M. Philippe Grosvalet. C’est fini !

M. Stéphane Ravier. … et en stoppant l’immigration…

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue !

M. Stéphane Ravier. … est un préalable urgent !

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi un texte majeur, qu’il s’agisse des valeurs de la République ou de la lutte contre le communautarisme.

Face à la multiplication des phénomènes de repli communautaire dans le sport, aucun renoncement n’est acceptable. Il est de notre devoir d’agir en responsabilité.

Il y a déjà plus de vingt ans, le rapport de la commission Bernard Stasi sur l’application de la laïcité alertait quant à la formation d’équipes « communautaires » et quant au déclin de la pratique sportive féminine.

Il y a déjà près de dix ans, une note du service central du renseignement territorial (SCRT, devenu la direction nationale du renseignement territorial) dévoilait que, dans certaines salles de sport comme dans certaines équipes sportives, le recrutement s’exerçait principalement au sein de communautés religieuses.

Depuis plusieurs années, des affaires judiciaires et médiatiques éclatent régulièrement, venant illustrer ces phénomènes. Que ce soit à Sète, où un club de sport s’est vu retirer son agrément pour pratiques communautaires, ou bien à Grenoble, où le conseil municipal a autorisé le burkini dans les piscines publiques, les fédérations sportives sont confrontées à des revendications communautaires croissantes.

Face à cela, le renoncement n’est pas une option.

En 2021, la loi confortant le respect des principes de la République a institué le contrat d’engagement républicain. En vertu du même texte, une association méconnaissant ce contrat peut se voir retirer son agrément. Cette faculté n’est pas suffisamment utilisée aujourd’hui.

Le 29 juin 2023, le Conseil d’État a jugé conforme à la loi la décision des fédérations de football d’interdire le port de signes religieux. Le ministère des sports a généralisé cette interdiction pour les athlètes français participant aux jeux Olympiques.

Il y a trois ans, j’ai moi-même présenté une proposition de loi pour interdire clairement les signes religieux dans la pratique sportive. Ce texte suivait peu ou prou la même logique que la loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles à l’école. Il consacrait le respect du principe de laïcité dans le sport et l’interdiction des tenues et signes religieux dans tout équipement sportif.

Cette levée de boucliers doit se poursuivre et s’intensifier, car le repli communautaire et le séparatisme n’auront jamais leur place dans le sport.

Fondateur des jeux Olympiques modernes, Pierre de Coubertin disait du sport qu’il faisait « partie du patrimoine de tout homme et de toute femme », et que rien ne pourrait jamais « compenser son absence ». Le sport a le pouvoir de rassembler des Français de toutes origines sociales, culturelles et territoriales. Il est, en ce sens, un puissant vecteur d’intégration et de cohésion.

Les fédérations sportives jouent un rôle clé dans le quotidien de nombre de nos concitoyens. Elles concourent largement à l’émancipation des générations futures. Plus de 6,3 millions de jeunes sont inscrits dans ces fédérations. Si, aujourd’hui, l’État ne dispose pas de moyens suffisants pour faire face au risque croissant de séparatisme dans le sport, cette proposition de loi n’en contient pas moins des mesures concrètes.

À ce titre, l’interdiction du port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives, édictée à l’article 1er, est essentielle. Parmi les phénomènes de repli communautaire, l’un des plus récurrents et des plus largement rejetés par la société française est évidemment le port de signes religieux visibles.

Il en va de même de l’interdiction des prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d’une pratique sportive, ainsi que du respect des principes de laïcité et de neutralité dans les piscines publiques, conformément aux articles 2 et 3.

Le présent texte permet également la réalisation d’enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif.

Cette disposition est d’autant plus urgente que, en l’état actuel du droit, un individu fiché au titre de la prévention de la radicalisation à caractère terroriste peut tout de même se voir délivrer une carte professionnelle d’éducateur sportif. Le droit français présente aujourd’hui des insuffisances : les mesures qui figurent dans ce texte sont donc nécessaires.

Certains sénateurs présents dans cet hémicycle voient dans la présente proposition de loi un texte d’exclusion, antiféministe, un texte qui, s’il était adopté, empêcherait la pratique sportive des femmes. Ce n’est ni plus ni moins qu’un renoncement.

Cette posture revient à admettre dans le sport la discrimination de genre que certaines religions imposent aux femmes et à nier que le port de vêtements religieux peut représenter une pression pour les autres femmes de même confession.

