Mme Marianne Margaté. Il suffit de consulter le code civil : si, lors de la célébration, l’officier d’état civil a des doutes sérieux quant à la légalité d’un mariage, il saisit sans délai le procureur de la République. Ce dernier, sur le fondement d’une enquête, tranchera alors le sort de ce mariage, par décision motivée. Il y aurait ainsi, chaque année, quelques centaines de cas d’opposition au mariage formulés par le procureur de la République au motif d’une suspicion de mariage simulé ou arrangé.

Je crains que certains ne trouvent ces chiffres insuffisants. Serait-ce parce qu’ils ne peuvent pas s’en servir pour justifier leur agenda politique, de sorte qu’ils préfèrent une estimation personnelle plus arrangeante, mais qui va bien au-delà des chiffres réels ?

Pourtant, le mécanisme prévu dans le code civil a un sens. En donnant au procureur de la République la responsabilité de la décision quant au doute sur la légalité d’un mariage, nous protégeons le maire, officier d’état civil.

En cette période de violences croissantes contre les élus, il n’est pas inutile de les protéger. En effet, un maire qui ne respecterait pas la loi risque une sanction, car chacun est égal devant la loi.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. J’espère que les maires écoutent…

Mme Catherine Di Folco. Ils vont être contents, les maires…

Mme Marianne Margaté. Si donc M. Robert Ménard, maire de Béziers, est reconnu coupable de s’être opposé de façon illégale à la célébration d’un mariage, il encourra une peine pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité. (M. Stéphane Demilly sexclame.)

Nous ne sommes pas du côté des maires médiatiques dont l’agenda d’extrême droite est bien loin des intérêts de la France et des gens qui la composent. Nous sommes du côté de ceux qui, chaque jour, défendent la démocratie locale et les valeurs de la République.

Si la situation est ubuesque pour l’extrême droite, elle n’a rien d’insensé pour ceux qui défendent la République française. Et les maires le savent, qui se tiennent loin des débats stériles ne visant qu’à cacher la réalité.

Les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs fonctions ne sont pas liées à ces mariages entre Français et personne étrangère en situation irrégulière. Nous devons les accompagner dans cette rude mission, qui les conduit à œuvrer chaque jour auprès de nos concitoyens, pour l’intérêt général.

Mes chers collègues, encore une fois, je vous le demande : qu’avez-vous donc à gagner, en conscience, à soutenir un texte aussi bancal juridiquement ? Croyez-vous réellement que vous protégerez la France en piétinant ainsi l’universalité d’un droit fondamental ?

En vérité, cette proposition de loi est un leurre ou un écran de fumée visant à faire oublier l’absence de réponse sur des sujets autrement cruciaux sur lesquels nous sommes attendus, qu’il s’agisse de l’emploi, du logement, de la santé ou de l’éducation. En détournant l’attention vers le cas emblématique du « sans-papiers qui voudrait épouser un Français pour les papiers », vous évitez d’avoir à parler de l’échec des politiques sociales ou des causes profondes des flux migratoires.

Cette instrumentalisation politicienne de l’immigration vous disqualifie, car elle révèle une forme de soumission aux logiques électoralistes les plus cyniques. À qui donnez-vous donc des gages ? Notre assemblée vaut mieux que cela. La loi, qui est l’expression de la volonté générale, ne doit pas devenir le jouet de calculs partisans au mépris de l’État de droit.

Présumer que l’irrégularité de séjour vicierait automatiquement le consentement au mariage est une aberration. Mais, malheureusement, notre droit n’est pas exempt d’absurdités, notamment lorsqu’il s’applique aux étrangers.

Par exemple, s’il est interdit d’embaucher une personne étrangère sans autorisation de travail, le salarié étranger pourra solliciter un titre de séjour sur le fondement de son travail. Il lui sera demandé de fournir en préfecture des bulletins de salaire pourtant illicites.

