Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Vous aurez remarqué, monsieur le sénateur, que les dépenses ici considérées sont figées pour 2025. (M. Olivier Paccaud le concède.) Nous nous y tiendrons.

La SAS – je l’ai dit –, deviendra un opérateur public directement placé sous la tutelle du ministère, afin que le contrôle sur le dispositif et dès lors la transparence soient renforcés.

En février 2024, lors de ma prise de fonctions, j’ai eu l’idée de créer un fonds de dotation à même d’accueillir les soutiens financiers issus du mécénat, ainsi que d’éventuels crédits de la Caisse des dépôts ou d’autres financeurs.

J’ai aussi commencé à chercher le bon véhicule juridique pour ce faire. Mais puisque la SAS va devenir un opérateur public, nous pourrons, sans passer par ce biais, ouvrir le dispositif au mécénat. Je pense notamment au mécénat d’entreprise, qui se développe de plus en plus, pour l’insertion ou la réinsertion des jeunes.

Cette année, en revanche, du fait de la coupe budgétaire quelque peu brutale à laquelle nous avons dû procéder, il faudra mieux cibler les nouveaux bénéficiaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Je tenais à ajouter ces mots : vive le Puy du Fou,… (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Et la fête de LHumanité ! (Nouveaux sourires.)

M. Olivier Paccaud. … cet admirable écrin de spectacles vivants puisant aux sources du roman national, qui, en outre, exporte son concept mémoriel fédérateur.

Bravo, madame la ministre, d’avoir rendu sa cinéscénie éligible au pass Culture ! Mais les animations du Puy du Fou, qui ne sont pas des manèges – M. Ziane l’a très bien dit –, mériteraient aussi d’être incluses dans ce dispositif.

Encore une fois, vive le Puy du Fou (Mme la ministre rit.), cette merveilleuse réussite française ! (M. Francis Szpiner applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Puisque j’interviens en quinzième position, mes propos, je le crains, manqueront un peu d’originalité…

Le pass Culture suit un objectif ambitieux de démocratisation culturelle, mais il présente aussi certaines limites, notamment en milieu rural.

Il convient de souligner que l’offre collective est un véritable atout du pass Culture : elle permet à des scolaires de faire des expériences culturelles à moindre coût.

J’ai récemment reçu au Sénat un groupe d’élèves d’un lycée de la Manche, qui, grâce à ce dispositif, ont pu organiser un voyage de deux jours à Paris, incluant notamment une sortie au théâtre et la visite du Panthéon. Je ne suis pas certaine qu’ils se seraient permis de le faire sans le pass Culture…

Ce type d’initiative, essentiel pour nos jeunes, doit être soutenu et encouragé. Mais le problème du financement demeure.

J’ai bien compris, madame le ministre, que vous entendiez mettre en place une coordination avec les collectivités pour le renforcer.

Même s’il peut exister des doublons, il est certain que l’économie de nos territoires a profité de la part individuelle du pass. À cet égard, je tiens à remercier M. Ouzoulias : comme il l’a souligné, le prix unique du livre est primordial pour nos librairies.

Je souhaite soulever un point plus problématique : l’opacité de l’attribution des agréments, dont souffrent les structures de spectacle vivant. Il faudra ouvrir largement cette offre, afin que tous les spectacles puissent en bénéficier. La culture ne se limite pas à la lecture ou au cinéma ; elle peut prendre bien d’autres formes.

Ma question, je vous le disais, n’est guère originale : quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour assouplir et clarifier le processus d’agrément ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Au sujet de la mobilité, madame la sénatrice, vous avez raison. Comme je l’ai indiqué, nous allons généraliser en 2025, en concertation avec les collectivités territoriales, les dispositifs relatifs à la mobilité que nous avons expérimentés en 2024.

Quant aux critères d’éligibilité, ils vont devenir plus transparents. Comme ils seront connus de tous, il sera plus facile de postuler et, éventuellement, de former des recours.

Souvent, et cela m’a également frappée, l’on retrouve les mêmes offres de spectacles. Mais la géolocalisation permettra d’en dénicher de nouvelles, et elle incitera les uns et les autres à rejoindre le champ du pass Culture. Cela favorisera le spectacle vivant dans son ensemble et les activités culturelles implantées localement.