En quoi le fait d’autoriser le port du voile lors d’activités sportives permettrait-il d’émanciper, d’intégrer et d’assimiler de jeunes femmes ?

M. Max Brisson. Exactement !

M. Dany Wattebled. On ne répond pas aux prédicateurs et à ceux qui dévoient le sport pour y faire du prosélytisme par le renoncement. Or refuser de faire respecter la laïcité dans le sport, au motif que cela éloignerait certaines femmes, c’est, je le répète, un renoncement !

La meilleure façon de défendre les femmes, le sport et la laïcité, c’est de respecter nous-mêmes nos propres valeurs, d’être fidèles à nos principes et de refuser toute compromission.

C’est pourquoi le groupe Les Indépendants soutient les objectifs de cette proposition de loi. Oui, la laïcité doit être protégée dans le sport ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi est-il urgent de légiférer pour assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, et ce dans un pays dont la Constitution dispose clairement, dans son article premier, qu’il « est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ? Pourquoi de si nombreux sénateurs ont-ils cosigné la proposition de loi de notre collègue Michel Savin et voulu réaffirmer un principe fondateur de notre société ?

Selon moi, c’est tout d’abord parce que les précédents gouvernements n’ont pas voulu, en leur temps, conserver les mesures qu’avait adoptées le Sénat en la matière ; c’est aussi parce qu’il appartient au ministre chargé des sports – c’est son rôle – de convaincre toutes les fédérations d’adhérer au principe de laïcité.

Le sport, comme l’école, doit être absolument sanctuarisé et préservé de tout entrisme religieux. Gabriel Attal, lors de son passage au ministère de l’éducation nationale, avait tenu un discours ferme vis-à-vis de l’entrisme religieux à l’école. Nous demandons à Mme la ministre des sports de faire preuve de la même fermeté au sein de son ministère.

Le voile, l’abaya, le qamis, le burkini ne sont pas des vêtements culturels, ce sont des étendards politiques qui s’immiscent dans notre société et, tout particulièrement, dans le sport.

Le port de ces vêtements trouve sa source dans des normes imposées par l’islam le plus rigoriste, lequel souhaite instituer – ne l’oublions pas – une communauté islamique mondiale, l’oumma. Le port de l’abaya par de plus en plus de petites filles en est un exemple effrayant qui, en France comme ailleurs, contribue à un véritable apartheid sexuel.

M. Olivier Paccaud. Tout à fait.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. N’oublions pas qu’en Iran le premier geste politique des mollahs, à leur arrivée au pouvoir en 1979, a consisté à voiler les femmes et à les rendre invisibles, alors que ce pays était jusqu’alors très moderne et à l’avant-garde du féminisme.

N’oublions pas non plus que le pays qui a imposé au monde entier la première athlète voilée – c’était lors des jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 –, la tireuse à la carabine Lida Fariman, est également l’Iran, qui a ainsi foulé aux pieds l’article 50 de la Charte olympique. C’est dans ce même pays que des femmes meurent aujourd’hui, parce qu’elles refusent de porter ce voile qui étouffe leur cri : « Femme, Vie, Liberté ».

Le sport fait fi de la religion, du milieu social, de la couleur de peau et permet de se réunir sous un même maillot, avec un même objectif : gagner, battre l’adversaire. Cette saine émulation est une chance, en particulier pour la jeunesse. Sachons absolument la préserver, tout comme il faut rappeler que les équipements sportifs ne sont pas destinés à se transformer en lieux de culte.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Une fois n’est pas coutume, je vais citer le Président de la République, qui, dans son discours des Mureaux en octobre 2020, avait déclaré : « Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste. C’est un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, […] dont les manifestations sont […] le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées qui sont le prétexte pour l’enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. C’est l’endoctrinement et par celui-ci, la négation de nos principes, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité humaine. »

Plus de quatre ans après ces belles paroles, où en sommes-nous des objectifs concrets ainsi définis ? Nulle part ! Je dirais même que la situation a empiré…

L’opposition des précédents gouvernements à la quasi-totalité des amendements que nous avions défendus dans le cadre de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République – un temps appelé « projet de loi Séparatisme » –, lesquels amendements avaient alors été qualifiés d’amendements « textiles » par un ministre dont je ne citerai pas le nom, ou aux amendements déposés sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France est un exemple concret de ce manque d’engagement et de clarté.