Ce salarié illégal sera tout de même protégé par le code du travail, et c’est heureux ! Parce que les personnes étrangères sans papiers sont des êtres humains, leur précarité administrative ne peut pas justifier une vie sans droits. La dignité humaine est pour tous ou pour personne.

Je veux faire un autre rappel important, qui évitera des confusions inutiles. À l’inverse des autres pays européens, la France délivre systématiquement une obligation de quitter le territoire national lorsqu’une personne étrangère y séjourne depuis plus de trois mois en situation irrégulière. De ce fait, la France est de très loin le pays européen qui délivre le plus d’OQTF, mais avec le taux d’exécution le plus bas. Celui qui séjourne sur le territoire national en situation irrégulière est quelqu’un non pas de dangereux, mais de précaire.

M. Roger Karoutchi. Et en infraction !

Mme Marianne Margaté. Ainsi, mes chers collègues, alors que nos concitoyens nous regardent, nous devons nous interroger sur la direction que nous souhaitons faire prendre à la société qu’ils composent.

Monsieur le garde des sceaux, vous semblez avoir changé d’avis, puisque, en 2023, vous vous étiez montré défavorable à des amendements dont l’objet était similaire à celui de ce texte. Vous aviez même ironisé alors sur le fait qu’il faudrait modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen…

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à refuser de céder aux sirènes de l’extrême droite. Le piège est trop grand, l’enjeu trop important et les conséquences trop graves ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Paccaud applaudit également.)

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en premier lieu, je tiens à souligner l’importance, à propos d’un sujet aussi essentiel, de pouvoir mener le débat à son terme dans cet hémicycle, de pouvoir discuter et échanger calmement, sereinement, sans que des contre-vérités soient proférées, et de pouvoir examiner et voter les amendements.

Je l’ai dit tout à l’heure, j’ai déposé un texte qui se veut clair, laconique et univoque, mais qui, à l’évidence, met un vrai sujet sur la table. Je suis donc naturellement ouvert à un travail collectif, qui permettrait de trouver une voie de passage et d’avancer vers une meilleure protection des maires. Que l’on ne se méprenne pas, tel est l’objet principal de ma proposition de loi : protéger les maires. Nous le leur devons, au Sénat plus qu’ailleurs.

Beaucoup d’entre vous ont été maires, vous connaissez le sujet. Depuis le dépôt de ce texte, nombreux sont les maires de mon département, mais aussi de toute la France, à m’avoir envoyé chaque jour des messages pour me faire part de leur soutien à cette proposition de loi. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) elle-même soutient ce texte. (Mme Valérie Boyer applaudit.)

Rejeter cette proposition de loi sans l’examiner reviendrait à balayer d’un revers de la main les attentes des élus municipaux. Or ce n’est pas parce que la question est difficile qu’il faut éviter le débat.

En second lieu, et pour en revenir au fond de cette motion, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout comme nos engagements internationaux, n’empêche pas le législateur de proposer des adaptations à la loi, notamment lorsque le contexte, comme je l’ai déjà souligné, a sensiblement évolué.

La décision du Conseil constitutionnel que vous mentionnez, ma chère collègue, date du 20 novembre 2003, année durant laquelle environ 20 000 OQTF ont été prononcées. Ce chiffre est à comparer aux 130 000 OQTF décidées pour l’année 2023. Plus de vingt ans après, la situation a profondément changé, le ministre l’a rappelé tout à l’heure.

Nous nous devons, en tant que législateurs, de prendre en compte ces évolutions.

Le Conseil constitutionnel suit les mêmes principes. Dans certaines circonstances, il peut préciser ou ajuster la portée des normes constitutionnelles en fonction des réalités actuelles. Cela peut se traduire par des décisions qui étendent ou restreignent certaines libertés ou certains droits fondamentaux au regard des transformations de la société. Par exemple, des décisions relevant d’une jurisprudence antérieure peuvent évoluer à la lumière d’éléments nouveaux. C’est ainsi que fonctionne notre droit, je ne vous apprends rien. Le pouvoir d’interprétation du Conseil constitutionnel garantit que la Constitution reste un instrument vivant, capable de s’adapter aux évolutions de la société.

