mariages sont conclus dans l’unique but, pour un ressortissant étranger en situation irrégulière, d’obtenir un titre de séjour. Il n’est pas acceptable qu’un individu en situation irrégulière puisse, par le biais du mariage, régulariser sa situation en France. Il n’est pas acceptable que l’institution du mariage puisse être détournée de manière frauduleuse à des fins purement administratives.
Bien entendu, l’ancienne maire que je suis a déjà été confrontée à ces époux qui ne s’aimaient que sur le papier, ces époux qui ne parvenaient même pas à se témoigner le moindre signe d’affection, alors qu’ils s’apprêtaient à s’unir pour la vie… Que pouvais-je faire face à ces signes évidemment suspects ? Le maire dispose bien du pouvoir légal de signalement ou d’appréciation de la validité d’une demande en mariage, mais s’opposer à un mariage l’expose à lourdes sanctions.
Il n’est donc plus acceptable que les maires soient en première ligne et que leur responsabilité soit ainsi exposée. Il n’appartient pas non plus à l’officier d’état civil de juger ou de contrôler la régularité du séjour, puis de se prononcer sur la validité ou non du mariage, dans la mesure où ce n’est ni son rôle ni sa vocation.
Comme je l’ai indiqué précédemment, le défaut de l’autorisation de séjour de l’un des futurs époux ne constitue pas, à lui seul, un motif suffisant d’opposition de la part du maire.
En droit positif, la seule solution pour l’officier d’état civil est de suspendre un mariage présumé suspect et de saisir le procureur de la République, qui peut s’y opposer. Une évolution législative portant sur ce point précis pourrait constituer une voie de passage pertinente, afin de mieux protéger les maires. Nous soutiendrons les propositions du rapporteur qui iront en ce sens.
Pour le groupe RDPI, ce texte doit donc en premier lieu protéger les maires. Alors que la France est confrontée à une importante crise de vocations chez les élus, nous devons les protéger dans ce type de situations. Nous devons leur offrir un cadre précis pour mener leur action, ainsi que des outils nouveaux, pour qu’ils puissent remplir leur rôle avec efficacité et sérénité.
En même temps, il est crucial de trouver un équilibre. Nous ne souhaitons pas contraindre par une interdiction absolue tous les couples dont l’un des futurs époux se trouve en situation irrégulière, surtout lorsque l’absence de titre de séjour n’est que temporaire et liée à des difficultés administratives. Sur ce fondement, le droit à la vie privée et à l’établissement d’une famille ne doit pas être mis en cause.
En commission, le rapporteur s’est engagé à modifier cette disposition, afin de dégager une voie de passage conforme à l’esprit du texte et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous soutiendrons ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Valérie Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est limpide. Son périmètre est clairement contenu dans son intitulé : interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire.
Ce texte se veut une réponse à deux problématiques, que nous connaissons bien, puisque la plupart de ceux qui siègent sur ces travées ont eu l’honneur d’être maires. Il s’agit, d’une part, des mariages arrangés ou simulés, c’est-à-dire ceux dans lesquels l’un des futurs époux ou les deux ne fait pas la preuve d’une véritable intention matrimoniale ; il s’agit, d’autre part, du rôle du maire dans la procédure de refus d’un mariage.
En ce qui concerne la première problématique, les élus du groupe RDSE s’inscrivent, comme l’ensemble de nos collègues qui siègent dans cet hémicycle, j’en suis certain, dans la volonté de faire barrage autant que possible au détournement du mariage. C’est un objectif louable, qui doit, comme tous nos objectifs, être adapté au respect des droits et des libertés, ainsi qu’aux réalités pratiques vécues sur le terrain.
En ce qui concerne la seconde problématique, les élus du groupe RDSE souhaitent évidemment que les maires soient protégés par la loi dans l’exercice de leur mission d’officier d’état civil. À ce titre, il me semble, eu égard à mon expérience, que les maires sont souvent bien seuls face à des situations dans lesquelles ils n’ont pas les moyens d’agir directement.
Si nous souscrivons aux objectifs de ce texte, nous souhaitons affirmer notre opposition au dispositif proposé ainsi qu’à la méthode suivie. En effet, nous sommes tout à fait étonnés de nous retrouver en séance publique à discuter d’un texte dont l’inconstitutionnalité ne fait aucun doute, puisqu’il porte atteinte à la liberté du mariage.
Le respect de cette liberté est protégé par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que par l’article 12 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le dispositif prévoit l’interdiction pure et simple pour une personne en situation irrégulière sur le territoire, sans exception ni possibilité de recours, de contracter un mariage civil, alors même que le Conseil constitutionnel a explicitement affirmé que nos normes supérieures « s’opposent à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ».
Mes chers collègues, vous connaissez la culture de la délibération du groupe RDSE, qui promeut le dialogue, plutôt que l’opposition sans débat. Mais la délibération nécessite des règles claires, dans le respect desquelles nous pouvons aborder sereinement les sujets et, in fine, aboutir à des décisions collégiales.
En l’espèce, la discussion d’une sorte de lit de justice constitutionnel par la loi à la défaveur des libertés fondamentales fait obstacle aux conditions d’un dialogue serein. Malgré les amendements déposés qui, dans la stratégie voulue par la majorité, devraient supplanter les dispositions initiales, nous maintiendrons notre scepticisme sur la méthode.
Je tiens à exprimer mon plein et entier soutien aux maires qui font ou ont fait face à des situations très compliquées relatives à ce sujet. Le Sénat se tient aux côtés des élus locaux pour les conforter dans leur mission au quotidien et pour modifier le cadre législatif si cela se révèle pertinent, en suivant une méthode aboutie de concertation et d’évaluation.
Pour toutes ces raisons, si le dispositif actuel était maintenu en l’état, les membres du RDSE, dans le respect de leurs valeurs humanistes et progressistes, ne voteraient pas ce texte. Nous demeurerons donc particulièrement attentifs à l’examen des amendements et déciderons, ensuite, de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à entendre l’opinion publique, si l’on dit aux Français que des personnes sous OQTF peuvent se marier, on ne trouvera pas grand monde dans la rue pour trouver cela normal ! À moins que nous ne fréquentions pas les mêmes trottoirs… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est une évidence. D’ailleurs, quel que soit le texte sur lequel nous pourrions débattre et quelles que soient les positions des uns et des autres sur l’immigration, personne ne peut comprendre que quelqu’un qui est en situation irrégulière et qui est soumis à une OQTF puisse aller tranquillement se marier devant un maire, lui-même démuni…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les maires ne sont pas démunis !
M. Roger Karoutchi. … et contraint de faire bonne figure.
De plus – je pose la question à mon collègue et ami Fabien Gay –, est-ce que l’extrême droite monte parce que nous prenons certaines mesures,…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est l’inverse !
M. Roger Karoutchi. … ou parce que l’opinion publique se dit qu’on ne l’écoute pas ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. Roger Karoutchi. L’opinion publique, ayant l’impression que nous restons dans un monde à part, dans une bulle, se dit qu’il n’est plus possible de se reconnaître en nous, les élus de la République, quelle que soit notre couleur politique. C’est malheureux, c’est ainsi : à un moment, l’opinion publique, cela compte.
J’ai entendu ce que le ministre d’État a dit au sujet du Conseil constitutionnel et je veux y revenir. En effet, monsieur le ministre d’État, nous sommes le Parlement. Nous ne sommes pas l’annexe du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel. C’est à nous qu’il revient de faire la loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
Mme Mélanie Vogel. Pas contre la Constitution !
M. Roger Karoutchi. Par conséquent, on ne peut pas constamment nous rétorquer : « Ah ! la jurisprudence l’interdit »,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Elle est source de droit !
M. Roger Karoutchi. … car la jurisprudence, elle évolue. Elle a changé sur bien des sujets, ce qui a arrangé parfois la gauche, parfois la droite.
Il ne s’agit pas d’un texte sacré. Le Conseil constitutionnel n’est pas figé. J’en veux pour preuve que sa décision de 2003 est intervenue, par définition, après une jurisprudence qui n’était pas la même. Cela signifie que le Conseil constitutionnel modifie ses décisions en fonction de l’évolution des forces politiques, ainsi que des réalités sociales, économiques et sociétales.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. Il évolue donc, et c’est tant mieux, parce que si tel n’était pas le cas et s’il faisait en sorte que, systématiquement, les textes votés par le Parlement ne puissent pas s’appliquer, alors la démocratie serait bloquée ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.) Il faut naturellement respecter le Parlement. Et le Conseil constitutionnel doit aussi évoluer.
Mon cher collègue Fabien Gay, ce texte porte sur une question qui n’est ni de gauche ni de droite, mais qui relève du bon sens ! Il faut soutenir nos maires, qu’ils soient de gauche ou de droite. Tous se trouvent dans une situation extrêmement difficile devant ce type de problème. Et dans leur propre ville, ils sont soumis à des critiques quand ils marient des personnes qui sont sous OQTF, alors qu’ils ne peuvent pas faire autrement.
L’opinion publique ne peut pas se tromper sur tout. Je ne suis pas populiste, mais je ne peux pas dire non plus systématiquement que l’on a tort parce que la jurisprudence s’y oppose. Finissons-en donc avec cet argument !
Cette proposition de loi, ce n’est pas la révolution. C’est un bon texte, monsieur Demilly, que je voterai volontiers, mais je suis sûr, monsieur le ministre d’État, que vous pouvez faire mieux et que vous le ferez très bientôt.
Au Parlement, nous devons pouvoir légiférer en suivant nos propres convictions, sans être systématiquement bloqués par nos propres concessions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Patru. Bravo !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mme Margaté, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire (n° 190 rectifié, 2023-2024).
La parole est à Mme Marianne Margaté, pour la motion.
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe CRCE-K a déposé cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur cette proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire. En effet, ce texte est inconstitutionnel. Je ne vous apprends rien, vous le savez et vous l’avez reconnu. Vous l’avez d’ailleurs acté lors de la réunion de la commission des lois.
À plusieurs reprises, notamment dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a rappelé que la liberté du mariage était protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. À ce titre, le caractère irrégulier du séjour de l’un des futurs époux ne peut pas « faire obstacle en lui-même » au mariage. Tel est le socle posé par la jurisprudence constitutionnelle.
En plus de ce socle constitutionnel, la liberté du mariage est également garantie par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen.
De plus, les sages de la rue de Montpensier rappellent que, comme toute liberté, la liberté du mariage n’est pas absolue, le législateur pouvant fixer les conditions du mariage, dans le respect des exigences de caractère constitutionnel.
Notre code civil prévoit ainsi quatre limitations. Il est interdit aux personnes mineures de se marier, sauf cas exceptionnels. Les mariages polygames ou consanguins sont également interdits. Enfin, un consentement libre et éclairé est une condition indispensable à la célébration du mariage.
On comprend bien l’intérêt de ces bornes. Elles se justifient par la gravité et par la dangerosité de tels comportements sur notre société et sur les individus que nous devons protéger. Car le mariage est une institution juridique, et le lien que nous entretenons avec lui révèle la nature de la société que nous formons.
Par ailleurs, ces limites sont peu nombreuses, parce que nous touchons à l’intime. Si, au travers de l’institution du mariage, la République s’insère dans le couple, c’est pour en protéger les protagonistes. La proportion d’une telle intervention doit rester mesurée.
Par conséquent, mes chers collègues, si dans le cadre de cette proposition de loi votre intention est de nous prémunir contre les mariages forcés, simulés ou arrangés, rassurez-vous, notre droit permet déjà la prévention et l’interdiction de ce type d’union. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. On croit rêver…
Mme Marianne Margaté. Il suffit de consulter le code civil : si, lors de la célébration, l’officier d’état civil a des doutes sérieux quant à la légalité d’un mariage, il saisit sans délai le procureur de la République. Ce dernier, sur le fondement d’une enquête, tranchera alors le sort de ce mariage, par décision motivée. Il y aurait ainsi, chaque année, quelques centaines de cas d’opposition au mariage formulés par le procureur de la République au motif d’une suspicion de mariage simulé ou arrangé.
Je crains que certains ne trouvent ces chiffres insuffisants. Serait-ce parce qu’ils ne peuvent pas s’en servir pour justifier leur agenda politique, de sorte qu’ils préfèrent une estimation personnelle plus arrangeante, mais qui va bien au-delà des chiffres réels ?
Pourtant, le mécanisme prévu dans le code civil a un sens. En donnant au procureur de la République la responsabilité de la décision quant au doute sur la légalité d’un mariage, nous protégeons le maire, officier d’état civil.
En cette période de violences croissantes contre les élus, il n’est pas inutile de les protéger. En effet, un maire qui ne respecterait pas la loi risque une sanction, car chacun est égal devant la loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. J’espère que les maires écoutent…
Mme Catherine Di Folco. Ils vont être contents, les maires…
Mme Marianne Margaté. Si donc M. Robert Ménard, maire de Béziers, est reconnu coupable de s’être opposé de façon illégale à la célébration d’un mariage, il encourra une peine pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité. (M. Stéphane Demilly s’exclame.)
Nous ne sommes pas du côté des maires médiatiques dont l’agenda d’extrême droite est bien loin des intérêts de la France et des gens qui la composent. Nous sommes du côté de ceux qui, chaque jour, défendent la démocratie locale et les valeurs de la République.
Si la situation est ubuesque pour l’extrême droite, elle n’a rien d’insensé pour ceux qui défendent la République française. Et les maires le savent, qui se tiennent loin des débats stériles ne visant qu’à cacher la réalité.
Les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs fonctions ne sont pas liées à ces mariages entre Français et personne étrangère en situation irrégulière. Nous devons les accompagner dans cette rude mission, qui les conduit à œuvrer chaque jour auprès de nos concitoyens, pour l’intérêt général.
Mes chers collègues, encore une fois, je vous le demande : qu’avez-vous donc à gagner, en conscience, à soutenir un texte aussi bancal juridiquement ? Croyez-vous réellement que vous protégerez la France en piétinant ainsi l’universalité d’un droit fondamental ?
En vérité, cette proposition de loi est un leurre ou un écran de fumée visant à faire oublier l’absence de réponse sur des sujets autrement cruciaux sur lesquels nous sommes attendus, qu’il s’agisse de l’emploi, du logement, de la santé ou de l’éducation. En détournant l’attention vers le cas emblématique du « sans-papiers qui voudrait épouser un Français pour les papiers », vous évitez d’avoir à parler de l’échec des politiques sociales ou des causes profondes des flux migratoires.
Cette instrumentalisation politicienne de l’immigration vous disqualifie, car elle révèle une forme de soumission aux logiques électoralistes les plus cyniques. À qui donnez-vous donc des gages ? Notre assemblée vaut mieux que cela. La loi, qui est l’expression de la volonté générale, ne doit pas devenir le jouet de calculs partisans au mépris de l’État de droit.
Présumer que l’irrégularité de séjour vicierait automatiquement le consentement au mariage est une aberration. Mais, malheureusement, notre droit n’est pas exempt d’absurdités, notamment lorsqu’il s’applique aux étrangers.
Par exemple, s’il est interdit d’embaucher une personne étrangère sans autorisation de travail, le salarié étranger pourra solliciter un titre de séjour sur le fondement de son travail. Il lui sera demandé de fournir en préfecture des bulletins de salaire pourtant illicites.
Ce salarié illégal sera tout de même protégé par le code du travail, et c’est heureux ! Parce que les personnes étrangères sans papiers sont des êtres humains, leur précarité administrative ne peut pas justifier une vie sans droits. La dignité humaine est pour tous ou pour personne.
Je veux faire un autre rappel important, qui évitera des confusions inutiles. À l’inverse des autres pays européens, la France délivre systématiquement une obligation de quitter le territoire national lorsqu’une personne étrangère y séjourne depuis plus de trois mois en situation irrégulière. De ce fait, la France est de très loin le pays européen qui délivre le plus d’OQTF, mais avec le taux d’exécution le plus bas. Celui qui séjourne sur le territoire national en situation irrégulière est quelqu’un non pas de dangereux, mais de précaire.
M. Roger Karoutchi. Et en infraction !
Mme Marianne Margaté. Ainsi, mes chers collègues, alors que nos concitoyens nous regardent, nous devons nous interroger sur la direction que nous souhaitons faire prendre à la société qu’ils composent.
Monsieur le garde des sceaux, vous semblez avoir changé d’avis, puisque, en 2023, vous vous étiez montré défavorable à des amendements dont l’objet était similaire à celui de ce texte. Vous aviez même ironisé alors sur le fait qu’il faudrait modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen…
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à refuser de céder aux sirènes de l’extrême droite. Le piège est trop grand, l’enjeu trop important et les conséquences trop graves ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Paccaud applaudit également.)
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en premier lieu, je tiens à souligner l’importance, à propos d’un sujet aussi essentiel, de pouvoir mener le débat à son terme dans cet hémicycle, de pouvoir discuter et échanger calmement, sereinement, sans que des contre-vérités soient proférées, et de pouvoir examiner et voter les amendements.
Je l’ai dit tout à l’heure, j’ai déposé un texte qui se veut clair, laconique et univoque, mais qui, à l’évidence, met un vrai sujet sur la table. Je suis donc naturellement ouvert à un travail collectif, qui permettrait de trouver une voie de passage et d’avancer vers une meilleure protection des maires. Que l’on ne se méprenne pas, tel est l’objet principal de ma proposition de loi : protéger les maires. Nous le leur devons, au Sénat plus qu’ailleurs.
Beaucoup d’entre vous ont été maires, vous connaissez le sujet. Depuis le dépôt de ce texte, nombreux sont les maires de mon département, mais aussi de toute la France, à m’avoir envoyé chaque jour des messages pour me faire part de leur soutien à cette proposition de loi. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) elle-même soutient ce texte. (Mme Valérie Boyer applaudit.)
Rejeter cette proposition de loi sans l’examiner reviendrait à balayer d’un revers de la main les attentes des élus municipaux. Or ce n’est pas parce que la question est difficile qu’il faut éviter le débat.
En second lieu, et pour en revenir au fond de cette motion, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout comme nos engagements internationaux, n’empêche pas le législateur de proposer des adaptations à la loi, notamment lorsque le contexte, comme je l’ai déjà souligné, a sensiblement évolué.
La décision du Conseil constitutionnel que vous mentionnez, ma chère collègue, date du 20 novembre 2003, année durant laquelle environ 20 000 OQTF ont été prononcées. Ce chiffre est à comparer aux 130 000 OQTF décidées pour l’année 2023. Plus de vingt ans après, la situation a profondément changé, le ministre l’a rappelé tout à l’heure.
Nous nous devons, en tant que législateurs, de prendre en compte ces évolutions.
Le Conseil constitutionnel suit les mêmes principes. Dans certaines circonstances, il peut préciser ou ajuster la portée des normes constitutionnelles en fonction des réalités actuelles. Cela peut se traduire par des décisions qui étendent ou restreignent certaines libertés ou certains droits fondamentaux au regard des transformations de la société. Par exemple, des décisions relevant d’une jurisprudence antérieure peuvent évoluer à la lumière d’éléments nouveaux. C’est ainsi que fonctionne notre droit, je ne vous apprends rien. Le pouvoir d’interprétation du Conseil constitutionnel garantit que la Constitution reste un instrument vivant, capable de s’adapter aux évolutions de la société.
Je l’ai dit en préambule : oui, en 2003, le Conseil constitutionnel s’était fondé sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui protègent la liberté personnelle. Il s’agit là d’une interprétation, car ce texte fondamental ne comporte aucune mention du mariage.
En revanche, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise bien que les libertés individuelles peuvent être encadrées par la loi, par des bornes législatives. C’est à nous, législateurs, de les fixer. Sans ces bornes nécessaires, l’exercice de certaines libertés pourrait empiéter sur d’autres droits fondamentaux.
À titre d’exemple, le principe d’égalité devant la loi est bien protégé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le mot « Égalité » est inscrit sur le fronton des mairies. Dès lors, comment expliquer que, dans une mairie, des enquêtes sont diligentées, parce que la sensibilité personnelle de l’officier d’état civil ou les moyens municipaux y concourent, alors que dans une autre mairie, rien n’est fait ? Valérie Boyer l’a déploré voilà un instant.
La situation n’est pas claire, elle n’est pas non plus égalitaire. Ma proposition de loi doit constituer un moyen de pousser les institutions, y compris la nôtre, à réfléchir à des évolutions et aux réformes indispensables.
J’ai demandé à échanger avec tous les groupes politiques de cette assemblée lorsque ce texte a été déposé. J’aurais bien voulu en débattre avec Mme Cukierman, mais mes demandes répétées sont restées lettre morte. (M. Fabien Gay proteste. – Mme Marianne Margaté lève les bras au ciel.)
Pour conclure, monsieur Gay, non, je n’ai pas peur !
M. Fabien Gay. Si !
M. Stéphane Demilly. Monsieur Gay, madame Vogel, vous avez affirmé que le calendrier d’examen de ma proposition de loi n’était pas le fait du hasard ; je vous réponds en toute amitié que c’est de la mauvaise foi : cette initiative date de la fin de l’année 2023.
Monsieur Gay, quand vous déclarez que nous courons après l’extrême droite,…
M. Fabien Gay. Oui !
M. Stéphane Demilly. … permettez-moi de vous dire qu’à force de mettre des œillères dogmatiques face à de vrais problèmes, c’est vous qui faites le lit de l’extrême droite ! C’est vous qui balisez le chemin et préparez l’accession de l’extrême droite aux responsabilités nationales ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
M. Stéphane Demilly. Je voterai naturellement contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, car elle me semble prématurée. Comme l’a très bien souligné notre collègue Roger Karoutchi, ici, nous ne sommes pas au Conseil constitutionnel, nous sommes au Sénat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Fabien Gay proteste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Naturellement, la commission est défavorable à cette motion, et ce pour trois raisons.
Dans le cadre des travaux en commission, d’abord, il a été question des fragilités constitutionnelles du dispositif. Néanmoins, et je rejoins en cela Stéphane Demilly, il faut poser le débat en séance publique. On ne peut l’éviter au regard de l’écho médiatique des affaires Ménard et Wilmotte.
Ensuite, les amendements que la commission a déposés ne font courir, eux, aucun risque de constitutionnalité : ils ne tomberont donc pas pour ce motif.
Enfin, et j’y insiste – parce que l’on fait dire beaucoup de choses au Conseil constitutionnel –,…
Mme Anne-Sophie Romagny. Tout à fait !
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur… il faut noter qu’en 2012 la dernière décision du Conseil sur le sujet a marqué une inflexion.
Ainsi, les sages de la rue de Montpensier considèrent que « la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle, résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [et] que cette liberté ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage ». Cela tombe bien, nous sommes justement en train d’en débattre ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cette intervention me permettra à la fois de répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés lors de la discussion générale et d’émettre l’avis du Gouvernement sur la motion.
Je répondrai tout d’abord à Mme Margaté que, si le statut d’un citoyen ou d’une personne en situation régulière en France était le même que celui d’une personne en situation irrégulière, cela n’aurait plus aucun sens.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Un étranger en situation irrégulière ne pourrait donc pas signer de contrat de travail, mais pourrait bien signer un contrat de mariage. Il n’y aurait là aucune logique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il convient de distinguer les individus selon leur statut, sauf à dire que le territoire national peut accueillir n’importe quel être humain, sans distinction de citoyenneté, ce qui reviendrait à remettre en cause l’existence même du concept de citoyenneté et la notion de régularité du séjour, ou à dire – mais vous n’avez pas osé le faire – qu’il faut régulariser l’intégralité des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Voilà !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Et puis, je vous en prie, pas de leçon de morale ! Je ne me suis pas permis de vous rappeler les propos de Georges Marchais sur la main-d’œuvre étrangère en France ! Le lien entre capitalisme et immigration est dénoncé par le parti communiste depuis très longtemps. Je m’étonne d’ailleurs que ce parti, qui considérait le mariage comme une institution de petits-bourgeois, soit devenu le pourfendeur de ceux qui veulent l’encadrer. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Fabien Gay sourit également.) Évidemment, je ne dis cela que pour faire sourire l’auditoire, y compris vous-même, monsieur Gay…
Madame Narassiguin, la manière dont vous avez attaqué le maire d’Hautmont, le courageux maire d’Hautmont, est absolument inacceptable ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’esclaffe.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame la sénatrice, m’exprimant devant la chambre représentant les collectivités territoriales, je ne m’étonne qu’à moitié – et il n’y a là, je le précise, aucune attaque personnelle de ma part, malgré ce que vous avez pu dire vous-même à la tribune à mon propos, notamment que je suis un garde des sceaux qui n’est soucieux ni de l’État de droit ni de la Constitution –…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la vérité !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … que, lors de la discussion générale, les trois premiers orateurs issus des partis politiques formant le Nouveau Front populaire n’aient jamais été maires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Fabien Gay. C’est une remise en cause du statut de parlementaire !
M. Fabien Gay. Nous serions des parlementaires moins au fait que les autres ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous êtes un parlementaire et, à ce titre, vous avez évidemment toute légitimité à vous exprimer, mais je constate qu’aucun de ces trois sénateurs – dont vous faites partie, monsieur Gay – n’a exercé de mandat de maire, ce qui a été le cas d’un certain nombre d’entre nous ici, y compris, me semble-t-il, des sénateurs appartenant à des groupes de gauche, qui font, eux, preuve de bon sens en considérant qu’un maire est nécessairement pragmatique, notamment parce qu’il est régulièrement exposé à des situations inacceptables.
Vous qui protégez les plus faibles – et vous avez bien raison –, vous devez savoir que, quand on est maire, on fait face à des personnes qui ne sont pas en mesure de faire part de leur consentement libre et éclairé. Confronté à ces situations, et après avoir constaté un tel manque, l’officier d’état civil, l’agent municipal comme le maire, peut demander au procureur de la République de lui fournir les moyens d’aider ces personnes, de sorte que le mariage ne devienne pas un passe-droit.
Je l’assume, j’estime qu’il est assez révélateur que ceux qui se sont exprimés contre cette proposition de loi n’aient jamais été officiers d’état civil.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas malin !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame Narassiguin, vous avez souligné que le maire n’était pas un juge, mais le procureur de la République n’en est pas un non plus. En tant qu’officier d’état civil, le maire agit au nom du procureur de la République. Si le maire est ceint d’une écharpe bleu-blanc-rouge, ce n’est pas parce qu’il est élu local, mais parce qu’il est le représentant de l’État, officier d’état civil et représentant du préfet. Tout comme le procureur de la République, il assure donc la continuité de l’État. C’est ce qui le différencie fondamentalement des autres élus, qui n’ont pas le droit d’arborer l’écharpe tricolore, le bleu près du col.
Aussi, le maire doit aussi exercer un contrôle en matière d’immigration. La loi l’a confirmé voilà plus de cinquante ans : lorsque le maire est appelé à vérifier les certificats d’hébergement dans le cadre d’un certain nombre de procédures, notamment pour les demandes de regroupement familial, il ne fait qu’exercer ce contrôle. Et c’est son rôle d’agent de l’État que de le faire.
Mme Valérie Boyer. Exactement !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bien sûr !
Mme Anne-Sophie Romagny. Cela tombe sous le sens !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous avez donc raconté beaucoup d’inepties. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Je veux également revenir sur une affaire essentielle, celle du maire d’Hautmont. Ce maire, catégorisé « divers droite », est éminemment républicain – nous sommes plusieurs ici à le connaître.
En affirmant, monsieur le sénateur du Rassemblement national, que vous ne m’avez pas vu le soutenir quand j’étais ministre de l’intérieur, alors que je l’ai protégé et que j’ai dit publiquement que je le soutenais, vous avez menti à la tribune de la Haute Assemblée ! (M. Joshua Hochart proteste.) Je vous l’ai fait remarquer lorsque vous êtes redescendu de la tribune, et vous m’avez répondu que j’avais raison…
M. Joshua Hochart. N’importe quoi !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Injure publique, excuse privée, cela n’est pas acceptable, monsieur le sénateur ! Il aurait fallu dire à la tribune que nous avons soutenu, notamment le ministère de l’intérieur,…
M. Joshua Hochart. Mais pas le procureur !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … le maire d’Hautmont, qui m’a d’ailleurs remercié publiquement.
J’ai fait expulser la personne que le maire d’Hautmont a refusé de marier. En somme, monsieur le sénateur, ce que vous avez essayé de faire, c’est de la démagogie, comme d’habitude ! Vous non plus n’avez jamais été maire ; vous avez donc parlé de ces choses sans les connaître : croyant, mais pas pratiquant, monsieur le sénateur ! (M. Joshua Hochart proteste de nouveau.)
Lorsqu’il a fallu le défendre, je me suis rendu à Hautmont pour soutenir M. Wilmotte, lequel a expulsé, je le rappelle, un imam radicalisé, fiché S, dont la mosquée a été fermée par la République, décision confirmée par tous les tribunaux appelés à se prononcer.
Un maire, quelle que soit sa couleur politique, à qui l’on demande de marier ce type d’individu, s’y opposera naturellement. L’inverse serait absurde ! (Marques d’approbation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Vous avez raison, la signature d’un contrat de mariage ne confère aucun droit à régularisation automatique, mais le mariage contribue à la vie privée et familiale. J’ajoute que, si ces personnes sont très amoureuses, elles peuvent très bien se marier dans leur pays d’origine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Eh oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et lorsque leur pays d’origine est la France ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Conseil d’État reconnaissent d’ailleurs que la vie privée et familiale est possible dans le pays d’origine.
M. Thomas Dossus. Et le Danemark ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Conseil d’État a rendu trois jugements en ce sens l’année dernière. Nous sommes donc très heureux de pouvoir dire que, en France, seules les personnes en situation régulière sur le territoire national peuvent se marier.
Et si je me suis opposé à des amendements qui tendaient à la mise en œuvre d’un dispositif équivalent à celui de la proposition de loi de M. Demilly dans le cadre de l’examen du projet de loi Immigration – je le dis à l’attention de Mme Boyer et de ses collègues –, c’est justement – et je l’avais souligné à l’époque – parce qu’il s’agissait de cavaliers législatifs.
Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin. Non !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je ne vais pas refaire le débat sur la loi Immigration, mais ces dispositions ont été en partie censurées par le Conseil constitutionnel.
Du reste, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale – mais je suis sûr que vous m’avez écouté –, j’estime que la présente proposition de loi pose une bonne question et que la réécriture de ce texte par le rapporteur Le Rudulier apporte les bonnes réponses. C’est ainsi que l’on aurait dû écrire la loi Immigration ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Le problème avec vous, monsieur le ministre, c’est que vous confondez souvent stand-up et séance publique au Sénat… (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ne soyez pas jalouse, tout le monde n’a pas ce talent ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’ai pas votre talent, monsieur le ministre, mais je tiens à vous rassurer : j’ai déjà célébré des mariages.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui, mais vous n’avez pas pris la parole en discussion générale !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai compris qu’ici il y avait plusieurs catégories de sénateurs et qu’il fallait avoir célébré des mariages pour avoir le droit de s’exprimer. (M. le garde des sceaux manifeste son désaccord.) Ne ronchonnez pas ainsi, monsieur le ministre, cela tend à prouver que ce que je dis vous atteint.
M. Thomas Dossus. Ça va bien se passer !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’en reviens à la motion : nous la voterons, parce que nous sommes totalement d’accord avec l’argument que vous aviez avancé lorsque vous étiez ministre de l’intérieur – c’est vrai que vous avez du mal à l’oublier –, selon lequel un amendement analogue à celui de Mme Boyer, ici présente, était « contraire, non seulement à nos engagements internationaux, mais également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui s’appuie sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui, mais depuis, Stéphane Le Rudulier est arrivé ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Contrairement à ce que vous venez d’indiquer, vous ne vous êtes pas opposé à ces amendements parce qu’il s’agissait de cavaliers législatifs, mais parce que vous considériez qu’ils n’étaient pas conformes à la Constitution. Vos anciens amis de droite peuvent en témoigner, vous avez une conception assez plastique des propos que vous avez tenus…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. De ce fait, vous pouvez dire aujourd’hui le contraire de ce que vous disiez hier.
Nous aurons l’occasion d’y revenir, estimer qu’aucune mesure n’est prévue pour encadrer les mariages et, plus particulièrement, pour faire constater le défaut de consentement, n’est pas exact. Nous aurons le plaisir de vous rappeler l’existence d’un certain nombre de circulaires qui détaillent tous ces procédés.
Nous partageons totalement les propos de Fabien Gay. Vous sombrez dans une certaine dérive : vous avez voulu faire un tract de ce texte ; c’est le premier d’une série que le Sénat sera amené à examiner. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Puisque M. Retailleau n’a pas de projet de loi, il aura des propositions de loi. Vive Bruno Retailleau !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Merci pour ce « Vive Bruno Retailleau ! », Marie-Pierre de La Gontrie ! (Sourires.)
Plus sérieusement, Stéphane Demilly a l’art, l’habileté, une science subtile de la maîtrise du calendrier : même si sa proposition de loi date de la fin de l’année 2023, de façon étonnante, elle tombe à pic au cours d’une semaine où les Français ont appris que, malheureusement, leur droit nuptial est bancal, voire kafkaïen, puisque des maires, dont le seul crime est de vouloir faire respecter la loi, peuvent devenir des délinquants.
Ce texte est évidemment, comme l’a dit Roger Karoutchi, un texte de bon sens. La loi doit incarner le bon sens, la clarté. Mieux vaut éviter de noyer Marianne dans les tourbillons de la contradiction.
Comment comprendre qu’aujourd’hui une personne sous obligation de quitter le territoire français puisse s’y marier ? Il faut discuter de cette proposition de loi et c’est pourquoi, bien entendu, je voterai, comme mes collègues du groupe Les Républicains, contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Le texte comporte quatre avancées : d’abord, il permettra de clarifier la situation ; ensuite, il permettra de protéger les édiles ;…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Des mesures existent déjà !
M. Olivier Paccaud. … par ailleurs, et c’est important, il contribuera à « désarmer » les OQTF ; enfin, il évitera que nos mairies ne deviennent des bureaux d’aide à la régularisation de hors-la-loi et de sans-papiers ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme Valérie Boyer. Bien sûr, et des filières !
M. Thomas Dossus. Oh là là !
M. Olivier Paccaud. Qu’on le veuille ou non !
M. Thomas Dossus. Donnez des chiffres et arrêtez vos fantasmes !
M. Olivier Paccaud. Pour terminer, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen décline quatre droits naturels et imprescriptibles de l’homme : la liberté ; la sûreté ; la propriété ; la résistance à l’oppression. Il n’y est pas question de mariage !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Il s’agit clairement d’un débat gauche-droite.
M. Olivier Paccaud. Non, droite-gauche ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. C’est un débat gauche-droite, assumez, ce n’est pas grave ! Nous sommes ici au Parlement, nous sommes là pour débattre, réfléchir autour d’idées et de faits. C’est pourquoi je vous pose de nouveau la question, monsieur le ministre, en espérant une réponse cette fois-ci : de combien de cas parlons-nous ?
M. Francis Szpiner. Un seul suffit !
M. Fabien Gay. Quand je suis devenu sénateur, on m’a expliqué qu’au Sénat on légiférait sur l’essentiel, pour traiter une majorité de cas.
Alors, je repose la question : sur plusieurs dizaines ou centaines de milliers de mariages chaque année, de combien de cas est-il question ?
Monsieur Demilly, je sais qu’il m’arrive de m’emporter, mais je fais attention aux mots que j’emploie : je n’ai pas dit que vous étiez d’extrême droite, mais que vous couriez derrière l’extrême droite. (Protestations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. C’est pareil !
M. Olivier Paccaud. Vous êtes un adepte du jésuitisme ?
M. Fabien Gay. Vous n’aurez qu’à réécouter l’ensemble de mes propos.
Je sais que nous vivons une époque qui illustre une certaine inversion des valeurs – ainsi, les défenseurs de la liberté d’expression ne la défendent que pour pouvoir diffuser leur racisme –, mais, personnellement, monsieur Demilly, je ne suis pas membre d’un gouvernement qui ne tient que par la laisse de Mme Le Pen. Voilà la réalité !
M. Francis Szpiner. C’est pourtant vous qui avez voté la censure avec le RN !
M. Fabien Gay. Vous aurez beau dire que ce sont les gens de gauche qui font monter le racisme, ce sont bien eux, et notamment nous, les communistes, qui combattent les idées du Rassemblement national et le racisme. Vous, vous leur passez les plats !
Enfin, je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, lorsque vous avez reproché à Mélanie Vogel, Corinne Narassiguin et moi-même de n’avoir jamais été maires. C’est vrai, pour ma part, je n’ai jamais célébré de mariage. Mais qu’un ministre d’État se permette de nous dire qu’en définitive nous n’aurions pas notre mot à dire sur cette question, parce que nous n’avons jamais célébré de mariages,…
M. Fabien Gay. … ou que notre parole vaudrait moins que celle des orateurs qui ont déjà été maires, est stigmatisant. Je le dis comme je le pense, ici, nous légiférons tous à égalité, car nous sommes tous élus à égalité.
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Pour ma part, j’ai été dix ans au Smic ; pour autant, je n’oserais jamais dire que certains de mes collègues ne devraient pas parler de salaire et de Smic, parce qu’ils ne savent pas ce que c’est ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, la commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.
proposition de loi visant à interdire un mariage en france lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire
Avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Le Rudulier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 63 du code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 2°, après le mot : « fournies, », sont insérés les mots : « y compris en application de l’avant-dernier alinéa du présent article, » ;
2° Après l’avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les futurs époux de nationalité étrangère fournissent à l’officier d’état civil, outre les pièces mentionnées au 1° du présent article, tout élément lui permettant d’apprécier leur situation au regard du séjour. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de trouver une voie de passage en vue de concilier, d’une part, les objectifs visés par les auteurs de la proposition de loi et, de l’autre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Notre amendement tend à modifier l’article 63 du code civil : le dispositif que nous proposons repose sur l’obligation de fournir toute pièce justifiant la régularité du séjour et permettant d’apprécier la situation des futurs époux. Ainsi, l’officier d’état civil pourra réclamer cette pièce, qui devra obligatoirement lui être délivrée et lui permettra d’évaluer la situation.
J’ajoute que l’absence d’une telle pièce, qui a un caractère obligatoire, ne permet pas en tant que telle la saisine automatique du procureur de la République. L’officier ne pourra le saisir qu’à partir des auditions auxquelles il a procédé. Pour autant, cette pièce justificative s’inscrira dans le faisceau d’indices qui doit guider l’officier d’état civil pour repérer d’éventuels mariages frauduleux.
