Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Francis Szpiner applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Charte olympique du Comité international olympique (CIO), dans sa version en vigueur au 30 janvier 2025, reconnaît comme principes fondamentaux de l’olympisme le droit de pratiquer un sport sans discrimination, la neutralité politique des compétitions et la liberté d’expression de leurs participants. En outre, sa règle 50.2 stipule : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »
Cette interdiction est la condition d’observation des principes fondamentaux cités à l’instant. C’est parce que les compétitions sont neutres que leurs participants ne subissent aucune discrimination et que leur liberté d’expression est protégée.
Une telle logique n’est pas sans rappeler celle de la laïcité française, qui garantit la liberté de conscience des individus en exigeant de l’État qu’il ne reconnaisse aucun culte. La neutralité est une condition de cette liberté. Certes, la loi de 1905 ne l’impose pas aux usagers des services publics, seuls leurs agents y sont soumis, mais l’athlète qui participe à une compétition n’est pas un simple usager.
L’essence de l’éthique olympique est d’organiser des compétitions entre des athlètes placés sur un pied d’égalité. Ces derniers ne confrontent que leur force, leur adresse, leur intelligence et leur esprit d’équipe, en dehors de toute autre considération étrangère au sport. (M. Michel Savin acquiesce.) En cela, l’olympisme organise un espace universel par une langue commune fondée sur les seules règles sportives.
Alors que, partout sur la planète, l’universalisme est battu en brèche par les particularismes religieux, les revendications identitaires ou politiques, il appartient à la France de le protéger, parce qu’elle a activement participé à la construction de l’olympisme depuis son premier congrès, tenu à la Sorbonne en 1894.
Il nous appartient de surcroît de défendre l’esprit de la lex olympica contre les instances chargées de l’appliquer : je regrette vivement que le CIO et certaines fédérations internationales aient accepté des transgressions de la règle commune pour satisfaire des États qui interdisent aux femmes de choisir librement ce qu’elles doivent porter.
Ces violations de la Charte olympique fragilisent le combat des femmes qui s’en réclament pour se défendre.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, quelle est la liberté d’une athlète iranienne de ne pas porter une tenue religieuse, si l’application du principe de neutralité olympique est laissée à la seule appréciation des délégations ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Permettez-moi de saluer le courage et la volonté d’émancipation de la Marocaine Nawal El Moutawakel, médaillée d’or en 1984,…
M. Max Brisson. Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. … de l’Algérienne Hassiba Boulmerka, médaillée d’or en 1992, et de la Tunisienne Habiba Ghribi, médaillée d’or en 2012. Toutes trois ont refusé la tenue religieuse que les hommes voulaient leur imposer. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et SER. – M. Dany Wattebled applaudit également.) Pour défendre leur liberté, il nous faut défendre la Charte olympique.
L’introduction dans le droit français de l’obligation de neutralité pour les compétitions, telle qu’elle est édictée par l’article 50.2 de la Charte olympique, aurait été une façon de la promouvoir au sein des instances internationales. Cela aurait aussi permis de protéger les fédérations françaises qui l’ont reprise dans leur règlement et qui sont aujourd’hui soumises aux pressions de ceux pour qui l’impératif religieux doit primer la loi commune.
Je regrette donc que la rédaction de l’article 1er du présent texte ne s’en éloigne, en ne retenant que « le port de signes ou de tenues », alors que la Charte olympique proscrit les « démonstrations », ce qui inclut les gestes, par exemple les saluts nazis.
De manière plus générale, cette proposition de loi a heureusement suscité une réflexion utile quant à la nécessité de préciser la nature des missions de service public confiées par l’État aux fédérations sportives.
Parce qu’elles accueillent de nombreux mineurs, les fédérations participent au service public pour l’éducation de la jeunesse par le sport. Cette mission leur était explicitement reconnue par l’article 16 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Elle n’est plus mentionnée dans les articles L. 131-8 et L. 131-9 du code du sport, dans leur rédaction issue de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. C’est très regrettable.