Je l’ai dit en préambule : oui, en 2003, le Conseil constitutionnel s’était fondé sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui protègent la liberté personnelle. Il s’agit là d’une interprétation, car ce texte fondamental ne comporte aucune mention du mariage.

En revanche, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise bien que les libertés individuelles peuvent être encadrées par la loi, par des bornes législatives. C’est à nous, législateurs, de les fixer. Sans ces bornes nécessaires, l’exercice de certaines libertés pourrait empiéter sur d’autres droits fondamentaux.

À titre d’exemple, le principe d’égalité devant la loi est bien protégé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le mot « Égalité » est inscrit sur le fronton des mairies. Dès lors, comment expliquer que, dans une mairie, des enquêtes sont diligentées, parce que la sensibilité personnelle de l’officier d’état civil ou les moyens municipaux y concourent, alors que dans une autre mairie, rien n’est fait ? Valérie Boyer l’a déploré voilà un instant.

La situation n’est pas claire, elle n’est pas non plus égalitaire. Ma proposition de loi doit constituer un moyen de pousser les institutions, y compris la nôtre, à réfléchir à des évolutions et aux réformes indispensables.

J’ai demandé à échanger avec tous les groupes politiques de cette assemblée lorsque ce texte a été déposé. J’aurais bien voulu en débattre avec Mme Cukierman, mais mes demandes répétées sont restées lettre morte. (M. Fabien Gay proteste. – Mme Marianne Margaté lève les bras au ciel.)

Pour conclure, monsieur Gay, non, je n’ai pas peur !

M. Stéphane Demilly. Monsieur Gay, madame Vogel, vous avez affirmé que le calendrier d’examen de ma proposition de loi n’était pas le fait du hasard ; je vous réponds en toute amitié que c’est de la mauvaise foi : cette initiative date de la fin de l’année 2023.

Monsieur Gay, quand vous déclarez que nous courons après l’extrême droite,…

M. Stéphane Demilly. … permettez-moi de vous dire qu’à force de mettre des œillères dogmatiques face à de vrais problèmes, c’est vous qui faites le lit de l’extrême droite ! C’est vous qui balisez le chemin et préparez l’accession de l’extrême droite aux responsabilités nationales ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Stéphane Demilly. Je voterai naturellement contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, car elle me semble prématurée. Comme l’a très bien souligné notre collègue Roger Karoutchi, ici, nous ne sommes pas au Conseil constitutionnel, nous sommes au Sénat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Fabien Gay proteste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Naturellement, la commission est défavorable à cette motion, et ce pour trois raisons.

Dans le cadre des travaux en commission, d’abord, il a été question des fragilités constitutionnelles du dispositif. Néanmoins, et je rejoins en cela Stéphane Demilly, il faut poser le débat en séance publique. On ne peut l’éviter au regard de l’écho médiatique des affaires Ménard et Wilmotte.

Ensuite, les amendements que la commission a déposés ne font courir, eux, aucun risque de constitutionnalité : ils ne tomberont donc pas pour ce motif.

Enfin, et j’y insiste – parce que l’on fait dire beaucoup de choses au Conseil constitutionnel –,…

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur… il faut noter qu’en 2012 la dernière décision du Conseil sur le sujet a marqué une inflexion.

Ainsi, les sages de la rue de Montpensier considèrent que « la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle, résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [et] que cette liberté ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage ». Cela tombe bien, nous sommes justement en train d’en débattre ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Olivier Paccaud. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cette intervention me permettra à la fois de répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés lors de la discussion générale et d’émettre l’avis du Gouvernement sur la motion.