Notre dispositif – c’est très important – n’est pas incompatible avec l’article unique de la proposition de loi de Stéphane Demilly. Rien n’empêche donc de voter les deux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Permettez-moi de contredire M. le rapporteur sur la constitutionnalité de cet amendement.
Deux éléments nous permettent en effet d’en douter.
En premier lieu, cet amendement vise à rendre obligatoire, pour tout étranger, la fourniture de la preuve de la régularité de son séjour. Les termes mêmes du dispositif ne disent rien d’autre. Si l’on rend obligatoire la fourniture de cette preuve, cela signifie que les personnes qui ne pourront pas l’apporter ne pourront pas se marier. Dès lors, la régularité du séjour devient, en toute hypothèse, une condition pour contracter mariage. Or le Conseil constitutionnel a déjà clairement indiqué que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger ne peut faire obstacle en lui-même au mariage de l’intéressé.
En second lieu, si l’on rend obligatoire la fourniture de la preuve de la régularité du séjour, un étranger en situation irrégulière serait nécessairement dissuadé de se marier.
La question qu’il convient de se poser est alors la suivante : aura-t-il été dissuadé de se marier, parce que son mariage était frauduleux ? Pas nécessairement – ce sera même le plus souvent le contraire. En fait, dans la majeure partie des cas, il renoncera à se marier tout simplement par crainte d’une procédure d’éloignement. Dès lors, l’étranger en situation irrégulière aura à choisir entre se marier, avec les risques que cela comporte en termes d’éloignement, et ne pas prendre ce risque, c’est-à-dire renoncer à se marier, renoncer à une liberté garantie par la Constitution.
En conséquence, quelle que soit la rédaction retenue, dès lors qu’un dispositif établit une connexion entre régularité du séjour et mariage, il porte nécessairement atteinte à une liberté fondamentale.
Mme Valérie Boyer. Non, c’est l’inverse !
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. À ce stade du débat, je vais essayer de vous convaincre que la présente proposition de loi, dont ses auteurs prétendent qu’elle protège les maires, ne fait que les exposer davantage aux menaces.
J’ai compris qu’aujourd’hui c’était « jeudi confession » et qu’il fallait commencer son intervention en déclarant si l’on avait été maire ou pas : je n’ai pas été maire de Paris… (Sourires sur les travées du groupe SER. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Enfin, pas encore, tout reste ouvert ! (Nouveaux sourires.) J’ai tout de même déjà célébré quelques mariages.
Avec ce texte, mes chers collègues, vous voulez faire du maire le décisionnaire du mariage ; or ce n’est pas son rôle, c’est celui du procureur de la République, lorsqu’il est saisi par l’édile. Paradoxalement, ce texte ne fera qu’exposer davantage les élus, en première ligne face à de potentielles menaces.
Mme Valérie Boyer. Mais non, c’est tout le contraire !
Mme Colombe Brossel. Cette proposition de loi les placera de facto encore plus souvent dans des situations de possible danger. Les maires et les officiers d’état civil seront incités à sortir de leur seule mission, la célébration des mariages, pour devenir les acteurs du contrôle de l’immigration. Or, je le redis, tel n’est pas le rôle des maires ni celui de leurs adjoints.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mais si, tout le monde doit y participer !
Mme Colombe Brossel. Notre rôle, lorsque nous sommes en responsabilité, est de vérifier que le mariage est fondé sur le consentement libre et éclairé des futurs époux et le souhait d’une vie commune, conformément aux principes du mariage figurant dans notre code civil.
L’AMF, dont plusieurs représentants ont été auditionnés dans le cadre des travaux préparatoires en commission, l’a du reste rappelé à plusieurs reprises,…
M. Stéphane Demilly. L’AMF soutient le texte !
Mme Colombe Brossel. … et a par ailleurs attesté du fait qu’elle n’avait recensé que peu de cas.
Vous cherchez à nous faire croire qu’il s’agit de la priorité des maires sur l’ensemble du territoire ; honnêtement, ils ont bien d’autres priorités en ce moment.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je veux simplement dire que demander systématiquement des papiers à une personne en situation irrégulière protège les maires, parce que cela revient à mettre tous les élus sur un pied d’égalité, partout sur le territoire.
Ceux qui ont été maires – je suis désolé d’invoquer cette expérience – le savent bien : lorsqu’ils faisaient en sorte que les entretiens préalables au mariage soient effectifs, ils subissaient des pressions pour éviter qu’ils ne saisissent les autorités.
En demandant partout en France des pièces justificatives supplémentaires ou en menant une enquête complémentaire lorsque l’un des futurs époux est en situation irrégulière, on ne fait rien d’autre que protéger les maires, car on garantit une égalité de droit sur tout le territoire.
Ainsi, ne coexisteront plus des filières pour et contre l’examen approfondi de potentiels mariages frauduleux, ce qui contribuera à faire baisser la pression et à mettre l’État face à ses responsabilités : si une personne est en situation irrégulière sur le territoire français, c’est aussi parce qu’il y a des défaillances. (M. Thomas Dossus proteste.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour explication de vote.
M. Stéphane Demilly. Le maire que j’ai été pendant trente ans soutient bien évidemment cet amendement, qui tend à compléter utilement ma proposition de loi.
Le fait de devoir justifier de sa situation au regard de son séjour sur le territoire national, lorsque l’on souhaite se marier, relève vraiment du bon sens.
Mes chers collègues, le mariage est un contrat juridique, un engagement légal contractualisé, face au maire, selon les lois de notre République, et non une simple formalité administrative. Pourquoi ne pas s’assurer que ceux qui souhaitent se marier respectent les règles de droit qui fondent notre organisation sociale et notre vivre ensemble ?
Exiger la présentation d’un titre de séjour valide lors de la constitution du dossier de mariage est une mesure simple et logique. Ce serait une garantie pour le maire, qui disposerait alors d’un moyen très simple de savoir si le ressortissant étranger a effectué les démarches nécessaires pour résider sur notre territoire de manière légale. Cela le dispenserait également d’agir comme un enquêteur conjugal.
Une telle mesure protégerait les maires et leur permettrait de s’assurer qu’aucun mariage ne soit utilisé comme un stratagème pour contourner nos lois. Le garde des sceaux l’a dit et redit : le mariage doit être un droit et non un passe-droit !
Mme Valérie Boyer. Exactement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article unique.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 175-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « La saisine est systématique lorsque l’un des époux ne peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire national. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à ce que l’absence de justification de la régularité du séjour de l’un des époux entraîne la saisine automatique du procureur, aux fins de vérifier la sincérité de l’intention matrimoniale et de lever toutes les difficultés qui viennent d’être exposées.
Je ne développerai pas plus avant ; je répète simplement que cela protégerait les maires et éviterait les différences de traitement d’une mairie à l’autre et la constitution de filières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Chère collègue, je comprends totalement l’esprit de votre amendement. Toutefois, la mesure que vous proposez va beaucoup moins loin que l’article unique de la proposition de loi.
Par ailleurs – et malheureusement –, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est limpide sur ce sujet précis : ce motif ne peut justifier à lui seul une saisine du procureur de la République.
Je vous invite donc à retirer votre amendement et à saisir le Conseil constitutionnel selon la procédure définie par l’article 61 de la Constitution pour connaître sa position sur l’article unique de la proposition de loi – certains de nos collègues ne manqueront pas de le faire. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Je me bats pour cette mesure depuis 2018. Il est important d’instaurer une forme d’égalité entre toutes les mairies. Cela n’empêchera pas le Conseil constitutionnel de se prononcer – enfin ! – sur cette question et peut-être même de faire évoluer sa jurisprudence, comme cela a été dit lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Comme l’a souligné M. le rapporteur, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire : cet amendement est bien évidemment inconstitutionnel. (Mme Valérie Boyer le conteste.) S’il est rassurant de constater qu’une large partie de l’hémicycle respecte cette jurisprudence, je m’inquiète, madame Boyer, que M. le rapporteur vous suggère de saisir le Conseil constitutionnel pour tenter d’obtenir de lui une décision différente.
En réalité, votre mesure sous-entend que toute personne en situation irrégulière veut nécessairement frauder.
Mme Valérie Boyer. Non !
Mme Corinne Narassiguin. Si ! Vous considérez qu’il existe une présomption de suspicion justifiant de saisir systématiquement le procureur. C’est nourrir tous les amalgames, tous les fantasmes xénophobes qui circulent dans notre pays, c’est faire de la politique contre notre loi fondamentale !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Personnellement, je n’ai pas été maire, mais nombre de ceux qui combattent ce texte l’ont été. Au reste, nous sommes élus par des maires, qui ne nous disent jamais que ce sujet représente un grand problème pour eux.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. J’en connais plein !
M. Roger Karoutchi. Les Français de l’étranger ont des maires ?
Mme Mélanie Vogel. En réalité, les maires que vous voulez protéger sont ceux qui ont un problème avec la loi et avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ceux qui appliquent simplement la loi n’ont pas de problème.
Les maires saisissent le procureur de la République lorsqu’ils ont un doute sur la sincérité de l’intention matrimoniale. L’objet de cet amendement est de permettre au maire, dans une situation où celui-ci n’a pas de doute sur le fait qu’il s’agisse d’un mariage blanc, d’un mariage arrangé ou d’un mariage gris, non plus que sur la réalité de l’intention matrimoniale, de saisir malgré tout le procureur de la République. Pourquoi ?
En réalité, vous cherchez tous les artifices possibles pour contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle le seul séjour irrégulier ne peut pas faire obstacle à la liberté matrimoniale. En somme – et ce sera l’objet du débat tout au long de l’examen de ce texte –, vous avez fondamentalement un problème avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Karoutchi l’a même exprimé assez librement : au fond, cette jurisprudence pourrait changer ; le Conseil constitutionnel nous embête ; il nous empêche de légiférer comme nous le souhaitons. Voilà ce que vous voulez expliquer aux Françaises et aux Français !
M. Roger Karoutchi. Vous n’avez rien compris !
Mme Mélanie Vogel. Si, j’ai bien compris ce que vous avez dit, monsieur Karoutchi : vous nous avez expliqué que ce n’était pas parce que le Conseil constitutionnel disait une chose aujourd’hui qu’il ne pouvait pas changer d’avis demain, que la jurisprudence évoluait parfois dans notre intérêt à nous, et que, cette fois, elle pourrait le faire dans votre intérêt à vous.
M. Roger Karoutchi. N’importe quoi !
Mme Mélanie Vogel. En vérité, vous avez un problème avec le fait que la Constitution, les engagements internationaux de la France et la jurisprudence du Conseil constitutionnel vous empêchent de mettre en œuvre votre projet politique !
M. Roger Karoutchi. Et vous, vous avez un problème avec le Parlement !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par Mme V. Boyer.
L’amendement n° 11 est présenté par M. Le Rudulier, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 175-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « laisser » est remplacé par les mots : « donner injonction de » ;
b) À la seconde phrase, le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À défaut de décision motivée dans le délai imparti, il est réputé avoir décidé un sursis de deux mois à la célébration du mariage. » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois, renouvelables ».
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
Mme Valérie Boyer. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre le dispositif que le Sénat avait adopté en novembre 2023, avec un avis favorable du ministre de l’intérieur de l’époque. Nous proposons deux mesures : doubler le délai pendant lequel le procureur de la République peut surseoir à un mariage soupçonné d’être frauduleux et instaurer le principe selon lequel le silence vaut sursis au mariage.
Je précise que cet amendement est compatible avec l’article unique de cette proposition de loi.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l’article 175-2 du code civil, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Permettez-moi de revenir sur l’amendement n° 6 rectifié, que j’avais en effet fait adopter par le Sénat en novembre 2023. Je remercie mes collègues de la commission des lois de l’avoir repris et de le soutenir. Il me semble très important de le voter, car il permet de garder l’esprit du texte de M. Demilly.
En ce qui concerne l’amendement n° 7 rectifié, il s’agit simplement d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. L’amendement n° 7 est moins-disant par rapport aux deux amendements identiques. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme Valérie Boyer. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je tenais à prendre la parole pour soutenir publiquement ces amendements identiques. Je souhaitais d’ailleurs cosigner celui de Valérie Boyer, mais un incident informatique m’en a empêché.
J’ajoute que j’avais déposé un amendement identique sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 11.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article unique.
Article unique
Après l’article 143 du code civil, il est inséré un article 143-1 ainsi rédigé :
« Art. 143-1. – Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, sur l’article.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Le maire de Béziers, Robert Ménard, a été attrait en justice pour avoir refusé d’unir une Française à une personne sous obligation de quitter le territoire français et encourt une lourde sanction. En 2023, le maire d’Hautmont a été jugé pour des faits similaires. Le palmarès du futur marié était pourtant copieux : sous OQTF, il ne faisait rien de moins que l’apologie du djihad armé !
Il est inacceptable que des maires soient poursuivis par la justice de notre pays pour avoir refusé de se rendre complices d’une fraude manifeste. Cette situation ubuesque est très justement décrite dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de notre collègue Stéphane Demilly et dans le rapport de la commission des lois, tous deux excellents. Elle est révélatrice des injonctions contradictoires auxquelles les maires sont confrontés face à un État schizophrène.
En tant qu’officiers d’état civil, les maires ont l’obligation de vérifier scrupuleusement les documents présentés par les futurs époux. En cas de doute, les dispositions de l’article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales (CGCT) sont problématiques. L’absence d’un titre de séjour valide ou l’obligation de quitter le territoire français ne suffisent pas à empêcher la tenue d’une union. C’est une aberration ! Le rôle du Sénat est de protéger, de respecter et de soutenir le travail des maires et des agents municipaux qui signalent des contournements manifestes de la loi.
Par ailleurs, le mariage n’est pas un instrument de régularisation administrative. Il s’agit non pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de s’assurer de la sincérité de la réalité de la volonté matrimoniale des futurs époux.
Je soutiens donc évidemment cette proposition de loi, ainsi que les amendements de nos collègues visant à trouver une voie de passage législative pour redonner aux maires les moyens de faire respecter la loi avec discernement et responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bravo !
M. Jean-Claude Tissot. … mais parce que je suis l’un des 348 sénateurs siégeant dans cet hémicycle et que je dispose donc de la même légitimité que n’importe lequel de mes pairs pour m’exprimer. (Mme Valérie Boyer s’exclame.)
M. Fabien Gay. Merci !
M. Jean-Claude Tissot. Depuis quelque temps, je suis effaré par la dérive de nos débats, quels que soient les thèmes que nous abordons. Celui de ce matin ne déroge pas à la règle : nous examinons une proposition de loi qui contrevient à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 !
La commission des lois a elle-même rappelé que la liberté du mariage est une liberté fondamentale, à valeur constitutionnelle. Ce texte est donc inconstitutionnel, comme en témoigne par ailleurs la jurisprudence du Conseil constitutionnel – rien que ça !
En proposant d’interdire à un Français de se marier avec un étranger sans-papiers – et inversement –, la majorité sénatoriale s’enfonce encore un peu plus dans une forme de démagogie anti-immigration. Mes chers collègues de l’Union Centriste, nous vous avons connus plus modérés que cela ! (Oh là là ! sur les travées du groupe UC.)
Mais laissons de côté la dérive idéologique. Sur le fond, la disposition introduite est mauvaise, car elle place le maire dans une position où il devra juger de la légalité d’un mariage. Elle fait de ce dernier ni plus ni moins qu’un acteur du contrôle de l’immigration.
M. Jean-Claude Tissot. Surtout, nous savons tous que l’argument selon lequel l’étranger sans-papiers, une fois marié, ne pourra plus être expulsé ne tient pas, puisque la législation autorise déjà une telle expulsion.
Par ailleurs, les mariages arrangés contre lesquels vous prétendez lutter sont déjà interdits. Je cite l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Est puni […] le fait, pour toute personne, de contracter un mariage […] aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. »
Cette proposition de loi est donc bel et bien inutile et immorale ! (Mme Valérie Boyer proteste.) Aussi, j’appelle tous les républicains – au sens noble du terme – de cet hémicycle, à s’élever contre cette mascarade. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Fabien Gay. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l’article.
M. Joshua Hochart. En arrivant ce matin, je m’attendais à un débat pour le moins animé. Cette proposition de loi de Stéphane Demilly répond à deux objectifs.
Tout d’abord, elle vise à défendre les intérêts français et à lutter contre l’immigration illégale. Chers collègues de gauche, vous devriez vous y essayer, car c’est un beau combat que de défendre les intérêts de son pays !
Ensuite, elle a pour objet de protéger nos élus, d’éviter de les mettre dans des situations inconfortables. En tant que représentants des collectivités, un tel objectif devrait tous nous rassembler.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez tout de même légèrement détourné les propos que j’ai tenus à la tribune. J’ai bien dit que les policiers de la Républiques, placés, si cela vous arrange, sous votre autorité,…
M. Joshua Hochart. … avaient protégé le maire d’Hautmont. Ce que j’ai dit, c’est que peu de représentants de l’État lui avaient apporté leur soutien – je pense notamment au procureur de la République.
Monsieur Darmanin, vous étiez ministre de l’intérieur et vous avez protégé un maire : c’est le minimum de ce que l’on pouvait attendre de vous ! Vous étiez également un représentant de la majorité présidentielle. Pourquoi n’avez-vous pas fait passer un projet de loi à l’Assemblée nationale, où vous aviez la majorité, pour protéger les maires, comme le fait aujourd’hui notre collègue du groupe Les Républicains ?
Mme Anne-Sophie Romagny. Quel rapport avec l’article ?
M. Joshua Hochart. Comme on le dit chez vous comme chez moi, monsieur le ministre, « grand diseux, petit faiseux » ! Cela se confirme encore aujourd’hui…
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 8 est présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 9 est présenté par Mme Margaté, M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à supprimer l’article unique de cette proposition de loi.
Ce que nous venons d’entendre est la démonstration, s’il en fallait une, que ce texte est parfaitement aligné sur le projet défendu par l’extrême droite : M. Hochart, représentant de l’extrême droite, vient de se faire le défenseur radical d’une proposition de loi déposée par les centristes. À ce moment de la discussion, je vous invite, mes chers collègues de l’Union Centriste, à prendre conscience du glissement auquel vous participez.
Par ailleurs, je ne crois pas, monsieur Hochart, que l’on défende les intérêts de la France en s’attaquant aux principes fondamentaux qui ont fait la grandeur de sa démocratie. La Constitution, avec laquelle vous semblez avoir tant de problèmes, garantit que la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen soit respectée, laquelle fait de la liberté de se marier une composante de la liberté individuelle.
Le Conseil constitutionnel estime que faire du séjour irrégulier un obstacle à cette liberté est contraire à notre Constitution. Or qu’y a-t-il de plus français que la Constitution de la France, monsieur Hochart ?
Nous proposons donc de supprimer cet article unique, car nous considérons que, derrière cette proposition de loi, il n’y a pas la lutte contre les mariages blancs, comme cela a été très bien expliqué, ni la lutte pour la France : il y a seulement la lutte contre ce qui a fait de la France une grande démocratie, à savoir le respect des droits fondamentaux, des libertés fondamentales et de nos engagements internationaux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 8.
Mme Corinne Narassiguin. Depuis le début de la discussion, on nous dit que ce texte repose sur le bon sens. Mais ce bon sens n’est que le faux nez du populisme ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Certains, dans cet hémicycle, nous expliquent, à nous, législateurs, que ce prétendu bon sens aurait désormais une valeur supérieure à la Constitution, à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et à la convention européenne des droits de l’homme… Mes collègues ayant déjà développé ce point, notamment Mélanie Vogel à l’instant, je n’y reviens pas davantage.
Je concentrerai mon propos sur le rôle du maire dans l’application des dispositions d’ordre public. Certains prétendent qu’il y aurait une contradiction entre les prérogatives dont dispose le maire en tant qu’officier de police judiciaire (OPJ) et en tant qu’officier d’état civil. Qu’ils nous expliquent donc le lien entre ordre public et statut matrimonial d’un individu !
S’il est sous-entendu que l’on ne pourrait pas expulser un étranger en situation irrégulière au motif qu’il serait marié, c’est faux ! C’était déjà faux avant la dernière loi Immigration et ça l’est encore davantage depuis.
Si nous admettions qu’il existe un lien entre mariage et ordre public, cette question dépasserait de très loin le cas des étrangers sans-papiers. Il faudrait aller au bout de la logique et interdire le mariage aux étrangers en situation régulière, et même aux Français dont le comportement trouble l’ordre public !
M. Roger Karoutchi. Oh là là…
Mme Corinne Narassiguin. J’irai même plus loin : pourquoi ne pas exiger un casier vierge pour pouvoir se marier ? (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, je rappelle qu’un maire exerce ses fonctions d’officier de police judiciaire sous le contrôle du procureur de la République. C’est donc bien ce dernier, et lui seul, qui a autorité pour faire opposition à un mariage.
On nous dit que ce texte a vocation à protéger les maires. Mais de quoi seront-ils protégés ? Des contentieux ? Qui peut prétendre que ce texte empêchera les recours contre les maires, a fortiori s’il leur appartient dorénavant de contrôler la régularité du séjour de leurs administrés ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 9.
Mme Marianne Margaté. Les tentatives de sauvetage de ce texte ne changeront rien au fait qu’il est essentiellement problématique et inconstitutionnel. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thomas Dossus. Il ne sert à rien !
Mme Marianne Margaté. Depuis le début, nous attendons qu’on nous donne des chiffres.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
Mme Marianne Margaté. De quoi parle-t-on ? Monsieur le garde des sceaux, sur quelles données s’appuie cette proposition de loi ? Il n’y en a pas !
Il serait tout de même grave de conclure ce débat sans obtenir le moindre chiffre justifiant les mesures que propose la majorité sénatoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Il me semble clair que nous devons interroger le Conseil constitutionnel. Attention aux excès d’interprétation : comme je l’ai dit, en 2012, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’est infléchie. Rien ne dit qu’un revirement n’interviendra pas en cas de nouvelle saisine au titre de l’article 61 de la Constitution.
Monsieur Hochart, le maire d’Hautmont a bel et bien reçu le soutien direct des services de l’État et du préfet de région. Vous le savez très bien, nous l’avons auditionné ensemble ! Au cours de cette audition, il a expliqué que le préfet de région l’avait aidé à préparer ses arguments dans le cadre du référé.
Par ailleurs, madame Vogel, ce n’est pas parce que le Rassemblement national dit que le soleil est jaune que nous sommes obligés de dire l’inverse !
M. Stéphane Demilly. Exactement !
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. J’invite chacun à faire preuve de bon sens et de pragmatisme.
La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Avis défavorable.
Madame Narassiguin, votre question sur les chiffres est absurde. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.) À l’heure actuelle, nous ne demandons pas le document attestant de la régularité de la situation de l’un des époux, nous ne pouvons donc pas savoir combien d’entre eux sont en situation irrégulière ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ai tout d’abord cru que vous posiez cette question dans la volonté de débattre, avec une pointe de provocation. Mais vous la répétez et semblez croire que, si je n’y réponds pas, c’est que j’ai des choses à cacher !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est précisément l’objet de l’amendement de M. le rapporteur que de nous permettre de répondre à votre question. Dès lors que nous imposerons aux époux de fournir un document prouvant la régularité de leur situation, nous serons en mesure de vous répondre.
Chaque année, 30 000 mariages sont célébrés entre une personne française et une personne étrangère – qui n’est pas forcément en situation irrégulière. Je préciserai à l’Assemblée nationale, lorsque le texte y sera examiné, le nombre de mariages entre personnes étrangères, faute de le connaître au moment où je vous parle. Bien sûr, elles ont elles aussi le droit de se marier sur le territoire national.
En l’état, je suis incapable de vous donner la proportion de mariages entre un Français et une personne en situation irrégulière.
Mme Mélanie Vogel. Et on légifère quand même ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Nous légiférons précisément pour le savoir, voyez-vous ! Il y a un intérêt ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Vous démontrez une forme de mauvaise foi.
M. Fabien Gay. Vous êtes notre maître en la matière ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Quand un individu se marie avec un Français, il justifie d’une vie privée et familiale en France pouvant lui permettre d’obtenir la régularisation de sa situation. Plus tard, il peut demander la nationalité française, parce que son conjoint et ses enfants sont français. Ce n’est pas automatique, mais le mariage est un accès à la régularisation du séjour et à la nationalité.
Mme Corinne Narassiguin. Vous voulez interdire à un étranger l’exercice de son droit !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ne faites pas semblant de vous intéresser aux chiffres : comme l’a dit à juste titre M. Szpiner, quand bien même il n’existerait qu’un seul cas, il serait tout de même nécessaire de légiférer.
Le maire d’Hautmont a refusé de marier un imam étranger radicalisé, qui faisait l’objet d’une procédure d’expulsion parce que sa mosquée avait été fermée administrativement. Je suis très étonné que des républicains comme vous trouvent cela scandaleux…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Son cas devrait tous nous réunir ! Oui, monsieur le sénateur Gay…
M. Fabien Gay. Je n’ai rien dit ! (Sourires.) C’est une obsession ! Ou un sentiment ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est très important, les sentiments. L’amour est un sentiment à prendre en considération ! (Mêmes mouvements.)
Monsieur le sénateur Gay, au fond, vous savez très bien que ces postures sont l’une des raisons pour lesquelles une grande partie de l’électorat communiste de mon département et de ma région… (Oh ! sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Fabien Gay. Arrêtez-vous là !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … vote pour le Rassemblement national, ce qui explique qu’un homme aussi respectable que Fabien Roussel a pu être battu dès le premier tour dans la circonscription de Saint-Amand-les-Eaux, où je suis né et où mes grands-parents ont voté communiste, parce qu’ils étaient mineurs et se souciaient des conditions de vie du prolétariat.
La défense du prolétariat ne justifie en rien le fait de marier des imams radicalisés dans les mairies de la République !
M. Fabien Gay. Ai-je dit cela ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Prenez-en conscience et vous parlerez peut-être un peu plus aux prolétaires de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Ce sont des vérités alternatives !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, que les groupes socialiste et communiste ne soutiennent pas le maire d’Hautmont, qui a été traîné devant la justice et menacé de mort pour avoir refusé de marier un imam radicalisé, et qu’ils refusent de régler ces problèmes, voilà qui fait monter le Rassemblement national ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Ça, c’est du trumpisme !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Suis-je une sous-sénatrice ? Je n’ai pas le droit de prendre la parole ?
M. le président. La parole est à Mme de La Gontrie et à elle seule ! Veuillez poursuivre, chère collègue.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci, monsieur le président.
Nous voterons bien évidemment ces amendements de suppression. Depuis le début de cette séance, la majorité sénatoriale fait comme si c’était ce texte ou rien, en oubliant qu’il existe déjà de nombreux outils. J’ai entre mes mains une circulaire signée par Michèle Alliot-Marie, qui était membre du parti auquel vous avez appartenu, monsieur Darmanin.
M. Max Brisson et Mme Jacqueline Eustache-Brinio. En quelle année ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous qui pourriez faire l’exégèse du nomadisme politique, vous sauriez vous faire le représentant de divers mouvements sur ces sujets.
Il existe également une circulaire Valls pour indiquer à la fois au procureur de la République et aux maires, via les préfets, la façon d’évaluer, lors des entretiens avec les futurs époux, qui sont désormais obligatoires, les éventuelles fraudes au consentement à un mariage.
Je suis tout de même frappée d’apprendre que, pour le garde des sceaux, il faut légiférer pour savoir ! Nous avions cru comprendre que le Gouvernement ne souhaitait plus réaliser d’études d’impact pour ses projets de loi, mais là, c’est un véritable renversement de logique : nous ne savons pas exactement combien il existe de cas, mais comme nous avons très envie de le savoir, nous allons faire une loi. C’est une conception pour le moins curieuse…
Ensuite, il y a l’évidence et le bon sens, et il y a la constitutionnalité. Monsieur le garde des sceaux, lorsque vous avez défendu la loi Immigration il y a un an et demi, vous vous êtes opposé à la mesure prévue par cette proposition de loi, car elle était inconstitutionnelle.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Curieusement, vous n’avez pas proposé d’aménagement pour trouver un moyen conforme à la Constitution de régler la situation des maires confrontés au problème dont nous débattons, qui sont, si j’ai bien compris, au nombre de deux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ne nous racontons pas d’histoires, vous vous trouvez dans une configuration politique particulière : vous étiez LR, vous êtes devenu macroniste ; ayant compris que le macronisme n’était plus une marque très porteuse, vous vous rapprochez de nouveau des LR. Voilà pourquoi vous décidez de soutenir cette mesure que vous condamniez voilà un an !
Pour notre part, nous souhaitons supprimer cet article unique. (M. Jean-Claude Tissot applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 8 et 9.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 113 |
Contre | 230 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article unique.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 229 |
Contre | 113 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Le Rudulier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi visant à renforcer les prérogatives des officiers d’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Cet amendement vise à tirer les conséquences des changements apportés au présent texte, en modifiant son intitulé. C’est bel et bien aux maires et aux procureurs de la République d’appliquer l’interdiction précédemment votée.
Chers collègues de gauche, vous avez réclamé des chiffres : le rapport en contient un certain nombre. En 2024, plus de 500 personnes ont été mises en cause sur le fondement de l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour des mariages simulés ou arrangés. En 2019, on en comptait même plus de 700. Nous ne parlons pas de cas isolés, comme vous voudriez le faire croire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Stéphane Demilly, pour explication de vote.
M. Stéphane Demilly. Mes chers collègues, je le répète, la proposition de loi sur laquelle vous allez vous prononcer dans un instant est à la fois simple, univoque et laconique.
Le but de ce texte est essentiellement de sécuriser les maires en harmonisant un certain nombre de procédures.
J’ai travaillé avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités, qui soutient notre proposition de loi. Nous sommes ici dans la maison des élus : par respect pour eux, j’espérais que ces dispositions feraient l’objet d’un large consensus.
Je ne sais quelle sera l’issue du vote, mais une chose est sûre : nous avons mis le problème sur la table. Contrairement à ce que certains ont pu déclarer, il s’agit d’un vrai problème.
Naturellement, les élus du groupe Union Centriste voteront ce texte. J’espère que le vote des autres groupes sera, de même, dicté par le bon sens.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ah, le bon sens…
M. Stéphane Demilly. En simplifiant les procédures en question, nous protégerons un peu plus ces fantassins de la République qui œuvrent dans nos mairies ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Que nous ayons été maires ou non, nous avons tous été élus par des maires. Or, au-delà de l’audition des représentants de l’AMF, beaucoup d’entre eux nous contactent pour nous dire à quel point ils sont inquiets du vote de cette proposition de loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est bizarre, ils nous déclarent l’inverse !
Mme Corinne Narassiguin. Chers collègues, si la navette atteint son terme, nous nous empresserons bien sûr de saisir le Conseil constitutionnel : loin de protéger les maires, ce texte les plongerait dans des situations plus difficiles encore que celles que vous déplorez. Il ferait d’eux les otages de polémiques politiques que vous cherchez précisément à encourager. (M. Roger Karoutchi manifeste son impatience.)
Monsieur le garde des sceaux, vous déclariez au début de cette discussion qu’il s’agissait de lutter contre une instrumentalisation du mariage. Mais les seuls à instrumentaliser le mariage, ici, ce sont les partisans de cette proposition de loi.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils procèdent ainsi pour nourrir la haine de l’autre. Il y a douze ans, ils visaient les homosexuels lors de la réforme du mariage pour tous. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Aujourd’hui, ce sont les étrangers.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Encore une fois, vous êtes dans le déni !
Mme Corinne Narassiguin. Il me semble qu’en 2023, monsieur le garde des sceaux, vous avez émis des regrets à ce propos, en reconnaissant que votre opposition au mariage pour tous avait été une erreur. J’espère que vous mettrez moins de temps à comprendre que vous êtes, une fois de plus, du mauvais côté de l’Histoire. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Laurent Somon. De la morale…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Quand on soutient LFI !
M. Roger Karoutchi. Et le Hamas !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, modifiée, dont le Sénat a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi visant à renforcer les prérogatives des officiers d’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 227 |
Contre | 110 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 205, ma collègue Véronique Guillotin souhaitait s’abstenir. En outre, lors du scrutin public n° 206, mon collègue Philippe Grosvalet souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
4
Lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, présentée par MM. Pierre-Antoine Levi, Bernard Fialaire et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 26, texte de la commission n° 336, rapport n° 335).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la proposition de loi.
M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, c’est avec beaucoup de gravité que je m’adresse à vous cette après-midi.
Nous ne sommes pas réunis pour débattre d’un texte ordinaire : ce qui nous rassemble aujourd’hui dépasse le cadre législatif.
Cette proposition de loi vise à lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. En la soumettant à votre vote, nous nous en remettons à votre conscience : nous lançons un appel à défendre l’essence même de notre pacte républicain face à un mal insidieux, qui refait surface là où il aurait dû disparaître à jamais.
L’antisémitisme, ce poison ancien que nous pensions relégué aux heures les plus sombres de notre histoire, s’instille de nouveau, de manière tout à fait inquiétante, au cœur de nos universités.
Ces lieux devraient incarner la raison, le savoir et l’ouverture. Mais, pour certains de nos concitoyens, ils deviennent des espaces de peur, d’exclusion et de haine. C’est ce constat, douloureux et inacceptable, qui nous a conduits à déposer le présent texte.
En prononçant ces mots, je ne puis m’empêcher de penser au Monde d’hier de Stefan Zweig, témoignage bouleversant d’une civilisation qui s’effondre sous le poids de la haine.
Zweig raconte comment l’antisémitisme s’est insinué dans la société viennoise du début du XXe siècle. Avant de gagner progressivement du terrain, ce fléau a d’abord touché les universités : « À l’université, les jeunes gens commencèrent à éviter les étudiants juifs et prirent l’habitude de les regarder avec mépris. » Cette description résonne douloureusement avec notre actualité.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Pierre-Antoine Levi. Stefan Zweig ajoute : « Nous avions cru, dans notre orgueil, que l’époque des persécutions religieuses et des haines raciales était dépassée pour toujours. »
Cette illusion, nous ne pouvons plus nous la permettre aujourd’hui. Ce que nous observons dans nos universités n’est pas seulement la résurgence de propos haineux, mais l’étouffement progressif de nos valeurs humanistes.
La mission d’information que j’ai menée il y a quelques mois avec Bernard Fialaire a mis en lumière une situation alarmante.
Un certain nombre d’étudiants nous ont raconté leur quotidien marqué par la peur. Insultes dans les couloirs, affiches infamantes sur les murs des campus ou encore harcèlement en ligne : nous ne sommes pas face à une simple accumulation d’incidents isolés. C’est une atmosphère empoisonnée qui s’installe. (M. le président de la commission le confirme.) Nous voyons progresser un mal qui gangrène l’espace universitaire.
Des faits que nous pensions être des exceptions deviennent des habitudes, des comportements tolérés et banalisés.
Le présent texte est né de cette urgence, de la nécessité de protéger non seulement les étudiants victimes d’antisémitisme, mais aussi l’idéal même de l’université comme lieu de savoir, de débat et de tolérance.
Depuis les attaques terroristes survenues le 7 octobre 2023 en Israël, notre pays a vu se raviver des tensions que nous espérions contenues. Ce drame a suscité des vagues de réactions légitimes sur les plans politique et humanitaire, mais il a aussi servi de prétexte à une libération de la parole antisémite, notamment dans nos universités.
Selon le rapport de la mission d’information que nous avons conduite, le nombre d’actes antisémites recensés dans les établissements d’enseignement supérieur a doublé depuis cette date. Et le chiffre officiel, bien qu’alarmant en soi, ne représente probablement qu’une fraction de la réalité, tant le phénomène est sous-déclaré par peur de représailles ou par manque de confiance dans les dispositifs existants.
Face à cette situation, nous ne pouvions rester les bras croisés.
Au cours de nos travaux, nous avons rencontré plusieurs présidents d’université. Certains nous ont confié leur désarroi et nombre d’entre eux se sont déclarés démunis pour distinguer entre ce qui relève de la critique politique légitime et ce qui constitue un acte antisémite.
La confusion est d’autant plus grande que l’antisémitisme prend aujourd’hui des formes nouvelles, souvent masquées derrière des revendications idéologiques.
Le cadre législatif actuel ne leur permet pas de répondre à cette complexité. Les dispositifs de signalement sont en effet hétérogènes et souvent inefficaces. Quant aux sanctions, elles sont trop rares : entre octobre 2023 et avril 2024, seules six commissions disciplinaires ont été saisies pour des actes antisémites, alors que soixante-sept incidents avaient été recensés durant la même période.
Le fossé entre les faits commis et les poursuites réellement engagées témoigne d’un grave dysfonctionnement. Une telle situation n’est pas acceptable.
D’autres facteurs encore – nous l’avons constaté – rendent la mesure du phénomène particulièrement difficile : le silence des victimes et des témoins, dont résulte une sous-déclaration commune à l’ensemble des atteintes à caractère raciste, haineux et discriminatoire ; les pratiques hétérogènes des équipes dirigeantes, certaines choisissant d’agir a minima pour se prémunir de toute polémique ; ou encore l’existence d’une zone grise juridique pour le recensement des actes survenant dans des contextes péri-universitaires – je pense, par exemple, aux soirées étudiantes et aux réseaux sociaux.
L’université doit rester un sanctuaire du savoir. Elle ne saurait en aucun cas devenir un terrain de haine. Laisser ces comportements se banaliser, c’est accepter que les valeurs de notre République soient foulées aux pieds.
Les efforts actuels, bien que louables, restent insuffisants faute d’un cadre cohérent et contraignant.
Sans une action législative forte, cette situation intolérable risque de se prolonger, voire de s’aggraver. C’est pourquoi cette proposition de loi est nécessaire.
Il s’agit non seulement d’une réponse à l’urgence, mais aussi d’un signal fort envoyé à tous : la République ne tolérera jamais que ses principes d’égalité, de liberté et de fraternité se trouvent remis en cause, que ce soit dans la rue, dans les institutions ou à l’université.
Elle donnera aux établissements les moyens juridiques et pratiques d’agir efficacement tout en préservant les libertés académiques essentielles à l’accomplissement de leurs missions.
Avec ce texte, nous posons donc les fondations d’une politique pérenne et équilibrée de lutte contre toutes les formes de haine dans l’enseignement supérieur. Nous créons un cadre grâce auquel chaque étudiant, quelles que soient sa foi, ses origines ou ses convictions, pourra étudier librement, sans subir la peur, sans faire l’objet de discrimination.