Pour conserver ses vertus émancipatrices et libératrices, pour les jeunes et les moins jeunes, le sport doit se pratiquer sans entrave religieuse. Aucun enfant, aucun adolescent ne doit subir l’hydre islamiste – je reprends l’expression utilisée par le président Macron en 2019 – ni au sein de son établissement scolaire ni au cours de ses activités sportives, lieux où doit s’appliquer, plus que nulle part ailleurs, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », à laquelle j’ajouterais « Unité ».

L’adoption de la présente proposition de loi permettra au Gouvernement et au Parlement d’envoyer un message fort, un signal de fermeté. Oui, j’assume mes propos : entre le hijab ou le burkini, d’une part, et le sport, d’autre part, il faut choisir !

Aujourd’hui, notre rôle est d’affirmer que la neutralité dans le sport répond à une impérieuse nécessité. Ne soyons pas dupes, ne nous voilons pas la face, le sport fait partie des vecteurs de l’entrisme islamiste, vecteur déjà préconisé par le fondateur des Frères musulmans, Hassan el-Benna, décédé en 1949, dont je rapporte ici les propos : « Nous ne sommes pas un groupe sportif, même si le sport est un moyen pour nous. »

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’écrivait Pierre de Coubertin, il est temps, dans le domaine du sport comme dans tous les autres, de « voir loin, parler franc, agir ferme » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.)

(M. Dominique Théophile remplace Mme Sylvie Robert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 1er (suite)

Article 1er

La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport est complétée par un article L. 131-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-7-1. – Lors des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives agréées, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées, le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit. »

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. « L’important, c’est de participer » ; nous connaissons tous cette phrase attribuée, peut-être à tort, à Pierre de Coubertin. Mais l’essence même du sport, aujourd’hui comme demain, et si nous y veillons, réside dans sa capacité à rassembler, à unir autour d’une même passion des femmes et des hommes venus d’horizons variés.

Dans une société de plus en plus archipélisée, bunkérisée, « escargotisée », le rectangle vert, le stade et le vestiaire sont parmi les derniers espaces de mixité sociale. Combien de membres d’une même association sportive, issus néanmoins de milieux différents, ne se seraient peut-être jamais rencontrés sans le sport ?

Quand on porte le même maillot, les chaînes religieuses, les a priori de classe, les stigmates des quartiers s’effacent. Oui, sous un même maillot, plus de barrières, que des coéquipiers ! Quand on joue ensemble, quand on souffre ensemble, quand on gagne et qu’on perd ensemble, on apprend à se connaître, à s’apprécier, à se comprendre. Le vestiaire peut être cet endroit où tombent les préjugés et où naît la fraternité.

Faire partie d’une équipe est un formidable moyen d’intégration et de cohésion sociale. Les clubs sportifs demeurent d’incomparables lieux d’échanges, d’amitié, de générosité, où la formule latine mens sana in corpore sano – « un esprit sain dans un corps sain » – prend tout son sens pour le bien de tous.

Le sport ne divise pas, il rassemble. Quand l’essentiel, c’est l’équipe, les différences s’estompent. Que la religion reste donc aux portes du stade et du gymnase, il y a assez de facteurs de division dans notre société ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l’article.

M. Jean-Jacques Lozach. Nous entendons, nous aussi, être les avocats intransigeants de la laïcité et des valeurs républicaines, et nous entendons défendre cette position dans tous les domaines de la vie publique et non simplement dans le sport. Car on pourrait très bien légiférer demain sur d’autres secteurs de la vie associative que le secteur sportif.

Pour ce qui est du constat, un certain nombre de chiffres ont été cités : je pense notamment aux 120 clubs régulièrement évoqués, essentiellement d’ailleurs dans le football et les sports de combat. Bien évidemment, il s’agit de 120 clubs de trop – je ne dis donc pas qu’il n’y a pas ici ou là quelques problèmes –, mais il convient tout de même de relativiser les chiffres.

Après tout, ces 120 clubs ne représentent que 0,08 % des 160 000 clubs sportifs recensés en France. Je rappelle aussi que les signalements enregistrés ne donnent pratiquement jamais lieu à la fermeture des établissements concernés ; le risque est donc proche de zéro…

En revanche, ce qui, à l’évidence, pose problème, c’est la mise en œuvre de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et, en particulier, l’application du contrat d’engagement républicain. Les difficultés sont notamment d’ordre financier pour les ministères concernés, en particulier les services du ministère des sports et ceux du ministère de l’intérieur.

Je note tout de même que le mouvement sportif en général, que ce soit le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui est la structure faîtière de ce mouvement, ou les fédérations sportives, qui sont pourtant promptes à nous saisir dès la moindre difficulté, n’est pas demandeur d’un nouveau texte de loi.