Je citerai l’exemple du plan Fanfare, que je suis très fière d’avoir lancé. Ce plan a très bien fonctionné en 2024 et marchera encore mieux en 2025. Dans ce cas précis, le soutien territorial a permis une intégration dans le pass Culture.

De même, le plan Cabaret permet de soutenir 200 établissements en France. Nous parlons, en l’occurrence, d’une véritable activité culturelle et d’une spécificité française.

Les activités que je viens de citer, et qui restaient largement à l’écart du pass Culture, pourront désormais y trouver leur place. Bien sûr, il ne s’agit pas d’envoyer des gamins de 14 ans au cabaret… Mais je rappelle qu’à cette activité sont attachés de véritables métiers d’art, lesquels peuvent donner accès à la culture. (M. Patrick Chaize et Mme Béatrice Gosselin opinent.)

La géolocalisation ainsi qu’une concertation de proximité avec les élus locaux permettront de proposer une offre culturelle plus fine, aussi riche que la France l’est de sa culture.

Enfin, il faut évidemment maintenir le prix unique du livre, cette exception culturelle française.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ces temps incertains, notre action ne peut que s’appuyer sur le consensus ; et, précisément, en conclusion de ce débat, un certain consensus se dégage dans notre hémicycle.

Premièrement, il était à l’évidence grand temps que nous débattions du pass Culture, et je remercie le groupe Union Centriste d’avoir pris cette initiative.

Deuxièmement, au vu de la différence entre part collective et part individuelle, il apparaît que le dispositif doit être réformé.

La part collective donne satisfaction et mérite d’être développée, même si des évolutions sont nécessaires. Les enseignants se sont appropriés l’outil : le pass leur donne les moyens de prendre des initiatives et nourrit incontestablement l’éducation artistique et culturelle dans les établissements. Pour autant, il ne s’agit que d’un outil et non d’une fin en soi.

Quant à la part individuelle du pass Culture, elle inspire beaucoup plus de critiques.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions des rapports de la Cour des comptes et de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac). Madame la ministre, avant même que ces travaux ne soient publiés, vous aviez conscience que « ce dispositif peine à être un outil d’émancipation culturelle et d’accès à la culture pour ceux qui en sont le plus éloignés ».

La part individuelle du pass Culture coûte à l’État près de 250 millions d’euros par an, soit le triple de la part collective, dont j’ai souligné à la fois l’intérêt et le potentiel. Dès lors, on s’interroge…

Dans cette assemblée, les avis convergent : si le pass ne se surpasse pas, c’est sûr qu’il va finir par trépasser ! (Sourires. – M. Laurent Lafon sexclame. – M. Pierre Ouzoulias applaudit.) Il doit donc encore faire ses preuves en tant qu’outil de démocratisation de la culture.

Certes, il s’est déjà progressivement ajusté. À preuve, 84 % des jeunes sont inscrits ; mais en bénéficient-ils ? C’est une autre affaire…

Le livre reste le plus présent dans les dépenses, et la part des mangas a été divisée par deux en trois ans.

Le récent recours à la médiation culturelle a renforcé l’utilisation du pass Culture en faveur du spectacle vivant, dont la fréquentation a augmenté de 30 % en quelques mois.

L’enjeu est donc de recentrer le dispositif pour lui permettre d’atteindre ses objectifs à un coût maîtrisé. Vous préparez une réforme structurelle en ce sens. Compte tenu de son coût, le pass ne doit ni se retrouver dans l’impasse ni faire l’objet d’un tour de passe-passe ! (Sourires. – Mme la ministre rit.)

C’est pour vous permettre de présenter cette réforme que, lors de l’examen du PLF, la commission de la culture a refusé de réduire trop fortement les crédits du pass Culture.

Le débat de cette après-midi nous aura permis de préciser les contours d’une réforme dont nous pouvons maintenant brosser le portrait-robot.

Il faut, tout d’abord, démocratiser et conforter la part collective en l’élargissant à d’autres structures, comme les maisons des jeunes et de la culture (MJC), les maisons de quartier, les centres sociaux, etc.

Quant à la part individuelle, il convient également de la démocratiser et de l’élargir à d’autres publics, comme les jeunes apprentis.

Le pass doit aussi être un outil de lutte contre la ségrégation culturelle par le lieu d’habitation. Il s’agit d’« aller vers » et de saisir toutes les occasions de financer les déplacements vers l’offre culturelle.