En pratique, le présent texte donnera aux établissements les moyens d’agir, grâce à un dispositif complet et cohérent.
Nous avons veillé à ce que chaque disposition de cette proposition de loi soit applicable concrètement, en tenant compte des moyens dont disposent les établissements et de leurs contraintes organisationnelles. Nous avons également pris soin de préserver l’autonomie des universités, tout en leur donnant les outils nécessaires pour agir plus efficacement.
Cette approche équilibrée reconnaît la place singulière de la lutte contre l’antisémitisme tout en l’inscrivant dans le combat, plus large, contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Elle permet de mutualiser les moyens et les avancées obtenus dans d’autres champs tout en garantissant la visibilité nécessaire à chacun de ces combats.
Je laisserai à Bernard Fialaire, coauteur et corapporteur du présent texte, le soin de vous détailler ces dispositions.
Mes chers collègues, le combat contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur est un combat pour l’âme même de notre République.
Jamais plus un étudiant ne doit être discriminé, menacé ou agressé en raison de sa foi ou de ses origines. Nous devons le garantir : il y va de notre honneur collectif.
« Ce fut notre faute, à nous autres intellectuels, de ne pas avoir pris assez tôt conscience du danger et de l’avoir sous-estimé », écrivait en son temps Stefan Zweig. Formons le vœu de ne pas commettre la même erreur. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fialaire, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas un texte ordinaire : mon corapporteur, Pierre-Antoine Levi, vient de le souligner avec force, et ce rappel était nécessaire.
D’ailleurs – je vous l’avoue –, je n’aurais pas cru devoir, en 2025, présenter un texte visant à renforcer les outils de la lutte contre l’antisémitisme dans notre pays, qui plus est dans ces lieux de transmission de savoir que sont les universités.
Les travaux que nous conduisons depuis maintenant presque un an nous l’ont toutefois prouvé sans contredit : une intervention du législateur est non seulement nécessaire, mais aussi, et malheureusement, urgente.
Sur ce sujet grave, notre commission a travaillé de manière exemplaire.
Les conclusions alarmantes que nous avons tirées de la mission d’information menée l’an dernier nous ont conduits à formuler onze recommandations, puis à déposer le présent texte, reprenant celles d’entre elles qui relèvent du domaine législatif.
Nous avons ensuite procédé à des auditions de suivi des interlocuteurs rencontrés au printemps dernier. Nous avons ainsi pu mettre à jour notre diagnostic et enrichir cette proposition de loi.
Mon corapporteur a été parfaitement clair et je ne répéterai pas ses propos. Je souligne simplement que notre texte apporte une réponse au phénomène dont notre mission d’information a fait son constat majeur : le développement d’un climat d’antisémitisme dans les établissements considérés.
Cette forme nouvelle de l’expression antisémite passe notamment par des actes du quotidien comme les tags, les mises à l’écart ou la répétition de plaisanteries douteuses. Elle prend également une forme politique, via le thème ambigu de l’antisionisme.
Ce climat d’antisémitisme est très difficile à combattre. Non seulement l’on peine à le repérer, mais, s’il est possible de sanctionner des actes, il est bien plus ardu de combattre une atmosphère.
Face à une telle situation, le cadre législatif et réglementaire laisse les établissements relativement désarmés. Faute de dispositifs unifiés de sensibilisation, de signalement et de prévention, faute également d’un cadre disciplinaire adapté et d’une coopération avec les services judiciaires, la réponse apportée au phénomène se révèle très hétérogène.
Or, malgré le retour au calme que l’on peut observer dans la plupart des établissements, cette atmosphère tend à s’enraciner par le biais d’une certaine banalisation des discours antisémites, qui n’est d’ailleurs pas propre à l’université. (Mme la ministre acquiesce.)
La réponse que nous proposons d’apporter à ces formes nouvelles et diverses de l’expression antisémite est, elle aussi, multiple. Elle repose sur trois piliers : l’éducation, la prévention et la sanction.
Avant d’en venir au détail de ces mesures, j’apporterai quelques précisions quant au champ retenu.
Le présent texte portait initialement sur la lutte contre l’antisémitisme, associé au racisme. Nous l’avons étendu en commission à la lutte contre les discriminations, les violences et la haine. Nous avons retenu cette rédaction au terme d’une réflexion approfondie sur la manière dont le combat contre l’antisémitisme doit s’articuler aux luttes déjà menées contre d’autres formes de violence et de haine.
Nous ne prétendons pas, en effet, remettre en cause ou concurrencer les actions déployées par les établissements, qui concernent souvent le racisme ou les violences sexistes et sexuelles (VSS). Au reste, les dispositions de notre proposition de loi s’inscrivent dans un cadre législatif traitant de la lutte contre les discriminations dans leur ensemble, cadre que nous n’entendons évidemment pas supprimer.
C’est pourquoi, pour tous les articles du présent texte, nous avons retenu une rédaction d’équilibre reconnaissant, dans le combat contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, une place particulière à la lutte contre l’antisémitisme.
L’article 1er crée ainsi une formation obligatoire à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans les établissements du service public d’enseignement, et ce de l’école au supérieur. Ce faisant, l’on disposera d’une chaîne de formation tout au long du parcours éducatif.
Bien entendu, nous n’ignorons pas que les maquettes de formation consacrent déjà divers enseignements à ces thématiques. En inscrivant une telle obligation dans la loi, nous souhaitons assurer leur pérennité.
Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur deux éléments, à nos yeux particulièrement importants, du contenu de ces enseignements : premièrement, la nécessité de s’appuyer sur la définition opérationnelle de l’antisémitisme fixée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) ; et, deuxièmement, l’utilité de faire intervenir des acteurs associatifs spécialisés. Le Sénat s’est d’ailleurs déjà prononcé en ce sens.
Parce que l’éducation et la sensibilisation constituent le premier vecteur du combat contre la haine, la commission a étendu cette obligation de formation aux établissements privés du supérieur. Elle a également institué une obligation de formation pour les acteurs universitaires se trouvant en première ligne de cette lutte, parmi lesquels les élus étudiants, les référents « antisémitisme et racisme » et les membres des sections disciplinaires.
L’article 2 porte sur les dispositifs de lutte et de signalement des établissements. En l’état actuel, la loi n’impose que la création d’une mission « égalité entre les hommes et les femmes ». En pratique, de nombreux établissements se sont dotés de missions « égalité et diversité », dont le périmètre d’action est plus large. En parallèle, ils ont désigné des référents compétents pour la prévention et le traitement des actes antisémites et racistes, ainsi que des VSS.
De l’absence d’obligations unifiées résultent toutefois de grandes disparités entre établissements. Rien ne permet aujourd’hui de garantir que les étudiants juifs en difficulté trouvent un interlocuteur auquel s’adresser. (Mme la ministre le confirme.)
Nous souhaitons donc généraliser les missions « égalité et diversité », en étendant leur champ d’intervention à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine. En outre, nous proposons la désignation systématique, en leur sein, d’un référent dédié à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Les missions « égalité et diversité » auront également l’obligation de déployer un dispositif de signalement garantissant l’anonymat des victimes et des témoins.
Enfin, l’article 3 adapte la procédure disciplinaire à la poursuite des actes de haine, de discrimination et de violence.
Telle qu’elle est définie par le code de l’éducation, ladite procédure est aujourd’hui centrée sur la fraude académique, à laquelle s’ajoute « tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université ». Cette formulation est appréciée de manière diverse par les établissements : dès lors, on ne peut garantir que tous les faits d’antisémitisme fassent l’objet de poursuites.
Nous souhaitons donc ajouter les actes d’antisémitisme et de racisme, ainsi que les faits de violence, de discrimination et d’incitation à la haine aux motifs permettant d’engager une procédure disciplinaire.
La commission a également adopté le principe de l’information des victimes de tels actes.
De plus, nous examinerons dans quelques instants deux amendements dont l’adoption enrichirait considérablement cet article, notamment par la création d’une nouvelle voie disciplinaire.
Bien évidemment, ces différents dispositifs ne produiront leurs effets que si les responsables d’établissement s’en emparent, en s’attachant à les rendre visibles et en leur donnant les moyens de fonctionner. À ce titre, les recommandations que nous avons formulées en juin dernier restent toutes d’actualité. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre appui pour favoriser leur application.
Mes chers collègues, cette proposition de loi résulte du travail considérable et de l’engagement sans faille de notre commission, sur un sujet qui ne devrait plus faire débat en 2025.
Avec le présent texte, fruit de ce travail, je souhaite que nous replacions les principes républicains au cœur du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur. Ces derniers doivent redevenir le lieu du débat, de l’ouverture humaniste et du dépassement des préjugés. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le XXe siècle qui va s’ouvrir ! » Ainsi s’exprimait Émile Zola dans sa Lettre à la jeunesse, écrite en 1897.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’auteur de l’immortel « J’accuse… ! » constatait alors avec amertume que le XXe siècle ne serait pas affranchi de l’antisémitisme, y compris dans les universités.
Malheureusement, l’antisémitisme n’a pas disparu depuis. En 2025, certains étudiants français peuvent craindre de se rendre en cours. Ils peuvent hésiter à aller à l’université, parce qu’ils sont juifs.
Tout acte antisémite est insupportable et doit être condamné. Il est d’autant plus odieux quand il survient à l’université, dont il fracasse toutes les promesses, toutes les valeurs et toutes les assises : le respect de chacun, l’éthique du débat, le refus de l’exclusion et les libertés académiques.
L’université doit rester le lieu du débat, y compris sur les sujets difficiles, par exemple – je ne cite évidemment pas ce sujet au hasard – la situation à Gaza. Mais l’université ne peut tolérer ni l’invective, ni l’essentialisation, ni l’assignation identitaire.
Depuis ma nomination comme ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la jeunesse, j’ai été alerté à ce sujet à de très nombreuses reprises.
Bien sûr, l’université est le lieu d’une lutte informationnelle. Au milieu du tapage ambiant, je souhaite redire mon opposition à toute instrumentalisation de l’université à des fins purement politiques.
Pour ce qui est des actes antisémites, la situation de l’université est malheureusement claire. Au moins cinquante actes proprement antisémites ont été relevés. Il s’agit principalement de tags, mais il s’agit aussi d’insultes et parfois de violences physiques. C’est évidemment trop – beaucoup trop.
Les données dont nous disposons viennent confirmer celles du ministère de l’intérieur, mais je n’ignore pas le problème du sous-signalement. La prévention et l’accompagnement doivent faire l’objet d’un travail dédié, afin que tout acte antisémite soit identifié, signalé et sanctionné.
Dès mon arrivée au ministère, j’ai donc reçu les présidents d’université pour leur faire part de ma détermination à agir contre ce fléau. Je leur ai rappelé ma ligne. Elle est claire : c’est la tolérance zéro face à l’antisémitisme, en dehors de toute polémique.
Dans le même temps, j’ai pris soin d’écouter ces responsables, et leurs retours sont unanimes. Tous constatent l’atmosphère pesante que subissent les étudiants juifs. Ils souhaitent être mieux accompagnés dans le traitement des situations auxquelles ils font face ; ils souhaitent savoir ce qui se passe lorsqu’ils font un signalement et lorsqu’ils portent plainte ; ils souhaitent, enfin, que l’on réfléchisse aux dispositifs disciplinaires en vigueur dans les universités.
En parallèle, j’ai longuement reçu les représentants de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Ils ont évoqué devant moi un « antisémitisme d’atmosphère » pour décrire l’ambiance de certains établissements. J’ai pu mesurer leur attente de réponses claires.
Face à cette situation, j’ai voulu agir vite.
J’ai saisi M. le garde des sceaux, afin que les signalements transmis par les universités au titre de l’article 40 du code de procédure pénale soient mieux pris en compte : une circulaire de politique pénale transmise aux parquets à la fin du mois de janvier dernier traduit cette préoccupation.
Nous travaillons à l’amélioration de la coordination entre universités et services de l’État à l’échelle locale : j’ai saisi le ministre de l’intérieur en ce sens.
En outre, je sais que les présidents d’université, recteurs et directeurs de composantes sont engagés pour agir plus efficacement, car ils sont en première ligne. Pour ma part, je leur ai demandé instamment de jouer tout leur rôle.
Naturellement, la solution passera aussi par la recherche et la formation, cœur d’activité des universités. Dans cet esprit, nous lancerons un programme de recherche spécifique sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.
J’ai aussi l’ambition d’instituer, avec la contribution de toutes les communautés académiques, une formation systématique sur ce sujet.
Enfin, j’ai confirmé la mission confiée par mon prédécesseur au recteur Khaled Bouabdallah et à Pierre-Arnaud Cresson, spécialiste des questions de contrôle interne et de gouvernance, afin d’explorer le sujet disciplinaire.
Tous ces efforts sont nécessaires, mais ils ne seront pas suffisants.
Monsieur le sénateur Bernard Fialaire, monsieur le sénateur Pierre-Antoine Levi, merci du travail que vous avez mené.
Vous avez tout d’abord pris soin d’objectiver la situation, au travers du rapport présenté en juin dernier. C’est un document important, et j’ai pris toute la mesure de ses conclusions. Vous appelez en particulier à améliorer la détection des actes antisémites, à prévenir les dérives, à poursuivre et sanctionner les auteurs des actes incriminés : sur chacun de ces points, vous pouvez compter sur mon ministère pour agir.
Vous avez ensuite rédigé le présent texte, dont je soutiens résolument l’ambition. Il reflète les préoccupations des nombreuses parties prenantes que vous avez pris le temps d’auditionner.
Cette proposition de loi porte ainsi la voix des présidents d’université. Les dispositions de plusieurs amendements vont également dans ce sens : je pense notamment à l’amendement n° 1 rectifié du sénateur Stéphane Piednoir, qui vise à donner aux sections disciplinaires les moyens de remplir sereinement et efficacement leur mission.
Je serai particulièrement attentif à ce que les dispositions proposées entraînent un véritable changement sur le terrain, et j’espère que le Sénat soutiendra l’ensemble de ces mesures. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. « Dire que je suis juif est devenu un risque. Ma judaïté est prétexte à des moqueries permanentes. Je suis devenu une cible. »
« En l’espace de deux jours, j’ai reçu une centaine de messages d’insultes, de menaces. »
« C’est très fort de se faire traiter de génocidaire quand on vient de fêter ses vingt ans. »
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ces mots insupportables, nous les avons entendus lors des Assises de lutte contre l’antisémitisme, que j’ai relancées la semaine dernière en présence d’Élisabeth Borne – vous y avez d’ailleurs pris part, monsieur le rapporteur.
Des lycéens et des étudiants ont décrit le climat pesant qui, malgré l’engagement des professionnels de l’éducation nationale, malgré les efforts de la communauté universitaire, s’installe dans nos établissements scolaires comme dans l’enseignement supérieur. Une minorité d’agitateurs de haine parvient à y rendre l’atmosphère irrespirable.
Ils nous ont raconté comment, dans leurs lycées, sur leurs campus, des insultes deviennent des habitudes, des blagues deviennent des agressions, des remarques du harcèlement et des silences des complicités.
Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël, au cours desquelles quarante-deux de nos compatriotes ont perdu la vie, assassinés parce qu’ils étaient juifs, nous avons eu à affronter un regain massif d’actes antisémites.
Bien plus qu’une convulsion, nous sommes menacés par un « réenracinement ». Car l’histoire de l’antisémitisme est d’abord celle d’une obsession qui traverse le temps, les régimes et les frontières. L’antisémitisme épouse les angoisses propres à chaque époque, les fractures spécifiques à chaque société, et c’est ainsi qu’il se perpétue. Il mue, mute et se renouvelle.
Aujourd’hui, on nous dit qu’il serait possible de haïr Israël sans haïr les juifs. Mais que voit-on en réalité ? On constate une obsession maladive contre l’existence même d’un État, à mille lieues de la critique légitime de la politique d’un gouvernement. Y a-t-il un autre pays dans le monde, un seul, qui fasse l’objet d’une pareille obsession ? Non, il s’agit seulement et toujours d’Israël.
L’antisionisme et la haine décomplexée d’Israël sont devenus les masques modernes de la haine anti-juive. S’ils s’expriment aujourd’hui encore, alors même que nous assistons à l’écœurante propagande du Hamas sur le rapatriement des corps des deux plus jeunes otages au monde, avec la dépouille de leur mère. Jamais nous ne pardonnerons à ceux qui ont justifié, qui ont excusé, qui ont osé parler de résistance ou qui ont préféré arracher les affiches sur lesquelles se trouvaient ces visages innocents.
Dans ce contexte, nos universités n’ont pas été épargnées par cette vague de haine. Nous faisons face à une difficulté majeure : il n’existe pas encore de système efficace de remontée des signalements, rendant impossible un recensement précis et fiable des actes antisémites.
Je sais que vous avez fait, messieurs les rapporteurs, de l’identification des actes antisémites une priorité : vous avez raison. Nous le savons, les chiffres existants ne sont qu’une fraction de la réalité de ce que vivent les étudiants.
Au-delà des chiffres, au-delà des actes, il y a aussi un antisémitisme plus insidieux, impossible à quantifier, alimenté par l’extrême gauche et l’islam radical, un antisémitisme d’atmosphère.
Celui qui pousse des étudiants juifs à cacher leur identité et leur culture, à retirer leur étoile de David, à éviter certains sujets de conversation de peur d’être immédiatement suspectés.
Celui qui crée un climat où l’on comprend, sans qu’on ait besoin de le dire, qu’il vaut mieux se taire, qu’il vaut mieux disparaître.
Face à l’antisémitisme, il n’y a pas de « oui, mais ». Il n’y a ni compromis acceptable ni ambiguïté possible. Antijudaïsme, antisémitisme, antisionisme : face à toutes les formes de haine anti-juive, il n’y a pas d’indifférence possible. La réponse de la République est un refus en bloc, total et absolu.
C’est tout le sens de l’engagement du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement. C’est tout le sens des Assises de lutte contre l’antisémitisme que nous avons relancées. C’est tout le sens du mandat que j’ai confié aux deux groupes de travail.
Le premier, composé de magistrats, d’avocats et d’universitaires, se penchera sur la question de la définition de l’antisémitisme dans ses formes contemporaines et sera chargé de proposer des évolutions de notre arsenal juridique et législatif pour garantir une sanction plus efficace : à chaque acte, l’État doit répondre ; à chaque insulte, à chaque attaque, l’État doit sanctionner.
Le second, consacré à l’éducation et composé d’enseignants, de recteurs et présidents d’universités et de la direction générale de l’enseignement scolaire, aura pour mission d’identifier les leviers pédagogiques et les actions de responsabilisation indispensables pour éduquer nos enfants, adolescents et jeunes adultes, sensibiliser leurs parents et enseignants, à l’école comme dans l’enseignement supérieur.
Ils auront deux mois pour formuler des propositions opérationnelles. La présente proposition de loi pourrait nous offrir le support adéquat pour les y insérer au cours de la navette. C’est pourquoi le Gouvernement y est évidemment très favorable.
Je connais l’engagement sincère et de longue date contre toutes les formes de haine anti-juive des deux corapporteurs, qui ont aussi été à l’origine d’un rapport remarquable sur la diffusion de l’antisémitisme à l’université depuis les attaques du 7 octobre 2023. Je les en remercie.
Cette proposition de loi et les amendements adoptés en commission visent à apporter des réponses claires et concrètes en matière de formation et de sensibilisation, de prévention et de signalement, de procédure disciplinaire et de sanction.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes à un moment de vérité pour nos universités, mais surtout pour notre démocratie. Nous ne pouvons pas fermer les yeux, laisser prospérer la haine et trahir nos principes fondamentaux. Au contraire, nous devons dire avec force que la République ne cédera pas. Cette proposition de loi marque une nouvelle étape dans notre combat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’antisémitisme n’est pas un racisme comme les autres, il sévit depuis plus de deux mille ans.
Pour le combattre, il faut tenter d’expliquer cette pérennité funeste qui lie dans le temps des événements comme la destruction du temple juif d’Éléphantine en Égypte en 410 avant notre ère, l’anathème lancé par l’apologiste chrétien Justin de Naplouse au IIe siècle contre le « peuple déicide », l’antisémitisme racial d’Édouard Drumont et de Maurice Barrès, et le crime absolu de la Shoah.
Dans son ouvrage, David Nirenberg montre qu’il est un « pilier de la pensée occidentale », parce qu’il a donné de tout temps « un cadre théorique puissant permettant de donner un sens au monde ».
Combattre l’antisémitisme exige de considérer avec lucidité et honnêteté l’histoire de notre pays et de ses supposées racines judéo-chrétiennes. Louis IX, canonisé sous le nom de Saint Louis de France, et dont la statue orne notre hémicycle, organisa en 1240 une controverse publique au sujet du Talmud. Deux ans plus tard, le Talmud fut déclaré « livre infâme » et un autodafé de vingt-quatre charrois de Talmuds fut organisé place de Grève. En 1269, le même roi imposa à tous les hommes juifs de son royaume de porter une rouelle jaune sur leurs vêtements.
Napoléon Bonaparte, dont le buste décore notre hémicycle, prit trois décrets pour soumettre le culte juif à sa loi. Il précisait ainsi son intention : « je souhaite arracher plusieurs départements à l’opprobre de se trouver vassaux des Juifs », ma volonté est « d’atténuer, sinon de guérir la tendance du peuple juif à un si grand nombre de pratiques contraire à la civilisation et au bon ordre de la société dans tous les pays du monde ».
L’antisémitisme n’est pas un racisme comme les autres, parce que, comme le démontre François Rachline, « le racisme est un rejet de l’autre, l’antisémitisme le refus d’une éthique ». Ses résurgences sont les symptômes d’une crise profonde qui ébranle nos conceptions humanistes et universalistes et affaiblit le projet républicain.
L’idéal d’une République formée de citoyennes et de citoyens égaux par leurs droits est déconsidéré par des revendications qui réduisent l’individu à ses origines supposées, revendiquées ou subies.
La lutte contre les discriminations est conduite non plus au nom de l’égalité, mais par l’affirmation victimaire des identités particulières. Ainsi que le souligne François Rachline, « sous prétexte de révolutionner les relations au sein d’un pays, cette posture idéologique aboutit à une sorte de vitrification de la société ».
Comme par le passé, l’université est traversée par ces conflits idéologiques. Ils sont aujourd’hui exacerbés par les drames internationaux, en l’occurrence par le pogrom du 7 octobre et la guerre de Gaza.
L’université aurait dû être le lieu de la confrontation rationnelle et apaisée des opinions ; elle a été le théâtre d’anathèmes violents, d’exclusions politiques et d’ostracismes idéologiques dont les étudiants juifs ont été les premières victimes.
L’augmentation avérée et sans précédent des expressions antisémites sur les campus est accablante, douloureuse et irrémissible. J’ai honte d’avoir appris que neuf étudiants juifs sur dix se sentent menacés par un antisémitisme manifeste ou latent, qui tend à les exclure de l’université.
Certes, cette proposition de loi ne changera pas les mentalités. Au-delà de ses ajouts législatifs utiles, elle vise à réaffirmer notre soutien à tous les étudiants juifs qui se sentent menacés. Chers frères et sœurs en humanité, la République ne vous oublie pas ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis quelques années, notre pays fait face à une montée des paroles et des actes racistes et antisémites. C’est un climat de haine et de rejet qui affecte directement notre vivre ensemble.
Entre octobre 2023 et mars 2024, France Universités a recensé soixante-sept actes antisémites, soit deux fois plus que durant l’année universitaire 2022-2023.
Par ailleurs, les échanges avec les étudiants juifs montrent que la libération de la parole est difficile sur le sujet.
Manifestations d’hostilité matérielles, tags, messages insultants sur des conversations en ligne, exclusions de groupes de sociabilité : le climat d’antisémitisme se présente sous diverses formes, qui s’avèrent particulièrement complexes à quantifier.
Face à ces actes et au sentiment d’impuissance, face à des recours disciplinaires longs et laborieux, de nombreux étudiants juifs renoncent à dénoncer ces comportements ou à étudier dans certaines universités.
L’enseignement supérieur n’est pas extérieur à la société. De fait, les universités ne sont pas épargnées par cette résurgence des violences racistes et antisémites, qui doit nous alerter toutes et tous. L’université, lieu d’apprentissage et d’ouverture, ne saurait devenir un espace de peur et d’exclusion.
Dans le contexte tendu des attaques du Hamas du 7 octobre 2023, des otages israéliens encore retenus par ce groupe terroriste, des crimes contre l’humanité commis à Gaza, prenons garde à ne pas tomber dans les amalgames.
Les mots ont un sens et, comme le disait Camus, « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde. Ne pas les nommer, c’est nier notre humanité. »
Les juifs de France ne doivent pas être assimilés à la guerre et aux crimes du gouvernement israélien. Relativiser les crimes commis envers des juifs et des Israéliens, c’est ne pas reconnaître aux juifs le statut de victimes.
Se battre pour un État palestinien, en reconnaissant le droit à la sécurité et à la souveraineté d’Israël dans le cadre des résolutions adoptées par l’ONU, ce n’est pas être antisémite. Lutter contre ces amalgames, c’est lutter contre la montée de l’antisémitisme et du racisme.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi qui visent à renforcer les outils de prévention, de détection et de sanction des actes antisémites et racistes dans l’enseignement supérieur.
Nous nous satisfaisons de la suppression, en commission, de la mesure visant à conférer aux présidentes et présidents d’université un droit d’accès aux messageries privées, lequel doit demeurer une prérogative de l’enquête judiciaire.
Toutefois, nous restons attentifs à ce que le texte combatte bien l’ensemble des formes d’antisémitisme, de racisme et de discrimination, qui doivent être abordées non pas de manière séparée, mais de façon conjointe pour pouvoir les affronter efficacement. Dans un objectif de clarté, de transparence et de cohérence avec le contenu du dispositif, nous souhaitons modifier l’intitulé de la proposition en y ajoutant la référence au racisme, qui est bien présente dans le reste du texte.
Nous pensons également que la présente proposition de loi ne couvre pas suffisamment la problématique de l’accès aux droits des étudiantes et des étudiants. En ce sens, nous défendrons un amendement tendant à prévoir que les établissements assurent aux étudiants, aux enseignants et aux membres du personnel une information sur l’existence des dispositifs de lutte contre l’antisémitisme, consolidés par la présente proposition de loi.
Enfin, je remercie les rapporteurs de leur travail et de leur écoute sur ce texte. Les auditions ont été nombreuses et les débats sereins. Continuons sur cette lancée dans l’hémicycle en n’obstruant pas ce débat par des sous-entendus ou des discours hostiles envers le monde universitaire, ses directions et son personnel, voire directement à l’encontre des étudiants engagés sur les campus. Je ne reviendrai pas ici sur le triste spectacle que notre commission a offert au cours de l’audition des responsables d’universités dans le cadre des travaux de la mission d’information.
Le Sénat doit rappeler son attachement à la liberté académique des universités et à l’article L. 811-1 du code de l’éducation, aux termes duquel les étudiantes et étudiants « disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels ».
Vous l’aurez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons jusqu’à seize heures cinq pour terminer l’examen de ce texte.
Si nous voulons tenir nos objectifs et adopter cette proposition de loi, je vous invite dès à présent à faire preuve de concision.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, il y a une semaine, jour pour jour, le 13 février dernier, j’assistais à Sainte-Geneviève-des-Bois, aux côtés de son maire, Frédéric Petitta, de Mme la préfète, de députés et d’élus locaux de l’Essonne, au triste dix-neuvième anniversaire de la mort d’Ilan Halimi. Voilà dix-neuf ans, le « gang des barbares », comme il se dénommait lui-même, torturait et tuait Ilan, uniquement parce qu’il était juif.
Dix-neuf ans, cela peut paraître loin de nous ; pourtant, dix-neuf ans après ces événements tragiques, on constate, hélas ! que l’antisémitisme ne reste jamais très loin de nous.
Les attentats terroristes du Hamas du 7 octobre 2023 ont ainsi démontré à quel point l’antisémitisme reste tapi dans l’ombre. Il resurgit mécaniquement, nourri des ressorts de la haine, de la jalousie, de la bêtise humaine et de l’ignorance.
Plus grave encore, il est alimenté par certains, qui occupent pourtant des fonctions publiques de premier plan, uniquement à des fins partisanes et électoralistes. C’est une plaie insupportable et un risque majeur pour notre République. Comme le notait à juste titre Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »
Au cours de la cérémonie de commémoration de Sainte-Geneviève-des-Bois, les lauréats du jury Halimi, présents aux côtés de la présidente Émilie Frèche, démontrèrent tout l’intérêt et la force du travail collectif mené sur la question de l’antisémitisme au travers du prisme de l’histoire de ce drame mortel ou encore de la Shoah.
Que ces élèves soient en classe de troisième, de terminale en lycée technologique ou encore issus du milieu universitaire, leur travail, leur réflexion, quelle que soit leur histoire, leur statut social, leur religion, leur ont permis collectivement, au cours de leurs échanges, de dépasser leurs préjugés et les vérités imposées, notamment sur les réseaux sociaux.
Une élève de la classe de troisième, lauréate, concluait par la phrase suivante : « Si nos idées, nos religions peuvent nous éloigner les uns des autres, le savoir doit nous réunir ! »
S’il y a un endroit, monsieur le ministre, vous le savez bien, qui incarne la transmission des connaissances, la réflexion et le savoir, c’est bien le monde de l’enseignement supérieur, en particulier les universités. Il a donc été particulièrement choquant de constater l’explosion des actes d’antisémitisme au sein de l’enseignement supérieur ces derniers mois.
Le hasard du calendrier permet aujourd’hui l’examen de cette proposition de loi, une semaine après la tenue des Assises de lutte contre l’antisémitisme, que vous avez relancées, madame la ministre, en présence d’Élisabeth Borne. L’inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour arrive donc fort à propos.
Je tiens d’ailleurs, au nom de mon groupe et à titre personnel, à remercier les deux rapporteurs qui ont, dans la foulée de leur mission flash, travaillé sur cette proposition de loi. Ils l’ont fait en auditionnant toutes celles et tous ceux qui avaient été entendus au cours de ladite mission. Ils ont pris le temps nécessaire pour que les débats et les échanges puissent être libres et non faussés, en annonçant au préalable que le texte discuté serait amendable, si nécessaire.
Conformément à leurs engagements, ce texte fut bien amendé, en tenant compte des différentes contributions ou remarques qui ont été formulées. Merci, une fois encore, pour cette démarche exemplaire, menée en toute transparence et sans tabous.
Cette atmosphère constructive et objective a permis notamment de retisser un lien de confiance avec des chefs d’établissement universitaire qui, malgré leur engagement quotidien, avaient le sentiment d’avoir été injustement accusés, a minima de passivité.
Le texte, réduit volontairement à trois articles, s’appuie en toile de fond sur les onze recommandations adoptées à l’unanimité en conclusion de la mission flash. Il vise à mettre à disposition des chefs d’établissement un arsenal législatif comprenant la formation à la lutte contre l’antisémitisme – article 1er –, la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites – article 2 – et les procédures disciplinaires – article 3.
Lors des auditions, les chefs d’établissement d’enseignement supérieur ont confirmé l’intérêt d’un tel texte, même s’il ne saurait constituer en soi une solution exclusive.
Cette proposition de loi conforte les actions menées dans de nombreux établissements depuis le début de l’année 2024 et accompagne les actions impulsées par les ministres successifs, de Sylvie Retailleau à vous-même, monsieur le ministre, avec comme seul mot d’ordre : tolérance zéro pour les faits d’antisémitisme, comme vous l’avez rappelé ce matin, sur l’antenne de Radio J.
Je pense notamment à l’application Dialogue, mise en place par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour laquelle l’université Paris-Saclay était pilote en 2024. Nous aimerions, monsieur le ministre, avoir des informations quant à sa pérennité et à son déploiement.
Je formulerai un seul bémol : nous regrettons que les amendements visant à étendre la sensibilisation et la formation à l’ensemble du personnel aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, sous le seul angle des considérations financières.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin. On ne peut partager la conviction que la formation est la pierre angulaire de la lutte contre l’antisémitisme et ne pas se donner les moyens de la mettre en œuvre. Nous souhaitions vous alerter, madame la ministre, monsieur le ministre, car nous espérons que ces propositions pourront être reprises par le Gouvernement dans la suite de la navette.
Malgré cette réserve majeure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que je représente, votera cette proposition de loi et espère que le Sénat s’honorera de l’adopter à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.
M. Aymeric Durox. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, c’est avec les yeux grands ouverts sur la triste réalité de l’antisémitisme qui gangrène nombre de nos universités, et avec l’esprit de responsabilité qui nous anime tous, que nous entamons ce débat.
Celui-ci est tout d’abord attendu par les étudiants de confession juive. Selon une enquête Ifop de septembre 2023, 91 % d’entre eux ont déjà eu à subir un acte d’antisémitisme dans leur faculté.
Le rapport élaboré par nos collègues illustre bien cette triste vérité en montrant que les actes et propos antisémites recensés par France Universités ont doublé depuis le 7 octobre 2023.
Bousculades répétées dans les couloirs, changements de place dans les amphithéâtres et salles de cours, blagues antisémites, intimidations et même parfois violences physiques : nous ne sommes clairement plus dans le sentiment, l’anecdotique ou le résiduel, mais bien dans une nécessité urgente d’agir.
Le travail préparatoire à ce texte a mis en lumière de nombreux points inquiétants, voire alarmants : les présidents d’université disent qu’il est « difficile de distinguer pour eux entre la critique politique légitime du gouvernement israélien et des déclarations antisémites » ; la mission flash conclut que « nombre d’étudiants n’ont pas intégré les principes de l’enseignement moral et civique du primaire et du secondaire à leur entrée dans le supérieur » ; l’extrême gauche, pour des raisons bassement électoralistes, organise des mobilisations et des blocages et essentialise le débat, ce qui contribue à renforcer l’amalgame entre la politique de l’État d’Israël et nos compatriotes juifs.
Plus ignominieux encore : les affiches réclamant la libération des otages, notamment des femmes et des enfants, ont été éhontément arrachées de la plupart des facultés. J’espère que les auteurs de ces actes ont ressenti un peu de honte et de dégoût pour eux-mêmes en apprenant cette semaine que Kfir Bibas, 9 mois, son frère Ariel, 4 ans, et leur mère sont morts, assassinés par le Hamas.
Face à tout cela, il est de notre responsabilité d’imposer les lois de la République à l’ensemble de notre enseignement supérieur pour protéger nos étudiants et leur permettre d’étudier sereinement.
L’autonomie des universités, ce n’est pas le séparatisme. La liberté d’expression et d’opinion ne rime pas avec le racisme et l’antisémitisme.
La mission de nos universités est de sévir quand cela est nécessaire. Notre mission est de délivrer les outils législatifs pour nous permettre d’atteindre ces objectifs.
C’est ce à quoi cette proposition de loi vise à répondre en déployant un certain nombre de mesures, sur lesquelles je ne reviendrai pas, par souci de concision.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, s’il est bien regrettable d’avoir encore besoin de légiférer sur l’antisémitisme dans notre pays en 2025, force est de reconnaître que c’est absolument nécessaire face aux relents les plus ignobles. C’est la raison pour laquelle les sénateurs du Rassemblement national voteront ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est important.
Depuis plus d’un an, c’est-à-dire depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, notre pays connaît une nouvelle vague d’actes antisémites, particulièrement visibles dans l’enseignement supérieur.
La proposition de loi de nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire découle, comme vous le savez, du travail sénatorial réalisé l’année dernière sous leur égide.
La mission d’information a permis de mettre des mots, à défaut de chiffres, sur la montée de l’antisémitisme dans les universités. Elle nous a conduits à réaffirmer l’urgence de les doter de moyens nouveaux pour leur permettre de lutter plus efficacement contre ce fléau.
Il nous faut prendre collectivement conscience de la gravité de la situation : en 2024, le ministère de l’intérieur comptabilisait 1 570 plaintes pour des actes antisémites, contre 436 en 2022.
Nous le savons, ces chiffres sont très probablement sous-estimés : les actes antisémites sont peu déclarés et les dispositifs de signalement ne sont pas assez performants. J’en veux pour preuve le fait que neuf étudiants juifs sur dix se déclarent victimes d’actes antisémites. Nous devons écouter ce qu’ils nous disent.
Il était nécessaire d’avancer sur cette question. Nos étudiants doivent pouvoir se sentir en sécurité à l’université. Cette proposition de loi vise à donner aux établissements d’enseignement supérieur de nouveaux outils pour les protéger, sans toutefois porter atteinte à l’indépendance des établissements. Ce texte constitue en ce sens une avancée salutaire.
En tant qu’éducatrice, je me félicite de la mise en place, à l’article 1er, d’une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme dans les établissements scolaires et d’enseignement supérieur. À ce titre, la formation des enseignants et des personnels d’éducation apparaît indispensable. Ils ont longtemps été trop peu accompagnés, alors même qu’ils sont en première ligne.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants soutient également le choix fait à l’article 2 de confier aux présidents d’université, sur la proposition du conseil d’administration et du conseil académique, l’installation d’une mission « égalité et diversité », chargée de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Voilà qui permettra de clarifier les obligations et de renforcer l’action des établissements en la matière, sans écraser les mesures déjà mises en place. Je pense, en particulier, aux violences sexuelles et sexistes.
La systématisation du signalement des actes antisémites par les présidents des établissements et leurs personnels devrait, en outre, pallier la difficile identification des actes antisémites ainsi que des victimes, qui, trop souvent, n’ont d’autre option que de se taire.
Le dernier article vise à étendre les compétences des instances disciplinaires. La rédaction initiale, qui prévoyait de renforcer les pouvoirs d’investigation des présidents d’université avait, à juste titre, soulevé des interrogations sur sa conformité au principe de protection des données personnelles. Nous nous réjouissons que la commission ait souhaité écarter ce risque avant l’examen du texte en séance.
Pour conclure, je tiens de nouveau à remercier les auteurs de ce texte important. Le groupe RDPI votera bien évidemment cette proposition de loi, afin de protéger davantage nos étudiants, de garantir que l’enseignement supérieur soit bien un lieu d’ouverture, de débats et de lumières et de s’assurer que chaque étudiant puisse apprendre et grandir intellectuellement dans un espace sûr. Ne baissons pas les bras face à l’obscurantisme ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, au XIXe siècle, la France fut érigée en modèle pour les juifs d’Europe centrale et orientale, comme en témoignait l’expression yiddish : « heureux comme un juif en France ».