Les clubs concernés sont justement en train de s’emparer de ce contrat d’engagement républicain, et il me semble qu’il aurait été plus judicieux – je parle au conditionnel, puisqu’il n’y a pas eu d’étude d’impact sur la présente proposition de loi – d’attendre une véritable évaluation de la loi du 24 août 2021 que de chercher à la compléter.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 9 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 28 rectifié quinquies est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Apourceau-Poly, MM. Barros et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec et Mmes Silvani et Varaillas.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 4.

Mme Sylvie Robert. Notre amendement vise à supprimer l’article 1er. En effet, il convient selon nous de préserver le droit en vigueur, qui garantit le respect du principe de laïcité au sein du mouvement sportif, en faisant une distinction entre les usagers et les agents du service public et assimilés et en appréhendant les risques pour l’ordre public ou de nature sanitaire, tout en tenant compte – j’y insiste – de la proportionnalité de la réponse apportée entre ces différents risques et le respect des libertés constitutionnelles d’expression, de pensée et d’exercice de sa religion.

La loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d’État sont extrêmement claires. La dérogation introduite par la loi de 2004 pour les élèves de notre pays, catégorie d’usagers particulière, extrêmement influençables du fait de leur âge, est amplement suffisante.

Nous le savons bien, mes chers collègues, une fois de plus, vous visez une religion et le port du voile. L’application de votre dispositif aurait pour effet d’exclure encore davantage une certaine catégorie de la population, d’empêcher aussi de nombreuses jeunes filles – il faut le dire – de pratiquer le sport de haut niveau, pourtant facteur essentiel d’intégration, car le sport a aussi cette fonction.

Enfin, il relève non pas du législateur, mais du pouvoir réglementaire des fédérations, dans le cadre de l’exercice de leur mission de service public, d’édicter de telles interdictions du port de signes manifestant ostensiblement une appartenance. Certaines associations l’ont déjà fait, cela a été dit.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l’amendement n° 9.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement tend, tout comme le précédent, à supprimer l’article 1er.

Le groupe écologiste s’oppose en effet à l’interdiction générale et absolue du port de signes religieux pour l’ensemble des pratiquants de compétitions sportives, principalement au niveau amateur.

Nous défendons encore et toujours une vision fidèle aux principes fondamentaux de notre République et, plus particulièrement, à l’esprit de la loi de 1905. Cette loi, qui régit la séparation des Églises et de l’État, impose un principe de neutralité aux agents du service public et non à ses usagers. Il s’agit d’un principe constant et clair, confirmé à maintes reprises par le juge administratif.

En réalité, l’interdiction absolue du port de signes religieux dans le sport ne résoudrait aucun problème ; elle en créerait même de nouveaux. Elle alimenterait la stigmatisation et les tensions au lieu de favoriser un climat de respect et de tolérance. Le sport ne doit pas exclure.

Fidèles à notre engagement en faveur des libertés individuelles et du vivre ensemble, nous demandons la suppression de cet article. Avec ce texte, mes chers collègues, vous ne faites pas en sorte que le principe de laïcité s’applique, vous y ajoutez des exceptions.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié quinquies.

M. Pierre Ouzoulias. À ce stade du débat, j’aimerais rendre hommage à Marie-George Buffet et au travail exemplaire que celle-ci a accompli dans ce domaine. En tant que ministre des sports, elle avait coutume d’employer une formule forte : le sport était, selon elle, le lieu d’apprentissage de « la » règle unique, règle à laquelle on ne pouvait pas déroger, pour quelque motif que ce soit.

Comme je l’ai dit lors de mon intervention en discussion générale, nous ne sommes pas satisfaits de la rédaction actuelle de cet article 1er. En effet, en l’état il s’agit de rien de moins que d’une transposition de la loi de 2004, qui s’applique aux lieux d’enseignement, mais qui, à notre avis, ne correspond pas tout à fait à la pratique sportive.

En effet, les signes et les tenues ne sont pas les seuls à poser problème : il y a aussi les gestes, les démonstrations qui, eux, ne sont pas visés par le dispositif de cet article. J’ai en tête, bien entendu, l’exemple d’un joueur de football – je suis désolé que cela tombe toujours sur le même sport, mais dans le mien,…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Il est rugbyman !

M. Pierre Ouzoulias. … il y a moins de problèmes. Il s’agit d’un joueur de l’équipe nationale turque qui, après avoir célébré son but sur le terrain en faisant référence aux « Loups gris », l’extrême droite turque, a été suspendu deux matchs. C’était une décision juste ; il fallait le faire et je regrette que l’article 1er ne nous permette pas d’en faire autant.

Il existe évidemment d’autres signes à proscrire : d’abord, les signes nazis, dont on constate malheureusement une recrudescence ; ensuite, je suis désolé de vous le dire, mes chers collègues (Lorateur porte son regard vers la partie droite de lhémicycle.), mais je pense aussi, même si je ne les mets pas au même niveau, aux signes de croix que font certains joueurs en entrant sur la pelouse, lesquels n’ont pas non plus lieu d’être, à mon sens, sur un terrain.

Je vise, et c’est probablement ce qui nous distingue les uns des autres, toutes les expressions religieuses, quelles qu’elles soient, d’où qu’elles viennent. C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés à la rédaction actuelle de cet article, même si je garde l’espoir que nous puissions y revenir ultérieurement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements identiques de suppression de l’article 1er. J’ajoute, et je le dis une bonne fois pour toutes, qu’elle sera évidemment défavorable à l’ensemble des amendements de suppression des articles de cette proposition de loi, puisque leur adoption reviendrait à « écraser » des dispositions qui ont été mûrement réfléchies et travaillées.

Je tiens par ailleurs à opposer plusieurs arguments aux intervenants que nous venons d’entendre.

Pourquoi mettre sur le même plan le sport et l’école ? C’est parce que toutes les auditions que nous avons menées confirment que ce sont les deux vecteurs principaux de séparatisme. Madame Ollivier, j’étais enseignant en 2004, au moment du vote de la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues religieux dans les établissements scolaires. J’ai entendu exactement les mêmes arguments que ceux que vous avez avancés,…

M. Max Brisson. Très juste !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. … à savoir que ce type de mesures allait poser plus de problèmes qu’il n’en résoudrait !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. À l’époque, on fermait les yeux sur un phénomène qui n’en était qu’à ses débuts ; il fallait prendre le taureau par les cornes, et c’est ce que le gouvernement d’alors a fait.

Marie-George Buffet a été auditionnée dans le cadre de nos travaux. À cette occasion, elle s’est dite très favorable à la présente proposition de loi. Elle ne l’aurait peut-être pas été en 1997, à l’époque où elle est devenue ministre des sports, mais elle s’est forgé une conviction depuis lors en examinant un certain nombre de cas concrets. Je précise que j’évoque une audition qui s’est déroulée voilà quelque temps déjà, puisque, je vous le rappelle, nous devions examiner ce texte il y a huit mois.

En ce qui concerne la différence entre usagers et agents du service public, j’indique que le sujet a été tranché en 2004 pour les écoles, puisque, les concernant, on met sur le même plan les mineurs et les majeurs. En effet, quand le principe de laïcité s’applique dans un lycée, il concerne en effet essentiellement des mineurs, mais également quelques majeurs : je pense notamment à une partie des lycéens de terminale, aux élèves de BTS (brevet de technicien supérieur) ou aux élèves des classes préparatoires, qui ont souvent atteint leur majorité.

Le principe de neutralité s’applique donc à l’ensemble de la population susceptible d’être exposée à des problèmes de séparatisme au sein d’une classe, au sein d’un établissement. C’est ainsi que le débat a été tranché en 2004 ; il l’a été difficilement, mais il l’a été.

Pourquoi les associations sportives ? Nous aborderons ce débat tout à l’heure à l’occasion de l’examen de l’un de vos amendements. C’est simple : les fédérations sont délégataires d’une mission de service public. (Mme Mathilde Ollivier sexclame.) C’est à ce titre que l’on est en droit de leur imposer les mêmes exigences que celles qui s’imposent à l’école de la République. Voilà pourquoi nous mettons les fédérations sportives au même niveau que les écoles.

Imaginez qu’en 2004 nous ayons décidé qu’une simple possibilité d’interdire le port du voile serait accordée aux écoles : croyez-vous que cela aurait été satisfaisant ? Non, nous avons préféré basculer vers une obligation générale, car il fallait une harmonisation.

Contrairement à ce que j’ai entendu, notre initiative législative répond à la demande de nombreuses fédérations sportives : lors de son audition par la commission, le président du CNOSF nous a ainsi demandé de lui fournir des instruments juridiques pour harmoniser les pratiques et de lui offrir enfin la possibilité de présenter une position cohérente à l’ensemble des fédérations sportives de notre pays.