Auditionnés devant notre commission, les représentants de plusieurs fédérations sportives ont émis le souhait qu’une loi-cadre précise la nature et les modalités de mise en œuvre des missions de service public que l’État confie à ces structures. (M. le président de la commission le confirme.) Monsieur le ministre, il vous appartiendra de lancer cette réflexion pour que l’héritage des jeux Olympiques soit non seulement matériel, mais aussi moral et législatif. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE, RDPI et INDEP. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la laïcité s’est imposée avec la loi de 1905, au terme d’un long processus remontant à la Révolution française, marqué par l’affirmation des libertés de conscience et d’expression.
« La démocratie, disait Jean Jaurès, n’est autre chose que l’égalité des droits. Or il n’y a pas égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. »
Aujourd’hui, la laïcité est souvent mal comprise, mal définie ou instrumentalisée, notamment par une partie de la classe politique. Elle est surtout devenue le terreau d’un confusionnisme ambiant et permanent.
Monsieur Savin, vous nous en avez donné un bon exemple au début de cette discussion générale, en nous parlant de la neutralité du sport, censée être garantie par la loi : je ne sais pas à quoi vous faisiez référence. Chers collègues, vous invoquez et convoquez la laïcité, mais votre texte attaque ses principes mêmes. Avec cette proposition de loi, vous en êtes non pas les protecteurs, mais les fossoyeurs.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Oh là là…
Mme Mathilde Ollivier. Ce texte va à rebours, non seulement de l’histoire de France, mais encore de l’histoire de cette idée. La laïcité est une boussole. C’est un pilier de notre République. Grâce à elle, la liberté de conscience est garantie et la pratique religieuse de chacun est assurée en toute liberté.
Aujourd’hui, personne n’est dupe. D’ailleurs, votre exposé des motifs est bien clair : vous visez directement, frontalement et lâchement, des femmes de confession musulmane de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà la réalité : nous examinons un texte cherchant à exclure les musulmans.
M. Francis Szpiner. C’est honteux de dire cela !
Mme Mathilde Ollivier. La loi de 1905 paraît d’une clarté et d’une modernité absolues : la neutralité concerne les agents du service et non les usagers. Il convient de le souligner. Or nous nous inquiétons d’une distorsion progressive de cette loi sous l’effet de polémiques successives.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Et que faites-vous de l’école ?
Mme Mathilde Ollivier. Les exceptions législatives ne sauraient légitimer des atteintes toujours plus graves aux libertés individuelles, notamment à la liberté de conscience.
Les femmes que vous visez n’exercent pas une activité de service public. Elles veulent simplement pratiquer un sport, et vous les excluez, vous les stigmatisez, vous les méprisez. D’ailleurs, à aucun moment vous ne les avez conviées à vos auditions : vous n’avez même pas eu la décence de laisser la parole aux premières concernées.
Vous décidez de les invisibiliser dans le domaine du sport. Qu’en sera-t-il demain ? Ferez-vous de même lors des sorties scolaires, à l’université ou encore au travail ? Jusqu’où irez-vous ? (M. Francis Szpiner s’exclame.)
Pour ma part, je vais profiter des quelques minutes dont je dispose pour vous parler d’elles, en vous livrant quelques-uns de leurs témoignages.
Founé : « J’étais prise au piège entre ma passion [pour le football] et quelque chose qui constitue une très grande partie de mon identité. C’est comme si on avait essayé de me demander de choisir entre les deux. »
Hélène : « Je suis allée à des matchs, parfois j’ai décidé de ne pas y aller parce que c’était trop difficile et je n’avais pas la force d’encourager mes coéquipières. (M. Olivier Paccaud manifeste sa circonspection.) Cela change la manière dont je m’entraîne, car je vais aux entraînements pour m’amuser maintenant, mais aussi pour progresser individuellement ; et c’est dur de progresser individuellement si on ne peut pas jouer pendant les matchs, c’est dur de rester motivée sans les matchs.