Il est vrai que la France fut pionnière en Europe en matière d’émancipation des juifs vivant sur son territoire, lesquels avaient, depuis le Moyen-Âge, déjà tant apporté à l’édifice du génie français.
C’est dans cette longue histoire que s’inscrit, depuis le XVIIIe siècle, le lien particulier qui s’est noué entre France, République et judaïsme français, qui se sont nourris et enrichis l’un et l’autre.
Aujourd’hui, cette exception française est malmenée au nom d’un relativisme venu d’outre-Atlantique, qui ne cesse de remettre en cause notre universalisme républicain.
Elle est malmenée au nom de motivations et de ressorts nouveaux, qui ont, sinon supplanté, du moins dépassé un antisémitisme ancien, structurel et plongeant ses racines dans la longue histoire de notre pays.
Sur ce point, ce n’est pas l’audition, en avril dernier, de Guillaume Gellé, président de France Universités, et d’Isabelle de Mecquenem, membre du Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République, qui risquait de nous rassurer, tant elle a donné l’impression d’un déni absolu de ces nouvelles natures de l’antisémitisme. Je sais que le dialogue avec France Universités a été renoué depuis, et je m’en réjouis.
Oui, mes chers collègues, il y a une spécificité intrinsèque à l’antisémitisme. Et si rencontrer l’antisémitisme n’est pas nouveau dans notre vieux pays, nous devons mettre des mots sur les actes. Aujourd’hui, il existe un lien entre wokisme, islamisme et antisémitisme, qui ne trouve pas ses racines dans les profondeurs des temps. C’est une nouveauté à laquelle notre République doit faire face.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes ; ils font froid dans le dos : 91 % des étudiants juifs se disent victimes d’actes antisémites, craignent d’aller à l’université, sont constamment sur le qui-vive et vont parfois jusqu’à s’interroger sur leur place dans la Nation.
Il est temps de réagir fermement pour enrayer cet insupportable engrenage auquel concourent malheureusement des forces politiques qui se sont affranchies de toute décence, qui foulent aux pieds chaque jour les principes républicains et qui font régner la terreur sur certains campus. C’est cet engrenage-là qu’il nous faut arrêter !
Voilà ce qui doit nous animer à l’occasion de l’examen de cette utile proposition de loi, dont je tiens à saluer les auteurs. Cher Pierre-Antoine Levi, cher Bernard Fialaire, comme vous, je suis convaincu qu’il est indispensable de détecter systématiquement les actes antisémites. Tel n’est pas le cas aujourd’hui.
Comme vous, j’ai été interpellé par l’impuissance des autorités universitaires : c’est insupportable.
Comme vous, j’ai ressenti la paralysie de la discipline universitaire, renvoyant trop souvent vers les instances judiciaires sans aucune sanction disciplinaire interne : c’est inacceptable.
Comme vous, j’ai trop souvent entendu ce discours dominant, qui ne cesse de prôner la culture de l’excuse permanente. S’il est déjà difficile de le supporter sur les sujets quotidiens, cela devient indécent dès lors qu’il est question d’antisémitisme.
Nous avons une Constitution et des lois. Elles sont faites pour être appliquées et non pour être sans cesse remises en cause au nom d’un relativisme ambiant et d’une repentance forcée.
Je rejoins donc la proposition incitant à poursuivre et à sanctionner systématiquement les auteurs d’actes antisémites.
J’approuve le renforcement des relations entre établissements et parquets. Cependant, je souhaite que ces mesures aillent de pair avec l’adaptation de la procédure disciplinaire pour rendre aux établissements le pouvoir de la sanction et leur redonner une autorité effective.
Je salue à ce titre l’amendement du Gouvernement, qui tend à proposer une nouvelle définition des motifs pouvant justifier des poursuites disciplinaires devant les sections compétentes.
Je salue aussi l’amendement de notre collègue Stéphane Piednoir, qui vise à créer une section disciplinaire commune aux établissements d’une région académique. J’y vois la garantie d’un examen serein des dossiers les plus sensibles.
Cette proposition de loi ne peut être que la première pierre d’une action plus globale et forte, pour la mise en œuvre de laquelle nous avons besoin de vous, monsieur le ministre. Sachez que, pour la construire, vous nous trouverez toujours à vos côtés. Nous serons vos premiers soutiens et les premiers fers de lance pour mener à bien la lutte implacable contre l’antisémitisme, qui n’est autre que le pire des cancers pour notre République. Et pour elle, nous le vaincrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, quatre-vingts ans après la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, où près de 1 million de juifs ont été exterminés, nous allons débattre, dans cet hémicycle, d’un texte inscrivant la lutte contre l’antisémitisme parmi les priorités de notre nation.
Comment en sommes-nous arrivés à devoir lutter, en 2025, contre les résurgences d’un passé qui fait honte à l’humanité ?
Je garde en mémoire cette phrase prononcée par Winston Churchill à la BBC, en août 1941, lorsqu’il apprit les premiers crimes perpétrés contre les juifs par les unités mobiles d’extermination allemandes en territoire soviétique : « Nous sommes en présence d’un crime sans nom. »
Cette tragédie s’est malheureusement reproduite le 7 octobre 2023, quand un mouvement islamiste, le Hamas, a perpétré en Israël un pogrom épouvantable, considéré comme la pire agression à l’encontre du peuple juif depuis la Seconde Guerre mondiale. J’ai une pensée émue pour les otages juifs encore retenus à Gaza et pour ceux qui n’en sont pas revenus vivants. C’est avec beaucoup d’émotion que je rends hommage à la famille Bibas.
La décision de l’État hébreu de traquer cette organisation terroriste sur le territoire des Gazaouis, qui ont été, bien malgré eux, transformés en boucliers humains, n’a pas tardé à déchaîner les plus vils instincts chez nous. Des cités communautarisées aux amphithéâtres de nos universités chauffés à blanc par des étudiants fanatisés d’extrême gauche, le diable a resurgi.
Nous avons tous ici en mémoire les images de l’occupation de Sciences Po, au printemps dernier, par des militants se prétendant antisionistes. La présence régulière sur place de députés de La France insoumise (LFI) démontrait bien l’instrumentalisation des événements par ce parti qui en a fait son fonds de commerce.
Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que l’antisionisme de la gauche radicale n’était qu’une façade masquant une réalité qui lui est consubstantielle.
Depuis le massacre perpétré le 7 octobre 2023, notre pays fait face à une véritable explosion de l’antisémitisme, en particulier dans l’enseignement supérieur.
Agressions physiques, harcèlement, messages insultants sur les réseaux sociaux, refus d’accueillir des étudiants juifs dans des groupes de travail ou de les côtoyer dans les amphithéâtres, bousculades dans les couloirs… La réalité est glaçante. Neuf étudiants de confession juive sur dix ont déjà été confrontés à un acte antisémite.
Quand l’idéologie l’emporte sur le débat d’idées et que l’extrême gauche étudiante impose une forme de terreur physique et psychologique dans l’enceinte des universités, sous couvert de combat en faveur de la Palestine – territoire qu’une députée LFI a été incapable de situer sur une carte ! –, il est plus que nécessaire d’agir.
Dans ce contexte délétère, notre commission a décidé de créer une mission d’information chargée d’identifier les moyens d’endiguer la diffusion de l’antisémitisme à l’université. J’ai un souvenir ému des témoignages que nous ont rapportés les représentants de la communauté juive à l’occasion d’une table ronde sur cette haine quotidienne dans nos prétendus hauts lieux de la connaissance.
Nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, rapporteurs de la mission d’information, sont à l’origine de la présente proposition de loi. Je tiens à saluer leur remarquable travail d’analyse et la qualité des mesures législatives qu’ils préconisent. Celles-ci visent à mieux détecter et signaler les actes antisémites, aujourd’hui largement sous-évalués. Elles doivent également avoir pour effet de mobiliser les équipes dirigeantes, de mieux définir les obligations incombant aux établissements et de sécuriser juridiquement les procédures disciplinaires.
À mes yeux, il est très important d’agir dès l’école primaire, qui a la responsabilité particulière de former les jeunes, de déconstruire les préjugés et les stéréotypes et de rappeler la nécessité de respecter les valeurs républicaines.
Les enseignements sur la laïcité et les faits religieux sont des enjeux primordiaux. Or nous savons que, depuis quelques années, ces savoirs ne sont plus transmis dans des conditions sereines.
Les assassinats des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard sont malheureusement la preuve qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir en matière de vivre ensemble et de respect de la diversité des opinions et des racines religieuses. Méconnaître l’autre engendre la violence.
L’ambition de cette proposition de loi est de sensibiliser les jeunes à la lutte contre l’antisémitisme tout au long de leur parcours éducatif.
Notre commission a très légitimement étendu cette obligation de formation à tous les publics adultes œuvrant dans la sphère universitaire, notamment les élus étudiants, les référents « racisme et antisémitisme », les personnes assurant le recueil des signalements et les membres des sections disciplinaires des usagers et des enseignants-chercheurs.
Par ailleurs, la généralisation à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur de missions « égalité et diversité », dotées d’un référent dédié, donnera une assise solide aux actions de prévention et de signalement.
L’anonymat des victimes et des témoins sera assuré, ce qui permettra de rendre le dispositif pleinement opérationnel.
Enfin, la procédure disciplinaire sera rénovée afin d’inclure les actes antisémites parmi les motifs susceptibles de déclencher une réponse circonstanciée des instances universitaires.
Face au déferlement de haine dans nos universités, le temps est à l’action. Dès lors, l’ensemble du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra ce texte avec conviction.
Pour autant, nous veillerons à ce que les mesures de cette proposition de loi soient pleinement et efficacement appliquées, car, ne nous méprenons pas, de nombreux dispositifs existent déjà dans la loi française et le principal enjeu reste, encore et toujours, leur mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, il est consternant et inquiétant qu’en 2025 notre assemblée doive encore légiférer pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme.
Nos parents et grands-parents ont combattu ces idéologies mortifères, nos institutions ont été bâties sur le rejet de toute forme de discrimination, notre République s’est construite sur les valeurs d’égalité et de fraternité. Et pourtant, malgré des plans successifs et la mobilisation constante des pouvoirs publics et de nombre d’acteurs, ces fléaux persistent.
Alors que nous disposons d’un arsenal juridique qui devrait nous prémunir contre de telles dérives, la haine trouve encore des espaces pour s’exprimer, notamment dans nos établissements d’enseignement supérieur. Si des dispositifs de détection et de sanction existent dans la plupart des universités, force est de constater qu’ils ne suffisent pas ou plus à endiguer des phénomènes qui trouvent leur source à l’extérieur de leurs murs.
Il est insupportable que des étudiants ne puissent pas poursuivre leur formation dans de bonnes conditions en raison de leur origine, de leur confession ou de leur appartenance, réelle ou supposée, à un groupe. Il est tout aussi inacceptable que des professeurs ne puissent exercer sereinement leur mission d’enseignement et que des événements universitaires soient perturbés ou annulés en raison de menaces ou d’intimidations.
Ces incidents répétés portent atteinte non seulement à la dignité des personnes visées, mais aussi au bon fonctionnement de l’institution universitaire, qui doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un sanctuaire de la pensée critique, un rempart contre l’obscurantisme. La mission première de l’université est d’être un lieu d’exigence intellectuelle, de production et de transmission du savoir, un lieu d’émancipation.
Cette proposition de loi n’a donc nullement pour objectif d’établir une quelconque hiérarchie entre les différentes formes de haine et de discrimination qui minent notre société. Son but est d’identifier précisément ces phénomènes et de les nommer pour mieux les combattre.
Qu’il s’agisse d’antisémitisme, de racisme, d’homophobie ou de toute autre forme de discrimination, ces manifestations de violence et de haine sont intolérables. Elles doivent être combattues avec la même détermination, car c’est bien le même poison qui est à l’œuvre. Notre responsabilité est donc de former des esprits capables de déconstruire ces narratifs toxiques.
Dans ce cadre, la prévention ne peut se résumer à des mécanismes de signalement. Elle exige une approche globale et coordonnée, dont la formation constitue le pilier central. Elle doit s’inscrire dans un continuum éducatif, de l’école primaire à l’université.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est une étape ; nous espérons qu’elle sera la dernière. Si des dispositifs existent et si cette proposition de loi vient utilement les compléter, ne relâchons pas notre vigilance. La lutte contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les formes de violence et de haine exige une mobilisation constante de l’ensemble de la communauté nationale, afin que nous n’ayons plus à légiférer sur ces sujets.
Le groupe RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. M. le président Laurent Lafon, renonce à son temps de parole pour permettre au texte d’être voté avant le terme du délai imparti. Je l’en remercie.
La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, au milieu des discriminations de toutes sortes, magma révélateur de la noirceur de l’âme humaine, l’antisémitisme tient une place singulière, en raison de sa dimension historique bien sûr, mais de manière renouvelée depuis les attentats du 7 octobre 2023.
J’ai une pensée pour les otages encore retenus dans la bande de Gaza, pour la famille Bibas et pour toutes les victimes du Hamas, coupable d’une barbarie qui ne sera ni pardonnée ni oubliée.
La sensibilité du sujet en France, mais aussi sur la scène internationale, est palpable. Sous couvert de positionnements politiques ou idéologiques, le débat s’embrase alors que le combat contre l’antisémitisme ne peut justement être un sujet de débat. La France reste et restera attachée à l’universalité des droits de l’homme.
Les universités ne sont pas des citadelles, elles sont partie intégrante de notre société, qui doit faire face – faire front, même ! – au péril séculaire de l’antisémitisme.
Depuis le 7 octobre 2023, le nombre d’actes de cette nature a doublé dans nos établissements d’enseignement supérieur. Nous ne pouvons tolérer l’intolérable : c’est un combat de tous les instants.
Alors que les dispositifs de lutte actuellement en place sont insuffisants, ce texte vise à répondre au besoin impératif de protection face à la résurgence alarmante des actes antisémites au sein de nos établissements d’enseignement supérieur.
C’est tout l’enjeu de la mission menée par mes collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire. Je salue la qualité de leur travail et l’importance des auditions qui ont été menées.
La tâche n’est pas aisée et, à l’instar de ce qui a été fait par le passé pour d’autres formes de discriminations, disposer d’un référent bien identifié peut faciliter la dénonciation.
Certes, ce combat a des spécificités. Il n’est cependant pas isolé. Il doit s’appuyer sur une mécanique commune de lutte contre la haine et les violences, qui s’expriment trop fréquemment.
Rappelons que l’antisémitisme n’est pas une opinion : c’est un délit. La liberté académique a parfois bon dos. Elle se heurte au droit, et c’est heureux. Je veux souligner le courage de s’opposer à des conférences animées par ceux qui alimentent l’antisémitisme dans notre pays, qui prennent ouvertement des positions antijuives et qui se placent dans le prolongement des trop fréquents débordements au sein de Sciences Po. Ne laissons pas la gangrène antisémite s’instiller profondément, comme jadis, dans le corps de notre République.
Dès lors, il relève de la responsabilité des chefs d’établissement et des présidents d’université de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de ceux qui sont coupables d’actes antisémites. Je plaide pour une fermeté absolue en la matière. À ce titre, je vous proposerai un amendement visant à prendre des dispositions plus opérationnelles.
En outre, il relève de notre responsabilité de garantir à tous les étudiants et personnels un environnement d’étude propice à l’élévation intellectuelle, sans distinction relative à l’origine ou à la religion, dans ces hauts lieux de formation, de recherche et de diffusion des connaissances.
À l’évidence, cette proposition de loi ne résoudra pas tout, mais il est de notre devoir de lui donner une issue favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur
Chapitre Ier
Formation à la lutte contre l’antisémitisme dans les établissements d’enseignement
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Ros, Mme Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Dans l’intitulé de cette division
Après le mot :
contre
insérer les mots :
le racisme et
La parole est à M. David Ros.
M. David Ros. Je serai bref, car le temps est compté. Bernard Fialaire a rappelé que le travail allait bien au-delà de l’antisémitisme et qu’il s’étendait au racisme et aux différentes luttes contre les discriminations.
Aussi, cet amendement vise simplement à introduire davantage de cohérence dans l’intitulé du chapitre Ier de la proposition de loi. Tel sera également l’objet de mon dernier amendement sur l’intitulé de la proposition de loi.
L’adoption de ces amendements n’aurait aucune incidence sur la nature du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. Comme Pierre Ouzoulias l’a excellemment dit, l’antisémitisme n’est pas un racisme comme les autres.
Nous avons décidé de préciser spécifiquement dans l’intitulé de ce chapitre que son objet est la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Nous souhaitons le conserver en l’état : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après la quatrième phrase de l’article L. 121-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils assurent une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;
2° (nouveau) Au début du 3° de l’article L. 123-2, les mots : « À la lutte contre les discriminations » sont remplacés par les mots : « À la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine » ;
3° À la deuxième phrase du neuvième alinéa de l’article L. 721-2, les mots : « contre les discriminations » sont remplacés par les mots : « contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine » ;
4° (nouveau) Le chapitre Ier du titre VI du livre VII de la troisième partie est complété par un article L. 761-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 761-2. – Les établissements d’enseignement supérieur assurent une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;
5° (nouveau) L’article L. 811-3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils bénéficient à ce titre d’une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre II
Prévention, détection et signalement des actes antisémites survenant dans l’enseignement supérieur
Article 2
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :
a) Le 10° est ainsi rédigé :
« 10° Il installe, sur proposition conjointe du conseil d’administration et du conseil académique, une mission “égalité et diversité” chargée de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et de la prévention et du traitement des actes de violence, de discrimination et de haine ; »
b) (Supprimé)
2° La section 4 du chapitre IX du titre Ier du livre VII de la troisième partie est ainsi rétablie :
« Section 4
« Lutte contre les actes de discrimination et de violence
« Art. L. 719-10. – Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel créent en leur sein une mission “égalité et diversité” chargée de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
« Ils veillent à ce que la mission “égalité et diversité” dispose des moyens humains et financiers nécessaires à son fonctionnement.
« Ils désignent en son sein un référent qualifié dédié à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et chargé de la prévention, de la détection et du traitement des actes racistes et antisémites.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
« Art. L. 719-11. – Les missions “égalité et diversité” assurent le fonctionnement d’un dispositif de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine garantissant l’anonymat des victimes et des témoins. Les signalements sont recueillis par des personnes disposant d’une qualification, d’une formation ou d’une expertise adéquate. Ils sont transmis au président de l’université et font l’objet d’un traitement statistique.
« Tout membre du personnel ayant connaissance d’un acte d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence ou de haine survenu dans l’établissement ou affectant son fonctionnement le signale sans délai au moyen du dispositif mentionné au premier alinéa. »
II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret.
III. – Les conséquences financières résultant pour l’État du présent article sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Levi et Fialaire, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
Lutte contre les actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine
II. Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Ollivier, de Marco et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 719-…. - Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel assurent la diffusion auprès des étudiants, des enseignants-chercheurs, des enseignants, des chercheurs et des membres du personnel d’une information claire et accessible sur l’existence de la mission “égalité et diversité” et du référent mentionnés à l’article L. 719-10, et sur le fonctionnement du dispositif de signalements des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine mentionné à l’article L. 719-11. Cette information précise la possibilité pour les victimes et les témoins de bénéficier de l’anonymat. »
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Par cet amendement, nous proposons que les établissements fournissent aux étudiants, aux enseignants et aux membres du personnel une information sur l’existence des dispositifs de lutte contre l’antisémitisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer le principe d’une information claire et accessible de l’ensemble de la communauté universitaire sur la mission « égalité et diversité », le référent « racisme et antisémitisme » et le dispositif de signalement anonyme.
À première vue, il ne nous avait pas semblé utile d’inscrire cette obligation dans le texte. Néanmoins, nous partageons l’objectif des auteurs de cet amendement : avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Baptiste, ministre. Le Gouvernement partage également l’objectif des auteurs de cet amendement. Toutefois, il s’agit d’un dispositif réglementaire, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Ollivier, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Mathilde Ollivier. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Levi et Fialaire, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le second alinéa du V de l’article L. 841-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il fixe également la fraction du produit de la contribution affectée au fonctionnement de la mission mentionnée à l’article L. 719-10 et du dispositif mentionné à l’article L. 719-11. »
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. Il s’agit d’un amendement d’appel, car il faut bien parler des financements.
Nous le retirons, monsieur le président – mais l’appel est lancé ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Chapitre III
Procédure disciplinaire
Article 3
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° (nouveau) L’article L. 712-6-2 est ainsi modifié :
a) Après la troisième phrase du dernier alinéa est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il précise les modalités de formation des membres de la section disciplinaire à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de violence ou de faits d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine, tout personne s’estimant lésée par les agissements de l’enseignant-chercheur ou de l’enseignant poursuivi et s’étant fait connaître est informée de l’engagement de poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. » ;
2° (nouveau) Le second alinéa de l’article L. 811-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il précise également les modalités de formation de ses membres à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine. » ;
3° L’article L. 811-6 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil académique constitué en section disciplinaire est compétent pour la poursuite des actes de fraude, des faits de violence, d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, d’incitation à la haine et de tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement. En cas de faits de violence, d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine, toute personne s’estimant lésée par les agissements de l’usager poursuivi et s’étant fait connaître est informée de l’engagement de poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les pouvoirs d’investigation dont dispose le président pour l’établissement des faits susceptibles d’être portés à la connaissance du conseil académique constitué en section disciplinaire. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 811-5, il est inséré un article L. 811-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 811-5-…. – Dans chaque région académique, une section disciplinaire commune aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel est créée par le recteur de région académique.
« Elle est présidée par un membre de la juridiction administrative. Elle comprend des représentants de l’administration des établissements, des représentants du personnel enseignant et des représentants des usagers.
« Elle peut être saisie par l’autorité compétente pour engager les poursuites disciplinaires à l’égard des usagers d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de la région académique. Elle exerce alors, en lieu et place de la section disciplinaire prévue à l’article L. 811-5, le pouvoir disciplinaire à l’égard des usagers.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. Il précise notamment la composition de la section disciplinaire commune, qui respecte la parité entre les hommes et les femmes, les modalités de désignation de ses membres et ses règles de fonctionnement. » ;
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Permettez-moi de prendre quelques instants pour présenter cet amendement important. Il concerne les sections disciplinaires des établissements, qui rencontrent certaines difficultés à se saisir des actes antisémites.
Par cet amendement, je propose l’instauration d’une autorité compétente pour engager des poursuites disciplinaires à l’égard des usagers d’une université. Cette instance serait placée sous l’autorité d’un magistrat professionnel. Cela permettrait aussi un dépaysement à l’échelle académique sur saisine du directeur de l’académie.
Il y aurait donc un double intérêt à constituer cette nouvelle commission disciplinaire. En effet, elle allégerait à la fois en nombre et en charge les commissions disciplinaires des établissements, qui peinent à se saisir complètement de ces dossiers.
Les modalités de constitution et de réunion de cette nouvelle instance seraient fixées par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. Cet amendement nous paraît très intéressant, car il apporte une réponse aux limites de la procédure disciplinaire que nous avons identifiées au cours de nos travaux, notamment l’inflation du nombre de dossiers, le changement de nature des faits examinés, le faible succès du dépaysement et la fragilité des procédures.
Pour y répondre, cet amendement reprend des pistes que nous avons identifiées dans notre rapport. Il tend à proposer une externalisation et une professionnalisation de la procédure disciplinaire sous la forme d’une faculté donnée aux présidents d’université.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
a) Au début, sont ajoutés huit alinéas ainsi rédigés :
« Sont passibles d’une sanction disciplinaire tous faits constitutifs d’une faute disciplinaire, et notamment :
« a) La méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires ou du règlement intérieur de l’établissement ;
« b) Les actes de fraude ou de tentatives de fraude ;
« c) Les faits de violence ou de harcèlement ;
« d) Les actes antisémites, racistes, discriminatoires ou d’incitation à la haine ou à la violence ;
« e) Les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités qui y sont organisées.
« Les faits commis en dehors de l’établissement sont passibles d’une sanction disciplinaire lorsqu’ils présentent un lien suffisant avec l’établissement ou les activités qu’il organise.
« Pour les faits relevant du c) et du d), toute personne victime des agissements de l’usager poursuivi et s’étant fait connaître est informée de l’engagement de poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre. Il s’agit pour le Gouvernement d’appréhender de façon objective l’ensemble des comportements potentiellement fautifs et susceptibles d’être traités par les commissions disciplinaires.
Cet amendement vise à dresser une liste de l’ensemble des comportements fautifs, en intégrant, bien évidemment, les actes antisémites de manière explicite.
M. le président. Le sous-amendement n° 15, présenté par Mmes Ollivier, de Marco et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Amendement n° 11, alinéa 5
Supprimer les mots :
des dispositions législatives et réglementaires ou
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Nous avons déposé ce sous-amendement peu avant le début de la séance, afin de supprimer la possibilité pour les établissements de l’enseignement supérieur de lancer des poursuites judiciaires pour toute atteinte aux dispositions nationales de nature législative ou réglementaire.
Ce point est particulièrement important à nos yeux. Nous constatons, ces derniers temps, une tendance inquiétante à la para-judiciarisation dans les commissions disciplinaires.
Aussi cette partie de votre amendement nous pose-t-elle problème, monsieur le ministre.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Ollivier, de Marco et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer les mots :
, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement
par les mots :
et au bon fonctionnement de l’établissement
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Ros, Mme Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement
par les mots :
ou au bon fonctionnement de l’établissement
La parole est à M. David Ros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur. L’amendement n° 11 du Gouvernement a pour objet une réécriture globale des motifs de saisine de la section disciplinaire de l’article 3. Il vise à proposer une liste non exhaustive des faits constitutifs d’une faute disciplinaire.
Cette rédaction présente selon nous plusieurs avantages.
Elle reprend en effet la mention explicite des faits d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine ou à la violence que nous avons adoptée en commission.
Elle supprime la notion d’atteinte à la réputation de l’établissement, ce qui correspond à l’objet des amendements nos 4 et 9 de Mme Ollivier et de M. Ros.
Elle introduit par ailleurs plusieurs précisions qui pourraient donner des outils supplémentaires aux présidents d’établissement afin de répondre aux faits de violence et de haine, en visant le respect du règlement intérieur de l’établissement, les atteintes portées au bon déroulement des activités qui y sont organisées, ainsi que les faits survenus à l’extérieur de l’établissement, mais présentant un lien avec la vie universitaire. Il était important de le souligner.
Enfin, l’alinéa relatif à l’information des victimes est réécrit pour en assurer la cohérence avec ces modifications.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 11 et un avis défavorable sur le sous-amendement n° 15 ainsi que sur les amendements nos 4 et 9, dont les objets seraient satisfaits par l’adoption de l’amendement du Gouvernement.
M. Bernard Pillefer. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Baptiste, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 15 et sur les amendements nos 4 et 9.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. L’amendement n° 11 du Gouvernement soulève une légère difficulté – certains diront que je pinaille…
Je ne suis pas un expert en droit, même si je sais désormais que cela n’empêche pas d’accéder aux plus hautes responsabilités dans notre pays ! (Sourires.) Cependant, j’ai toujours entendu qu’il valait mieux éviter d’utiliser des adverbes dans la rédaction des textes.
J’ai donc une réserve quant à l’inscription du terme « notamment » concernant la liste des faits passibles de sanctions disciplinaires. Je ne sais pas s’il est encore temps de modifier cet amendement.
S’il y a une liste, elle doit être exhaustive, pour que nous nous y tenions. Autrement, la présence de cet adverbe dans le texte donnera forcément lieu à des contentieux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre. L’utilisation de cet adverbe permet d’ouvrir le champ afin que les présidents d’universités puissent se saisir de sujets plus larges que ceux qui sont actuellement évoqués.
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.
M. David Ros. Je me félicite de l’abandon du terme « réputation », dans l’amendement n° 11.
Toutefois, lorsque j’ai proposé un amendement visant à assurer une forme de cohérence au dispositif, comme l’a fait précisément M. Piednoir, le rapporteur m’a répondu que cette proposition de loi était spécifiquement consacrée à la lutte contre l’antisémitisme. Or certains des faits passibles de sanction évoqués par le ministre, dont je comprends bien la démarche, n’ont pas forcément de lien avec l’antisémitisme.
On ne peut pas faire tout et son contraire : le groupe socialiste s’abstiendra donc sur l’amendement, dont l’objet dépasse le cadre du travail mené sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Je veux revenir sur les raisons qui nous ont poussés à déposer ce sous-amendement.
Plusieurs présidents d’université nous ont indiqué que, lorsqu’une procédure judiciaire était lancée parallèlement à une procédure disciplinaire, la seconde pouvait affaiblir la première.
En effet, les étudiants sont de plus en plus fréquemment accompagnés par un avocat lors la procédure disciplinaire, dont la conduite est parfois un peu moins rigoureuse que celle des procédures judiciaires.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. J’entends certaines réserves sur l’amendement n° 11. Cependant, pour compléter le texte élaboré par MM. Levi et Fialaire, il me semble nécessaire de l’adopter. En effet, la dimension disciplinaire apporte du crédit à la démarche de cette proposition de loi.
M. Max Brisson. On est d’accord !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je comprends les arguments que vous soulevez sur la dimension juridique. La navette permettra peut-être d’apporter des précisions. Toutefois, il serait dommage que le Sénat n’intègre pas de pan disciplinaire dans le texte adopté.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 4 et 9 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Chapitre IV
Application outre-mer
(Division nouvelle)
Article 4 (nouveau)
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le tableau du second alinéa du I de l’article L. 165-1 est ainsi modifié :
a) La treizième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 121-1 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ; |
b) La vingt-sixième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 123-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ; |
2° Les articles L. 166-1 et L. 167-1 sont ainsi modifiés :
a) Le tableau du second alinéa du I est ainsi modifié :
– la huitième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 121-1 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ; |
– la douzième ligne est ainsi rédigée :
« |
L. 123-2 |
Résultant de la loi n° du relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ; |
b) Le troisième alinéa du 5° du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils assurent une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. »
3° Le tableau du second alinéa du I de l’article L. 775-1 est ainsi modifié :
a) La treizième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 712-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
|
L. 712-3 |
Résultant de la loi n° … 2020-1674 du 24 décembre 2020 |
» ; |
b) Après la quarante-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 719-10 et L. 719-11 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ; |
4° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 776-1 et L. 777-1 est ainsi modifié :
a) La treizième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 712-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
|
L. 712-3 |
Résultant de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 |
» ; |
b) Après la quarante-cinquième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 719-10 et L. 719-11 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ; |
5° La huitième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 855-1, L. 856-1 et L. 857-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 811-6 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
|
L. 821-1 à L. 821-4 |
Résultant de l’ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 |
» ; |
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Levi et Fialaire, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 16
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) La seizième ligne est ainsi rédigée :
L. 721-6-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ;
II. - Après l’alinéa 18
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) La quarante-huitième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 721-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ;
…) Après la quatre-vingtième ligne est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 761-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» .
III. - Après l’alinéa 21
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) La seizième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 712-6-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ;
c) La cinquantième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 721-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» .
IV. - Après l’alinéa 23
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
…) Après la quatre-vingt-unième ligne est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
L. 761-2 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ;
…° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 855-1, L. 856-1 et L. 857-1 est ainsi modifié :
…) La cinquième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 811-3-1 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» ;
…) La septième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 811-5 |
Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur |
» .
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. Cet amendement concerne l’application en outre-mer des dispositions adoptées en commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par M. Ros, Mme Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après le mot :
contre
insérer les mots :
le racisme et
La parole est à M. David Ros.
M. David Ros. Un seul mot : cohérence ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mmes Ollivier, de Marco et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après le mot :
antisémitisme
insérer les mots :
et le racisme
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà présentées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sabine Drexler, pour explication de vote.
Mme Sabine Drexler. L’université et les grandes écoles sont censées être des lieux de débat éclairé, de respect mutuel et de promotion des valeurs républicaines. Aujourd’hui, les tensions internationales, et notamment le conflit israélo-palestinien, sont importées sur nos campus. Ce qui devrait être une bonne occasion de débattre est instrumentalisé et sert de prétexte à la propagation de discours et d’actes antisémites.
À cela s’ajoute l’influence croissante d’idéologies raciales portées par certains mouvements d’extrême droite, d’extrême gauche ou islamistes, dont les systèmes de valeurs alimentent une vision du monde où la haine de l’autre est légitimée et où l’antisémitisme est plus ou moins subtilement sous-entendu, quand il n’est pas ouvertement assumé.
Si les principes mêmes de notre démocratie sont en danger dans des lieux de formation des futures élites, on peut se demander ce qu’il en sera demain dans nos institutions, nos entreprises et nos médias si les étudiants et les futurs décideurs évoluent et étudient, comme aujourd’hui, dans une ambiance d’exclusion et de haine.
Qu’en sera-t-il si une partie d’entre eux, nourris par cette idéologie antisémite, devaient accéder au pouvoir ? Quelle justice sera-t-elle rendue si les magistrats de demain apprennent à fermer les yeux et à banaliser certaines formes de haine ?
Quel type de médias aurons-nous si les journalistes sont formés, comme aujourd’hui, dans un climat où la désinformation et le complotisme prospèrent ?
L’antisémitisme a toujours été un indicateur majeur des dysfonctionnements sociaux et politiques. Il impose une réponse collective et déterminée, comme celle que nous donnons au travers de ce texte, faute de quoi ce qui est toléré aujourd’hui sera notre quotidien demain.
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.
M. David Ros. J’ajouterai quatre mots : unanimité, bravo, mais cohérence ! (Sourires. – M. Bernard Buis applaudit.)
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. On combat l’antisémitisme par la connaissance. Or, aujourd’hui, les études sur le judaïsme sont malheureusement en pleine déshérence.
Monsieur le ministre, vous devez lancer un plan national ! Six thèses seulement sont actuellement consacrées au judaïsme, alors qu’il y en avait vingt voilà cinq ou six ans. Nous comptons sur vous pour relancer les études sur le judaïsme. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 210 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 344 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. La proposition de loi étant désormais adoptée, nous avons tout le temps pour prendre la parole ! (Sourires.)
Je voudrais, tout d’abord, remercier sincèrement le président Lafon, car les six minutes de prise de parole auxquelles il a renoncé nous ont permis de voter ce texte en temps et en heure. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je veux, ensuite, remercier l’ensemble des groupes, qui ont joué le jeu ; même si nous n’avons pas disposé d’autant de temps que nous l’aurions souhaité, notre objectif, c’est-à-dire le vote de cette proposition de loi, est rempli – je parle également au nom de mon collègue Bernard Fialaire, qui a dû quitter l’hémicycle, car il était attendu à l’université.
Ce premier pas au Sénat permettra, je l’espère, à la réflexion de continuer de progresser, puis à ce texte, qui est très attendu par les étudiants, mais aussi par les présidents d’université, d’être voté à l’Assemblée nationale afin d’être appliqué dès la rentrée universitaire 2025-2026.
Je vous remercie également, madame, monsieur les ministres, pour votre soutien, car il est très important. Nous comptons sur vous pour que ce texte soit inscrit au plus vite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J’ai appris aujourd’hui qu’il était parfois utile de se taire ! (Sourires.)
Je tiens à remercier chacun d’entre vous et à saluer le Sénat dans sa globalité.
Ayant été alertés par un certain nombre de personnes de cette montée de l’antisémitisme que vous avez, les uns et les autres, très bien décrite, nous avions décidé aux mois d’avril et de mai, l’année dernière, lors de la conférence des présidents, de lancer rapidement une mission flash sur cette question.
Cette année, en cette fin du mois de février, ce travail a abouti, après la présentation d’un rapport que vous avez qualifié à juste titre, mes chers collègues, de rapport objectif complet. La proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur a donc été adoptée.
Je veux remercier les deux rapporteurs et auteurs du texte, qui ont travaillé main dans la main, conjointement. Leurs visions, qui étaient quelque peu différentes au départ, ont rapidement convergé et ils nous ont tous entraînés avec eux lors de l’élaboration de ce texte. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Pierre Ouzoulias a eu tout à fait raison de dire que ce texte était un message que nous adressions aux étudiants et aux enseignants juifs, bien entendu, mais aussi au-delà. Dans ce message, nous disons vouloir que l’enseignement supérieur français soit un enseignement dans lequel chacun a sa place et au sein duquel il n’existe pas de phénomènes d’essentialisation ou d’ostracisme liés à une religion ou à une origine.
Ce message que nous envoyons est d’autant plus important que nous l’avons voté à l’unanimité et que nous avons bénéficié du soutien, fort et réel, du Gouvernement, représenté par deux ministres qui ont présenté des amendements visant à compléter très utilement le texte.
Pour autant, cette proposition de loi constitue non pas seulement un message, mais aussi une série d’outils en termes de sensibilisation, de sanctions et de qualification des actes qu’il était nécessaire d’inscrire dans notre droit. C’est la raison pour laquelle ce texte est utile et doit poursuivre son parcours législatif.
Je me tourne donc vers le Gouvernement : nous avons besoin de vous, madame, monsieur les ministres, pour obtenir l’inscription de ce texte, dans un délai qui soit le plus rapide possible, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il pourra ainsi, comme l’a dit fort justement Pierre-Antoine Levi, entrer en application dès la prochaine rentrée universitaire.
Merci à chacun d’entre vous pour cette belle unanimité et ce message envoyé par le Sénat ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, monsieur le président Lafon, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier pour la qualité de ce débat et l’issue de ce vote.
Vous pouvez compter sur mon engagement total, ainsi que sur celui d’Aurore Bergé et de l’ensemble du Gouvernement, pour lutter au quotidien contre l’antisémitisme.
Encore une fois, je vous remercie ! (Applaudissements.)
5
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Lors du scrutin public n° 207 de ce jour portant sur les amendements identiques tendant à supprimer l’article unique de la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, M. Georges Patient souhaitait voter pour.
Lors du scrutin public n° 208 portant sur l’article unique de ladite proposition de loi, et lors du scrutin public n° 209 portant sur l’ensemble dudit texte, il souhaitait voter contre.
M. le président. La parole est à M. David Ros.
M. David Ros. Lors du scrutin n° 192 de la séance du 12 février 2025 portant sur l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 18 du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, M. Olivier Jacquin souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins.
6
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 4 mars d’une déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe.
Ce débat pourrait avoir lieu à seize heures trente.
Nous pourrions prévoir que les orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, interviennent selon l’ordre décroissant de leur effectif, avec les temps de parole suivants : 14 minutes pour le groupe Les Républicains ; 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; 10 minutes pour le groupe Union Centriste ; 8 minutes pour les autres groupes ; 3 minutes pour un sénateur non-inscrit.