Je répondrai tout d’abord à Mme Margaté que, si le statut d’un citoyen ou d’une personne en situation régulière en France était le même que celui d’une personne en situation irrégulière, cela n’aurait plus aucun sens.

M. Roger Karoutchi. Tout à fait !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Un étranger en situation irrégulière ne pourrait donc pas signer de contrat de travail, mais pourrait bien signer un contrat de mariage. Il n’y aurait là aucune logique.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il convient de distinguer les individus selon leur statut, sauf à dire que le territoire national peut accueillir n’importe quel être humain, sans distinction de citoyenneté, ce qui reviendrait à remettre en cause l’existence même du concept de citoyenneté et la notion de régularité du séjour, ou à dire – mais vous n’avez pas osé le faire – qu’il faut régulariser l’intégralité des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Et puis, je vous en prie, pas de leçon de morale ! Je ne me suis pas permis de vous rappeler les propos de Georges Marchais sur la main-d’œuvre étrangère en France ! Le lien entre capitalisme et immigration est dénoncé par le parti communiste depuis très longtemps. Je m’étonne d’ailleurs que ce parti, qui considérait le mariage comme une institution de petits-bourgeois, soit devenu le pourfendeur de ceux qui veulent l’encadrer. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Fabien Gay sourit également.) Évidemment, je ne dis cela que pour faire sourire l’auditoire, y compris vous-même, monsieur Gay…

Madame Narassiguin, la manière dont vous avez attaqué le maire d’Hautmont, le courageux maire d’Hautmont, est absolument inacceptable ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie sesclaffe.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame la sénatrice, m’exprimant devant la chambre représentant les collectivités territoriales, je ne m’étonne qu’à moitié – et il n’y a là, je le précise, aucune attaque personnelle de ma part, malgré ce que vous avez pu dire vous-même à la tribune à mon propos, notamment que je suis un garde des sceaux qui n’est soucieux ni de l’État de droit ni de la Constitution –…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la vérité !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … que, lors de la discussion générale, les trois premiers orateurs issus des partis politiques formant le Nouveau Front populaire n’aient jamais été maires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Fabien Gay. C’est une remise en cause du statut de parlementaire !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est étonnant de la part des groupes politiques de gauche…

M. Fabien Gay. Nous serions des parlementaires moins au fait que les autres ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous êtes un parlementaire et, à ce titre, vous avez évidemment toute légitimité à vous exprimer, mais je constate qu’aucun de ces trois sénateurs – dont vous faites partie, monsieur Gay – n’a exercé de mandat de maire, ce qui a été le cas d’un certain nombre d’entre nous ici, y compris, me semble-t-il, des sénateurs appartenant à des groupes de gauche, qui font, eux, preuve de bon sens en considérant qu’un maire est nécessairement pragmatique, notamment parce qu’il est régulièrement exposé à des situations inacceptables.

Vous qui protégez les plus faibles – et vous avez bien raison –, vous devez savoir que, quand on est maire, on fait face à des personnes qui ne sont pas en mesure de faire part de leur consentement libre et éclairé. Confronté à ces situations, et après avoir constaté un tel manque, l’officier d’état civil, l’agent municipal comme le maire, peut demander au procureur de la République de lui fournir les moyens d’aider ces personnes, de sorte que le mariage ne devienne pas un passe-droit.

Je l’assume, j’estime qu’il est assez révélateur que ceux qui se sont exprimés contre cette proposition de loi n’aient jamais été officiers d’état civil.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas malin !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Madame Narassiguin, vous avez souligné que le maire n’était pas un juge, mais le procureur de la République n’en est pas un non plus. En tant qu’officier d’état civil, le maire agit au nom du procureur de la République. Si le maire est ceint d’une écharpe bleu-blanc-rouge, ce n’est pas parce qu’il est élu local, mais parce qu’il est le représentant de l’État, officier d’état civil et représentant du préfet. Tout comme le procureur de la République, il assure donc la continuité de l’État. C’est ce qui le différencie fondamentalement des autres élus, qui n’ont pas le droit d’arborer l’écharpe tricolore, le bleu près du col.

Aussi, le maire doit aussi exercer un contrôle en matière d’immigration. La loi l’a confirmé voilà plus de cinquante ans : lorsque le maire est appelé à vérifier les certificats d’hébergement dans le cadre d’un certain nombre de procédures, notamment pour les demandes de regroupement familial, il ne fait qu’exercer ce contrôle. Et c’est son rôle d’agent de l’État que de le faire.

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil.

Mme Anne-Sophie Romagny. Cela tombe sous le sens !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous avez donc raconté beaucoup d’inepties. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Je veux également revenir sur une affaire essentielle, celle du maire d’Hautmont. Ce maire, catégorisé « divers droite », est éminemment républicain – nous sommes plusieurs ici à le connaître.

En affirmant, monsieur le sénateur du Rassemblement national, que vous ne m’avez pas vu le soutenir quand j’étais ministre de l’intérieur, alors que je l’ai protégé et que j’ai dit publiquement que je le soutenais, vous avez menti à la tribune de la Haute Assemblée ! (M. Joshua Hochart proteste.) Je vous l’ai fait remarquer lorsque vous êtes redescendu de la tribune, et vous m’avez répondu que j’avais raison…

M. Joshua Hochart. N’importe quoi !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Injure publique, excuse privée, cela n’est pas acceptable, monsieur le sénateur ! Il aurait fallu dire à la tribune que nous avons soutenu, notamment le ministère de l’intérieur,…

M. Joshua Hochart. Mais pas le procureur !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … le maire d’Hautmont, qui m’a d’ailleurs remercié publiquement.

J’ai fait expulser la personne que le maire d’Hautmont a refusé de marier. En somme, monsieur le sénateur, ce que vous avez essayé de faire, c’est de la démagogie, comme d’habitude ! Vous non plus n’avez jamais été maire ; vous avez donc parlé de ces choses sans les connaître : croyant, mais pas pratiquant, monsieur le sénateur ! (M. Joshua Hochart proteste de nouveau.)

Lorsqu’il a fallu le défendre, je me suis rendu à Hautmont pour soutenir M. Wilmotte, lequel a expulsé, je le rappelle, un imam radicalisé, fiché S, dont la mosquée a été fermée par la République, décision confirmée par tous les tribunaux appelés à se prononcer.

Un maire, quelle que soit sa couleur politique, à qui l’on demande de marier ce type d’individu, s’y opposera naturellement. L’inverse serait absurde ! (Marques dapprobation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Vous avez raison, la signature d’un contrat de mariage ne confère aucun droit à régularisation automatique, mais le mariage contribue à la vie privée et familiale. J’ajoute que, si ces personnes sont très amoureuses, elles peuvent très bien se marier dans leur pays d’origine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et lorsque leur pays d’origine est la France ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Conseil d’État reconnaissent d’ailleurs que la vie privée et familiale est possible dans le pays d’origine.

M. Thomas Dossus. Et le Danemark ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le Conseil d’État a rendu trois jugements en ce sens l’année dernière. Nous sommes donc très heureux de pouvoir dire que, en France, seules les personnes en situation régulière sur le territoire national peuvent se marier.

Et si je me suis opposé à des amendements qui tendaient à la mise en œuvre d’un dispositif équivalent à celui de la proposition de loi de M. Demilly dans le cadre de l’examen du projet de loi Immigration – je le dis à l’attention de Mme Boyer et de ses collègues –, c’est justement – et je l’avais souligné à l’époque – parce qu’il s’agissait de cavaliers législatifs.

Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin. Non !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je ne vais pas refaire le débat sur la loi Immigration, mais ces dispositions ont été en partie censurées par le Conseil constitutionnel.

Du reste, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale – mais je suis sûr que vous m’avez écouté –, j’estime que la présente proposition de loi pose une bonne question et que la réécriture de ce texte par le rapporteur Le Rudulier apporte les bonnes réponses. C’est ainsi que l’on aurait dû écrire la loi Immigration ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Le problème avec vous, monsieur le ministre, c’est que vous confondez souvent stand-up et séance publique au Sénat… (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ne soyez pas jalouse, tout le monde n’a pas ce talent ! (Sourires.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’ai pas votre talent, monsieur le ministre, mais je tiens à vous rassurer : j’ai déjà célébré des mariages.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui, mais vous n’avez pas pris la parole en discussion générale !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’ai compris qu’ici il y avait plusieurs catégories de sénateurs et qu’il fallait avoir célébré des mariages pour avoir le droit de s’exprimer. (M. le garde des sceaux manifeste son désaccord.) Ne ronchonnez pas ainsi, monsieur le ministre, cela tend à prouver que ce que je dis vous atteint.

M. Thomas Dossus. Ça va bien se passer !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Cela ne me choque aucunement !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’en reviens à la motion : nous la voterons, parce que nous sommes totalement d’accord avec l’argument que vous aviez avancé lorsque vous étiez ministre de l’intérieur – c’est vrai que vous avez du mal à l’oublier –, selon lequel un amendement analogue à celui de Mme Boyer, ici présente, était « contraire, non seulement à nos engagements internationaux, mais également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui s’appuie sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Oui, mais depuis, Stéphane Le Rudulier est arrivé ! (Sourires.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Contrairement à ce que vous venez d’indiquer, vous ne vous êtes pas opposé à ces amendements parce qu’il s’agissait de cavaliers législatifs, mais parce que vous considériez qu’ils n’étaient pas conformes à la Constitution. Vos anciens amis de droite peuvent en témoigner, vous avez une conception assez plastique des propos que vous avez tenus…

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C’est une attaque personnelle !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. De ce fait, vous pouvez dire aujourd’hui le contraire de ce que vous disiez hier.

Nous aurons l’occasion d’y revenir, estimer qu’aucune mesure n’est prévue pour encadrer les mariages et, plus particulièrement, pour faire constater le défaut de consentement, n’est pas exact. Nous aurons le plaisir de vous rappeler l’existence d’un certain nombre de circulaires qui détaillent tous ces procédés.

Nous partageons totalement les propos de Fabien Gay. Vous sombrez dans une certaine dérive : vous avez voulu faire un tract de ce texte ; c’est le premier d’une série que le Sénat sera amené à examiner. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Puisque M. Retailleau n’a pas de projet de loi, il aura des propositions de loi. Vive Bruno Retailleau !

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Merci pour ce « Vive Bruno Retailleau ! », Marie-Pierre de La Gontrie ! (Sourires.)

Plus sérieusement, Stéphane Demilly a l’art, l’habileté, une science subtile de la maîtrise du calendrier : même si sa proposition de loi date de la fin de l’année 2023, de façon étonnante, elle tombe à pic au cours d’une semaine où les Français ont appris que, malheureusement, leur droit nuptial est bancal, voire kafkaïen, puisque des maires, dont le seul crime est de vouloir faire respecter la loi, peuvent devenir des délinquants.

Ce texte est évidemment, comme l’a dit Roger Karoutchi, un texte de bon sens. La loi doit incarner le bon sens, la clarté. Mieux vaut éviter de noyer Marianne dans les tourbillons de la contradiction.

Comment comprendre qu’aujourd’hui une personne sous obligation de quitter le territoire français puisse s’y marier ? Il faut discuter de cette proposition de loi et c’est pourquoi, bien entendu, je voterai, comme mes collègues du groupe Les Républicains, contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Le texte comporte quatre avancées : d’abord, il permettra de clarifier la situation ; ensuite, il permettra de protéger les édiles ;…