« Je suis une joueuse compétitive, je ne vais pas mentir. Je l’ai toujours été, depuis l’âge de 5 ans. Donc c’est un élément essentiel de votre passion dont on vous prive, même physiquement, parce que les entraînements sont souvent moins intenses que les matchs. Mentalement, c’est difficile aussi, parce qu’on se sent vraiment exclue. Tout le monde sait pourquoi vous ne jouez pas ; surtout si vous allez vers le banc et que l’arbitre vous dit d’aller dans les gradins, tout le monde vous voit aller du banc aux gradins. »
M. Michel Savin. Rien ne l’empêche de jouer !
Mme Mathilde Ollivier. « Pour le reste du monde, c’est juste une question de ne pas pouvoir jouer, mais pour vous c’est une marche de la honte. »
Assma : « Ça m’impacte beaucoup. Mais je veux continuer à me battre, vraiment. Je veux continuer à me battre, parce que par exemple ce sport, le volleyball, ça m’a beaucoup, beaucoup aidée dans le rapport au corps que j’avais. On dit souvent : “le sport, c’est un vecteur d’émancipation”. »
M. Stéphane Ravier. Le voile aussi, c’est bien connu !
Mme Mathilde Ollivier. « Ça nous permet de nous émanciper de nos conditions sociales. Et on rencontre des personnes qu’on n’aurait jamais rencontrées dans la vie de tous les jours. »
Chers collègues, alors même que le sport a vocation à rassembler, vous nous proposez aujourd’hui un sport qui exclurait. Le sport est le terrain de la solidarité et de la cohésion : nous refusons qu’il devienne celui de la discrimination.
M. Michel Savin. Eh bien…
Mme Mathilde Ollivier. Le 28 octobre dernier, trois rapporteurs spéciaux de l’ONU et le groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ont d’ailleurs estimé que l’interdiction du couvre-chef, y compris au niveau amateur, était « disproportionnée et discriminatoire ».
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Ce n’est pas l’avis du Conseil d’État…
Mme Mathilde Ollivier. Ces mesures enfreignent en effet le droit de manifester librement son identité, sa religion ou croyance en privé et en public, et de prendre part à la vie culturelle.
Nous devrions porter haut et fort l’héritage des récents jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris : faire de la pratique sportive la priorité de nos politiques publiques.
M. Michel Savin. C’est vrai !
Mme Mathilde Ollivier. Or, à l’inverse, le Gouvernement nous laisse en héritage une baisse exponentielle des crédits budgétaires et la droite sénatoriale veut restreindre la pratique du sport…
M. Michel Savin. Non !
Mme Mathilde Ollivier. … en excluant les femmes de confession musulmane.
M. Max Brisson. C’est faux !
M. Jacques Grosperrin. Vous caricaturez !
Mme Mathilde Ollivier. Donc, non, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Adel Ziane applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous réunit cet après-midi dépasse largement le cadre du sport, chacun l’aura bien compris. Elle engage un principe fondateur de notre République : la laïcité.
C’est sûrement ce qui explique la présence au banc du Gouvernement de M. le ministre auprès du ministre de l’intérieur, chargé des cultes, en lieu et place de Mme la ministre des sports, alors que la proposition de loi de M. Savin porte sur le code du sport…
Au fond, quelle laïcité voulons-nous ? Une laïcité éclairée, qui protège la liberté de conscience et la neutralité de l’État, ou une laïcité instrumentalisée à des fins identitaires et partisanes ?
Mes chers collègues, ce débat n’est pas qu’une affaire de règlements ou de codes. Il met en jeu notre pacte républicain et la manière dont nous concevons le vivre ensemble.
La laïcité n’est pas une arme, c’est une source d’équilibre. Elle repose sur une architecture subtile, que nous devons protéger. Elle n’impose pas le silence aux convictions personnelles : elle empêche simplement qu’une croyance ne domine les autres dans l’espace public, sous l’effet d’une démarche prosélyte.
Vouloir, par cette proposition de loi d’interdiction, faire de la laïcité un outil d’exclusion, c’est travestir son essence. User d’elle comme d’un prétexte pour dicter aux individus ce qu’ils doivent être, c’est détourner un principe de notre République au profit d’une lecture restrictive de cette notion.
Oui, notre conception de la laïcité diffère de la vôtre. Nous ne saurions en aucun cas vous suivre dans la course effrénée, véritable course à l’échalote, dans laquelle vous vous êtes lancés avec l’extrême droite française… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pas ça, monsieur Kanner !
M. Patrick Kanner. … et nous l’assumons.
M. Jacques Grosperrin. On l’attendait, celle-là…
M. Patrick Kanner. Oui, monsieur Grosperrin ; et vous avez cité une de mes anciennes interventions : je vous répondrai plus tard à ce propos.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Ce sera intéressant…
M. Patrick Kanner. Alors que les intentions de vote en faveur de l’extrême droite sont à leur plus haut niveau dans notre pays, vous ne faites que nourrir les confusions, les approximations et les stéréotypes en mettant ce principe fondateur au service de votre récit antimusulman.
Certains n’hésiteront pas à nous cataloguer parmi les naïfs ou les laxistes.
M. Francis Szpiner. Oui !
M. Patrick Kanner. Je leur réponds par avance, avec fermeté et sans ambiguïté.
J’étais ministre des sports à l’époque des attentats de 2015 et de 2016…
M. Stéphane Ravier. Et vous vous en vantez, en plus ?
M. Patrick Kanner. … et nul ne saurait taxer devant moi la gauche républicaine de laxisme. Le groupe socialiste, que j’ai l’honneur de présider, n’a, sur ce point, de leçons à recevoir de personne. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je suis un « laïc » de la première heure…
M. Stéphane Ravier. Et vous faites alliance avec LFI ?
Mme la présidente. Monsieur Ravier, laissez parler M. Kanner !
M. Patrick Kanner. Mais être un partisan de la laïcité ne signifie pas être fermé à l’expression de toute croyance, à toutes les religions quelles qu’elles soient ou encore à une religion en particulier, comme c’est le cas en l’occurrence, ainsi que l’exposé des motifs du présent texte le laisse comprendre.
Sous couvert de défendre la laïcité, vous tournez le dos à Aristide Briand, dont Gérard Larcher convoque souvent la mémoire. Briand affirmait : « La loi protège la foi, à condition que la foi ne veuille par faire la loi. » (Exclamations et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Excellent !
Mme la présidente. Mes chers collègues, c’est M. Kanner qui a la parole…
M. Patrick Kanner. Dans cet esprit, je me permets de vous rappeler que les garanties constitutionnelles interdisent non seulement de cibler une religion plus qu’une autre, mais aussi de porter une atteinte excessive et disproportionnée aux libertés individuelles.
Force est de constater que, depuis plusieurs années, la droite ne cesse d’interroger notre manière de vivre ensemble. Alors, reprenons le débat. Confrontons votre vision étriquée de la laïcité à la nôtre : celle d’une laïcité qui ne construit pas des murs, mais qui ouvre des ponts (Mme Samantha Cazebonne s’exclame.), sans angélisme ni amalgame.
Pourquoi nous opposons-nous au présent texte ?
Premièrement, cette proposition de loi est redondante. Grâce à une jurisprudence déjà rappelée à plusieurs reprises au cours de cette discussion, les fédérations sportives délégataires disposent déjà du pouvoir nécessaire pour réglementer ces questions de manière équilibrée et réfléchie. À ce titre, le mouvement sportif n’est d’ailleurs pas demandeur d’une nouvelle loi.
M. Patrick Kanner. En parallèle, ce texte porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. En interdisant de manière générale l’utilisation d’un équipement sportif comme salle de prière, il va à l’encontre de la jurisprudence du Conseil d’État et de l’esprit même de la loi de 1905, qui autorisent sous condition la mise à disposition temporaire de locaux communaux à des associations cultuelles. Vous le savez bien.
Nous prenons acte de l’amendement de M. le rapporteur visant à élargir le champ de la mesure à l’ensemble des cultes ; mais l’intention initiale reste inchangée. Pourquoi prévoir une dérogation pour des fêtes paroissiales ou des réunions catholiques tout en interdisant clairement la prière musulmane ? Loin d’assurer une laïcité équilibrée, cette différence de traitement crée une inégalité flagrante. Elle nourrit un climat de suspicion envers une partie de nos concitoyens.
Deuxièmement, cette proposition de loi est discriminatoire. En ciblant spécifiquement les signes religieux, notamment le voile, elle marginalise en particulier nos concitoyennes musulmanes, trop souvent au centre des polémiques relatives à l’identité.
De telles interdictions entraîneront à coup sûr une exclusion sociale dévastatrice pour ces femmes, pour qui le sport est un canal essentiel de sociabilité, d’intégration et de bien-être physique et mental. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier s’exclame.)
De telles dispositions – cela ne fait aucun doute – auront pour seul résultat de condamner ces sportives à l’isolement. Peut-être même les pousseront-elles au communautarisme.
M. Jacques Grosperrin. Mais non !
M. Patrick Kanner. Cette proposition de loi interdit, lors des compétitions, « le port de tout signe ou tenue manifestant [clairement] une appartenance politique ou religieuse ». Dès lors, je m’interroge : la majorité sénatoriale entend-elle aussi interdire les campagnes contre l’homophobie, qui se manifestent parfois par le port d’un autocollant sur le maillot pendant les matchs ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Ce n’est pas religieux !
M. Patrick Kanner. Voyez, chers collègues de droite, à quoi vos amalgames pourraient mener…
Troisièmement, cette proposition de loi est potentiellement liberticide. Elle permet de restreindre les libertés individuelles sans fournir de justification suffisante, pavant ainsi la voie à des interprétations dangereuses, car extrêmes, de la laïcité. Le Conseil d’État lui-même a souligné que de telles mesures généralisatrices n’étaient ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées.
Cette proposition de loi constitue une violation flagrante des engagements internationaux de la France en matière de droits humains. Elle va à l’encontre de tout ce que notre République représente.
Afin de préserver l’attractivité de la France pour l’accueil d’événements sportifs internationaux, cette nouvelle réglementation, si elle était adoptée, ne s’appliquerait pas aux compétitions inscrites au calendrier des fédérations internationales. Bref, les auteurs de cette proposition de loi semblent à l’aise avec l’idée d’exclure certains compétiteurs français d’événements nationaux tout en accueillant sans réserve, au nom de l’attractivité, des athlètes internationaux qui ne respecteraient ni la lettre ni l’esprit des lois françaises. Cherchez l’erreur !
Enfin, le non-respect de ces nouvelles obligations serait passible de sanction. Mais de quels moyens l’administration dispose-t-elle réellement pour contrôler leur mise en œuvre, à l’heure de l’austérité budgétaire ? Sur ce point, je suis d’accord avec les auteurs de ce texte : l’administration – je pense notamment au ministère des sports – manque de moyens pour constater d’éventuelles dérives sur le terrain.
En la matière, on ne peut que regretter l’absence de mesures de prévention, via le renforcement du rôle des éducateurs sportifs, prépondérant auprès des jeunes. Nous sommes d’ailleurs favorables à l’article 4, permettant de passer au crible le recrutement de ces éducateurs, comme c’est déjà le cas dans les centres de loisirs sans hébergement (CLSH) et les colonies de vacances.
Cette proposition de loi, qui n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, suit une approche uniquement répressive. À l’évidence, ses auteurs ne se soucient pas de l’effectivité de son contenu.
Que cherchons-nous, somme toute, à protéger ? Tout simplement le sport, dans son essence la plus pure. Vecteur d’intégration et de cohésion sociale, le sport est un domaine où les différences de foi, de couleur ou de conviction s’effacent devant le mérite, l’effort et le respect mutuel.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. C’est précisément ce que nous voulons !
M. Patrick Kanner. En tant que législateurs, nous devons à tout prix préserver cette essence. Nous devons éviter le piège du tout-interdiction, qui vire très vite au tout-exclusion.
À nos yeux, le respect de l’égale dignité de chacun nous impose de considérer les personnes pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’elles devraient être. C’est le signe de la pluriculturalité de notre société, une société où unité ne rime pas systématiquement avec uniformité.
Mes chers collègues, nous croyons en une laïcité qui protège, qui inclut, qui éduque et qui rassemble. La laïcité doit être un bouclier, non une épée dirigée contre une partie de nos concitoyens.
Au nom de ce principe, au nom des valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité, les élus de mon groupe voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. Max Brisson. La gauche a bien changé…
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand Karim Benzema et de nombreux autres footballeurs professionnels français « aiment » le post Instagram d’une célébrité tchétchène célébrant la décapitation de Samuel Paty, c’est qu’il y a une emprise islamiste au plus haut sommet du sport français. La défaite du football français, qui avait commencé par des accommodements raisonnables sur les repas halal des joueurs, finit avec l’apologie du terrorisme.
Voilà où mène notre lâcheté face à la pernicieuse politique des petits pas menée par les Frères musulmans, accompagnée des grands pas de la gauche…
La soumission islamiste commence toujours par la victimisation. Elle se poursuit par la revendication, puis elle s’impose par l’intimidation.
Aujourd’hui, les islamistes prennent les tenues féminines spécifiques comme nouvel étendard de conquête. Comme au judo, ils se servent de notre force pour nous renverser. Ils se servent de nos principes juridiques – le « droit à la non-discrimination » et à « l’inclusion » – pour en retourner le sens premier et renverser notre identité française.
Mais ils ne s’arrêtent pas là. En 2025, en France, des clubs de football professionnels se soumettent à la charia, en diffusant des photos de leurs joueurs masculins genoux floutés, selon les codes de la pudeur islamique. Même si la loi le leur défendait, nous ne réglerions pas le problème de fond : l’islamisme gangrène l’esprit d’une grande partie des jeunes musulmans de France, et nous ne parlons pas seulement des plus précaires d’entre eux.
Le voile n’est qu’un prétexte : les islamistes n’ont aucune limite. Leur objectif est de nous asservir à leur code religieux, qui, rappelons-le, est aussi un code civil.
Aujourd’hui, le législateur français doit faire barrage pour protéger les présidents de fédération sportive, les présidents de club et les 16,5 millions de nos compatriotes licenciés d’une fédération sportive, pris en otages par un entrisme islamiste victimaire, organisé et menaçant. (Mme Émilienne Poumirol manifeste son exaspération.)
La parenthèse enchantée des jeux Olympiques et Paralympiques cache les petits maîtres chanteurs de l’islamisme, qui marquent leur terrain au quotidien dans les clubs de banlieue ou de province. Certains arbitres isolés sur une pelouse doivent renoncer à appliquer le règlement de leur fédération sportive quant au port du voile, tout simplement pour sauver leur peau… Mais ces agents islamistes ne prospèrent que sur les ruines laissées par les déconstructeurs.
Nous avons tous en tête le soutien du maire islamo-écolo-collabo de Grenoble (Protestations sur les travées du groupe GEST.), jamais en retard d’une régression, qui a soutenu l’association des « hijabeuses » comme il voudrait imposer des créneaux pour les burkinis dans ses piscines municipales.
Ces élus prennent pour mot d’ordre « vivre le sport ensemble » ; mais ils font advenir l’apartheid, la discrimination à l’égard des femmes et le face-à-face.
Même les plus hautes institutions ont capitulé.
M. Philippe Grosvalet. L’art de la nuance…
M. Stéphane Ravier. En effet, la sentence « la liberté est dans le hijab » ne vient pas de Téhéran, mais d’une campagne de promotion concoctée par le Conseil de l’Europe à Bruxelles.
Face à cela, face à ces collabos, la France ne doit rien céder. Inscrire dans la loi le principe de l’interdiction du port du voile lors des compétitions sportives est un minimum. Faire appliquer cette règle en tout point de notre territoire est un impératif. Assécher le courant de ces revendications dangereuses en luttant contre l’hydre islamiste…