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat pourrait être fixé au lundi 3 mars à quinze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
7
Souveraineté alimentaire et agricole
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (texte de la commission n° 356, rapport n° 355).
La parole est à M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à moins de quarante-huit heures de l’ouverture du salon international de l’agriculture, nous nous apprêtons à conclure de la meilleure des manières qui soit, je l’espère, une très longue et dense séquence agricole, dont ce projet de loi d’orientation est le point d’orgue.
En cet instant, je tiens à remercier les nombreuses personnes qui se sont investies sur ce texte et naturellement, en premier lieu, mon corapporteur Laurent Duplomb, avec lequel nous n’avons eu de cesse d’œuvrer pour enrichir ce projet de loi, allant même jusqu’à déposer un second texte complémentaire, qui sera débattu début avril par nos collègues députés.
Depuis des mois, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour enrichir et faire aboutir ce projet de loi au service de l’agriculture d’aujourd’hui et de demain.
Je tiens également à remercier la présidente de notre commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone, dont la confiance et le soutien aux rapporteurs que nous sommes ont toujours été sans faille, jusque dans les moments les plus décisifs de nos discussions.
Mes remerciements vont également à Marc Fesneau, qui a pris l’initiative de ce texte, et à vous-même, madame la ministre, dont je tiens à saluer le courage politique et l’obstination à faire aboutir une loi dont l’avenir était – il faut bien le dire – incertain au sortir de la dissolution.
Mme Anne-Sophie Romagny. Très bien !
M. Franck Menonville, rapporteur. Nos échanges ont toujours été francs et constructifs. Nous n’oublions pas non plus le soutien décisif que vous avez apporté à notre proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, particulièrement attendue par le monde agricole, sur laquelle le Gouvernement a déclenché la procédure accélérée et qui sera examinée le 7 avril prochain à l’Assemblée nationale.
Je souhaite enfin remercier les rapporteurs du projet de loi à l’Assemblée nationale, Éric Girardin et Pascal Lavergne, dont les mandats ont pris fin en juin 2024, ainsi que Nicole Le Peih et Pascal Lecamp, avec lesquels nous avons eu des échanges marqués par l’écoute mutuelle et la volonté claire d’aboutir à un texte qui soit à la fois ambitieux et de compromis.
Le projet de loi que nous soumettons à votre vote, mes chers collègues, reflète cet état d’esprit. Il conserve l’essentiel des apports de fond issus des travaux du Sénat, qui sont en réalité convergents avec ceux de nos collègues députés. C’est d’ailleurs ce qui explique la très large approbation des conclusions de la commission mixte paritaire, hier soir, à l’Assemblée nationale.
À l’article 1er, dont nous avons tant débattu au sein de cet hémicycle, je retiendrai l’intérêt général majeur s’attachant à l’agriculture et son inclusion décisive à l’article 410-1 du code pénal relatif aux intérêts fondamentaux de la Nation, ou encore la création d’un indispensable principe de non-régression de la souveraineté alimentaire.
L’orientation résolument entrepreneuriale des articles relatifs à l’enseignement agricole a été maintenue.
Nous avons accepté, en matière d’installation, d’en revenir à la dénomination « France Services agriculture » pour le guichet unique ; vous nous aviez en effet expliqué, madame la ministre, combien vous y étiez attachée.
Nous avons aussi conservé les avancées que sont l’aide au passage de relais ou encore le droit à l’essai d’association dans sa version issue des travaux du Sénat.
Vous retrouverez en outre, mes chers collègues, nombre de vos apports à ce texte : le principe « pas d’interdiction sans solution », porté par Daniel Gremillet et Yves Bleunven ; la facilitation de construction des bâtiments agricoles pour les communes insulaires métropolitaines, défendue par Annick Billon ; l’exclusion de ces bâtiments du zéro artificialisation nette (ZAN), souhaitée par le rapporteur pour avis Jean-Claude Anglars ; ou encore la création d’un représentant indépendant de l’enseignement agricole, que nous avons voulue de concert avec le rapporteur pour avis Christian Bruyen.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, soyons fiers de ce travail accompli collectivement. Je vous invite, à la suite du large soutien exprimé hier soir par nos collègues députés, à dire un oui franc et massif à l’avenir de notre agriculture et à voter ce projet de loi d’orientation agricole dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. Nos agriculteurs vous diront merci ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « on marche sur la tête », voilà le message que nous faisait parvenir le monde paysan il y a maintenant plus d’un an, lorsqu’à l’occasion d’un mouvement de protestation d’ampleur, historique par sa résonance en Europe, les panneaux des villages de tout le pays étaient retournés. Nos agriculteurs nous criaient par ce biais leur ras-le-bol d’une politique jugée trop hors-sol, définie trop loin d’eux, trop en décalage avec la réalité de leurs besoins quotidiens.
Pour y répondre, mon prédécesseur Marc Fesneau, dont je tiens à saluer ici le travail, formulait un lot de promesses que nous sommes parvenus, malgré les obstacles et les crises, à faire progressivement aboutir. Le sort de la dernière d’entre elles, mesdames, messieurs les sénateurs, est aujourd’hui entre vos mains. Aussi, je vous engage tous très vivement à voter ce projet de loi d’orientation agricole, qui doit enrayer pour de bon la tendance au vieillissement de notre population agricole, favoriser le renouvellement de nos générations d’agriculteurs et assurer notre souveraineté alimentaire.
Je vous y engage d’autant plus que ce texte est une œuvre collective, qui témoigne, dans la situation de fragmentation politique que nous connaissons, de la capacité de notre nation à s’unir autour de son agriculture.
Je tiens à remercier l’ensemble des rapporteurs. Par leur travail acharné et leur pugnacité, ils ont su donner à ce texte une dimension démultipliée. Je pense, bien sûr, aux députés Nicole Le Peih, Pascal Lavergne, Éric Girardin et Pascal Lecamp, et aux sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, que je salue plus particulièrement puisque je suis dans les murs du Sénat.
Je remercie également les présidents de commission, Mmes Aurélie Trouvé et Dominique Estrosi Sassone, ainsi que tous les négociateurs de la commission mixte paritaire, les administrateurs des deux chambres et les équipes de mon ministère, dont la volonté et l’engagement ont permis d’aboutir à une position de compromis ambitieuse et responsable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à seulement deux jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, notre agriculture, notre pêche et notre forêt se verront consacrer dans la loi le caractère d’intérêt général majeur de la Nation. L’objectif est clair : accroître substantiellement le potentiel agricole de notre pays afin de nous débarrasser des dépendances inutiles.
La méthode, elle aussi, est claire : il s’agit de faire confiance aux filières, qui définiront, dans le cadre des conférences de la souveraineté alimentaire, des objectifs de reconquête à dix ans.
Ces objectifs seront atteints avec le concours des agriculteurs de demain, qui bénéficieront d’un enseignement agricole régénéré formant 30 % d’apprenants supplémentaires d’ici à 2030. Pour ce faire, une sixième mission viendra compléter l’actuel cadre de notre enseignement agricole, afin de former notre relève aux grands défis des transitions climatiques et environnementales et du renouvellement des générations.
Un effort accru de sensibilisation des plus jeunes aux métiers du vivant, avec le programme national de découverte des métiers et la création du bachelor agro, viendra renforcer cette ambition.
Ce ferme appui de l’État au renouvellement des générations se traduit également par une action massive en faveur de l’installation et de la transmission.
Un accompagnement structuré sera mis en place, d’une part, par la création du réseau France Services agriculture, qui permettra demain d’accueillir toute personne souhaitant s’engager dans une activité agricole ou transmettre, que son ambition soit d’être salarié ou chef d’exploitation, que son projet soit abouti ou non, et, d’autre part, par la mise en place du diagnostic modulaire. Ce dernier constituera une source d’information précieuse et attendue par la profession, pour que les meilleures décisions soient prises en matière de viabilité économique, sociale et environnementale des exploitations.
Les personnes qui veulent préparer leur projet d’exercice en commun de l’activité agricole auront également l’occasion de découvrir l’essai d’association.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la volonté de renouveler les générations nous a aussi imposé de renforcer l’attractivité du métier d’agriculteur.
Pour ce faire, ce projet de loi permet une dépénalisation des atteintes non intentionnelles – et strictement celles-ci – à l’environnement et abaisse les délais de traitement des recours contentieux menés à l’encontre des ouvrages agricoles et hydrauliques. Il s’agit là d’un gage de sérénité pour le monde paysan qui, je le répète, se traduit non par une modification des règles de fond, mais par une accélération de la procédure.
Par ailleurs, nous abaissons substantiellement les contraintes pesant sur nos exploitants au travers de la création d’un régime unique de la haie, qui permettra de sécuriser les travaux et d’inciter à la plantation.
Enfin, nos éleveurs verront leurs troupeaux mieux protégés de la prédation lupine par la facilitation des tirs de défense et par la sécurisation juridique de l’utilisation des chiens de berger patous.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs – et j’insiste tout particulièrement sur ce sujet qui me tient à cœur –, la place des femmes en agriculture sera renforcée et revalorisée grâce à ce projet de loi.
L’amélioration de leur statut figurera désormais explicitement dans les objectifs de notre politique agricole afin que notre nation reconnaisse le rôle essentiel qu’elles jouent, et ont encore à jouer, dans le renouvellement des générations. L’accès au statut de chef d’exploitation sera facilité au travers d’une stratégie visant à lever les freins à l’installation ; le réseau France Service Agriculture veillera à ce que les agricultrices puissent bénéficier de toutes les commodités à cet effet.
Pour résumer, mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ce texte, nous réancrons les deux pieds de la France dans le socle le plus solide et le plus fidèle de toutes les civilisations humaines, l’agriculture.
Le cadre est désormais posé pour la reconquête de notre souveraineté alimentaire et la parole de l’État est tenue. Mon seul mot d’ordre est désormais : merci de voter ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
TITRE Ier
RECONQUÉRIR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE DE LA FRANCE POUR LA DÉFENSE DE SES INTÉRÊTS FONDAMENTAUX
Article 1er
I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 1 A. – La protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur en tant qu’ils garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation. Ils constituent un intérêt fondamental de la Nation en tant qu’éléments essentiels de son potentiel économique.
« La souveraineté alimentaire s’entend comme le maintien et le développement des capacités de la Nation à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation saine, et le soutien des capacités exportatrices contribuant à la sécurité alimentaire mondiale.
« L’agriculture au sens du présent livre, qui s’entend des activités réputées agricoles en application de l’article L. 311-1, comprend notamment l’élevage, l’aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l’horticulture, l’apiculture et la sylviculture. » ;
2° L’article L. 1 est ainsi modifié :
aa) Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :
« I A. – La politique en faveur de la souveraineté alimentaire mentionnée à l’article L. 1 A a pour priorités :
« 1° D’assurer la pérennité et l’attractivité de l’agriculture ainsi que le renouvellement de ses générations d’actifs, en facilitant l’installation, la transmission et la reprise d’exploitations ;
« 1° bis D’assurer, dans le cadre de la politique de l’alimentation, la sécurité alimentaire et sanitaire de la Nation ;
« 2° D’assurer un haut niveau de compétitivité de l’agriculture ;
« 3° De soutenir la recherche et l’innovation notamment pour favoriser les transitions climatique et environnementale de l’agriculture ;
« 4° D’assurer la juste rémunération des actifs en agriculture.
« Les normes réglementaires en matière d’agriculture ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu’elles sont spécialement motivées et évaluées avant leur adoption, et dès lors qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale.
« La France tire le plein parti des règles européennes en matière d’agriculture, en particulier dans le cadre de la politique agricole commune. » ;
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les priorités mentionnées au I A se traduisent par des politiques ayant pour finalités :
« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, en maintenant et développant ses systèmes de production et ses filières nationales de production, de transformation et de distribution ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale, sanitaire et environnementale et en protégeant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ;
« 2° De garantir une sécurité alimentaire permettant l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée et nutritive, tout au long de l’année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire définie à l’article L. 266-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« 3° D’améliorer la compétitivité et la coopération agricoles sur le plan international, de soutenir les capacités exportatrices contribuant à la sécurité alimentaire mondiale, de maîtriser et réduire les dépendances aux importations dans les filières stratégiques pour la souveraineté alimentaire, de sécuriser les approvisionnements alimentaires du pays, en privilégiant l’approvisionnement national, dans le respect des règles du marché intérieur de l’Union européenne et des engagements internationaux ;
« 4° De veiller, dans tout accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l’accès au marché ainsi qu’à un degré élevé d’exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d’une protection toujours plus forte des consommateurs et d’une préservation des modèles et des filières agricoles français et européens ;
« 5° De répondre à l’accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable, en contribuant à la lutte contre la faim dans le monde et en soutenant l’émergence et la consolidation de l’autonomie alimentaire dans le monde ;
« 6° De rechercher des solutions techniques et scientifiques utiles aux transitions climatique et environnementales et d’accompagner les agriculteurs pour surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production et à l’approvisionnement alimentaire nationaux ;
« 7° De reconnaître et mieux valoriser les externalités positives de l’agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d’aménagement du territoire ;
« 7° bis De préserver et de développer les réseaux d’irrigation nécessaires à une gestion durable de la production et des surfaces agricoles ;
« 8° De favoriser l’installation économiquement viable d’exploitations agricoles en agriculture biologique, au sens de l’article L. 641-13 du présent code, en veillant à l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché national, et pour atteindre les objectifs inscrits dans le programme national sur l’ambition en agriculture biologique, de manière notamment à ce que l’agriculture biologique représente 21 % de la surface agricole utile cultivée au 1er janvier 2030 ;
« 9° De préserver la surface agricole utile ;
« 9° bis De promouvoir l’autonomie de l’Union européenne et de la France en protéines, en fixant un objectif national de surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d’ici au 1er janvier 2030 et d’atteinte de l’autonomie protéique nationale en 2050 ;
« 10° De concourir aux transitions énergétique et climatique, en contribuant aux économies d’énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu’à l’indépendance énergétique de la Nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d’origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d’économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;
« 11° De soutenir la recherche, l’innovation et le développement, notamment dans les domaines de la préservation de la santé des sols, des semences, des nouvelles techniques génomiques, de la sélection variétale, des fertilisants agricoles, de la production de biomasse, y compris sylvicole, des solutions fondées sur la nature et la réduction des dépendances à l’égard des intrants de toute nature ;
« 11° bis De maintenir un haut niveau de protection des cultures, en soutenant la recherche en faveur des solutions apportées aux agriculteurs, économiquement viables, techniquement efficaces et compatibles avec le développement durable, afin de diminuer l’usage des produits phytopharmaceutiques et, à défaut de telles solutions, en s’abstenant d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne ;
« 12° De définir des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;
« 13° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, concourant notamment à la qualité des services à la population, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment des zones dites “intermédiaires” et des zones de montagne, d’encourager l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous des signes d’identification de la qualité et de l’origine ;
« 14° De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés des secteurs agricole et agroalimentaire ainsi qu’à leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie, de préserver un modèle d’exploitation agricole familiale, de rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l’organisation collective des acteurs ;
« 15° De reconnaître et de valoriser le rôle des femmes en agriculture en veillant à ce qu’elles puissent exercer sous un statut adapté à leur situation et soient informées et accompagnées dans le choix des modes d’exercice de leur profession, en bénéficiant d’un accès facilité au statut de chef d’exploitation, à la formation continue, à une rémunération équitable, et à une protection et une action sociales aux règles adaptées pour tenir pleinement compte des spécificités des métiers et des contraintes des femmes chefs d’exploitations et salariées agricoles, notamment par la prise en compte de leurs parcours professionnels pour améliorer le calcul des droits à retraite ;
« 16° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses en prenant en compte l’approche “une seule santé” ;
« 17° D’assurer le maintien de l’élevage et de l’agropastoralisme en France et de lutter contre la décapitalisation, par un plan stratégique dédié, déterminant notamment les objectifs de production, en assurant l’approvisionnement en protéines animales des Français et en maintenant l’ensemble des fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales de l’élevage, ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales ;
« 18° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes par un plan stratégique dédié ;
« 19° De favoriser l’acquisition pendant l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation et de l’agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires ;
« 20° De promouvoir l’information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;
« 21° De veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l’objectif d’amélioration du potentiel productif agricole.
« La politique d’aménagement rural définie à l’article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;
b et c) (Supprimés)
d) À la première phrase des V et VI et au VII, les mots : « l’agriculture et de l’alimentation » sont remplacés par les mots : « la souveraineté alimentaire ».
II. – (Supprimé)
III (nouveau). – Le code rural et de la pêche maritime est complété par un article L. 611-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-1-1. – Des “Conférences de la souveraineté alimentaire”, réunissant les représentants des filières siégeant dans les conseils spécialisés mentionnés à l’article L. 621-5 et des organisations interprofessionnelles reconnues mentionnées à l’article L. 632-1, sont organisées en 2026 sous l’égide de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) mentionné à l’article L. 621-1.
« L’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer accompagne les interprofessions et les filières afin qu’elles définissent une stratégie assortie d’objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l’amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation, ou tout du moins d’assurer sa non-régression.
« Ces travaux font l’objet d’une synthèse présentée lors d’une “Conférence nationale de la souveraineté alimentaire”, présidée par le ministre chargé de l’agriculture. Cette synthèse est accessible au public. Elle est actualisée au moins une fois tous les dix ans.
« Chaque année, l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer publie un rapport sur le niveau de réalisation des objectifs figurant dans la synthèse mentionnée au troisième alinéa du présent article. Ce rapport est public et remis au Parlement.
« Chaque stratégie par filière fait l’objet d’un rapport à mi-parcours. Ce rapport analyse les éventuelles raisons de l’écart aux objectifs déterminés dans la stratégie de la filière et formule des recommandations. Ces documents sont remis au ministre chargé de l’agriculture. Une synthèse, produite par l’Établissement national de produits de l’agriculture et de la mer, est remise au Parlement. Elle comporte une annexe spécifique relative aux filières des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi que de la Nouvelle-Calédonie.
« Le ministre chargé de l’agriculture peut convoquer une nouvelle “Conférence nationale de la souveraineté alimentaire”, notamment s’il constate des écarts significatifs à la trajectoire dans plusieurs filières. »
Article 1er bis AA
I. – (Supprimé)
II. – Au début du livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime, sont ajoutés des articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 1 A. – (Supprimé)
« Art. L. 1 B. – Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l’agriculture, au sens de l’article L. 1 A, et la pêche s’inspirent du principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
Article 1er bis AB
(Supprimé)
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Article 1er bis B
(Supprimé)
Article 1er bis C
Le deuxième alinéa de l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette restriction ne s’applique pas aux communes insulaires métropolitaines. »
Article 1er bis
À l’article 410-1 du code pénal, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « , notamment agricole, ».
Article 1er ter
(Supprimé)
Article 1er quater
I A. – L’État se donne pour objectif, dès 2025, de porter au sein du Conseil de l’Union européenne une proposition de révision du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n° 1924/2006 et (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n° 608/2004 de la Commission dit « INCO » (Information du consommateur), concourant au renforcement de la souveraineté alimentaire de la France et à l’adaptation au changement climatique ainsi qu’à son atténuation par une information plus complète des consommateurs sur les conséquences de leurs achats.
À cette fin, l’État se donne pour objectif d’élaborer, en concertation avec les parties prenantes économiques et associatives, une proposition globale cohérente visant à renforcer les obligations de transparence qui comprend notamment :
1° Un affichage obligatoire, lisible et clair de l’origine des denrées alimentaires sous la forme d’un symbole graphique en face avant des emballages indiquant le principal pays de provenance, la part des matières premières provenant de l’Union européenne et la part d’origine nationale, ainsi que le pays de transformation finale du produit ;
2° Un affichage lisible et clair des méthodes de production interdites ou restreintes au sein de l’Union européenne en face avant des emballages des denrées alimentaires importées de pays tiers, lorsque de telles méthodes ont été utilisées pour produire lesdites denrées. Ces méthodes s’entendent notamment des pratiques relatives au droit du travail ou au bien-être animal ou du recours aux produits phytosanitaires ;
3° Une mise en avant plus claire et lisible des produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, par un affichage distinct en face avant des emballages des denrées alimentaires et par une restriction de l’usage du terme « label » aux seuls produits bénéficiant du label rouge ;
4° (nouveau) Un renforcement de l’information publique sur la politique de contrôle des risques sanitaires et environnementaux liés aux denrées alimentaires importées de pays tiers, précisant le nombre de contrôles, notamment de contrôles aléatoires, ainsi que les effectifs dédiés à ces contrôles et les suites qui leur sont données.
I et II. – (Supprimés)
Article 1er quinquies
(Supprimé)
TITRE II
FORMER ET METTRE L’INNOVATION AU SERVICE DU RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS ET DES TRANSITIONS EN AGRICULTURE
Chapitre Ier
Objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation
Article 2
I. – Les politiques d’orientation et de formation aux métiers de l’agriculture contribuent à la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles définie au IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime afin d’assurer le renouvellement des générations et la progression du nombre d’actifs dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture. Les politiques publiques de l’éducation, de la recherche, de l’innovation et de l’insertion professionnelle y concourent, en cohérence avec les spécificités des territoires.
Elles visent avant 2030 à :
1° Augmenter de 30 % par rapport à 2022 le nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique qui préparent aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire ;
2° Augmenter de 75 % par rapport à 2017 le nombre de vétérinaires formés en France ;
3° Augmenter de 30 % par rapport à 2017 le nombre d’ingénieurs agronomes formés.
Au 1er juillet 2027, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d’étape sur la réalisation des objectifs figurant aux 1° à 3°. Il précise la stratégie mise en œuvre pour atteindre les objectifs en 2030 et les éventuelles mesures correctives mises en place s’il est constaté que la trajectoire d’augmentation est manifestement en deçà des objectifs.
II. – À ces fins, l’État, les régions et les autres collectivités territoriales intéressées conduisent des politiques publiques appropriées et adaptées à chaque territoire pour permettre, à l’horizon 2030 :
1° D’accroître significativement le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire et aux métiers de la formation et du conseil qui accompagnent les actifs dans ces secteurs, y compris les personnes en situation de handicap dans le cadre de leurs différents parcours de scolarisation ;
1° bis De poursuivre l’accroissement du nombre de femmes dans les formations qui préparent aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire ;
2° D’augmenter significativement le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, en accroissant leurs compétences entrepreneuriales et de gestion d’entreprise, de management, de numérique, ainsi qu’en renforçant leur socle de connaissances dans les domaines des techniques agronomiques, zootechniques, relatives aux transitions climatique et environnementale et à l’agriculture biologique ;
3° D’accroître significativement le nombre des actifs de ces secteurs bénéficiant d’une formation tout au long de la vie, et particulièrement des agricultrices, afin notamment d’améliorer leurs compétences en particulier dans les domaines mentionnés au 2° ;
4° D’amplifier l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances dans les champs thématiques stratégiques qui concourent à la préservation de la souveraineté alimentaire et à l’identification de solutions techniques et scientifiques relatives aux transitions climatique et environnementale, en réponse aux besoins des agriculteurs, en lien avec les diagnostics modulaires, les filières et les instituts techniques, et d’en accélérer le transfert vers les structures de formation et de conseil, en particulier dans la perspective des projets d’installation ou de développement des exploitations agricoles ;
5° De développer des collaborations entre la recherche publique et les entreprises, orientées vers les besoins mentionnés au 4° ;
6° De renforcer la promotion et l’accès à la validation des acquis de l’expérience dans les secteurs agricole et agroalimentaire, en vue d’accroître significativement le nombre d’actifs bénéficiant de ce service public pour obtenir tout ou partie d’un diplôme, en reconnaissant leurs acquis professionnels et leur expérience, pour faire valoir leur ancienneté en cas de reconversion, en portant une attention particulière aux agricultrices arrivant au terme des cinq années du statut de conjoint collaborateur défini à l’article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime ;
7° De sécuriser ou, en fonction de l’évolution du nombre d’apprenants, d’accroître, les moyens financiers et d’investissement des établissements mentionnés aux articles L. 811-8, L. 813-8 et L. 813-9 du même code.
Les politiques publiques conduites par l’État, les régions et les autres collectivités territoriales intéressées s’appuient sur un schéma de communication pluriannuel axé sur la valorisation de l’enseignement agricole et le renforcement des effectifs d’élèves et d’apprentis.
III. – L’État et les régions établissent un programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, des métiers de vétérinaire et d’assistant vétérinaire et des autres métiers du vivant, en associant les établissements d’enseignement technique agricole publics et privés et les professionnels concernés. Les autres collectivités territoriales intéressées ainsi que les établissements d’enseignement supérieur agricole publics et privés peuvent y participer à leur demande. Ce programme vise à rendre ces métiers plus attractifs. Il poursuit également l’objectif d’accueillir davantage de femmes dans les différentes voies de formation à ces métiers, notamment l’apprentissage.
Le programme national comporte :
1° Pour tous les élèves des écoles élémentaires, des actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation aux enjeux de la souveraineté alimentaire et du changement climatique. Dès l’école primaire, des actions d’information et de découverte de l’agriculture et des modes de production agricole permettent de sensibiliser les élèves à la réalité du monde agricole et de leur transmettre des connaissances et des savoirs relatifs à la nature, à la culture, à une nutrition saine et à la nécessité de protéger la souveraineté alimentaire et agricole ;
2° Pour tous les élèves de collège et de seconde, des actions d’information sur les métiers du vivant et les formations qui y préparent ainsi que, pour les élèves intéressés, des stages de découverte de ces métiers ;
2° bis Pour les maîtres de stage et d’apprentissage, des actions de sensibilisation à l’embauche de femmes ;
3° Un volet de promotion des métiers du vivant et des formations qui y préparent, spécifiquement ceux en manque de main-d’œuvre, et, le cas échéant et sur une base expérimentale, s’appuyant sur le service public audiovisuel et les réseaux sociaux.
À compter du 1er septembre 2025, un dispositif de communication est mis en place en vue d’informer l’ensemble des professionnels de l’enseignement et de l’éducation travaillant dans les établissements élémentaires et secondaires, du secteur public comme du secteur privé, et de les sensibiliser aux formations ainsi qu’aux métiers du vivant, de l’agriculture, de l’élevage, de l’apiculture, de l’aquaculture et de la viticulture, de la forêt, des services et de l’animation du territoire pouvant être proposés par les établissements d’enseignement technique agricole et par les établissements de formation secondaire, d’enseignement supérieur court et d’enseignement supérieur long.
L’État et les régions mettent en œuvre un programme national triennal de formation accélérée pour l’acquisition de compétences en matière d’agronomie, de zootechnie et de solutions techniques et scientifiques innovantes relatives aux transitions climatique et environnementale à destination des professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration travaillant dans le secteur de l’agriculture.
En matière de recherche, d’innovation et de transfert, l’État soutient la mise en œuvre de plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté, dans le cadre des missions du développement agricole défini à l’article L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime, et d’expérimentations ayant pour objectif d’élaborer des solutions innovantes, y compris par la reconception des systèmes de production, et d’accompagner la diffusion de ces solutions à l’échelle des filières et des territoires. Il s’appuie notamment sur les travaux scientifiques menés par les établissements publics placés sous sa tutelle comme l’Office français de la biodiversité, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ou l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
Afin d’assurer la déclinaison à l’échelon départemental des dispositions du présent article qui impliquent une mobilisation des établissements d’enseignement technique agricole publics et privés liés à l’État par un contrat, l’État prend les mesures permettant de désigner, pour chaque département, un représentant de ces établissements qui doit être issu du secteur public. Ce représentant assure les liens nécessaires avec les partenaires concernés à l’échelon départemental, en particulier les services de l’éducation nationale et les collectivités territoriales.
Article 2 bis AA
Après le 3° du II de l’article L. 120-1 du code du service national, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Un volontariat agricole d’une durée de six mois maximum, ouvert aux personnes âgées de dix-huit à trente-cinq ans, auprès des organisations professionnelles agricoles, des collectivités territoriales, des acteurs du développement agricole et rural mentionnés à l’article L. 820-2 du code rural et de la pêche maritime, et des entreprises mentionnées à l’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, agréées dans les conditions prévues à la section 6 du chapitre II du présent titre. Le volontariat agricole comprend des activités relatives au lien entre agriculture et territoire, un temps d’immersion dans une ou plusieurs exploitations agricoles et un temps de découverte ou de formation dans un ou plusieurs établissements d’enseignement agricole, dans les conditions déterminées par l’organisme d’accueil du volontaire. »
Articles 2 bis A et 2 ter
(Supprimés)
Chapitre II
Mesures en faveur de l’orientation, de la formation, de la recherche et de l’innovation
Article 3
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° A Après l’article L. 810-2, il est inséré un article L. 810-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 810-3. – Dans chaque département, un délégué de l’enseignement agricole est nommé par décret du ministre chargé de l’agriculture afin de renforcer la coopération avec les services départementaux de l’éducation nationale.
« En association avec les établissements mentionnés au présent titre Ier, il participe à la promotion des métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires auprès des établissements d’enseignement scolaire, des conseillers d’orientation-psychologues et des centres mentionnés à l’article L. 313-4 du code de l’éducation. » ;
1° L’article L. 811-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 811-1. – L’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la nature et des territoires constituent une composante du service public de l’éducation. Ils relèvent du ministre chargé de l’agriculture.
« Ils sont dispensés dans le respect des principes généraux de l’éducation mentionnés au livre Ier du code de l’éducation.
« Ils ont pour objet d’assurer, en associant les professionnels concernés, une formation générale et une formation technologique et professionnelle aux métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la nature, de l’aquaculture, du paysage ainsi que de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et à d’autres métiers dans les domaines des services, du développement et de l’animation des territoires ainsi que de la gestion de l’eau et de l’environnement.
« Ils répondent aux enjeux de souveraineté alimentaire, de renouvellement des générations d’actifs en agriculture, de développement, de structuration et de compétitivité des filières de production et de transformation agricole alliant performance économique, sociale, sanitaire et environnementale, de promotion de la diversité des systèmes de production agricole, de recherche de solutions techniques et scientifiques en matière de transitions climatique et environnementale et de sensibilisation au bien-être animal. Ils veillent à la transmission de connaissances et de compétences éprouvées, anciennes ou innovantes, relatives à l’ensemble des filières agricoles françaises. Ils contribuent à sensibiliser la population dans ces domaines et à faire découvrir aux enfants l’agriculture et l’alimentation saine et diversifiée.
« Les établissements dispensant cet enseignement et cette formation professionnelle remplissent les missions suivantes :
« 1° Ils assurent une formation générale, technologique et professionnelle, initiale et continue ;
« 2° Ils contribuent à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l’insertion sociale et professionnelle des adultes, en participant à leur orientation ;
« 3° Ils contribuent au développement, à l’expérimentation et à l’innovation agricoles et agroalimentaires ;
« 4° Ils contribuent à l’animation et au développement des territoires ;
« 5° Ils participent à des actions de coopération internationale, en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, d’apprentis, d’étudiants, de stagiaires et de personnels ;
« 6° Ils mettent en œuvre toute action visant à répondre durablement aux besoins d’emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurent le développement des connaissances et des compétences en matière de transitions climatique et environnementale.
« Les régions sont associées à la mise en œuvre de l’ensemble de ces missions. » ;
1° bis Après le mot : « entreprises », la fin du premier alinéa de l’article L. 811-5 est ainsi rédigée : « dans les domaines des métiers mentionnés à l’article L. 811-1. » ;
1° ter Le 3° du I de l’article L. 811-8 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « agricoles », sont insérés les mots : « qui constituent des centres à vocation pédagogique, » ;
b) Après les mots : « à l’expérimentation », sont insérés les mots : « , au développement » ;
1° quater Après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il propose, en lien avec les partenaires du territoire, des dispositifs permettant à des porteurs de projet d’installation en agriculture de disposer d’un cadre et d’un accompagnement pour le test d’activité en agriculture. » ;
1° quinquies Après ledit 3°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les exploitations agricoles mentionnées au 3° peuvent bénéficier des aides de toute nature, ainsi que des avantages prévus par le code général des impôts, le code de la sécurité sociale et le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dont bénéficient les entreprises agricoles.
« Les ateliers technologiques mentionnés au 3° du présent article peuvent bénéficier des aides de toute nature, ainsi que des avantages prévus par le code général des impôts, le code de la sécurité sociale et le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dont bénéficient les entreprises. » ;
2° L’article L. 813-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 813-1. – Les établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles privés dont l’association ou l’organisme responsable a passé un contrat avec l’État participent au service public de l’éducation et, à ce titre, contribuent à atteindre les objectifs définis aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 811-1 ainsi qu’à assurer les missions mentionnées aux 1° à 6° du même article L. 811-1, sans que la mise en œuvre de la formation professionnelle continue ou par l’apprentissage relève de ce contrat. Ils relèvent du ministre chargé de l’agriculture.
« Les établissements peuvent disposer d’un ou de plusieurs ateliers technologiques ou d’une ou de plusieurs exploitations agricoles ou aquacoles qui constituent des centres à vocation pédagogique, qui assurent l’adaptation et la formation aux pratiques professionnelles et qui contribuent à la démonstration, à l’expérimentation, au développement et à la diffusion des techniques nouvelles, en cohérence avec les orientations des politiques publiques pour l’agriculture.
« Les articles L. 111-1, L. 111-2, L. 111-3, L. 111-6, L. 112-1, L. 112-2, L. 121-1 à L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 122-1-1 à L. 122-5, L. 131-1 et L. 131-1-1 du code de l’éducation leur sont applicables. » ;
2° bis Avant le dernier alinéa de l’article L. 813-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels enseignants et de documentation mentionnés au deuxième alinéa du présent article bénéficient des dispositions applicables aux personnels mentionnés à l’article L. 811-4 en matière de rupture conventionnelle. » ;
3° La cinquième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 843-2 est ainsi rédigée :
« |
L. 811-1 |
Résultant de la loi n° … du … d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture |
» |
Article 3 bis A
I. – Le livre VIII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 812-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des enseignants-chercheurs, enseignants et usagers » sont remplacés par les mots : « des enseignants-chercheurs et enseignants » ;
b) Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La récusation d’un membre d’une section disciplinaire peut être prononcée s’il existe une raison objective de mettre en doute son impartialité. L’examen des poursuites peut être attribué à la section disciplinaire d’un autre établissement s’il existe une raison objective de mettre en doute l’impartialité de la section. La demande de récusation ou de renvoi à une autre section disciplinaire peut être formée par la personne poursuivie, par le directeur de l’établissement ou par le ministre chargé de l’agriculture.
« En cas de renvoi des poursuites devant la section disciplinaire d’un autre établissement, l’établissement d’origine prend en charge, s’il y a lieu, les frais de transport et d’hébergement des témoins convoqués par le président de la section disciplinaire, dans les conditions prévues pour les déplacements temporaires des personnels civils de l’État.
« Un décret en Conseil d’État précise la composition, les modalités de désignation des membres et le fonctionnement de la section disciplinaire. Il fixe les conditions selon lesquelles le conseil d’administration complète la composition de la section disciplinaire lorsque le nombre de représentants élus des enseignants-chercheurs et enseignants ne permet pas la constitution des différentes formations de jugement et désigne le membre de chacun des corps ou catégories de personnels non titulaires qui ne sont pas représentés au sein de la section disciplinaire. Il détermine également les conditions dans lesquelles la récusation d’un membre d’une section disciplinaire ou l’attribution de l’examen des poursuites à la section disciplinaire d’un autre établissement sont décidées. Certaines sections peuvent être communes à plusieurs établissements. » ;
2° La section 1 du chapitre II est complétée par un article L. 812-7 ainsi rétabli :
« Art. L. 812-7. – Le ministre chargé de l’agriculture peut prononcer la suspension d’un membre du personnel de l’enseignement supérieur agricole public pour une durée qui n’excède pas un an, sans privation de traitement. » ;
3° L’article L. 814-4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « , enseignants et usagers de ces établissements » sont remplacés par les mots : « et enseignants de ces établissements » ;
b) Les quatrième à dernier alinéas sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire statuant en matière disciplinaire est présidé par un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État.
« Hormis son président, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire statuant en matière disciplinaire ne comprend que des enseignants-chercheurs et des enseignants d’un rang égal ou supérieur à celui de la personne faisant l’objet d’une procédure disciplinaire devant lui.
« Le président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire statuant en matière disciplinaire désigne pour chaque affaire les membres appelés à former une commission d’instruction. La fonction de rapporteur de cette commission peut être confiée par le président à un magistrat des juridictions administratives ou financières extérieur à la formation disciplinaire.
« Le rapporteur de la commission d’instruction n’a pas voix délibérative au sein de la formation de jugement.
« La récusation d’un membre du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire peut être prononcée s’il existe une raison objective de mettre en doute son impartialité. La demande de récusation est formée par la personne poursuivie, par le directeur de l’établissement, par le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt ou par le ministre chargé de l’agriculture.
« La composition, les modalités de désignation et de récusation des membres du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire statuant en matière disciplinaire et son fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d’État. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
Les articles L. 812-5 et L. 814-4 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure au présent article, demeurent applicables :
1° Aux procédures en cours à cette date devant le conseil d’administration de l’établissement constitué en section disciplinaire ;
2° Aux appels formés devant le Conseil national de l’enseignement supérieur agricole, agroalimentaire et vétérinaire contre les décisions prises avant cette date par le conseil d’administration de l’établissement constitué en section disciplinaire.
La validité des dispositions réglementaires relatives à la procédure devant le conseil d’administration de l’établissement constitué en section disciplinaire et à sa composition, ainsi que celles relatives à la procédure devant le Conseil national de l’enseignement supérieur agricole, agroalimentaire et vétérinaire et à sa composition, est maintenue pour l’application du présent article.
Article 3 bis
L’article L. 800-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « l’agro-écologie » sont remplacés par les mots : « les outils scientifiques et techniques utiles aux transitions climatique et environnementale » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de l’agro-écologie » sont remplacés par les mots : « d’outils scientifiques et techniques utiles aux transitions climatique et environnementale ».