Il faut, par ailleurs, valoriser davantage le spectacle vivant via le recours à la médiation, à l’éditorialisation, et peut-être le fléchage d’une part des dépenses autorisées. La médiation tient encore ; elle demeure le meilleur outil d’accès à la culture.

La géolocalisation pourra être proposée afin de mieux valoriser l’offre de proximité, financée essentiellement par les collectivités territoriales.

Enfin, il convient de réformer la gouvernance et la gestion du dispositif pour les rendre à la fois plus transparentes et plus démocratiques.

La transparence revient à ouvrir le capot pour voir comment le moteur fonctionne. À cet égard, une SAS publique était une solution quelque peu incongrue et difficile à suivre…

En effet, des zones d’ombre demeurent. L’équation financière du pass reste nébuleuse et son fonctionnement particulièrement intrigant. De plus, il devait, au départ, être financé à hauteur de 80 % par des ressources extérieures. Elles ne sont toujours pas là !

Madame la ministre, vous avez en outre souligné à de multiples reprises l’importance du plan Culture et ruralité que vous avez lancé. Le pass Culture doit entrer dans le périmètre de ce plan.

D’une manière générale, le pass aura atteint son objectif quand les déterminants sociaux, territoriaux, familiaux, ainsi que les situations de handicap, dont a parlé Catherine Morin-Desailly, n’en limiteront plus l’usage. C’est ambitieux, et cela reste à faire.

Le pass n’est qu’une pierre de l’édifice des droits culturels. À cet égard, notre politique reste largement à construire.

Nous serons attentifs aux réponses apportées à toutes nos questions et surveillerons les contours de cette réforme nécessaire. Pour que le pass ne soit ni une passade ni de passage, il devra être plus efficace et devenir plus efficient ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SER. – M. Patrick Chaize, Mme Nadège Havet et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, je vous remercie de vos propos souvent imagés, qui résument très bien notre discussion de cette après-midi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat dont la demande faisait l’unanimité, ainsi que des échanges très constructifs que nous avons eus.

Je me réjouis de vous avoir convaincus de la nécessité de maintenir la part individuelle du pass Culture. Il ne faut pas oublier le nombre de jeunes concernés. Dans un pays en proie au repli, au rejet de l’autre, voire parfois au séparatisme, il est capital de maintenir cet accès à la culture pour les jeunes les plus vulnérables et les plus fragiles, pour ceux qui sont les plus éloignés d’elle.

J’espère que notre volonté de réduire la diminution des crédits attribués à la part individuelle sera entendue lors des ultimes arbitrages budgétaires. La part individuelle est très utile pour de nombreux jeunes, qui ont réellement besoin d’être accompagnés. Il ne faut pas les lâcher : pour eux, la culture est la voie d’accès aux droits fondamentaux, à l’émancipation et à la liberté.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quel avenir pour le pass Culture ? »

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-deux.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée
Article 1er

Structures, comités, conseils et commissions « Théodule »

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée, présentée par Mme Nathalie Goulet (proposition n° 29, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi.

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est assez rare qu’un texte somme toute peu ambitieux fasse ainsi l’unanimité contre lui et, par voie de conséquence, contre son auteur. (Sourires.)

Contrairement à ce que certains ont pu dire hier matin en commission des lois, je ne suis pas irresponsable ! Et mes collègues du groupe Union Centriste, qui ont voté ce texte et accepté de l’inscrire dans leur niche parlementaire, le sont encore moins.

Certains m’ont conseillé de retirer cette proposition de loi de l’ordre du jour pour éviter des débats houleux et, en cas d’adoption, un épouvantable « massacre à la tronçonneuse ». Or notre groupe a choisi de débattre : entrons donc sans plus tarder dans le vif du sujet.

La lecture des documents budgétaires est une source inépuisable de surprises et d’interrogations. (Sourires sur les travées du groupe UC.) En annexe du projet de loi de finances (PLF) figure ainsi un jaune budgétaire énumérant les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres, au nombre de 317 aujourd’hui.

À la suite des travaux de Samuel-Frédéric Servière, chercheur à la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), je tiens à vous rappeler la faiblesse et les carences de ladite source.

Ce document ne fournit aucun décompte des effectifs support assurant le fonctionnement de ces instances ni aucune indication des coûts de fonctionnement y afférents – rédaction des minutes et des verbatim des réunions, comptes rendus et relevés de décisions, rédaction des avis, etc.

En outre, certaines commissions présentes une année dans ce document en disparaissent l’année suivante, sans explication. Je pense à la commission des conseillers en génétique, qui figure dans le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2024, mais disparaît de celui annexé au projet de loi de finances pour 2025.

Enfin, les données y sont livrées brutes, sans consolidation ni synthèse, ce qui en rend le maniement particulièrement malaisé.

Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle ces comités n’entraînent aucun coût est particulièrement incertaine. D’ailleurs, combien coûte l’élaboration d’un jaune budgétaire, qui réclame lui-même beaucoup de temps et d’énergie ?

Monsieur le ministre, le texte que nous nous apprêtons à examiner est ce qu’un éditeur pourrait appeler une version martyre. C’est un ballon d’essai pour des projets plus ambitieux, à savoir la refonte de nos administrations, des comités « Théodule », des agences de l’État, des hauts conseils et des opérateurs qui surchargent notre architecture administrative.

À ce titre, j’attends avec grand intérêt les travaux de la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, lancée par nos collègues du groupe Les Républicains.

Lorsqu’il était Premier ministre, Gabriel Attal avait souhaité relancer le mouvement de simplification en annonçant une nouvelle règle toute simple : « Tous les organes, tous les organismes, tous les comités ou autres qui ne se sont pas réunis ces douze derniers mois seront supprimés par règle générale. »

À cet égard, nous devons commencer par balayer devant notre porte, puisqu’un certain nombre de ces organismes ont été créés par voie législative. Il nous revient sûrement d’être plus prudents et pragmatiques.

Sur le fond, ma démarche est assez simple : j’ai retenu, dans la liste des comités relevant du domaine législatif, ceux qui ne s’étaient pas réunis depuis un certain temps et dont l’utilité, de mon point de vue, n’était pas avérée.

Je dois reconnaître une erreur d’appréciation – faute avouée est à moitié pardonnée. (Sourires.) La demande de suppression de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires n’était pas justifiée ; nos collègues ultramarins le confirmeront. Cette erreur a été corrigée, et c’est très bien ainsi.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner quelques exemples de comités que nous pourrions supprimer.

Nous proposons la suppression du comité du secret statistique. Certains l’estiment impossible, au motif que cette instance est tenue « de se prononcer sur toute question relative au secret en matière de statistique » et que sa disparition entraînerait une perte de confiance de la part du public. Or nous proposons de fusionner ce comité avec le Conseil national de l’information statistique, sachant que dans les mêmes domaines existent aussi l’Autorité de la statistique publique, la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

J’ai compris que la suppression du Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, prévue à l’article 15, susciterait un certain nombre de débats. Les auteurs de l’amendement n° 12 avancent que, si ce comité ne s’est pas réuni, c’est parce que le Gouvernement ne s’y intéresse pas. Au contraire, il s’y intéresse, puisqu’en 2023 il a déclenché une enquête de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) à son sujet.

Les tenants du maintien de ce comité seraient d’ailleurs bien en peine d’en citer un seul membre, pour une raison très simple : aucun d’eux n’a été renouvelé.

Les ministères compétents estiment qu’ils peuvent parfaitement gérer les missions de ce petit Parlement de la culture ; mais le ministère de la culture fait savoir qu’il en souhaite la suppression, quand le ministère de l’éducation nationale veut simplement en réduire la voilure. Mes chers collègues, je vous propose d’aider ces ministères : que l’on supprime ce comité et que l’on reprenne directement le sujet.

Qui peut réellement croire que le désengorgement de la justice sera l’œuvre du Conseil national de la médiation, lequel ne s’est pas réuni l’année dernière ?

Je propose de fusionner l’Observatoire national de la politique de la ville et le Conseil national des villes, qui, à mon sens, font doublon. On me dit qu’il faut maintenir cet observatoire : pourquoi ? Le fait qu’il « se réunisse peu en session plénière » ne serait pas « en soi un critère permettant de conclure à son inutilité ». Mais s’il ne se réunit pas, comment juger de son utilité ? Avouez qu’il y a de quoi s’interroger.

De même, on m’assure que la commission de la rémunération équitable, dont l’article 21 prévoit la suppression, doit être maintenue. Mais elle n’a tenu aucune réunion !

Je propose de fusionner l’Observatoire de l’alimentation et le Conseil national de l’alimentation : on me répond que c’est impossible.

Je vous ai gardé le meilleur pour la fin : bienvenue en Absurdistan ! À l’article 19, l’amendement n° 38 vise à préserver la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières. « En l’absence d’éléments démontrant l’inutilité » de cette commission, il conviendrait de la conserver.

Monsieur le ministre, je crois qu’il faut changer de logiciel. Il ne s’agit pas de constater l’absence de preuve de l’inutilité de ces comités, mais, au contraire, d’en prouver l’utilité foncière.

Je l’admets, la procédure retenue n’est peut-être pas la plus judicieuse et nous avons dû procéder de manière un peu rapide. Nous examinons cette proposition de loi dans le cadre d’une humble niche parlementaire, et un sujet de cette importance aurait mérité un travail plus précis. Mais il faut au moins définir une méthode pour tenter d’éclaircir le paysage.

Permettez-moi de faire le parallèle avec un autre sujet. Par le passé, je me suis penchée avec notre ancienne collègue Éliane Assassi et notre collègue Arnaud Bazin sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. La proposition de loi adoptée par le Sénat à la suite de ces travaux est d’ailleurs restée bien en deçà des recommandations de la commission d’enquête.

Et voilà que, le 17 décembre dernier, Bercy lance un appel d’offre de 3 millions d’euros relatif à des prestations d’appui à l’administration dans le cadre de restructurations ou de transformations d’entreprises. C’est curieux, car c’est exactement le type de sujet pour lequel l’administration est déjà armée.

L’idée de cette proposition de loi est de lancer un débat, pour que nos choix d’organismes à supprimer soient plus précis et plus exigeants ; pour qu’ils ne soient pas dictés par des questions de personnes.

Il faut s’attaquer au cœur du sujet, car les planètes sont alignées pour réaliser ce travail : le Parlement y est parfaitement décidé, et il me semble, monsieur le ministre, qu’à l’instar de votre prédécesseur vous êtes très impliqué dans ce dossier.

Un cercle vertueux pourrait ainsi être amorcé : sur la base d’une revue annuelle d’activité, les organismes inactifs se verraient sanctionnés par une mesure de suppression, ou par la fusion avec une entité voisine – exception faite, évidemment, des instances critiques et de sécurité.

Toutefois, un effet pervers est également possible, comme nous le verrons dans la suite du débat : certains organismes se mettent à bouger la queue quand on essaie de leur couper la tête. (Sourires.) Brusquement, un ou deux comités ont ainsi lancé, ces dernières semaines, un plan ambitieux pour l’année à venir, alors qu’aucune activité n’avait été constatée jusque-là.

Monsieur le ministre, l’examen de cette proposition de loi aura peut-être le mérite d’engager une stratégie. Même si les volumes budgétaires considérés sont extrêmement faibles, nous sommes tous convaincus qu’il faut revoir le fonctionnement de l’État. Encore une fois, même si ces instances ne coûtent pas d’argent sur le papier, elles coûtent en équivalents temps plein (ETP), pour l’organisation des réunions ou leur gestion administrative.

Pour ces raisons, les élus du groupe Union Centriste ont décidé de maintenir l’examen de ce texte. Manifestement, il n’intéresse pas grand monde – les travées de l’hémicycle sont en effet assez dépeuplées –, mais ce n’est pas grave : il nous intéresse, et c’est bien l’essentiel…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous sommes là ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Je salue en particulier la présence de Mme la présidente de la commission des lois, qui, je le sais, est très attentive à ces sujets.

Je le redis, ce texte est un ballon d’essai. Monsieur le ministre, il faudra saisir la balle au bond pour continuer ce travail.

Je souhaite encore une fois beaucoup de courage à nos collègues qui participeront à la commission d’enquête demandée par le groupe Les Républicains. Les agences et les opérateurs de l’État qui seront auditionnés feront sans doute beaucoup de résistance. Au-delà du coût et du poids de ces organismes, des questions de conflit d’intérêt se poseront. Comme lors de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic ou celle sur l’influence des cabinets de conseil, le Sénat fera ce qu’il fait de mieux : son travail de contrôle, notamment budgétaire.

Monsieur le ministre, vous nous trouverez à vos côtés pour réformer l’État, qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le président de la commission des lois et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un discours prononcé le 26 septembre 1963 à Orange, le général de Gaulle déclare que « l’essentiel, pour lui, ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte », mais « ce qui est utile au peuple français ».

Seul le « comité Théodule » est passé à la postérité, en entrant dans le langage courant.

Le nombre exact de ces comités, conseils et commissions est longtemps resté inconnu. Il a fallu attendre la loi de finances pour 1996 pour que le législateur en impose le recensement annuel dans un jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances, dont Nathalie Goulet vient de rappeler le caractère perfectible.

C’est dans la continuité des initiatives prises par le Sénat pour mesurer l’utilité de ces instances que j’ai mené mon travail de rapporteur, au nom de la commission des lois.

Il y a près de vingt ans, le 15 février 2007, le Sénat adoptait un rapport précurseur sur les instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre. Plus de 800 instances y étaient recensées, et nos prédécesseurs concluaient à l’urgence d’entamer une rationalisation du paysage administratif.

De longue date, le Sénat a eu à cœur de mener un travail de simplification des normes et des procédures, au service des citoyens et des entreprises. La maîtrise du nombre de ces instances en fait pleinement partie.

Depuis le travail commencé par le Sénat en 2007, les gouvernements successifs ont fait leur cette volonté de rationalisation. Diverses bonnes pratiques ont été adoptées, visant, à terme, à réduire le nombre de ces instances. En quinze ans, ce dernier est passé de 800 à 317, baissant ainsi de plus de 60 %.

Cet effort s’est notamment traduit par l’instauration de règles visant à limiter la création de nouvelles instances : en 2012, toute création devait correspondre à une suppression ; et, depuis 2018, toute création d’instance doit être gagée par la suppression de deux autres. On est donc passé du « un pour un » au « deux pour un ».

La durée d’existence des instances réglementaires a également été limitée à cinq ans, leur renouvellement étant assorti d’une étude d’impact préalable.

Enfin, par vagues régulières, la suppression d’instances a été décidée par voie législative, notamment grâce à la forte mobilisation du Sénat. Je pense notamment à la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, qui a conduit à la suppression de treize instances, ainsi qu’au projet de loi de simplification de la vie économique, étudié par le Sénat au printemps dernier, à l’occasion duquel la suppression de cinq instances supplémentaires a été entérinée.

La maîtrise du nombre de ces instances reste néanmoins un souci constant, tant il est vrai que leur création constitue parfois une solution de facilité pour le Gouvernement et pour le législateur. La réduction de leur nombre tend à marquer le pas ; celui-ci a même augmenté en 2022 et en 2023, et l’année 2024 n’a vu la suppression nette que d’une seule instance.

La proposition de loi déposée par notre collègue Nathalie Goulet illustre ainsi, une fois de plus, la volonté du Sénat de faire œuvre utile en matière de rationalisation administrative.

Mme Goulet propose la suppression de certaines instances délibératives et consultatives devenues caduques ou inutiles.

Avant d’entrer dans le détail du texte, permettez-moi de souligner que, si l’objet de cette proposition de loi est vaste, les instances délibératives et consultatives qui y sont mentionnées sont, en matière de simplification administrative, l’arbre qui cache la forêt.

Le nombre, le coût et les prérogatives confiées à ces instances sont sans commune mesure avec ceux des opérateurs et des agences de l’État. L’enchevêtrement des compétences, les coûts pour les finances publiques et la lenteur administrative provoqués par ces derniers représentent, pour l’efficacité de l’action de l’État, un poids bien plus significatif que ceux des instances dont il sera question aujourd’hui.

Si je salue une nouvelle fois l’ambition de cette proposition de loi, je forme le vœu que le Sénat continue de se battre pour la simplification, qu’il se penche avec sérieux et lucidité sur l’ensemble des sources de rationalisation du paysage administratif, y compris, d’ailleurs, à l’échelle de nos territoires.

Je me réjouis donc de la décision, prise hier par la conférence des présidents, de créer une commission d’enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, afin de dresser un constat complet et objectif de l’utilité de toutes ces instances.

Mes chers collègues, je vous rappelle combien l’exercice de rationalisation nécessite de rigueur, d’objectivité et d’exactitude.

En effet, les instances dont la suppression sera débattue cette après-midi disposent toutes d’une base législative, ce qui signifie que nous, législateurs, avons approuvé leur création, parfois très récemment.