Article 3 ter
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 718-2-2 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « des centres de formation professionnelle et de promotion agricoles créés par le ministère de l’agriculture dans des conditions fixées par décret, » sont remplacés par les mots : « les centres de formation mentionnés aux 2° et 2° bis du I de l’article L. 811-8 » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « centres de formation professionnelle et de promotion agricoles publics » sont remplacés par les mots : « centres de formation publics mentionnés aux 2° et 2° bis du I de l’article L. 811-8 » ;
2° Le I de l’article L. 811-8 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « et de promotion agricoles » sont remplacés par le mot : « continue » ;
b) Après le même 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Un ou plusieurs centres de formation professionnelle continue et d’apprentissage qui dispensent les formations mentionnées au présent chapitre ; »
c) Au sixième alinéa, la référence : « 2° » est remplacée par les références : « 2°, 2° bis » ;
d) Au septième alinéa, les mots : « professionnelle et de promotion agricoles ou dans les centres de formation d’apprentis mentionnés au 2° » sont remplacés par les mots : « mentionnés aux 2° et 2° bis ».
Article 3 quater
Le premier alinéa de l’article L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase, les mots : « détenir les titres et présenter les qualifications comparables à ceux requis dans l’enseignement agricole public » sont remplacés par les mots : « justifier des qualifications et de l’expérience professionnelle prévues par voie réglementaire » ;
2° La deuxième phrase est supprimée.
Article 4
I. – Le I de l’article L. 214-13 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’enseignement agricole, une analyse des besoins de consolidation ou d’ouverture de sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire dans l’enseignement agricole est réalisée avant l’adoption du contrat de plan régional. Si cette analyse révèle l’existence de tels besoins, le contrat de plan régional fixe des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du vivant. »
II. – Le livre VIII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 811-8, il est inséré un article L. 811-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 811-8-1. – Lorsque le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles prévu à l’article L. 214-12 du code de l’éducation fixe des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans les conditions prévues au dernier alinéa du I de l’article L. 214-13 du même code, soit en prévoyant d’augmenter le nombre d’élèves accueillis dans une section, soit en prévoyant d’ouvrir de nouvelles sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire, un contrat territorial est conclu pour chaque établissement concerné, dans le respect des conventions prévues au IV du même article L. 214-13, entre l’établissement, l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’enseignement technique agricole et en matière d’enseignement général, la région et les représentants locaux des branches professionnelles. Les autres collectivités territoriales intéressées peuvent y participer à leur demande.
« Ce contrat définit un plan d’action pluriannuel et prévoit les engagements des différentes parties. Dans ce cadre, l’État pourvoit aux emplois de personnels d’enseignement et de documentation. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 811-9, le mot : « précédent » est remplacé par la référence : « L. 811-8 » ;
3° Après l’article L. 813-3, il est inséré un article L. 813-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 813-3-1. – Lorsque le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles prévu à l’article L. 214-12 du code de l’éducation fixe des objectifs d’accroissement du nombre de personnes formées dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans les conditions prévues au dernier alinéa du I de l’article L. 214-13 du même code, soit en prévoyant d’augmenter le nombre d’élèves accueillis dans une section, soit en prévoyant d’ouvrir de nouvelles sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire, un contrat territorial peut être conclu, dans le respect des conventions prévues au IV du même article L. 214-13, entre un établissement concerné mentionné à l’article L. 813-1 du présent code, l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’enseignement technique agricole et en matière d’enseignement général et les représentants locaux des branches professionnelles ainsi, le cas échéant, que la région. Les autres collectivités territoriales intéressées peuvent y participer à leur demande.
« Ce contrat définit un plan d’action pluriannuel et prévoit le rôle des différentes parties ainsi que les engagements de l’État en termes de moyens. »
Article 5
Le titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° A L’article L. 812-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 812-4. – Les établissements publics d’enseignement supérieur agricole peuvent passer des conventions de coopération avec des établissements d’enseignement supérieur privés relevant du ministre chargé de l’agriculture mentionnés à l’article L. 813-10, en vue de la formation initiale et continue d’ingénieurs, de paysagistes, de vétérinaires ou de cadres dans les conditions prévues à l’article L. 812-12. » ;
1° La section 3 du chapitre II est complétée par un article L. 812-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 812-12. – Les établissements publics d’enseignement supérieur agricole et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel peuvent être accrédités, conjointement avec un ou plusieurs établissements mentionnés aux articles L. 811-8, L. 813-8 ou L. 813-9 assurant une formation de technicien supérieur agricole, pour dispenser des formations de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie, reconnu comme une licence en sciences et techniques de l’agronomie du système licence-master-doctorat, et ayant un objectif d’insertion professionnelle dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Ce diplôme est dénommé “Bachelor Agro”.
« Le diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie, par son adossement à la recherche et ses interactions avec les acteurs professionnels, apporte les compétences notamment en matière de management, d’entrepreneuriat agricole ou de conduite des productions et des transitions de l’agriculture ou de la forêt dans un contexte de changement climatique, de génie de la robotique et du numérique agricoles, de génie de la bioéconomie, de la décarbonation et de l’énergétique agricoles ou de génie de l’eau en agriculture.
« Par dérogation à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 812-1, l’accréditation est délivrée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, sur avis conforme du ministre chargé de l’enseignement supérieur pour l’accréditation des établissements relevant de ce dernier. Le ministre chargé de l’agriculture veille à ce que le maillage territorial des établissements dispensant des formations de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie apporte une réponse de proximité aux besoins en matière de formation. » ;
2° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 813-2, les mots : « la dernière année de formation de techniciens supérieurs » sont remplacés par les mots : « l’enseignement supérieur inclus » ;
3° La section 2 du chapitre III est complétée par un article L. 813-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 813-12. – Les établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif relevant de l’article L. 813-10 et reconnus d’intérêt général en application de l’article L. 732-1 du code de l’éducation peuvent être accrédités par le ministre chargé de l’agriculture, conjointement avec un ou plusieurs établissements mentionnés aux articles L. 811-8, L. 813-8 ou L. 813-9 du présent code assurant une formation de technicien supérieur agricole, pour dispenser des formations de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie, reconnu comme une licence en sciences et techniques de l’agronomie du système licence-master-doctorat, et ayant un objectif d’insertion professionnelle dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, défini à l’article L. 812-12, sous réserve de la validation des conditions et des modalités de contrôle des connaissances et des aptitudes des étudiants, des apprentis ou des stagiaires par le ministre chargé de l’agriculture, qui délivre le diplôme.
« Les établissements d’enseignement supérieur privés mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent également dispenser le diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie, dans le cadre d’une convention de coopération conclue en application de l’article L. 812-4 avec un établissement public d’enseignement supérieur agricole accrédité et habilité dans les conditions prévues à l’article L. 812-12. Cette convention prévoit les modalités de contrôle des connaissances et des aptitudes nécessaires à l’obtention de ce diplôme national par les étudiants, les apprentis ou les stagiaires. »
Article 5 bis
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 814-3 est ainsi modifié :
a) Les troisième et dernière phrases du premier alinéa sont ainsi rédigées : « Il est également consulté sur les missions confiées aux établissements d’enseignement supérieur privés relevant du ministre de l’agriculture mentionnés à l’article L. 813-10. La composition, les attributions et les modalités de désignation des représentants des personnels, étudiants et apprentis des établissements publics et des établissements privés ainsi que les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il formule toute proposition sur les questions d’intérêt national dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire. Il peut être saisi de toute question par le ministre chargé de l’agriculture. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 814-4, les mots : « relevant du ministre chargé de l’agriculture » sont remplacés par les mots : « agricole publics ».
Article 6
Le livre VIII du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 820-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il accompagne le déploiement d’outils scientifiques et techniques utiles aux transitions climatique et environnementale et vise au renforcement de la souveraineté alimentaire. » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces actions de développement peuvent être regroupées dans des plans prioritaires pluriannuels de transitions climatique et environnementale et de souveraineté agricole et agroalimentaire. Ces plans sont élaborés de manière collective en vue de proposer des solutions innovantes à des problèmes identifiés et besoins exprimés notamment par les filières agricoles, y compris par la transformation des systèmes de production, et d’en accompagner le déploiement à l’échelle de ces filières et des territoires. » ;
2° L’article L. 820-2 est ainsi modifié :
a) La deuxième occurrence du mot : « agricole » est remplacée par les mots : « supérieur agricole publics et privés, les établissements d’enseignement technique agricole publics et privés » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements d’enseignement technique agricole publics et privés bénéficient, pour l’exécution de leurs missions, de l’appui des autres organismes mentionnés au premier alinéa du présent article, dans des conditions définies par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture labellisant les catégories d’experts scientifiques et professionnels habilitées à y intervenir. Le conseil d’administration de ces établissements est régulièrement tenu informé de ces interventions. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 830-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle apporte un appui à l’enseignement technique agricole public et privé. »
Article 7
Le titre IV du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 242-3-1 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Une commission des actes vétérinaires réalisés dans les conditions fixées aux 14° et 15° de l’article L. 243-3 est constituée au sein du conseil national de l’ordre des vétérinaires. Elle est notamment consultée sur les demandes d’habilitation des centres de formation. Ses conditions d’organisation et de fonctionnement sont fixées par voie réglementaire. » ;
2° L’article L. 243-3 est complété par des 14° et 15° ainsi rédigés :
« 14° Les personnes, inscrites sur une liste tenue par l’ordre des vétérinaires, qui sont salariées d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer ou employées par une école vétérinaire française et qui pratiquent dans un établissement vétérinaire, sous la responsabilité d’au moins un vétérinaire présent dans cet établissement, les actes figurant sur une liste définie par arrêté du ministre chargé de l’agriculture et pour lesquels elles justifient de compétences certifiées par le conseil national de l’ordre des vétérinaires. Cette certification est délivrée aux personnes qui ont suivi une formation adaptée dans une école vétérinaire ou dans un centre de formation habilité par le ministre chargé de l’agriculture, sur proposition de la commission mentionnée au III de l’article L. 242-3-1, ainsi qu’aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles. Les modalités d’application du présent 14° sont définies par décret en Conseil d’État. Ce décret distingue au moins deux niveaux de délégation associés à des niveaux de formation distincts ;
« 15° Les élèves régulièrement inscrits dans des écoles vétérinaires qui ne remplissent pas les conditions prévues à l’article L. 241-6 pour être assistant vétérinaire mais qui ont atteint un niveau d’études défini par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, qui sont salariés d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer et qui pratiquent dans un établissement vétérinaire, dans le respect de l’obligation d’assiduité scolaire et sous la responsabilité d’au moins un vétérinaire présent dans l’établissement, les actes figurant sur une liste définie par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. » ;
3° Le chapitre III est complété par un article L. 243-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 243-5. – Tout établissement préparant aux épreuves d’évaluation des compétences prévues au 12° de l’article L. 243-3 est tenu de déclarer cette activité au ministre chargé de l’agriculture et au conseil national de l’ordre des vétérinaires. Pour chaque établissement, le conseil national de l’ordre des vétérinaires tient à jour et publie les indicateurs de réussite des candidats à ces épreuves d’évaluation des compétences.
« Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture définit un référentiel de formation précisant les conditions d’accès aux établissements mentionnés au premier alinéa du présent article, ainsi que les objectifs, la durée, le contenu et l’organisation des formations qu’ils proposent.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 7 bis A
Le chapitre V du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Dispositions particulières relatives aux études vétérinaires
« Art. L. 815-5. – Au cours de la dernière année des études vétérinaires, les écoles vétérinaires organisent une offre de stages comprenant des mises en situation professionnelle de soins aux animaux d’élevage, sous un régime d’autonomie supervisée et sous l’autorité médicale d’un vétérinaire ou d’une société d’exercice vétérinaire inscrit au tableau de l’ordre des vétérinaires, labellisé par une commission associant l’État et notamment des représentants de l’ordre, de la profession et des écoles vétérinaires.
« Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent être associés à l’élaboration de l’offre de stages pour les étudiants se destinant à la profession de vétérinaire et à leur financement dans le cadre des aides mentionnées à l’article L. 1511-9 du code général des collectivités territoriales.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire. »
Article 7 bis
(Supprimé)
TITRE III
FAVORISER L’INSTALLATION DES AGRICULTEURS AINSI QUE LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AGRICULTEUR
Chapitre Ier
Orientations programmatiques en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
Article 8
I A. – Le IV de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« IV. – La politique d’installation et de transmission en agriculture a pour objectif de contribuer à la souveraineté alimentaire définie à l’article L. 1 A et aux transitions climatique et environnementale en agriculture, en favorisant le renouvellement des générations d’actifs en agriculture. Elle se traduit par les actions ayant pour finalités :
« 1° De communiquer sur l’enjeu stratégique du renouvellement des générations en agriculture, de faire connaître les métiers de ce secteur et de susciter des vocations agricoles, notamment auprès du public scolaire et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d’emploi ;
« 2° De former à la diversité des métiers de l’agriculture, de la forêt et de l’aquaculture tant comme chef d’exploitation que comme salarié agricole, aux métiers de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles ainsi qu’aux métiers qui leur sont liés ;
« 3° De proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés, pluralistes et coordonnés à l’ensemble des personnes projetant de cesser leur activité et des personnes ayant un projet d’installation, issues ou non du milieu agricole, via le réseau France services agriculture, et de les mettre en relation en vue de la reprise d’exploitations agricoles, y compris via le dispositif de l’“aide relais” ;
« 4° D’encourager les formes d’installation collective et les formes d’installation progressive, notamment dans le cadre d’un essai d’association, permettant de se préparer in situ aux responsabilités de chef d’exploitation et de favoriser l’individualisation des parcours professionnels ;
« 5° D’inciter à la reprise d’exploitations et de permettre un accès équitable aux biens fonciers agricoles par la transparence du marché foncier, une fiscalité adaptée, des prêts garantis, des outils de portage et des “garanties fermage” ;
« 6° De maintenir l’investissement dans les exploitations des personnes projetant de cesser leur activité et de fournir aux personnes ayant un projet d’installation des informations claires et objectives sur l’état des exploitations transmises, notamment via un “diagnostic modulaire de l’exploitation agricole” ;
« 7° D’orienter en priorité l’installation en agriculture vers des systèmes de production diversifiés, contribuant à la souveraineté alimentaire, économiquement viables, vivables pour les agriculteurs et résilients face aux conséquences du changement climatique ;
« 8° De maintenir un nombre d’exploitants agricoles suffisant sur l’ensemble du territoire pour répondre aux enjeux d’aménagement du territoire, d’accessibilité, d’entretien des paysages, de biodiversité et de gestion foncière, notamment en facilitant l’accès des femmes au statut de chef d’exploitation.
« La mise en œuvre de cette politique d’aide à l’installation et à la transmission s’appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l’État, les régions et les autres partenaires concernés. »
I. – Afin de répondre aux enjeux de la souveraineté alimentaire et des transitions climatique et environnementale dans l’agriculture et d’assurer le renouvellement des générations d’actifs, les politiques publiques mises en œuvre de 2025 à 2035 favorisent la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles et le développement des pratiques concourant à ces transitions, dont l’agriculture biologique, tout en prenant en compte les attentes sociales et professionnelles des personnes qui souhaitent s’engager dans les métiers de l’agriculture et de l’alimentation et la diversité des profils concernés.
La France se fixe comme objectif de compter au moins 400 000 exploitations agricoles et 500 000 exploitants agricoles au terme de la période de programmation mentionnée au premier alinéa du présent I. Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles, dans leurs déclinaisons territoriales et de filières, s’inscrivent en cohérence avec cet objectif. Celui-ci fait l’objet d’une déclinaison spécifique pour chacune des collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, en prenant en considération les tendances, les dynamiques et les géographies propres à chacune.
Pour atteindre cette cible, l’État se donne comme objectif de contrôler les phénomènes d’agrandissement par la régulation de l’ensemble des marchés fonciers afin de permettre le renouvellement des générations en agriculture. La réalisation de cet objectif suppose de préserver les terres agricoles, de rendre le foncier accessible aux candidats à l’installation et de faciliter la transmission des exploitations agricoles. À cette fin, une réforme de l’ensemble des instruments juridiques et financiers doit permettre à la politique foncière de s’adapter aux enjeux contemporains.
Les politiques mentionnées au présent I ont pour objectif d’assurer la présence sur l’ensemble du territoire national d’un nombre suffisant d’exploitants et d’emplois agricoles pour permettre de consolider, de renforcer et d’adapter aux nouvelles conditions climatiques la capacité de production agricole et alimentaire de la France. Elles sont mises en œuvre dans le respect de l’objectif inscrit au 3° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.
À cet effet, l’État propose un accueil et une orientation ainsi qu’un accompagnement personnalisé, coordonné et pluraliste aux personnes qui souhaitent s’engager dans une activité agricole ou qui projettent de cesser leur activité et de transmettre leur exploitation, en mobilisant le réseau France services agriculture mentionné à l’article L. 330-4 du code rural et de la pêche maritime. La gouvernance et la mise en œuvre du dispositif associent l’État et les régions.
II. – Afin de favoriser l’installation de nouveaux exploitants agricoles et l’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique, l’État se donne comme objectif, aux côtés des collectivités territoriales volontaires, d’accroître progressivement la mobilisation de fonds publics et de fonds publics associés à des fonds privés au soutien du portage des biens fonciers agricoles, d’une part, et des investissements nécessaires aux transitions climatique et environnementale, d’autre part, en s’appuyant sur les banques publiques du groupe Caisse des dépôts et consignations mentionné à l’article L. 518-2 du code monétaire et financier.
III. – Afin de garantir le renouvellement des générations d’exploitants agricoles et de pérenniser le modèle d’exploitation familiale, l’État se donne comme objectif de mener, en vue de son application dès 2025, une réforme de la fiscalité applicable à l’installation d’exploitants et à la transmission des biens agricoles, notamment des biens fonciers agricoles. Il veille notamment à subordonner les régimes spéciaux et d’exonération à des engagements de conservation des biens transmis pour une longue durée. Cette réforme des dispositifs fiscaux vise également à rendre attractives, pour les propriétaires de parcelles attenantes à des bâtiments d’exploitation, la vente ou la location aux exploitants agricoles acheteurs ou preneurs desdites parcelles.
III bis. – Afin de garantir le renouvellement des générations d’exploitants agricoles et de pérenniser le modèle d’exploitation familiale, l’État se donne comme objectif d’assurer, en vue de son application dès 2025, la transparence des cessions d’usufruit ou de nue-propriété. Il veille notamment à ce que les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural soient informées de la durée et du sort de l’usufruit, notamment de sa destination et de son mode d’exploitation, des pouvoirs des titulaires des droits, de l’intérêt ou de la réalité économique de l’opération ainsi que de la méthode de valorisation retenue et de la ventilation du prix ou de la valeur effectuée pour chacun des droits démembrés. L’État veille également à ce que les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural puissent demander au tribunal judiciaire d’annuler une cession de droits démembrés si elles estiment, au vu notamment du montage juridique, de la valeur des droits et de la réalité économique de l’opération, que cette cession aurait dû leur être notifiée en tant que cession en pleine propriété.
III ter. – Afin de favoriser l’installation des femmes en agriculture, l’État se donne comme objectif de bâtir une stratégie pour lever les obstacles multifactoriels que rencontrent les femmes ayant un projet d’installation. L’État et les régions visent à faciliter l’accès des femmes aux aides à l’installation. Le réseau mentionné au dernier alinéa du I du présent article porte une attention particulière à l’accueil, à l’orientation et à l’accompagnement des femmes vers les métiers de l’agriculture.
IV. – Afin de prendre en compte les attentes sociales et professionnelles des personnes ayant un projet d’installation, l’État se donne comme objectif de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement permettant d’assurer la continuité du fonctionnement des exploitations agricoles lorsque les exploitants s’en absentent, notamment pour des motifs professionnels liés à la formation ou à l’activité syndicale ou pour des raisons personnelles, familiales, dont la garde d’enfant malade, ou de santé. Une attention particulière est apportée à l’information et à la promotion des droits au service de remplacement des personnes bénéficiant du congé de maternité et à l’accès au service de remplacement pour la prévention de l’épuisement professionnel, la formation et en cas d’arrêt maladie, en particulier pour les exploitants en situation de fragilité économique.
IV bis. – Afin d’assurer la continuité opérationnelle de l’exploitation en cas de départ précipité de l’exploitant, l’État se donne comme objectif d’accompagner financièrement les services de remplacement dans les missions urgentes de soutien et de maintien des exploitations agricoles en difficulté.
V. – Afin de garantir la souveraineté alimentaire française, l’État se donne comme objectif de bâtir une stratégie de lutte contre la concentration excessive des terres et leur accaparement, notamment lorsque ceux-ci résultent d’investissements étrangers en France.
VI. – Afin de prendre en compte l’évolution des attentes sociales et professionnelles de toutes les personnes travaillant en agriculture, aussi bien les salariés que les agriculteurs, l’État se donne comme objectif de bâtir un plan d’accompagnement au développement des groupements d’employeurs agricoles et ruraux à vocation de temps partagé, afin de favoriser l’intégration de nouveaux profils de salariés dans les métiers de l’agriculture et de contribuer à améliorer les conditions de travail et la qualité de vie des agriculteurs comme des salariés.
Article 8 bis A
L’État se donne pour objectif de mettre en place, dès 2026, une aide au passage de relais pouvant être allouée aux chefs d’exploitation agricole âgés de cinquante-neuf ans au moins ayant exercé cette activité à titre principal pendant une durée suffisante, s’ils cessent définitivement leur activité agricole et rendent leurs terres et les bâtiments d’exploitation disponibles pour une installation aidée.
Cette aide au passage de relais est servie à l’intéressé jusqu’à l’âge légal de la retraite.
Pendant toute la durée de versement de l’aide au passage de relais, les chefs d’exploitation, leurs aides familiaux et conjoints collaborateurs ont droit, sans contrepartie de cotisations, aux prestations en nature de l’assurance maladie et maternité du régime agricole de protection sociale dont ils relèvent.
La durée pendant laquelle ces personnes ont perçu l’aide au passage de relais est comptée, sans contrepartie de cotisations, comme une période d’assurance pour le calcul des avantages de vieillesse du régime agricole dont elles relèvent.
Cette allocation n’est pas cumulable avec la perception d’un avantage de retraite d’un régime de base.
Article 8 bis
(Supprimé)
Article 9
I. – Au plus tard en 2026, l’État se donne pour objectif, en coordination avec les régions, d’accompagner la création et de promouvoir la mise en œuvre d’un diagnostic modulaire de l’exploitation agricole. Les diagnostics sont destinés à fournir des informations utiles aux exploitants agricoles pour les orienter et les accompagner lors des différentes étapes de leur projet. Ils sont notamment mobilisés lors de la cession d’une exploitation agricole et lors de l’installation d’un nouvel exploitant agricole dans le cadre de l’accompagnement par le réseau France services agriculture. Ils permettent de renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale et le caractère vivable des projets d’installation et de cession d’exploitations agricoles. Ils sont réalisés à la demande des agriculteurs et ne peuvent leur être imposés ni restreindre le bénéfice de certaines aides publiques.
II. – Ces diagnostics sont composés des modules fournissant des informations relatives :
1° Aux débouchés et à la volatilité du marché dans la spécialisation envisagée ainsi qu’au degré de diversification et au potentiel de restructuration ou de réorientation du projet ;
2° À la résilience et à la capacité d’adaptation du projet à l’horizon 2050 au regard d’un « stress test climatique » ;
3° À la disponibilité et à la modernité des agroéquipements et des bâtiments agricoles ainsi qu’à la performance agronomique des sols de l’exploitation et à la stratégie de maîtrise des coûts de production, en particulier en matière de main-d’œuvre, de machines agricoles et d’intrants ;
4° À l’organisation du travail sur et en dehors de l’exploitation et à ses conséquences sur la vie familiale de l’exploitant ainsi qu’à la bonne insertion du projet dans l’écosystème productif et social local ;
5° Aux éventuels besoins de formation de l’exploitant agricole dans la spécialisation choisie ou en matière de compétences de gestion et entrepreneuriales ou s’agissant des outils d’adaptation au changement climatique ;
6° À l’utilisation efficace, économe et durable des ressources et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Un diagnostic comporte au moins deux modules, dont celui fournissant les informations mentionnées au 2° du présent II.
II bis. – Les informations recueillies lors des diagnostics sont utilisées dans le cadre d’un conseil stratégique global destiné à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale ainsi que le caractère vivable du projet agricole.
III. – Les informations sans caractère personnel collectées dans le cadre des diagnostics peuvent, après accord de la personne concernée, être transmises au point d’accueil départemental unique, qui peut les mobiliser à des fins d’orientation et d’accompagnement de toute personne ayant un projet d’installation.
Les données collectées, traitées et stockées dans le cadre du dispositif de diagnostic modulaire ne peuvent faire l’objet d’un usage privé lucratif. L’État veille à limiter leur usage au bénéfice de l’intérêt général et de celui de l’exploitant agricole uniquement.
IV. – L’État élabore un cahier des charges en concertation avec les régions pour concilier les objectifs d’homogénéité et d’adaptation aux spécificités des territoires des diagnostics.
Chapitre II
Mesures en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
Article 9 bis
Le chapitre préliminaire du titre III du livre III du code rural et de la pêche maritime est complété par un article L. 330-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 330-11. – L’État réalise une analyse prospective des évolutions et des dynamiques de marché sur un horizon de dix ans, actualisée tous les trois ans, pour présenter aux acteurs de la politique de formation et d’installation les contraintes pesant sur l’offre et la demande de produits agricoles et alimentaires, au regard notamment de l’adaptation au changement climatique, et les informer dès à présent :
« 1° À l’amont, des évolutions observées et anticipées des aptitudes productives liées aux déterminants des coûts de production, y compris aux variables environnementales et sanitaires par région ;
« 2° À l’aval, des évolutions observées et anticipées de la consommation liées aux tendances démographiques et culturelles ainsi qu’aux risques réglementaires, fiscaux et de nature géopolitique pouvant priver de certains débouchés.
« Une déclinaison régionale de cette analyse est réalisée.
« Cette analyse est rendue accessible au public. Elle est mobilisable par les conseillers du réseau France services agriculture mentionné à l’article L. 330-4 pour orienter les candidats à l’installation qui le souhaitent vers les spécialisations les plus prometteuses au regard de ce que seront ces évolutions et dynamiques. »
Article 10
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le chapitre préliminaire du titre III du livre III est ainsi modifié :
a) L’article L. 330-4 est ainsi rétabli :
« Art. L. 330-4. – I. – Dans chaque département, le réseau France services agriculture est constitué du point d’accueil départemental unique pour la transmission des exploitations et l’installation des agriculteurs mentionné au 4° de l’article L. 511-4, des structures de conseil et d’accompagnement agréées en application de l’article L. 330-7 et des établissements locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles.
« Le réseau mentionné au premier alinéa du présent I propose un service d’accueil et d’orientation à toute personne souhaitant s’engager dans une activité agricole ou envisageant de transmettre son exploitation agricole. Il propose un service de conseil et d’accompagnement à toute personne ayant un projet d’installation en agriculture ou de transmission de son activité agricole, dans les conditions prévues aux articles L. 330-5 à L. 330-8.
« Cet accueil et cet accompagnement peuvent notamment se faire par des visites sur les exploitations agricoles d’exploitants identifiés comme souhaitant cesser leur activité, après accord de ces derniers, afin de concilier activité agricole et projet de transmission.
« II. – Chaque personne accueillie par le réseau est enregistrée par le point d’accueil dans un répertoire départemental unique destiné à faciliter les mises en relation entre les cédants et les repreneurs ainsi que le suivi des installations et des transmissions.
« Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, établit les conditions d’enregistrement dans le répertoire et les conditions d’accès aux informations qu’il contient.
« Détenues par les conseillers du point d’accueil départemental unique mentionné au I, ces informations sont mises gratuitement à la disposition des personnes accueillies par le réseau France services agriculture lorsque la personne ayant transmis l’information y consent.
« III. – Les conditions dans lesquelles l’autorité administrative contrôle le respect des règles mentionnées aux articles L. 330-5 à L. 330-8 par les membres du réseau mentionné au I du présent article sont déterminées par voie réglementaire. » ;
b) L’article L. 330-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 330-5. – Cinq ans avant qu’un exploitant agricole du département atteigne l’âge légal de départ à la retraite, le point d’accueil départemental unique lui propose de lui transmettre, dans les meilleurs délais, les caractéristiques de son exploitation, son éventuel projet de cession et de lui indiquer s’il a identifié un repreneur potentiel.
« Le point d’accueil renouvelle chaque année sa proposition à l’exploitant agricole qui n’a pas déjà transmis les informations mentionnées au premier alinéa du présent article.
« Les courriers envoyés par le point départemental unique en application des deux premiers alinéas du présent article répondent à un cahier des charges national défini par Chambres d’agriculture France et rappellent l’intérêt de préparer suffisamment à l’avance la transmission d’une exploitation. Ils présentent les outils existants d’estimation de la valeur d’une exploitation, les avantages liés à l’inscription au répertoire départemental unique et proposent un rendez-vous avec un référent unique au sein du point d’accueil.
« Le point d’accueil sollicite les exploitants agricoles sur la base d’informations transmises régulièrement par les services et les organismes chargés de gérer les retraites dans les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 114-9 du code des relations entre le public et l’administration.
« Les informations recueillies par le point d’accueil départemental unique sont enregistrées dans le répertoire départemental unique mentionné au II de l’article L. 330-4 du présent code. » ;
c) Sont ajoutés des articles L. 330-6 à L. 330-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 330-6. – Toute personne ayant pour projet d’exercer une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 ou de céder une exploitation agricole peut prendre contact avec le point d’accueil départemental unique.
« Le point d’accueil oriente la personne ayant un projet vers des structures de conseil et d’accompagnement agréées par l’État dans les conditions prévues à l’article L. 330-7. Il présente de manière exhaustive les structures de conseil et d’accompagnement aux personnes qu’il oriente. Il veille à l’équité entre ces dernières et au respect du pluralisme. Il satisfait à une obligation de neutralité dans la présentation de l’offre de ces structures.
« Le point d’accueil organise, dans le respect du pluralisme, un temps collectif d’échange entre les personnes ayant un projet d’installation, en favorisant la rencontre de personnes envisageant des orientations technico-économiques différentes.
« Art. L. 330-7. – Les structures de conseil et d’accompagnement sont agréées par l’autorité administrative compétente de l’État sous réserve de remplir les conditions prévues par un cahier des charges.
« Ce cahier des charges comprend :
« 1° Des règles nationales définies par décret après avis d’une instance nationale de concertation sur la politique d’installation et de transmission des exploitations agricoles, comprenant des représentants de l’État, des régions et des autres personnes intéressées par cette politique ;
« 2° Des règles propres à chaque région, définies par l’autorité administrative compétente après avis d’une instance régionale de concertation comprenant des représentants des mêmes acteurs.
« Il précise notamment, en tenant compte de la diversité des projets à accompagner, les compétences, les modalités de préservation du secret des affaires et les modalités de la coordination des services rendus par ces structures au sein du réseau mentionné à l’article L. 330-4.
« Les structures de conseil et d’accompagnement sont agréées pour les missions mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article L. 330-8 ou pour l’une d’entre elles seulement.
« Les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément sont précisées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 330-8. – I. – Les structures de conseil et d’accompagnement facilitent les mises en relation entre les personnes ayant un projet d’installation et celles souhaitant céder leur exploitation agricole, en s’appuyant sur les données du répertoire départemental unique mentionné au II de l’article L. 330-4.
« Elles fournissent aux personnes ayant un projet d’installation un conseil ou un accompagnement pour assurer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur projet, notamment au regard du changement climatique. Elles proposent aux personnes souhaitant céder leur exploitation agricole un parcours spécifique d’accompagnement à la transmission.
« Les structures de conseil et d’accompagnement peuvent notamment orienter les personnes ayant un projet vers des prestataires de services compétents, en veillant à respecter le pluralisme et l’équité entre eux.
« La structure de conseil et d’accompagnement choisie par la personne ayant un projet d’installation ou de transmission réalise un état des lieux des compétences et, si elle l’estime nécessaire au regard de cet état des lieux, conçoit, sur la base d’une méthodologie commune, et propose un parcours de formation pour lui permettre d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires à la mise en œuvre de son projet professionnel.
« Dans chaque département, cette méthodologie commune est établie par l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’enseignement agricole, conjointement avec les partenaires du réseau mentionnés à l’article L. 330-4. Elle en supervise l’application.
« Pour suivre une formation recommandée dans le parcours de formation, le porteur de projet choisit librement l’organisme de formation, public ou privé, auquel il fait appel.
« Les structures de conseil et d’accompagnement transmettent les informations relatives aux personnes qu’elles conseillent et accompagnent au point d’accueil départemental unique, afin que ce dernier tienne à jour le répertoire départemental unique mentionné au II de l’article L. 330-4.
« II. – Dans les conditions prévues par les dispositions qui leur sont applicables et sans créer d’obligations administratives supplémentaires, le bénéfice de certaines aides publiques accompagnant l’installation peut être subordonné à la condition d’avoir bénéficié du conseil ou de l’accompagnement et, le cas échéant, d’avoir suivi la formation mentionnés au I du présent article. » ;
2° La première phrase du 4° de l’article L. 511-4 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Assure, selon des modalités définies par décret, une mission de service public liée à la politique d’installation et de transmission des exploitations agricoles pour le compte de l’État et des autorités chargées de la gestion des aides à l’installation qui le souhaitent, notamment en mettant en place un point d’accueil départemental unique chargé de l’accueil initial, de l’information, de l’orientation et du suivi des actifs et des futurs actifs agricoles. Dans le cadre de cette mission, elle satisfait à une obligation de neutralité dans l’information et l’orientation de tous les actifs et futurs actifs agricoles. » ;
2° bis (Supprimé)
3° L’article L. 512-2 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Elle assure le suivi de la mise en œuvre de la mission de service public mentionnée au 4° de l’article L. 511-4 et en rend compte au représentant de l’État dans la région et à l’instance régionale de concertation de la politique de l’installation et de la transmission mentionnée au 2° de l’article L. 330-7. » ;
4° L’article L. 513-1 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, après les mots : « de l’installation », sont insérés les mots : « et de la transmission » et, après le mot : « notamment », sont insérés les mots : « à l’aide du répertoire départemental unique mentionné au II de l’article L. 330-4, » ;
b) Après le même sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – il contribue à assurer la promotion de la mission de service public liée à la politique d’installation et de transmission en agriculture mentionnée au 4° de l’article L. 511-4 ; »
5° Au second alinéa de l’article L. 741-10, les mots : « de la politique d’installation prévue à l’article L. 330-1 et auquel est subordonné le bénéfice des aides de l’État à l’installation en agriculture » sont remplacés par les mots : « d’une proposition de formation établie dans les conditions prévues au quatrième alinéa du I de l’article L. 330-8 ».
II. – Le présent article entre en vigueur dans les conditions suivantes :
1° La situation des exploitants agricoles qui, au 1er janvier 2026, se trouvent à deux ans au plus de l’âge requis pour bénéficier des droits à la retraite demeure régie par l’article L. 330-5 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction antérieure à la présente loi ;
2° Les personnes ayant un projet d’installation ou de transmission peuvent demander à bénéficier du service mentionné à l’article L. 330-6 du même code à compter du 1er janvier 2027 ;
3° (Supprimé)
Article 10 bis A
I. – (Supprimé)
II. – Le second alinéa de l’article L. 718-2-3 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les dépenses de formation engagées par le candidat à la création ou à la reprise d’une exploitation agricole sont éligibles en tout ou partie au financement du fonds d’assurance de formation des non-salariés agricoles selon les critères définis par le conseil d’administration du fonds.
« Le fonds d’assurance de formation des non-salariés agricoles peut abonder le compte professionnel de formation du candidat à la création ou à la reprise d’une exploitation agricole. »
Article 10 bis
Le livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le chapitre préliminaire du titre III est complété par des articles L. 330-9 et L. 330-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 330-9. – I. – Afin de préparer son projet d’exercice en commun de l’activité agricole, toute personne physique majeure peut effectuer un essai d’association.
« L’essai s’entend d’une période d’un an, renouvelable une fois, au cours de laquelle cette personne, qu’elle ait ou non déjà la qualité de chef d’exploitation, expérimente un projet d’exploitation en commun dans une société à objet principalement agricole ou avec un ou plusieurs autres exploitants agricoles.
« Sauf lorsque l’essai est effectué par un aide familial, la personne à l’essai est liée à la société ou aux exploitants par un contrat de travail, d’apprentissage, de stage ou, lorsqu’elle a la qualité de chef d’exploitation, par un contrat d’entraide au sens du présent code.
« L’essai n’est pas considéré comme une installation au sens du présent code.
« II. – Sans préjudice du contrat liant la personne à l’essai et la société ou les exploitants, l’essai est formalisé dans une convention écrite conclue à titre gratuit, dont le modèle est établi par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.
« Cette convention précise les conditions de réalisation de l’essai, en prévoyant notamment un accompagnement relationnel par une personne qualifiée.
« Elle ne peut prévoir pour la personne à l’essai ni détention de parts sociales, ni participation aux bénéfices, ni contribution aux pertes. Elle ne forme pas un contrat de société.
« Elle est conclue pour une durée d’un an, renouvelable une fois. Elle peut être résiliée à tout moment et sans indemnité par l’une ou l’autre des parties.
« III. – Le réseau mentionné à l’article L. 330-4 informe les personnes souhaitant effectuer un essai agricole.
« IV. – Les conditions d’application du présent article peuvent être précisées par voie réglementaire.
« Art. L. 330-10. – Le salarié qui souhaite participer à l’activité d’une exploitation agricole dans les conditions prévues à l’article L. 330-9 peut solliciter le congé mentionné au 1° de l’article L. 3142-105 du code du travail, dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du même code, sous réserve des dispositions suivantes.
« Par dérogation aux articles L. 3142-117 et L. 3142-119 dudit code, la durée du congé prévu au présent article est d’un an. Elle peut être prolongée au plus d’un an. » ;
2° (Supprimé)
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Article 12 bis
Le titre II du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° A Au début, il est ajouté un article L. 320-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 320-1. – Les sociétés mentionnées aux chapitres II, III, IV et VII du présent titre peuvent, sans perdre leur caractère civil, compléter les activités mentionnées à l’article L. 311-1 par des activités accessoires de nature commerciale et présentant un lien avec l’activité agricole. Les recettes tirées de ces activités accessoires ne peuvent excéder ni 20 000 €, ni 40 % des recettes annuelles tirées de l’activité agricole. Pour les groupements mentionnés au chapitre III, le plafond de 20 000 € est multiplié par le nombre d’associés que compte le groupement. » ;
1° et 2° (Supprimés)
Article 12 ter A
(Supprimé)
Article 12 ter B
Le quatrième alinéa de l’article L. 323-2 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « , à l’exception des activités de vente de la production du groupement exercées dans un magasin de producteurs défini à l’article L. 611-8 et dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 323-7 ».
Article 12 ter C
(Supprimé)
Article 12 ter
I. – (Supprimé)
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 523-4-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles donnent droit à un intérêt dont les statuts peuvent fixer le taux à deux points au-dessus de celui des parts sociales d’activité. » ;
2° À la fin du e de l’article L. 524-2-1, les mots : « d’au moins 10 % des excédents annuels disponibles à l’issue des délibérations précédentes » sont supprimés.
TITRE IV
SÉCURISER, SIMPLIFIER ET FACILITER L’EXERCICE DES ACTIVITÉS AGRICOLES
Article 13
I et II. – (Supprimés)
III. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A (Supprimé)
1° Après l’article L. 171-7-1, il est inséré un article L. 171-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 171-7-2. – En cas d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées ou d’habitats naturels en violation des interdictions prévues à l’article L. 411-1 ou des prescriptions prévues par les règlements ou par les décisions individuelles pris en application de l’article L. 411-2, lorsque cette atteinte est le fait d’une personne physique et qu’elle n’a pas été commise de manière intentionnelle ou par négligence grave au sens de l’article L. 415-3, l’amende dont l’autorité administrative compétente peut ordonner le paiement en application de l’article L. 171-7 ne peut excéder 450 €.
« Hors cas de récidive, la personne responsable de l’atteinte se voit proposer, à la place du paiement de cette amende, le suivi d’un stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement, notamment à la reconnaissance et à la protection des espaces et habitats. L’acquittement de cette amende ne peut être exigé en cas de suivi intégral du stage.
« En cas de récidive dans un délai de cinq ans, le montant de l’amende mentionnée au premier alinéa du présent article est porté à 1 500 €. » ;
1° bis À l’article L. 171-11, après la référence : « L. 171-7 », sont insérées les références : « , L. 171-7-2, L. 171-7-3 » ;
1° ter (Supprimé)
2° L’article L. 415-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du 1°, après le mot : « fait », sont insérés les mots : « commis de manière intentionnelle ou par négligence grave » ;
b) Après le d du même 1°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont réputés n’avoir pas été commis de manière intentionnelle les faits répondant à l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire ou à des prescriptions prévues par une autorisation administrative.
« Sont également réputés n’avoir pas été commis de manière intentionnelle les faits prévus aux a à c correspondant à l’exercice des activités prévues par des documents de gestion mentionnés à l’article L. 122-3 du code forestier dans des conditions qui comprennent la mise en œuvre de mesures pour éviter ou pour réduire les atteintes portées aux espèces protégées et à leurs habitats, présentant des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point que ce risque apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé. » ;
b bis) (nouveau) Au dernier alinéa dudit 1°, après la référence : « d », sont insérés les mots : « du présent 1° » ;
c) Au 2°, après la référence : « L. 411-6 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
d) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative peut, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite des délits mentionnés au 1°, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I et aux III à V de l’article L. 173-12. » ;
e) (Supprimé)
Article 13 bis AAAA (nouveau)
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 171-7-1, il est inséré un article L. 171-7-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 171-7-3. – En cas de mise en place, de participation à la mise en place ou d’exploitation d’une installation d’élevage sans la déclaration mentionnée à l’article L. 512-8 ou sans l’enregistrement mentionné à l’article L. 512-7, lorsque l’installation relève de l’un ou l’autre de ces régimes de la déclaration ou de l’enregistrement par suite d’une modification de sa consistance et fonctionnait légalement jusqu’alors, selon le cas, sans déclaration ou au bénéfice seulement de celle-ci, et à la condition que, selon le cas, l’installation ne dépasse pas le seuil d’application du régime de la déclaration ou de l’enregistrement de plus de 15 %, l’amende dont l’autorité administrative compétente peut ordonner le paiement en application de l’article L. 171-7 ne peut excéder 450 €. » ;
2° Le I de l’article L. 173-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, ne sont pas punissables les faits mentionnés aux 1° à 4° du présent I sans l’enregistrement mentionné à l’article L. 512-7, dans le cas d’une installation d’élevage, lorsque l’installation pour laquelle cet enregistrement est requis en relève par suite d’une modification de sa consistance et fonctionnait légalement jusqu’alors au bénéfice de la déclaration prévue à l’article L. 512-8, à la condition que l’installation ne dépasse pas le seuil d’application du régime de l’enregistrement de plus de 15 %.
« En outre, ne peuvent faire l’objet d’aucune sanction pénale les faits mentionnés aux 1° à 4° du présent I sans la déclaration mentionnée à l’article L. 512-8, lorsque l’installation pour laquelle cette déclaration est requise en relève par suite d’une modification de sa consistance et fonctionnait légalement jusqu’alors sans déclaration, à la condition que l’installation ne dépasse pas le seuil d’application du régime de la déclaration de plus de 15 %. »
Article 13 bis AAA
La section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code forestier est complétée par un article L. 121-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-6-1. – Les travaux forestiers réalisés dans le cadre de la gestion durable des forêts et de leur exploitation sont considérés comme indispensables à la préservation des écosystèmes, à l’adaptation des milieux naturels au changement climatique et à la fourniture de produits en bois destinés à tous les usages. À ce titre, les activités suivantes sont reconnues d’intérêt général et sécurisées juridiquement tout au long de l’année, dès lors qu’elles s’inscrivent dans le respect du présent code et des instructions figurant dans les documents de gestion ou les autorisations légales de coupe ou les demandes de boisement :
« 1° Les travaux de préparation au boisement ou reboisement ;
« 2° Les travaux de plantation et d’entretien sylvicole ;
« 3° Les travaux d’exploitation forestière, incluant la récolte des bois destinés aux filières industrielles et énergétiques ;
« 4° Les travaux de prévention des risques ;
« 5° Les débroussaillements et obligations légales de débroussaillement ;
« 6° Les interventions visant à prévenir les incendies de forêt ;
« 7° La stabilisation et la restauration des sols de pentes ;
« 8° La mobilisation des bois présentant des dépérissements sanitaires ;
« 9° Les entretiens des abords des réseaux routiers, ferrés, électriques ou gaziers ;
« 10° Les travaux de prévention des aléas climatiques.
« Ces travaux contribuent directement à :
« a) La résilience des forêts françaises face aux risques climatiques et biologiques et au renouvellement forestier ;
« b) La prévention des risques pour les personnes, les biens et les infrastructures ;
« c) La transition écologique de l’économie française en favorisant l’utilisation de matériaux renouvelables et bas carbone ;
« d) L’amélioration de la balance commerciale en réduisant les importations de bois et en renforçant la souveraineté forestière. »
Articles 13 bis A et 13 bis B
(Supprimés)
Article 13 bis C
L’article 199 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est ainsi modifié :
1° Les mots : « marché d’intérêt national de Paris-Rungis » sont remplacés par les mots : « marché d’intérêt national de la région parisienne » ;
2° L’année : « 2049 » est remplacée par l’année : « 2068 » ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette société, faisant l’objet d’un contrôle de l’État, aménage et gère les installations existantes et réalise les investissements nécessaires à la bonne marche de sa mission dans une logique d’aménagement du territoire, de souveraineté alimentaire, d’amélioration de la qualité environnementale et de sécurité alimentaire, notamment dans un contexte de hausse de la population, conformément aux objectifs définis à l’article L. 761-1 du code de commerce.
« Au plus tard un an après la promulgation de la loi n° … du … d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, l’État définit dans un cahier des charges, approuvé par décret, notamment la nature et le volume des investissements mentionnés au deuxième alinéa du présent article, les modalités du contrôle de l’État et les conditions dans lesquelles les biens affectés au service public retournent dans le patrimoine de l’État à l’échéance de cette mission. »
Article 13 bis
Le chapitre III du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complété par un article L. 123-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-3. – Lors d’un contrôle opéré dans une exploitation agricole, la bonne foi de l’exploitant est présumée.
« Les procédures alternatives aux poursuites définies à l’article 41-1 du code de procédure pénale sont priorisées.
« Lorsqu’il est constaté un manquement reposant sur une norme qui entre en contradiction avec une autre norme, l’exploitation agricole ne peut être sanctionnée. »
Article 13 ter
L’État se donne pour objectif, dans un délai de trente mois à compter de la publication de la présente loi, en coordination avec les professionnels des filières concernées et l’établissement mentionné à l’article L. 513-1 du code rural et de la pêche maritime, de dématérialiser les documents d’accompagnement des bovins et de mettre en place une plateforme permettant l’accès à ces informations à l’ensemble des opérateurs ayants droit intéressés, aux fins et dans les conditions définies à l’article L. 212-2 du même code, et dispensant les opérateurs de les conserver sous format papier.
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’étape détaillant notamment l’état d’avancement des travaux de dématérialisation des documents d’identification et d’accompagnement des bovins ainsi que les modalités de gestion et de financement du système cible.
Article 14
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« La protection et la gestion durable des haies
« Art. L. 412-21. – I. – Sauf disposition spéciale, une haie est une unité linéaire de végétation, autre que des cultures, d’une largeur maximale de vingt mètres et qui comprend au moins deux éléments parmi les trois suivants :
« 1° Des arbustes ;
« 2° Des arbres ;
« 3° D’autres ligneux.
« Sont régies par la présente section les haies, à l’exclusion des allées d’arbres et des alignements d’arbres au sens de l’article L. 350-3, qu’ils bordent ou non des voies ouvertes ou non à la circulation publique, et à l’exclusion des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte.
« Est également exclue la chaussée de toute voie cadastrée sous l’appellation “chemin rural”.
« II. – La valeur des haies est reconnue pour les services écosystémiques qu’elles rendent.
« Les interventions sur les haies visent un objectif de gestion durable définie comme permettant le maintien de leur multifonctionnalité agronomique, écologique et paysagère dans l’espace et dans le temps.
« Les haies peuvent faire l’objet de travaux d’entretien usuels tenant compte de leur caractère dynamique dans le temps et dans l’espace et permettant la valorisation économique de ses produits, notamment la biomasse.
« Les travaux nécessaires à la préservation du gabarit de sécurité des infrastructures linéaires ne sont pas assimilables à la destruction d’une haie.
« Les gestionnaires de voirie, d’infrastructures ferroviaires, d’infrastructures de communications électroniques ou de réseaux de distribution publique d’électricité mettent en œuvre un plan d’action pour atteindre l’objectif de gestion durable des haies.
« III. – (Supprimé)
« Art. L. 412-22. – I. – Tout projet de destruction d’une haie mentionnée à l’article L. 412-21 est soumis à déclaration unique préalable.
« Dans le cas où la destruction de la haie est soumise à déclaration en application d’une ou de plusieurs des législations mentionnées à l’article L. 412-24, la déclaration unique en tient lieu. Le projet est apprécié au regard des critères et des règles prévus par ces législations.
« Dans un délai fixé par décret en Conseil d’État ne pouvant excéder quatre mois à compter de la date de réception de la déclaration, l’autorité administrative peut s’opposer à la destruction projetée. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. Le silence ou l’absence d’opposition de l’administration vaut absence d’opposition au titre des législations applicables au projet.
« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’absence d’opposition à la déclaration unique prévue au I du présent article, sans avoir obtenu cette absence d’opposition ou en violation d’une mesure de retrait de cette absence d’opposition est puni de l’amende prévue pour les contraventions de deuxième classe.
« Art. L. 412-23. – I. – Dans un délai fixé par décret en Conseil d’État ne pouvant excéder quatre mois, l’autorité administrative compétente peut indiquer à l’auteur de la déclaration que la mise en œuvre de son projet est subordonnée à l’obtention d’une autorisation unique, lorsqu’une des législations mentionnées à l’article L. 412-24 soumet la destruction de la haie concernée à une autorisation préalable.
« Elle l’informe que sa déclaration est regardée comme une demande d’autorisation unique, lui demande, le cas échéant, la transmission des éléments complémentaires nécessaires à l’instruction de cette demande et lui indique le délai dans lequel la décision est prise. Les travaux ne peuvent commencer avant la délivrance de cette autorisation unique.
« L’autorisation unique tient lieu des déclarations, des absences d’opposition, des dérogations et des autorisations mentionnées au même article L. 412-24.
« La demande d’autorisation est appréciée au regard des critères et des règles propres aux législations mentionnées audit article L. 412-24 qui lui sont applicables. La décision d’autorisation est soumise à participation du public selon les modalités prévues à l’article L. 123-19 lorsqu’elle a une incidence directe et significative sur l’environnement.
« Les règles de procédure et de consultation applicables à l’autorisation unique se substituent aux règles de procédure et de consultation prévues par le présent code et les autres législations pour la délivrance des décisions mentionnées à l’article L. 412-24.
« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’autorisation unique prévue au I, sans avoir obtenu cette autorisation unique ou en violation d’une mesure de retrait de cette autorisation unique est puni de l’amende prévue pour les contraventions de quatrième classe.
« Art. L. 412-24. – Les déclarations, les absences d’opposition, les dérogations et les autorisations au titre des législations applicables au projet de destruction d’une haie mentionnées aux deux derniers alinéas du I de l’article L. 412-22 et au troisième alinéa du I de l’article L. 412-23 sont les suivantes :
« 1° La dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application des 4° et 7° du I de l’article L. 411-2 ;
« 2° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 ;
« 3° L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux de consolidation ou de protection des berges comportant une destruction de la ripisylve, en application de l’article L. 214-3 ;
« 4° L’autorisation spéciale de modifier l’état ou l’aspect de territoires classés en réserve naturelle ou en instance de classement, en application des articles L. 332-6 ou L. 332-9, lorsqu’elle est délivrée par l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ;
« 5° L’autorisation spéciale de modifier l’état des lieux ou l’aspect d’un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-7 et L. 341-10 ;
« 6° L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux dans le périmètre de protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’intérêt public, en application de l’article L. 1322-4 du code de la santé publique ;
« 7° L’autorisation délivrée en application de l’article L. 1321-2 du même code pour la protection des haies dans le cadre des périmètres de captage d’eau potable ;
« 8° L’autorisation de destruction d’une haie bénéficiant de la protection prévue à l’article L. 126-3 du code rural et de la pêche maritime ;
« 9° L’absence d’opposition à une déclaration préalable prévue, en application de l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme, pour les travaux portant sur des éléments classés en application de l’article L. 113-1 du même code ou identifiés comme présentant un intérêt en application des articles L. 111-22, L. 151-19 et L. 151-23 dudit code lorsque la décision sur cette déclaration préalable est prise au nom de l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ;
« 10° L’absence d’opposition à une déclaration préalable ou l’autorisation prévue dans le cadre d’un régime d’aide publique en cas de destruction de haie, notamment au titre de la mise en œuvre des bonnes conditions agricoles et environnementales, à laquelle est subordonné le paiement des aides de la politique agricole commune ;
« 11° L’autorisation spéciale des travaux aux abords des monuments historiques en application de l’article L. 621-32 du code du patrimoine ;
« 12° L’autorisation spéciale des travaux dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables en application de l’article L. 632-1 du même code ;
« 13° La déclaration préalable des travaux sur les sites inscrits, en application du dernier alinéa de l’article L. 341-1 du présent code.
« Le présent article ne s’applique pas dans les cas, prévus à l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme, où un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou une décision prise sur une déclaration préalable, autre que celles mentionnées au 9° du présent article, tient lieu de l’une des décisions énumérées au présent article.
« Art. L. 412-25. – Toute destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation par replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit, réalisées dans les conditions prévues à l’article L. 163-1.
« L’autorité administrative compétente peut fixer toute autre prescription nécessaire au respect des intérêts protégés par les législations mentionnées à l’article L. 412-24.
« Elle informe le demandeur de la possibilité de solliciter un conseil avant les opérations de destruction et de replantation, et lui propose une liste d’organismes agréés compétents.
« Art. L. 412-26. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente section. Il précise notamment :
« 1° Les modalités et les conditions de la déclaration unique prévue à l’article L. 412-22 et de l’autorisation unique prévue à l’article L. 412-23 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles la destruction d’une haie fait l’objet des mesures de compensation mentionnées au premier alinéa de l’article L. 412-25. Il prévoit une application territorialisée des mesures de compensation ;
« 3° Les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la destruction de haie pour assurer la sécurité publique ainsi que, en cas d’urgence, l’intégrité des réseaux et des infrastructures de transport ou pour assurer une obligation légale ou réglementaire, dans le respect de l’article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
« Art. L. 412-27. – Dans chaque département, en s’appuyant sur les données publiques disponibles, en particulier celles de l’Observatoire de la haie, et après consultation des organisations représentatives agricoles et des associations représentatives d’élus locaux ainsi que des représentants des gestionnaires d’infrastructures de réseaux et d’une association de protection de l’environnement, l’autorité administrative compétente prend un arrêté qui établit pour le département :
« 1° Une période d’interdiction de travaux sur les haies, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et conditions climatiques et pédologiques du département ;
« 2° Un coefficient de compensation en cas de destruction de haie, en application du 2° de l’article L. 412-26. Ce coefficient tient compte, notamment, de la densité de haie dans le département, de la dynamique historique de destruction ou de progression du linéaire de haie et de la valeur écologique des haies détruites en fonction d’une typologie de haies définie par un arrêté des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture ;
« 3° Une liste des pratiques locales usuelles présumées répondre, de manière constante sur le territoire du département, à la notion de travaux d’entretien usuels de la haie.
« Art. L. 412-28. – I. – À titre informatif, l’autorité administrative compétente dans le département met à la disposition du public, en ligne, une cartographie régulièrement mise à jour des protections législatives ou réglementaires applicables aux haies, à une échelle géographique fine.
« II et III. – (Supprimés) » ;
1° bis (Supprimé)
2° Le I de l’article L. 181-2 est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Absence d’opposition à la déclaration ou à l’autorisation unique de destruction de haies prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du présent code. » ;
3° Le II de l’article L. 181-3 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Le respect des conditions de non-opposition à la déclaration unique ou de délivrance de l’autorisation unique préalables à la destruction de haies prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du présent code, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de cette déclaration ou de cette autorisation. » ;
4° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
III. – La cartographie des protections législatives et réglementaires applicables à la haie dans chaque département mentionné au I de l’article L. 412-28 du code de l’environnement est réalisée dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Article 14 bis A
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « préservation », sont insérés les mots : « , de la gestion durable » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , afin de tendre, à compter du 1er janvier 2030, par rapport au 1er janvier 2024, à une augmentation nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres, à un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611-9, de 100 000 kilomètres, et à compter du 1er janvier 2048, à un linéaire de haies de 500 000 kilomètres, géré durablement, sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la promotion de la valorisation économique des haies gérées durablement. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les documents de programmation stratégique nationale prévus par le droit de l’Union européenne et élaborés en vue de la mise en œuvre de la politique agricole commune sont compatibles et contribuent à tendre vers les objectifs prévus par la stratégie définie à l’article L. 126-6 du présent code. » ;
3° Le chapitre VI du titre II du livre Ier est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie
« Art. L. 126-6. – I. – Une stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie définit les orientations à suivre pour conduire la politique de gestion et de développement durables du linéaire de haies sur le territoire.
« Cette stratégie définit une trajectoire chiffrée et un plan national d’actions afin de tendre vers les objectifs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1.
« Le plan national d’actions définit des objectifs chiffrés en termes de plantations et des mesures en faveur du développement de la reconstitution de haies par régénération naturelle.
« Il définit également les mesures permettant d’atteindre une mobilisation, en 2030, de 500 000 tonnes de matière sèche par an issues de haies gérées durablement au sens de l’article L. 611-9, et d’atteindre en 2050, sur le total de la biomasse mobilisée issue de haies, 70 % de matière sèche issue de haies gérées durablement au sens du même article L. 611-9, en articulation avec la stratégie mentionnée à l’article L. 211-8 du code de l’énergie.
« Il établit un inventaire des pratiques de gestion des haies favorisant leur bon état écologique ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des acteurs publics et privés, en particulier des exploitations agricoles, en vue d’atteindre les objectifs mentionnés au présent I et notamment le développement de la gestion durable des haies au sens de l’article L. 611-9 du présent code.
« Le plan national d’actions est doté d’une instance de concertation et de suivi. Cette instance comprend notamment des représentants des filières et des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des associations nationales de protection de l’environnement agréées, l’ensemble des organisations syndicales représentatives, des organismes nationaux à vocation agricole et rurale au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3, des organismes de formation et de recherche compétents et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. Elle est présidée par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.
« Cette stratégie est actualisée au moins tous les six ans.
« II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la stratégie définie au I, ainsi que la composition de l’instance de concertation et de suivi du plan national d’actions mentionnée au même I.
« III. – Le plan national d’actions mentionné audit I s’appuie sur un observatoire de la haie qui permet de collecter des données quantitatives et qualitatives pour suivre et évaluer les politiques publiques déployées sur le territoire national et rend disponibles gratuitement, au format numérique, une agrégation et un suivi, jusqu’à l’échelle de la commune, des données de cartographie des haies et de leur implantation, du déploiement de la gestion durable des haies, au sens de l’article L. 611-9, et de mobilisation de la biomasse issue de cette gestion durable. » ;
4° Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI est complété par un article L. 611-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-9. – I. – Les gestionnaires de haies peuvent faire l’objet d’une certification garantissant la gestion durable des haies sur la totalité de l’exploitation.
« Cette certification garantit des pratiques de gestion des haies permettant leur pérennité, un niveau d’emprise au sol minimal, un niveau élevé de services écosystémiques rendus par chaque type de haie au moyen de pratiques de coupe et de mise en défens garantissant la reprise végétale de la haie, et d’itinéraires techniques assurant sa régénération, l’équilibre du prélèvement de biomasse, la protection de la biodiversité et excluant les pratiques dégradantes.
« La certification permet d’atteindre le bon état écologique de la haie, défini par des étages de végétation ou un potentiel de végétation continus, une emprise au sol de la haie, des fonctions écosystémiques permettant la régénération de la haie, une biodiversité riche, une protection contre le ruissellement et l’érosion des sols, un stockage du carbone et une production de biomasse renouvelable.
« La certification prévoit un cahier des charges national incluant des critères et prescriptions adaptés aux différents contextes pédoclimatiques.
« II. – Les distributeurs de bois peuvent faire l’objet d’une certification garantissant que le bois distribué est issu en totalité de haies certifiées au sens du I, avec une empreinte carbone et environnementale liée au transport limitée, un nombre d’intermédiaires réduit, une juste rémunération du gestionnaire de haie et une traçabilité complète sur l’origine du bois pour le consommateur final.
« III. – Les certifications publiques ou privées de gestion durable de la haie et de distribution durable de bois issu de haies gérées durablement qui satisfont les conditions énumérées aux I et II peuvent être reconnues, pour une durée renouvelable de six ans, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement. »
II. – L’article L. 222-3-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « bois », sont insérés les mots : « , la stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En fonction de la disponibilité de biomasse issue de haies existant sur le territoire, ce schéma inclut, pour les chaufferies collectives dont les personnes morales publiques et privées sont chargées, des trajectoires chiffrées d’augmentation progressive d’approvisionnement en bois distribué durablement et issu de haies gérées durablement, faisant l’objet à ce titre d’une certification reconnue dans les conditions prévues au III de l’article L. 611-9 du code rural et de la pêche maritime. » ;
3° Après le mot : « biomasse », le troisième alinéa est complété par les mots : « et de l’Observatoire de la haie ».
III. – Le II est applicable lors de la prochaine révision du schéma régional biomasse dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-3-1 du code de l’environnement.
Article 14 bis
À l’article L. 214-14 du code forestier, les mots : « et 4° » sont remplacés par les mots : « à 5° ».
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Article 14 quater A
Au 3° du I de l’article L. 341-2 du code forestier, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « quarante ».
Article 14 quater
Avant le dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Par dérogation au a, non artificialisée une surface occupée par des constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l’exploitation agricole. »
Article 14 quinquies
I. – La section 3 du chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 151-6-2, il est inséré un article L. 151-6-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-6-3. – Les orientations d’aménagement et de programmation définissent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les conditions dans lesquelles les projets de construction et d’aménagement situés en limite d’un espace agricole, quel que soit son classement, intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés au sein de la zone urbaine ou à urbaniser, à la charge de l’aménageur. L’espace de transition végétalisé est situé en dehors des zones dévolues à l’agriculture. Il peut exceptionnellement être dérogé à cette mesure après avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Ces espaces de transition végétalisés sont soumis aux obligations définies au III de l’article L. 253-8 du même code. » ;
2° Le 7° du I de l’article L. 151-7 est abrogé.
II. – (Supprimé)
Article 15
I. – Le titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un chapitre XV ainsi rédigé :
« CHAPITRE XV
« Le contentieux de certaines décisions en matière agricole
« Art. L. 77-15-1. – I. – Le présent chapitre est applicable aux litiges relatifs aux projets mentionnés au II pour ce qui concerne les décisions mentionnées au III.
« II. – Le présent chapitre s’applique aux projets qui nécessitent :
« 1° Des installations, des ouvrages, des travaux ou des activités soumis à l’article L. 214-1 du code de l’environnement au titre des ouvrages de stockage d’eau ou des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, à l’exclusion des ouvrages destinés à permettre un prélèvement sur les eaux souterraines, à la condition que ces projets poursuivent à titre principal une finalité agricole, qu’elle soit culturale, sylvicole, aquacole ou d’élevage ;
« 2° Une installation soumise à l’article L. 511-1 du même code et destinée à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes ainsi qu’aux couvoirs et à la pisciculture.
« III. – Pour les projets mentionnés au II du présent article, le présent chapitre s’applique aux décisions individuelles suivantes :
« 1° L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement ;
« 2° L’absence d’opposition aux installations, aux ouvrages, aux travaux et aux activités mentionnés au II de l’article L. 214-3 du même code ou l’arrêté de prescriptions particulières applicable à l’installation, à l’ouvrage, au travail ou à l’activité faisant l’objet de la déclaration ;
« 3° La dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 dudit code ;
« 4° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 du même code ;
« 5° Le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8 du même code ;
« 6° L’autorisation de défrichement prévue aux articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;
« 7° Les autorisations prévues aux articles L. 621-32 ou L. 632-1 du code du patrimoine ;
« 8° Les prescriptions archéologiques prises en application du 1° de l’article L. 522-1 du même code ;
« 9° La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire, d’aménager ou de démolir prévus au livre IV du code de l’urbanisme ;
« 10° Les décisions relatives à la prorogation ou au transfert à un autre pétitionnaire ou exploitant d’une décision mentionnée au présent article ;
« 11° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions des décisions mentionnées au présent article.
« Art. L. 77-15-2. – I. – Le juge administratif qui, saisi d’un litige régi par le présent chapitre, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :
« 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande donnant lieu à l’une des décisions mentionnées à l’article L. 77-15-1 ou qu’une partie de cette décision, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui est entachée d’irrégularité ;
« 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité d’une de ces décisions est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
« Le refus du juge de faire droit à une demande d’annulation partielle ou de sursis à statuer est motivé.
« II. – En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant, dans un litige régi par le présent chapitre, une partie seulement de la décision attaquée, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de la décision non viciées.
« Art. L. 77-15-3. – Sans préjudice des articles L. 122-2, L. 122-11, L. 123-1-B et L. 123-16 du code de l’environnement, un recours dirigé contre une des décisions mentionnées à l’article L. 77-15-1 du présent code ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.
« La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 est présumée satisfaite.
« Le juge des référés statue sur le recours dans un délai d’un mois.
« Art. L. 77-15-4. – Sans préjudice de dispositions particulières figurant dans d’autres textes, lorsque la juridiction administrative est saisie d’un litige régi par le présent chapitre, la durée de validité de l’autorisation accordée, le cas échéant, par la décision attaquée ainsi que celle des autres autorisations mentionnées à l’article L. 77-15-1 qui sont nécessaires à la réalisation du projet sont suspendues jusqu’à la notification au bénéficiaire de l’autorisation attaquée de la décision juridictionnelle irrévocable au fond. »
II. – Le I du présent article s’applique aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2025.
Article 15 bis
Après le II bis de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – Le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 ne s’oppose pas, en ce qui concerne les retenues collinaires, à la modification de la nomenclature mentionnée à l’article L. 214-2.
« Dans un délai de quatre mois, l’autorité administrative peut solliciter la communication de mesures de compensation si l’opération projetée porte gravement atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1. Lorsque des mesures de compensation sont communiquées, l’autorité administrative dispose d’un délai de deux mois pour s’opposer à l’opération projetée dès lors que celle-ci porte une atteinte d’une gravité telle qu’aucune mesure de compensation n’apparaît suffisante. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. »
Article 15 ter
I. – Le 2° du II de l’article L. 122-3 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent jusqu’au poste HTA/BT inclus, les ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés au sol jusqu’au poste HTA/BT inclus, les ouvrages de stockage d’électricité jusqu’au poste HTA/BT inclus et les transformateurs d’antenne-relais de radiotéléphonie mobile, l’étude d’impact comprend également un repérage des établissements d’élevage et de leurs installations situées dans un certain périmètre autour de l’aménagement mentionné au présent alinéa. »
II. – (Supprimé)
Article 15 quater
(Supprimé)
Article 16
I. – Le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ne s’oppose pas, en ce qui concerne les chiens de protection de troupeau, à la modification de la nomenclature mentionnée à l’article L. 511-2 du même code.
II. – La section 2 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 222-19-2 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – L’absence de maladresse, d’imprudence, d’inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est présumée lorsque l’animal est, au moment des faits, en action de protection d’un troupeau et a été identifié en application de l’article L. 212-10 du code rural et de la pêche maritime.
« La présomption prévue au premier alinéa du présent II n’est applicable :
« 1° Qu’au propriétaire ou au détenteur du chien qui s’est conformé, le cas échéant, aux mesures prévues au premier alinéa du I de l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, au premier alinéa de l’article L. 211-14-1 du même code, aux premier à troisième alinéas de l’article L. 211-14-2 dudit code, ainsi qu’aux 1°, 2° et 7° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;
« 2° et 3° (Supprimés) » ;
2° L’article 222-20-2 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – L’absence de maladresse, d’imprudence, d’inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est présumée lorsque l’animal est, au moment des faits, en action de protection d’un troupeau et a été identifié en application de l’article L. 212-10 du code rural et de la pêche maritime.
« La présomption prévue au premier alinéa du présent II n’est applicable :
« 1° Qu’au propriétaire ou au détenteur du chien qui s’est conformé, le cas échéant, aux mesures prévues au premier alinéa du I de l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, au premier alinéa de l’article L. 211-14-1 du même code, aux premier à troisième alinéas de l’article L. 211-14-2 dudit code, ainsi qu’aux 1°, 2° et 7° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;
« 1° bis Qu’au maire de la commune sur le territoire de laquelle les faits se sont produits s’il a demandé au propriétaire ou au détenteur du chien incriminé la mise en œuvre de mesures prévues à l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ou la réalisation d’une évaluation comportementale du chien prévue à l’article L. 211-14-1 du même code ;
« 2° et 3° (Supprimés) ».
III. – Le refus de renouvellement de convention de mise à disposition d’une parcelle en vue de l’allouer au pâturage est motivé.
Le recours d’un éleveur à un ou plusieurs chiens afin de protéger son troupeau ne peut être invoqué comme motif, par une collectivité territoriale ou un particulier, à l’appui d’un refus de renouvellement de convention mentionné au premier alinéa du présent III.
IV. – Dans le cadre de la gestion des risques de la prédation sur les troupeaux, compte tenu de l’absence de moyens de prévention efficaces disponibles, des tirs de loups peuvent être autorisés pour la protection des troupeaux de bovins, équins et asins, sous réserve de l’engagement de démarches en matière de réduction de la vulnérabilité de ces troupeaux par les éleveurs.
Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’écologie définit les conditions dans lesquelles les élevages concernés peuvent bénéficier de telles autorisations de tirs, notamment les démarches pouvant être engagées en matière de réduction de la vulnérabilité des troupeaux.
Article 17
I. – Le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ne s’oppose pas, en ce qui concerne les produits et sous-produits lainiers, à la modification de la nomenclature mentionnée à l’article L. 511-2 du même code.
I bis. – Les matières fertilisantes et amendements issus de la transformation de produits lainiers bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché dès lors que leur procédé de fabrication satisfait à l’évaluation préalable prévue à l’article L. 255-7 du code rural et de la pêche maritime.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter le régime concernant, en matière d’aquaculture, en raison de leur classement dans la nomenclature mentionnée au I du présent article ou dans la nomenclature prévue à l’article L. 214-2 du code de l’environnement, les installations mentionnées à l’article L. 511-1 du même code ainsi que les installations, ouvrages, travaux ou activités mentionnés à l’article L. 214-1 dudit code.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.
III. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le II bis de l’article L. 214-3, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – Le présent article ne s’applique pas aux piscicultures. » ;
2° À la première phrase de l’article L. 431-6, les mots : « du titre Ier du livre II et » sont supprimés ;
3° Le second alinéa de l’article L. 512-8 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Pour les piscicultures, la déclaration inclut également les installations, ouvrages, travaux et activités relevant de l’article L. 214-1 projetés par le pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à l’installation classée ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. La déclaration vaut application des articles L. 214-3 à L. 214-6. »
IV. – Le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ne s’oppose pas, en ce qui concerne les piscicultures, à la modification de la nomenclature mentionnée à l’article L. 511-2 du même code ainsi que de celle mentionnée à l’article L. 214-2 dudit code.
Article 17 bis
Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 431-6 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Constitue un étang piscicole tout plan d’eau naturel ou artificiel relié aux milieux aquatiques utilisé pour une activité d’aquaculture et toute autre activité liée à l’étang lui-même.
« Les dispositions relatives aux étangs piscicoles s’appliquent également aux installations de transformation et de commercialisation situées à leurs abords immédiats et nécessaires à leur exploitation. » ;
2° La section 3 est complétée par un article L. 431-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 431-9. – Les étangs piscicoles génèrent des services écosystémiques et des valeurs d’usage. En plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et de leur contribution à la souveraineté alimentaire, ils constituent une source d’aménités et, à ce titre, font l’objet d’un soutien spécifique. Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture fixe les conditions d’application du présent article. »
Article 18
Le paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par des articles L. 2224-7-8 et L. 2224-7-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 2224-7-8. – Dans les conditions prévues aux articles L. 2422-5 à L. 2422-11 du code de la commande publique, le département peut recevoir un mandat de maîtrise d’ouvrage, conclu à titre gratuit, en vue de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l’approvisionnement en eau, au sens du 3° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, confié par l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent.
« Art. L. 2224-7-9. – Un syndicat mixte, régi par les articles L. 5721-1 à L. 5721-9, constitué exclusivement d’un ou de plusieurs groupements de collectivités mentionnés aux articles L. 5210-1-1 A et L. 5711-1 compétents en matière de production, de transport et de stockage d’eau destinée à la consommation humaine et d’un ou de plusieurs départements limitrophes, peut exercer tout ou partie de ces compétences. »
Article 18 bis
(Supprimé)
Article 19
I. – L’article L. 2152-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « soit des activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 et au 2° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, » sont supprimés ;
2° Au 3°, le mot : « trois » est supprimé ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 et au 2° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, sont représentatives au niveau national et multiprofessionnel les organisations professionnelles qui satisfont aux critères mentionnés à l’article L. 501-1 du même code. »
II. – Au début du livre V du code rural et de la pêche maritime, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :
« TITRE PRÉLIMINAIRE
« REPRÉSENTATIVITÉ AU NIVEAU NATIONAL ET MULTIPROFESSIONNEL
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 501-1. – Dans le secteur agricole, sont représentatives au niveau national et multiprofessionnel les organisations professionnelles d’employeurs qui ne relèvent pas du champ couvert par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, au sens de l’article L. 2152-4 du code du travail :
« 1° Qui relèvent des activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 et au 2° de l’article L. 722-20 du présent code ;
« 2° Qui remplissent les conditions prévues aux 1° et 4° de l’article L. 2152-2 du code du travail ;
« 3° Auxquelles adhèrent au moins quinze organisations relevant du champ des activités mentionnées au 1° du présent article ;
« 4° Et qui sont représentatives dans au moins une des branches agricoles relevant des activités agricoles mentionnées au même 1°. »
Article 19 bis A
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 514-3-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « au niveau national » ;
– à la première phrase du 3°, les mots : « commissions paritaires » sont remplacés par les mots : « comités sociaux et économiques » ;
– à la fin de la seconde phrase du même 3°, les mots : « du renouvellement des commissions paritaires d’établissements » sont remplacés par les mots : « de la mise en place ou du renouvellement des comités sociaux et économiques des établissements » ;
– les cinquième à huitième alinéas sont supprimés ;
– au dernier alinéa, les mots : « commissions paritaires » sont remplacés par les mots : « comités sociaux et économiques » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– au deuxième alinéa, les mots : « à la commission paritaire » sont remplacés par les mots : « au comité social et économique » ;
– les dixième à treizième alinéas sont supprimés ;
– au dix-huitième alinéa, les trois occurrences du mot : « entreprise » sont remplacées par le mot : « établissement » ;
– aux dix-neuvième et vingt et unième alinéas, les mots : « l’entreprise » sont remplacés par les mots : « l’établissement » ;
2° Au premier alinéa et à la première phrase des deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 514-3-2, les mots : « délégué du personnel » sont remplacés par les mots : « représentant du personnel au comité social et économique ».
Article 19 bis B
L’article L. 513-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi modifié :
a) Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Il détermine et gère les projets… (le reste sans changement). » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Les dépenses relatives aux projets de portée nationale et les modalités de répartition de ces charges obligatoires entre les établissements du réseau sont adoptées par délibération de Chambres d’agriculture France. » ;
2° Au 4°, le mot : « développe » est remplacé par le mot : « définit » ;
3° Le 7° est ainsi rédigé :
« 7° Il adopte des normes d’intervention pour les établissements du réseau et s’assure du respect de ces normes ; »
4° Après le mot : « audités », la fin de la dernière phrase du 8° est supprimée.
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Article 20
(Supprimé)
Article 20 bis A (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui étudie les possibilités d’évolution de la réglementation en vigueur concernant la dispense de travail pour un associé d’un groupement agricole d’exploitation en commun qui se trouve dans l’impossibilité de travailler en raison de son état de santé. Ce rapport procède à l’expertise des travaux réglementaires nécessaires, en concertation avec les représentants professionnels, pour faire évoluer la durée de cette dispense de travail, notamment au regard des règles actuelles de l’assurance maladie concernant les affections de longue durée.
Article 20 bis
Le III de l’article 73 A du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l’article 66 de la loi n° … du … de finances pour 2025, est ainsi rédigé :
« III. – A. – La provision prévue au I peut être pratiquée au titre des exercices clos à compter du 1er janvier 2024 et jusqu’au 31 décembre 2027.
« B. – Le bénéfice de la provision prévue au I est exclusif du bénéfice de la déduction prévue à l’article 70 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. »
Article 21
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d’ordonnance à la révision et à l’actualisation des dispositions relevant du domaine de la loi particulières à l’outre-mer en vigueur à la date de publication de l’ordonnance, dans le titre IV du livre VIII du code rural et de la pêche maritime, en vue :
1° De remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, en incluant les dispositions relevant du domaine de la loi qui n’ont pas été codifiées et en adaptant le plan et la rédaction des dispositions codifiées ;
2° D’abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;
3° D’adapter, le cas échéant, ces dispositions à l’évolution des caractéristiques et des contraintes particulières des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ;
4° D’étendre, le cas échéant dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l’application de ces dispositions, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et de procéder, si nécessaire, à l’adaptation des dispositions déjà applicables dans ces collectivités ;
5° De répartir dans des divisions les articles relevant respectivement de la compétence de l’État, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, en procédant à une nouvelle numérotation de ces articles ;
6° De mettre les autres codes et lois qui mentionnent ces dispositions en cohérence avec la nouvelle rédaction adoptée.
L’ordonnance mentionnée au premier alinéa est prise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Article 22
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi visant à assurer la cohérence des textes avec les dispositions de la présente loi et à abroger les dispositions devenues sans objet.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Articles 23 et 24
(Supprimés)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 3
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À l’alinéa 3, substituer aux mots :
« décret du »
le mot :
« le ».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18, insérer l’alinéa suivant : « 1° ter A Au dernier alinéa du même article L. 811-5, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 4° » ; »
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À l’alinéa 29, supprimer les mots :
« ou aquacoles ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L’aquaculture étant comprise dans le champ des activités agricoles, il est inutile de préciser que les établissements peuvent disposer d’exploitations aquacoles dès lors qu’ils peuvent disposer d’exploitations agricoles.
Cet amendement rédactionnel vise à ce que la définition soit exactement identique qu’il s’agisse d’établissements publics ou d’établissements privés.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30, insérer les deux alinéas suivants :
« Les exploitations agricoles mentionnées au présent article peuvent bénéficier des aides de toute nature, ainsi que des avantages prévus par le code général des impôts, le code de la sécurité sociale et le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dont bénéficient les entreprises agricoles.
« Les ateliers technologiques mentionnés au présent article peuvent bénéficier des aides de toute nature, ainsi que des avantages prévus par le code général des impôts, le code de la sécurité sociale et le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dont bénéficient les entreprises. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Comme cela a été prévu au Sénat pour les exploitations agricoles des établissements publics agricoles, cet amendement tend à ce que les exploitations des établissements privés puissent bénéficier des mêmes aides que les entreprises ou exploitations privées.
Il s’agit donc de faire en sorte que la nouvelle disposition s’applique aussi bien aux exploitations agricoles des établissements publics qu’à celles des établissements privés.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 32
insérer les trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° ter Aux articles L. 841-6 et L. 843-3, les mots : « septième alinéa » sont remplacés par les mots : « onzième alinéa du I » ;
« 2° quater La neuvième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 843-2 est ainsi rédigée :
«
L. 811-8 (onzième alinéa) |
Résultant de la loi n° du d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. |
».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les quatre alinéas suivants :
« II. – L’article L. 238-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
« a) L’avant-dernière phrase et la dernière phrase du deuxième alinéa sont ainsi rédigées : « Il est également consulté sur les missions confiées aux établissements d’enseignement supérieur privés relevant du ministre de l’agriculture mentionnés à l’article L. 813-10. La composition, les attributions et les modalités de désignation des représentants des personnels, étudiants et apprentis des établissements publics et des établissements privés ainsi que les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret. »
« b) Après le troisième alinéa il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il formule toute proposition sur les questions d’intérêt national dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire. Il peut être saisi de toute question par le ministre chargé de l’agriculture. »
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35, insérer l’alinéa suivant :
« 1° bis L’article L. 371-12 est abrogé ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Il s’agit également d’un amendement de coordination juridique.
article 14 bis A
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la deuxième phrase de l’alinéa 15, substituer aux mots :
« des articles L. 820-2 et L. 820-3 »
les mots :
« de l’article L. 820-2 ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence juridique.
Article 21
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À l’alinéa 8, substituer aux mots :
« six mois »
les mots :
« douze mois ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L’article 21 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à réviser et à actualiser les dispositions du code rural et de la pêche maritime en matière d’enseignement agricole en outre-mer.
Le Gouvernement partage la conviction qu’il est nécessaire d’aller vite au regard de l’ampleur des modifications apportées au code précité, notamment par le présent projet de loi, mais le délai de six mois apparaît trop court. Il est en effet nécessaire, dans un premier temps, de recenser les dispositions à mettre en cohérence et, dans un second temps, celles qui sont devenues sans objet, puis de prendre une ordonnance.
Nous vous proposons donc, pour des raisons de faisabilité, de porter le délai d’habilitation de six à douze mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Il est favorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, il faut le reconnaître, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, votre victoire est totale, sans aucun compromis, sans aucune nuance, et avec une complaisance coupable du Gouvernement.
Mais la fête risque d’être courte et les lendemains sombres. Car, si votre victoire sert les intérêts d’une minorité d’agriculteurs – toujours les mêmes : les plus puissants –, si elle sert les intérêts de l’agro-industrie et de l’agrochimie, elle se fait au détriment de tous les autres.
Au détriment de la majorité des agricultrices et des agriculteurs qui expriment chaque jour leur colère et le mal-être qu’ils vivent face à la précarité de revenus trop souvent indignes, face à l’isolement et à l’épuisement, face à une bureaucratie parfois absurde et face à une nature et à un climat qui sont aujourd’hui malades.
Cette loi est en fait une loi du déni.
Un déni de la nature, d’abord : ignorer les conséquences parfois lourdes de l’agriculture sur la biodiversité, les sols, l’eau, le climat et la santé est irresponsable. Les agriculteurs en sont les premières victimes.
Rabaisser les vérités scientifiques à de l’idéologie ou à des opinions parmi d’autres n’aurait jamais dû animer nos débats. Acter les faits, ce n’est ni insulter ni culpabiliser tous les agriculteurs : c’est nous rendre collectivement responsables !
En remettant systématiquement en cause le travail de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et de l’Office français de la biodiversité (OFB), vous vous êtes enfermés dans une forme d’obscurantisme qui nous éloigne des réponses et des transitions nécessaires.
Deux administrateurs de l’Anses démontrent dans le journal Le Monde du jour que l’usine à gaz instaurée par cette loi pour subordonner de fait les avis de l’Anses aux intérêts économiques de certains…
M. Yannick Jadot. … rappelle celle qui avait été installée en son temps sur l’amiante et qui a retardé les interdictions indispensables, malgré la catastrophe sanitaire annoncée.
Votre principe « pas d’interdiction sans solution », en ignorant de fait nombre d’alternatives qui reposent parfois sur des changements de pratiques, nous rappelle le même argument invoqué par les planteurs de bananes pour retarder sans cesse la fin de l’utilisation du chlordécone dans les Antilles – là encore, malgré la catastrophe sanitaire annoncée et connue.
Alors que partout les scientifiques alertent sur l’explosion des cancers, en particulier chez les jeunes, chacune, chacun ici devra un jour rendre des comptes.
Un déni de la société et de ses attentes, ensuite : le contrat entre l’agriculture et la société repose sur la reconnaissance et le respect de ce métier si essentiel et pourtant si difficile d’agriculteur, en qui nous plaçons notre confiance.
C’est pourquoi personne dans notre pays n’a remis jusqu’à présent en cause le financement public de l’agriculture, qui représente 200 euros en moyenne par Français et par an. Mais nos concitoyens attendent en retour une agriculture nourricière, une alimentation de qualité, le respect de l’environnement, la protection de la santé et des paysans nombreuses et nombreux dans nos campagnes ; et certainement pas une zone de non-droit et d’impunité, lorsqu’il s’agit d’atteintes à l’environnement. La confiance est fragile ; cette loi l’abîme.
Un déni, enfin, de la principale revendication du monde agricole : le revenu. S’il y a bien un scandale auquel vous ne vous êtes pas attaqués, c’est celui du rapport brutal, déséquilibré, qui lie les agriculteurs à l’agro-industrie et à l’agroalimentaire. Rien n’est prévu malgré les marges et le pouvoir de ces acteurs trop puissants qui écrasent nos paysans ; rien pour garantir des prix rémunérateurs et des revenus dignes.
Mes chers collègues, en ce triste jour, nous, écologistes, gardons pourtant espoir. Parce que, sur le terrain – et toutes les enquêtes le confirment –, les agriculteurs prennent bien plus au sérieux qu’ici les enjeux environnementaux et les attentes de la société, la nécessité de la transition si elle est justement et efficacement accompagnée. Ils sont bien plus lucides qu’ici sur le combat à mener face à l’industrie et à la grande distribution pour obtenir des revenus dignes.
Les jeunes, particulièrement, qui veulent reprendre ou s’installer et qui sont si mal traités par cette loi, sont lucides.
Pour eux, la souveraineté agricole et alimentaire, ce ne seront jamais des fermes usines alimentées par du soja brésilien qui détruit l’Amazonie et le climat pour que soit vendue de la viande de l’autre côté de la planète.
Pour eux, l’agroécologie est non pas un gros mot, que vous avez voulu rayer du texte de cette loi, ou une idéologie, mais la seule option sérieuse, raisonnée et responsable pour le métier qu’ils envisagent.
Nous leur devons une autre loi. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. Où avez-vous vu qu’il était question de l’Anses ? Vous vous trompez de texte !
M. Yannick Jadot. J’ai bien écouté les débats !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise agricole qui s’est exprimée pendant le printemps 2024 nous oblige, car personne ici ne peut nier cette crise multidimensionnelle.
La crise est d’abord sanitaire et environnementale, avec la résurgence d’épidémies, autrefois tropicales, mais désormais hexagonales. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles, et elles mettent sous pression les facteurs de production.
Le malaise agricole est aussi l’expression d’une crise de renouvellement des générations, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises durant les débats. Alors que le déficit en actifs agricoles est déjà marqué, et que les départs à la retraite seront loin d’être tous remplacés, l’avenir est inquiétant. N’oublions pas, en effet, qu’il n’existe pas de pays sans paysans.
Enfin, et surtout, la crise agricole est économique. C’est un constat sans appel. La revendication principale des paysans est de vivre dignement du travail qu’ils fournissent.
Au terme de l’examen du texte, quelle réponse allons-nous fournir à cette crise multidimensionnelle ?
Les paysans attendaient des mesures fortes ; ils n’auront qu’une loi bavarde, programmatique, qui n’apporte pas de réponse à la hauteur de leurs revendications.
Alors, oui, je ne nie pas que quelques dispositions pourraient aller dans le bon sens.
Je pense au guichet unique départemental, même si son rôle et ses contours demeurent incertains et flous. Le nouveau diplôme n’est pas non plus une mauvaise idée en soi, mais son impact réel interroge. Quant au diagnostic modulaire, il aurait pu être utile, mais il restera facultatif et tourné vers la compétitivité.
En revanche, je déplore l’absence d’avancées sur des thématiques pourtant centrales qui permettraient de répondre directement au malaise agricole.
Rien en faveur d’un meilleur revenu des agriculteurs ; rien en faveur d’un rééquilibrage des relations commerciales ; rien pour réguler le foncier agricole ; et rien pour réformer notre système d’aides qui reste orienté vers le productivisme.
L’occasion manquée est terrible. Avec cette loi d’orientation, on n’avance pas ; pire, on recule !
Je déplore cette logique libérale d’allégement des règles environnementales, dans la continuité des nombreuses mesures de simplification annoncées et mises en œuvre depuis 2022.
On recule avec le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », dont l’adéquation avec nos engagements environnementaux interpelle.
On recule aussi avec le refus d’interdire les produits phytos dès lors qu’ils sont autorisés par l’Union européenne : c’est la porte ouverte à la réautorisation des néonicotinoïdes.
On recule avec l’abaissement démesuré des sanctions applicables à la destruction illicite d’espèces, d’habitats naturels ou de sites protégés.
On recule avec l’introduction du principe de présomption de non-intentionnalité des infractions et avec la dépénalisation de certaines d’entre elles.
On recule, enfin, avec l’accélération des recours contre les projets d’ouvrage hydraulique agricole, ou mégabassines.
Nous vous rejoignons sur un point : l’agriculture française doit rester compétitive et permettre à ses filières d’exporter. En un mot : rester d’excellence.
Non, nous ne sommes pas ceux qui voudraient faire « tomber » l’agriculture française, la réduire à néant. Mais, si nous voulons conserver une agriculture d’excellence, nous devons amorcer un virage agroécologique indispensable à sa survie, alliant performance économique, environnementale et sociale.
Pour cela, nous désirons que soient défendus tous les agriculteurs dans leur diversité, en promouvant l’ensemble des modes de production et en préconisant un plus grand pluralisme dans les instances agricoles.
Nous désirons que soit mise en œuvre une loi de régulation foncière qui lutte contre les agrandissements incontrôlés, l’accaparement et la financiarisation de nos terres.
Nous désirons que soit engagée une grande réforme des aides de la politique agricole commune (PAC), comme je l’ai dit à plusieurs reprises, au travers de notre plan stratégique national (PSN), afin d’en finir avec le modèle dominant des aides à l’hectare.
Nous désirons que soient reconnus le rôle majeur des opérateurs de l’État et les travaux scientifiques de l’OFB, de l’Anses ou de l’Inrae.
Nous désirons que soient supprimés tous les dispositifs constituant des reculs environnementaux inacceptables dans le présent projet de loi.
Je vous le dis, mes chers collègues qui allez voter ce texte, vous porterez désormais une responsabilité : celle de ne pas avoir engagé l’agriculture sur la voie de sa survie, en proposant un modèle alliant compétitivité, productivité et respect des paysans, des consommateurs et de l’environnement.
Le groupe socialiste n’a pas d’autre choix que de voter contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y sommes ! Certes, in extremis, à deux jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, mais la chimère qu’était le projet de loi d’orientation agricole est enfin devenue réalité !
Ce texte est-il à la hauteur des attentes qui ont motivé son élaboration ?
Présentée en réponse à la colère du monde agricole, exténué par la hausse des coûts de production, la baisse de compétitivité, la multiplication et la complexification des normes et des procédures administratives, et l’inquiétude face au renouvellement des générations d’actifs agricoles, cette loi d’orientation avait l’ambition de donner un cap clair permettant d’atteindre la souveraineté alimentaire.
Ce cap, qui doit nous permettre de faire face à l’avenir, a-t-il été trouvé ? Nous permettra-t-il de nous adapter aux enjeux à venir, notamment dans le nouveau contexte international qui se dessine ?
Simplification et pragmatisme : voilà la méthode qui a été définie et le cap que nous devons suivre. L’agriculture est stratégique, nous devons la soutenir.
Nous nous réjouissons que la version du Sénat ait été essentiellement reprise. Nos échanges ont été longs, tendus parfois, mais ils nous ont permis d’aboutir à une proposition, certes incomplète, mais qui tend à apporter plus de souplesse aux agriculteurs.
Certaines dispositions de ce texte, toutefois, semblent échapper à cette logique de simplification, ce qui laisse notre groupe quelque peu perplexe. Nous étions les seuls à nous abstenir sur la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie. Ses dispositions, réintégrées à l’article 14 d’une loi visant à limiter la multiplication et la complexification des normes, nous interrogent. Nous resterons très attentifs quant à son application et aux remontées de terrain.
Nous pouvons également regretter que les dispositions sur les compétences « eau » et « assainissement » n’aient pas été retenues en commission mixte paritaire. Toutefois, et c’est le point essentiel, il est fort heureux que la chambre des collectivités ait pu de nouveau témoigner, lors de la discussion, ici en séance, de son attachement à ce sujet essentiel.
Je souhaitais également revenir sur un point. Toutes ces mesures de simplification doivent permettre de favoriser la transmission et l’installation. Pour cela, il faut de la rentabilité économique pour nos exploitations, non pas dans une démarche productiviste, comme cela a été dit, mais parce que sans rentabilité il n’y aura ni transmission ni installation. Les débats qui se sont tenus sur la suppression de la notion de viabilité économique nous étonnent encore.
Qui souhaiterait s’installer et reprendre une exploitation qui ne serait pas viable économiquement ? Diriez-vous la même chose à des artisans, à des commerçants ou à des responsables de PME ? L’objectif d’un exploitant est bien évidemment de vivre de son métier.
Madame la ministre, nous l’avons rappelé, ce texte n’est pas le vôtre. Vous avez hérité du projet de Marc Fesneau, avec un périmètre très restreint. Nous vous remercions pour votre engagement ; nous avons ici tout donné pour essayer de l’enrichir autant que possible.
Je tenais également à vous remercier de votre capacité à tenir vos engagements. Mon collègue Vincent Louault, qui aurait dû être à ma place aujourd’hui et que je vous prie d’excuser, a en ce moment même des échanges avec vos services et ceux du ministère de la transition écologique sur les zones humides, comme vous le lui aviez proposé.
Finalement, nous pourrions presque regretter que ce texte tant attendu ait été discuté si vite tant les sujets restent nombreux : l’urgence à alléger les surtranspositions, la question de la rémunération ou encore l’innovation.
Mais ce n’est qu’une première étape. La prochaine sera la discussion, par l’Assemblée nationale, de la proposition de loi visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur. Ces deux textes sont les deux jambes d’un même corps. Ils sont nécessaires pour apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par les agriculteurs.
Pour conclure, nous pouvons nous réjouir que les débats de ces dernières semaines aient permis de réaffirmer que l’agriculture est « stratégique » pour la souveraineté de la Nation. Cette qualité appelle une nouvelle méthode, axée sur la simplification et le pragmatisme. Nous avons tâché de l’employer ici. Il est nécessaire désormais de l’appliquer à l’industrie, à l’énergie ou à nos PME, autres secteurs essentiels de notre économie.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera unanimement ce texte. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, presque un an après le dépôt du projet de loi d’orientation agricole sur le bureau de l’Assemblée nationale, nous achevons aujourd’hui l’examen d’un texte au parcours chaotique, quelques jours avant l’ouverture du salon de l’agriculture.
Depuis un an, il n’aura échappé à personne que la colère agricole a connu plusieurs épisodes. L’exaspération face à la complexité et à la profusion des normes est constante. Les agriculteurs attendent de la clarification, et c’est la volonté du Sénat d’y répondre, en élaborant un texte complémentaire à la loi d’orientation agricole, à savoir la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
Au terme du processus législatif, la loi d’orientation agricole a été considérablement améliorée et clarifiée. Le travail réalisé par la commission des affaires économiques, principalement, et les commissions du développement durable et de la culture y a contribué. Je salue le travail des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville.
Durant l’examen du projet de loi et les dix jours de débats, il a été nécessaire de défendre la vision que nous en avions et ses objectifs, qui sont les suivants : garantir notre souveraineté agricole ; promouvoir une agriculture qui soit compétitive et durable sur l’ensemble du territoire, et capable de produire une alimentation saine, conformément au principe de souveraineté alimentaire. Nous défendons plus que tout la nécessité de faire confiance aux agriculteurs, à ces femmes et à ces hommes qui donnent tout à leur métier pour nous nourrir, et qui le font avec passion, consciencieusement.
La version finale, issue de la commission mixte paritaire, est satisfaisante. L’accord trouvé avec les députés conserve de nombreux apports du Sénat.
N’attendons toutefois pas du projet de loi qu’il résolve tous les problèmes. Nous savons que ce texte d’orientation est aussi un texte de circonstance et de nécessité. Il aborde des sujets parfois plus urgents que structurants pour l’agriculture. Certains pourront lui reprocher un caractère parfois hétéroclite, mais je soulignerais, à l’inverse, qu’il apporte une vision cohérente, soutenue par des objectifs communs, déclinés dans des solutions pragmatiques.
Parmi les réponses ambitieuses et utiles, je mentionnerai notamment : l’inscription de la souveraineté alimentaire comme intérêt fondamental de la Nation, et le principe de non-régression de cette souveraineté ; la création de dispositifs permettant réellement de faciliter l’installation des agriculteurs – droit à l’essai en agriculture, aide au passage de relais ou encore volontariat agricole – ; l’atténuation des sanctions environnementales en l’absence d’intention de commettre un délit, ce qui vise à garantir la présomption de bonne foi des agriculteurs lors des contrôles et à exclure les sanctions en cas de normes contradictoires ; et, enfin, la simplification de l’article sur les haies.
Mes chers collègues, je pourrais encore citer d’autres points de l’accord de commission mixte paritaire sur lesquels le Sénat a été entendu. Vous me permettrez d’en mentionner deux qui sont, selon moi, particulièrement importants et qui marquent l’aboutissement d’un travail législatif commencé il y a deux ans.
Il s’agit, d’abord, de l’adoption définitive de l’exclusion des bâtiments agricoles du « zéro artificialisation nette » (ZAN), à la suite de l’amendement que j’ai déposé et qui a été largement soutenu ici. L’avenir de l’agriculture exige de ne pas mettre en concurrence les bâtiments agricoles nécessaires à l’élevage avec la construction de nouvelles habitations.
Désormais, contrairement à ce que voulait imposer la loi Climat et Résilience, et tout en respectant l’objectif de sobriété foncière, les constructions ou aménagements nécessaires à l’activité agricole ne seront pas considérés comme artificialisés après 2031. C’est un changement majeur pour l’aménagement de l’espace, notamment en zone rurale, qui rassure les agriculteurs et les élus ruraux.
Il s’agit, ensuite, de l’autorisation des procédés de valorisation des produits lainiers sous forme d’engrais.
L’amendement, soutenu par le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, que j’ai déposé et qui a été adopté permettra aux éleveurs de tirer un revenu complémentaire de la vente des produits de la tonte et de créer une filière de transformation nationale de fertilisants organiques.
Cette méthode était jusqu’alors interdite en France du fait d’une application trop restrictive du droit européen, alors que de tels procédés étaient autorisés en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Je sais que les éleveurs concernés attendaient ce déblocage ; ce texte l’a fait.
Pour terminer, je me félicite bien sûr des avancées contenues dans l’ensemble des textes votés au Sénat sur l’agriculture en ce début d’année. Mais les enjeux sont encore devant nous : avec la proposition de loi Trace (trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux), qui arrive dans quelques jours, et, surtout, l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne, sur lequel nous devons rester vigilants et déterminés – et vous l’êtes, madame la ministre –, afin de ne pas introduire une concurrence déloyale pour nos agriculteurs.
Le groupe Les Républicains votera avec satisfaction le texte de la commission mixte paritaire et espère une promulgation rapide de cette loi tant attendue. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour une entrée en application rapide et conforme à nos ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après un marathon budgétaire historique, nous voici désormais face à la dernière épreuve d’un pentathlon agricole inédit.
Deux jours seulement après avoir voté le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, nous avons cet après-midi l’occasion de mettre un terme, enfin, à son parcours législatif exceptionnellement long.
À mon tour, je souhaite aujourd’hui féliciter les rapporteurs des deux assemblées – Pascal Lecamp, Nicole Le Peih, Franck Menonville et Laurent Duplomb –, qui ont préparé la commission mixte paritaire dans un délai très restreint avec l’ensemble des services.
Ce gain de temps non négligeable a permis d’aboutir à une commission mixte paritaire conclusive dans la nuit de mardi dernier, et d’adopter aujourd’hui définitivement le projet de loi avant le lancement du salon de l’agriculture.
De quoi nous permettre, mes chers collègues, d’échanger avec les professions agricoles pour leur expliquer en détail les mesures contenues dans le texte, sans oublier les autres initiatives parlementaires que nous avons examinées ces dernières semaines.
À ce propos, sans vouloir répéter notre explication de vote et les raisons motivant le groupe RDPI à se prononcer en faveur du texte, permettez-moi néanmoins de saluer une nouvelle fois quelques grandes avancées que contient ce projet de loi.
Dans un premier temps, je dois dire que je suis satisfait par nos travaux relatifs à l’évolution du cadre juridique applicable à la haie.
Je suis également très heureux que l’article 14 bis A ait été préservé lors de la commission mixte paritaire. Cet article, créé par un amendement transpartisan que j’avais défendu avec mon collègue Daniel Salmon, permet d’insérer dans le texte sa proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie, que nous avions adoptée à l’unanimité le 30 janvier dernier. Là aussi, c’est une prouesse d’aller aussi vite !
Par ailleurs, je tiens également à saluer la création du bachelor agro et la mise en place du réseau France Services agriculture, ainsi que l’affirmation du précepte « pas d’interdiction sans solution ». Ces mesures prometteuses permettront, j’en suis convaincu, d’agir pour faciliter le renouvellement des générations en agriculture.
Enfin, je tiens également à mentionner la création d’un droit à l’erreur pour les agriculteurs, qui permet d’inscrire dans la loi la présomption de bonne foi d’un exploitant lors d’un contrôle administratif.
Nous n’avons cessé de l’entendre depuis plus d’un an : les agriculteurs ont besoin de simplification et de bienveillance de la part de l’État. Ce sera chose faite avec ce texte.
Mes chers collègues, il est maintenant urgent d’adopter le projet de loi, et indispensable que les décrets d’application soient pris dans les plus brefs délais.
Madame la ministre, je compte sur vous pour qu’ensemble nous puissions renouer le lien de confiance avec les agricultrices et les agriculteurs, qui font la fierté de notre pays ! (Mmes Maryse Carrère et Anne-Sophie Patru applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, mes chers collègues, ici même, il y a deux jours, vous avez conclu votre propos, madame la ministre, en déclarant que « vous ne voudriez pas commencer le salon de l’agriculture en disant aux agriculteurs que les parlementaires ne les ont pas entendus ».
Si je loue votre travail et votre recherche de compromis, force est de constater que le seul engagement en passe d’être complètement tenu est que le projet de loi soit voté dans les temps.
En effet, ce texte ne répond pas complètement aux attentes des agriculteurs. Il fait craindre un retour en arrière en matière environnementale qui pourrait s’avérer préjudiciable, voire irréversible, tant l’agriculture est l’un des secteurs d’activité les plus sensibles à l’évolution du climat et les plus dépendants du fonctionnement des écosystèmes.
Pour autant, dans ce texte à forte tendance programmatique, la sémantique a son importance. Je me réjouis de voir le compromis parlementaire réintégrer la notion de « transitions climatique et environnementale », en lieu et place « d’adaptation », même si le terme d’agroécologie reste écarté de cette loi, alors qu’il était l’une des priorités de la loi d’avenir agricole – c’est bien dommage.
Il nous faut pourtant donner les moyens à nos agriculteurs de s’adapter, car – faut-il le rappeler – contre la nature, on ne lutte pas.
Je me satisfais aussi de l’objectif rétabli en commission mixte paritaire de porter la part de l’agriculture biologique à 21 % de notre surface agricole utile au 1er janvier 2030. Le Sénat, en le supprimant initialement, avait envoyé un très mauvais signal à la filière bio, qui, je le rappelle, réunit 50 % des agriculteurs qui souhaitent s’installer.
Au rang des autres satisfactions apportées par la commission mixte paritaire, la dépénalisation de certaines atteintes non intentionnelles à l’environnement est désormais circonscrite au champ agricole.
Ce dispositif me paraît plus proportionné et équilibré puisqu’il permet de conjuguer le principe de non-régression environnemental et un allégement du poids des normes qui pèsent sur nos agriculteurs.
Je comprends les craintes de ceux de nos collègues qui s’opposent à ce texte, mais nous devons changer de paradigme et faire davantage confiance aux agriculteurs plutôt que d’être, par défaut, suspicieux.
Par ailleurs, France installations-transmissions laisse désormais sa place à France Services agriculture, et c’est pour le mieux.
La pertinence et la lisibilité du parcours d’installation et de transmission des exploitations agricoles se trouvent ainsi renforcées par cette dénomination plus logique du guichet unique, tout en ouvrant la porte à d’autres prérogatives qui pourraient lui être confiées à l’avenir.
Néanmoins, la commission mixte paritaire est revenue sur la gratuité du diagnostic modulaire permettant de renforcer la viabilité économique, sociale et environnementale des projets d’installation et de cession des exploitations agricoles.
Je vous avais fait part de ma crainte quant à la logique incitative poussée à l’excès dans le cadre de ces diagnostics, puisqu’ils sont réalisés sur la base du volontariat ; or le retrait de leur gratuité ne fait que rendre encore plus hypothétique leur réalisation.
Une évaluation de leur recours, et par conséquent de leur efficacité, me semblera nécessaire dans les années à venir afin qu’ils coïncident davantage avec les objectifs et les attentes des agriculteurs.
Enfin, je me répète, mais j’estime qu’un texte renforçant notre souveraineté alimentaire qui ne traite pas de l’accès au foncier agricole est une anomalie, même si nous allons débattre prochainement du revenu, un sujet lui aussi absent du texte.
Déjà, en 2021, lors de l’adoption de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, le Sénat avait regretté que le Gouvernement n’ait pas tenu l’engagement de déposer une grande loi foncière, pourtant promise depuis le début du quinquennat.
Quatre ans plus tard, le constat reste le même ; les outils de régulation sont toujours fragiles et conduisent, directement ou indirectement, à l’éviction des agriculteurs exploitants eux-mêmes et à un appauvrissement collectif.
Je compte sur vous, madame la ministre, pour travailler en profondeur sur ce sujet et présenter un projet de loi répondant au défi du renouvellement des générations et à la préservation de notre souveraineté alimentaire.
Pour l’ensemble des raisons invoquées précédemment, si je ne peux raisonnablement pas voter contre ce projet de loi, je ne peux pas non plus m’abstenir tant les enjeux et les attentes du monde agricole sont forts. Ces dernières nous obligent et nous responsabilisent.
Certes incomplet et perfectible, ce texte, tel qu’il est issu de la commission mixte paritaire, porte un compromis recevable qui m’amène, ainsi qu’une majorité de membres du groupe du RDSE, à voter en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Lise Housseau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi d’orientation, neuf mois après son adoption en première lecture à l’Assemblée nationale, en tenant ainsi les engagements pris par le gouvernement de l’époque face à l’immense détresse et aux attentes de la profession agricole.
Malgré la dissolution, la censure et l’instabilité politique ambiante, ce projet de loi a pu aboutir, et je salue le travail mené par la commission mixte paritaire et le dévouement des rapporteurs.
Je tiens également à saluer l’implication des sénateurs, tous bords confondus, dans des débats parfois houleux, mais ô combien passionnés qui reflètent l’importance et l’attachement que nous portons tous à ce volet de l’économie qui nourrit l’humanité et aux hommes et aux femmes qui y travaillent au quotidien.
À ce titre, je souhaite exprimer la satisfaction qui est la nôtre de voir cette loi aboutir, dans une version proche de celle que nous avions défendue ici, au Sénat.
Cette loi résoudra-t-elle tous les défis que doit relever l’agriculture ? Assurément, non.
Les agriculteurs sont en première ligne dans la défense de la qualité de notre alimentation et de notre autonomie collective ainsi que dans la préservation de notre environnement. Notre principal défi est de leur permettre de vivre dignement de leur métier. Or cette question du juste prix, au cœur d’une énième loi Égalim, demeure entière.
Cette loi marque-t-elle pour autant une avancée ? C’est indéniable, car elle apporte quelques réponses.
Le présent texte consacre la souveraineté alimentaire en lui accordant le statut d’« intérêt fondamental de la Nation ». Alors que le libre-échange semble céder la place à un protectionnisme revendiqué et que des bruits de bottes se font entendre de façon de plus en plus pressante, il me semble nécessaire d’anticiper et d’avoir l’exigence de renforcer notre souveraineté et notre autonomie alimentaires.
À la suite des travaux de la commission mixte paritaire, le législateur reconnaît qu’il est nécessaire de favoriser les transitions climatique et environnementale et fixe un objectif chiffré de surfaces cultivées en bio, affirmant ainsi tout leur intérêt. Je m’en réjouis.
Le présent texte contribue à répondre à la crise des vocations agricoles et au défi du renouvellement des générations. Il crée le guichet unique France Services agriculture et apporte des propositions en matière de formation, afin de rendre le métier plus attractif tout en sensibilisant aux enjeux de protection de l’environnement.
Enfin, le projet de loi vise à diminuer la pression coercitive et punitive qui pèse sur l’agriculteur, lequel ne peut plus servir de bouc émissaire. Il a trop longtemps subi des exigences toujours plus lourdes, faisant de lui autant un Atlas portant le poids de nos politiques environnementales et sanitaires sur ses épaules qu’un Sisyphe condamné à toujours plus de vertus sans que ses travaux soient reconnus à leur juste valeur. Il était temps de rééquilibrer les choses pour rassurer des agriculteurs majoritairement de bonne foi, sans pour autant cautionner l’indéfendable.
Mme Anne-Sophie Romagny. Exactement !
Mme Marie-Lise Housseau. Autre point positif, ce projet de loi intègre le dispositif d’une proposition de loi déposée par notre collègue Anne-Sophie Romagny, obligeant les aménageurs à assurer la création de zones de non-traitement en cas de projet de construction en limite des champs agricoles. Pour une fois, c’est une façon de ne pas mettre toutes les obligations à la charge des agriculteurs.
Mme Anne-Sophie Romagny. Merci !
Mme Marie-Lise Housseau. Ce texte ouvre donc un nouveau contrat social, où l’agriculture est mieux reconnue, la formation renforcée, l’installation-transmission facilitée, les contraintes allégées.
Il ne réglera pas tout, mais il constitue une première marche que l’Europe semble d’ailleurs vouloir prolonger, comme en témoignent les annonces d’hier au sujet de la réciprocité des normes pour les produits importés.
Le groupe Union Centriste restera vigilant, engagé et à l’écoute du monde agricole. Aussi, nous voterons bien sûr les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’élan populaire suscité chaque année par le salon de l’agriculture risque vraisemblablement de supplanter assez vite les suites discrètes de cette petite LOA. On nous avait promis une grande loi, mais, en réalité, la montagne accouche d’une souris.
Nous ne devons pas perdre de vue la crise structurelle que traverse l’agriculture. Ce qui nous frappe, c’est que le présent texte, qui devrait être le fruit d’un compromis entre députés et sénateurs, s’aligne presque totalement sur celui du Sénat. Ainsi, le rôle de la commission mixte paritaire tend à changer de nature : sur un total de 925 parlementaires, ce sont donc onze d’entre nous, aussi honorables soient-ils, c’est-à-dire 1,19 % de la représentation nationale, qui déterminent le texte que nous sommes amenés à voter.
Mme Anne-Sophie Romagny. C’est le principe !
M. Gérard Lahellec. Certes, la procédure est parfaitement légale,…
M. Antoine Lefèvre. Ah !
Mme Anne-Sophie Romagny. Merci !
M. Gérard Lahellec. … mais le texte souffre d’une moindre légitimité. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude.
En outre, le projet de loi s’aligne plus sur les objectifs d’une récente proposition de loi d’initiative sénatoriale dite de simplification des normes qu’il ne constitue une véritable loi d’orientation agricole.
Nous avons pourtant besoin d’une grande loi d’orientation pour soutenir le développement durable de notre agriculture, garantir des productions suffisantes pour nourrir l’humanité et assurer le renouvellement des générations. Aujourd’hui, on compte moins de 400 000 exploitations en France, et la moitié des agriculteurs et agricultrices accéderont à la retraite dans les dix années à venir.
Chaque jour, deux paysans se suicident, tandis que les grands actionnaires de l’industrie agroalimentaire captent la moitié de la valeur ajoutée, après paiement des salaires et des impôts de production. C’est la preuve que, nonobstant les lois Égalim, la valeur ajoutée va plus vers l’aval, c’est-à-dire vers la distribution et la consommation, que vers la ferme, qui est pourtant sa source de production.
Ce système a sans cesse exigé d’abaisser la part de l’alimentation dans le budget des ménages, renforçant en permanence la pression sur les prix à la production.
Ce système enserre le travailleur paysan dans un étau, réduisant son rôle à celui d’un extracteur de minerai, conduisant à considérer la matière première agricole comme une marchandise échangeable sur le grand marché mondial, et non comme un bien commun.
Toutes les filières sont touchées, à des degrés divers. Dans mon seul département des Côtes-d’Armor, entre 2021 et 2023, nous avons perdu plus de dix millions de litres de production laitière. Et il n’est absolument pas impossible que, dès 2027, nous devions importer du lait en France.
Plutôt que de remettre en cause ce système, on nous parle de normes. Il est vrai qu’il y a souvent trop de paperasserie, de tracasseries et d’injonctions contradictoires, mais ce ne sont pas elles qui contribuent à diminuer le revenu paysan.
Parlons-en, des normes ! Lorsqu’elles auront disparu, nous n’aurons plus d’argument pour nous opposer aux traités de libre-échange ou pour défendre nos appellations d’origine protégée (AOP).
De plus, il persiste une grande absente dans le présent texte : la question du foncier agricole. Cette question est certes complexe, mais en nous privant de l’aborder, nous prenons le risque d’une privatisation des terres, dont le propriétaire ne sera plus paysan.
Enfin, on relève la grande faiblesse du texte au sujet de la pêche, activité indispensable à notre souveraineté alimentaire qui elle aussi a besoin d’être soutenue.
Pour conclure, il y a plusieurs sortes de lois d’orientation. Avec celle-ci, il nous est proposé de continuer de faire comme avant, mais en allant plus vite : manière, au fond, de continuer à marcher sur la tête. Pour cette raison, nous confirmons notre opposition à cette loi d’orientation agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission des affaires économiques et, l’autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 236 |
Contre | 103 |
Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos et M. Henri Cabanel applaudissent également.)
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 mars 2025 :
À seize heures trente :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe.
À dix-huit heures trente :
Débat sur les accords franco-algériens dans le domaine de l’immigration et de la circulation des personnes.
À vingt et une heures trente :
Proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes, présentée par M. Jean-François Rapin (texte de la commission n° 358, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures dix.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER