Sommaire

Présidence de M. Loïc Hervé

Secrétaire :

Mme Nicole Bonnefoy.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Introduction de la proportionnelle pour les élections législatives. – Adoption d’une proposition de résolution

Discussion générale

Mme Mélanie Vogel, auteure de la proposition de résolution

Mme Isabelle Florennes

Mme Cécile Cukierman

M. Yannick Jadot

M. Éric Kerrouche

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Roger Karoutchi

Mme Nadège Havet

M. Ahmed Laouedj

M. Olivier Paccaud

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Clôture de la discussion générale.

Texte de la proposition de résolution

Vote sur l’ensemble

Adoption, par scrutin public n° 183, de la proposition de résolution.

Suspension et reprise de la séance

4. Gestion durable et reconquête de la haie. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Daniel Salmon, auteur de la proposition de loi

M. Bernard Buis, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

M. Gérard Lahellec

M. Ronan Dantec

M. Lucien Stanzione

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

M. Cédric Chevalier

Mme Béatrice Gosselin

M. Frédéric Buval

M. Philippe Grosvalet

Mme Marie-Lise Housseau

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Olivier Paccaud

Amendement n° 5 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 8 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 3 de M. Daniel Salmon. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 6 du Gouvernement et sous-amendement n° 10 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendement n° 4 de M. Daniel Salmon. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3

Amendement n° 7 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 9 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4 (supprimé)

Article 5 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Daniel Salmon

M. Cédric Chevalier

M. Vincent Louault

M. Lucien Stanzione

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

Adoption, par scrutin public n° 184, de la proposition de loi dans le texte de la commission , modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

5. Quel avenir pour le pass culture ? – Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste

M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste

Mme Rachida Dati, ministre de la culture

Débat interactif

Mme Monique de Marco ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

Mme Karine Daniel ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

M. Marc Laménie ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; M. Marc Laménie.

M. Max Brisson ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; M. Max Brisson.

Mme Nadège Havet ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

M. Bernard Fialaire ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

Mme Nathalie Goulet ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; Mme Nathalie Goulet ; Mme Rachida Dati, ministre ; Mme Nathalie Goulet.

M. Pierre Ouzoulias ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

Mme Colombe Brossel ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; Mme Colombe Brossel ; Mme Rachida Dati, ministre ; Mme Colombe Brossel.

M. Cédric Vial ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

M. Adel Ziane ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

Mme Pauline Martin ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

M. Olivier Paccaud ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture ; M. Olivier Paccaud.

Mme Béatrice Gosselin ; Mme Rachida Dati, ministre de la culture.

Conclusion du débat

Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste

Mme Rachida Dati, ministre de la culture

Suspension et reprise de la séance

6. Structures, comités, conseils et commissions « Théodule ». – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi

M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification

M. Christophe Chaillou

M. Marc Laménie

Mme Pauline Martin

Mme Nadège Havet

M. Michel Masset

Mme Nadia Sollogoub

Mme Cécile Cukierman

M. Guy Benarroche

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Amendement n° 21 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Après l’article 1er

Amendement n° 30 rectifié de M. Jean-François Longeot. – Rejet.

Article 2

Amendements identiques nos 23 rectifié bis de M. Jean-Jacques Lozach et 31 de la commission. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Article 3 – Adoption.

Article 4

Amendements identiques nos 9 rectifié ter de Mme Florence Lassarade et 32 de la commission. – Adoption des deux amendement supprimant l’article.

Article 5 – Adoption.

Article 6

Amendements identiques nos 10 rectifié quater de Mme Florence Lassarade, 20 rectifié de M. Jean-Baptiste Lemoyne, 28 rectifié bis de M. Daniel Gremillet et 33 de la commission. – Adoption des amendements nos 20 rectifié et 33 supprimant l’article, les amendements nos 10 rectifié quater et 28 rectifié bis n’étant pas soutenus.

Article 7

Amendements identiques nos 11 de M. Christophe Chaillou et 34 de la commission. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Article 8

Amendement n° 29 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 9

Amendements identiques nos 1 rectifié bis de M. Olivier Rietmann, 25 rectifié de Mme Nadège Havet et 35 de la commission. – Adoption des trois amendement supprimant l’article.

Article 10

Amendements identiques nos 2 rectifié bis de M. Guy Benarroche, 3 rectifié de M. Christophe Chaillou, 7 rectifié bis de M. Michel Masset et 26 de Mme Nadège Havet. – Adoption des quatre amendements supprimant l’article.

Articles 11 et 12 (supprimés)

Article 13

Amendements identiques nos 27 de Mme Nadège Havet et 36 de la commission. – Adoption des deux amendement supprimant l’article.

Article 14 (supprimé)

Article 15

Amendement n° 12 de M. Christophe Chaillou. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 16 – Adoption.

Article 17

Amendement n° 8 rectifié ter de M. Jean-François Longeot. – Non soutenu.

Adoption de l’article.

Article 18

Amendements identiques nos 24 de M. Christophe Chaillou et 37 de la commission. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Article 19

Amendements identiques nos 22 rectifié de M. Daniel Gremillet et 38 de la commission. – Adoption de l’amendement n° 38 supprimant l’article, l’amendement n° 22 rectifié n’étant pas soutenu.

Article 20

Amendements identiques nos 19 rectifié de Mme Sylvie Robert et 39 de la commission. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Article 21

Amendements identiques nos 4 rectifié bis de Mme Laure Darcos et 40 de la commission. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Article 22 (supprimé)

Articles 23 et 24 (nouveaux) – Adoption.

Après l’article 24

Amendement n° 5 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.

Amendement n° 6 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 41 de la commission. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.

Vote sur l’ensemble

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois

M. Hervé Reynaud, rapporteur

Mme Isabelle Florennes

M. Christophe Chaillou

M. Marc Laménie

M. Michel Masset

Mme Nathalie Goulet

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

7. Mises au point au sujet de votes

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Loïc Hervé

vice-président

Secrétaire :

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Roger Hesling, qui fut sénateur de Moselle de 1997 à 2001.

3

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant à l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives
Discussion générale (fin)

Introduction de la proportionnelle pour les élections législatives

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, de la proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives, présentée par Mme Mélanie Vogel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 163 rectifié).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel, auteure de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste a souhaité que nous puissions débattre aujourd’hui d’un sujet démocratique très important, qu’une écrasante majorité de Françaises et de Français – 74 %, selon le dernier baromètre Odoxa – souhaitent voir avancer concrètement ; un sujet qui, au fond, est au cœur même de notre démocratie puisqu’il s’agit de la manière dont nous élisons nos députés.

Si nous avons souhaité en débattre aujourd’hui, c’est parce que la crise politique dans laquelle notre pays est plongé ne date pas de la censure du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024, ni même du 7 juillet 2024, ni tout à fait de juin 2022, lorsque les Français ont élu une Assemblée nationale sans majorité absolue.

Cette crise trouve en effet son origine profonde dans le fonctionnement de la Ve République. Les Français le savent, et ce n’est pas un hasard si les derniers grands mouvements sociaux du pays – les « gilets jaunes », le mouvement contre la réforme des retraites –, ont débouché sur des demandes démocratiques – le référendum d’initiative citoyenne (RIC), l’abrogation du 49.3 et j’en passe. C’est parce qu’une conviction s’est consolidée chez les Français : nos institutions sont une pièce maîtresse de la crise, et sans renouveau démocratique, la France ne saura pas durablement retrouver la stabilité nécessaire pour relever les grands défis qui nous font face.

Parmi tous les chantiers institutionnels qu’il faudrait entreprendre pour voir enfin la France se hisser au rang des démocraties modernes et matures, au rang des pays capables de gérer convenablement la situation, d’une grande banalité, et même d’une saine normalité dans toute démocratie, dans toute société démocratique plurielle, qu’est l’absence de majorité absolue d’une force politique unique au Parlement, parmi toutes les réformes de nature à construire une issue démocratique concrète à la crise actuelle, l’introduction de la proportionnelle est à la fois plus nécessaire et plus urgente que jamais.

Elle est nécessaire pour la simple raison que le système majoritaire alimente notre crise politique, dans la mesure où il frustre les électeurs et déresponsabilise les élus. Avec le système majoritaire – et c’est terrible –, toutes les voix ne comptent pas. Le système majoritaire, ce sont des millions de voix, à chaque scrutin, à travers tout le territoire, portées sur une candidature n’ayant pas remporté le second tour, que l’on n’entendra jamais et que l’on n’a parfois jamais entendues.

Quand je présidais le Parti vert européen, mon collègue autrichien, évoquant les résultats des dernières élections législatives en Autriche, nous avait indiqué que 7 % des voix étaient non représentées, c’est-à-dire qu’elles s’étaient portées sur une liste qui n’avait pas d’élu. C’est beaucoup, mais c’est acceptable.

Me demandant à combien ce ratio s’établissait en France, je l’ai calculé. Si on considère le vote du premier tour, c’est-à-dire le vote de choix aux dernières élections législatives, on obtient 60 % de voix non représentées au Parlement. Ce ratio atteint 45 % au second tour, sachant que la part des triangulaires progresse.

Quelle démocratie peut accepter cela ? Quelle démocratie peut dire à ses citoyens d’aller voter tout en sachant que, dans la majorité des cas, leur voix ne comptera pas ?

Dans notre pays, certains citoyens ne votent jamais, par conviction, considérant hélas ! à juste titre que leur vote sera inutile et que mieux vaut s’assurer que le candidat qu’ils détestent le plus sera éliminé par celui qu’ils ne détestent pas trop. Usés par ce système, certains ne votent plus du tout.

Le système majoritaire échoue donc à garantir la représentativité du Parlement, ce qui est pourtant l’objet principal d’un mode de scrutin. Avec le scrutin majoritaire, il est possible d’avoir une majorité absolue de sièges avec un tiers des voix au niveau national, ou bien aucun siège avec exactement le même score. Une telle distorsion sape la légitimité même de l’Assemblée nationale.

L’on ne peut plus le tolérer, mes chers collègues, car un Parlement peu représentatif, c’est la fabrique mécanique de la trahison et du mépris. Parce que ces majorités absolues fictives, quand elles existent, atrophient le travail parlementaire, souvent réduit à enregistrer les décisions de l’exécutif. Parce que de telles majorités, souvent coupées de l’opinion, sont amenées à conduire des politiques publiques dont le possible rejet nourrit le ressentiment et la colère.

Parce que le système majoritaire, c’est la culture de la paresse doublée du culte de l’irresponsabilité. Cela revient en effet à se reposer sur un mode de scrutin pour faire émerger des majorités plutôt que d’en appeler au travail des responsables politiques pour les construire, entraînant, lorsqu’aucune majorité n’émerge, une situation d’impasse comme celle que nous traversons. Tout cela nous rend collectivement très décevants pour les Français, mes chers collègues.

Parce que le système majoritaire, c’est la culture de l’affrontement plutôt que l’intelligence collective issue des négociations et des compromis démocratiques qui font normalement le cœur d’un système parlementaire sain et efficace. Les sénateurs et les sénatrices que nous sommes le savons bien, puisque les trois quarts d’entre nous avons été élus à la proportionnelle.

Enfin, parce que le système majoritaire, c’est l’impossibilité concrète de garantir une Assemblée nationale paritaire.

Cette réforme est également urgente, parce que le système majoritaire n’a été toléré par les Français pendant des décennies qu’aux motifs que malgré son absence de représentativité et ses injustices, il emportait des majorités stables, assurait la gouvernabilité du pays et permettait de tenir l’extrême droite hors du Parlement. Or ces promesses ont volé en éclats.

Pis, c’est aujourd’hui le système majoritaire qui, par la culture politique qu’il a bâtie, fabrique de l’instabilité. Il est de plus aujourd’hui le chemin le plus sûr de l’accession de l’extrême droite au pouvoir, rendant possible la conquête par cette dernière seule d’une majorité absolue de sièges, sans contre-pouvoir et sans majorité dans le pays.

M. François Bonhomme. Drôle de paradoxe !

Mme Mélanie Vogel. Il est donc plus que temps que, grâce à la proportionnelle, le Parlement français représente tout simplement la société française dans sa diversité, dans sa complexité, dans sa pluralité. Il est temps que la constitution de majorités au Parlement repose non plus sur l’artefact d’un mode de scrutin, mais sur la responsabilité, le travail et le sens de l’intérêt général.

Il est temps que dans notre pays, chacun sache, en allant voter, que sa voix comptera et qu’il n’y a pas de meilleur calcul à faire pour se déterminer que de choisir le projet qui nous convainc le plus.

Il est temps que les forces politiques utilisent le temps dont elles disposent, non plus à bâtir des stratégies électorales pour contourner les effets de notre mode de scrutin, mais pour construire des projets pour notre pays.

Mme Mélanie Vogel. Il est temps que l’on dépasse la culture de la stérile posture, de l’immaturité politique et le raidissement autoritaire qu’elles nourrissent mécaniquement pour rentrer dans une culture de parlementarisme mature.

Non, cela ne veut pas dire l’instabilité et le compromis mou. Au contraire ! À l’exception de la France, tous les pays européens recourent à la proportionnelle. Or dans l’immense majorité des cas, ces pays connaissent une stabilité politique remarquable : l’Allemagne, le Danemark, le Portugal, l’Autriche, le Luxembourg et j’en passe.

M. François Bonhomme. Mais pas la Ve République ?

Mme Mélanie Vogel. La proportionnelle y favorise des coalitions solides, un travail de long terme et des politiques plus durables.

La France a-t-elle réellement un cap plus clair que l’Espagne, la Finlande, la Pologne ou l’Italie ? Pas du tout ! Quand la France vacille dans la confusion, ces pays ont un cap – qu’on le soutienne ou qu’on le combatte – plus clair que le nôtre, porté par des majorités plurielles.

À l’inverse, plusieurs expériences montrent que des majorités obtenues par une force politique seule se sont conclues par des changements de cap ou par la trahison d’engagements. Il est en effet toujours plus facile de trahir ou de louvoyer seul qu’à plusieurs.

On entend parfois aussi que la proportionnelle crée de la fragmentation politique. C’est tout à fait faux. Il n’y a aucune corrélation entre la fragmentation politique et la proportionnelle. Avec onze groupes politiques à l’Assemblée nationale, quand la moyenne européenne s’établit à sept, notre Parlement est l’un des plus fragmentés d’Europe.

On dit enfin que la proportionnelle éloigne les élus de leur territoire.

M. François Bonhomme. Bien sûr ! C’est ce qu’on voit aux élections européennes…

Mme Mélanie Vogel. C’est faux ! De nombreux modèles permettent un équilibre géographique et un ancrage territorial. J’oserais même dire que nos territoires seront beaucoup mieux représentés avec la proportionnelle.

M. François Bonhomme. Plus c’est gros, mieux ça passe !

Mme Mélanie Vogel. En Seine-Saint-Denis, 100 % des députés sont issus du Nouveau Front populaire (NFP), quand le scrutin proportionnel retenu pour les élections sénatoriales produit une représentation beaucoup plus équilibrée.

Avec dix députés sur onze, soit plus de 90 %, issus du groupe Ensemble pour la République, peut-on dire que les Français de l’étranger sont bien représentés ? Les élections sénatoriales ont permis une représentation plus diverse de ces derniers, et le NFP est arrivé en tête au premier tour.

Peut-on expliquer à un électeur écologiste du Var qu’il est justement représenté parce qu’il se trouve qu’une députée écologiste a été élue à Paris ?

La vérité, c’est que la proportionnelle n’éloigne pas des territoires. Elle est au contraire le seul système qui garantit la juste représentation des différentes opinions politiques sur l’ensemble des territoires. (MM. François Bonhomme et Roger Karoutchi sexclament.)

Pour toutes ces raisons, conformément aux engagements de Michel Barnier et de François Bayrou ainsi qu’aux attentes des Français, la présente proposition de résolution appelle à amorcer le travail parlementaire sur la réforme du mode de scrutin.

Elle ne tranche pas en faveur d’un système particulier. Au sein de cet hémicycle, des avis différents doivent pouvoir s’exprimer, avant que le travail parlementaire ne nous permette d’aboutir.

Cette proposition s’attache toutefois à fixer un certain nombre de principes fondamentaux pour tout futur modèle : garantir la meilleure représentativité possible, assurer une représentation équilibrée des territoires, être lisible et enfin applicable sans modification constitutionnelle.

En l’adoptant, le Sénat enverrait un message fort. Il affirmerait qu’il est prêt à amorcer ce travail pour répondre à une attente citoyenne et offrir une issue politique à la crise que nous traversons, en renforçant notre démocratie au lieu de l’affaiblir. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives qui nous est présentée aujourd’hui par notre collègue Mélanie Vogel et le groupe écologiste porte sur un thème bien connu de mes collègues du groupe Union Centriste.

Ce sujet est en effet un axe historique au centre et à gauche. Est-il nécessaire de rappeler que, pour François Bayrou, la proportionnelle a toujours été un thème de prédilection ?

Du temps où j’étais députée – M. le ministre s’en souvient sans doute –, j’ai moi-même déposé une proposition de résolution pour une représentation plus juste des Français à l’Assemblée nationale en faveur de l’introduction d’un mode de scrutin proportionnel.

Il peut paraître étrange que nous, sénateurs, débattions du mode de scrutin de nos collègues députés, mais les règles régissant notre système bicaméral nous accordent cette possibilité.

Le présent texte s’inscrit dans un contexte de débats nombreux, riches et contradictoires sur la modification du mode de scrutin. Cette proposition s’inscrit toutefois aussi dans un cycle très long.

En effet, la question du mode de scrutin à la proportionnelle a été soulevée pour la première fois dès l’instauration du suffrage universel masculin, en 1848, sous la IIe République. À cette date, les adversaires de ce mode de scrutin, tenants du système majoritaire, présentaient l’argument, maintes fois répété depuis lors, selon lequel « les citoyens ne doivent donner leur vote qu’à un homme qui est connu », car « voter sur l’inconnu serait un acte de légèreté coupable envers les intérêts du pays tout entier ». Selon cet argument, la proportionnelle serait le symbole du complot.

Des figures célèbres de notre République reprirent ensuite le combat pour l’adoption de la proportionnelle : Jean Jaurès, puis Aristide Briand, dont le gouvernement fut renversé sur cette question au Sénat en 1913. Cet échec n’a pas signifié la fin du débat, tant s’en faut.

Le débat sur la proportionnelle a ensuite traversé toutes les périodes politiques jusqu’à nos jours. Ce mode de scrutin a du reste été plusieurs fois employé pour désigner nos députés : en 1919, en 1946 puis en 1986. Nous continuons à utiliser ce mode de scrutin, puisque celui-ci est appliqué, dans le cadre des élections sénatoriales, dans 70 % des circonscriptions qui élisent plus de trois sénateurs, lors des élections européennes, ainsi que pour les élections municipales.

Pourquoi opter aujourd’hui pour ce mode de scrutin et abandonner le scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour élire nos députés ?

M. François Bonhomme. Bonne question !

Mme Isabelle Florennes. Dans le scrutin majoritaire, la voix de l’électeur minoritaire perd toute valeur, puisque le candidat arrivé premier au second tour, même à quelques voix près, gagnera l’élection. Cette règle qui agit comme un couperet frustre les électeurs minoritaires et les pousse à s’abstenir ou à voter de manière purement stratégique.

Avec le mode de scrutin à la proportionnelle, les électeurs peuvent voter en fonction de leurs convictions, car ils savent que leur vote aura une incidence directe sur l’élection de leur député. Chaque formation politique peut alors se présenter sous ses propres couleurs et avec ses propres idées.

Comme l’a rappelé Mme Vogel, ce mode de scrutin permettrait d’avoir à l’Assemblée nationale une représentation plus fidèle de l’ensemble des courants de pensée et d’opinion de notre pays.

Il convient toutefois de nuancer ce constat en précisant qu’il existe différentes formes de scrutin proportionnel : celui-ci peut en effet être intégral ou partiel et il peut être régi par des seuils et s’appliquer dans des circonscriptions d’échelon variable. En fonction de ces variantes, le lien avec l’électeur peut être plus ou moins distendu.

M. François Bonhomme. Cela reste un poison !

Mme Isabelle Florennes. L’exposé des motifs de cette proposition de résolution précise que « la défiance de nos concitoyens vis-à-vis de notre régime explose », car « elles et ils se sentent de plus en plus mal représentés ».

Le changement de mode de scrutin résoudra-t-il ce déficit de confiance ? Je ne pense pas que la confiance puisse s’établir uniquement par la voie d’une prescription juridique prise sous la forme d’un mode de scrutin.

Soyons réalistes, mes chers collègues : la façon de voter ne constitue pas un remède miracle au profond malaise que traversent toutes les démocraties. La réponse me paraît s’articuler autour de trois axes.

Le premier est la réappropriation par le politique de sa capacité à agir sur le réel afin d’éviter les dérives autocratiques et césaristes que nous connaissons actuellement dans différents pays. Il est inutile que je cite le moindre nom ; vous aurez tous compris de qui il s’agit, mes chers collègues.

Le deuxième axe est la régulation de nos nouveaux modes de communication, qui dysfonctionnent de plus en plus en raison de l’usage perverti qu’en font certains.

Le troisième axe, enfin, est la responsabilisation de celles et ceux qui sont élus. Certains comportements d’élus poussent en effet une partie de nos concitoyens à rejeter le politique. Cette fois encore, je ne citerai aucun exemple.

Il y va aussi de la capacité des élus à accepter des compromis et à savoir faire des concessions quand l’intérêt de la France et des Français est en jeu.

Le groupe Union Centriste étant composé d’une diversité de sensibilités, certains de ses membres souscrivent à cette résolution quand d’autres n’y souscrivent pas. Dans sa majorité, il soutiendra toutefois ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Constitution de la Ve République est à bout de souffle. Au printemps dernier, seulement 21 % de nos concitoyens considéraient nos institutions comme démocratiques, 12 % les considéraient comme représentatives et 7 % les considéraient comme justes. Or tout porte à croire que ce jugement s’est aggravé depuis lors.

Le fossé entre le peuple et les organes censés le représenter est donc immense. Si la crise politique est institutionnelle, elle ne peut pas être isolée de l’effondrement économique et social.

À la vague de désindustrialisation qui déferle depuis les années 1980 a succédé une autre vague, celle de la précarisation dans tous les secteurs de la vie. Face à ce nouveau monde imposé par le capitalisme mondialisé, le politique a accumulé les promesses, avant, pour l’essentiel, de les oublier au moment d’exercer le pouvoir.

En 2017, Emmanuel Macron a poussé ce décalage jusqu’à son paroxysme en faisant miroiter une véritable révolution du politique, avant, finalement, de renforcer considérablement la conception verticale du pouvoir sous-jacente à la Ve République.

Oui, la crise démocratique est profonde, et ce à tous les niveaux de la société, jusque dans le travail, où l’individualisation croissante brise le collectif.

Au niveau local, les collectivités, souvent derniers remparts face à la violence de la société, sont confrontées à la réduction continue de leurs moyens, alors que les besoins augmentent.

Si l’on considère les institutions nationales, cette crise démocratique prend des allures d’explosion. L’hyperprésidentialisation du régime met à mal le Parlement, la mise sous tutelle du scrutin législatif par l’élection présidentielle accentuant le phénomène.

La dissolution du 9 juin 2024 fut l’acte ultime de cette dérive, plongeant le Parlement dans une crise dont il peine à sortir.

Depuis des décennies, avec mon parti, je considère que le mode de scrutin est l’un des éléments clés d’une possible revivification démocratique. Nous avons toutefois toujours porté ce débat et cette exigence dans le cadre d’une remise à plat démocratique globale dans l’ensemble de la société.

Il nous faut donc faire attention, mes chers collègues. Se prononcer sur le principe général de la proportionnelle ne doit pas nous conduire à éluder de lourdes questions telles que le pourcentage de sièges concernés ou l’existence ou non d’une prime majoritaire. Les questions du périmètre de la ou des circonscriptions et du seuil pour l’accès à la représentation sont également de nature à modifier sensiblement les appréciations.

La proportionnelle est une arme de premier plan pour assurer une meilleure représentation de la société au Parlement. S’il s’agit d’un élément d’avancée démocratique, il ne réglera toutefois pas tout.

Rappelez-vous, mes chers collègues, les trois projets de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace présentés par MM. Macron et Philippe en 2018. Le projet de loi ordinaire prévoyait de désigner 15 % des députés à la proportionnelle. Une telle disposition aurait pu répondre au vœu qui a présidé à la présente proposition de résolution.

Il faut toutefois rappeler les autres dispositions, qui ont d’ailleurs provoqué la mise au placard de ce texte que M. Macron présentait alors comme un texte phare : outre la réduction de 30 % du nombre de parlementaires était proposé un vaste projet de réduction des prérogatives du Parlement, prévoyant en particulier la remise en cause de la navette parlementaire et du droit d’amendement. On peut donc proposer une dose de proportionnelle, et dans le même temps, affaiblir profondément le Parlement.

Si notre groupe ne renonce pas à sa volonté d’agir en faveur d’une meilleure représentativité du Parlement, il estime important de ne pas instiller l’illusion qu’une réforme du mode de scrutin résoudrait d’un coup de baguette magique une crise dont la profondeur dépasse largement le cadre du code électoral.

M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr…

Mme Cécile Cukierman. Parce qu’il n’a pas d’a priori pour ou contre la proportionnelle et considère que le véritable enjeu tient dans la mise en œuvre concrète de celle-ci, notre groupe s’abstiendra sur cette proposition de résolution. (M. Jean-Jacques Panunzi applaudit.)

M. Olivier Paccaud. Sage décision !

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est passionnant, qui conduit nos collègues du groupe Les Républicains à applaudir notre collègue communiste lorsqu’elle affirme qu’à défaut de tout changer, il est inutile de commencer par le début !

La crise démocratique, la crise de défiance est aujourd’hui manifeste. La dissolution de l’Assemblée nationale a confirmé qu’il était nécessaire d’engager des réformes institutionnelles essentielles. Nous vous proposons de commencer par le début, mes chers collègues.

J’ai vécu le front républicain du 7 juillet dernier comme une formidable nouvelle politique, mais reconnaissons qu’il s’agissait d’une anomalie démocratique.

M. François Bonhomme. De l’avis général…

M. Yannick Jadot. C’est une anomalie parce que trop de Français n’en peuvent plus de voter contre plus souvent qu’ils ne votent pour. Ils n’en peuvent plus, parce que c’est bien ce qu’il se passe, d’être gouvernés par des minorités.

Quoi que l’on pense des coalitions au pouvoir, les majorités des parlements des pays européens élus à la proportionnelle rencontrent incontestablement l’adhésion majoritaire de l’électorat, ce qui, à cause du fait majoritaire, n’est plus le cas depuis trop longtemps en France.

Par ce texte, nous proposons que chaque vote et, partant, chaque électrice et chaque électeur puisse être pris en compte. La proportionnelle permet en effet d’assurer le respect du vote et de la pluralité.

Mais elle suppose aussi – et cela m’intéresse peut-être encore davantage – l’esprit de compromis, qui, sans préjudice de la majorité sénatoriale, caractérise notre chambre, mes chers collègues. Or, aujourd’hui, l’invective remplace trop souvent l’argument et l’affrontement, l’esprit de compromis.

Le compromis est une manière de prendre en compte la complexité des choses. Il montre que l’on est capable d’assumer la diversité de notre pays et les difficiles transitions qu’il doit conduire.

Au Parlement européen, où j’ai siégé, le compromis est encore plus nécessaire, car il n’y a pas de majorité installée. Il revient donc à toutes et à tous les députés européens de travailler avec leur force et leurs convictions pour déterminer ensemble ce qui peut relever de l’intérêt général.

Si, jusqu’à ces dernières années, le scrutin majoritaire garantissait une forme de stabilité de nos institutions, il a aussi emporté une grande instabilité de nos politiques publiques. Celles-ci ayant été décidées par des minorités, elles étaient en effet immédiatement remises en cause au scrutin suivant, sans avoir eu le temps de produire d’effet.

J’en viens au dernier argument en faveur de la proportionnelle : l’extrême droite.

Pendant longtemps, nous avons cru que le scrutin majoritaire nous permettrait d’éviter que l’extrême droite n’arrive au pouvoir. Or, si elle était peu ou pas représentée à l’Assemblée nationale, elle gagnait du terrain au sein de nos institutions. (M. François Bonhomme sexclame.)

Cessez donc de m’interrompre ! Vous aurez la possibilité de vous exprimer par la suite !

Je disais donc que nous constatons aujourd’hui que la situation peut se retourner, et que nous pourrions connaître un véritable raz-de-marée de l’extrême droite avec le scrutin majoritaire.

M. François Bonhomme. Il est plus facile de changer les règles que le peuple…

M. Yannick Jadot. Je vous appelle donc aujourd’hui, mes chers collègues, non pas à définir les modalités du scrutin proportionnel, mais à envoyer un signal, y compris à nos collègues de l’Assemblée nationale : renouons la confiance entre les citoyens et la politique, efforçons-nous de faire refluer l’abstention, améliorons la représentation des Françaises et des Français et réinstallons l’exigence de compromis. Y parvenir serait une très bonne nouvelle. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre sur le mode de scrutin n’est pas nouveau en France. Il ravive la querelle centenaire entre « erpéistes » et « arrondissementiers », entre les partisans et les adversaires des « mares stagnantes » et de la « funeste erreur ».

S’il peut paraître éloigné des préoccupations des Français, ce débat est toutefois essentiel, car la règle électorale détermine qui peut voter les lois de la République et, partant, qui oriente les politiques publiques.

Cette règle, qui traduit des votes en sièges, doit donc être la plus démocratique possible et permettre à chaque bulletin d’avoir son utilité.

La nouvelle donne électorale esquissée par l’Assemblée nationale en 2022 avec la disparition de la majorité absolue, qui s’est accentuée en 2024, a remis au goût du jour le débat sur le mode de scrutin. Cela tient d’une forme de paradoxe, car depuis quarante ans, l’Assemblée nationale n’a dans les faits jamais été aussi peu disproportionnelle. Sa composition est en effet à peu de chose près l’équivalent de sa composition à l’issue des élections législatives de 1986, seule expérience de scrutin proportionnel.

Il reste qu’un Parlement sans majorité, ce qui n’était pas arrivé depuis 1962, conjugué à un pouvoir de dissolution qui est à l’arrêt, peut expliquer l’actualité de ce débat. Le retour en force du Parlement marque en effet comme un moment de bascule dans notre fonctionnement institutionnel.

Ce débat étant toutefois bien plus complexe qu’il n’y paraît, certaines idées reçues ont volé en éclats, à commencer par l’idée selon laquelle, contrairement à la proportionnelle, le scrutin majoritaire aurait la vertu de permettre la stabilité. En réalité, comme sous la IVe République, c’est non pas la proportionnelle, mais l’émiettement du système partisan qui a produit l’instabilité, à laquelle la Ve République a répondu par le parlementarisme rationalisé.

Les gouvernements de nos voisins européens qui pratiquent la proportionnelle – l’Allemagne, le Luxembourg, la Suède – ont une durée moyenne de cinq ans, contre dix-huit mois en France. Où est l’instabilité ?

Une autre idée pourrait voler en éclats ou, du moins, être contrecarrée : l’argument du fameux barrage à l’extrême droite a souvent été avancé pour renoncer à la proportionnelle. Le glissement de conviction du Rassemblement national, de la proportionnelle vers la proportionnelle avec prime majoritaire, n’est pas innocent. C’est que, en réalité, pour la première fois, le scrutin majoritaire pourrait bien désormais lui profiter grâce à son effet amplificateur. À l’inverse, la proportionnelle l’empêcherait d’avoir tous les pouvoirs.

Quels sont alors les effets du scrutin majoritaire à deux tours ? Il a pour principal effet mécanique que le succès du parti majoritaire en voix est considérablement amplifié en sièges, si bien qu’il écrase tous les autres. Pour rappel, en 2017, le parti La République en marche (LREM) recueillait 28,2 % des voix et obtenait 308 sièges, soit 53 % des sièges.

Combiné à ses effets « psychologiques », théorisés par Maurice Duverger, ce mode de scrutin conduit progressivement les électeurs à modifier leurs comportements électoraux : ils finissent par voter « utile », c’est-à-dire davantage « contre » que « pour ». Pis encore, ils considèrent que leur vote est « inutile », car leur voix est littéralement perdue.

Ainsi, la France, seul pays de l’Union européenne à pratiquer ce mode de scrutin, est aussi celui où la représentation est la plus disproportionnelle. Bernard Dolez a démontré que, dans les années 2010, le déplacement d’un point de pourcentage dans le rapport entre la droite et la gauche était susceptible de faire basculer entre quinze et vingt sièges, soit 4 % du total, et, ainsi, non seulement de laminer l’opposition, mais aussi de priver les petits partis, isolés de toute représentation parlementaire.

Cette « disproportionnalité » est un problème démocratique structurel.

Quant aux effets de la proportionnelle, ils sont variables tant la gamme des déclinaisons de ce système est infinie. Et, comme pour le mode de scrutin majoritaire, d’autres règles que celle de la formule électorale jouent. Deux, principalement : d’une part, les seuils de qualification ; d’autre part, la magnitude de la circonscription, c’est-à-dire le nombre de sièges par circonscription, qui est un élément décisif.

En fonction de ces règles, les effets de la proportionnelle exposés par notre collègue Mélanie Vogel pourront s’observer : la mise en œuvre d’une représentativité et d’une proportionnalité où chaque voix compte réellement, un accroissement de la participation, puisque chaque voix compte, la possibilité de la parité et de l’inclusivité, ainsi que la diminution de la violence politique par la nécessité de compromis. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)

La formule électorale et le mode de scrutin restent enchâssés dans le système politique. Mais la représentation proportionnelle serait décisive en ce qu’elle permettrait de « déprésidentialiser » notre régime politique. En cas de dissolution, les députés sont confrontés à un risque plus élevé de perdre leur siège avec le scrutin majoritaire, alors qu’ils seraient pour la plupart réélus avec la proportionnelle. Les députés sont donc incités à la soumission. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Tout est dit !

M. Éric Kerrouche. Le pouvoir de dissolution qui donne aujourd’hui toute sa puissance au Président de la République deviendrait ainsi un « sabre de carton », pour reprendre les termes de Marie-Anne Cohendet.

Ce dernier point démontre que la formule électorale ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte les effets du calendrier électoral, des autres systèmes électoraux, de la géographie électorale et du système partisan lui-même.

Ainsi, dès lors que nous souhaitons modifier le mode de scrutin, nous devrons nous interroger sur nos objectifs. Néanmoins, la simplicité et la lisibilité pour les électeurs et les partis, comme la représentativité territoriale, seront les conditions essentielles pour réussir un changement.

Parce que, au groupe SER, nous souhaitons que chaque voix compte et voulons « déprésidentialiser » notre régime, nous sommes favorables à une poursuite de la réflexion parlementaire et nous voterons pour cette excellente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans vouloir gâcher la fête,…

M. Olivier Paccaud. Vous pouvez ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre-Jean Verzelen. … j’exprimerai un point de vue quelque peu différent de ceux que nous venons d’entendre.

En effet, malgré les critiques, les attaques et les remises en cause régulières qui sont faites par certains dirigeants politiques, la Ve République a résisté à tout. Depuis soixante ans, elle permet de dégager des majorités au Parlement, d’avoir des alternances et au pays de fonctionner.

Et pourtant, la Constitution a été mise à rude épreuve du fait de pratiques qui n’étaient pas prévues comme la cohabitation, le quinquennat, ou des gouvernements fonctionnant avec une majorité relative, voire très, très, très relative… Mais elle a, en elle, les ressources et les outils qui lui permettent de tenir.

Depuis la dissolution de juillet dernier, nous sommes dans une situation inédite, complexe et incertaine, et c’est dans ce moment que revient le sujet de la proportionnelle aux élections législatives.

Vous me permettrez une première remarque : il faut se méfier des évidences et des fausses bonnes idées, qui soi-disant « font bien » et plaisent à l’opinion, mais qui finissent par modifier en profondeur nos institutions et sont remises en question quelques années plus tard.

Regardons le sujet de la fin du cumul des mandats : tout le monde trouvait cela formidable, mais, aujourd’hui, nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que c’était une erreur et qu’il faut la corriger. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Quant à la fin du septennat, largement saluée, elle a considérablement transformé le rôle du Président de la République, ainsi que la place du Premier ministre et du gouvernement.

Je pourrais aussi parler de l’introduction de la proportionnelle aux législatives de 1986, qui n’avait visiblement pas emporté l’adhésion générale, puisque nous sommes revenus au scrutin uninominal majoritaire quelques mois après.

La proposition de résolution que nous examinons est un peu vague : il faudrait nous en dire plus… Quel type de représentation proportionnelle s’agit-il d’introduire ? Sera-t-elle départementale ? régionale ? nationale ? À un tour ou à deux tours ? Avec un effet majoritaire ou pas ?

M. Guy Benarroche. Cela ne change rien.

M. Pierre-Jean Verzelen. Il existe autant de combinaisons possibles que pour tomber sur les bons chiffres du loto ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les dernières élections ont mis en évidence les fractures territoriales qui se creusent depuis des années entre les campagnes, les banlieues et les centres-villes. La situation pourrait se résumer en une formule : « Dis-moi où tu habites, je te dirai pour qui tu votes. » Nous vivons dans le même pays, mais nous ne partageons pas, ou plus, les mêmes réalités.

Ces fractures expliquent en partie les résultats des élections législatives de juillet dernier : l’Assemblée nationale est plus représentative qu’elle ne l’a jamais été. Mais pour quel résultat ? Le bilan n’est pas très encourageant et nous sommes plus que jamais dépendants – on le voit encore ces derniers jours – des stratégies vaseuses de certains partis politiques.

Le premier enjeu d’un basculement vers la proportionnelle – les orateurs précédents ne l’ont pas mentionné – c’est le profil des candidats qui seront investis. Le non-cumul des mandats a déjà fait mal, mais le passage à la proportionnelle pourrait être le coup de grâce qui éloignerait encore plus l’électeur du député et le député des préoccupations du terrain.

M. Pierre-Jean Verzelen. Quelle sera la particularité des candidats qui seront investis demain ? Ils seront dans la droite ligne du ou de la cheffe de parti, ils en seront plus proches et d’autant plus redevables. Vous me direz que c’est déjà de plus en plus le cas.

M. Éric Kerrouche. Oui, en 2017 !

M. Pierre-Jean Verzelen. Certes, mais est-ce que le débat à l’Assemblée nationale y gagne ? Est-ce que la démocratie s’en portera mieux ? J’en doute.

Un mot sur l’intérêt que cela pourrait susciter chez les électeurs. Quand on observe la situation chez nos voisins qui ont mis en place la proportionnelle, rien ne prouve que les taux de participation soient plus importants. C’est même souvent le contraire que l’on observe…

Ce sujet nécessite que l’on prenne le temps d’en débattre dans un contexte apaisé. Je ne suis pas certain que les conditions politiques soient réunies en ce moment pour le faire… Essayons déjà, les uns et les autres, de nous atteler à trouver les conditions qui permettront à notre action politique d’être utile aux Français au cours des prochains mois.

Vous l’aurez compris, une grande partie des élus du groupe Les Indépendants votera contre cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la démocratie pouvait être sauvée par un mode de scrutin, cela se saurait. Quand on regarde l’ensemble des pays, que leur système soit proportionnel, majoritaire à un tour ou à deux tours, la crise de la démocratie est générale et la proportionnelle ne sauvera rien du tout.

Pourquoi cela ? Parce que depuis une cinquantaine d’années, ou plutôt depuis une trentaine d’années en Occident, le hiatus entre les forces politiques et la volonté populaire n’a cessé de grandir. Le problème peut-il se régler en changeant le mode de scrutin ? Non. Il se réglera par une meilleure adaptation des forces politiques, il se réglera par une transformation profonde de la démocratie, il se réglera par des éléments favorisant une volonté collective et un projet commun. Mais dire que le mode de scrutin contribuera naturellement à rétablir la démocratie, cela n’a aucun sens.

En effet, certaines démocraties sont malades alors que la proportionnelle y est établie depuis des décennies. D’autres le sont aussi alors que le scrutin majoritaire y est établi depuis des années.

En revanche, il est vrai que le mode de scrutin reste un outil. D’ailleurs, le général de Gaulle a veillé à ce qu’il ne soit pas inscrit dans la Constitution en expliquant qu’il s’agissait, donc, d’un outil, c’est-à-dire un élément qui peut être modifié au fur et à mesure du temps sans que cela ait rien à voir avec le fonctionnement normal et régulier des institutions.

Si la France est en crise, malgré le scrutin majoritaire, c’est à cause de l’affaiblissement du pouvoir politique, des familles politiques et de l’État, mais ce n’est pas à cause du mode de scrutin. D’ailleurs, pendant cinquante ans, ce mode de scrutin a assuré la stabilité et la force de la démocratie française, sans que personne le mette en cause comme « affaiblisseur » de la démocratie. (Mme Nadine Bellurot renchérit.)

Certains l’ont critiqué comme n’étant pas assez représentatif, mais, en réalité, le gouvernement, stable, sûr de lui et majoritaire, y gagnait une capacité d’agir.

Or qu’attend-on du Parlement sinon qu’il donne au gouvernement la capacité d’agir ? En effet, ce que veulent les Français, comme toute Nation d’ailleurs, c’est que le gouvernement et le Parlement aient la capacité d’agir pour leur bien. Et peu leur importe de savoir que, en cas de dissolution, les députés seraient réélus de manière automatique parce que la proportionnelle garantirait leur siège. Cela n’a aucun sens ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Par exemple, je suis vice-président de la commission d’investiture du parti Les Républicains. Si l’on introduisait la proportionnelle, je serais élu à vie puisque c’est le parti qui déciderait.

M. Roger Karoutchi. Par conséquent, un mode de scrutin suffirait-il à garantir la démocratie ? Bien sûr que non ! La démocratie impose surtout que nous osions nous regarder en face en nous demandant si le Parlement n’est pas affaibli et si nous sommes toujours à la hauteur de ce qu’attendent les Français. Et peu importe, encore une fois, selon quel mode de scrutin tel ou tel est élu.

La proposition de résolution de Mélanie Vogel aura au moins l’avantage de lancer le débat sur la possibilité d’instaurer un mode de scrutin différent en France. Nous l’avions fait en 1986. De plus, nos amis britanniques, qui ne sont pas des antidémocrates, ont un mode de scrutin majoritaire à un tour. Il n’y a rien de plus antidémocratique et, pourtant, ils s’y tiennent parce qu’ils considèrent que leur démocratie est ainsi stabilisée.

D’autres pays en Europe, qui ne sont pas très éloignés du nôtre, envisagent de remplacer leur mode de scrutin proportionnel par un scrutin majoritaire. Ce n’est donc pas le mode de scrutin qui change la donne, mais la force des partis et leur capacité à convaincre.

Certains d’entre vous avancent l’argument selon lequel un nouveau mode de scrutin mettrait fin à l’abstention. Mais l’abstention est forte dans de nombreux pays, qu’ils aient la proportionnelle ou pas.

M. Éric Kerrouche. C’est faux.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas le mode de scrutin qui l’explique. En réalité, nous devrions surtout nous poser la question de savoir si, dans nos formations politiques, nous avons fait les transformations nécessaires pour être proches des gens et capables de défendre leurs convictions.

Le mode de scrutin est un outil ; ce n’est pas une arme pour la démocratie. La démocratie, c’est le Parlement et un gouvernement disposant d’une majorité qui agit pour le peuple français. Mes chers collègues, voilà ce que nous devons construire ensemble ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet dernier, les élections législatives ont renouvelé la composition de l’Assemblée nationale, sans dégager de majorité claire. Certains ont pu parler, à l’issue du scrutin, de « IVRépublique sous la VRépublique », autant dire la quadrature du demi-cercle de nos hémicycles !

À cette occasion, nous avons pu douter de l’efficacité du scrutin majoritaire pour garantir, encore, une forme de stabilité de nos institutions.

De plus, une crise démocratique est venue se conjuguer à cette conjoncture politique qui est une lame de fond et que nous ne devons pas ignorer.

Aussi, madame la sénatrice Vogel, les élus du groupe RDPI sont favorables à la tenue du débat que vous proposez à travers ce texte. Le Premier ministre l’ayant aussi récemment approuvé, à cette tribune, nous avons accordé au nouveau gouvernement notre confiance pour mener ces discussions.

Cela étant dit, la récente censure, qui n’a pas été sans conséquences, notamment sur le plan économique, est venue apporter deux enseignements, opposés. À celles et à ceux qui appelaient à un changement des règles électorales, elle est venue confirmer la nécessité d’une évolution. À l’inverse, elle a nourri le doute chez celles et ceux qui pensaient que la culture du compromis dans notre pays – et chez ses représentants – n’était pas, en l’état actuel, fongible dans cette volonté d’une Assemblée nationale proportionnée, prétendument plus démocratique.

Pour reprendre la question posée par le professeur Julien Jeanneney dans une contribution importante sur la proportionnelle, « le moment de prise en conscience des affres d’une assemblée sans majorité claire est-il le mieux choisi pour proposer un système tendant à pérenniser une telle situation » ?

Dans cette introduction au débat, je voudrais par conséquent apporter de la nuance. En effet, la proportionnelle, d’un triple point de vue – au regard de nos exemples passés, des pratiques européennes et des nombreuses déclinaisons théoriques existantes –, recouvre un grand nombre de réalités. Il y a l’idée et il y a les faits.

En premier lieu, ne tombons pas dans un usage instrumental ou court-termiste de la révision de nos institutions. Il en va de la Constitution comme des lois électorales : il faut y toucher avec prudence et y réfléchir de façon globale, en associant les citoyens, qui doivent comprendre les implications de tout changement pour pouvoir se prononcer de façon éclairée. C’est du moins l’une des conclusions figurant dans l’enquête annuelle de la fondation Jean-Jaurès, publiée en décembre dernier.

De plus, quelques rappels s’imposent. Tout d’abord, si le système existant peut susciter des critiques, il ne faut pas en déduire pour autant qu’un autre modèle serait par principe le remède, en écartant la possibilité qu’il soit pire que le mal.

Quelques exemples suffiraient à le montrer sans qu’il soit besoin d’être exhaustif. Ainsi, le mode de scrutin que vous souhaitez introduire, lorsqu’il a été mis en œuvre dans notre pays, n’a jamais trouvé d’enracinement. Ses thuriféraires sont même parfois devenus ses détracteurs.

En outre, il faut rappeler un paradoxe. En effet, lorsqu’elle est organisée dans de petits territoires, alors la proportionnelle ressemble au scrutin majoritaire, mais lorsqu’elle est organisée à une échelle globale, alors elle peut favoriser l’éloignement des citoyens de leurs représentants. Or ce n’est pas l’objectif que nous souhaitons nous fixer.

Gardons également une certaine prudence dans l’affirmation selon laquelle la proportionnelle serait favorable aux idées : ce mode de scrutin peut au contraire ajouter de la radicalité en poussant la différenciation à l’excès. Chaque parti voudra se distinguer de son voisin le plus direct, en « clivant », rendant peu crédible la possibilité de coalitions futures.

La proportionnelle donnerait aussi un poids important à des groupes minoritaires. L’exemple espagnol est là pour nous faire réfléchir.

S’agissant de la stabilité que nous souhaitons rétablir, l’exemple belge doit également nous interpeller. Évitons donc de raisonner par automatisme. (M. Roger Karoutchi renchérit.)

Par ailleurs, si l’objectif est d’affaiblir le Rassemblement national, attention au retour de flamme, si je puis le dire ainsi. En effet, ce parti politique défend lui-même le scrutin proportionnel pour des intérêts particuliers bien compris, avec toutefois un correctif majoritaire très fort et dans une version différente du modèle défendu dans la proposition de loi que vous avez déposée, madame Vogel, en plus de cette proposition de résolution.

Enfin, sur l’utilisation d’un parallélisme avec les élections sénatoriales pour justifier le bien-fondé du passage à la proportionnelle, je dirai que l’argument ne vaut pas, car les candidats aux élections sénatoriales ont la possibilité de rencontrer la totalité de leur électorat, celui-ci ayant en miroir la possibilité d’identifier tous les membres figurant sur la liste du candidat. L’échelon est par ailleurs un échelon de proximité, à savoir le département.

En conclusion, les élus du groupe RDPI voteront majoritairement pour ce texte, car nous souhaitons que le débat sur l’évolution du mode de scrutin aux élections législatives puisse se tenir, mais avec toute la prudence qui s’impose et en y associant les citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Olivier Paccaud. C’est le fameux « en même temps » !

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je salue l’initiative de nos collègues du groupe GEST, qui ouvrent un débat sur nos institutions et la crise politique que notre pays traverse.

Quelles que soient les convictions de chacun sur tel ou tel mode de scrutin, nous reconnaissons que la mécanique démocratique s’est fortement enrayée et la défiance de nos concitoyens est préoccupante. L’abstention explose, chez les jeunes en particulier. C’est préjudiciable pour la vitalité démocratique, et profondément décevant au regard des combats menés dans l’Histoire en faveur du droit de vote.

Il est urgent d’apporter des réponses. La réforme du mode de scrutin est-elle la piste à privilégier ? Une assemblée parlementaire doit-elle être le parfait miroir de la société ? Dans ce cas, quel est le mode de scrutin idéal ?

Condorcet cherchait déjà la réponse à cette question au XVIIIe siècle et ses modèles mathématiques lui avaient permis d’aboutir à une certitude : la somme des préférences individuelles pouvait être irrationnelle.

Si la question du mode de scrutin est posée par de nombreux politologues et constitutionnalistes, il n’est pas facile de dégager une vérité absolue. En politique, l’épreuve des faits a parfois révélé des surprises.

Où se situent donc les limites du système d’aujourd’hui ? Encore récemment, on pouvait dire que le scrutin uninominal garantissait le fait majoritaire et, dans la foulée, une stabilité gouvernementale. Mais depuis juillet dernier, l’Assemblée nationale s’est morcelée sans dégager de majorité. In fine, nous sommes proches d’une représentation à la proportionnelle sans pour autant que le mode de scrutin ait bougé.

L’auteure de cette proposition de résolution prend acte de cette situation et invite à la clarifier. Toutefois, mon groupe reste partagé sur ce texte.

Pour certains de mes collègues du RDSE, le scrutin proportionnel pour les législatives, s’il est envisagé, ne peut l’être que dans le cadre d’une réforme plus globale, à commencer par la limitation de la dérive présidentialiste de la Ve République.

On cite souvent en exemple les pays européens qui ont adopté ce scrutin pour leur assemblée parlementaire. Mais rappelons que la plupart d’entre eux ont des régimes où la verticalité est moindre, avec un Premier ministre fort ou des partis qui ont la main pour créer des coalitions au sein de leur parlement.

Cette remarque renvoie aussi à la question de la culture du compromis, dont les élus français seraient dépourvus. Là aussi, c’est plutôt notre équilibre institutionnel qui ne la favorise pas.

Pour ma part, je suis favorable à l’introduction de la proportionnelle pourvu que nous soyons lucides : dans une assemblée divisée en trois blocs, un tiers – même un peu plus fort que les deux autres tiers – sera toujours plus petit qu’un demi ! Il faudra donc apprendre à mieux coaliser si le paysage politique devait rester pluriel comme il l’est aujourd’hui.

J’en viens enfin à un élément de discussion ouvert par la proposition de résolution, celui de la taille de la circonscription d’élection. Si le changement de scrutin vise à assurer une assemblée davantage représentative, trouvons le bon curseur pour garantir le lien entre les élus et leurs électeurs et pour éviter la mainmise des appareils nationaux sur les investitures.

Enfin, vous l’avez indiqué, chère collègue Mélanie Vogel, il n’y a pas de solution unique au rétablissement de la confiance entre les Français et leurs représentants.

Nous avons également la responsabilité de créer les conditions, par exemple, d’un meilleur engament citoyen, comme le RDSE l’a tenté à travers la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne de notre collègue Henri Cabanel, adoptée par le Sénat.

Au-delà de la question institutionnelle, notre premier devoir est de bâtir des projets sincères, soutenables, inscrits dans un contrat social inclusif et conformes aux valeurs républicaines. Éloigner nos concitoyens de l’abstention ou des votes extrêmes passe par le retour d’un cap d’espérance.

Comme je l’ai dit, au RDSE, les avis sont partagés. Pour ma part, je soutiendrai la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Marianne est malade, elle souffre depuis longtemps d’un spleen inquiétant, et cela a commencé bien avant le capharnaüm de la dissolution et l’échafaud de la censure. Le poison de l’abstention, le chêne-lierre de l’antiparlementarisme, la « bordélisation » de l’Assemblée nationale par des olibrius bruyants et furieux : que de stigmates du malaise – et même de la crise – que vit notre République !

Qui diable peut nier la défiance, les douves quasi infranchissables séparant désormais le peuple souverain et les élites gouvernantes ? Sociologues, philosophes et éditorialistes déploreront que le citoyen soit malheureusement de nos jours avant tout consommateur et « accro » aux réseaux sociaux, que l’exigence de droits ait balayé les devoirs civiques, que l’intérêt général et le bien commun soient devenus des notions désuètes…

Comment donc renouer le fil de la confiance, revitaliser et ressusciter la fibre citoyenne et le fameux « vivre ensemble » ?

Voilà qu’un carillon joyeux s’élève ! On a trouvé la pierre philosophale électorale, la catharsis démocratique, le graal de la fontaine de la citoyenneté : la proportionnelle !

Mme Raymonde Poncet Monge. Qui a dit cela ?

M. Olivier Paccaud. Permettez-moi, après Roger Karoutchi et Pierre-Jean Verzelen, d’être un peu moins enthousiaste. Car la proportionnelle, voyez-vous, nous la connaissons bien. Elle a fait ses preuves. Elle est tout sauf une innovation miraculeuse, révolutionnaire et moderne.

Souvenez-vous de la IVe République, le temps des arrangements, des combinaisons et des gouvernements éphémères. Souvenez-vous de 1986, du « florentin » François Mitterrand, machiavélique ingénieur d’une proportionnelle qu’il maîtrisait à merveille pour minorer la victoire de la droite en offrant trente-cinq députés au Front national…

La proportionnelle ? C’est le vice au bras de la vertu électorale. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Kerrouche proteste.) La vertu, indéniable, c’est la représentativité partisane, et la proportionnelle la permet. Mais n’a-t-on pas aujourd’hui à l’Assemblée nationale une quasi parfaite représentativité du paysage politique national sans la proportionnelle ?

Quant au vice, c’est le régime des partis, des copains et des coquins, des copines et des coquines (Exclamations sur les travées du groupe GEST.), c’est le règne des apparatchiks, c’est la recentralisation électorale, c’est une pluie de parachutés médiocres, c’est le lien plus que fragilisé avec les territoires… (Mêmes mouvements.)

M. Ahmed Laouedj. Arrêtez de fumer !

M. Olivier Paccaud. La baguette magique de la fée proportionnelle a ainsi, jadis, permis à une conseillère régionale d’Île-de-France de se transplanter dans le Nord-Pas-de-Calais, ou encore à une sénatrice de l’Oise – mon département – de devenir en quelques heures sénatrice du Val-de-Marne : nul doute que notre démocratie y a beaucoup gagné !

Car la proportionnelle repose sur un outil intangible : la liste. Celle-ci est toujours composée et validée par le parti – n’est-ce pas, monsieur Karoutchi ? –, presque toujours à Paris.

Certains me répondront qu’il y a la bonne et la mauvaise proportionnelle, celle à la liste départementale, régionale ou nationale, celle à un tour, celle à deux tours ou – pourquoi pas ? – un subtil alliage de proportionnelle et de scrutin uninominal ? Tout est possible, mais tout n’est pas souhaitable.

Et ce qui ne doit surtout pas être méprisé, c’est l’utilité d’un second tour. Celui-ci est en effet un précieux temps de réflexion offert aux électeurs, autrement dit une opportunité de correction.

Victor Hugo a bien résumé la sagesse et l’intérêt du bicamérisme : « La France gouvernée par une assemblée unique, c’est l’océan gouverné par l’ouragan. » Je dirai, quant à moi, que le tour unique, c’est le saut dans le vide sans parachute.

Aujourd’hui, la République vacille, son souffle est court, son visage marqué par l’usure des illusions perdues. L’antidote miracle n’existe pas et la proportionnelle n’est qu’un placebo aux effets secondaires ravageurs. Car c’est non pas d’un simple artifice électoral que Marianne a besoin, mais d’un ressaisissement collectif, d’un sursaut républicain et d’une refondation civique. Sans cela, l’abîme s’élargira, et demain, ce ne sera plus seulement la démocratie qui sera en crise : la Nation elle-même sera en péril.

Les membres du groupe Les Républicains voteront contre cette proposition de résolution. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie la sénatrice Vogel et le groupe GEST d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de résolution. Je m’en tiendrai à quelques réflexions sur les notions de temporalité et d’instabilité, en me donnant pour méthode celle de l’humilité au regard de la qualité et la profondeur de vos interventions. En effet, ceux qui se sont exprimés ont su faire preuve de nuance, avec parfois une grande force rhétorique ou bien en montrant plus de prudence, et je remercie chacun d’entre eux.

Pour ce qui est de la temporalité, madame la sénatrice Vogel, vous avez raison de dire que l’on entend trop souvent qu’il faudrait commencer par s’occuper de toutes les difficultés à l’échelle internationale, européenne, nationale ou même territoriale, avant de traiter la question du mode de scrutin. Je souscris donc volontiers à vos propos lorsque vous affirmez que la représentativité du Parlement doit être au cœur de nos débats et de nos préoccupations.

En effet, le mode de scrutin, autrement dit la façon dont les Françaises et les Français désignent leurs représentants, est une source de légitimité pour la démocratie représentative. D’ailleurs, au cours de toutes les crises que nous avons récemment traversées, cette notion a été chaque fois réinterrogée par ceux qui exprimaient leur mécontentement.

Elle est aussi une source de légitimité pour les décisions que vous prenez, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que pour la mise en œuvre de celles-ci. À ce propos, le sénateur Karoutchi a eu raison de parler d’un hiatus. En réalité, c’est l’efficacité de l’action publique qui est malade et l’enjeu est celui d’une réconciliation entre l’action du Parlement et la manière dont nos concitoyens en ressentent les effets. Plus les représentants du peuple réunis à l’Assemblée nationale et au Sénat seront légitimes, plus la force qu’ils auront pour veiller à l’application des décisions prises sera importante, de sorte que nos concitoyens en ressentiront davantage les effets.

En outre, comme le sénateur Jadot l’a très bien rappelé, la question du mode de scrutin est aussi une source d’acceptabilité.

On le voit bien, lorsque les électrices et les électeurs se sentent mal représentés à l’échelon du Parlement, assez naturellement, les décisions difficiles à prendre – car l’action publique consiste aussi à prendre ce type de décisions – sont beaucoup plus rapidement et vivement contestées. Aussi, s’interroger sur l’introduction d’une plus forte dose de proportionnelle dans le mode de scrutin doit nous conduire à cheminer ensemble dans le sens de l’amélioration de l’efficience de l’action publique.

S’agissant de l’instabilité que pourrait provoquer un tel mode de scrutin – c’est évidemment avec beaucoup d’humilité que je m’exprimerai sur ce point –, j’observe, comme l’a fait le sénateur Paccaud, que, lors des élections législatives de 1986, seule fois où le scrutin proportionnel s’est appliqué, celui-ci avait paradoxalement conduit à ce qu’une majorité, fût-elle un peu plus étroite qu’annoncé, se dégage à l’Assemblée nationale.

Je note également, redécouvrant en ma qualité de ministre les débats au sein de la Haute Assemblée, qu’il existe incontestablement une majorité dans votre chambre, alors même que les sénateurs sont élus majoritairement au scrutin proportionnel.

Par conséquent, nous devons veiller collectivement à ne pas perdre tout sens de la nuance.

La sénatrice Vogel l’a d’ailleurs rappelé, nous sommes les seuls en Europe à ne pas avoir recours au scrutin proportionnel et à ne pas l’avoir inscrit dans nos textes institutionnels. Cela résulte sans doute de l’originalité même de notre République française, mais nous ne pouvons pas pour autant faire l’économie d’une réflexion à ce sujet : quand on a raison seul contre tous, c’est parfois que l’on a tort…

Mme Cécile Cukierman. Tout à fait ! L’argument vaut aussi pour les retraites !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Aussi, j’ai apprécié la nuance dont ont fait preuve celles et ceux qui sont favorables à l’ouverture de ce débat sur l’instauration de la proportionnelle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il va de soi que le scrutin proportionnel améliore la représentativité des opinions. Je pense ici aux électeurs de droite de la Seine-Saint-Denis ou aux électeurs de gauche de Boulogne-Billancourt ou de Neuilly-sur-Seine qui peuvent ressentir une certaine fatigue et, parfois, s’impatienter, parce qu’ils ne se sentent pas représentés au sein des assemblées.

Il va de soi aussi, je tiens à le souligner, que le scrutin proportionnel peut renforcer la représentativité sociétale : à chaque fois que nous avons eu recours à ce mode de scrutin, c’est la place des femmes qui s’est trouvée confortée dans la République. La proportionnelle appliquée aux scrutins de liste contribue aussi à favoriser une meilleure diversité sociale.

M. François Bonhomme. Ce sont des choix politiques !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Il va de soi, enfin, que le scrutin proportionnel peut conduire à une évolution des cultures politiques. Comme vous le voyez, je m’efforce de m’exprimer devant vous de manière respectueuse et prudente,…

Mme Nadine Bellurot. Ça oui ! (Sourires.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué. … tout simplement parce que j’appartiens moi-même à un gouvernement qui est le fruit d’un compromis, et qu’au sein de ce gouvernement il peut y avoir des avis divergents sur le sujet sur lequel j’interviens ce matin.

Pour avoir siégé à l’Assemblée nationale, je ne peux que constater que vos collègues députés, compte tenu de son émiettement, même avec la meilleure volonté du monde – et ils sont nombreux à faire preuve de bonne volonté –, ont beaucoup de mal à trouver le chemin du compromis – je rejoins en cela la sénatrice Florennes et le sénateur Kerrouche. Même si la Chambre basse, dans sa composition actuelle, ressemble à une assemblée issue d’un scrutin proportionnel, les députés ont en effet été élus via un mode de scrutin reposant sur une logique d’écrasement des uns par les autres, qui aurait dû conduire, lors des dernières échéances électorales, à ce qu’un groupe ou une coalition politique obtienne la majorité absolue.

Cette culture du compromis est absolument nécessaire, compte tenu de la complexité des difficultés qui sont celles du pays. En effet, pour ma part, je ne crois pas que l’on puisse avoir raison seul en écrasant les autres ; ou alors, c’est que l’on a raison quelques mois dans le cadre de majorités très larges, mais, ensuite, c’est la population, dont la contestation est relayée jusqu’au sein des assemblées, qui conduit au blocage.

La sénatrice Florennes ainsi que les sénateurs Kerrouche et Verzelen ont également rappelé que la véritable question qui se pose, dans le cadre du débat public qui s’ouvrira nécessairement au cours des mois et des années qui viennent, est celle des modalités d’application de la proportionnelle, celle du « comment ». Toute la question sera de savoir comment on pourra éviter l’émiettement du système représentatif et comment on parviendra à maintenir un lien entre les citoyens et les institutions.

À ce sujet, certains orateurs ont exprimé le souhait que l’on réfléchisse à un toilettage ou à une réforme des règles relatives au cumul des mandats, qui est, vous le savez, une question éminemment sensible. Selon le type de scrutin retenu, la question du bon échelon auquel la proportionnelle doit être mise en œuvre se posera avec acuité.

J’en viens à une réflexion plus personnelle, qui découle de ma propre expérience : il me semble qu’il ne faudrait pas que le choix du mode de scrutin proportionnel conduise à donner tout le pouvoir aux appareils.

M. François Bonhomme. C’est tout le problème ! (Sourires.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Je constate que, parfois, dans le cadre du système qu’induit le mode de scrutin majoritaire, le poids des appareils et des commissions nationales d’investiture est décisif. (Rires ironiques sur les travées des groupes GEST et Les Républicains.)

Quoi qu’il en soit, les orateurs des différents groupes qui se sont succédé à la tribune l’ont tous mentionné, la restauration du lien entre élus et électeurs appelle sans aucun doute une réflexion plus large.

Le sénateur Laouedj a eu raison d’aborder la problématique des inscriptions sur les listes électorales, et, plus particulièrement, celle des Français mal inscrits – plusieurs rapports de grande qualité ont été produits par le Sénat sur ce sujet. Une réflexion approfondie sur la numérisation et la sécurisation des procurations doit également s’engager.

Je n’oublie pas la question du vote par correspondance, qui ne doit pas être balayée d’un revers de la main, dans la mesure où ce mode de votation est d’ores et déjà utilisé dans notre démocratie – je pense notamment au vote, désormais très sécurisé, lors des élections des comités d’entreprise, lesquels ont à la fois d’énormes responsabilités et d’énormes budgets à gérer.

La question du vote électronique doit également être étudiée avec attention. En Estonie, l’un des pays européens les plus avancés en matière de numérique, celui-ci est utilisé avec succès.

Il faudra aussi tenir compte, dans cette réflexion, des enjeux liés à l’accessibilité du vote, notamment pour les personnes en perte d’autonomie et les personnes handicapées.

Enfin, je terminerai mon intervention en rappelant l’importance de l’annonce faite par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale de la création d’une banque de la démocratie, afin que nos futures campagnes électorales ne dépendent pas d’intérêts privés et ne soient pas, moins encore, à la merci d’ingérences étrangères.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la réflexion que vous conduisez sur ce sujet ô combien important de la proportionnelle, un sujet qui est bel et bien d’actualité pour le Gouvernement. S’il est vrai que la démocratie est « l’organisation sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civiques de chacun », comme l’écrivait Marc Sangnier, je suis sûr que nous sommes tous animés par la volonté d’y parvenir. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. François Bonhomme. On est bien avancé !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles L. 260, L. 295, L. 338, L. 366, L.O. 485, L.O. 512, L.O. 540, L. 558-4, L. 558-8 et L. 567-1 A du code électoral,

Vu l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen,

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-811 QPC du 25 octobre 2019,

Vu le projet de loi n° 976 (XVe législature) pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2018,

Vu le projet de loi organique n° 977 (XVe législature) pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mai 2018,

Vu le projet de loi organique n° 2204 (XVe législature) pour un renouveau de la vie démocratique, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 août 2019,

Vu le projet de loi n° 2205 (XVe législature) pour un renouveau de la vie démocratique, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 août 2019,

Considérant qu’il est nécessaire de revoir le mode de scrutin actuel pour l’élection des députés afin que ce dernier puisse garantir une meilleure représentativité de l’Assemblée, davantage de stabilité, une confiance améliorée et une évolution des pratiques politiques, tout en maintenant un ancrage territorial lisible pour les électeurs ;

Considérant que, d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques, seulement 26 % des Françaises et Français estiment que le système politique actuel permet que leurs opinions soient prises en compte ;

Considérant que le scrutin proportionnel, utilisé par tous nos voisins de l’Union européenne pour les élections législatives, permet une représentation fidèle des préférences politiques des citoyennes et citoyens ;

Considérant que le scrutin proportionnel réduit considérablement le nombre de voix qui ne sont pas effectivement représentées à l’Assemblée nationale ;

Considérant que le scrutin proportionnel peut encourager la participation aux élections ;

Considérant le recul inédit de la proportion de femmes à l’Assemblée nationale, qui avait atteint 38,8 % à l’issue des élections législatives de 2017 contre 37,3 % en 2022 et seulement 36,1 % à l’issue des législatives anticipées de 2024, ainsi que les effets positifs de la proportionnelle sur cette proportion ;

Considérant les spécificités de l’organisation du scrutin législatif en Corse et dans les outre-mer ainsi que les enjeux propres à la représentation des Françaises et des Français établis hors de France ;

Considérant que le scrutin proportionnel est déjà utilisé en France pour de nombreuses élections locales, pour une grande partie du Sénat ainsi que pour l’élection des représentants au Parlement européen ;

Considérant la déclaration de politique générale du Premier ministre François Bayrou, prononcée devant l’Assemblée nationale le 14 janvier 2025, lors de laquelle il a indiqué qu’« il faut également que chacun trouve une place au sein de la représentation nationale, à proportion des votes qu’il a reçus » et a proposé à la représentation nationale d’avancer sur la réforme du mode de scrutin législatif ;

Se déclare favorable à une réforme du mode de scrutin pour les élections législatives afin d’introduire le scrutin proportionnel ;

Rappelle que de nombreuses modalités de mise en place ont été évoquées dans le débat public et par voie de propositions législatives ;

Considère que c’est à travers l’amorce d’un travail parlementaire concret, large et ouvert qu’un consensus pourra émerger sur l’option à retenir ;

Considère que l’option de réforme in fine retenue devrait dans tous les cas garantir une représentation fidèle des préférences politiques des citoyens, assurer un équilibre géographique et le maintien d’un ancrage territorial, être simple et intelligible et pouvoir être mise en œuvre sans réforme constitutionnelle ;

Suggère au Gouvernement d’initier les nécessaires travaux de concertation des acteurs de la vie politique afin que les modalités exactes de l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives puissent être rapidement débattues par le Parlement et permettre ainsi l’introduction de la proportionnelle pour le prochain scrutin législatif.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je vais mettre aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mme la secrétaire constate le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 183 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l’adoption 162
Contre 152

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, RDSE, RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. M. Gérard Lahellec applaudit également.)

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-deux, est reprise à onze heures quarante-trois.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant à l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie
Article 1er

Gestion durable et reconquête de la haie

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la discussion de la proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, présentée par M. Daniel Salmon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 839 [2022-2023], texte de la commission n° 189, rapport n° 188).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas sans un brin d’émotion que je prends la parole ce matin pour vous présenter cette proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, dont je suis l’auteur.

Permettez-moi tout d’abord de saluer l’ensemble des personnes qui ont travaillé de concert pour trouver un compromis sur un certain nombre de mesures et d’objectifs qui permettent de renforcer la portée de ce texte transpartisan.

Au spectacle de la nature, ce ne sont pas les haies qui tiennent le haut de l’affiche. Discrètes, en fond de parcelles, en bordure de chemins et de routes, entre espaces cultivés et forêts, les haies suscitent peu d’intérêt, hormis pour quelques amoureux de l’aubépine et du fusain, comme le souligne Sonia Feertchak dans Éloge de la haie.

Pourtant, les haies structurent nos paysages. Dans le bocage foisonnant où s’enchevêtrent mille espèces locales, elles forment un royaume peuplé d’un monde grouillant, foisonnant, rampant ou ailé.

La haie sépare l’espace, mais elle lie le vivant. De façon plus pratique, elle crée, dans nos territoires, une synergie entre agriculteurs, élus locaux, associations de chasseurs, associations environnementales, ou encore – il faut le reconnaître – entreprises agroalimentaires en recherche d’approvisionnement en bois durable.

Les haies concentrent tellement d’atouts que nous nous rassemblons sur toutes les travées de cette assemblée autour de leurs bénéfices.

Cette proposition de loi les remet à l’honneur. Et il y a urgence, car les haies disparaissent des paysages après avoir été massivement détruites lors de la période du remembrement. On estime que, depuis 1950, 70 % des haies ont disparu des territoires ruraux, soit 1,4 million de kilomètres.

Pourtant, les haies ont un rôle fondamental dans l’équilibre de nos territoires grâce à leurs nombreuses aménités, vertueuses sur les plans agronomique, environnemental, mais aussi économique.

Elles abritent une importante biodiversité animale et végétale, source de résilience, et contribuent à apporter une réponse aux aléas climatiques, de plus en plus importants, violents et fréquents. Elles facilitent la régulation des flux d’eau et participent à la lutte contre l’érosion des sols. Elles brisent le vent et abritent bétail, cultures et prédateurs des nuisibles, ce qui permet d’augmenter globalement les rendements des cultures dans les parcelles. Elles stockent le carbone dans les troncs et les racines, et produisent une biomasse feuillue qui fertilise les sols. Elles favorisent le maintien d’un patrimoine arboré et paysager, que nous chérissons tous, et représentent un levier de diversification des revenus agricoles.

Revenons quelques décennies en arrière pour comprendre ce qui a conduit à leur destruction.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France s’engage dans le remembrement de ses terres agricoles. Le but est louable : réorganiser et redistribuer les terres cultivables, afin de rationaliser les déplacements et d’améliorer les rendements, et favoriser la mécanisation.

Dans les régions de bocage comme la Bretagne, cela se traduit par un bouleversement complet du paysage ; le remembrement remodèle profondément les campagnes françaises, en les mettant d’équerre.

Les talus et les haies étaient considérés par les ingénieurs du génie rural comme des obstacles à l’utilisation rationnelle du sol. Pour agrandir les parcelles, on a arraché les haies, les pommiers, arasé les talus, rectifié ou comblé les ruisseaux. Cette opération, décidée de façon verticale, a entraîné l’effacement de l’agriculture vivrière, restreint l’autonomie des paysans et provoqué la disparition des petites fermes au nom de la productivité, de la foi dans un progrès inarrêtable.

En supprimant les haies, le remembrement a aussi bouleversé les écosystèmes. Les modifications des rivières, le drainage et l’arasement des talus ont accentué les déséquilibres hydriques, renforçant sécheresse et inondations. D’autres conséquences, plus indirectes, sont aussi regrettables : je pense au recours croissant aux produits chimiques et à l’essor des énergies fossiles.

Ce remembrement a bouleversé toute une société paysanne dont le mode de vie et le quotidien étaient complètement intégrés à des paysages synonymes de ressources et d’enchantement.

Dans Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, écrit en 1938, Jean Giono explique combien le paysan est un être social particulier, et comment son corps et sa terre ne font qu’un. Permettez-moi d’avoir une pensée particulière à cet instant pour cette paysannerie fière, résiliente, autosuffisante, aux savoirs hérités de nombreuses générations, dont le mode de vie a été détruit.

Il ne s’agit aucunement d’idéaliser le passé : la vie était souvent rude, voire très rude. Mais nous nous devons d’établir ce constat : si le remembrement a permis la construction de routes indispensables, apporté un confort bienvenu aux travailleurs de la terre, et regroupé le parcellaire, il a aussi vidé les campagnes. Or nous en payons toujours le prix aujourd’hui…

Auparavant, l’agriculture produisait à l’échelle locale, essentiellement pour l’échelon local, à quelques kilomètres, quelques dizaines de kilomètres de distance ; puis, elle s’est tournée vers les circuits plus longs, nationaux et internationaux. Les relations humaines ont aussi changé. Les parcelles autrefois nommées ont été remplacées par des numéros.

Les blessures sociales et psychologiques que le remembrement a provoquées ne se sont pas toutes refermées, comme l’a souligné Inès Léraud dans son ouvrage Lhistoire enfouie du remembrement. « Je me reproche maintenant, honnêtement, mais profondément, de ne pas avoir fixé une limite au remembrement », confiait lui aussi Edgard Pisani en 2009.

Les paysans qui ont contesté le remembrement étaient le fer de lance de la lutte écologique. C’est de là qu’est née l’écologie politique, telle que la définissait le philosophe André Gorz : « Le mouvement écologique est né avant que la détérioration du milieu et de la qualité de vie pose une question de survie à l’humanité. Il est né originellement d’une protestation spontanée contre la destruction de la culture du quotidien par les appareils de pouvoir économique et administratif. […] La nature dont le mouvement écologique exige la protection n’est pas la nature des naturalistes ni celle de l’écologie scientifique. Elle doit être comprise comme le monde vécu, un monde où les individus voient, comprennent, maîtrisent l’aboutissement de leurs actes. » L’agriculture était vraiment dans ce monde-là avant le remembrement.

Persuadés de bien faire, en allant trop loin, certains ont commis des erreurs. À nous de ne pas les perpétuer !

Aujourd’hui, les haies reviennent de loin. La montée en puissance des préoccupations environnementales dans l’action publique s’est accompagnée de la mise en évidence de leurs fonctions écosystémiques et des multiples atouts que je viens d’énumérer.

Dans cette logique, plusieurs vagues d’actions publiques régionales se sont succédé pour soutenir les replantations bocagères et revitaliser les territoires ruraux. Je pense bien sûr au programme Breizh Bocage dans ma région. Cela s’est traduit plus largement par l’attribution de moyens, la mise en place de plans d’action et de recherche, la structuration de filières et d’une communauté professionnelle dédiées à la prise en compte de cet enjeu. Je pense notamment au travail formidable que réalise Réseau Haies France – anciennement Association française arbres champêtres et agroforesteries (Afac-Agroforesteries).

Mais, dans le contexte actuel d’érosion démographique de la main-d’œuvre agricole, nombre d’agriculteurs vivent toujours la haie comme une contrainte. La haie porte sa croix, elle semble prendre une place inappropriée, qui pourrait être dédiée à la culture de céréales ou à une autre production agricole.

Et malgré une prise de conscience évidente des pouvoirs publics et les programmes de plantation lancés au cours de ces trente dernières années, on estime à plus de 23 000 kilomètres par an le linéaire de haies disparu entre 2017 et 2021. Ce chiffre résonne comme un coup de tonnerre.

La présente proposition de loi se veut complémentaire du pacte en faveur de la haie ; elle n’a pas pour objet de le concurrencer, mais au contraire de le renforcer sur plusieurs points. Nous voulons être à la hauteur des enjeux, car il est aujourd’hui indispensable de mettre fin à cette spirale de destruction.

À l’heure où le financement du pacte est mis à mal, ce texte propose une stratégie, un cadre incitatif et rémunérateur, utile pour les agriculteurs, qui se concentre sur le linéaire existant, dont les bénéfices agronomiques sont bien plus importants.

Ainsi, l’article 1er prévoit l’inscription dans la loi d’objectifs chiffrés en matière de développement et de gestion durable des haies, en consacrant un observatoire de la haie et un groupe de suivi, dans le cadre d’une dynamique choisie par les acteurs de terrain.

Les chiffres que nous proposons sont crédibles et atteignables. Pour atteindre les 100 000 kilomètres de haies certifiés pour leur gestion durable en 2030, il faudra que le nombre d’agriculteurs labellisés gestion durable progresse de 2 000 par an, ce qui nous paraît tout à fait possible au vu des politiques incitatives mises en place par le Gouvernement et cohérent avec le crédit d’impôt voté à l’unanimité dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, lequel, nous l’espérons, sera maintenu à l’issue de la commission mixte paritaire qui se réunit aujourd’hui même.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. On l’espère aussi !

M. Daniel Salmon. L’article 2 vise à créer un label Haie, afin de valoriser la gestion durable et de légitimer la mise en place d’un crédit d’impôt pour les exploitations bénéficiant de cette certification. Nous avons travaillé avec le rapporteur à une clarification de la définition de la certification de la gestion durable, et avons abouti à une rédaction de compromis acceptée par l’ensemble des parties prenantes.

Pour redonner à la haie son emprise dans les parcelles, et ce afin qu’elle remplisse réellement ses fonctions, et pour dégager les moyens financiers et techniques nécessaires à sa gestion, il est primordial que celle-ci devienne un atelier économique à part entière des exploitations.

Car oui, nous sommes convaincus que la haie peut être une source de revenus agricoles : filière bois-énergie, filière litière animale, reconnaissance des services environnementaux, dont celui du stockage de carbone, etc. Les initiatives existent, elles n’ont besoin que du soutien des politiques publiques pour se développer et s’amplifier dans les territoires. C’est du reste pourquoi les articles 3 et 4 visent au développement de filières bois locales et vertueuses pour l’économie.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi projette la haie en dehors de la seule sphère agricole, pour l’inscrire dans de nouvelles dynamiques territoriales. Son adoption enverrait un formidable signal à l’ensemble des acteurs de la haie.

Mes chers collègues, la haie, c’est notre patrimoine, ce sont nos paysages et notre imaginaire. Dans les années qui viennent, je souhaite qu’elle participe au renforcement de la transition agroécologique.

Face aux immenses défis qui se présentent, la haie peut être cet élément qui réenchante nos territoires, lesquels en ont bien besoin. Comme l’écrit l’écrivain Robert Michael Pyle, c’est en prenant conscience de ce qui nous reste qu’on prend conscience de ce qui peut disparaître. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – MM. Gérard Lahellec et Éric Kerrouche applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un plaisir et un honneur de vous présenter les travaux de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie.

Je précise d’emblée que nous avons décidé d’en changer l’intitulé, puisque la notion de « préservation » a été remplacée par celle de « gestion durable », et ce en vue d’insister sur les synergies que permettent de dégager les haies, véritable trait d’union entre respect de l’environnement et économie rurale.

Je commencerai, comme je l’ai fait en commission, par un bref rappel historique.

La haie n’a pas toujours été considérée comme l’outil « tout-en-un » que nous voulons promouvoir aujourd’hui.

Dans les années 1930, le géographe Louis Poirier, plus connu sous son nom de plume de Julien Gracq, prédisait déjà la disparition progressive du bocage, qu’il voyait comme une « forme de vie économique aujourd’hui fossile ».

Il n’avait pas tort au regard des politiques publiques qui ont suivi, puisque, dans l’après-guerre, la haie a souvent fait les frais du remembrement, jugée comme étant un obstacle à l’utilisation rationnelle du sol.

L’histoire de la haie semblerait donc pouvoir se raconter en trois temps : bocage harmonieux avant-guerre, remembrement après-guerre, replantation aujourd’hui.

Et pourtant, mes chers collègues, gardons-nous de tels récits simplistes.

D’abord, parce qu’autrefois la haie était en fait une culture à vocation économique, elle aussi, visant à produire du bois de chauffage, du fourrage, de la litière, une source parmi d’autres dans la course aux revenus, bien loin des représentations idéalisées que l’on pourrait en avoir rétrospectivement.

Ensuite, car, si le regard des pouvoirs publics sur la haie a beau avoir changé dans la période récente avec l’essor des préoccupations environnementales, cela n’a pas empêché que la perte nette de haies s’accentue de 10 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014, puis de 23 500 kilomètres chaque année entre 2017 et 2021.

Alors qu’il y a cinquante ans encore, l’État subventionnait l’arrachage des haies, il finance aujourd’hui leur plantation et leur entretien. Félicitons-nous de cette prise de conscience, car les haies sont des couteaux suisses de l’économie rurale. Elles brisent le vent, assurent la régulation thermique, stockent du carbone, protègent la biodiversité, retiennent l’eau, permettent de lutter contre l’érosion et offrent un abri précieux à la petite faune de nos campagnes.

Cependant, ce qui est recherché, avec la présente proposition de loi, c’est de mettre en avant, pour chaque exploitant, des motivations économiques palpables là où les bénéfices écologiques sont beaucoup plus diffus.

Il s’agit, autrement dit, de changer notre regard sur les haies, que nous devons protéger pour l’agriculture et non pas contre elle. Tel est le sens de ce texte qui prévoit, à son article 2, de s’appuyer sur une certification garantie par l’État pour valoriser la gestion durable des haies, à son article 3, de développer les objectifs de valorisation énergétique du bois bocager, et, à son article 4, d’apporter un soutien fiscal aux agriculteurs concernés.

À cet égard, revaloriser le bonus haie, de 7 euros à 20 euros par hectare en 2025, est certes un progrès, mais cela reste insuffisant pour relever les défis.

On pourrait nous objecter que l’article 1er, qui consacre une stratégie en faveur de la reconquête de la haie, est déjà satisfait, l’exécutif ayant déjà agi avec le pacte en faveur de la haie, annoncé à la fin de 2023 et doté de 110 millions d’euros par an, dont l’objectif est un gain net de 50 000 kilomètres de haies d’ici à 2030.

Mais la réduction drastique de 73 % des crédits alloués à ce pacte, et ce dès sa deuxième année d’existence, a démontré la fragilité de mesures qui reposent uniquement sur la bonne volonté budgétaire du moment. À l’inverse, cette consécration législative offrirait la continuité et la prévisibilité qui nous manquent tant en ce moment et qui sont pourtant si fondamentales.

Les auditions menées par la commission ont confirmé que cette initiative était soutenue par l’ensemble des acteurs, notamment la filière bois-énergie. Les seules réserves émises portaient sur le caractère ambitieux des objectifs chiffrés et sur le besoin de coordonner cette proposition de loi avec les textes et dispositifs déjà existants, qu’il s’agisse du pacte en faveur de la haie, du projet de loi de finances pour 2025, ou encore du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

À cet égard, il nous a tout d’abord fallu résoudre, en un temps très réduit, la délicate question de la coordination entre l’article 4 de la proposition de loi et le projet de loi de finances, qui était en cours d’examen. Cet article prévoyait initialement un crédit d’impôt de 3 500 euros. Aussi avons-nous décidé de déposer un amendement lors de l’examen au Sénat de la première partie du PLF, tout en rejetant des modifications budgétaires beaucoup plus dispendieuses.

Cet amendement, cosigné par Daniel Salmon, Laurent Duplomb et soixante-cinq de leurs collègues issus de l’intégralité des groupes du Sénat, a pour objet de rendre éligibles à un crédit d’impôt égal à 60 % les dépenses engagées pour la gestion durable des haies, dans la limite d’un plafond de 4 500 euros par exploitation – un mécanisme de transparence s’appliquant pour les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec).

Notre amendement ayant reçu un double avis de sagesse de la part de la commission des finances et du Gouvernement, nous veillerons à sa survie dans le texte final du projet de loi de finances, qui fait en ce moment même l’objet d’une discussion en commission mixte paritaire. Son maintien est en effet vital ; sans cela, la proposition de loi perdrait tout son sens.

M. Bernard Buis, rapporteur. Non pas que la haie ait besoin d’un crédit d’impôt pour exister, mais elle a besoin que nous la regardions autrement, elle qui ne fut longtemps perçue que comme un coût par les agriculteurs. Il convient d’affirmer qu’elle peut être bénéfique tant directement, par sa valorisation, qu’indirectement, par les services écosystémiques qu’elle rend.

Ensuite, nous avons dû travailler en commission pour articuler la proposition de loi avec le pacte en faveur de la haie. Pour cela, nous avons fait adopter des amendements visant à intégrer ledit pacte comme une première déclinaison de la stratégie nationale, tout en fixant des objectifs plus ambitieux à l’horizon 2050. Je précise que ces objectifs ne seront pas des obligations juridiques opposables. En effet, il serait illusoire d’espérer reconquérir la haie par des décisions de justice ; cette dynamique doit résulter d’un choix délibéré.

Par ailleurs, nous avons fait preuve de pragmatisme en remplaçant la certification publique unique prévue dans le texte initial par plusieurs certifications répondant aux critères de gestion durable fixés dans la loi, qui seraient reconnues par arrêté ministériel.

En outre, j’ai tenu à ce que le cahier des charges national de ces certifications s’adapte aux spécificités pédoclimatiques locales, c’est-à-dire celles de nos sols, les règles étant différentes dans les plaines de la Beauce ou dans le bocage breton.

Toutefois, adaptation ne veut pas dire affaiblissement des exigences de gestion durable. Si, à l’heure actuelle, seul le label Haie, lancé notamment sur l’initiative de l’association Réseau Haies France, satisfait les principes de gestion durable que nous fixons dans la loi, nous avons voulu laisser la possibilité à d’autres démarches tout aussi fiables et rigoureuses d’émerger demain pour ne pas créer de monopole.

Au total, dix-sept amendements ont été déposés à l’identique par l’auteur de la proposition de loi et moi-même. Grâce à un esprit très constructif, nous avons abouti à un texte à peu près consolidé, sur lequel nous ne proposons finalement que très peu de modifications en séance.

Je constate avec gratitude que Daniel Salmon place l’intérêt général et la cause de la haie au-dessus de sa visibilité personnelle, puisqu’il a consenti à injecter sous forme d’amendements sa proposition de loi au projet de loi d’orientation agricole, dont l’article 14 présente des liens avec la proposition de loi que nous examinons. Je remercie également Laurent Duplomb et Franck Menonville de se montrer plutôt favorables à cette démarche.

En ces temps politiques incertains, nous pensons que les dispositions relatives à la gestion durable des haies ont de meilleures chances d’être adoptées dans les deux chambres par le biais du projet de loi d’orientation agricole.

Enfin, nous souhaitons remplacer la logique punitive qui prévalait jusqu’à présent par une logique incitative. En somme, nous préférons la carotte financière au bâton pénal. J’insiste encore une fois sur le fait que ce texte ne crée aucune obligation, la démarche récompensée étant complètement volontaire. Seuls les agriculteurs qui le souhaitent s’engageront.

Madame la ministre, nous vous présentons un texte équilibré, à la fois ambitieux et réaliste. Le ministère de l’agriculture, qui a impulsé le pacte pour la haie, continuera de jouer un rôle important à vos côtés. En commission, nous avons souligné l’importance de voir toutes les parties prenantes s’accorder et avancer main dans la main pour concilier économie et transition environnementale.

Je forme le vœu que ce texte soit adopté, puis promulgué le plus rapidement possible. Nous aurons alors fait œuvre utile pour la biodiversité, pour la protection des sols, pour la préservation de la ressource en eau et, bien sûr, pour le revenu des agriculteurs et la résilience de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, SER, GEST et CRCE. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Dominique Estrosi Sassone, monsieur le rapporteur, cher Bernard Buis, monsieur l’auteur de la proposition de loi Daniel Salmon, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir pour l’examen de cette proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie.

Monsieur le sénateur Salmon, je le dis d’emblée, je partage votre constat : bien plus qu’une simple frontière entre deux champs, la haie est un véritable instrument au service de la transition écologique et de l’agriculture – je dis « et », mais l’on pourrait tout aussi bien dire « la transition écologique dans l’agriculture ».

Les haies rendent aux agriculteurs des services non seulement environnementaux, mais également agronomiques : elles participent à limiter l’érosion des sols pour nos cultures, ce qui est essentiel dans le contexte de pluies abondantes que nous avons connu en 2024 ; grâce à la biodiversité riche qu’elles abritent, elles contribuent à la lutte contre les ravageurs de cultures ; elles sont des refuges pour la biodiversité, offrant des espaces de reproduction, de repos et d’alimentation pour les espèces ; elles jouent un rôle essentiel dans la filtration de l’eau ; elles sont un atout pour l’élevage, en offrant des abris, des garde-mangers et de la litière ; elles stockent du carbone et fournissent de la biomasse pour l’alimentation des chaudières.

Gérée durablement, la haie est un levier efficace de la transition écologique. Elle contribue à la baisse des émissions carbone comme à l’adaptation au changement climatique et elle permet de lutter très concrètement contre l’effondrement de la biodiversité.

Avec celui de l’agriculture, mon ministère s’est emparé de ce sujet et a impulsé plusieurs dispositifs pour encourager la gestion durable des haies et les a consignés au sein du pacte global en faveur de la haie. Lancé en 2023, ce pacte fixe un objectif ambitieux : enrayer le déclin du linéaire de haies et atteindre un gain net de 50 000 kilomètres de haies d’ici à 2030.

Pour y parvenir, avec le soutien de la planification écologique, le pacte prévoit un appui à la gestion durable des haies, au développement de pépinières d’arbres, ainsi qu’à la plantation de haies agricoles. Il facilite également la formation à l’agroforesterie.

Parallèlement, un observatoire a été lancé pour mieux connaître et préserver les haies, par une meilleure appréhension de leur développement, de leur gestion, de leur production de biomasse et de leur valorisation.

Pour accompagner ces actions, des dispositifs de soutien ont été créés.

Tout d’abord, dans le cadre de l’écorégime de la politique agricole commune (PAC), le bonus haie finance la présence et la gestion durable des haies. Afin d’encourager encore plus d’agriculteurs à s’engager dans ce chemin de durabilité, nous avons revalorisé ce bonus de 7 euros par hectare à 20 euros par hectare. Il s’agit d’un soutien très concret.

Ensuite, les agriculteurs peuvent également souscrire une mesure agroenvironnementale et climatique (Maec) pour compenser les éventuels surcoûts et les pertes de revenus liés à la mise en œuvre d’une gestion ambitieuse des haies.

En outre, nous avons lancé un nouveau dispositif de paiements pour services environnementaux, constituant une nouvelle façon de rémunérer les agriculteurs. Lancé en 2020, ce dispositif enregistre déjà des résultats encourageants. Sur les 113 projets engagés jusqu’à présent, qui représentent environ 3 000 agriculteurs, la moitié incluent des indicateurs relatifs aux haies.

Par ailleurs, d’ici à la fin de l’année, plus de 900 exploitants agricoles auront obtenu le label Haie, premier dispositif de certification des pratiques de gestion durable des haies et des filières de distribution du bois issu du bocage.

Nous avons également inclus les haies dans nos dispositifs de financement innovants. Nous avons notamment lancé la labellisation bas-carbone par la méthode Haies, qui comptabilise la séquestration du carbone dans les sols et la biomasse générée par la gestion des haies bocagères.

Ces efforts viennent compenser l’absence, à ce jour, de modèle économique simple et autoportant pour inciter à la plantation et à la gestion durable de haies. Il convient de reconnaître que les dispositifs de soutien n’ont pas tous atteint leurs objectifs et doivent gagner en maturité. Il est également essentiel de développer une filière d’utilisation de la biomasse issue de la haie.

Mais l’ambition du Gouvernement ne s’arrête pas là : nous voulons restaurer des continuités écologiques, car les haies sont essentielles pour la circulation des espèces entre les différentes zones et habitats. De plus, pour assurer la préservation de la haie, nous avons décidé de la protéger au sein des documents d’urbanisme.

Enfin, mon ministère a lancé la marque Végétal local, qui assure une traçabilité des plantes et des graines, lesquelles sont prélevées localement, ce qui renforce la résilience des haies face au dérèglement climatique grâce à leur diversité génétique.

Ces dispositifs nombreux s’inscrivent dans un même objectif : renforcer la place de la haie dans notre pays et dans nos paysages.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été déposée dès 2023 par le sénateur Salmon, avant même la présentation du pacte en faveur de la haie, et porte évidemment la même ambition. Elle constitue une consolidation bienvenue des politiques que nous avons déjà engagées et je tiens, monsieur le sénateur, à saluer l’esprit de votre proposition de loi et votre travail pour nos haies et notre agriculture.

Si ces ajouts sont importants et utiles, vous conviendrez sans doute avec moi que, si nous voulons développer les haies dans notre pays sans alourdir le travail de nos agriculteurs et de nos administrations, le pacte pour la haie doit rester ce qu’il avait l’ambition d’être : une feuille de route souple et agile, qui ne crée pas des prétextes à des contentieux contre ceux qui s’investiraient dans cette démarche. Celle-ci doit également pouvoir évoluer en fonction de l’avancée des connaissances sur le sujet, en particulier en ce qui concerne ses objectifs quantitatifs.

C’est pourquoi il me semble prématuré, et même contre-productif, d’inscrire dès à présent des objectifs quantifiés dans la loi. En effet, la certification que nous mettons en place se déploiera progressivement. Les trajectoires pourraient être amenées à évoluer en fonction des données de l’observatoire de la haie, qui est, je le rappelle, en cours d’installation. À ce stade, l’inscription dans la loi de l’objectif de 50 000 kilomètres net d’ici à 2030 me semble donc suffisante.

Dans cette même démarche d’agilité et de souplesse, je ne suis pas favorable à l’inscription de plusieurs niveaux de certification ou à une formalisation trop détaillée du comité de suivi. À trop formaliser, nous risquons de complexifier et de nuire aux objectifs de la loi.

En revanche, la loi peut poser les principes de la « gestion durable », en définir les grandes lignes et prévoir les modalités de sa garantie par un contrôle adéquat. Ce contrôle pourra être précisé ultérieurement par arrêté interministériel.

La reconnaissance des certifications durables, notamment dans la filière de l’énergie, jouera un rôle précieux pour aider à valoriser économiquement les haies de manière pérenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi s’inscrit dans la dynamique actuelle de nos politiques publiques afin d’ancrer durablement les haies dans nos territoires et de les intégrer à notre stratégie de transition écologique et énergétique. Je tiens donc à saluer l’unanimité dont elle a fait l’objet en commission des affaires économiques, et j’espère que nos débats de ce matin s’inscriront dans le même esprit de coconstruction. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord notre collègue Daniel Salmon et l’ensemble du groupe écologiste d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi qui, loin d’être un enjeu secondaire, relève d’un principe fondamental.

En effet, 23 000 kilomètres de haies en moyenne disparaissent en France chaque année. La région Bretagne, qui est une terre de bocage, mais aussi une terre d’élevage, ne fait pas exception. Dans mon département, et notamment dans le Trégor, 159 kilomètres de haies ont disparu au cours des vingt années qui viennent de s’écouler.

Comme cela a été rappelé précédemment, les haies préservent la biodiversité. À ce titre, notre pays du Trégor recèle un bocage complexe : aux bocages de bord de mer, qui sont des talus nus, succèdent à l’intérieur des terres des talus plantés, puis de la haie plantée. Cette richesse contribue activement au maintien et à l’enrichissement de la biodiversité.

Toutefois, la haie a bien d’autres qualités que celle de préserver la biodiversité.

Tout d’abord, les haies participent à façonner et à organiser nos territoires. Par exemple, à Plouaret, qui est un grand canton rural – que chacun connaît ici, n’est-ce pas ? (Sourires.) –, 85 kilomètres de route et 45 kilomètres de chemins de randonnée sont enchâssés dans des espaces de talus planté. La gestion de ce bois de bocage permet aussi d’alimenter deux chaudières à bois assurant le chauffage de plusieurs établissements publics.

La haie allie ainsi proximité et diversité. Surtout, elle sert notre agriculture à plusieurs égards.

Tout d’abord, si les haies disparaissent, il en reste néanmoins encore 7 000 kilomètres dans le périmètre de mon intercommunalité, où elles ont également vocation à tenir les fermes. Dans le territoire du Trégor, il existait jadis une forme de fermage un peu particulière : les agriculteurs et les exploitants devenaient propriétaires des haies qu’ils construisaient sur les champs qu’ils exploitaient en signant des covenants. Ce mode d’appropriation a naturellement favorisé le développement des haies ; nous gagnerions à nous souvenir de cette petite histoire.

Plus largement, les haies ont une utilité pour les éleveurs. Par exemple, je connais des éleveurs qui laissent des haies au milieu de leurs parcelles de manière que les bêtes s’abritent des intempéries en hiver, mais aussi de la chaleur en été.

En outre, l’association entre les haies et les talus qui les portent parfois retient les eaux de pluie, ce qui évite le lessivage des sols et permet de restituer l’eau en période d’étiage pour soutenir les débits des rivières – ce sont, en quelque sorte, des mini-bassines. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Il convient donc de soutenir cette proposition de loi à plusieurs titres, tant du point de vue de l’écologie et de l’aménagement du territoire que de celui de la protection de notre agriculture et de notre élevage.

Je conclurai par une remarque : l’entretien des bocages reposant grandement sur les agriculteurs, moins il y aura d’agriculteurs, moins il y aura de haies. Sachons nous en souvenir lors de tous les débats à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer particulièrement l’auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, qui sont parvenus à trouver des accords sur un sujet important et même, comme vient de le dire Gérard Lahellec, fondamental.

Trouver des compromis sur des enjeux majeurs pour l’avenir de notre pays, voilà ce qui est actuellement demandé à la représentation nationale. Cette proposition de loi, mais également la proposition de résolution que nous venons d’adopter s’inscrivent dans cette optique. Bien entendu, les enjeux environnementaux sont au cœur de cet avenir.

Les sinistrés des inondations d’Ille-et-Vilaine, dont plus de 1000 avaient été déplacés ce matin, non plus que les maires de Loire-Atlantique, qui gèrent la crise liée à la montée des eaux depuis le début de la semaine – à qui je rends hommage – ne nous demandent de faire de nos hémicycles des lieux de posture, d’instrumentalisation, voire de brutalisation du débat public. Ils nous demandent de trouver des solutions à de graves problèmes, qui, du fait du réchauffement climatique, s’aggraveront mécaniquement si nous ne faisons rien.

Face aux inondations, l’urgence est de ralentir le grand cycle de l’eau. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) l’écrit noir sur blanc dans son avis sur le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), adopté ce 28 janvier à la quasi-unanimité, de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) à France Nature Environnement, des réseaux de collectivités au Mouvement des entreprises de France (Medef).

Pour y parvenir, chacun connaît le rôle clé des haies : ce sont des éponges précieuses, qui évitent les écoulements trop rapides, lesquels sont à l’origine d’inondations de plaines. C’est par exemple ce qu’il se passe ces derniers jours dans la commune de Saffré en Loire-Atlantique, où une personne est déjà morte noyée l’année dernière.

Nous savons aussi l’importance des haies pour la biodiversité et la production de biomasse. Cette importance a été soulignée hier lors de la présentation du dernier avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese), à laquelle j’ai assisté. Cet avis a été adopté à la quasi-unanimité – cent dix-huit voix pour, une contre –, et présenté à la fois pas un représentant des chasseurs et une représentante du WWF (World Wide Fund for Nature).

Plusieurs recommandations de cet avis coïncident avec cette proposition de loi : la création d’un observatoire, la fixation de trajectoires chiffrées, ou encore l’instauration de mécanismes financiers de soutien.

Entre le CNTE, le Cese et la communauté scientifique, le consensus sociétal est très fort. Il est donc de notre responsabilité de traduire en politiques publiques concrètes et efficientes ce que nous demandent les acteurs représentatifs de notre société.

J’insiste notamment sur la question essentielle de la rétribution du monde agricole pour ce qu’on appelle de manière technocratique et désincarnée les externalités et les aménités qu’il suscite. La préservation de la biodiversité, notamment des pollinisateurs, la production de bois-énergie et la lutte contre les inondations participent historiquement de la culture paysanne. Le bocage n’a pas été créé pour faire joli ; il a été développé et entretenu pour ses fonctionnalités.

À cause du réchauffement climatique, il est inéluctable que la société demande demain au monde agricole de développer plus encore ces services essentiels à son avenir. Le mécanisme de crédit d’impôt qui a été retenu dans cette proposition de loi constitue un premier signal en ce sens.

Je ne doute pas d’un vote massif du Sénat en faveur de ce texte proposé par le groupe GEST et Daniel Salmon, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec solennité que je m’adresse à vous aujourd’hui pour évoquer la préservation et la reconquête de nos haies.

En effet, je ne vous entretiendrai pas de jolis arbustes alignés le long des clôtures de nos maisons, mais bien d’une bataille pour notre avenir, celle de la mise à profit des bénéfices qu’offre la biodiversité.

Nous examinons une proposition de loi historique, déposée le 5 juillet 2023 et adoptée à l’unanimité en commission des affaires économiques le 4 décembre dernier. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de Daniel Salmon et du rapporteur Bernard Buis. Sans eux et sans la volonté de la commission des affaires économiques dans son ensemble, cette initiative n’aurait pas pu voir le jour.

Si je déplore plusieurs reculs par rapport aux ambitions du texte initial, il est important de souligner l’essentiel : chaque pas en avant compte. C’est pourquoi, dans un esprit de coopération, voire de compromis, nous soutiendrons cette proposition, qui marque une avancée majeure sur une question que nous ne pouvons plus ignorer et qu’il convient de traiter sans plus tarder.

Mes chers collègues, les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis les années 1950, 70 % des haies ont disparu, soit environ 1,4 million de kilomètres, principalement sous la pression du remembrement, qui a structuré la politique agricole productiviste d’après-guerre. Mais loin d’appartenir au passé, la destruction des haies connaît récemment encore des tendances à l’accélération, passant en moyenne de 11 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014 à plus de 23 500 kilomètres par an depuis lors.

Cette perte tourne à la tragédie pour nos écosystèmes, nos sols, nos cultures et notre climat. Car ces haies ne sont pas de simples éléments paysagers ; elles sont de véritables infrastructures naturelles. Elles jouent un rôle clé à plusieurs égards.

Tout d’abord, elles protègent les sols : elles en freinent l’érosion et les nourrissent grâce à des interactions complexes. De plus, elles contribuent au stockage de l’eau et à la climatisation des espaces. En stockant le carbone, elles favorisent l’infiltration de l’eau de pluie et brisent la violence des vents asséchants.

Elles préservent également la biodiversité – elles servent de gîte, de couvert et de corridors écologiques à la faune essentielle de nos écosystèmes –, mais aussi l’agriculture. Tous les services rendus par la haie améliorent les rendements en protégeant cultures et élevages, tout en offrant une diversification des revenus par l’exploitation intelligente et locale de la biomasse engendrée. Elles constituent de surcroît un élément important d’aménagement du territoire.

Malheureusement, ces multiples bienfaits n’ont été compris que tardivement, après avoir été beaucoup trop négligés. L’urgence est donc d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Certains territoires tentent déjà de préserver ce patrimoine, notamment dans les plaines du sud de la France. Je pense en particulier à la plaine de Carpentras, en Vaucluse, où le mistral a forcé les générations successives à façonner un maillage dense de haies. Celles-ci sont principalement constituées de cyprès, qui sont désormais remarquables. Conçues et orientées pour résister aux vents violents, elles jouent un rôle crucial pour les cultures maraîchères et fruitières, en particulier pour la viticulture, tout en participant de l’identité paysagère de la région.

Des initiatives de sauvegarde existent, et le parc naturel régional (PNR) du Mont-Ventoux est à cet égard un exemple remarquable de ce que nous pouvons accomplir : lauréat de l’appel à projets national du pacte en faveur de la haie, il s’est engagé à restaurer et à promouvoir l’agroforesterie sur plus de 94 000 hectares. Grâce à un accompagnement technique et à des financements publics, vingt exploitations agricoles pourront profiter de programmes innovants, mêlant préservation paysagère, gestion durable et création de systèmes agroforestiers.

Toutefois, ces efforts sont encore fragiles, d’autant plus qu’ils dépendent de budgets publics, malgré leur importance cruciale pour nos territoires.

Mes chers collègues, mon groupe votera pour cette proposition de loi. Faisons de cette journée un tournant pour l’agriculture, l’environnement et les générations futures. Les haies ne sont pas de simples vestiges du passé ; elles sont la clé pour l’avenir ! Restaurons-les, promouvons-les, afin de porter haut les couleurs de nos territoires empreints de sagesse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

(Mme Sylvie Robert remplace M. Loïc Hervé au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Marne est le département du Grand Est qui a planté le plus de haies dans le cadre du programme « Plantons des haies ! ». Et elle n’a pas eu besoin d’un texte supplémentaire pour le faire !

Au début de 2021, l’État engageait 50 millions d’euros dans le cadre du plan France Relance pour déployer la trame verte et bleue à l’échelle nationale, notamment par le biais du programme « Plantons des haies ! ».

Dans mon département, l’association Symbiose, qui réunit l’ensemble des parties prenantes – chercheurs, agriculteurs, chasseurs, apiculteurs, naturalistes, techniciens, financeurs – a mis en place un guichet unique pour proposer des projets clés en main. Cette initiative fut un réel succès : plus de 110 agriculteurs volontaires marnais ont rencontré la fédération des chasseurs ou la chambre d’agriculture de la Marne en 2021 et 2022, donnant lieu à 84 projets accompagnés et un total de 167 kilomètres de plantations.

Les haies, qui sont à la fois un outil et une ressource, remplissent de multiples fonctions. Elles participent à l’aménagement du territoire, abritent une forte biodiversité et constituent une ressource exploitable et valorisable. En effet, au-delà de leurs effets bénéfiques directs pour les cultures et les exploitations, les haies constituent une ressource économique pouvant se convertir en un supplément de revenu : bois d’énergie, bois de chauffage et bois d’œuvre.

J’irai même plus loin : les haies peuvent avoir une vocation pédagogique. Le 24 janvier dernier, à Courcy, un village de la Marne situé près de Reims, une plantation s’est déroulée de dix-huit heures trente à vingt-deux heures pour permettre à des scolaires d’y assister et d’aider les agriculteurs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. À Michery dans l’Yonne aussi !

M. Cédric Chevalier. Je tiens à saluer le travail du rapporteur de la commission, qui avait dans un premier temps révisé les objectifs chiffrés initiaux. Toutefois, nous soutenons l’effort du Gouvernement pour mettre en cohérence ce texte avec les engagements ayant déjà été pris dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité et du pacte en faveur de la haie présenté en septembre 2023 par le ministère de l’agriculture.

L’idée du label public unique a également été abandonnée au profit d’une reconnaissance officielle, par arrêté ministériel, de labels publics ou privés répondant aux critères légaux de gestion durable et favorisant ainsi une concurrence qualitative.

Un principe d’adaptation territoriale des certifications tenant compte des spécificités locales – plantation en plaine céréalière et gestion dans les anciens bocages – a également été introduit, sans toutefois permettre un assouplissement des exigences de durabilité.

Toutefois, je continue de m’interroger sur ce texte, même dans la version de la commission.

Tout d’abord, je pense aux labels et certifications. Certes, la démarche reste volontaire, mais il ne faudrait pas que les exigences requises pour obtenir une certification dissuadent les agriculteurs d’y adhérer. C’est pourquoi nous accueillons favorablement la proposition du Gouvernement visant à supprimer la mention des différents niveaux de certification. Selon nous, la loi devrait bel et bien se borner à fixer le principe de certifications de gestion durable des haies sur la base de critères communs.

Ensuite, si chacun d’entre nous est convaincu du rôle bénéfique des haies, on peut douter de la nécessité de créer une instance de concertation et un observatoire de la haie. Est-il bien opportun d’ajouter des strates supplémentaires à l’heure où nous devons réaliser des économies ? Les missions des instances précitées ne pourraient-elles pas être confiées à des structures existantes ? Il serait fort dommageable qu’une proposition de loi visant à éradiquer les comités Théodule, comme celle que nous examinerons cette après-midi, ne finisse par les supprimer ! (Sourires.) Nous soutenons, là encore, un allègement des dispositions relatives à la concertation et au suivi avec les parties prenantes.

Enfin, nous ignorons si la contrepartie que représente le crédit d’impôt incitant à une gestion durable de la haie, inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) en novembre dernier, sera maintenue. Dès lors, quel est l’intérêt de cette proposition de loi ?

Ce sont là autant d’interrogations formant comme un parcours d’obstacles ou, oserais-je dire, une course de haies ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Il fallait la faire !

M. Cédric Chevalier. Notre groupe, comme chaque groupe de cette assemblée, soutient les haies, leur gestion durable et une meilleure valorisation des ressources qui en sont issues. À quelques jours de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, nous pourrions réfléchir à maintenir la ligne initiale de ce texte : simplification normative et réduction du millefeuille administratif.

C’est la raison pour laquelle nous serons particulièrement attentifs au débat et aux éventuelles simplifications qui seront apportées au présent texte.

Nous soutenons les haies, mais pas celles de la complexification ; car si les haies champêtres sont bénéfiques, les haies législatives, elles, mériteraient un bon coup de sécateur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, habitant le département de la Manche, terre de bocage, je suis convaincue que ce texte est d’une importance capitale pour répondre aux enjeux environnementaux, agricoles et économiques auxquels nos territoires sont confrontés.

Il est vrai que cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte budgétaire difficile. Lors de l’examen du projet de loi de finances, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » alloués au pacte en faveur de la haie ont été gravement amputés, malgré des amendements venant de tous les groupes de notre assemblée. Nous le regrettons.

Cette baisse dramatique affaiblit directement les moyens disponibles pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement, notamment le gain net de 50 000 kilomètres de haies d’ici à 2030.

Toutefois, je tiens à saluer l’adoption d’un amendement transpartisan, déposé sur la première partie du projet de loi de finances, tendant à inciter financièrement les agriculteurs à gérer les haies de façon durable. Le crédit d’impôt créé à cette fin, qui couvre 60 % des dépenses engagées pour l’entretien et la certification des haies, constitue une avancée notable.

Au-delà des enjeux financiers, les attentes des agriculteurs en matière de simplification administrative ne peuvent être ignorées.

Le régime juridique des haies est aujourd’hui complexe et fragmenté : près de quatorze réglementations, souvent contradictoires et redondantes, s’appliquent. Les agriculteurs demandent que ces contraintes soient simplifiées, grâce à un cadre clair et unique.

À cet égard, la définition de la haie adoptée dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) est particulièrement pertinente, car adaptée aux besoins des agriculteurs. Elle reconnaît la diversité des haies présentes sur notre territoire et évite de restreindre ou de complexifier inutilement les pratiques agricoles.

La haie est ainsi définie comme une unité linéaire de végétation ligneuse, implantée à plat, sur talus ou sur creux, accompagnée d’arbustes et éventuellement d’arbres et d’autres ligneux. Quelquefois, les haies sont uniquement constituées d’arbres et d’autres ligneux, sans arbustes.

Cette définition convient aux agriculteurs et reflète les réalités du terrain, qu’il s’agisse du bocage normand ou de régions présentant des caractéristiques pédoclimatiques variées.

Une telle harmonisation, associée à la création d’un guichet unique à l’échelle départementale permettant de centraliser les démarches, offrirait un cadre simplifié et cohérent, propice à une gestion durable des haies.

Je tiens à souligner une avancée notable issue des travaux de l’Assemblée nationale, à savoir la prise en compte des spécificités locales dans la gestion des haies.

Le projet de loi d’orientation agricole, dont nous commencerons l’examen en séance dès mardi prochain, comprend des mécanismes visant à adapter les règles nationales aux réalités de chaque territoire, en reconnaissant la diversité pédoclimatique et écologique de nos départements.

Un décret en Conseil d’État détaille des modalités de compensation territorialisées en cas de destruction de haies, en tenant compte de facteurs comme la densité de haies, leur valeur écologique et la dynamique historique de leur destruction ou progression.

De plus, chaque département, après consultation des organisations agricoles et des élus locaux, pourra établir par arrêté une durée d’interdiction de travaux sur les haies, adaptée aux périodes de nidification des espèces locales et révisable annuellement, ainsi qu’un coefficient de compensation spécifique permettant une juste prise en compte des enjeux locaux.

De telles adaptations sont parfois nécessaires. En 2024, les champs étaient tellement trempés que les agriculteurs ne pouvaient même pas y pénétrer ; il a donc fallu décaler les travaux destinés à l’implantation des haies.

Les 50 000 kilomètres de haies qui parcourent le département de la Manche, soit 100 mètres de haies par hectare en moyenne, illustrent parfaitement ces enjeux. À titre de comparaison, dans l’Eure, un autre département normand, on ne compte que 13 mètres de haies par hectare. À terme, certaines parcelles du Cotentin inférieures à un hectare risquent même de rester à l’abandon, faute de rentabilité pour l’exploitant.

Enfin, la mise en place d’une cartographie départementale des protections applicables aux haies, régulièrement actualisée et accessible au public, apportera une meilleure lisibilité aux exploitants agricoles et aux propriétaires de parcelles.

Si l’ambition d’une certification nationale pour la gestion durable des haies est louable, elle doit impérativement tenir compte des spécificités territoriales.

Les agriculteurs de mon département, avec qui j’ai eu l’occasion d’aborder ces questions, ont manifesté leurs réserves quant à la pertinence actuelle du label « Haie ».

Le bocage normand, caractérisé par des haies souvent anciennes, exige des approches adaptées qui privilégient l’entretien et la valorisation. Parfois, il faut même y déplacer une haie pour assurer l’exploitation d’un terrain.

La vitesse de pousse, la typologie des sols et les pratiques agricoles dans notre territoire diffèrent significativement de celles d’autres régions. Le monde agricole serait plus enclin à gérer les haies d’une façon durable et pluriannuelle, en tenant compte de leur caractère dynamique, tant dans leur rôle écologique que dans leur valorisation économique.

Je plaide donc pour une association des acteurs locaux et du préfet, afin que cette certification devienne un outil véritablement pertinent et opérationnel, en particulier dans les départements où le bocage constitue un patrimoine à la fois agricole, écologique et identitaire.

Cette proposition de loi fixe des objectifs ambitieux et nécessaires : accroître le linéaire de haies de 50 000 kilomètres d’ici à 2030, afin d’assurer l’exploitation durable de 100 000 kilomètres de haies, puis de 500 000 kilomètres d’ici à 2050. Pour y parvenir, nous devons non seulement garantir l’octroi de moyens financiers suffisants, mais aussi accompagner nos agriculteurs en allégeant les contraintes administratives qui pèsent sur eux.

Un précédent orateur l’a rappelé : pour être ancienne, la haie n’en assure pas moins l’avenir. Précisément, en adoptant ce texte, nous ferons le pari de développer des territoires ruraux vivants, résilients et porteurs d’avenir !

Cette proposition de loi serait tout à fait bénéfique pour un territoire comme la Manche, où les haies bocagères sont un symbole du patrimoine local. Plus largement, nous avons aujourd’hui une occasion unique de concilier écologie, économie et agriculture.

Mon cher collègue, je vous invite donc à voter ce texte et à poursuivre nos efforts, pour définir un cadre juridique simplifié et assurer des financements pérennes à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte très important pour nos paysages et nos agriculteurs.

En effet, les haies sont bien plus que de simples éléments du paysage rural. Elles constituent un rempart contre l’érosion des sols, un refuge pour la biodiversité, un régulateur thermique, un allié pour la ressource en eau et un véritable puits de carbone. Elles jouent aussi un rôle essentiel pour la résilience agricole, en protégeant les cultures et les élevages contre les aléas climatiques.

Pourtant, malgré ces multiples vertus, la disparition des haies s’accélère – depuis les années 1950, 70 % du linéaire bocager a disparu en France. Pis encore, alors que nous pensions avoir pris conscience de leur importance, la destruction des haies a plus que doublé ces dernières années : la perte annuelle de haies, qui s’élevait à 10 500 kilomètres entre 2006 et 2014, a bondi à 23 500 kilomètres entre 2017 et 2021.

Si nous ne réagissons pas, nous risquons de voir s’effacer l’un des éléments les plus structurants de notre paysage rural. Or la disparition des haies aurait des conséquences majeures pour notre environnement et notre agriculture. Face à ce constat alarmant, notre responsabilité collective est d’agir.

C’est bien le sens de ce texte, qui permettra tout d’abord une vraie stratégie nationale structurelle pour nos haies.

L’article 1er inscrit dans la loi une stratégie nationale de gestion et de reconquête des haies assortie d’objectifs précis : un gain net du linéaire de haies de 50 000 kilomètres par an d’ici à 2030, ainsi qu’une gestion durable de 100 000 kilomètres de haies en 2030, puis de 450 000 kilomètres à l’horizon 2050.

Cet engagement prolonge les actions prises en 2023 au titre du pacte en faveur de la haie. Il donne aux acteurs du terrain une visibilité à long terme, essentielle à une gestion efficace des haies.

En outre, si nous voulons que les haies soient entretenues et replantées, nous devons changer de regard sur leur rôle économique.

Ainsi, lors de l’examen du présent texte en commission, nous avons introduit à l’article 2 la création d’une certification de gestion durable à l’échelle nationale, devant tenir compte des spécificités de chacun de nos territoires.

Cette démarche, qui reste entièrement facultative, permettra de favoriser une gestion pragmatique et ancrée dans les réalités locales. Les exploitants pourront dès lors être reconnus et rémunérés pour leurs bonnes pratiques.

L’article 3 assure quant à lui la valorisation économique des haies : il fixe des objectifs concrets pour accroître l’utilisation du bois bocager dans les filières locales de biomasse et d’énergie. Ces mesures permettent d’inscrire la haie dans une économie circulaire, où elle devient un véritable levier de développement territorial.

Enfin, le présent texte apporte une vraie solution pour compenser le coût induit par l’entretien des haies pour les agriculteurs.

À l’origine, l’article 4 créait un crédit d’impôt, finalement inscrit dans le projet de loi de finances pour 2025, permettant de couvrir 60 % des dépenses engagées pour la gestion durable des haies, assorti d’un plafond de 4 500 euros par exploitation. Grâce à cette mesure essentielle, les agriculteurs pourront franchir le pas et investir, sans craindre un surcoût difficile à absorber.

Cette proposition de loi n’aura de sens que si nous votons un budget pour la mettre en œuvre. Aussi, les élus de notre groupe espèrent que le crédit d’impôt précité sera maintenu dans la version finale du projet de loi de finances.

En conclusion, le présent texte permet de conjuguer ambitions écologiques et réalités économiques. Il représente une vraie chance pour nos territoires, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer. Pour l’ensemble de ces raisons, les membres de notre groupe le voteront. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST, ainsi quau banc des commissions. – M. Gérard Lahellec applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Philippe Grosvalet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au début des années 1960, on m’enseignait à l’école publique les bienfaits de la haie : rétention de l’eau, protection contre le vent ou encore délimitation des parcelles. Puis, le dimanche, sur le chemin qui menait à la ferme de mes grands-parents, je croisais des bulldozers… Ainsi, j’ai appris assez vite que la République indivisible pouvait avoir plusieurs visages.

Le remembrement, conçu pour tirer le meilleur parti de la mécanisation des exploitations, a affecté le paysage de nos campagnes, particulièrement dans le nord et l’ouest de la France. Si certains bocages ont été préservés, comme celui de Notre-Dame-des-Landes (Sourires sur les travées du groupe GEST. – M. Ronan Dantec rit.), le bilan reste sévère.

Depuis 1950, 70 % des haies ont disparu de notre territoire. Les bénéfices de leur implantation sont pourtant nombreux.

Sur le plan agronomique, les haies concourent à la lutte contre l’érosion, enrichissent les sols, favorisent la pollinisation et participent au bien-être animal. Sur le plan écosystémique, elles stockent du carbone, participent au grand cycle de l’eau et à la préservation de la biodiversité.

Les haies ont aussi une valeur économique : 100 mètres de haies peuvent produire jusqu’à 10 tonnes de bois vert en l’espace d’une génération.

Réimplanter des linéaires de haies dans nos campagnes est donc un enjeu à la fois agricole, environnemental et économique. Il est identifié et pris en compte tant à l’échelon européen – en témoignent les aides spécifiques attribuées sur le fondement de la PAC – qu’à l’échelon national, via le pacte en faveur de la haie, lancé en 2023.

L’approche globale et intégrée de ce pacte mérite d’être saluée. Néanmoins, les moyens alloués pour accroître le linéaire des haies de 50 000 kilomètres à l’horizon 2030 restent largement insuffisants, d’autant que leur évolution est dégressive.

Dès lors, il semble nécessaire d’insuffler un nouvel élan, afin d’ancrer dans le champ légal les ambitions du pacte en matière de restauration, de développement et de gestion des haies. Tel est précisément l’objet de ce texte.

L’inscription d’objectifs chiffrés dans la loi, ainsi que la création d’une stratégie nationale actualisée tous les six ans et déclinée par un plan national d’actions, permettront de dégager une vision stable, donc de travailler à long terme.

Défini à l’article 2, le cadre de certification pour les gestionnaires de haies et les distributeurs de bois ménage un équilibre entre qualité et généralisation du label, tout en tenant compte des différentes conditions pédoclimatiques de nos territoires.

L’article 3 établit une trajectoire d’augmentation d’approvisionnement en bois issu de haies à destination des chaufferies, dans le cadre de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse. Une telle initiative répond pleinement aux objectifs de transition écologique.

Cette proposition de loi traduit une vision stratégique. Par une approche incitative que reflète le crédit d’impôt prévu à l’article 4, dispositif inscrit dans le projet de loi de finances, elle permet aux acteurs concernés d’adhérer à la démarche engagée. Ce point a toute son importance ; la réimplantation de linéaires de haies se fera non pas contre le monde agricole, mais avec lui.

Cher Daniel Salmon, je ne suis pas certain que votre proposition de loi entre dans l’histoire au même titre que la convention de La Haye. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes GEST, INDEP et RDSE.) Mais, à tout le moins, l’histoire retiendra que le groupe RDSE a voté ce texte à l’unanimité ! (Applaudissements et exclamations sur les travées des groupes RDSE et GEST. – M. le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Marie-Lise Housseau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, malgré sa singularité normative, et grâce à la récente redécouverte de ses vertus, la haie fait l’objet d’un consensus politique : nous jugeons tous nécessaire d’assurer sa préservation et de faciliter son développement.

Les données scientifiques nous démontrent que la haie présente de multiples avantages, qu’ils soient agronomiques, écologiques ou économiques. C’est en ce sens qu’elle constitue un réservoir de biodiversité. Elle offre, en outre, un outil précieux pour adapter nos territoires au changement climatique, grâce à ses capacités de limitation de l’érosion des sols et de captation du gaz carbonique.

Alors que ses nombreux atouts nous inciteraient à dynamiser ce système végétal, un rapport bien connu du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), publié en 2023, dresse l’amer constat de la disparition de la haie.

En quinze ans – je le souligne à mon tour –, la France a perdu 15 % de son patrimoine de haies sous l’effet du remembrement agricole et de la mécanisation de l’agriculture.

Pour endiguer ce phénomène, le législateur s’est employé à trouver des solutions facilitant le déploiement des haies et à gommer certaines réglementations complexes. Il répond ce faisant à certaines des revendications formulées par les agriculteurs au début de l’année 2024.

M. Olivier Paccaud. C’est vrai !

Mme Marie-Lise Housseau. C’est bien la preuve que la haie fait l’objet d’un réinvestissement politique ; nous devons nous en féliciter.

Aujourd’hui, notre mission est la suivante : combiner les mesures de cette proposition de loi déposée en juillet 2023, non seulement avec les engagements du pacte en faveur de la haie pris par le Gouvernement en septembre suivant, mais aussi avec les crédits associés inscrits dans la version actuelle du projet de loi de finances pour 2025.

Soucieuse de synchroniser la copie du Gouvernement et celle des parlementaires pour assurer la reconquête de la haie, la commission des affaires économiques a réécrit l’article 1er. Elle a ainsi aligné les objectifs chiffrés de développement sur ceux que le Gouvernement a retenus au titre du pacte en faveur de la haie.

Cette mise en cohérence des actions gouvernementales et parlementaires est nécessaire si nous voulons laisser une politique efficace en faveur de la haie aux mains des agriculteurs, lesquels ne demandent que de la simplicité et des outils appropriés. Elle permet aussi d’inscrire dans le marbre des objectifs ambitieux, mais non moins crédibles, afin que l’on ne soit pas contraint de les revoir à la baisse dans les prochaines années.

Autre signe d’un long tâtonnement sur ce sujet, le législateur a reconnu qu’il existait une multiplicité de définitions, émiettées dans différents codes, notamment le code de l’environnement et le code de l’urbanisme. Ces définitions sont parfois incompréhensibles et contradictoires, selon que l’on adopte le point de vue de la PAC, des préfectures ou des chambres d’agriculture.

Ce travail de définition est renvoyé au projet de loi d’orientation agricole. Mais, une chose est sûre, il traduit notre tendance à complexifier un objet pourtant consensuel.

En fixant des critères de gestion durable, l’article 2 ouvre la porte non pas à un label unique, qui se révélerait trop restrictif, mais à des certifications mieux adaptées à l’hétérogénéité des haies. Ainsi, il tient compte de l’existence de spécificités territoriales. Ces corrections sont bienvenues pour rehausser la dimension écologique de la haie et la promouvoir dans la mosaïque des exploitations agricoles.

Par ailleurs, il est impératif que cette nouvelle législation, en cohérence avec le plan national, puisse s’articuler aux programmes régionaux préexistants.

L’article 3 fixe des trajectoires régionales d’augmentation des approvisionnements des chaufferies collectives en bois issus de haies gérées durablement. Voilà une mesure de valorisation judicieuse.

Toutefois, il faut garantir une action cohérente à long terme. Nous sommes régulièrement interpellés par les représentants du secteur du bois quant aux incohérences de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) du bâtiment, qui pénalisent plus fortement le bois.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, avait pour ambition de réduire le prix des produits vertueux. Pourtant, l’utilisation du bois comme matériau de structure implique de payer quinze à trente fois plus d’écocontributions que l’utilisation du béton ou de l’acier.

Ma collègue Anne-Catherine Loisier a formulé des propositions pour corriger ce déséquilibre.

Madame la ministre, combien de temps la filière bois continuera-t-elle de payer plus cher le recyclage du bois provenant d’une haie voisine que le ciment importé ?

Enfin, rappelons que cette proposition de loi, dans sa version initiale, créait un crédit d’impôt d’une durée de trois ans en faveur des exploitations agricoles bénéficiant de la certification de gestion durable. Par souci de cohérence, cette mesure bienvenue a été consolidée, puis inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025, dont l’adoption n’est toutefois pas encore acquise.

Ce crédit d’impôt, en parallèle du bonus « haies » et de l’écorégime de la PAC, permet surtout de compenser en partie la baisse de 72 % des crédits budgétaires du pacte en faveur de la haie. Nous regrettons néanmoins que cette incitation se substitue à l’enveloppe stable promise par le Gouvernement.

Quoi qu’il en soit, le présent texte fixe des objectifs crédibles, crée des outils incitatifs et s’accorde avec le pacte en faveur de la haie. Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Union Centriste le voteront. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie
Article 2

Article 1er

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « préservation », sont insérés les mots : « , de la gestion durable » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , afin de tendre, à compter du 1er janvier 2030, par rapport au 1er janvier 2024, à une augmentation nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres, à un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611-9 du présent code, de 100 000 kilomètres, et à compter du 1er janvier 2048, à un linéaire de haies de 500 000 kilomètres, géré durablement, sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin » ;

b bis) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la promotion de la valorisation économique des haies gérées durablement. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les documents de programmation stratégique nationale prévus par le droit de l’Union européenne et élaborés en vue de la mise en œuvre de la politique agricole commune sont compatibles et contribuent à tendre aux objectifs prévus par la stratégie définie à l’article L. 126-6 du présent code. » ;

3° Le chapitre VI du titre II du livre Ier est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie

« Art. L. 126-6. – I. – Une stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie, fixée par décret, définit les orientations à suivre pour conduire la politique de gestion et de développement durables du linéaire de haies sur le territoire.

« Cette stratégie définit une trajectoire chiffrée et un plan national d’actions afin de tendre aux objectifs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 1.

« Le plan national d’actions définit des objectifs chiffrés en termes de plantations et des mesures en faveur du développement de la reconstitution de haies par régénération naturelle.

« Il définit également les mesures permettant d’atteindre une mobilisation, en 2030, de 500 000 tonnes de matière sèche par an issues de haies gérées durablement au sens de l’article L. 611-9, en articulation avec la stratégie mentionnée à l’article L. 211-8 du code de l’énergie.

« Il établit un inventaire des pratiques de gestion des haies favorisant leur bon état écologique ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des acteurs publics et privés, en particulier des exploitations agricoles, en vue d’atteindre les objectifs mentionnés au présent I et notamment le développement de la gestion durable des haies au sens de l’article L. 611-9 du présent code.

« Le plan national d’actions est doté d’une instance de concertation et de suivi. Cette instance comprend notamment des représentants des filières et des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des associations nationales de protection de l’environnement agréées, l’ensemble des organisations syndicales représentatives, des organismes nationaux à vocation agricole et rurale au sens des articles L. 820-2 et L. 820-3, des organismes de formation et de recherche compétents et des associations nationales de défense des consommateurs agréées. Sa composition est fixée par décret. Elle est présidée par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.

« Cette stratégie est actualisée au moins tous les six ans.

« II. – Le plan national d’actions mentionné au I s’appuie sur un observatoire de la haie qui permet de collecter des données quantitatives et qualitatives pour suivre et évaluer les politiques publiques déployées sur le territoire national et rend disponible gratuitement, au format numérique, une agrégation et un suivi, jusqu’à l’échelle de la commune, des données de cartographie des haies et de leur implantation, du déploiement de la gestion durable des haies, au sens de l’article L. 611-9, et de mobilisation de la biomasse issue de cette gestion durable. »

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Élu de l’Oise, territoire où le bocage modèle les campagnes en lisière de la Normandie depuis des siècles, je suis comme vous tous sensible à cette proposition de loi.

La haie est un élément-clef de nos paysages d’hier et, il faut l’espérer, de demain. C’est même un élément important de notre histoire : on peut penser aux guerres révolutionnaires de Vendée ou à la bataille de Normandie, menée au printemps et à l’été 1944.

On peut également convoquer l’onomastique et l’anthroponymie, Delahaye, Deshayes et Verhaeghe sont autant de noms courants dérivés de la haie.

Nous connaissons tous le rôle écologique de la haie : protectrice de la faune, de l’homme et des paysages, elle constitue un rempart contre l’érosion, les coulées de boue et la neige.

La mécanisation et les remembrements lui ont porté des coups sévères, qui auraient pu lui être fatals. Fort heureusement, une prise de conscience a eu lieu. Désormais, de nombreuses collectivités territoriales encouragent et subventionnent la replantation des haies.

Comme l’a dit Cédric Chevalier, il n’a pas été besoin de loi pour cela. Toutefois, l’appui de la législation n’est jamais inutile ni anodin. Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. À présent, je forme le vœu que la broussaille administrative et normative ne vienne pas enlaidir nos jolies haies ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

« à un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611-9 du présent code, de 100 000 kilomètres, et à compter du 1er janvier 2048, à un linéaire de haies de 500 000 kilomètres, géré durablement, »

II. – Alinéa 13

Remplacer les mots :

, en 2030, de 500 000 tonnes de matière sèche par an

par les mots :

accrue des quantités de matière sèche

III. – Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le plan national d’actions fait l’objet d’une concertation et d’un suivi auprès des principaux acteurs concernés, sous le pilotage des ministres de l’agriculture et de l’environnement. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous remercie de cette ode à la haie, que vous avez tous chantée en usant de formules poétiques plutôt rares dans une assemblée parlementaire.

Cet amendement vise à supprimer les objectifs chiffrés applicables au linéaire de haies soumis à gestion durable.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le Gouvernement recommande fortement de conserver la référence au linéaire telle qu’elle figure dans le pacte en faveur de la haie. Néanmoins, il s’oppose à l’introduction d’un objectif quantifié, faute d’état des lieux plus fiable.

Bref, énonçons un objectif global en évitant d’être trop précis, dans la mesure où nous n’avons pas tous les éléments en main. Je le répète, en maintenant le texte sous sa forme actuelle, nous risquerions de freiner le mouvement en faveur de la haie que vous soutenez tous, de manière transpartisane.

Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par M. Buis, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Supprimer les mots :

, fixée par décret,

II. – Alinéa 15, avant-dernière phrase

Supprimer cette phrase.

III. – Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la stratégie définie au I, ainsi que la composition de l’instance de concertation et de suivi du plan national d’actions du même I.

IV. – Alinéa 17

Remplacer la référence

II

par la référence

III

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Buis, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier, au sein de la stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie, ce qui relève de la loi ou du règlement.

La composition de l’instance de suivi et de concertation du plan national d’action serait définie dans un seul et même décret. Ce dernier inclurait notamment les organisations mentionnées à l’alinéa 15.

L’amendement du Gouvernement tend à définir par décret la composition de l’instance de concertation et de suivi du plan d’action des haies. Or c’est déjà prévu : la liste établie n’est pas limitative. Elle fixe simplement des garanties minimales.

En l’occurrence, nous parlons d’une modification plus substantielle. À l’origine, l’auteur de cette proposition de loi avait fixé les objectifs chiffrés de gain de linéaire de haies à un niveau nettement plus élevé. Cette cible a ensuite été revue à la baisse, à l’issue des diverses auditions que notre commission a menées.

Le Gouvernement souhaite supprimer la mention de ces objectifs ; or ils sont désormais parfaitement atteignables. Il nous semble nécessaire de les maintenir, faute de quoi les autres dispositions du présent texte s’en trouveraient complètement dénaturées.

Vous l’aurez compris, la commission, par anticipation, émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je comprends que le Gouvernement rechigne à s’engager sur des objectifs chiffrés ; mais, lorsqu’on met en place des politiques publiques, il faut, à un moment ou un autre, se fixer un certain nombre de cibles.

En l’occurrence, nous avons été plus que raisonnables. En commission, nous nous sommes mis d’accord pour fixer à 50 000 kilomètres le gain de linéaire de haies. Nous nous sommes ainsi calés sur le chiffre retenu par le pacte en faveur de la haie. (M. Yannick Jadot le confirme.) Notez que les 100 000 kilomètres de haies soumis à gestion durable d’ici à 2030 ne représentent que 10 % du linéaire actuel.

En fixant des objectifs inatteignables, on suscite de l’exaspération et, en définitive, l’on renforce la défiance envers le monde politique. En revanche, il me semble essentiel de fixer des objectifs réalistes.

Il en est de même de l’objectif de 500 000 tonnes de matière sèche d’ici à 2030 : le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) mentionne une perspective de deux millions de tonnes. Ce que nous proposons n’en représente que le quart, soit une petite fraction du potentiel.

La cible retenue est donc tout à fait atteignable. Inutile d’en rabattre : soit on fait de la politique, en fixant de réels objectifs, soit on reste dans le verbiage, et alors, une chose est sûre, nous n’y arriverons pas.

J’approuve pleinement la position de M. le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le rapporteur, j’entends ce que vous dites, mais il ne faut pas oublier d’où l’on vient : des années durant, on a arraché plus de haies que l’on n’en a replantées. L’objectif de 50 000 kilomètres est donc ambitieux, car il traduit avant tout un renversement de tendance.

Nous faisons bien de la politique, monsieur Salmon ! (M. Daniel Salmon sourit.) Cohérent avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), l’objectif que je privilégie a été travaillé avec les acteurs du monde agricole comme de la biomasse. En effet, on ne peut se passer d’un modèle de récupération et d’entretien.

Ce travail est ainsi étayé par diverses concertations, y compris avec le secrétariat général à la planification écologique. Nos stratégies relatives à la biodiversité et à l’énergie portent son empreinte.

J’invite ceux qui défendent des objectifs fondés sur la science et le travail collectif à voter l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Nous ne connaissons pas, actuellement, le nombre de kilomètres de haies en France : comment s’assigner des objectifs sur une base par nature incertaine ? Peut-être l’observatoire de la haie trouvera-t-il des solutions, mais l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) éprouve de réelles difficultés à répertorier l’ensemble des haies, et même des rivières.

Madame la ministre, vos arguments me semblent très solides, et je voterai donc l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après la référence :

L. 611-9,

insérer les mots :

et d’atteindre en 2050, sur le total de la biomasse mobilisée, 70 % de matière sèche issue de haies gérées durablement au sens de ce même article L. 611-9,

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à ajouter un objectif selon nous essentiel, en parallèle de ceux que nous avons fixés pour 2030, qu’il s’agisse du linéaire de haies ou des tonnes de matière sèche.

Nous proposons, plus précisément, un objectif relatif aux matières sèches à l’horizon 2050. Ce terme paraît certes très lointain : c’est pourquoi viser un tonnage nous semble somme toute aléatoire. Par souci de crédibilité, nous avons opté pour un pourcentage de bois issu de la gestion durable des haies, quant à lui tout à fait quantifiable.

Cette cible est en adéquation avec un chiffrage de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui prévoit, pour 2050, une production d’énergie à 70 % renouvelable. Ainsi, les haies seront gérées de plus en plus durablement.

Tel est le pari que nous faisons et le sens de cette proposition de loi : que tous les ans, 2 000 agriculteurs supplémentaires s’inscrivent dans ce modèle. Cet objectif s’entend pleinement et s’inscrit dans un parallélisme de formes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Buis, rapporteur. En commission, nous avons assez nettement révisé à la baisse les objectifs quantitatifs fixés dans la proposition de loi, pour la biomasse mobilisée comme pour le linéaire de haies gérées durablement.

À ce titre, nous avons réduit de moitié le solde net prévu en 2030, pour le fixer à 50 000 kilomètres. Ainsi, le texte est plus crédible et plus en phase avec le pacte en faveur de la haie.

Par ailleurs, nous avons conservé un aspect intéressant de la rédaction initiale de M. Salmon, qui ne figurait pas dans le pacte : la fixation d’objectifs pour 2050.

Par sa nature même, la haie se prête à une planification de long terme. Toutefois, il manquait une cible de biomasse issue des haies gérées durablement à l’horizon 2050.

Les ministères déconseillent l’insertion dans la loi d’objectifs si lointains, au motif qu’ils seraient trop difficiles à mesurer. Je l’entends, mais je remarque que, dans le projet de loi d’orientation agricole, que notre commission a examiné il y a deux semaines, figure un objectif de 500 000 agriculteurs à l’horizon 2035, qui n’est guère plus réaliste.

À mon sens, l’essentiel est de maintenir une trajectoire mobilisatrice pour tous les acteurs, conciliant ambition et réalisme. Un objectif en proportion, et non en valeur absolue, comme le propose Daniel Salmon, est un moyen assez habile de fixer un cap sans s’engager sur des chiffres trop précis.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Salmon, tel qu’il est rédigé, votre amendement tend à retenir la cible de 70 % de la biomasse utilisée en 2050. Or les haies représentent aujourd’hui 2,5 millions de tonnes de matière sèche, pour un total de biomasse, agricole ou non, de 335 millions de tonnes.

Sauf erreur, vous voulez dire que la haie durable doit représenter 70 % de la biomasse issue des haies, non de l’intégralité de la biomasse du pays. En tout état de cause – je l’indiquais précédemment –, il ne me semble pas souhaitable d’inscrire, à ce stade, de nouveaux objectifs chiffrés dans la loi.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous mentionnons bien « 70 % de matière sèche issue de haies gérées durablement » ; il ne s’agit pas de l’ensemble de la biomasse mobilisée dans le pays.

Madame la ministre, je m’appuie sur des exemples locaux. Nombre de gestionnaires de chaufferies collectives, comme Dalkia et Engie, ont déjà de fortes ambitions en la matière ; ils incorporent ainsi une part croissante de bois issu de haies gérées durablement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, le texte de votre amendement prend pour référence « le total de la biomasse mobilisée ». On peut en déduire qu’il s’agit de la biomasse totale de notre pays – or une chaufferie a aussi bien recours aux déchets de palettes qu’à la biomasse forestière, voire importée.

Mes services sont formels ; je me dois donc d’appeler votre attention sur cette difficulté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie
Article 3

Article 2

Le livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par un article L. 611-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-9. – I. – Les gestionnaires de haies et, en particulier, les exploitations agricoles peuvent faire l’objet d’une certification garantissant la gestion durable des haies sur la totalité de l’exploitation, avec plusieurs niveaux d’exigences environnementales et une obligation de progression dans l’atteinte de ces différents niveaux.

« Cette certification garantit des pratiques de gestion des haies permettant leur pérennité, un niveau d’emprise au sol minimal, un niveau élevé de services écosystémiques rendus par chaque type de haie au moyen de pratiques de coupe et de mise en défens garantissant la reprise végétale de la haie, et d’itinéraires techniques assurant sa régénération, l’équilibre du prélèvement de biomasse, la protection de la biodiversité, et excluant les pratiques dégradantes.

« Le plus haut niveau permet de certifier le bon état écologique de la haie, défini par des étages de végétation ou un potentiel de végétation continus, une emprise au sol de la haie, des fonctions écosystémiques permettant la régénération de la haie, une biodiversité riche, une protection contre le ruissellement et l’érosion des sols, un stockage du carbone et une production de biomasse “renouvelable”.

« La certification prévoit un cahier des charges national incluant des critères et prescriptions adaptés aux différents contextes pédoclimatiques.

« II. – Les distributeurs de bois peuvent faire l’objet d’une certification garantissant que le bois distribué est issu en totalité de haies certifiées au sens du I, avec une empreinte carbone et environnementale liée au transport limitée, un nombre d’intermédiaires réduit, une juste rémunération du gestionnaire de haie et une traçabilité complète sur l’origine du bois pour le consommateur final.

« III (nouveau). – Les certifications publiques ou privées de gestion durable de la haie et de distribution durable de bois issu de haies gérées durablement qui satisfont les conditions énumérées au I et au II peuvent être reconnues, pour une durée renouvelable de six ans, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis de l’instance de concertation et de suivi mentionnée au I de l’article L. 126-6. » ;

2° et 3° (Supprimés)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

et, en particulier, les exploitations agricoles

et les mots :

sur la totalité de l’exploitation avec plusieurs niveaux d’exigences environnementales et une obligation de progression dans l’atteinte de ces différents niveaux

II. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette certification répond à des exigences minimales dans des conditions fixées par décret, qui permettent l’adaptation aux différents contextes pédoclimatiques ».

IV. – Alinéa 8

Supprimer les mots :

, pris après avis de l’instance de concertation et de suivi mentionnée au I de l’article L. 126-6

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à supprimer la mention des exploitants agricoles, des différents niveaux de certification et de l’instance de concertation, ainsi qu’à insérer la référence à un décret pour définir les exigences minimales de la certification.

Nos concitoyens et les parlementaires que vous êtes pointent plus que jamais du doigt la complexification de notre droit. Je vous invite à garder cet enjeu à l’esprit.

M. Vincent Louault. Excellent !

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 10, présenté par M. Buis, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 6

1° Alinéa 5

Supprimer les mots :

sur la totalité de l’exploitation

2° Alinéas 6 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Buis, rapporteur. Selon nous, mieux vaut maintenir les critères de gestion durable dans la loi que de les renvoyer à un décret.

En outre, nous préférons ne pas modifier la rédaction issue des travaux de commission quant au cahier des charges national de la certification. Non seulement elle est tout aussi claire que la version proposée par le Gouvernement, laquelle privilégie la voie réglementaire, mais elle apporte davantage de garanties.

Rappelons que le texte initial visait à créer un label public unique, sur le modèle des signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine. Nous avons déjà beaucoup évolué en commission, en allant vers la reconnaissance, par arrêté ministériel, d’une ou plusieurs certifications satisfaisant ces principes. Il s’agit, ce faisant, d’éviter un monopole et d’encourager l’émergence de labels concurrents dans une logique mieux-disante.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

Le plus haut niveau permet de certifier

par les mots :

La certification permet d’atteindre

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement n’a de sens que si le sous-amendement de la commission est voté – sans quoi l’alinéa qu’il vise à modifier sera supprimé par l’amendement du Gouvernement.

Nous souhaitons simplifier et assouplir l’articulation entre la certification et la garantie du bon état écologique. Il est en effet plus juste et plus opérationnel de certifier les pratiques de gestion durable de l’agriculteur plutôt que le bon état écologique de la haie.

Nous privilégions ainsi l’obligation de moyens pour l’agriculteur, car ce dernier est soumis à des facteurs qui ne dépendent pas de lui, qu’il s’agisse d’aléas climatiques ou encore de décisions prises par des voisins ou d’autres gestionnaires.

Madame la ministre, j’ai de nouveau relu l’amendement n° 3 : je vous le concède en toute honnêteté, peut-être faudra-t-il, malgré le soin apporté à ce travail, améliorer encore la rédaction. (M. Jacques Fernique le confirme.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Buis, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 4 de M. Salmon, qui tend à améliorer la rédaction de l’article, ainsi qu’à l’amendement n° 6 du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’y insiste, le Gouvernement veut éviter que la gestion quotidienne des cahiers des charges ne devienne plus complexe. Étant ministre depuis plus de six ans, j’ai dépassé, à cet égard, le stade du rapport d’étonnement…

L’enfer est pavé de bonnes intentions. À force d’apporter des précisions dans la loi, pour des motifs certes louables – je n’ai aucun doute sur ce point –, on fige les cahiers des charges, on empêche l’évolution de la gestion, à rebours de nos objectifs communs.

Il ne faudrait pas voir dans de telles dispositions une défiance du pouvoir exécutif. Il s’agit plutôt d’une invitation à pondérer les missions d’écriture de la loi et de contrôle de l’exécutif.

L’intention de cette proposition de loi, à savoir assurer une gestion durable plus ambitieuse, sera mieux respectée sur le terrain si le pouvoir exécutif et réglementaire a les moyens d’agir en s’adaptant au fil de l’eau.

Nous devons tous garder cette réalité à l’esprit : les contentieux de demain se tremperont dans l’encre avec laquelle nous écrivons le droit. Aujourd’hui, quels que soient les projets environnementaux que je mène, de l’adaptation au changement climatique à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, je dois faire face à des contentieux. Ces derniers sont certes fondés sur le droit environnemental ; mais ils n’émanent pas de défenseurs de l’environnement…

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 4, ainsi qu’au sous-amendement n° 10.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Madame la ministre, je vous remercie de ces explications.

Une fois n’est pas coutume, le ministère de l’environnement propose une mesure de simplification protégeant les parlementaires d’une de leurs initiatives… Nous voterons donc cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 10.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

I. – L’article L. 211-8 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette stratégie prévoit notamment, par région, en fonction de la biomasse issue de haies existant sur le territoire, pour les chaufferies collectives dont les personnes morales publiques et privées ont la charge, des trajectoires chiffrées d’augmentation progressive d’approvisionnement en bois issu de haies gérées et distribuées durablement, faisant l’objet de la certification prévue au II de l’article L. 611-9 du code rural et de la pêche maritime. »

II (nouveau). – L’article L. 222-3-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « bois », sont insérés les mots : « , la stratégie nationale pour la gestion durable et la reconquête de la haie » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En fonction de la biomasse issue de haies existant sur le territoire, ce schéma inclut, pour les chaufferies collectives dont les personnes morales publiques et privées sont chargées, des trajectoires chiffrées d’augmentation progressive d’approvisionnement en bois distribué durablement et issu de haies gérées durablement, faisant l’objet à ce titre d’une certification reconnue dans les conditions prévues au III de l’article L. 611-9 du code rural et de la pêche maritime. » ;

3° Après le mot : « biomasse », le troisième alinéa est complété par les mots : « et de l’observatoire de la haie ».

III (nouveau). – Le I est applicable lors de la prochaine révision du schéma régional biomasse dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l’article L. 222-3-1 du code de l’environnement.

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par M. Buis, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

II. Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

en fonction

insérer les mots :

de la disponibilité

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Buis, rapporteur. Cet amendement vise à retirer de l’article L. 211-8 du code de l’énergie, qui institue la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB), le sous-objectif de biomasse issue de haies gérées durablement.

En commission, j’avais déjà alerté, en lien avec les services du ministère, quant aux risques d’une définition dans la loi, ressource par ressource, des objectifs de la SNMB.

Cet article du code de l’énergie est très général. Il n’entre pas dans le détail d’une trajectoire chiffrée par type d’approvisionnement. Les dispositions visées entraîneraient donc une asymétrie.

En commission, nous n’étions pas parvenus à un accord complet avec l’auteur de la proposition de loi, même si nous avons fait un premier pas en prévoyant de tels sous-objectifs dans les schémas régionaux biomasse. Cette solution me semble, du reste, mieux correspondre à l’intention initiale de l’auteur, puisque ces schémas déclinent à l’échelle régionale la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse.

Les dispositions de cet amendement sont le fruit de notre réflexion commune.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par M. Buis, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer la référence :

I

par la référence :

II

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Buis, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5 (début)

Article 4

(Supprimé)

Article 4
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Article 5 (fin)

Article 5

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, vous êtes comme moi élue d’Ille-et-Vilaine ; et j’ai, comme vous sans nul doute, une pensée pour les Bretilliens qui sont actuellement sous l’eau – nous ne manquerons pas d’aller à leur rencontre dans les jours qui viennent.

Madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de la manière dont s’est construite cette proposition de loi. Le travail mené est à l’image de ce qu’est parfois – pas toujours – le Sénat. Il s’agit d’un bel exemple de coconstruction législative.

J’en remercie tout d’abord mes collaborateurs et collaboratrices, anciens comme présents. Je salue aussi notre rapporteur, Bernard Buis, qui a tout de suite cru en cette proposition de loi et a su prendre le problème dont il s’agit à bras-le-corps. (M. Philippe Grosvalet applaudit.)

Je remercie également l’administrateur de la commission qui nous a plus spécialement accompagnés ; sans doute l’avenir de nos haies est-il cher à son cœur de Breton. (Sourires.)

M. Daniel Salmon. Son travail a permis de construire les passerelles nécessaires à l’aboutissement d’un texte qui, je l’espère, fera l’unanimité.

J’ai une pensée pour mes collègues du groupe écologiste, que je bassine depuis un bon moment avec mes haies – microbassine, dirait l’un d’eux… (Sourires.) Ils ont compris que le seul moyen d’être libérés était d’inscrire ma proposition de loi à l’ordre du jour de notre niche parlementaire. Je les en remercie sincèrement ! (Nouveaux sourires.)

Je remercie Mme la présidente de la commission des affaires économiques, dont le regard bienveillant nous a lui aussi permis d’avancer ensemble.

Enfin, nous avons reçu des concours venant de différents groupes, y compris le groupe Les Républicains – comme quoi, tout est possible ! Merci à tous de nous avoir aidés à défendre la restauration des haies. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Lucien Stanzione et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour explication de vote.

M. Cédric Chevalier. Cher Daniel Salmon, nous tenons à vous féliciter, même si nous ne voterons pas ce texte… (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Nous nous abstiendrons !

Nous saluons le travail que vous avez accompli, au sein de la commission et au-delà. Votre proposition de loi offre une belle image du travail parlementaire. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Vous pouvez être fier de vous, cher Daniel Salmon : tout le monde est d’accord pour protéger la haie !

Pour ma part, vous le savez, je ne cesse de combattre la complexification administrative. Aujourd’hui, vous avez pu compter sur notre bienveillance : j’espère bien que vous nous rendrez la pareille pour les dossiers qui arriveront dans quelques jours. (Rires sur les travées des groupes INDEP et GEST.) Nos débats n’auront sans doute pas la même tonalité, et Mme la ministre le sait bien… Ce moment de légèreté est d’autant plus précieux.

Nous pouvons donc être fiers du travail accompli ce matin au Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour explication de vote.

M. Lucien Stanzione. Je félicite Daniel Salmon de son initiative et remercie M. le rapporteur de son travail. Puissions-nous retrouver une telle unanimité la semaine prochaine ! Nous avons, en effet, encore beaucoup à faire.

Les élus du groupe socialiste sont heureux d’avoir pu s’associer à ce texte, qui prépare l’avenir. (M. Guillaume Gontard applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Tout d’abord, je tiens à saluer Bernard Buis, qui exerçait pour la première fois les fonctions de rapporteur en séance publique : bravo à lui ! (Applaudissements.)

Mon cher collègue, fort de votre sagesse et de votre esprit d’ouverture, vous avez travaillé en bonne intelligence avec Daniel Salmon, auteur de la proposition de loi.

De même, vous avez su associer à votre démarche un certain nombre de membres de la commission des affaires économiques appartenant à la majorité sénatoriale. Je pense en particulier à Laurent Duplomb et à Franck Menonville, qui, nonobstant leur intransigeance, ont salué l’esprit foncièrement incitatif, et non coercitif, de cette proposition de loi. C’est en procédant ainsi que nous changerons le regard sur les haies.

La réunion de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances pour 2025 est en cours ; espérons que le crédit d’impôt proposé soit maintenu à son issue. (M. Daniel Salmon acquiesce.) C’est notamment grâce à de telles incitations que les agriculteurs cesseront d’assimiler les haies à des charges. Et, sans ce crédit d’impôt, la proposition de loi de Daniel Salmon deviendrait malheureusement une coquille vide.

Le présent texte poursuivra son cheminement législatif dès la semaine prochaine, avec le projet de loi d’orientation agricole. En effet, en accord avec ses rapporteurs, Laurent Duplomb et Franck Menonville, ses dispositions pourraient y être inscrites à l’article 14.

M. Olivier Paccaud. Tout à fait !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous aurons à cœur d’en débattre, en espérant que le crédit d’impôt survive à la commission mixte paritaire.

Ce travail constructif en est l’illustration : sur des sujets qui, pour être discrets, ne sont pas pour autant anodins, le Sénat sait s’unir, sans opposer l’économie et l’environnement.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier de votre sens de la précision. Vous faites montre de votre implication dans tous vos dossiers, même si la forêt n’a que récemment été adjoint à votre portefeuille ministériel. Je me dois, enfin, de saluer vos services, sans oublier les fonctionnaires de la commission des affaires économiques. (Bravo ! et applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je salue tout d’abord M. le rapporteur Bernard Buis et M. le sénateur Daniel Salmon. Je forme le vœu que l’esprit de concorde et de coconstruction, éminemment transpartisan, qui plane sur cet hémicycle inspire d’autres enceintes, au service des Français… (Sourires.)

C’est un bon moyen d’avancer, en particulier quand il s’agit de la transition écologique et énergétique. À cet égard, on a entendu, au cours des dernières semaines et même des derniers jours, bien des propos inquiétants, car contraires à la science. Je suis heureuse de constater qu’ici c’est la science qui nous inspire collectivement. Merci à tous ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 184 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l’adoption 323

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 5 (début)
Dossier législatif : proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie
 

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Quel avenir pour le pass culture ?

Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur le thème « Quel avenir pour le pass Culture ? »

Dans le débat, la parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe auteur de la demande.

M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, fer de lance de la politique d’accès des jeunes à la culture depuis sa création en 2019 et sa généralisation en 2021, le pass Culture est régulièrement ausculté et audité. C’est bien le signe que son efficacité pose question.

De nombreux rapports, ces derniers mois, ont pris acte du succès, mais aussi des limites d’un outil créé pour démocratiser l’accès à la culture et rajeunir les publics, outil dont l’opérateur est devenu, en moins de cinq ans, le deuxième du ministère de la culture. Autant dire, madame la ministre, que ces résultats représentent un véritable enjeu – je sais d’ailleurs vous en avez pleinement conscience.

En juillet 2023, nos collègues de la commission des finances Vincent Éblé et Didier Rambaud ont ainsi posé ce diagnostic en demi-teinte : les résultats du pass Culture sont jugés satisfaisants sur un plan quantitatif, mais insuffisants pour diversifier les pratiques culturelles des utilisateurs.

Un an plus tard, l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) dressait un constat similaire, mettant à son tour en doute la capacité du pass Culture à atteindre ses objectifs de service public.

En décembre dernier, la Cour des comptes a étayé ce constat et confirmé les nombreuses limites du dispositif, en insistant sur son dérapage budgétaire.

Au Sénat, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport s’est toujours montrée dubitative quant à ce choix. Une telle politique de l’offre entretient en effet une approche consumériste de la culture, peu compatible avec les objectifs de démocratisation et de diversification culturelles.

Jean-Raymond Hugonet, chargé dès 2018 d’animer un groupe de suivi à ce sujet, puis Sylvie Robert et Karine Daniel, nos rapporteurs pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », se sont fait successivement l’écho de ces doutes, qui dépassent largement les clivages partisans de notre assemblée.

Ainsi, à mesure que le pass Culture montait en charge, notre commission a régulièrement pointé le risque suivant : que ce simple outil de politique culturelle ne devienne la principale, voire l’unique politique publique culturelle menée à l’égard des jeunes, au détriment d’autres actions, comme l’éducation artistique et culturelle (EAC), à laquelle nous sommes tous, sur ces travées, particulièrement attachés.

Le pass Culture semble donc avoir échoué à être le sésame de la démocratisation et de la diversification des pratiques culturelles des jeunes. Sa suppression pure et simple, évoquée par certains, serait toutefois irréaliste et surtout préjudiciable à nombre de secteurs culturels.

Tout d’abord, l’outil est désormais mis en œuvre et plébiscité : 94 % des jeunes s’en sont saisis. Ceux qui ont été auditionnés à l’occasion d’une table ronde dédiée au pass Culture dans le cadre de nos travaux budgétaires ont souligné combien ils appréciaient l’autonomie et la liberté de choix que ce dispositif leur offrait. Cette poche de liberté permet à certains d’entre eux de rompre avec le déterminisme culturel de leur environnement social et éducatif.

Ensuite, le pass Culture a donné un nouvel élan à la lecture chez les jeunes. Il s’agit de l’activité privilégiée par les 15-20 ans sur leur part individuelle, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Les libraires en témoignent : tous ont vu des jeunes franchir pour la première fois leur porte, écouter leurs conseils de lecture et revenir une fois le pass utilisé.

Enfin, il serait de mauvaise politique de supprimer d’un trait de plume 200 millions d’euros consacrés chaque année à des opérateurs culturels. Étant donné l’état actuel de nos finances publiques, rien ne garantit que Bercy les réattribuerait au ministère de la culture.

Parmi les secteurs qu’une suppression du pass Culture pourrait fragiliser, chacun pense évidemment aux librairies, que je viens d’évoquer. S’y ajoutent certaines salles de spectacle et certains cinémas indépendants : leur rentabilité leur permet à peine de survivre et de continuer, ce faisant, à animer nos territoires.

Madame la ministre, vous avez eu le courage d’ouvrir la voie à une réforme de ce qui constitue, au même titre que le service national universel (SNU), un totem présidentiel. La refonte que vous avez appelée de vos vœux il y a quelques semaines nous offre aujourd’hui, à la faveur de ce débat inscrit à l’ordre du jour du Sénat par le groupe Union Centriste, l’occasion de réfléchir collectivement aux modalités d’un recalibrage à la fois stratégique et budgétaire du pass Culture.

Quels contours cette réforme pourrait-elle prendre ? Le principe de libre choix des jeunes, qui constitue l’essence même du volet individuel du pass, doit sans doute être préservé, même si des ajustements ne sont pas exclus.

L’option d’une enveloppe exclusivement dédiée à certaines esthétiques culturelles, que vous avez mise à l’étude, ne garantit pas, à elle seule, la diversification des pratiques. Sans accompagnement spécifique à même de susciter leur curiosité, les jeunes pourraient ne pas s’en saisir.

Les montants de la part individuelle doivent assurément être repensés : il y a trop d’écart entre ceux qui sont versés à 15, 16 et 17 ans et ceux qui sont versés à 18 ans. Un lissage s’impose.

Vous souhaitez également que le montant soit modulé en fonction des ressources. Cette piste nous semble intéressante, même si elle présente certaines difficultés techniques de mise en œuvre. Peut-être pourrez-vous nous dire, cette après-midi, comment vos services ont avancé sur ce sujet.

Cette mise sous condition de ressources ne suffira bien sûr pas à combattre les inégalités sociales d’accès à la culture. Là encore, des mesures d’accompagnement par les tiers seront incontournables. C’est pourquoi les membres de notre commission vous le disent avec force : le développement de la médiation culturelle est un préalable indispensable à toute réforme du pass Culture. Nous attendons donc, de votre part, des garanties sur ce volet jusqu’ici trop négligé.

Un autre sujet nous préoccupe : l’accès aux infrastructures culturelles pour les jeunes qui en sont éloignés, notamment dans les territoires ruraux. La prise en charge des frais de transport fait-elle partie des options retenues, ou souhaitez-vous, à ce titre, engager un dialogue avec les collectivités territoriales ?

Par ailleurs, le continuum entre la part individuelle et la part collective doit être retravaillé, car celles-ci se nourrissent l’une l’autre. Sur ce sujet, avez-vous d’ores et déjà avancé avec votre collègue chargée de l’éducation nationale ?

Enfin – nous tenons à le rappeler en tant que représentants des élus locaux –, la coordination avec les collectivités territoriales fait partie des points sur lesquels le ministère de la culture doit rester vigilant.

Nous nous étions réjouis de la création du fonds d’innovation territoriale, qui donnait aux directions régionales des affaires culturelles (Drac) la possibilité de soutenir des initiatives culturelles décloisonnées et adaptées au contexte des différents territoires.

Ce fonds visait à répondre à une proposition émise par Sonia de La Provôté et Sylvie Robert dans leur rapport dressant le bilan des crédits de relance dans le domaine de la création.

Toutefois, les moyens dont ce fonds est doté restent modestes. Au-delà, nous craignons que ce dispositif n’apporte pas de solution face au risque de désengagement des collectivités lié à la montée en puissance du pass Culture.

Nous en restons convaincus : le soutien à la création, à l’éducation artistique et culturelle et aux établissements d’enseignement passe par un dialogue approfondi entre État et collectivités territoriales, ainsi que par le développement de nouvelles modalités de contractualisation.

Je conclus par une remarque d’ordre financier. Lors de la discussion budgétaire, le Sénat a défendu un rééquilibrage à la baisse des crédits du pass Culture, dont le montant était devenu presque indécent au regard des moyens accordés à d’autres opérateurs culturels.

Nous ne pouvions pas, en revanche, agir sur le budget de la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture, qui échappe pour le moment à tout contrôle du Parlement. Nous donnerez-vous l’assurance, madame la ministre, que cette structure sera enfin ajoutée à la liste des opérateurs de l’État ?

Le pass Culture mérite un avenir moins houleux que ses premières années de vie, à condition, bien entendu, qu’il soit repensé. Je ne doute pas que notre débat y contribuera. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président Lafon, mesdames, messieurs les sénateurs, le groupe Union Centriste a proposé de débattre aujourd’hui de l’avenir du pass Culture, et notamment de sa part individuelle. Cette demande a fait l’unanimité au sein de votre assemblée, et je m’en suis moi-même félicitée.

Au sujet du pass Culture, beaucoup d’entre vous m’ont fait part, lors de ma première audition devant votre commission, de leur insatisfaction, voire de leurs vives critiques. Je les entends – j’en exprime d’ailleurs certaines depuis mon arrivée au ministère. Mais, comme l’a très justement rappelé M. Lafon, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Il convient de revenir à l’ambition initiale du pass Culture pour saisir tous les enjeux d’un dispositif que nous aurions bien tort de supprimer, et la manière dont il peut véritablement remplir sa mission, au service d’une culture plus démocratique.

Dès l’origine, le pass Culture a eu un double objectif : d’une part, aller chercher les jeunes les plus éloignés de la culture ; de l’autre, les inciter à diversifier leurs pratiques par la mise à disposition d’une offre qui va très au-delà de leurs habitudes et de leur univers familier.

Monsieur Lafon, vous avez qualifié le pass Culture de « totem présidentiel ».

Depuis 2017, le ministère de la culture a bénéficié de plus de 1,4 milliard d’euros de crédits supplémentaires – ce n’est pas anodin ! –, précisément pour permettre au plus grand nombre de nos concitoyens d’accéder à la culture, ainsi qu’à ses métiers. Dans ce cadre, le pass Culture est conçu comme l’outil d’une politique volontariste partant à la fois des pratiques et des attentes des jeunes.

Cette ambition me semble être partagée par tous. Elle s’inscrit dans la continuité du parcours d’éducation artistique et culturelle, fondamental pour faciliter la pleine participation des jeunes à la vie culturelle, de la même manière sur l’ensemble du territoire, quels que soient leur situation ou leur milieu social.

Aujourd’hui, il convient de mesurer l’écart entre l’ambition initiale et les résultats obtenus. J’ai posé cette question dès ma prise de fonctions.

En l’état, le pass Culture n’est pas suffisamment démocratique. Sous certains aspects, il peut même alimenter la reproduction sociale.

Sur le plan quantitatif, il faut reconnaître que les résultats sont là : le volet individuel du pass Culture enregistre plus de 4 millions de bénéficiaires, soit 87 % des jeunes de 18 ans.

Pour la plupart, ces jeunes ont franchi le seuil d’une librairie pour acquérir un manga, un roman, voire le code civil, dont de nombreux achats via le pass Culture ont été relevés. Beaucoup d’autres ont acheté une place de cinéma pour aller voir le dernier Almodóvar ou un blockbuster. Au vu de ces résultats, on ne saurait parler d’échec.

Je tiens notamment à souligner le rôle des libraires, en particulier des libraires indépendants, et des cinémas d’art et d’essai, qui bénéficient de ce dispositif. Pour nombre de jeunes, ces librairies et cinémas ont été une porte d’entrée, parfois la première porte d’entrée vers le monde de la culture.

Cela étant, les écarts et les inégalités sociales demeurent très marqués. Près de neuf enfants de parents diplômés sur dix sont inscrits au pass Culture. Or la proportion tombe à moins de sept sur dix pour les enfants de parents non diplômés. La différence est tout de même notable.

Le problème réside, à l’évidence, dans la diversification des pratiques. On observe ainsi des tendances très prononcées en faveur de quelques pratiques bien identifiées : le spectacle vivant ne représente que 6 % de la consommation du pass et les musées moins de 1 %, alors qu’ils constituent l’essentiel de la dépense de la part collective. L’explication tient à un véritable déficit de médiation – cette dernière est même pour ainsi dire inexistante.

Ma première décision a été, à ce titre, de rencontrer tous les acteurs de l’éducation populaire, qui n’avaient pas été reçus au ministère depuis près de quarante ans. J’ai signé avec eux une charte assortie de moyens dignes de ce nom, afin que toutes les voies l’accès à la culture, en particulier le pass Culture, fassent l’objet d’un véritable effort de médiation.

Avec plusieurs dizaines de millions d’offres émanant de 40 000 acteurs culturels, l’application pass Culture doit être beaucoup plus éditorialisée. Sans cela, l’utilisateur s’y perd et n’y revient pas ; ou alors, il cède à la facilité et utilise la fonction recherche pour trouver ce qu’il connaît déjà. C’est le cas pour 85 % des réservations.

Je vous le confirme : la SAS pass Culture deviendra un opérateur du ministère de la culture. Nous y travaillons déjà. Pour qu’elle reste fidèle à l’esprit originel du dispositif – aller vers ceux qui en ont le plus besoin –, je lui ai demandé de mener un travail de communication et d’accompagnement renforcé, en lien avec les missions locales et les animateurs de quartier, mais aussi les foyers ruraux, pour toucher tous les jeunes, notamment ceux qui sont sortis du milieu scolaire. Il faut également renforcer les partenariats avec tous les réseaux d’éducation populaire.

En parallèle, je veux faire évoluer l’éditorialisation du pass Culture. Nous avons commencé – vous pourrez le constater –, en donnant de la place à la médiation et en valorisant tout ce qui n’est pas spontanément plébiscité. Cette évolution passe par une meilleure association des jeunes eux-mêmes, de manière à coller à leurs pratiques et à leurs attentes.

Un autre point crucial, que vous avez mentionné, est la mobilité, notamment en milieu rural. (M. Laurent Lafon acquiesce.) Je l’ai constaté lors de la mise en œuvre du plan Culture et ruralité, qui concerne 22 millions de nos compatriotes.

Nous avons ainsi souhaité que l’application soit géolocalisée : dès lors, il sera bien plus facile de connaître l’offre de proximité. Une telle fonction n’existait pas jusqu’à présent.

Au sujet de la mobilité, vous m’avez interrogée sur nos échanges avec les collectivités territoriales. Dans le Grand Est, nous avons expérimenté la convention Caravelle : les collectivités signataires s’engagent à financer la mobilité pour accompagner les jeunes vers la culture, y compris au titre de la part individuelle du pass.

Pour l’essentiel, cela concerne les départements. D’ailleurs, je signerai bientôt avec M. François Sauvadet une convention entre le ministère de la culture et l’Assemblée des départements de France (ADF), qu’il préside, pour prévenir tout désengagement de la culture et favoriser cette mobilité.

S’agissant du budget du pass Culture, vous avez mentionné les 244 millions d’euros attribués au ministère au titre de l’année 2024. Sans la réforme, la dépense s’élèverait à 249 millions d’euros en 2025 et à 254 millions d’euros en 2026. J’ai tenu à revoir tous les critères pour cibler les jeunes qui ont le plus besoin d’être accompagnés.

Sur l’ajout de conditions de ressources, j’entends les propositions émises. Pour autant, nous connaissons tous des jeunes dont les parents disposent de moyens, mais qui ne vivent plus avec eux. Il n’y a aucune raison de pénaliser ces personnes qui ne sont plus à la charge de leurs parents, en ne considérant que les revenus de ces derniers. Nous devrons donc prévoir un dispositif spécifique afin de prendre en compte ces situations.

Par ailleurs, le statut de boursier pourrait être un critère de majoration : tous les jeunes bénéficieraient de la même dotation, mais les boursiers percevraient une petite somme supplémentaire.

Nous avons supprimé la part individuelle concernant les jeunes de moins de 17 ans, qui était source de confusion. En effet, la part collective fonctionne très bien. Elle agit comme un véritable outil d’accès à la culture, notamment pour les plus fragiles et les plus défavorisés, et s’étend de la sixième à la terminale. La rupture était apparente avec la part individuelle, ajoutant de la confusion.

Dans le cadre de la réforme, je souhaite que la part individuelle soit attribuée à partir de 17 ans. En procédant ainsi, l’on mettrait fin à cette anomalie. Le pass individuel concernera ainsi les jeunes de 17 et 18 ans, avec une part un peu majorée pour les boursiers.

Tels sont en substance les critères de la réforme que je vais mettre en œuvre.

Nous allons également refondre le comité stratégique et revoir la gouvernance du pass Culture – mais je vois que j’ai déjà dépassé mon temps de parole ; j’y reviendrai dans la suite du débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sujet passionnant est emblématique de l’accès à la culture. À mon sens, il est tout sauf secondaire.

Les actions que nous engageons permettent de réduire significativement le budget du pass Culture, comme certains élus le souhaitaient. Néanmoins, j’entends sauvegarder le dispositif : je me suis battu pour cela au cours des derniers jours, jusque dans l’enceinte de votre assemblée.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. En 2025, il faudra tenir compte des quelque trois millions de jeunes qui sont déjà inscrits pour bénéficier des droits ouverts. C’est pourquoi je demande le rétablissement des crédits supprimés dans le PLF pour 2025.

Pour le reste, je m’exprimerai dans le cadre du débat.

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Mes chers collègues, je vous signale d’emblée que je veillerai scrupuleusement au respect du temps de parole.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, le pass Culture a été créé il y a cinq ans à partir d’une belle idée : offrir à tous les jeunes la possibilité d’accéder à des activités culturelles dans les mêmes conditions. Les premières évaluations montrent toutefois les limites du dispositif.

Ainsi, le volet individuel du pass Culture échoue à favoriser la diversification culturelle, le fonctionnement actuel de son algorithme ne permettant pas à un jeune seul de découvrir les offres culturelles les moins plébiscitées – je pense par exemple au spectacle vivant. Il n’efface pas non plus une certaine forme de reproduction sociale : vous l’avez souligné, seuls 68 % des jeunes dont les parents sont les moins diplômés ont activé leur pass.

Dans un département étendu, comme le mien, le pass Culture ne résout pas, enfin, la question des inégalités territoriales. On n’a bien sûr pas accès à la même offre culturelle quand on vit dans le Médoc, dans le sud de la Gironde ou dans la métropole de Bordeaux ; même doté d’une application géolocalisée, le pass Culture n’y changera rien. En zone rurale, les jeunes consacrent d’ailleurs une part plus importante de leur pass à l’offre numérique.

Les élus du groupe écologiste reconnaissent que le pass Culture fait désormais partie du paysage culturel et que sa suppression serait mal comprise, notamment par les enseignants, qui en font un usage formidable. Mais comment comptez-vous réduire ces inégalités territoriales ?

Plusieurs pistes sont déjà à l’étude. Dans certains établissements, notamment les petits, qui ne comptent pas de documentaliste, le volet collectif n’est pas utilisé. Nous pourrions alors proposer d’identifier un référent. En parallèle, un rapport d’octobre 2024 consacré aux enjeux de mobilité culturelle, travail qui vous a été remis, préconise d’inclure une offre de transport à l’application pour que les jeunes vivant en zone rurale accèdent plus facilement au volet individuel du pass.

Madame la ministre, envisagez-vous de mettre en œuvre ces recommandations et, dans l’affirmative, selon quel calendrier ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, je confirme le constat que vous faites ; je l’ai moi-même dressé dès mon arrivée au ministère, avant la remise des rapports relatifs à cette question.

Les inégalités sociales semblent, en la matière, se réduire quelque peu. La petite expérimentation que nous avons conduite au cours du dernier trimestre révèle qu’en moins d’un an la fréquentation du spectacle vivant a augmenté de 30 %, notamment grâce à la médiation. C’est incontestablement un progrès.

Au sujet de la mobilité, une autre avancée mérite d’être saluée. J’ai envisagé d’inclure les frais dont il s’agit dans le pass lui-même. Mais, en procédant ainsi, l’on amputerait in fine la dotation dédiée à l’activité culturelle proprement dite. Or les enseignants eux-mêmes font valoir que toute diminution de cette dotation restreindrait leur accès à certains types de spectacles ou d’activités culturelles. Plutôt que de rogner la dotation du pass, j’ai donc opté pour la négociation avec les collectivités territoriales, en vue de conclure des conventions dédiées.

Vous évoquez la présence d’un référent dans les établissements scolaires. Dorénavant, tous les établissements en disposent, et les activités prises en charge par la part collective sont également mises en œuvre par ce biais. Cette fonction est d’ailleurs parfois assumée par l’enseignant lui-même.

Qu’ils exercent à Paris ou en zone rurale, les enseignants – j’en ai parlé avec eux – affirment qu’ils mettent assez peu de temps à identifier l’activité culturelle, mais bien davantage à trouver le moyen de transport. C’est donc sur ce levier qu’il convient d’agir.

La part collective relève de la responsabilité des enseignants, en qui nous avons toute confiance ; l’usage de la part individuelle doit quant à lui être éclairé par la médiation et l’accompagnement, dans lesquels il convient d’investir.

C’est pourquoi j’ai veillé à associer les acteurs de l’éducation populaire. J’entends également élargir les publics concernés en élargissant le dispositif aux élèves des lycées agricoles, à ceux des instituts médico-éducatifs (IME), ainsi qu’aux apprentis, qui n’en bénéficiaient pas.

En procédant ainsi, mon objectif est d’étendre le dispositif à un public qui n’accède pas naturellement à la culture.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel.

Mme Karine Daniel. Madame la ministre, je me réjouis que nous ayons ce débat cet après-midi ; nous avons traité de cette question en commission lors de l’examen du budget et, sur mon initiative, nous avons pu y consacrer une table ronde. Je remercie d’ailleurs les collègues sénatrices qui y ont participé,… (Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.)

Mme Sylvie Robert. En effet, il n’y avait que des sénatrices !

Mme Karine Daniel. … ainsi que toutes les parties prenantes. Nous avons en effet invité tous les partenaires, de tous les secteurs, ainsi que des jeunes.

Cette table ronde nous a permis de bousculer certaines idées reçues : contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, contrairement à ce qu’affirme tel ou tel rapport, le pass Culture ne fait pas que conforter les habitudes culturelles des jeunes.

Ainsi, les jeunes sont très attachés au principe d’universalité. La médiation a été évoquée, et elle a bien sûr toute son importance ; mais les premiers prescripteurs en matière culturelle restent les jeunes eux-mêmes. Il faut insister, à cet égard, sur les pratiques collectives favorisées par le volet individuel du pass : bien des jeunes, par exemple, vont voir un spectacle ensemble.

Les libraires nous ont vivement interpellés : ils constatent l’arrivée de nouveaux jeunes, grâce au pass Culture. Et souvent ces derniers repartent avec autre chose que ce qu’ils étaient venus chercher, ce qui me paraît très positif.

Il y a évidemment des améliorations à apporter au pass, d’autant que l’heure est aux économies. Mais, maintenant que le dispositif est lancé, mieux vaut selon nous cibler le fonctionnement de la SAS que les crédits destinés aux jeunes.

Enfin, il faut que le secteur de la création soit en mesure de répondre aux demandes exprimées par les jeunes eux-mêmes au sujet du pass Culture. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, j’abonde dans votre sens. D’ailleurs, j’ai moi-même dressé ce constat lors de mon audition. Nos conclusions convergent, et j’ai comme vous la volonté de préserver la part individuelle du pass Culture.

Je l’avais souligné : les libraires nous font savoir que, grâce au pass Culture, les jeunes franchissent souvent leur porte pour la première fois et repartent avec des ouvrages différents de ceux qu’ils avaient initialement en tête. C’est aussi le rôle de la médiation : recommander certains ouvrages aux jeunes, leur faire découvrir d’autres littératures et, plus largement, d’autres lectures.

D’autres utilisateurs se servent du pass pour acquérir des manuels qu’ils n’auraient pas les moyens d’acheter autrement.

Que l’on parle de la librairie, du cinéma ou du spectacle vivant, la prescription émane de l’acteur culturel ; mais, vous avez raison, elle est aussi le fait des jeunes eux-mêmes.

C’est la raison pour laquelle nous insistons sur l’éditorialisation et sur les jeunes ambassadeurs, qui, au même titre que la géolocalisation, ont été récemment ajoutés à l’application. Un jeune Marseillais souhaite connaître les activités culturelles proposées près de chez lui, non celles qui se trouvent à Paris. Il s’agit là, indéniablement, de nouvelles avancées.

Au sujet des frais de fonctionnement, vous avez raison. C’est bien pourquoi nous souhaitons transformer la SAS pass Culture en opérateur.

J’ai réformé de fond en comble la gouvernance de cet acteur, y compris le comité stratégique, que vous connaissez mieux et depuis plus longtemps que moi. Je ne voyais pas le lien de certains de ses membres avec l’accès à la culture.

Puisqu’il faut cibler les populations les plus éloignées de la culture, je vais faire venir au comité stratégique des représentants des lycées professionnels et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). La Défenseure des droits avait fait des recommandations en ce sens. Vous le constatez, nous sommes totalement d’accord !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Avant tout, je tiens à remercier les membres du groupe Union Centriste d’avoir demandé la tenue de ce débat.

Je connais bien le pass Culture, qui a bénéficié à plus de 4 millions de jeunes, et je fais miens les propos de Mme la ministre et du président Laurent Lafon.

Ce dispositif suscite un certain nombre de critiques. Je pense notamment au niveau de rémunération du personnel chargé de sa mise en œuvre. Je pense aussi à la croissance non maîtrisée des crédits budgétaires de la part individuelle, qui sont passés de 92 millions d’euros en 2021 à 244 millions d’euros en 2024.

D’autres dysfonctionnements encore ont été signalés. Ainsi, 16 millions d’euros ont bénéficié à des jeux d’évasion. On déplore, en parallèle, que le pass Culture ne touche pas suffisamment les classes populaires.

Pour ma part, je tiens à insister sur les inégalités territoriales. En effet, le pass Culture semble se heurter aux réalités du monde rural, marqué par le manque d’infrastructures culturelles, les difficultés d’accès au numérique et les problèmes de mobilité. Les jeunes ruraux n’ont pas accès aux mêmes offres que les jeunes citadins, vivant près des grands centres culturels.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les actions prévues spécifiquement pour les jeunes des territoires ruraux, afin de favoriser l’égalité dans l’accès à la culture ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, si le budget du pass Culture a augmenté, c’est parce que le nombre de bénéficiaires a été multiplié par trois !

Nous avons entrepris de lisser le dispositif. Il ne s’agit pas d’exclure tels ou tels jeunes, mais d’opérer une distinction plus claire entre la part collective, destinée aux collégiens et lycéens, laquelle fonctionne bien, et la part individuelle, qui s’adresse aux jeunes de 17 à 18 ans. Ainsi, un montant important reste alloué à la part individuelle, sans déperdition pour la tranche qui bénéficie de la part collective.

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’interroger des jeunes à ce sujet. Tous le soulignent : c’est au moment où ils ont le plus besoin de ce dispositif qu’ils n’y ont plus accès ! Nombre d’entre eux ne l’ont pas utilisé les premières années, et, lorsqu’ils veulent s’en servir, la part est réduite. C’est pour cela que nous voulons cibler les 17-18 ans, en leur donnant une part un peu plus importante.

Comme vous le savez, les salaires des personnels chargés de la mise en œuvre du pass Culture sont fixés par Bercy. Quant aux frais de fonctionnement, ils sont, à ce jour, inférieurs à 10 %.

Le changement de statut entraînera la refonte du comité stratégique. Cette réforme permettra probablement d’améliorer la gouvernance, en vue d’une plus grande efficacité. Ainsi, ce dispositif bénéficiera davantage aux jeunes pour favoriser leur accès à la culture.

Enfin, vous m’avez interrogée sur les dispositifs d’accès à la mobilité et à l’offre culturelle en milieu rural. Mais l’offre culturelle est bien présente dans ces territoires !

Je me suis récemment rendue dans un territoire extrêmement rural. Les jeunes que j’y ai rencontrés me l’ont dit : il leur est parfois plus facile de se rendre à Disneyland, en prenant le TGV, que d’aller voir une pièce de théâtre jouée par une petite compagnie non loin de chez eux.

Ainsi, en favorisant l’accès à la culture au travers de la part collective ou individuelle, nous consoliderons les petites structures culturelles locales. Des compagnies de théâtre nées dans le Jura, financées et soutenues localement, soulignent qu’elles vivent grâce au public scolaire et aux jeunes locaux.

Renforcer la mobilité est aussi un moyen de faire venir les jeunes.

Mme la présidente. Madame la ministre, il faut conclure.

Mme Rachida Dati, ministre. À cet égard, nous agissons en partenariat avec les collectivités territoriales, ainsi que dans le cadre du plan Culture et ruralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Encore merci à nos collègues de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, que je sais particulièrement engagés sur ces sujets. (M. Cédric Chevalier acquiesce.)

Madame la ministre, vous le savez : le soutien à la ruralité, l’équité entre tous les territoires, urbains comme ruraux, font partie de nos priorités. (Mme Monique de Marco applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Madame la ministre, le 17 janvier dernier, lors des débats budgétaires, j’ai appelé votre attention sur la mise à l’écart de certains spectacles pourtant plébiscités par le public.

À cette occasion, je vous ai interpellée sur les modalités d’éligibilité des manifestations et spectacles au dispositif du pass Culture. J’ai notamment pointé du doigt l’entre-soi que trahit le choix de spectacles retenu. Vous m’avez répondu que les membres du comité de stratégie entretenaient parfois une « certaine reproduction sociale », avant d’ajouter que, « à la limite, ils se font plaisir ».

C’est certain : ces dirigeants usent trop souvent de leurs responsabilités pour se faire plaisir. Est-ce vraiment leur rôle d’imposer leurs goûts personnels comme règle de droit, en omettant trop souvent les attentes réelles du public ? Est-ce vraiment leur rôle d’exposer de la sorte le pass Culture à des polémiques qui dégradent l’image d’une initiative pourtant appréciée des Français ?

Lors du débat budgétaire, vous avez déclaré vouloir réorganiser ce comité et son mode de fonctionnement. Vous venez de nous indiquer les voies de transformation de ce dispositif et de ce comité. Cela va dans le bon sens. (M. Francis Szpiner acquiesce.) Il était également nécessaire d’affiner les critères d’éligibilité.

Toutefois, les membres du nouveau comité seront-ils bien conduits à s’ouvrir à l’ensemble des manifestations culturelles, y compris celles qui peuvent leur déplaire ? Les modalités d’éligibilité sont-elles bien revues et explicitement énumérées pour préserver le pass Culture de toute polémique à l’avenir ? Pouvez-vous nous donner des précisions quant au calendrier de ces évolutions ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, pour le spectacle dont nous avons parlé la dernière fois, une première demande d’éligibilité avait été émise, couvrant l’ensemble du parc en question. Une réponse défavorable avait été apportée, les parcs d’attractions n’étant pas éligibles au pass Culture, contrairement aux spectacles. Ce parc avait alors adressé une nouvelle demande, sans obtenir de réponse.

Je me suis engagée à étudier ce cas. Je peux désormais vous annoncer que le spectacle du Puy du Fou est éligible au pass Culture. La réponse est donc claire. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Colombe Brossel. Ça valait le coup d’organiser un débat…

Mme Rachida Dati, ministre. On peut vous inviter… (Sourires.)

Mme Sylvie Robert. Allons-y ensemble !

M. Adel Ziane. J’y suis allé quinze fois !

Mme Rachida Dati, ministre. Mais pour nous tous, le pass Culture, c’est trop tard ! (Nouveaux sourires.)

À propos des critères d’éligibilité, vous avez raison, la transparence et l’objectivité doivent être renforcées. Ces critères seront revus en ce sens et pourront vous être communiqués, en toute transparence.

Le comité stratégique sera également refondu.

Enfin, vous évoquez le calendrier. Le changement de présidence a eu lieu, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ayant récemment rendu la décision que nous attendions. Quant à la refonte du comité stratégique, elle est en cours. Ces évolutions sont donc imminentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Madame la ministre, merci des changements apportés au pass Culture et de vos réponses très précises relatives au calendrier. Comme quoi, les débats budgétaires au Sénat ont leur utilité ! Quant aux sourires appuyés que j’ai vus à la gauche de l’hémicycle, ils renvoient à cet entre-soi dont nous avons parlé ensemble…

Mme Rachida Dati, ministre. Vous n’avez pas totalement tort !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Madame la ministre, 2024 restera une année record, non seulement pour le cinéma français, mais aussi pour le tourisme, grâce aux jeux Olympiques et à notre patrimoine.

En 2023, on a vendu dans notre pays plus de livres qu’au cours des années pré-covid. Jamais il n’y a eu tant d’intermittents qu’en 2022. Or ces derniers font notamment vivre les festivals dans nos départements.

Le pass Culture, qui s’inscrit dans le champ des politiques de soutien au secteur culturel, a connu un certain nombre d’ajustements depuis son expérimentation.

Dans un rapport de décembre 2024, le président de la Cour des comptes constatait son « appropriation massive par les jeunes », en soulignant que « l’objectif de démocratisation culturelle reste, en revanche, à atteindre ». Les 16 % de jeunes non entrés dans le dispositif correspondent aux publics les moins familiers des pratiques culturelles.

Le Sénat a lui-même observé que, si 20 % des jeunes sont non scolarisés, les intéressés ne représentent que 7 % des utilisateurs du pass. Il existe donc des déséquilibres sociaux.

En Bretagne, territoire d’expérimentation du pass Culture dans sa phase d’amorçage, le taux de couverture des plus de 18 ans s’élève à 90 %. Au titre de la part collective, près de 95 % des établissements scolaires y sont engagés dans une action au moins. C’est là le fruit d’un dialogue entre élus, directions régionales des affaires culturelles (Drac) et rectorat.

Dans cette région, dont je suis l’élue, les bénéficiaires sont les grandes librairies indépendantes et, bien entendu, le festival des Vieilles Charrues, à Carhaix. À cet égard, les résultats obtenus sont remarquables. Toutefois, des disparités, territoriales cette fois, existent aussi. Elles restent, pour notre groupe, un point de vigilance que Bernard Buis a déjà évoqué ici même lors des débats budgétaires.

Alors que les grandes villes concentrent l’essentiel des offres, la problématique de la mobilité culturelle s’impose aux jeunes ruraux.

À l’heure où vous engagez la réforme du pass Culture, ne vous paraît-il pas primordial de faciliter l’accès aux lieux culturels eux-mêmes pour les jeunes qui en sont les plus éloignés ? Vous avez évoqué des formes de coopération avec les collectivités territoriales pour la prise en charge des transports. Sont-elles déjà mises en œuvre ? Si oui, dans quels territoires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. La première région pour l’utilisation du pass Culture, c’est la Bretagne.

Mme Sylvie Robert. Tout à fait !

Mme Rachida Dati, ministre. Or la Bretagne regroupe de nombreux territoires ruraux.

Je l’ai dit, en matière de mobilité, des conventions sont conclues avec les collectivités territoriales.

Au cours de mes déplacements, j’ai pu mesurer la richesse de notre vie culturelle locale. À ceux qui prétendent que certains territoires sont dépourvus d’offre en la matière, je réponds : c’est faux ! Il n’y a pas de désert culturel.

Par ailleurs, en favorisant la mobilité, on garantit la soutenabilité financière et matérielle de l’offre culturelle ; on renforce donc l’offre culturelle. La géolocalisation nous permettra en outre d’identifier les lieux où il est nécessaire de soutenir la mobilité.

Nous avons par exemple découvert que des plateformes de covoiturage locales étaient expérimentées, avec de bons résultats. Nous souhaiterions les généraliser. Certains jeunes, en particulier, proposent du covoiturage en période de festivals. C’est un autre moyen de développer la mobilité.

Si j’en crois les dernières évaluations, 66 % des jeunes ont découvert une nouvelle pratique culturelle grâce au pass Culture. Nous devons donc renforcer toutes les dimensions du dispositif qui ont fait leurs preuves. À ce titre, la géolocalisation, le développement de la mobilité et le soutien des acteurs culturels locaux, notamment en milieu rural, jouent un rôle indispensable. Indépendamment du pass Culture, ces chantiers bénéficient d’un accompagnement dédié dans le cadre du plan Culture et ruralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Depuis sa création en 2019, son élargissement et sa généralisation en 2021, le pass Culture a été plébiscité par les jeunes. Plus de 50 % des jeunes de 15 ans et 84 % des jeunes de 18 ans l’utilisent.

La gratuité auquel ce dispositif donne droit permet de s’ouvrir à d’autres horizons culturels. On le constate surtout pour la part collective. Même s’il n’a pas permis, à lui seul, de corriger les inégalités liées à la catégorie socio-professionnelle, le pass Culture contribue à une certaine démocratisation culturelle.

Les libraires, notamment, indiquent qu’un nouveau public est apparu avec le pass Culture, lequel leur reste fidèle par la suite, même lorsque les crédits du pass sont épuisés.

Néanmoins, plusieurs reproches sont adressés au pass Culture. Certains critiquent notamment une reproduction des habitudes de consommation ; d’autres déplorent que la part collective soit insuffisamment utilisée ou connue.

Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir que les usagers du pass se tournent davantage vers les libraires indépendants, la presse écrite et le spectacle vivant, en prévoyant qu’une partie de la somme du pass soit réservée à ce dernier domaine. Or certains jeunes vivent dans des zones dites blanches, où peu d’infrastructures culturelles existent. Ils évoquent l’obstacle que représentent la faiblesse et le coût de l’offre de transport.

Vous avez déjà partiellement répondu à ma question. Néanmoins, au-delà des crédits évoqués, qu’envisagez-vous pour remédier aux difficultés matérielles d’accès à la culture ?

La différenciation du montant du pass, selon la condition économique de l’utilisateur, compte parmi les pistes avancées. Pour ma part, il me semble nécessaire de préserver l’universalité et l’unicité du dispositif : ce faisant, on évitera le non-recours aux aides par peur d’une stigmatisation.

C’est aussi parce qu’il est égalitaire que le pass fonctionne. Surtout, il constitue pour certains la première expérience de gestion d’un budget et une liberté d’expression culturelle, à l’abri de tout regard condescendant.

Pouvez-vous nous assurer que vous continuerez à défendre le pass Culture ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur moi pour continuer à le défendre, tout comme l’accès à la culture en général. C’est d’ailleurs un combat qui dépasse mon seul ministère.

L’accès à la culture, c’est aussi l’accès aux droits fondamentaux.

À ce propos, j’échangeais ce matin avec les directeurs généraux et chefs de service du ministère de la culture. Ma récente annonce relative aux actions culturelles dans les campings a pu faire sourire, alors qu’il s’agit du lieu d’hébergement préféré des Français pendant leurs vacances. Certains semblent se pincer le nez, et je le déplore… Comme dirait votre collègue Max Brisson, j’y vois un entre-soi quelque peu méprisant. Les campings sont des lieux de vie et de villégiature : c’est une réalité. Il faut donc que la culture y soit présente aussi.

Dans un tout autre ordre d’idées, les femmes, notamment les plus jeunes, manquent trop souvent d’information sur l’avortement et la contraception. Les centres de protection maternelle et infantile (PMI), où elles se rendent pour être accompagnées, doivent eux aussi devenir des lieux d’accès à la culture, ne serait-ce qu’en proposant des livres ou des documentaires rappelant à ces jeunes femmes leurs droits.

J’indiquais que certains étudiants en droit utilisent le pass Culture pour acheter le code civil. Il faut encore y ajouter divers documents d’accès aux droits fondamentaux. J’y insiste, le combat dont nous parlons dépasse largement le champ culturel, considéré stricto sensu.

Nous ne pouvons pas flécher de crédits vers les libraires indépendants. Toutefois, la géolocalisation pourra leur bénéficier. Les jeunes ne connaissent pas forcément toutes les petites librairies du coin : dès lors, ils ont souvent tendance à aller vers les grandes enseignes. La géolocalisation nous aidera à renforcer l’information.

Enfin, le règlement européen relatif aux aides à la presse ne permet pas, pour l’heure, que la presse soit éligible au pass Culture. J’y suis néanmoins favorable, et nous y travaillons.

Notre réforme devrait donc répondre à vos différentes préoccupations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je suis arrivée ici pleine de certitudes acquises en commission des finances. J’avais en tête le coût du pass Culture, le nombre d’équivalents temps plein (ETP) que ce dispositif représente, le manque de compléments de financement ou encore l’orientation de certains choix rappelés par M. Brisson. Mais après avoir écouté le président Lafon, puis vous-même, défendre ce dispositif avec vigueur, je me dis que les chiffres ne sont pas tout. Peut-être faut-il bien prolonger le pass Culture, que vous soutenez avec tant d’énergie !

En outre, je tiens à le rappeler, il n’y a pas qu’en Bretagne que le pass Culture est utilisé. Catherine Morin-Desailly et Sonia de La Provôté, comme moi élues de Normandie, vous confirmeront que le pass Culture a été développé par notre belle région. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, tout à l’admiration que m’inspire votre énergie, je dois changer mon fusil d’épaule. (Mme Sonia de La Provôté sourit.) Vous avez répondu par avance à toutes les critiques que j’adressais à ce dispositif, en expliquant que vous entendiez revoir le comité stratégique, faire évoluer les financements et lutter contre les inégalités territoriales.

Telle la cigale de la fable, vous me voyez prise au dépourvu : je n’ai plus de reproche à adresser au pass Culture ! (M. Pierre Ouzoulias sourit.) Ma question est donc, tout compte fait, la suivante : comment entendez-vous coordonner le nouveau dispositif avec les régions et les départements ?

M. Max Brisson. Très bonne question !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, il ne s’agit pas d’engagements que je prends, mais d’actions d’ores et déjà engagées.

Nous nous connaissons depuis un certain temps : vous le savez, je m’empresse toujours de faire ce que je préconise, soucieuse d’agir aussi vite que possible.

Ainsi, en 2024, avant de modifier la gouvernance, le comité stratégique et les critères, nous avons lancé plusieurs expérimentations. Mes déplacements m’ont aussi permis de nouer des partenariats. En témoigne le premier contrat de territoire que j’ai signé avec le département de Charente-Maritime.

Le plan Culture et ruralité va dans le même sens. Il inclut même le patrimoine : il renforce non seulement les effectifs, mais aussi les financements de diverses structures chargées de le protéger, comme les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap). Plus vous protégez les sites patrimoniaux, qui sont aussi des lieux de culture, plus vous en élargissez l’accès.

Un certain nombre de points ont été critiqués, à juste titre ; mais ils ont tous été revus. Nous avons une nouvelle présidente. La composition du comité stratégique est en train d’être affinée et nous avons expérimenté un certain nombre de critères.

Nous avons également consacré des expérimentations aux nouvelles formes de mobilité, pas en Normandie, où le dispositif fonctionne très bien, mais dans le Grand Est…

Mme Rachida Dati, ministre. … et en Bretagne, pour ne citer que ces deux régions. Elles vont du soutien aux plateformes de covoiturage à la création de dispositifs dédiés aux festivals.

C’est pour cela que les contrats de territoire sont faits sur mesure et dotés des moyens nécessaires. Sinon, tout cela reste de beaux principes… Or je ne vous parle pas de principes, mais d’actions.

L’ensemble de ces mesures ont été longuement expérimentées. Si je me suis battue pour éviter toute réduction de la part individuelle du pass, c’est précisément pour déployer ces nouvelles dispositions. En un seul trimestre, elles ont favorisé l’accès à la culture des jeunes qui en ont le plus besoin, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, où, bien que l’offre soit plus dense, certains publics sont moins faciles à atteindre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, j’espère que vous voudrez bien associer les parlementaires à la réforme du pass Culture. Cette collaboration me semble extrêmement importante. La commission des finances, en particulier, sera ainsi mieux éclairée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons associé les élus locaux, notamment les départements et les régions. De fait, nous ne pouvions rien faire sans eux !

Comme vous le savez, je m’efforce depuis 48 heures de rattraper la petite coupe budgétaire… Si le coup de rabot voté était confirmé, je ne pourrais plus financer le dispositif que pour les jeunes ayant eu 18 ans en 2024. Les nouveaux entrants, qu’il s’agisse des jeunes de 17 à 18 ans ou des jeunes les plus en difficulté, comme les décrocheurs scolaires, ne pourraient pas faire l’objet des actions prévues.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je vous remercie de cette seconde réponse. (Sourires.) J’ajoute que d’autres ressources pourraient être recherchées : si le pass Culture continue de se développer, sans doute faudra-t-il, en particulier, se tourner vers le mécénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, mes collègues vous le diront : jusqu’à présent, j’ai toujours voté contre le pass Culture. En effet, j’estimais que la culture manquait avant tout de médiation. Le président Lafon l’a d’ailleurs souligné lui-même.

Puis un jour Benoît, mon libraire de Bourg-la-Reine, m’a glissé à l’oreille que le pass Culture représentait 10 % de son chiffre d’affaires. Cette confidence m’a fait réfléchir. Il m’a également parlé de ces gamins qui viennent chez lui avec le pass Culture. Un certain nombre d’entre eux achètent certes des mangas, mais à cette occasion – et c’est là l’essentiel – ils mettent pour la première fois le pied dans une librairie ; et, une fois qu’ils ont désacralisé le lieu, ils se tournent parfois vers d’autres lectures.

Mme Rachida Dati, ministre. Eh oui !

M. Pierre Ouzoulias. À l’évidence, le libraire est un magnifique médiateur culturel. Il peut tout à fait guider les jeunes dans leurs lectures. (M. Laurent Lafon acquiesce.) C’est pour cette raison que je n’ai pas voté contre le pass Culture cette année : on peut changer d’avis ! (Sourires.)

J’ai néanmoins une profonde inquiétude quant au prix unique du livre. Amazon, dont le poids est encore renforcé par la nouvelle administration américaine, va certainement partir à l’assaut de cette disposition. Or, si l’Europe cède sur ce sujet, il n’y aura plus de médiation culturelle dans les librairies, tout simplement parce qu’il n’y aura plus de librairies.

Pour défendre le dispositif que vous nous proposez, non sans raison, il faut donc une action très forte, notamment à l’égard de l’Europe, pour protéger le prix unique du livre. Cette disposition est constitutive d’une certaine politique de la culture. Elle reflète notre vision du réseau des librairies au service de la culture pour tous.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, je suis ravie que nous nous rejoignions sur cette position. Peut-être en sera-t-il de même pour Notre-Dame de Paris : je ne désespère pas ! (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Sur le musée d’art et d’histoire du judaïsme, peut-être…

Mme Rachida Dati, ministre. Nous en avions parlé : j’ai tenu mon engagement !

M. Pierre Ouzoulias. Et je vous en remercie !

Mme Rachida Dati, ministre. Comme chacun sait, il y a bien longtemps que je me bats pour l’accès à la culture ; j’ai commencé bien avant ma prise de fonction. Comme chacun d’entre nous, je sais en effet d’où je viens, et nos combats sont aussi dictés par notre histoire personnelle.

Je comprends bien les doutes que vous évoquez. Je les ai d’ailleurs exposés moi-même lors de mon audition en commission. C’est pour cette raison, aussi, que j’ai voulu les lever.

Comme vous, j’adressais certaines critiques au pass Culture, que l’on peut considérer comme un vecteur de reproduction sociale et qui, en l’état, n’est certainement pas parfait. Mais il faut conserver ce qui marche bien : le Pass culture favorise à l’évidence l’accès à la culture et notamment à la lecture.

Rappelez-vous : certains voudraient que l’application du pass Culture serve aussi de moyen de paiement. Or je m’y oppose, car je veux que les jeunes puissent se rendre en librairie.

J’ai dit que l’enseignant devenait médiateur culturel via la part collective du pass Culture. Le libraire joue également ce rôle. Les jeunes viennent acheter un manga : pourquoi pas, si cela leur permet de lire ? En outre, ils sortent peut-être de la librairie avec un autre livre ! Et quand ils reviennent, c’est aussi pour autre chose.

Je vous ai exposé mon plan en faveur de la médiation. J’ai reçu l’ensemble des acteurs de l’éducation populaire. En zone rurale comme urbaine, j’ai accordé les moyens nécessaires pour accompagner le nouveau dispositif.

J’entends votre juste inquiétude au sujet du prix unique du livre. Vos collègues Laure Darcos et Sylvie Robert ont formulé la même observation lors de ma dernière audition devant la commission de la culture.

Nous avons saisi le médiateur du livre sur ce sujet. En outre, nous devrons nous battre collectivement, aux échelles européenne et nationale. L’Europe et les États-Unis ne sont clairement pas seuls en cause : c’est aussi un sujet de politique nationale. Nous avons donc besoin de tout le monde pour préserver le prix unique du livre et protéger nos librairies.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, les membres de la commission de la culture et plus largement les élus de cette assemblée souhaitent à l’évidence, comme vous, améliorer le pass Culture pour le rendre plus utile et encore plus démocratique. C’est bien normal, quand on sait que cet outil représente 25 % du programme dédié à la démocratisation culturelle.

Néanmoins, si nos débats font l’objet d’une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP) ou d’une mention par Public Sénat, ce sera sans doute avant tout pour signaler que le Puy du Fou…

M. Laurent Lafon. Le spectacle !

Mme Colombe Brossel. … est désormais éligible au pass Culture…

Mme Rachida Dati, ministre. Vous ne pouvez pas vous en empêcher…

Mme Colombe Brossel. C’est certainement la grande victoire obtenue au titre de l’action « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du programme 361… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Rachida Dati, ministre. Seul le spectacle est éligible, soyez précise !

Mme Colombe Brossel. Mais revenons-en au pass Culture.

À ce titre, l’un des péchés originels, c’est le choix de recourir à une SAS : les modalités de contrôle s’en trouvent, de fait, réduites. Personne n’étant formellement chargé du contrôle, personne ne le fait – sauf la Cour des comptes, qui nous a informés que 16 millions d’euros avaient été utilisés pour des escape games, à notre grande stupéfaction.

Lors des débats budgétaires, nous avons eu le plaisir de vous entendre dire que vous souhaitiez transformer cette SAS en opérateur public. Ce faisant, l’on garantira un contrôle tant sur le budget que sur les modalités mêmes du pass Culture.

Mes deux questions sont très précises. Premièrement, quel est le calendrier de mise en œuvre de cette réforme ? Deuxièmement, quels seront ses effets sur le budget et le personnel ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice Brossel, c’est tout de même curieux : vous ne pouvez pas vous empêcher de polémiquer. Pourtant, nous pouvons nous détendre, nous ne sommes pas au Conseil de Paris ! (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Colombe Brossel. Vous ne répondez pas à ma question !

Mme Rachida Dati, ministre. Nous sommes entre gens civilisés et, pour une fois, personne ne m’énerve : tout va bien ! (Nouveaux sourires.) On ne saurait faire au Sénat comme à l’Hôtel de Ville, où l’on peut dire n’importe quoi… Ce n’est pas le Puy du Fou qui est éligible au pass Culture, c’est le spectacle du parc.

M. Max Brisson. Absolument ! Le spectacle !

Mme Rachida Dati, ministre. Soyons précis.

Mme Colombe Brossel. Répondez à ma question !

Mme Rachida Dati, ministre. Je suis précisément en train de le faire.

La réforme est lancée, et elle sera entièrement opérationnelle après le vote définitif du budget. Une nouvelle présidente a été nommée, le comité stratégique est en cours de renouvellement et les réformes sur les nouveaux critères sont intervenues il y a quelques mois, bien avant le 1er janvier 2025. Tout cela prendra donc son plein… Comment dire ?

Mme Sylvie Robert. Son plein essor ! (Sourires.)

Mme Rachida Dati, ministre. Merci, madame la sénatrice : j’enrichis mon vocabulaire ! (Nouveaux sourires.)

Tout cela prendra son plein essor au cours de l’année 2025.

En réalité, tous mes engagements sont déjà mis en œuvre. À présent, j’ai besoin des parlementaires.

Pourquoi y mets-je autant d’énergie, pour reprendre les mots de Mme Goulet ? Non seulement parce que j’y crois, mais aussi parce que des résultats ont été obtenus sur un public qui n’a pas spontanément accès à la culture, notamment à la lecture ou au spectacle vivant.

Mes engagements sont tenus, les actions sont lancées et elles prendront leur plein essor en 2025.

Pour conclure, je répète une fois encore que c’est le spectacle du Puy du Fou qui est éligible au pass Culture.

M. Max Brisson. Nous l’avions bien compris ; et il en est de même pour les spectacles de la fête de LHumanité

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.

Mme Colombe Brossel. Faut-il en déduire qu’au 31 décembre 2025 il n’y aura plus de société par actions simplifiée (SAS), mais un opérateur public ?

Par ailleurs, madame la ministre, je n’ai pas compris votre réponse quant aux moyens budgétaires et en personnels que nécessitera la transformation de la SAS en opérateur public.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. Madame Brossel, j’ai déjà répondu sur ce point : la SAS va devenir un opérateur public. Cette transformation, qui est en cours, aboutira avant le 31 décembre 2025. Et, de même que je viens d’enrichir mon vocabulaire, je tiens à enrichir vos connaissances, en vous signalant qu’une SAS peut être un opérateur public culturel.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Je vous remercie de ces enrichissements mutuels, madame la ministre ; ils sont délicieux… (Sourires sur les travées du groupe SER.) Cela signifie-t-il que l’ensemble des personnels seront transférés et que le budget sera exactement le même que dans le cadre de la SAS ?

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Avant de vous poser ma question, madame la ministre, je tiens à vous rappeler ces leitmotivs du Sénat : simplification et décentralisation. (Mme la ministre opine.)

Nous approuvons évidemment les objectifs du pass Culture : l’accès des plus jeunes à la culture, la médiation et la démocratisation.

La part individuelle de ce pass a certes son intérêt. Mais les actions qu’elle recouvre sont souvent déjà prises en charge d’une façon ou d’une autre par les départements, lesquels proposent tous une carte Collégien ou une carte Jeune, ou par les lycées, qui ont leurs propres cartes.

Sans parler de doublons, et sans entrer dans le débat que vous avez eu avec votre collègue du Conseil de Paris sur l’organisation du dispositif, il est légitime de se demander si l’État, plutôt que de créer son propre dispositif avec son propre opérateur, et donc d’ajouter une couche administrative supplémentaire, ne pourrait pas accompagner les collectivités territoriales de manière décentralisée, via les opérateurs de l’État et les institutions, afin de remplir cette mission. (Mme Sylvie Robert opine.)

J’y ajoute une question subsidiaire à propos des bénéficiaires du pass Culture. Actuellement, pour y être éligible, il faut être âgé de 15 à 18 ans. Pourquoi ne pas choisir plutôt le critère de la scolarisation ? En effet, certains jeunes qui ont sauté une classe se retrouvent au lycée, en seconde ou en première, avant l’âge de 15 ans, et n’ont pas accès au pass Culture, contrairement à leurs camarades.

J’en viens à la part collective du pass Culture. Il faut reconnaître qu’elle constitue une véritable réponse : grâce à elle, des jeunes découvrent le spectacle vivant ou d’autres secteurs culturels vers lesquels ils ne se tourneraient pas d’eux-mêmes.

Pourquoi, au titre de cette part collective, faut-il passer par la création d’un opérateur de l’État qui travaillera, pour la réalisation de cette mission, avec le ministère de l’éducation nationale ? Ce dernier ne pourrait-il gérer directement le dossier, en liaison avec les établissements placés sous sa tutelle, dans le cadre de ses prérogatives et de son budget ? Cela simplifierait beaucoup de choses.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Vial, vous souhaiteriez que le volet collectif du pass Culture soit géré en quelque sorte en régie directe, par le ministère de l’éducation nationale. C’est impossible, car cela reviendrait à recloisonner !

Actuellement, il existe une continuité de l’offre culturelle, qui permet de savoir ce que l’on propose aux écoles et en dehors du cadre scolaire. Ce choix, qui garantit une complémentarité, me semble plus cohérent.

Vous déplorez, sans le dire, l’existence de doublons, et vous avez raison. En tant que maire du VIIe arrondissement de Paris, dont la richesse patrimoniale est considérable et qui compte de nombreux établissements culturels, j’avais proposé un pass culturel avant que le pass Culture ne soit créé. J’avais ainsi passé un accord avec les représentants de ces établissements afin que les enfants des écoles de l’arrondissement puissent y accéder.

Vous pourriez me rétorquer que les enfants du VIIe arrondissement n’ont besoin de bénéficier ni de la part individuelle ou de la part collective du pass Culture… Certes ; mais il se trouve que tous les territoires – régions, départements, communes – ne disposent pas d’un tel dispositif culturel. Le pass Culture permet, dès lors, une universalité.

Vous avez raison de rappeler que, dans certains endroits, l’offre culturelle est très dense – pour autant, je précise qu’il n’y a jamais de suroffre culturelle. Les contrats de territoire passés entre le ministère et les collectivités territoriales, par le truchement des directions régionales des affaires culturelles (Drac), permettent à cet égard d’éviter les doublons.

Ainsi, lorsqu’un département dispose déjà d’un dispositif culturel dédié et adapté, le pass Culture y est forcément moins utilisé. Ce dernier, qui n’est pas mis en œuvre depuis le ministère de la culture, rue de Valois, mais à une échelle de proximité, est donc assez équilibré.

L’ensemble de ces partenariats relèveront de la convention que je vais signer avec l’Assemblée des départements de France (ADF) : c’est un autre moyen d’éviter les doublons. En effet, les équipements culturels et le secteur du spectacle n’ont rien à y gagner, puisqu’ils ne touchent pas d’aide en double. Il n’y aura donc pas de gaspillage.

Pour résumer, là où il n’existe pas de dispositif culturel, le pass Culture permet de pallier cette absence ; et, là où il y en a, il permet aux collectivités territoriales de s’adapter.

Enfin, j’indique à M. Ouzoulias que le médiateur du livre rendra son rapport en février prochain.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Au vu des rapports pour le moins sévères auxquels le pass Culture a donné lieu, il était en effet plus qu’urgent, madame la ministre, de reprendre en main ce dispositif, afin de justifier son maintien et l’importante dépense publique y afférente.

J’insisterai sur deux critiques, émises notamment par la Cour des comptes : l’absence de sélectivité des offres et l’absence de sélectivité des bénéficiaires.

La première critique, qui porte sur l’absence de sélectivité des offres, a déjà été évoquée. Pour ma part, j’ai été très surprise de découvrir que 16 millions d’euros avaient été dépensés dans des escape games. Je n’ai rien contre les jeux intelligents et les nouvelles technologies, mais il ne faut pas confondre culture et divertissement.

Je suis choquée, en outre, de constater que nos structures de spectacle vivant bénéficient peu, par effet domino, du pass Culture. Compte tenu de l’érosion des budgets ces dernières années, elles ont les plus grandes difficultés à maintenir, dans le cadre de leurs contrats d’objectifs et de moyens (COM), des programmes d’éducation artistique et culturelle. C’est un véritable sujet. (Mmes Colombe Brossel et Sylvie Robert, ainsi que M. Pierre Ouzoulias, opinent.)

Le rapport de la Cour des comptes sur l’éducation artistique et culturelle, que j’attends avec impatience, pourra nous éclairer sur ce point. Vous avez déclaré que le pass Culture était une étape du parcours d’éducation artistique et culturelle : peut-être pourra-t-on corréler les deux sujets et faire un nouveau tour d’horizon de ce qui est, en définitive, proposé aux jeunes ?

La seconde critique porte sur l’absence de sélectivité des bénéficiaires.

Si les droits culturels avaient été inscrits dans les présupposés du dispositif, la loi aurait clairement prévu que ce dernier devait toucher tous les publics, y compris ceux qui sont éloignés de la culture géographiquement, intellectuellement ou économiquement.

Quant aux personnes handicapées, personne n’en parle, pas même la Cour des comptes ! Je n’ai trouvé aucune mention de l’accessibilité universelle à la culture. Or nous allons bientôt fêter les vingt ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Et je ne parle pas seulement de l’accessibilité des fauteuils roulants. Je pense aussi aux personnes malentendantes et à tous ceux qui n’ont pas les moyens intellectuels d’accéder d’eux-mêmes à la culture.

Pouvez-vous vous engager, madame la ministre, à élargir la part collective du pass Culture à certains établissements qui font de la médiation pour emmener ces jeunes au spectacle ou encore au concert ?

Et si le pass Culture doit être mobilisé…

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, les rapports publiés ne renferment pas que des reproches à l’encontre du pass Culture. Vous m’accorderez qu’ils mentionnent dans leurs conclusions l’intérêt de ce dispositif, y compris de sa part individuelle, pour favoriser l’accès à la culture des publics qui en sont éloignés.

Les chiffres que j’ai cités, et que le président Lafon a lui aussi rappelés, l’attestent : le pass Culture a favorisé un plus large accès à la culture de jeunes qui en avaient toujours été éloignés. Je parle, par exemple, à ces jeunes qui n’avaient jamais mis les pieds dans une librairie. C’est tout de même une avancée, et je ne veux pas me priver de ce dispositif.

Même si dix jeunes seulement étaient concernés, ce serait toujours dix jeunes de plus.

D’autres enjeux s’y ajoutent. Nous souhaitons tous lutter contre le séparatisme et le communautarisme, dont on connaît les ravages – certains ont d’ailleurs nié leur existence pendant trop longtemps – et qui conduisent à radicalisation. J’ai déjà travaillé sur ces sujets. Dans d’autres enceintes, j’ai même rapporté des textes qui en traitaient.

Que disent les jeunes radicalisés, qui, aujourd’hui, sont pour une bonne part derrière les barreaux ? Ils expliquent que la première étape de la radicalisation est de couper tout lien avec la culture, ce qui implique l’interdiction des livres, de la musique et des sorties, donc la fin des contacts et de la socialisation. En ce sens, le pass Culture me semble de force à rompre l’isolement des personnes concernées, ou de contrer les organisations qui les incitent à penser que la culture est dangereuse.

Nous devons donc améliorer la part individuelle du pass Culture, afin de toucher des publics qui n’ont pas l’habitude des pratiques culturelles.

L’accès à la lecture et au spectacle vivant – j’y insiste – est très important.

L’accès au spectacle vivant s’est élargi au cours du dernier trimestre, grâce au fléchage et à la médiation que nous avons mis en place. J’ajoute que les jeunes fréquentent beaucoup ce type de spectacles, en dehors même de l’utilisation du pass Culture. Il faut amplifier cette pratique, la renforcer et l’améliorer dans ce cadre.

Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane.

M. Adel Ziane. Madame la ministre, je souhaite revenir un instant sur le spectacle du Puy du Fou.

Quand ce sujet a été évoqué, vous avez effectivement pu observer quelques sourires de notre côté de l’hémicycle. Pour autant, il s’agissait non pas de l’expression d’une quelconque ironie, mais d’une réaction à la manière somme toute très discrète dont notre collègue Brisson a formulé sa question.

M. Max Brisson. Toujours le sens de la nuance ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Adel Ziane. Nous savions bien, en effet, qu’il était question du Puy du Fou !

Pour ma part, je me suis rendu quinze fois au Puy du Fou, en raison de mes attaches familiales dans la région. Je connais par cœur tous les spectacles qui ont pu y être créés au fur et à mesure des années. Vous ne sauriez nous soupçonner d’un quelconque entre-soi ; nous n’exprimons que notre curiosité et nos questionnements… L’habit ne fait pas le moine, et nous avions envie de parler de ce sujet.

En tant qu’élu de la Seine-Saint-Denis et conseiller municipal de Saint-Ouen, je m’interroge sur un objectif bien précis du pass Culture : rendre la culture accessible à tous les jeunes, sans distinction sociale ou géographique – ce sujet a également été abordé par Marc Laménie.

Un premier bilan dressé par la Cour des comptes montre que le taux d’inscription flatteur de 84 % camoufle une réalité bien différente : seuls 68 % des jeunes issus des milieux populaires ont activé le pass. Loin de corriger les inégalités, ce dispositif tendrait donc à intensifier les pratiques culturelles de jeunes qui disposent d’un fort capital culturel familial.

Parmi les critiques adressées au pass Culture par la Cour des comptes, on peut citer les suivantes : une diversité culturelle limitée ; le faible taux de réservations, plus précisément 0,63 %, pour le spectacle vivant ; ou encore l’absence de médiation culturelle et de propositions gratuites.

Nous devons donc renforcer les partenariats avec les acteurs locaux – je pense à la fois aux librairies indépendantes, évoquées à plusieurs reprises au cours de ce débat, aux compagnies de théâtre et aux structures culturelles.

Vous avez reconnu les limites du dispositif et proposé des pistes pour avancer. Il nous semble que le ciblage des bénéficiaires est impératif. Comment accepter que le pass Culture, censé corriger les inégalités, échoue sur ce point ? Que comptez-vous faire pour qu’il devienne un levier de démocratisation culturelle, notamment dans les territoires les plus fragiles, comme les quartiers populaires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ce constat. Vous êtes élu d’un département que je connais bien, où je me suis en outre rendue – vous le savez – pour soutenir et pérenniser des dispositifs culturels aux côtés des élus locaux.

Vous avez raison de parler des chiffres, et je vous rejoins au sujet de la reproduction sociale. À n’en pas douter, certains jeunes accèdent plus facilement que d’autres à la culture. On le constate déjà pour l’utilisation de l’application.

Ce taux de 68 %, sur lequel vous insistez, et qui est également cité par la Cour des comptes, correspond au nombre de jeunes issus des milieux populaires ayant activé le pass ; mais il prend pour base le niveau de diplôme des parents. Or la Cour précise que, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 87 % des jeunes utilisent la part individuelle du pass Culture.

Ce taux est certes flatteur, mais la réalité est très inégale. Ce sont les jeunes qui bénéficient de l’environnement familial le plus favorisé qui y ont le plus recours.

Nous devons impérativement mettre un terme à cette inégalité. La réforme, que nous avons lancée avant le 1er janvier 2025, commence à porter ses fruits et je souhaite qu’elle prenne cette année son plein essor. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin.

Mme Pauline Martin. Dans le droit-fil de la question de Catherine Morin-Desailly, je souhaite rappeler que la commission des finances du Sénat a présenté en juillet 2023 un rapport d’information portant sur la question suivante : « Le pass Culture répond-il au défi de la diversification des pratiques culturelles ? »

Les rapporteurs, au-delà de leurs conclusions positives, s’interrogeaient sur ce risque induit par la part individuelle du pass : confirmer les habitudes culturelles des jeunes et produire un simple effet d’aubaine, au point de s’apparenter à une billetterie classique.

Le rapport de la Cour des comptes confirme cette intuition. La conséquence en est la grande discrétion de certains secteurs, comme le spectacle vivant ou le patrimoine – je le relève à mon tour.

Par ailleurs, nous nous sommes émus auprès du président de la SAS pass Culture que la pluralité, notamment dans l’offre de presse, soit si difficile à atteindre.

Comment peut-on, au travers du pass Culture, orienter les jeunes vers des offres diversifiées, avec une réelle volonté d’ouverture et de découverte culturelles, sans que l’ombre d’un doute persiste sur d’éventuelles dérives mercantiles, voire idéologiques ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Comme je l’ai dit, madame la sénatrice, nous allons rendre la presse éligible au dispositif.

Vous m’interrogez au sujet de la diversification de l’offre : la nouvelle réforme vise justement à diversifier les pratiques.

Enfin, la tranche d’âge éligible et les dotations ayant été quelque peu modifiées, nous commençons à observer une évolution des pratiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Vous avez en partie répondu à ma question, madame le ministre, ce qui n’est guère étonnant puisque je suis le quatorzième orateur à intervenir dans ce débat…

La Cour des comptes relève dans son rapport que, hormis la contribution des offreurs de la plateforme, laquelle représente environ 6 % du volume d’affaires global, le pass Culture est financé par l’État. Nous sommes loin de l’objectif initial d’un financement à hauteur de 20 % par l’État et de 80 % par d’autres biais !

En parallèle, les dépenses liées au pass Culture n’ont cessé d’augmenter, bondissant de 93 millions d’euros en 2021 à 244 millions en 2024.

Le cumul des dépenses de la part individuelle et de la part collective du pass Culture a augmenté de près de 50 % au cours des deux dernières années. Surtout, on constate que le coût de la part individuelle du pass est systématiquement supérieur aux dotations initiales. Selon la Cour des comptes, des arbitrages doivent être pris afin de mettre un terme à cette croissance non maîtrisée des dépenses.

La Cour a présenté trois pistes d’économies : réduire le montant du crédit alloué aux jeunes de 18 ans ; le soumettre à des conditions de ressources ; et cibler les bénéficiaires selon des critères sociaux ou territoriaux.

Par ailleurs, il semble souhaitable de transformer la SAS en opérateur public afin qu’un contrôle plus étroit de son action puisse être exercé par le ministère et par le Parlement. Que pensez-vous de ces options ?

Enfin, je rappelle que notre assemblée a acté le besoin d’économies du dispositif en opérant une ponction de 65 millions d’euros sur ses crédits lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Cette décision appelle des ajustements.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Vous aurez remarqué, monsieur le sénateur, que les dépenses ici considérées sont figées pour 2025. (M. Olivier Paccaud le concède.) Nous nous y tiendrons.

La SAS – je l’ai dit –, deviendra un opérateur public directement placé sous la tutelle du ministère, afin que le contrôle sur le dispositif et dès lors la transparence soient renforcés.

En février 2024, lors de ma prise de fonctions, j’ai eu l’idée de créer un fonds de dotation à même d’accueillir les soutiens financiers issus du mécénat, ainsi que d’éventuels crédits de la Caisse des dépôts ou d’autres financeurs.

J’ai aussi commencé à chercher le bon véhicule juridique pour ce faire. Mais puisque la SAS va devenir un opérateur public, nous pourrons, sans passer par ce biais, ouvrir le dispositif au mécénat. Je pense notamment au mécénat d’entreprise, qui se développe de plus en plus, pour l’insertion ou la réinsertion des jeunes.

Cette année, en revanche, du fait de la coupe budgétaire quelque peu brutale à laquelle nous avons dû procéder, il faudra mieux cibler les nouveaux bénéficiaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Je tenais à ajouter ces mots : vive le Puy du Fou,… (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Et la fête de LHumanité ! (Nouveaux sourires.)

M. Olivier Paccaud. … cet admirable écrin de spectacles vivants puisant aux sources du roman national, qui, en outre, exporte son concept mémoriel fédérateur.

Bravo, madame la ministre, d’avoir rendu sa cinéscénie éligible au pass Culture ! Mais les animations du Puy du Fou, qui ne sont pas des manèges – M. Ziane l’a très bien dit –, mériteraient aussi d’être incluses dans ce dispositif.

Encore une fois, vive le Puy du Fou (Mme la ministre rit.), cette merveilleuse réussite française ! (M. Francis Szpiner applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Puisque j’interviens en quinzième position, mes propos, je le crains, manqueront un peu d’originalité…

Le pass Culture suit un objectif ambitieux de démocratisation culturelle, mais il présente aussi certaines limites, notamment en milieu rural.

Il convient de souligner que l’offre collective est un véritable atout du pass Culture : elle permet à des scolaires de faire des expériences culturelles à moindre coût.

J’ai récemment reçu au Sénat un groupe d’élèves d’un lycée de la Manche, qui, grâce à ce dispositif, ont pu organiser un voyage de deux jours à Paris, incluant notamment une sortie au théâtre et la visite du Panthéon. Je ne suis pas certaine qu’ils se seraient permis de le faire sans le pass Culture…

Ce type d’initiative, essentiel pour nos jeunes, doit être soutenu et encouragé. Mais le problème du financement demeure.

J’ai bien compris, madame le ministre, que vous entendiez mettre en place une coordination avec les collectivités pour le renforcer.

Même s’il peut exister des doublons, il est certain que l’économie de nos territoires a profité de la part individuelle du pass. À cet égard, je tiens à remercier M. Ouzoulias : comme il l’a souligné, le prix unique du livre est primordial pour nos librairies.

Je souhaite soulever un point plus problématique : l’opacité de l’attribution des agréments, dont souffrent les structures de spectacle vivant. Il faudra ouvrir largement cette offre, afin que tous les spectacles puissent en bénéficier. La culture ne se limite pas à la lecture ou au cinéma ; elle peut prendre bien d’autres formes.

Ma question, je vous le disais, n’est guère originale : quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour assouplir et clarifier le processus d’agrément ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Au sujet de la mobilité, madame la sénatrice, vous avez raison. Comme je l’ai indiqué, nous allons généraliser en 2025, en concertation avec les collectivités territoriales, les dispositifs relatifs à la mobilité que nous avons expérimentés en 2024.

Quant aux critères d’éligibilité, ils vont devenir plus transparents. Comme ils seront connus de tous, il sera plus facile de postuler et, éventuellement, de former des recours.

Souvent, et cela m’a également frappée, l’on retrouve les mêmes offres de spectacles. Mais la géolocalisation permettra d’en dénicher de nouvelles, et elle incitera les uns et les autres à rejoindre le champ du pass Culture. Cela favorisera le spectacle vivant dans son ensemble et les activités culturelles implantées localement.

Je citerai l’exemple du plan Fanfare, que je suis très fière d’avoir lancé. Ce plan a très bien fonctionné en 2024 et marchera encore mieux en 2025. Dans ce cas précis, le soutien territorial a permis une intégration dans le pass Culture.

De même, le plan Cabaret permet de soutenir 200 établissements en France. Nous parlons, en l’occurrence, d’une véritable activité culturelle et d’une spécificité française.

Les activités que je viens de citer, et qui restaient largement à l’écart du pass Culture, pourront désormais y trouver leur place. Bien sûr, il ne s’agit pas d’envoyer des gamins de 14 ans au cabaret… Mais je rappelle qu’à cette activité sont attachés de véritables métiers d’art, lesquels peuvent donner accès à la culture. (M. Patrick Chaize et Mme Béatrice Gosselin opinent.)

La géolocalisation ainsi qu’une concertation de proximité avec les élus locaux permettront de proposer une offre culturelle plus fine, aussi riche que la France l’est de sa culture.

Enfin, il faut évidemment maintenir le prix unique du livre, cette exception culturelle française.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ces temps incertains, notre action ne peut que s’appuyer sur le consensus ; et, précisément, en conclusion de ce débat, un certain consensus se dégage dans notre hémicycle.

Premièrement, il était à l’évidence grand temps que nous débattions du pass Culture, et je remercie le groupe Union Centriste d’avoir pris cette initiative.

Deuxièmement, au vu de la différence entre part collective et part individuelle, il apparaît que le dispositif doit être réformé.

La part collective donne satisfaction et mérite d’être développée, même si des évolutions sont nécessaires. Les enseignants se sont appropriés l’outil : le pass leur donne les moyens de prendre des initiatives et nourrit incontestablement l’éducation artistique et culturelle dans les établissements. Pour autant, il ne s’agit que d’un outil et non d’une fin en soi.

Quant à la part individuelle du pass Culture, elle inspire beaucoup plus de critiques.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions des rapports de la Cour des comptes et de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac). Madame la ministre, avant même que ces travaux ne soient publiés, vous aviez conscience que « ce dispositif peine à être un outil d’émancipation culturelle et d’accès à la culture pour ceux qui en sont le plus éloignés ».

La part individuelle du pass Culture coûte à l’État près de 250 millions d’euros par an, soit le triple de la part collective, dont j’ai souligné à la fois l’intérêt et le potentiel. Dès lors, on s’interroge…

Dans cette assemblée, les avis convergent : si le pass ne se surpasse pas, c’est sûr qu’il va finir par trépasser ! (Sourires. – M. Laurent Lafon sexclame. – M. Pierre Ouzoulias applaudit.) Il doit donc encore faire ses preuves en tant qu’outil de démocratisation de la culture.

Certes, il s’est déjà progressivement ajusté. À preuve, 84 % des jeunes sont inscrits ; mais en bénéficient-ils ? C’est une autre affaire…

Le livre reste le plus présent dans les dépenses, et la part des mangas a été divisée par deux en trois ans.

Le récent recours à la médiation culturelle a renforcé l’utilisation du pass Culture en faveur du spectacle vivant, dont la fréquentation a augmenté de 30 % en quelques mois.

L’enjeu est donc de recentrer le dispositif pour lui permettre d’atteindre ses objectifs à un coût maîtrisé. Vous préparez une réforme structurelle en ce sens. Compte tenu de son coût, le pass ne doit ni se retrouver dans l’impasse ni faire l’objet d’un tour de passe-passe ! (Sourires. – Mme la ministre rit.)

C’est pour vous permettre de présenter cette réforme que, lors de l’examen du PLF, la commission de la culture a refusé de réduire trop fortement les crédits du pass Culture.

Le débat de cette après-midi nous aura permis de préciser les contours d’une réforme dont nous pouvons maintenant brosser le portrait-robot.

Il faut, tout d’abord, démocratiser et conforter la part collective en l’élargissant à d’autres structures, comme les maisons des jeunes et de la culture (MJC), les maisons de quartier, les centres sociaux, etc.

Quant à la part individuelle, il convient également de la démocratiser et de l’élargir à d’autres publics, comme les jeunes apprentis.

Le pass doit aussi être un outil de lutte contre la ségrégation culturelle par le lieu d’habitation. Il s’agit d’« aller vers » et de saisir toutes les occasions de financer les déplacements vers l’offre culturelle.

Il faut, par ailleurs, valoriser davantage le spectacle vivant via le recours à la médiation, à l’éditorialisation, et peut-être le fléchage d’une part des dépenses autorisées. La médiation tient encore ; elle demeure le meilleur outil d’accès à la culture.

La géolocalisation pourra être proposée afin de mieux valoriser l’offre de proximité, financée essentiellement par les collectivités territoriales.

Enfin, il convient de réformer la gouvernance et la gestion du dispositif pour les rendre à la fois plus transparentes et plus démocratiques.

La transparence revient à ouvrir le capot pour voir comment le moteur fonctionne. À cet égard, une SAS publique était une solution quelque peu incongrue et difficile à suivre…

En effet, des zones d’ombre demeurent. L’équation financière du pass reste nébuleuse et son fonctionnement particulièrement intrigant. De plus, il devait, au départ, être financé à hauteur de 80 % par des ressources extérieures. Elles ne sont toujours pas là !

Madame la ministre, vous avez en outre souligné à de multiples reprises l’importance du plan Culture et ruralité que vous avez lancé. Le pass Culture doit entrer dans le périmètre de ce plan.

D’une manière générale, le pass aura atteint son objectif quand les déterminants sociaux, territoriaux, familiaux, ainsi que les situations de handicap, dont a parlé Catherine Morin-Desailly, n’en limiteront plus l’usage. C’est ambitieux, et cela reste à faire.

Le pass n’est qu’une pierre de l’édifice des droits culturels. À cet égard, notre politique reste largement à construire.

Nous serons attentifs aux réponses apportées à toutes nos questions et surveillerons les contours de cette réforme nécessaire. Pour que le pass ne soit ni une passade ni de passage, il devra être plus efficace et devenir plus efficient ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SER. – M. Patrick Chaize, Mme Nadège Havet et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, je vous remercie de vos propos souvent imagés, qui résument très bien notre discussion de cette après-midi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat dont la demande faisait l’unanimité, ainsi que des échanges très constructifs que nous avons eus.

Je me réjouis de vous avoir convaincus de la nécessité de maintenir la part individuelle du pass Culture. Il ne faut pas oublier le nombre de jeunes concernés. Dans un pays en proie au repli, au rejet de l’autre, voire parfois au séparatisme, il est capital de maintenir cet accès à la culture pour les jeunes les plus vulnérables et les plus fragiles, pour ceux qui sont les plus éloignés d’elle.

J’espère que notre volonté de réduire la diminution des crédits attribués à la part individuelle sera entendue lors des ultimes arbitrages budgétaires. La part individuelle est très utile pour de nombreux jeunes, qui ont réellement besoin d’être accompagnés. Il ne faut pas les lâcher : pour eux, la culture est la voie d’accès aux droits fondamentaux, à l’émancipation et à la liberté.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quel avenir pour le pass Culture ? »

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-deux.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée
Article 1er

Structures, comités, conseils et commissions « Théodule »

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée, présentée par Mme Nathalie Goulet (proposition n° 29, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi.

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est assez rare qu’un texte somme toute peu ambitieux fasse ainsi l’unanimité contre lui et, par voie de conséquence, contre son auteur. (Sourires.)

Contrairement à ce que certains ont pu dire hier matin en commission des lois, je ne suis pas irresponsable ! Et mes collègues du groupe Union Centriste, qui ont voté ce texte et accepté de l’inscrire dans leur niche parlementaire, le sont encore moins.

Certains m’ont conseillé de retirer cette proposition de loi de l’ordre du jour pour éviter des débats houleux et, en cas d’adoption, un épouvantable « massacre à la tronçonneuse ». Or notre groupe a choisi de débattre : entrons donc sans plus tarder dans le vif du sujet.

La lecture des documents budgétaires est une source inépuisable de surprises et d’interrogations. (Sourires sur les travées du groupe UC.) En annexe du projet de loi de finances (PLF) figure ainsi un jaune budgétaire énumérant les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres, au nombre de 317 aujourd’hui.

À la suite des travaux de Samuel-Frédéric Servière, chercheur à la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), je tiens à vous rappeler la faiblesse et les carences de ladite source.

Ce document ne fournit aucun décompte des effectifs support assurant le fonctionnement de ces instances ni aucune indication des coûts de fonctionnement y afférents – rédaction des minutes et des verbatim des réunions, comptes rendus et relevés de décisions, rédaction des avis, etc.

En outre, certaines commissions présentes une année dans ce document en disparaissent l’année suivante, sans explication. Je pense à la commission des conseillers en génétique, qui figure dans le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2024, mais disparaît de celui annexé au projet de loi de finances pour 2025.

Enfin, les données y sont livrées brutes, sans consolidation ni synthèse, ce qui en rend le maniement particulièrement malaisé.

Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle ces comités n’entraînent aucun coût est particulièrement incertaine. D’ailleurs, combien coûte l’élaboration d’un jaune budgétaire, qui réclame lui-même beaucoup de temps et d’énergie ?

Monsieur le ministre, le texte que nous nous apprêtons à examiner est ce qu’un éditeur pourrait appeler une version martyre. C’est un ballon d’essai pour des projets plus ambitieux, à savoir la refonte de nos administrations, des comités « Théodule », des agences de l’État, des hauts conseils et des opérateurs qui surchargent notre architecture administrative.

À ce titre, j’attends avec grand intérêt les travaux de la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, lancée par nos collègues du groupe Les Républicains.

Lorsqu’il était Premier ministre, Gabriel Attal avait souhaité relancer le mouvement de simplification en annonçant une nouvelle règle toute simple : « Tous les organes, tous les organismes, tous les comités ou autres qui ne se sont pas réunis ces douze derniers mois seront supprimés par règle générale. »

À cet égard, nous devons commencer par balayer devant notre porte, puisqu’un certain nombre de ces organismes ont été créés par voie législative. Il nous revient sûrement d’être plus prudents et pragmatiques.

Sur le fond, ma démarche est assez simple : j’ai retenu, dans la liste des comités relevant du domaine législatif, ceux qui ne s’étaient pas réunis depuis un certain temps et dont l’utilité, de mon point de vue, n’était pas avérée.

Je dois reconnaître une erreur d’appréciation – faute avouée est à moitié pardonnée. (Sourires.) La demande de suppression de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires n’était pas justifiée ; nos collègues ultramarins le confirmeront. Cette erreur a été corrigée, et c’est très bien ainsi.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner quelques exemples de comités que nous pourrions supprimer.

Nous proposons la suppression du comité du secret statistique. Certains l’estiment impossible, au motif que cette instance est tenue « de se prononcer sur toute question relative au secret en matière de statistique » et que sa disparition entraînerait une perte de confiance de la part du public. Or nous proposons de fusionner ce comité avec le Conseil national de l’information statistique, sachant que dans les mêmes domaines existent aussi l’Autorité de la statistique publique, la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

J’ai compris que la suppression du Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, prévue à l’article 15, susciterait un certain nombre de débats. Les auteurs de l’amendement n° 12 avancent que, si ce comité ne s’est pas réuni, c’est parce que le Gouvernement ne s’y intéresse pas. Au contraire, il s’y intéresse, puisqu’en 2023 il a déclenché une enquête de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) à son sujet.

Les tenants du maintien de ce comité seraient d’ailleurs bien en peine d’en citer un seul membre, pour une raison très simple : aucun d’eux n’a été renouvelé.

Les ministères compétents estiment qu’ils peuvent parfaitement gérer les missions de ce petit Parlement de la culture ; mais le ministère de la culture fait savoir qu’il en souhaite la suppression, quand le ministère de l’éducation nationale veut simplement en réduire la voilure. Mes chers collègues, je vous propose d’aider ces ministères : que l’on supprime ce comité et que l’on reprenne directement le sujet.

Qui peut réellement croire que le désengorgement de la justice sera l’œuvre du Conseil national de la médiation, lequel ne s’est pas réuni l’année dernière ?

Je propose de fusionner l’Observatoire national de la politique de la ville et le Conseil national des villes, qui, à mon sens, font doublon. On me dit qu’il faut maintenir cet observatoire : pourquoi ? Le fait qu’il « se réunisse peu en session plénière » ne serait pas « en soi un critère permettant de conclure à son inutilité ». Mais s’il ne se réunit pas, comment juger de son utilité ? Avouez qu’il y a de quoi s’interroger.

De même, on m’assure que la commission de la rémunération équitable, dont l’article 21 prévoit la suppression, doit être maintenue. Mais elle n’a tenu aucune réunion !

Je propose de fusionner l’Observatoire de l’alimentation et le Conseil national de l’alimentation : on me répond que c’est impossible.

Je vous ai gardé le meilleur pour la fin : bienvenue en Absurdistan ! À l’article 19, l’amendement n° 38 vise à préserver la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières. « En l’absence d’éléments démontrant l’inutilité » de cette commission, il conviendrait de la conserver.

Monsieur le ministre, je crois qu’il faut changer de logiciel. Il ne s’agit pas de constater l’absence de preuve de l’inutilité de ces comités, mais, au contraire, d’en prouver l’utilité foncière.

Je l’admets, la procédure retenue n’est peut-être pas la plus judicieuse et nous avons dû procéder de manière un peu rapide. Nous examinons cette proposition de loi dans le cadre d’une humble niche parlementaire, et un sujet de cette importance aurait mérité un travail plus précis. Mais il faut au moins définir une méthode pour tenter d’éclaircir le paysage.

Permettez-moi de faire le parallèle avec un autre sujet. Par le passé, je me suis penchée avec notre ancienne collègue Éliane Assassi et notre collègue Arnaud Bazin sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. La proposition de loi adoptée par le Sénat à la suite de ces travaux est d’ailleurs restée bien en deçà des recommandations de la commission d’enquête.

Et voilà que, le 17 décembre dernier, Bercy lance un appel d’offre de 3 millions d’euros relatif à des prestations d’appui à l’administration dans le cadre de restructurations ou de transformations d’entreprises. C’est curieux, car c’est exactement le type de sujet pour lequel l’administration est déjà armée.

L’idée de cette proposition de loi est de lancer un débat, pour que nos choix d’organismes à supprimer soient plus précis et plus exigeants ; pour qu’ils ne soient pas dictés par des questions de personnes.

Il faut s’attaquer au cœur du sujet, car les planètes sont alignées pour réaliser ce travail : le Parlement y est parfaitement décidé, et il me semble, monsieur le ministre, qu’à l’instar de votre prédécesseur vous êtes très impliqué dans ce dossier.

Un cercle vertueux pourrait ainsi être amorcé : sur la base d’une revue annuelle d’activité, les organismes inactifs se verraient sanctionnés par une mesure de suppression, ou par la fusion avec une entité voisine – exception faite, évidemment, des instances critiques et de sécurité.

Toutefois, un effet pervers est également possible, comme nous le verrons dans la suite du débat : certains organismes se mettent à bouger la queue quand on essaie de leur couper la tête. (Sourires.) Brusquement, un ou deux comités ont ainsi lancé, ces dernières semaines, un plan ambitieux pour l’année à venir, alors qu’aucune activité n’avait été constatée jusque-là.

Monsieur le ministre, l’examen de cette proposition de loi aura peut-être le mérite d’engager une stratégie. Même si les volumes budgétaires considérés sont extrêmement faibles, nous sommes tous convaincus qu’il faut revoir le fonctionnement de l’État. Encore une fois, même si ces instances ne coûtent pas d’argent sur le papier, elles coûtent en équivalents temps plein (ETP), pour l’organisation des réunions ou leur gestion administrative.

Pour ces raisons, les élus du groupe Union Centriste ont décidé de maintenir l’examen de ce texte. Manifestement, il n’intéresse pas grand monde – les travées de l’hémicycle sont en effet assez dépeuplées –, mais ce n’est pas grave : il nous intéresse, et c’est bien l’essentiel…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous sommes là ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Je salue en particulier la présence de Mme la présidente de la commission des lois, qui, je le sais, est très attentive à ces sujets.

Je le redis, ce texte est un ballon d’essai. Monsieur le ministre, il faudra saisir la balle au bond pour continuer ce travail.

Je souhaite encore une fois beaucoup de courage à nos collègues qui participeront à la commission d’enquête demandée par le groupe Les Républicains. Les agences et les opérateurs de l’État qui seront auditionnés feront sans doute beaucoup de résistance. Au-delà du coût et du poids de ces organismes, des questions de conflit d’intérêt se poseront. Comme lors de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic ou celle sur l’influence des cabinets de conseil, le Sénat fera ce qu’il fait de mieux : son travail de contrôle, notamment budgétaire.

Monsieur le ministre, vous nous trouverez à vos côtés pour réformer l’État, qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le président de la commission des lois et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un discours prononcé le 26 septembre 1963 à Orange, le général de Gaulle déclare que « l’essentiel, pour lui, ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte », mais « ce qui est utile au peuple français ».

Seul le « comité Théodule » est passé à la postérité, en entrant dans le langage courant.

Le nombre exact de ces comités, conseils et commissions est longtemps resté inconnu. Il a fallu attendre la loi de finances pour 1996 pour que le législateur en impose le recensement annuel dans un jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances, dont Nathalie Goulet vient de rappeler le caractère perfectible.

C’est dans la continuité des initiatives prises par le Sénat pour mesurer l’utilité de ces instances que j’ai mené mon travail de rapporteur, au nom de la commission des lois.

Il y a près de vingt ans, le 15 février 2007, le Sénat adoptait un rapport précurseur sur les instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre. Plus de 800 instances y étaient recensées, et nos prédécesseurs concluaient à l’urgence d’entamer une rationalisation du paysage administratif.

De longue date, le Sénat a eu à cœur de mener un travail de simplification des normes et des procédures, au service des citoyens et des entreprises. La maîtrise du nombre de ces instances en fait pleinement partie.

Depuis le travail commencé par le Sénat en 2007, les gouvernements successifs ont fait leur cette volonté de rationalisation. Diverses bonnes pratiques ont été adoptées, visant, à terme, à réduire le nombre de ces instances. En quinze ans, ce dernier est passé de 800 à 317, baissant ainsi de plus de 60 %.

Cet effort s’est notamment traduit par l’instauration de règles visant à limiter la création de nouvelles instances : en 2012, toute création devait correspondre à une suppression ; et, depuis 2018, toute création d’instance doit être gagée par la suppression de deux autres. On est donc passé du « un pour un » au « deux pour un ».

La durée d’existence des instances réglementaires a également été limitée à cinq ans, leur renouvellement étant assorti d’une étude d’impact préalable.

Enfin, par vagues régulières, la suppression d’instances a été décidée par voie législative, notamment grâce à la forte mobilisation du Sénat. Je pense notamment à la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, qui a conduit à la suppression de treize instances, ainsi qu’au projet de loi de simplification de la vie économique, étudié par le Sénat au printemps dernier, à l’occasion duquel la suppression de cinq instances supplémentaires a été entérinée.

La maîtrise du nombre de ces instances reste néanmoins un souci constant, tant il est vrai que leur création constitue parfois une solution de facilité pour le Gouvernement et pour le législateur. La réduction de leur nombre tend à marquer le pas ; celui-ci a même augmenté en 2022 et en 2023, et l’année 2024 n’a vu la suppression nette que d’une seule instance.

La proposition de loi déposée par notre collègue Nathalie Goulet illustre ainsi, une fois de plus, la volonté du Sénat de faire œuvre utile en matière de rationalisation administrative.

Mme Goulet propose la suppression de certaines instances délibératives et consultatives devenues caduques ou inutiles.

Avant d’entrer dans le détail du texte, permettez-moi de souligner que, si l’objet de cette proposition de loi est vaste, les instances délibératives et consultatives qui y sont mentionnées sont, en matière de simplification administrative, l’arbre qui cache la forêt.

Le nombre, le coût et les prérogatives confiées à ces instances sont sans commune mesure avec ceux des opérateurs et des agences de l’État. L’enchevêtrement des compétences, les coûts pour les finances publiques et la lenteur administrative provoqués par ces derniers représentent, pour l’efficacité de l’action de l’État, un poids bien plus significatif que ceux des instances dont il sera question aujourd’hui.

Si je salue une nouvelle fois l’ambition de cette proposition de loi, je forme le vœu que le Sénat continue de se battre pour la simplification, qu’il se penche avec sérieux et lucidité sur l’ensemble des sources de rationalisation du paysage administratif, y compris, d’ailleurs, à l’échelle de nos territoires.

Je me réjouis donc de la décision, prise hier par la conférence des présidents, de créer une commission d’enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, afin de dresser un constat complet et objectif de l’utilité de toutes ces instances.

Mes chers collègues, je vous rappelle combien l’exercice de rationalisation nécessite de rigueur, d’objectivité et d’exactitude.

En effet, les instances dont la suppression sera débattue cette après-midi disposent toutes d’une base législative, ce qui signifie que nous, législateurs, avons approuvé leur création, parfois très récemment.

Mme Muriel Jourda, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Veillons donc à ne pas légiférer à la hâte, à ne pas supprimer des instances qui permettent au Parlement d’exercer ses missions de suivi et de contrôle de l’action gouvernementale.

Au reste, d’autres structures ont été créées pour favoriser le dialogue et la concertation au sein de certains secteurs d’activité. Elles éclairent ainsi utilement la prise de décision politique et administrative.

Cela étant, ne versons pas non plus dans l’excès de prudence. J’entends Nathalie Goulet : le but premier de cette proposition de loi est bien de faciliter la vie administrative des citoyens et des entreprises de notre pays.

C’est à l’aune de ces deux enjeux que la commission a abordé le présent texte, en cherchant à apprécier l’utilité de chaque instance au regard de son objet, de la réalité et de l’intérêt de son activité, et en examinant la nécessité d’une base législative.

En conséquence, la suppression de quatre instances a été écartée lors de l’examen en commission. Il est en effet apparu qu’elles assuraient un éclairage utile tant au Gouvernement qu’au Parlement sur des sujets politiques de premier plan, ou constituaient des espaces de concertation pertinents pour les collectivités territoriales.

Parallèlement aux suppressions sèches, la commission a parfois jugé utile de procéder à la fusion de certaines instances. Nous en discuterons tout à l’heure.

En outre, j’ai proposé à la commission des lois de supprimer cinq instances ne figurant pas dans le texte initial, alors qu’elles sont inactives depuis fort longtemps.

Mes chers collègues, en conservant cette méthode fondée sur l’objectivité et la rigueur, je vous proposerai d’adopter plusieurs amendements visant à préserver des instances dont la suppression pourrait s’avérer plus regrettable que le maintien.

À mon sens, ces ajustements ne trahissent ni l’esprit ni l’ambition de la version initiale de cette proposition de loi. Ils permettent de ne supprimer que les instances dont l’inutilité est avérée.

Qui plus est, les organismes dont la suppression sera écartée aujourd’hui feront l’objet d’un réexamen régulier. Dès lors, je souhaite que ce texte en appelle d’autres, dans l’esprit du travail sénatorial du Bureau d’abrogation des lois anciennes et inutiles, qui a abouti à trois textes dits Balai, visant l’abrogation de lois obsolètes.

Je n’ai l’âme ni d’un collectionneur ni d’un conservateur. Mais, dans cette perspective, je souligne à quel point le travail parlementaire gagnerait à bénéficier d’outils de suivi plus précis. Des progrès semblent en effet indispensables pour que la représentation nationale dispose d’informations plus complètes quant à l’activité de ces instances.

Ainsi, chacune d’elle pourrait être tenue de fournir régulièrement le bilan détaillé de ses activités. De même, une plus grande transparence des méthodes de calcul des coûts de fonctionnement présentés dans le jaune budgétaire serait souhaitable.

Monsieur le ministre, j’espère que vous tracerez des perspectives en ce sens et que vous favoriserez, ce faisant, le travail interministériel. J’y insiste, l’engagement du Sénat doit s’appuyer sur des éléments factuels et plus objectifs. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme le président de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre de laction publique, de la fonction publique et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai avec M. le rapporteur un premier point commun : la citation du général de Gaulle par laquelle s’ouvrent nos deux discours. (Sourires.)

Mme Muriel Jourda, président de la commission des lois. Cela commence bien ! (Nouveaux sourires.)

M. Laurent Marcangeli, ministre. Nous avons les mêmes références : c’est effectivement un bon début.

Si je souhaite faire à mon tour ce clin d’œil historique, ce n’est pas pour faire sourire, mais parce que la phrase en question me semble parfaitement résumer le sens de nos débats.

De Gaulle disait : « L’essentiel […], ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte ; l’essentiel […], c’est ce qui est utile au peuple français, ce que sent, ce que veut le peuple français ».

Cette expression est à l’image des comités qu’elle décrit : à force, plus personne ne sait d’où elle vient ni ce à quoi elle renvoie.

Madame Goulet, disons-le d’emblée : je suis d’accord avec vous, il faut supprimer les comités et les commissions qui brouillent la lisibilité de l’action publique, voire nuisent à l’efficacité de l’État. Pour autant, cette contribution à la lutte contre le fameux « millefeuille administratif » de notre pays s’inscrit dans un cadre plus vaste, celui de la simplification, chantier que j’entends conduire en tant que ministre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que la simplification est un travail de longue haleine. Je compte le mener avec exigence, aux côtés de tous les acteurs de notre société.

Le cap est clair : moins de gestion administrative pour plus de services publics et de meilleurs services publics. Ma priorité en tant que ministre sera de simplifier la vie des agents, des entreprises et des Français, ainsi que de coordonner l’action du Gouvernement sur ce sujet.

Pour y parvenir, nous disposons de plusieurs outils.

Tout d’abord, avec l’appui de mon collègue ministre de l’économie, Éric Lombard, je reprendrai la main sur le projet de loi de simplification de la vie économique, évoqué par M. le rapporteur. Ce texte, adopté par le Sénat en octobre dernier, sera prochainement examiné par l’Assemblée nationale.

Dans un autre registre, je réunirai au printemps prochain l’ensemble de mes collègues du Gouvernement, sous l’égide du Premier ministre, afin que chacun d’eux présente des mesures concrètes de simplification.

La simplification n’a de sens que si elle est utile aux Français : simplifier pour simplifier n’a pas de sens.

La proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée s’inscrit dans une démarche de simplification législative et réglementaire que je compte bien mobiliser.

Nous le savons tous, l’effort de suppression de ces comités ne contribue pas significativement à l’effort d’économies budgétaire – il faut être lucide. Toutefois, ce travail concourt à une meilleure lisibilité de l’action publique. C’est la dimension symbolique de la simplification. Cette proposition de loi est importante, car elle viendra nourrir les réflexions de l’Assemblée nationale sur l’article 1er du projet de loi de simplification de la vie économique.

Votre commission des lois n’a d’ailleurs pas manqué d’inscrire dans le présent texte des suppressions précédemment actées par la Haute Assemblée.

Je salue la volonté du Sénat et notamment du président Darnaud de s’attaquer à un autre chantier : celui des opérateurs et agences de l’État.

À ce titre, je soutiens son initiative de lancer une commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, laquelle permettra d’évaluer finement leurs coûts et leurs missions. Je suivrai avec attention ces travaux, qui contribueront à alimenter notre réflexion pour réformer en profondeur l’organisation de l’État.

Comme vous le savez, M. le Premier ministre a annoncé très clairement sa volonté de réformer l’organisation de l’État et de rationaliser l’action de ses agences. Cette décision s’inscrit dans un effort au long cours : je ne peux pas vous laisser dire que l’État n’a pas agi ces dernières années en la matière.

Depuis 2010, nous avons réduit de 39 % le nombre des commissions, ainsi abaissé de 799 à 313. Entre 2017 et 2020, sous l’impulsion du Premier ministre Édouard Philippe, les suppressions se sont multipliées, même si nous pouvons et devons probablement aller plus loin. Toutefois, il est faux d’affirmer que l’État n’a pas été au rendez-vous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que les parlementaires – et j’étais moi-même député il y a peu – fassent leur propre examen de conscience, dans la mesure où ils sont à l’origine de nombreuses créations de comités et commissions : à l’heure actuelle, les deux tiers sont désormais d’origine législative.

Un tel constat doit nous alerter. Dans certains cas, ces commissions ne relèvent sans doute pas du domaine de la loi. Simplifier, c’est aussi mieux légiférer.

Évidemment, si je voulais être populaire, je vous promettrais du sang, des larmes et des coups de tronçonneuse. Mais je ne suis pas de ceux qui adoptent des postures radicales à des fins de communication. Au contraire, je suis convaincu que nous devons aborder cette question de manière pragmatique, raisonnable et méthodique, comme l’a dit M. le rapporteur. Je ne crois pas à une quelconque potion magique simplificatrice.

Le nombre d’amendements visant à rétablir des comités supprimés par cette proposition de loi en témoigne : les différents groupes de cette chambre font leur une telle vision. À l’évidence, nous entendons tous séparer le bon grain de l’ivraie.

Disons-le : quand on rase une forêt au bulldozer, on abat aussi des arbres en bonne santé, dont la présence est essentielle.

Oui, je suis convaincu que nous devons simplifier. Oui, je crois que c’est vital pour l’efficacité de l’action publique. Non, je n’aurai pas la main qui tremble pour supprimer des comités, dès lors que nous aurons prouvé leur inefficience. Mais, je vous en prie, supprimons avec discernement, sur la base d’une méthode reposant sur trois critères.

Premièrement, nous devons nous assurer de la redondance de ces comités avec d’autres services ou organismes.

Deuxièmement, il faut prendre en compte l’activité effective des commissions en question.

Troisièmement, chaque suppression doit améliorer la lisibilité de l’action publique.

Enfin, changeons de regard sur la simplification. La charge de la preuve doit être inversée : au lieu de chercher à établir l’inutilité d’un comité, regardons d’abord ce qu’il apporte à nos concitoyens. Sortons de la critique facile au profit d’une analyse objective : c’est ce que nos concitoyens attendent de nous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Je vous ai présenté le contexte politique de simplification dans lequel s’inscrit ce texte. Et, en détaillant ce panorama, j’ai voulu vous dire l’état d’esprit dans lequel j’entends travailler : simplifier oui, mais avec intelligence, méthode et clairvoyance, avec équilibre et rigueur.

Maintenant, étudions ensemble les comités concernés, au cas par cas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou.

M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi visant à supprimer dix-sept organismes dits Théodule, contre vingt-sept figurant dans la rédaction initiale. Selon son auteur, Nathalie Goulet, leur « utilité ne semble pas avérée ».

Nous reconnaissons l’intérêt légitime d’une telle démarche, que nous ne pouvons que soutenir dans son principe, ainsi que l’implication de notre collègue en la matière. Toutefois, lors de premiers échanges avec l’intéressée, j’ai pu faire part de ma perplexité sur le contenu même du texte, notamment sur les critères retenus pour déterminer les comités concernés. Ce sentiment s’est renforcé au fur et à mesure des débats qui ont eu lieu en commission.

D’après l’exposé des motifs, les partisans du maintien de ces organismes devraient déployer une certaine « imagination » pour justifier leur position. Ils en ont fait preuve ! En témoignent les nombreux amendements, y compris ceux qu’a déposés M. le rapporteur.

En effet, l’ensemble des comités mentionnés étant d’emblée qualifiés d’« inutiles », cette proposition de loi est dominée par une vision partiale. Vous reconnaissez d’ailleurs, madame Goulet, vous être essentiellement appuyée sur le jaune budgétaire de cette année, texte annexe au projet de loi de finances, pour proposer la suppression de ces organismes sur le seul fondement de la tenue ou non de réunions. Pourtant, certaines de ces structures – nous vous l’avons dit – ne se réunissent que sur demande, lorsqu’un motif le justifie !

En analysant attentivement les vingt-sept comités figurant dans la rédaction initiale de la proposition de loi, il est apparu rapidement que la situation était bien plus complexe que celle qui est décrite dans l’exposé des motifs. Nous ne pouvons pas juger de l’utilité d’un organisme à partir du seul critère du nombre de réunions organisées et sans mise en regard avec l’objectif et les missions qui lui sont fixés. Prenons l’exemple de la suppression de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, que vous avez donné vous-même. Cette mesure a provoqué à juste titre des réactions, que vous avez su pleinement entendre.

Nous reconnaissons tous que l’évaluation, la clarification et la simplification administrative sont des chantiers indispensables pour garantir l’efficacité des politiques publiques. Pour ce faire, il est indispensable d’aborder la question de façon objective, avec une méthode et des critères plus précis. À ce titre, je salue le travail de M. le rapporteur, lequel, au fil des débats en commission, s’est efforcé avec pragmatisme, ouverture et rigueur d’introduire un peu de discernement – le terme a été employé – au sein des propositions formulées.

Sont désormais exclus du texte plusieurs organismes. Je n’en citerai que quelques-uns.

Sont ainsi concernés le Conseil national des opérations funéraires, indispensable pour légiférer sur un secteur sujet à de nombreuses attentes, la commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, grâce à une mobilisation assez forte en faveur de son maintien, la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), qui a pour mission de favoriser le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales et qui se réunit très régulièrement, notamment pour évoquer les enjeux essentiels de notre diplomatie.

Malgré ces évolutions, la proposition de loi demeure insatisfaisante en l’état. Le rapporteur suggère d’ailleurs de nouvelles suppressions d’articles, remettant ainsi en cause l’abrogation des structures qui y sont visées. Comme vous l’avez évoqué, madame la sénatrice, de telles modifications réduiraient singulièrement l’ambition de ce texte.

Certains articles suscitent toujours des interrogations, car ils visent à abolir des structures dont le travail est reconnu, considéré comme crucial du fait de ses effets, notamment sur la mise en œuvre des décisions au sein des domaines concernés. Permettez-moi de prendre deux exemples.

D’une part, le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS) apporte une contribution majeure à la coconstruction des politiques publiques. Son maintien est demandé par l’ensemble des acteurs.

D’autre part, la suppression du comité du secret statistique au profit du Conseil national de l’information statistique revêt un faible intérêt dans la mesure où elle conduirait ce dernier à créer en son sein une sous-commission pour exercer les mêmes missions. Quel progrès !

Nous pourrions également prendre l’exemple d’autres structures : l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives… L’ensemble de ces organismes ont connu une forte mobilisation en leur faveur.

Cette proposition de loi est un peu dans l’air du temps : même si nous sommes loin de l’Argentine, nous entendons beaucoup parler de tronçonneuse… Malheureusement, le texte est bien éloigné de l’ambition initiale. Il ne répond pas à l’objectif partagé d’une simplification, pourtant nécessaire, des commissions et des instances consultatives.

En ce sens, lors de l’examen de ce texte en commission, nous avons proposé la création d’un groupe de travail transpartisan. Celui-ci permettrait de mener sur l’ensemble des 313 comités une étude plus méthodique, non partiale, et de faire preuve de discernement. Nous pourrions d’ailleurs nous appuyer sur les critères que vous avez évoqués, monsieur le ministre. En effet, ceux-ci pourraient tout à fait servir de fondement à notre travail afin de garantir l’objectivité de l’examen des contributions des différents comités.

Ce type de dispositif a déjà été mis en place par le Sénat, notamment dans le cadre de l’examen de la loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes, proposée par la mission Balai (Bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles).

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Christophe Chaillou. Dans la mesure où il est nécessaire d’œuvrer avec plus de rigueur, il ne nous semble pas possible d’acter aujourd’hui la suppression des comités Théodule concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à sincèrement remercier devant vous l’auteur de cette proposition de loi, Nathalie Goulet, ainsi que les membres de son groupe de cette initiative visant les structures, comités, conseils et commissions « Théodule ».

La semaine dernière, presque à la même heure, nous votions le projet de loi de finances pour 2025 après un lourd investissement de la Haute Assemblée. Malheureusement, tout débat est financier ! En effet, après plusieurs décennies d’accroissement de la dette, nos finances publiques ont connu un déficit majeur en 2024. Si la situation est préoccupante depuis plusieurs années, elle est devenue alarmante ces derniers mois.

Le gouvernement actuel envisage de limiter le déficit de 2025 à 5,4 % du PIB, toujours assez loin de la cible des 3 %. Le groupe Les Indépendants considère qu’une telle réduction ne peut pas passer par l’augmentation des impôts : ils sont déjà à des niveaux records. Il convient surtout de ne pas pénaliser les entreprises, afin de soutenir l’emploi, ni les particuliers.

Nous n’avons d’autre choix que de nous attaquer à l’hydre que représente la dépense publique dans notre pays, dont je rappelle qu’elle s’est élevée à 56,7 % du PIB en 2024. À ceux qui réclament toujours plus d’argent public et qui répètent que l’État n’en fait jamais assez, il faut répondre que le périmètre de ce dernier est trop étendu : à vouloir trop faire, il fait mal !

Cette suractivité étatique, observée lors de l’examen du budget, favorise aussi la prolifération de normes et comités. À ce titre, mon collègue des Ardennes, le maire de Charleville-Mézières Boris Ravignon, a travaillé à la simplification du millefeuille administratif territorial, un sujet d’actualité. En effet, nous en mesurons la complexité dans nos trois fonctions publiques – fonction publique d’État, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière.

De nombreuses procédures ont été mises en place afin de freiner la création de ces structures, voire d’en réduire le nombre. La profusion soulève toutefois des interrogations bien légitimes.

La proposition de loi de Nathalie Goulet a pour objet de lutter à son échelle contre cette tendance à la dispersion. C’est l’ensemble des membres du groupe Union Centriste qui, avec elle, nous invitent à supprimer quelques-uns des plus de 300 comités existants. En s’attaquant à vingt-sept d’entre eux, c’est moins de 10 % du stock qui est visé. Par le travail en commission et plusieurs amendements de séance, nos collègues entendent encore diminuer le nombre de structures en question.

Le faible montant des rémunérations ayant cours dans ces organismes laisse espérer que le pantouflage y est moindre qu’au sein des agences étatiques, comme les autorités indépendantes, sur lesquelles nous nous sommes penchés au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 ; elles représentent plus de 2 millions d’équivalents temps plein (ETP), ce qui n’est pas sans incidence sur le budget national. Certes, le nombre de postes est moindre dans ces comités, mais ces structures n’en restent pas moins le symptôme de l’éparpillement de l’action de l’État.

Benjamin Constant considérait que « la multiplicité des lois flatte dans les législateurs deux penchants naturels, le besoin d’agir et le plaisir de se croire nécessaires ». Hélas ! Ce qui est vrai pour les lois l’est aussi pour les comités consultatifs. Évidemment, certains parmi ces derniers sont utiles et nous devons nous garder de les supprimer trop hâtivement. Sans une étude précise de leur fonctionnement et de leur activité réelle, nous ne pourrons pas traiter efficacement le problème.

Une commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État verra bientôt le jour. Nous sommes convaincus que les frais de fonctionnement, le nombre d’ETP ou encore les locaux que les agents occupent méritent d’être évalués par la représentation nationale.

Nous souhaitons que ce texte ouvre la voie à un travail exhaustif de rationalisation portant non pas seulement sur les comités, mais plus largement sur l’action publique. Nous devons mieux évaluer les conséquences des lois que nous votons.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient l’important objectif qui nous est aujourd’hui soumis au travers de cette proposition de loi. C’est pourquoi il la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pauline Martin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains salue l’intention vertueuse qui sous-tend cette proposition de loi. Dans le prolongement du discours sur la simplification de l’action publique tenu depuis plus de deux décennies, celle-ci vise à amorcer concrètement la rationalisation administrative et la réduction des dépenses.

Il s’agit là des prémices d’un long cheminement qui consistera non pas à tout faire disparaître, mais bien à évaluer, tous ensemble, l’efficience de telle ou telle structure, son utilité et la pertinence de maintenir son indépendance, de l’intégrer à son ministère de référence ou, tout simplement, de procéder à des suppressions afin d’éviter les superpositions d’expertises. Cette exigence résulte de la mission de contrôle parlementaire que doit exercer le Sénat.

Le document annexé au projet de loi de finances, dit jaune budgétaire, dresse la liste exhaustive des comités, conseils, commissions, observatoires et autres. Il permet ainsi de mesurer leur périmètre. Par exemple, nous trouvons près de quarante de ces structures auprès du ministère de l’économie et des finances, qui compte lui-même plus de 130 000 agents !

Le phénomène est le même au sein du ministère de la culture autour duquel gravitent presque le même nombre d’organisations. Il est donc légitime et nécessaire d’interroger leur utilité. Je me pose des questions notamment sur la commission de la rémunération équitable, qui compte trente-neuf membres : même si ces derniers ne se sont jamais réunis ces trois dernières années, la structure rémunère, en 2023, sa présidente à hauteur de plusieurs milliers d’euros !

Il aurait été pertinent d’aller encore plus loin. Ainsi, au sein du ministère de la transition écologique, près de soixante autres conseils disposent de budgets parfois importants. Que dire également du secteur agricole, déjà saturé d’agences et d’opérateurs publics ?

L’objectif n’est pas de remettre en question la bonne foi ou la compétence des personnes impliquées dans ces structures, bien qu’il soit parfois tentant d’examiner de plus près les liens entre les nommés et ceux qui les nomment… Il s’agit plutôt de rendre plus lisible l’action publique.

Toute période de grande mouvance ou de crise financière est propice aux interrogations. Nous devons, tout particulièrement dans ce contexte, la transparence aux Français, bien trop souvent mis devant le fait accompli. L’exemplarité leur est d’autant plus due que des efforts financiers leur sont réclamés. Monsieur le ministre, vous pourrez compter sur le Sénat dans les prochains mois pour scruter la moindre piste d’économies au sein de l’État !

Au-delà du bien-fondé de ces comités et de leur financement, il conviendrait aussi de s’interroger sur l’usage qui est fait de leurs productions. Si le nouveau sport national consiste à censurer le Gouvernement, rappelons qu’il en existe un plus ancestral : la démultiplication des rapports, bien trop souvent amenés à caler les armoires ! (Sourires.)

Une piste d’amélioration serait d’imposer des obligations de résultat plutôt que de moyens, en demandant aux organismes des propositions concrètes dans leur domaine de compétences. Par exemple, le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) pourrait fournir des recommandations d’économies directement exploitables par le ministre de l’économie et des finances.

Enfin, je tiens à souligner l’intérêt de procéder à un mouvement de rationalisation et de fusion plutôt qu’à des suppressions brutales. Je salue à cet instant le travail de la commission des lois et du rapporteur, Hervé Reynaud, lequel a su défendre une approche bienveillante afin de favoriser une gestion plus cohérente et efficace des ressources publiques.

Si des ajustements seront naturellement proposés en séance, mes chers collègues, serions-nous grâce à Nathalie Goulet sur la voie de la guérison ? Aurions-nous trouvé tout du moins le vaccin permettant de nous immuniser contre l’inutilité ou le « doublonnage » des actions, à en faire pâlir les complotistes les plus aguerris ?

Ces mesures vont dans le bon sens et constituent un premier pas vers la rationalisation des services de l’État, même s’il est nécessaire de pousser la réflexion bien au-delà de la suppression d’une quinzaine d’instances, dont accouchera probablement ce texte. Gardons en tête que le besoin d’exister de certains de ces comités se concrétise parfois par l’art de complexifier le quotidien de l’État ou des collectivités !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe Les Républicains sont plutôt favorables à cette proposition de loi. Ils ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils souhaitaient aller plus loin en utilisant leur droit de tirage pour créer une commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État. Il s’agit de faire preuve de discernement dans le registre, bien souvent relégué au second plan, de l’évaluation des politiques publiques, sans pour autant faire n’importe quoi.

Restons donc pragmatiques et réalistes, avançons ensemble sans dogmatisme et avec bon sens. Nous aurons l’occasion d’en reparler, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi tendant à supprimer des structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée. Nous partageons pleinement votre ambition, madame Goulet.

Cette démarche empreinte de lucidité s’inscrit dans un travail plus général de simplification de l’action publique, auquel le groupe RDPI est attaché. À ce titre, il a pu apporter sa contribution lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, texte toujours en pleine navette parlementaire, ou lors du vote de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Asap.

La commission des lois a adopté, à l’unanimité, le texte qui nous est soumis cet après-midi. Sur l’initiative du rapporteur, certaines instances figurant dans la rédaction initiale ont été préservées, tandis que cinq nouvelles ont intégré la liste. Il est prévu de fusionner certaines d’entre elles avec des organismes déjà existants sans pour autant que les articles contiennent explicitement une telle disposition. Il est d’ailleurs suggéré dans l’exposé des motifs que le Gouvernement confie cette mission de rapprochement « à un parlementaire ou à une inspection générale ». Nous soutenons là encore cette démarche.

En 2008, le nombre de commissions consultatives s’élevait à 799. Grâce aux politiques de rationalisation mises en œuvre depuis lors, celui-ci est passé à 317 en 2025. L’effort est notable, l’enjeu réel.

Les gouvernements successifs ont soutenu cette politique. Récemment, à l’occasion de sa déclaration de politique générale, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a proposé la règle suivante, que vous avez rappelée, madame Goulet : la suppression de « tous les organes, organismes, comités ou autres, qui ne se sont pas réunis ces douze derniers mois ». Cela dit, malgré une trajectoire de baisse, le nombre d’instances ayant diminué de plus de 20 % entre 2019 et 2022, le coût de ces structures a augmenté de près de 16 %, pour un peu moins de 30 millions d’euros.

S’il souscrit pleinement, une fois encore, à l’objectif défendu, le groupe Les Républicains s’interroge sur plusieurs points.

La commission nationale d’autorisation d’exercice pour la profession de conseiller en génétique, dont la suppression est prévue à l’article 4, a pour objectif d’émettre un avis lorsque le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen non titulaire d’un diplôme français souhaite exercer la profession de conseiller en génétique sur notre sol. Cette structure tend à éclairer la décision du préfet de région sur la délivrance de cette habilitation à exercer.

Face aux progrès thérapeutiques et à la recherche médicale, en particulier sur le génome humain dans le cadre des très lourdes pathologies, ne faudrait-il par conserver ce filtre d’expertise ? Nous sommes sensibles à vos arguments à l’origine de l’amendement de suppression de cet article, madame Lassarade.

Dans le domaine sanitaire toujours, l’article 6 a pour objet la suppression de la commission de suivi et de propositions de la convention visant à améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. Si elle ne saurait être justifiée par des raisons budgétaires – l’organisme n’entraîne aucun coût spécifique, ne disposant ni d’un budget propre ni de fonctionnaires mis à disposition –, sa suppression pourrait laisser un vide dans la protection des droits des personnes malades. Un tel sujet a récemment été porté à notre attention dans cet hémicycle.

Monsieur Lemoyne, je voterai en faveur de votre amendement de suppression de l’article 9, car l’abrogation de la commission d’examen des pratiques commerciales est contestée. Cette dernière se prononce sur toute question relative aux pratiques commerciales lui étant soumise, afin de contribuer à la résolution de conflits entre acteurs commerciaux dans un univers qui se complexifie. Elle assure également un travail de clarification normative à l’égard de l’ensemble des parties prenantes à la chaîne de production et de distribution, notamment en matière agricole. Il ne faudrait pas supprimer ce qui permet de simplifier !

À l’article 10, le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire serait supprimé au moment même où nous approchons du Forum mondial de l’économie sociale et solidaire (ESS), accueilli en 2025 à Bordeaux. Pourtant, son coût de fonctionnement est presque nul.

À l’article 13, la suppression du Conseil national de la médiation paraît précipitée : sa mise en place n’a eu lieu au mois de juin 2023. L’objectif de cette structure est de favoriser le recours aux procédures amiables.

Par conséquent, si certaines structures n’ont pas démontré leur importance, d’autres méritent selon nous une évaluation plus substantielle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’irai droit au but : malgré des intentions louables, ce texte ne me satisfait pas vraiment, au moins sur la méthode.

À titre liminaire, je tiens à affirmer l’attachement de l’ensemble du groupe RDSE à la maîtrise des dépenses et à la simplification de l’action publique. Ces objectifs sont importants pour nos concitoyens, car ils contribuent à renforcer le consentement à l’impôt, la lisibilité et parfois l’efficacité de l’action de l’État et des collectivités.

Je remercie mes collègues Nathalie Goulet et Hervé Reynaud de leur travail. Leur investissement nous permet de débattre de ce sujet aujourd’hui. Surtout, cette discussion est un appel à l’humilité, car elle nous conduira sûrement à supprimer des instances dont le législateur est à l’origine.

Je souligne d’ailleurs l’attachement tout particulier de Christian Bilhac à cette démarche, lui qui se bat contre le recours excessif aux agences dans la gestion publique. Bien que je ne souscrive pas personnellement aux amendements qu’il a déposés, ses propositions, dont l’irrecevabilité n’était pas si évidente, auraient eu le mérite d’appeler au débat.

J’en viens à ce qui suscite ma réticence.

Concernant la méthode, je tiens à exprimer ma perplexité sur la suppression d’une telle série d’organismes sans que cela s’inscrive dans une réforme globale des secteurs concernés. En effet, il n’est proposé ni solution de remplacement ni restructuration de la consultation ou de la délibération dans les domaines en question.

Bien que j’entende les arguments selon lesquels ces organes ont été sélectionnés selon des critères d’activité ou de chevauchement de compétences, il me semble que de telles décisions doivent faire l’objet d’une concertation plus complète pour garantir leur acceptabilité. La démarche ne doit pas être de nature à créer des tensions au sein des publics concernés.

Je me satisfais toutefois que le travail du rapporteur ait permis d’identifier des instances qui méritent de perdurer. Un tel résultat doit justement nous appeler à la prudence.

En ce sens, je défendrai un amendement qui me semble important pour un domaine œuvrant au quotidien à la promotion d’une démarche vertueuse dans la production des richesses : l’économie sociale et solidaire. La suppression du CSESS me paraît très préjudiciable. J’aurai l’occasion d’en dire davantage an cours de nos débats.

Vous l’aurez compris, ce texte me paraît une invitation pertinente à la discussion sur un sujet prégnant. Nous devons apporter une réponse à la hauteur de la situation budgétaire de notre pays et digne de l’appel de nos concitoyens à la simplification.

Que nous adoptions les dispositions proposées ou non, j’appelle à ce que ce premier travail soit suivi d’une évaluation méticuleuse qui permettra d’identifier les conséquences de la suppression comme du maintien d’une structure. Cette démarche me semble une obligation, au moins pédagogique. Elle servira d’appui à une éventuelle décision du Parlement sur le sujet.

Malgré les réserves que je viens d’évoquer, chacun des membres du RDSE se décidera individuellement, conformément à la liberté de vote qui caractérise mon groupe depuis toujours.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est un test. En effet, mes chers collègues, elle représente un premier jalon ou un premier signal. Il s’agit de démontrer notre volonté de simplifier concrètement l’action publique en la rationalisant – et nous sommes attendus !

Ce texte, sur l’initiative de Nathalie Goulet, doit être le témoin de notre volonté de rendre l’administration plus efficace, plus lisible et mieux adaptée aux défis contemporains. Certes, des efforts ont déjà été accomplis : le nombre d’instances auprès du Gouvernement considérées comme inactives ou redondantes a été divisé par deux au cours des dernières décennies. Reste que nous sommes encore bien loin du compte.

Prenons un exemple concret : la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. Il convient de s’interroger sur le caractère très occasionnel, pour ne pas dire inexistant, des réunions de cette structure. En effet, une seule s’est tenue depuis 2023 et aucune en 2022. Sans nullement remettre en question l’objectif visé, la lutte contre toutes formes de violences dans le domaine du sport étant une préoccupation majeure, il semble possible de mutualiser ces missions et de les confier à une entité identifiée de tous et dont la compétence dans le domaine est reconnue, telle que l’Agence nationale du sport. Nous formulons une proposition en ce sens.

Nous avons conscience que la lisibilité de l’action publique conditionne directement la confiance que nos concitoyens placent dans nos institutions. Pour cette raison, maintenir ce type de commissions qui n’ont pas d’activité est simplement contre-productif. Nous ajoutons de la complexité et de l’opacité là où l’État doit, au contraire, simplifier, rationaliser et clarifier. Il y va de la crédibilité de nos institutions !

Soyons honnêtes : cette prolifération est tout à fait déraisonnable et ne peut qu’attirer, à juste titre, des regards circonspects, voire ironiques, ne serait-ce qu’en raison de l’intitulé de certains de ces « hauts » comités… En simplifiant le paysage administratif, nous démontrerons que l’État est capable de se remettre en question et de faire le tri entre ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas.

Même si la méthode doit être affinée, inspirons-nous des actions des maires. Jusque dans les plus petites communes, ces élus adoptent chaque année des budgets en équilibre et subventionnent les seules associations qui font preuve de leur vitalité, refusant de le faire pour celles qui sont en sommeil.

Certes, la fréquence des réunions ne vous semble pas un critère pertinent, mes chers collègues ; pour autant, aucun d’entre nous n’aurait l’idée de cotiser à un organisme qui ne se réunit pas ou de s’abonner à une revue qui ne publie rien ! Nous ne trouverons pas là de miraculeuses économies – soyons lucides là-dessus ! – ; néanmoins, il s’agit de réintroduire du bon sens dans cette architecture.

Je le répète, ce texte représente un test ou, pour reprendre les mots de Nathalie Goulet, une « proposition martyre ». En actant par son adoption notre volonté de supprimer des structures devenues obsolètes qui mobilisent encore des ressources, même modestes, et qui ralentissent les processus décisionnels, nous ouvrons la voie de la rationalisation. Ce premier pas est essentiel, car promis par tous depuis longtemps !

N’oublions pas que, au-delà du stock, nous devons aussi être vigilants au flux. En d’autres termes, il ne faut pas que nous alimentions nous-mêmes la création de ces instances dans les propositions et projets de lois que nous examinons.

Je salue le travail de la commission des lois et de son rapporteur, M. Hervé Reynaud. Cependant, faisant écho aux propos tenus précédemment par Nathalie Goulet, je suis tout de même réservée quant au raisonnement privilégiant la « démonstration de l’inutilité » d’une structure pour accepter sa suppression plutôt que la preuve de son utilité pour justifier son maintien.

J’en profite, ici, pour faire un clin d’œil à mon collègue rapporteur, élu depuis moins longtemps que moi, et lui dire que Nathalie Goulet a souvent le tort d’avoir raison avant tout le monde ! (Sourires.)

Je me souviens d’un texte, également martyr, dont elle fut l’auteur en 2020, tendant à appliquer diverses mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales. À l’époque, cette proposition fut traitée comme marginale et considérée comme d’une efficacité non avérée. C’était pourtant mettre un pied dans la porte. Aujourd’hui, la lutte contre la fraude sociale est une cause majeure et unanimement partagée.

Mes chers collègues, il me semble important de rappeler que cette proposition de loi n’est que le premier jalon d’une réforme nécessaire et attendue, qui se doit d’être bien plus vaste.

Si ce texte se concentre sur certaines instances nationales, un effort similaire devra être engagé à l’échelon local. Plus globalement, il s’agira de poursuivre le travail des gouvernements successifs sur les agences et opérateurs de l’État.

La commission d’enquête qui passera au crible dans les prochains mois le millier d’opérateurs et d’agences qui dépendent de l’État devra faire des coupes courageuses pour supprimer les doublons et les branches mortes.

Rappelons également que plusieurs commissions et comités ne sont pas du ressort du législateur : leur nature réglementaire les place sous la seule responsabilité de l’exécutif, qui devra, lui aussi, amorcer un travail de rationalisation systématique.

Notons, enfin, que, dans un rapport de 2021 sur les relations entre l’État et ses opérateurs, la Cour des comptes appelait le Gouvernement à s’interroger régulièrement sur la justification du recours à ce mode de gestion du service public.

En conclusion, mes chers collègues, soutenir ce texte, c’est affirmer une volonté politique claire : celle de bâtir un État qui n’hésite pas à se réformer pour mieux fonctionner. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’ouvrir la voie à une véritable réflexion de fond sur l’efficacité de l’action publique.

Les sénateurs du groupe Union Centriste soutiendront, bien évidemment, cette démarche et voteront en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, Nathalie Goulet souhaite supprimer les structures, comités, conseils et commissions qu’elle considère comme inutiles. L’utilité semble un objectif contre lequel il serait difficile de s’opposer. Nous ne pouvons que reconnaître, ici, l’audace de l’auteur de cette proposition de loi.

Cependant, à l’instar de notre rapporteur et sans me montrer particulièrement téméraire, mon approche sera plus nuancée, car l’utilité demeure une notion très subjective.

Le coût et la fréquence des réunions ne peuvent être à eux seuls des critères d’utilité. Un certain nombre de suppressions prévues à l’origine dans ce texte n’auraient contribué en rien à la baisse des dépenses publiques, au vu des budgets bien maigres des structures concernées.

Enfin, je ne voudrais pas alimenter un mal très français qui nous conduirait à mesurer l’utilité à l’aune du nombre de réunions. On peut se réunir beaucoup, avec peu d’utilité et d’efficacité, tout comme on peut se réunir peu, avec un résultat contraire.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai.

Mme Cécile Cukierman. Je souligne également que ce sont les élus locaux, les acteurs économiques et nous-mêmes, les parlementaires, qui avons créé ces comités, convaincus de leur bien-fondé.

Face à la réduction croissante du nombre de fonctionnaires, aux enjeux nouveaux et au besoin d’accompagnement, de conseil et d’évaluation, de telles structures se sont, il est vrai, multipliées. Elles seraient désormais obsolètes, coûteuses et inutiles.

Pourtant, c’est un débat beaucoup plus approfondi que nous devrions mener ici. Il ne s’agit pas de se cantonner à énumérer les comités qui doivent être supprimés. Ne donnons pas l’impression que l’objet de ces instances n’entre plus dans le champ des politiques publiques. Insistons plutôt sur le fait qu’il faut œuvrer pour que les politiques publiques soient certes efficaces, mais surtout efficientes, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre.

Prenons garde : en tant que parlementaires, nous avons une responsabilité et un devoir.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’opposera toujours à la « casse » de l’État au nom de « l’efficacité gouvernementale », si chère au nouveau président outre-Atlantique et à ses amis milliardaires, mais si néfaste pour notre société. L’efficacité d’un État, d’un comité, ne se mesure pas à court terme, mais s’évalue sur le temps long.

L’impatience est parfois mauvaise conseillère. Cette proposition de loi en semble, hélas ! la parfaite illustration. Elle comprend, en effet, trop d’imprécisions, trop d’effets de bord. Prenons garde à cet empressement contre-productif.

L’article 19 visant à supprimer les dispositions législatives relatives à la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières illustre parfaitement les faiblesses de ce texte. Une telle suppression n’aurait aucun impact sur les comptes publics, mais elle aurait des conséquences désastreuses sur le secteur. Nous prenons d’ailleurs acte des amendements visant à éviter cette suppression.

Cette instance garantit en effet les extensions d’accord à toutes les entreprises de la branche des industries électriques et gazières. Elle fait donc partie intégrante du statut, assurant ainsi un socle entre les agents. La supprimer serait une erreur.

J’évoquerai également l’article 6, qui tend à supprimer la commission de suivi et de propositions de la convention visant à améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. De nombreuses avancées ont été obtenues pour les personnes ayant un risque aggravé de santé, afin qu’elles puissent outrepasser les nombreuses difficultés pour accéder à l’emprunt. Les combats menés ne peuvent être balayés par notre empressement.

Il semble donc que trop d’éléments aient été omis. Nous sommes par conséquent en droit de nous poser la question suivante : combien de points de fragilité cette proposition de loi comporte-t-elle ?

Au regard de ces trop nombreuses faiblesses, nous ne pouvons apporter notre approbation à ce texte en l’état. Nous serons attentifs au vote des différents amendements. À l’issue de cet examen, nous ne nous opposerons toutefois sans doute pas au vote sur l’ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous finissons l’étude d’un projet de loi de finances très axé sur la baisse des dépenses de l’État, que la tendance internationale qui nous vient des États-Unis est aux coupes aveugles à la tronçonneuse, l’auteur de ce texte propose – à juste titre – d’étudier la possibilité de supprimer les comités et commissions dont l’utilité ou l’efficacité serait trop faible.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est aussi pragmatique et tout aussi attaché que vous au sérieux de la dépense, surtout après dix ans de gestion catastrophique des comptes de ce pays.

Pour autant, nous sommes plus mesurés dans le choix des comités qu’il conviendrait de supprimer, car nombre d’entre eux sont nécessaires à nos yeux. Leur suppression équivaudrait à une perte pour nos concitoyens.

L’une des structures que ce texte vise à supprimer est la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires. Il est essentiel de rappeler le désastre qu’ont été les essais nucléaires, en particulier pour nos compatriotes du Pacifique. J’ai eu l’occasion de rencontrer en 2024 les représentants de ces victimes, lesquelles doivent encore se battre pour obtenir les réparations qui leur sont dues en Polynésie française.

Cette commission est fondamentale pour l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires. Le nombre de personnes potentiellement exposées aux retombées radioactives s’élève à 400 000 : 150 000 personnels civils et militaires ayant participé aux campagnes nucléaires, 210 000 Polynésiens et 40 000 Algériens. Cette commission est chargée de mettre en œuvre la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

J’ai été particulièrement inquiet de la nonchalance de cette démarche de coupe, guidée par le seul critère de la périodicité des réunions. Nous savons pourtant que celle-ci est souvent fixée légalement, comme c’est le cas pour le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS). Nous présenterons d’ailleurs un amendement visant à supprimer sa suppression.

Le manque de solutions de remplacement aux demandes de suppression nous inquiète aussi, comme a pu le souligner notre collègue Raymonde Poncet Monge, qui a déposé lors de l’examen du texte de la commission un amendement à l’article 14, précisant que, « si dans l’idéal il faudrait régler le problème structurel de sous-déclaration en s’attaquant à chacune de ses causes, en attendant il est nécessaire d’avoir un dispositif pour l’évaluer, et ainsi assurer une compensation entre les branches AT-MP – accidents du travail et maladies professionnelles – et maladie, or la [proposition de loi] ne propose pas d’alternative à ce titre ». Nous saluons l’auteur du texte et la commission d’avoir fait un pas en ce sens.

Oui, il est nécessaire de supprimer les structures dépassées ou obsolètes. En revanche, il serait plus judicieux de ne pas rayer celles dont les enjeux sont si concrets en l’absence d’autres solutions.

Qu’en est-il, par exemple, de la commission nationale d’autorisation d’exercice pour la profession de conseiller en génétique, dont il a déjà été question ? Aussi faible le nombre de demandes soit-il, son existence répond à un vrai besoin de s’assurer des compétences des personnes qui seront en face de patients en attente de réponses sur des questions essentielles pour leur santé.

Nous ne sommes pas opposés à ce que les compétences des conseillers généticiens hors Union européenne soient contrôlées par une instance autre qu’une instance idoine. Pour autant, cette vérification doit bel et bien être réalisée de manière uniforme dans l’ensemble du territoire. D’autre solution seraient-elles plus économes en moyens humains et financiers ? Rien n’est moins sûr, d’autant qu’aucune étude n’a été faite sur le sujet.

Le groupe GEST est sensible au nécessaire toilettage du droit, comme en atteste notre soutien aux lois dites Balai, et reconnaît qu’il convient de rationaliser la dépense publique. Néanmoins, cette rationalisation doit reposer sur une analyse fine des enjeux et des coûts et ne doit pas avoir pour seul critère la périodicité des réunions.

Toute suppression prématurée sans solution de remplacement pour répondre au but fixé présente un danger réel.

L’objectif de réaliser des économies, en lui-même, n’est pas suffisant, d’autant qu’il n’est pas démontré que nous en ferons. L’attaque déguisée contre les comités créateurs de normes nous paraît tout autant dommageable.

Nous restons ouverts à la discussion sur ces comités et agences, ainsi que sur leur meilleure gestion. Nous reconnaissons aussi qu’il existe parfois des doublons.

Bien que partageant l’objectif de rationalisation des dépenses et des coûts de l’État, nous ne voterons pas ce texte, qui tranche parfois trop à l’aveugle dans des structures dont l’utilité est bien réelle.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant d’un espace réservé d’une durée limitée à quatre heures, je me verrai dans l’obligation de lever notre séance à dix-neuf heures cinq, que nous ayons ou non achevé l’examen du texte.

Trente-cinq amendements sont à examiner. J’invite donc chacun à en tenir compte dans ses prises de parole.

proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée
Après l’article 1er

Article 1er

I. – La section 2 du chapitre IV du titre IX du livre V du code de l’environnement est abrogée.

II. – Le VII bis de l’article L. 612-1 du code monétaire et financier est abrogé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous allons évoquer, article par article, différentes commissions et instances. Nos débats sont utiles et féconds. Comme nous le verrons, certaines commissions prévues par la loi sont nécessaires, mais d’autres ne le sont pas ou sont obsolètes. Leur suppression ne poserait aucun problème en soi puisqu’elles sont déjà inactives ou désactivées.

D’autres commissions ne figurent pas dans la loi, mais peuvent être très utiles. J’ai par exemple animé dans le cadre de fonctions précédentes le comité de filière tourisme (CFT), qui n’existe dans aucun texte, mais qui m’a permis d’associer tous les acteurs du secteur, notamment au moment de la gestion de la crise covid.

Un comité ou une commission est souvent un outil de gouvernance permettant d’associer un certain nombre d’écosystèmes à l’action publique. À ce titre, son existence peut se révéler précieuse.

La démarche engagée ici est pertinente, mais force est de constater, au regard des nombreux amendements de suppression et des réactions suscitées par cette proposition de loi, que le Parlement n’est pas bien outillé pour réaliser un tel travail. Je le regrette. Il nous faudrait être mieux épaulés et avoir davantage de moyens, notamment humains, pour entreprendre ces évaluations et ces contrôles, pourtant au cœur de nos missions.

Voilà l’appel que je voulais lancer. Le Sénat devrait pouvoir être en mesure de présenter des textes visant à proposer de véritables simplifications et non des simplifications qui pourraient apparaître comme superficielles.

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Khalifé, Mme Belrhiti, M. Somon, Mmes Demas et Micouleau, MM. Bruyen et H. Leroy, Mme Berthet, MM. Milon, Panunzi et Pellevat, Mme Lassarade, M. Brisson, Mme L. Darcos, MM. Piednoir, Chevalier et Genet, Mme Carrère-Gée et MM. Burgoa et Chatillon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Lors de l’examen en commission, nous n’avons pas prévu de revenir sur la suppression de la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (Cnef), inactive depuis un certain nombre d’années.

Certes, son coût de fonctionnement est nul. Toutefois, par le passé, le Sénat s’est déjà opposé à la suppression de cette instance, notamment lors de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique, texte sur lequel Yves Bleunven était rapporteur. À cette occasion, il a même été prévu qu’elle puisse saisir l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), afin d’avoir des moyens à la hauteur de ses ambitions.

Un droit de regard du Parlement sur les installations nucléaires, à l’heure où la France souhaite relancer sa filière, pourrait être utile.

Par conséquent, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. La Cnef, qui a près de vingt ans, ne s’est pas réunie depuis trois ans. D’autres organes publics, comme l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), sont chargés de concevoir, de mettre en œuvre et de superviser les solutions de gestion des déchets radioactifs.

La fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (ISNR) est effective depuis le 1er janvier dernier. La nouvelle autorité issue de cette fusion pourrait s’occuper de ces questions.

Le maintien de cette commission crée, à mon sens, une forme de redondance.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Burgoa, l’amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?

M. Laurent Burgoa. Mon collègue Daniel Gremillet est très attaché à cet amendement, dont il est le premier cosignataire. Par conséquent, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er est supprimé.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée
Article 2

Après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Longeot et Kern, Mmes N. Goulet et Devésa, M. Laugier, Mmes Vermeillet et Billon, M. Pillefer et Mmes Herzog et Sollogoub, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les articles L. 751-5, L. 751-6, L. 751-7, L. 751-8, L. 752-17, L. 752-19, L. 752-20, L. 752-21 du code du commerce sont abrogés.

II. - L’article L. 600-10 du code de l’urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les recours prévus par le présent article ne s’appliquent pas à la Commission nationale d’aménagement commercial. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de Jean-François Longeot.

La Commission nationale d’aménagement commercial (Cnac) constitue une instance superflue dans la chaîne de décision relative aux projets d’aménagement commercial, alors même que les collectivités locales disposent déjà des compétences nécessaires pour encadrer ces projets.

Sa suppression aurait pour effet de simplifier les procédures d’aménagement commercial, de réduire les délais et de renforcer la responsabilité des acteurs locaux dans l’aménagement du territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

En tant qu’ancien élu local, je ne partage pas votre position sur le caractère superflu de la Commission nationale d’aménagement commercial.

Près de la moitié des décisions rendues par les commissions départementales d’aménagement commercial font l’objet d’un recours devant la Cnac. Cela représente, pour l’année 2023, 181 saisines traitées, au cours de dix-huit séances d’examen. Près d’une fois sur deux, l’autorisation initialement refusée est acceptée. Il s’agit donc d’une chambre d’appel extrêmement importante et fructueuse pour les élus locaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’irai dans le même sens que M. le rapporteur : nous sommes élus du même département et nous avons certainement en tête les mêmes exemples.

La Cnac est une instance qui permet d’exercer le recours, notamment au service des projets d’aménagement locaux, en se libérant un peu des pressions exercées parfois par les acteurs économiques, notamment ceux de la grande distribution. Son utilité est donc bien réelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. C’est précisément pour cette raison que M. Longeot a déposé cet amendement : bien souvent, la décision départementale et la décision nationale ne vont pas dans le même sens.

Mme Cécile Cukierman. C’est faux !

Mme Nadia Sollogoub. Quand l’échelon départemental et l’échelon national sont discordants, cela crée une forme d’incohérence et rend les décisions peu lisibles.

Multiplier les niveaux rend les choses assez incompréhensibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. À l’instar de Mme Cukierman, je veux redire l’importance de conserver une chambre d’appel pour les décisions des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC).

Ces décisions sont parfois complexes et des intérêts économiques, mais pas uniquement d’ailleurs – il y a aussi des questions d’aménagement du territoire –, peuvent peser, d’où la nécessité d’éclairer la décision locale par une décision nationale.

L’objet de l’amendement est clair, M. Longeot souhaite avant tout réduire les délais. C’est pour cette raison qu’il propose d’aller vers la juridiction ordinaire.

Maintenons la Cnac et travaillons plutôt à améliorer les délais. Nous aurions alors fait œuvre utile tout en allant dans le sens souhaité par Jean-François Longeot, mais sans casser un outil d’appel indispensable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement aurait dû être frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 45,…

Mme Nathalie Goulet. … car il n’entre pas dans le cadre de cette proposition de loi, encore une fois, martyre, pas formidable, pas au bon endroit, pas présentée le bon jour, à la bonne heure, etc. (Sourires.)

Il soulève un débat beaucoup plus important faisant intervenir des sujets de fond, notamment sur les voies de recours, sur les conflits d’intérêts et sur tout ce qui peut se passer dans nos territoires.

La commission, d’habitude très attentive au respect de l’article 45, aurait dû l’être vis-à-vis de cet amendement qui excède le périmètre tout à fait modeste de ce texte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er
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Article 3

Article 2

L’article L. 332-18 du code du sport est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives » sont remplacés par les mots : « dans le respect du principe du contradictoire et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 23 rectifié bis est présenté par M. Lozach, Mmes Harribey et S. Robert, MM. Bourgi et Ros, Mme Bélim, M. Michau, Mme Poumirol et M. Redon-Sarrazy.

L’amendement n° 31 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié bis.

Mme Sylvie Robert. L’article 2 prévoit la suppression de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives.

Si les dérives du supportérisme doivent être combattues, nous défendons le maintien de cette structure sans laquelle le ministre de l’intérieur ne pourrait dissoudre des associations de supporters trop facilement. Notre collègue Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », l’a souvent dit dans cet hémicycle, le dialogue entre les associations de supporters, les clubs, les ministères concernés et le Parlement doit être renforcé. Prévention et répression doivent s’articuler et, surtout, participer à l’évolution nécessaire des mentalités.

L’individualisation des sanctions doit être également défendue, tout comme la fermeté des peines prononcées.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 31.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. La Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives n’a vocation à se réunir que dans l’éventualité d’une dissolution ou d’une suspension des activités d’une association de supporters. Elle ne s’est d’ailleurs pas réunie depuis 2022.

Pour autant, elle ne nous paraît pas du tout inutile dès lors qu’elle permet l’exercice du contradictoire préalable au prononcé d’une mesure de dissolution ou de suspension. Elle participe sans doute aussi à la robustesse juridique de certaines décisions.

Par ailleurs, son coût est nul, puisque le secrétariat est assuré par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPA) du ministère de l’intérieur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, l’existence de cet organisme n’entraîne aucun coût financier.

Surtout, cette suppression serait un très mauvais signal.

M. Laurent Marcangeli, ministre. La violence dans le monde du sport, notamment celle des supporters, est malheureusement un vrai problème. Disons-le clairement, des incidents ont encore lieu dans les tribunes, notamment lors des matchs de foot – je le reconnais avec d’autant plus de facilité que c’est mon sport préféré. (Sourires.)

Si la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ne s’est pas réunie depuis longtemps, tant mieux : c’est le signe qu’il y a d’une amélioration. Toutefois, au vu de ce qui se passe le week-end dans certaines tribunes, cette suppression ne me semble pas opportune.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’entends la position du rapporteur.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, mon idée initiale était de s’appuyer sur le nombre de réunions. J’ai bien compris que ce n’était pas un critère permanent.

Cependant, il existe énormément d’agences qui s’occupent du sport. Pourquoi ne pas leur déléguer la problématique des violences dans le sport à des fins de rationalisation ? Nous n’avons pas pu faire ce travail en commission, car certains sujets sont d’ordre législatif et d’autres d’ordre réglementaire.

J’ai compris à vous écouter, monsieur le ministre, que nous allions profiter du débat sur ce texte imparfait pour lancer une méthode.

Certes, en l’état, cette suppression n’est pas opportune, mais, je le répète, mon intention était d’engager la réflexion. Nous le savons tous par cœur ici : la question de la violence dans le sport est essentielle, car le sport – si important pour la jeunesse – doit évidemment être exemplaire. Pour autant, ne serait-il pas possible, dans le cadre de travaux ultérieurs, de restructurer ce comité pour l’adjoindre à une autre structure sans nuire à la performance de l’action publique ? Ce raisonnement vaudra à d’autres articles.

Je ne m’oppose absolument pas à l’avis de la commission, mais nous pourrions faire évoluer ma proposition ensemble, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié bis et 31.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 2
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Article 4

Article 3

L’article L. 212-9 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après les mots : « pour chaque secteur d’activité, par », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « arrêté du ministre chargé de la culture. » ;

2° Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 1132-3 et à la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 1132-5, les mots : « , après avis d’une commission composée notamment de professionnels, » sont supprimés ;

2° Le 2° de l’article L. 1132-7 est abrogé.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 9 rectifié ter est présenté par Mmes Lassarade, Deseyne et Imbert, M. Milon, Mmes Gruny, Belrhiti, M. Mercier et Berthet, MM. Burgoa, Lemoyne, Panunzi, Rapin, Bouchet, Karoutchi et D. Laurent, Mme Malet, M. P. Vidal, Mmes Borchio Fontimp et Carrère-Gée, MM. Allizard et Patriat et Mme Havet.

L’amendement n° 32 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié ter.

Mme Nadège Havet. La commission nationale d’autorisation d’exercice pour la profession de conseiller en génétique joue un rôle important. Ses avis apportent un éclairage nécessaire pour guider la décision administrative dans un domaine pour le moins fondamental. Le groupe RDPI votera en faveur de cet amendement de ma collègue Florence Lassarade, que je remercie.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 32.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Je précise que cette commission s’est réunie en 2024 en visioconférence afin d’éviter des coûts de déplacement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Cette commission ne s’est réunie qu’une seule fois en 2024 et ne concerne qu’un faible nombre de professionnels.

Néanmoins, sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de cet avis de sagesse, qui me paraît bien fondé, monsieur le ministre.

Je comprends l’intérêt de cette commission, mais encore une fois cette suppression fait partie des restructurations envisageables. Ne pourrions-nous confier à des structures déjà existantes, comme le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ou le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), le soin de valider l’exercice des généticiens non européens ou non français ?

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié ter et 32.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 4
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Article 6

Article 5

Le code de la recherche est ainsi modifié :

1° Le chapitre préliminaire du titre II du livre Ier est abrogé ;

2° Au premier alinéa des articles L. 145-1 et L. 147-1, les mots : « , L. 114-3-6 et L. 120-1 » sont remplacés par les mots : « et L. 114-3-6 » ;

3° (nouveau) Au 2° du I de l’article L. 146-1, les mots : « , L. 112-3 et L. 120-1 » sont remplacés par les mots : « et L. 112-3 » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le 10° de l’article L. 1141-2-1 est abrogé ;

2° L’article L. 1141-4 est abrogé.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 10 rectifié quater est présenté par Mmes Lassarade, Borchio Fontimp, Deseyne et Imbert, M. Milon, Mmes Gruny, Belrhiti, M. Mercier et Berthet, MM. Perrin, Burgoa, Panunzi, Rapin, Bouchet, Karoutchi et D. Laurent, Mme Malet, M. P. Vidal, Mme Carrère-Gée et MM. Allizard et Genet.

L’amendement n° 20 rectifié est présenté par M. Lemoyne, Mme Havet, M. Patriat, Mmes Nadille et Duranton, MM. Théophile, Buis, Iacovelli et Buval et Mme Schillinger.

L’amendement n° 28 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet, Khalifé et Somon, Mmes Demas et Micouleau, MM. H. Leroy, Pellevat et Brisson, Mme L. Darcos et MM. Piednoir, Chevalier et Chatillon.

L’amendement n° 33 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 10 rectifié quater n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui supprime lui-même la commission de suivi et de propositions de la convention visant à améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. Cette instance est toutefois importante.

Pour faire simple, une convention a été mise en place en 2007, la convention « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé (Aeras) », pour les personnes ayant souffert de certaines pathologies, notamment de cancers, qui rencontrent des difficultés à accéder à l’emprunt.

C’est cette convention qui prévoit la commission de suivi, très importante pour ce qui relève de la médiation, d’autant plus justifiée que le Sénat, en 2022, a pris une initiative pour renforcer le droit à l’oubli.

Pour les personnes souffrant de pathologies graves, pouvoir tout simplement mener une vie la plus normale possible, notamment en ayant accès au crédit, s’apparente parfois à un chemin de croix. Sans crédit, il est souvent impossible d’acquérir un véhicule ou un logement.

Cet enjeu important justifie le maintien de la commission de suivi et de propositions de la convention visant à améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 33.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Il nous semble extrêmement important de préserver l’existence de la commission de suivi et de propositions de la convention visant à améliorer l’accès à l’emprunt et à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé.

Cette commission tient des réunions très régulières – il y en a eu cinq en 2023.

Pour nous, sa suppression serait une véritable régression, d’autant que la loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, dite Lemoyne – notre collègue qui vient de s’exprimer peut en témoigner –, a prévu que les signataires de la convention engagent une négociation sur la possibilité d’élargir sa grille de référence à un plus grand nombre de pathologies, ce dont la commission s’est saisie depuis lors.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Pour les raisons qui viennent d’être développées, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Je pense que la suppression de cette instance nuirait à des personnes particulièrement vulnérables. Là encore, ce ne serait pas envoyer un très bon signal.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Après m’être entretenue avec lui du sujet, je me suis rangée à l’avis de M. le rapporteur, compte tenu des éléments qu’il m’a exposés.

Je pense que cet article résultait d’un choix inopportun. Pour autant, cela n’obère pas le reste du texte.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié et 33.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 6
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Article 8

Article 7

I. – La loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est ainsi modifiée :

1° Au sixième alinéa du III de l’article 1er, les mots : « du comité du secret statistique » sont supprimés ;

2° Le I de l’article 1er bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil national de l’information statistique est appelé à se prononcer sur toute question relative au secret en matière de statistiques. Il donne son avis sur les demandes de communication de données individuelles collectées en application de la présente loi. » ;

3° Aux premier et deuxième alinéas de l’article 6, les mots : « comité du secret statistique » sont remplacés par les mots : « Conseil national de l’information statistique » ;

4° Les articles 6 bis et 7 ter sont abrogés.

II. – Le III de l’article L. 135 D du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « comité du secret statistique institué par l’article 6 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques » sont remplacés par les mots : « Conseil national de l’information statistique » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « comité du secret statistique » sont remplacés par les mots : « Conseil national de l’information statistique ».

III. – À l’article L. 621-8-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « du comité du secret statistique et » sont supprimés.

IV. – L’article L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « comité du secret statistique institué par l’article 6 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques » sont remplacés par les mots : « Conseil national de l’information statistique » ;

2° À la seconde phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa, le mot : « comité » est remplacé par les mots : « Conseil national de l’information statistique ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Chaillou, Kerrouche et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 34 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Christophe Chaillou. Comme Éric Kerrouche l’a évoqué en commission, nous ne sommes pas favorables à la suppression du comité du secret statistique et au transfert de ses missions au Conseil national de l’information statistique. Je l’ai déjà indiqué dans la discussion générale.

Au prétexte que ces deux organismes interviennent dans le même champ, il faudrait en supprimer un au profit de l’autre.

La suppression du comité du secret statistique a tout d’une fausse bonne idée, et ce pour trois raisons.

Premièrement, son coût de fonctionnement est nul. Son président, désigné par le Conseil d’État, exerce des fonctions à titre bénévole, tandis que son secrétariat est directement exercé par l’unité juridique de l’Insee.

Deuxièmement, sur le fond, ce comité, loin d’être inactif, joue un rôle essentiel dans la régulation des statistiques publiques et l’application du code des bonnes pratiques.

Troisièmement, supprimer ce comité, ce n’est pas seulement supprimer une structure : c’est aussi supprimer des garanties essentielles, au premier rang desquelles l’obligation du secret statistique pour les bénéficiaires d’accès aux données. Est-ce un risque que nous voulons réellement prendre ?

Pour ces raisons, nous défendons activement le maintien de ce comité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 34.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. S’il est vrai qu’un certain nombre de commissions portent des noms qui peuvent paraître abscons, ceux-ci cachent tout un univers et un certain nombre de réalités.

Je rappelle que les demandes de transmission de données personnelles, en provenance de l’administration fiscale ou encore de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), sont en augmentation assez forte – 574 demandes d’extraction de données ont été adressées au comité en 2023.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’ai un peu de mal à comprendre.

Ce comité ne coûte rien et se réunit peu, mais nous savons désormais que ce ne sont pas les bons critères.

Monsieur le ministre, comment fait-on évoluer l’organisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et des autres conseils qui s’occupent de statistiques ? Cela va-t-il faire partie des sujets sur lesquels nous allons chercher une rationalisation ?

Ce texte nous donne l’occasion de réaliser un travail de débroussaillage. Je pense qu’il est important de le mener à bien.

Comment articuler ce comité de secret statistique, qui lutte contre la manipulation des statistiques en France, avec les autres instances qui s’occupent des statistiques, notamment la Cnil ?

Ce sujet est de nature à faire s’interroger le sénateur de Camembert… (Sourires.)

Pourrons-nous, d’après vous, rationaliser l’ensemble des outils existant sur le sujet ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame la sénatrice, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la commission d’enquête en passe d’être créée au Sénat pourra également se saisir de ce sujet. J’imagine que vous y participerez très certainement ou, du moins, que vous suivrez ce qu’elle décidera avec attention et intérêt !

Dans le droit fil de ce que j’ai déclaré tout à l’heure, oui, naturellement, il doit y avoir de la rationalisation. Nous n’aurons pas peur de l’engager.

Cela étant dit, pour les raisons qui ont été évoquées, pour l’heure, ce n’est pas une bonne idée de supprimer cette instance.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, l’objectif n’est pas d’écarter certains sujets ! Nous sommes parfaitement d’accord pour dire que ces derniers doivent continuer à être étudiés.

L’enjeu est de ne pas multiplier les instances, et, au contraire, de les mutualiser.

Il s’agit de faire en sorte que ces sujets soient traités de manière différente.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 34.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 423-2 du code des relations entre le public et l’administration, après le mot : « comité », sont insérés les mots : « placé auprès du Premier ministre et ».

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je sais que la Haute Assemblée n’aime pas trop les amendements déposés par le Gouvernement…

En l’occurrence, il s’agit de rétablir le comité ministériel de transaction (CMT), instance directement rattachée aux services du Premier ministre et prévue par le législateur pour garantir la sécurisation des ordonnateurs dans le cadre des transactions financières les plus importantes.

Son objectif principal est d’encourager le recours à la transaction, qui constitue un mode rapide et extrajuridictionnel de règlement des litiges.

Chaque ministère est tenu d’instituer un CMT.

Le comité ministériel de transaction présente un double intérêt.

D’une part, il assure une instruction rigoureuse et approfondie, dans les domaines à la fois juridique et financier, des transactions portant sur des montants élevés. Ces dossiers donnent lieu à un avis écrit et signé.

D’autre part, lorsque le signataire d’une transaction suit cet avis, sa responsabilité personnelle, à l’exclusion de la responsabilité pénale, ne peut être engagée.

La suppression du CMT apporterait donc plus de complexité que de simplification.

Ses membres siègent ès qualités, composition qui garantit un coût de fonctionnement nul pour l’État.

J’entends l’argument selon lequel on apporterait plus de lisibilité à l’action publique en fusionnant les différents comités ministériels de transaction en un comité interministériel unique. Néanmoins, cette fusion ne serait que purement cosmétique ! En effet, les transactions traitées étant spécifiques à chaque ministère, un tel regroupement n’améliorerait ni l’efficacité ni la pertinence des analyses effectuées.

C’est pourquoi le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir entendre ses arguments et de voter son amendement visant à rétablir l’existence du comité ministériel de transaction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Le texte prévoit non pas de supprimer purement et simplement les comités ministériels de transaction, mais de susciter une mutualisation à l’échelon interministériel.

J’entends les arguments de M. le ministre, bien que sa dénonciation de l’aspect cosmétique de la fusion me paraisse un peu rapide. Sa demande est contraire à la position de la commission.

Nous avons là l’opportunité de passer de cinq instances consultatives à une, grâce à une mutualisation interministérielle qui me paraît de bon aloi.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Article 8
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Article 10

Article 9

I. – Le chapitre préliminaire du titre IV du livre IV du code de commerce est abrogé.

II. – Le dernier alinéa de l’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime est supprimé.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Rietmann et Gremillet, Mme Ventalon, MM. Rapin, Kern et Favreau, Mmes Gosselin, Berthet et Billon, MM. Perrin et Bouchet, Mmes Guidez et Valente Le Hir, M. Sol, Mme Imbert, MM. Milon, Levi et H. Leroy, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mmes Gruny et Romagny, M. Pernot, Mme Joseph, M. Genet, Mme Josende, MM. Klinger, Menonville, Chatillon et Belin, Mme Lassarade, M. Lemoyne et Mme Loisier.

L’amendement n° 25 rectifié est présenté par Mmes Havet et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

L’amendement n° 35 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet amendement vise à maintenir la commission d’examen des pratiques commerciales.

Lorsque j’ai eu à assumer les fonctions de ministre chargé des PME, j’ai pu constater que cette instance était utile.

Ainsi, j’ai eu l’occasion de m’entretenir, sur le terrain, à l’occasion d’une réunion dans une belle PME familiale, Bourgogne Produits frais, avec les représentants du secteur, de la Confédération des grossistes de France et des distributeurs alimentaires spécialisés. Ils m’ont confirmé combien cette commission était utile et précieuse, parce qu’elle était un moyen de résoudre préventivement un certain nombre de conflits commerciaux.

De fait, cette commission, qui se réunit régulièrement, rend des avis et fait des analyses de jurisprudence, est un élément essentiel dans un paysage commercial qui, on en conviendra, n’est pas avare en litiges. On sait combien les relations entre acteurs sont parfois complexes !

On est là en présence d’une commission tout à fait utile, qui coûte très peu – de l’ordre de quelques milliers d’euros chaque année –, qui se réunit de façon régulière et qui apporte une plus-value.

Cette notion de plus-value me semble justifier cet amendement, déposé par Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.

Mme Nadège Havet. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 35.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Les échanges avec les différentes personnes et groupements intéressés ont permis de démontrer la portée didactique des études et des avis de cette commission, donc la pertinence de son maintien.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié bis, 25 rectifié et 35.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 9 est supprimé.

Article 9
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Articles 11 et 12

Article 10

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est abrogé ;

2° La section 1 du chapitre II du titre Ier est abrogée ;

3° Le III de l’article 15 est abrogé ;

4° Au début de l’article 17, les mots : « Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, » sont supprimés.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Chaillou et Michau, Mme Blatrix Contat, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron et Gillé, Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par M. Masset, Mme Pantel, MM. Fialaire, Roux et Bilhac, Mmes Jouve et Briante Guillemont et M. Gold.

L’amendement n° 26 est présenté par Mmes Havet et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.

M. Guy Benarroche. L’article 10 supprime le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS), sur le seul fondement de réunions trop espacées.

Pour commencer, je rappelle que, si le CSESS ne se réunit en plénière que tous les trois ans, c’est parce que la loi le prévoit ainsi.

Comme tous mes collègues du groupe d’études Économie sociale et solidaire – plusieurs, comme ma collègue Antoinette Guhl, ont déposé des amendements –, je suis sensible à cette question et je pense qu’il faut voir au-delà.

Tout d’abord, le CSESS est un lieu d’échanges, qui réunit des parlementaires et des collectivités locales, y compris des associations d’élus, comme l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). Notre chambre tient toujours à valoriser l’écoute des territoires.

Ensuite, comme le rappelle la direction du Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES), le CSESS n’est pas limité à sa formation plénière. Ainsi, les commissions thématiques se réunissent, elles, plusieurs fois par an.

Enfin, la commission plénière répond à un véritable besoin de pilotage politique. Elle s’apprête à jouer son rôle de coconstruction des politiques publiques liées à l’ESS et, au-delà de son rôle de diffusion des bonnes pratiques, va élaborer une feuille de route stratégique nationale, comme le demande d’ailleurs la Commission européenne.

Je ne serai pas plus long, car je pense que nous sommes tous d’accord.

Je remercie les acteurs de l’ESS, les associations et le mouvement mutualiste, qui, par leur engagement et leur investissement, veillent à faire vivre et à développer ce mouvement vertueux, notamment au travers du CSESS, qu’ils souhaitent, comme nous tous, voir préservé.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

M. Christophe Chaillou. En écho à ce qui vient d’être dit, et en phase avec l’exposé des motifs des amendements identiques déposés par d’autres groupes, nous tenons d’abord à redire l’importance du CSESS.

Nous contestons complètement le fait que cette structure serait inutile.

Pour peu que l’on s’intéresse un peu à leurs travaux et à leur importance, on sait que les instances de ce type permettent des échanges particulièrement actifs et nourris avec de très nombreux partenaires.

Le CSESS est un espace de travail qui, par l’engagement bénévole des associations qui y siègent, participe à faire avancer collectivement le développement de l’économie sociale et solidaire.

Il s’apprête d’ailleurs à contribuer aux travaux d’élaboration d’une nouvelle feuille de route stratégique. Comme cela a été dit tout à l’heure, ces travaux étaient probablement déjà prévus, y compris pour répondre à la demande de la Commission européenne, qui appelle le gouvernement français à produire ces éléments au cours de l’année 2025. Il s’agit là, objectivement, d’une justification très forte en faveur de son maintien !

En outre, en tant que sénateurs et en tant qu’élus locaux, nous connaissons tous l’importance, dans nos territoires, de l’économie sociale et solidaire, secteur innovant qui privilégie des emplois de proximité non délocalisables.

Il est précieux qu’il puisse y avoir, à l’échelon national, une instance de réflexion, de mise en partage, de concertation sur ces sujets. La supprimer serait, à notre sens, une très grande erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.

M. Michel Masset. Mes propos s’inscriront évidemment dans la même veine que ceux de mes collègues.

Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire est utile.

Il s’agit d’une instance précieuse pour l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire, pour la coconstruction des dispositifs et des politiques publiques prenant en compte les spécificités de ces entreprises.

Ce conseil est organisé autour de nombreuses commissions, toutes actives. Il est un espace de travail important, qui, par l’engagement bénévole des organisations qui y siègent, participe à faire avancer collectivement le développement de l’ESS.

Son maintien me paraît essentiel, pour les raisons qui ont été évoquées.

Je rappelle par ailleurs que le Sénat a créé un groupe d’études Économie sociale et solidaire, dont les travaux sont très attendus.

Dans mon département, l’économie sociale et solidaire représente tout de même 15 % des emplois !

C’est pourquoi nous proposons de supprimer la suppression du CSESS.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 26.

Mme Nadège Havet. Je veux évoquer deux actualités de l’ESS : le CSESS s’apprête à contribuer aux travaux d’élaboration de la feuille de route stratégique nationale sur l’ESS ; la France accueille, cette année, à Bordeaux, le Forum mondial de l’économie sociale et solidaire.

Dans ce contexte, la suppression de cette structure enverrait un très mauvais signal aux acteurs de cet écosystème, qui incarne une autre forme d’économie, souhaitable et présente dans tous nos territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je crois que, à part notre collègue Catherine Di Folco, je suis la seule, dans cet hémicycle, à avoir été présente lors du vote de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, dite Hamon, qui a porté à l’échelon législatif la création du Conseil.

Nous ne nous attaquons pas à l’économie sociale et solidaire : nous nous attaquons à l’existence du CSESS. Remettre en cause l’économie sociale et solidaire ne serait évidemment ni intelligent, ni conforme aux besoins, ni respectueux des attentes des territoires.

Il ne doit pas y avoir de malentendu : ce n’est absolument pas parce qu’une structure nous semble inadaptée ou devoir être réformée que nous nous attaquons à l’économie sociale et solidaire ! Du reste, je ne voudrais pas me fâcher avec la ministre chargée de l’économie sociale et solidaire, mon ancienne collègue qui va bientôt redevenir députée de la deuxième circonscription de l’Orne… (Sourires.)

Par ailleurs, je m’étais mise d’accord avec M. le rapporteur pour supprimer cet article, compte tenu précisément de la réunion internationale qui va avoir lieu sur le sujet. Je ne comprends donc même pas pourquoi nous l’examinons aujourd’hui en séance.

Soyons clairs, ce n’est à aucun moment une attaque de l’ESS.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié bis, 3 rectifié, 7 rectifié bis et 26.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 est supprimé.

Article 10
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Article 13

Articles 11 et 12

(Supprimés)

Articles 11 et 12
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Article 14

Article 13

Les articles 21-6 et 21-7 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative sont abrogés.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 27 est présenté par Mmes Havet et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile.

L’amendement n° 36 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Nadège Havet. L’amendement vise à revenir sur la suppression du Conseil national de la médiation (CNM).

Installé au mois de juin 2023 seulement, cet organisme est chargé de promouvoir et de soutenir la médiation, notamment en matière de conflits sociaux, familiaux ou commerciaux. Il conseille les pouvoirs publics sur les politiques de médiation et veille au développement des bonnes pratiques.

Comme il est très récent, il faudrait une évaluation de son fonctionnement avant toute décision.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 36.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Le CNM ayant été installé au mois de juin 2023, il nous semble prématuré de le supprimer d’ores et déjà, d’autant qu’il s’est réuni deux fois en 2023 et à trois reprises en 2024.

Cette instance vient de remettre, à la fin de l’année 2024, un premier rapport d’étape, qui comprend des avis et des recommandations liés à la médiation.

La supprimer serait donc un signal peu favorable au développement de cette médiation judiciaire, qui, je le rappelle, contribue à l’allégement en amont de la charge de travail des juridictions.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 et 36.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 13 est supprimé.

Article 13
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Article 15

Article 14

(Supprimé)

Article 14
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Article 16

Article 15

L’article L. 312-8 du code de l’éducation est abrogé.

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Chaillou, Mmes S. Robert et Monier, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Kanner, Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à revenir sur la suppression du Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC).

Créé en 2005, le HCEAC est une instance collégiale, sous la double tutelle du ministère de l’éducation nationale et du ministère de la culture.

Il a joué un rôle très important, puisqu’il a accompagné les collectivités territoriales dans leur démarche de labellisation 100 % EAC. Mes chers collègues, vous avez tous, dans vos départements, des collectivités 100 % EAC qui ont bénéficié de l’accompagnement de cette instance.

Je trouverais absolument incroyable qu’on le supprime aujourd’hui, alors même que la ministre de la culture m’a assuré ici même, pas plus tard que tout à l’heure, dans le cadre du débat sur le pass Culture, que la ministre de l’éducation nationale et elle-même souhaitaient le renforcer et le développer.

Je trouverais absolument incroyable que nous le supprimions, alors que, à l’occasion de ce même débat, nous avons tous réaffirmé ici que l’éducation artistique et culturelle était importante pour notre pays et à l’école et que nous voulions la développer, singulièrement pour les jeunes éloignés de la culture. Ce n’est vraiment pas le moment, compte tenu de l’importance du chantier.

Si le HCEAC ne s’est pas réuni les deux dernières années, c’est pour une raison très simple, que m’a confirmée son vice-président : c’est parce qu’il a été très difficile d’organiser une réunion du fait de l’instabilité ministérielle. Ainsi, les réunions qui avaient été programmées ont dû être annulées.

Le HCEAC a exercé un rôle vraiment essentiel pour nos collectivités et continuera à en jouer un. Je trouverais très dommage qu’on le supprime aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. La nécessité du HCEAC ne nous a pas du tout paru évidente.

Toute politique publique n’a pas nécessairement besoin d’une instance de pilotage national ! Le pilotage peut être académique ou départemental.

Quelle est mon expérience d’élu local du département de la Loire ? Dans ma commune de Saint-Chamond, j’ai installé le 100 % EAC sans jamais avoir eu affaire au Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle. Tout a été élaboré à l’échelon académique et à l’échelon préfectoral.

Cette instance, qui existe depuis 2005, a pris différentes formes, a évolué dans sa composition, dans le nombre de ses membres, sans jamais véritablement faire ses preuves. Elle n’a d’ailleurs jamais réalisé la mission d’évaluation qui lui avait été confiée, ce qu’un rapport de l’inspection générale a souligné dès 2017. Elle ne s’est pas réunie depuis 2022.

Considérant que le HCEAC est l’illustration d’un comité Théodule, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame la sénatrice, je comprends votre occupation quant à l’éducation artistique et culturelle, mais, comme l’a dit M. le rapporteur, le HCEAC ne s’est réuni ni en 2022, ni en 2023, ni en 2024 !

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. On retiendra de cette séance que le Sénat estime que le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle est devenu un comité Théodule, après avoir affirmé, à l’occasion du débat qui a précédé l’examen de ce texte – vous vous en souvenez, chère collègue Nathalie Goulet –, non seulement la nécessité de réformer le pass Culture, mais aussi l’importance de l’éducation artistique et culturelle et le rôle joué par ce Haut Conseil, avec les ministères concernés et avec les collectivités, pour la développer.

Je pense que, politiquement et symboliquement, nous n’envoyons vraiment pas là un bon signal.

Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas eu recours à l’aide du HCEAC. Pour ma part, je peux vous dire que, pour des petites communes, la charte qu’il a élaborée, fruit d’un travail mené en commun avec les communes, les enseignants, les rectorats et les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen), a été très utile.

Bien évidemment, cela ne concerne pas toutes les communes et toutes les communautés de communes, mais 157 communes sont aujourd’hui labellisées 100 % EAC. Le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle a donc joué un rôle.

J’y insiste, s’il ne s’est pas réuni, c’est tout simplement en raison de la succession de nouveaux ministres de la culture et de l’éducation nationale.

Rapprochez-vous des ministres concernés : je ne suis pas certaine que la ministre de la culture et la ministre de l’éducation nationale se satisferaient d’une suppression du HCEAC.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas membre de la commission de la culture…

Je précise toutefois que le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle a fait l’objet d’un rapport plutôt sévère de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) en 2023. À la page 77 de ce rapport, on découvre une dualité de positions, le ministère de la culture souhaitant sa suppression,…

Mme Sylvie Robert. Pas du tout !

Mme Nathalie Goulet. C’est écrit noir sur blanc, ma chère collègue !

… le ministère de l’éducation nationale, lui, souhaitant son évolution.

D’ailleurs, s’il ne s’est pas réuni, ce n’est pas parce qu’il n’intéresse personne : c’est parce que ses membres n’ont pas été renouvelés. Certes, certains présidents exercent dans d’autres départements, mais c’est surtout parce que la structure est en évolution !

En conséquence, je pense qu’il convient de remettre les choses à plat.

Encore une fois, il n’est pas dit qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle – sorte de Parlement de la culture –, reste que cette instance est en cours de refonte.

Le rapport de l’Igac, dont je tiens les conclusions à votre disposition, ma chère collègue, montre que la suppression de ce Haut Conseil ne changerait absolument rien. Je ne puis du reste en citer les membres, puisqu’ils n’ont pas été renouvelés.

Le HCEAC ne s’est pas réuni, il n’a pas d’activité et il n’est à ce jour composé que d’un président. Je maintiens donc qu’il doit être supprimé.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Toutes les instances que ce texte propose de supprimer on fait l’objet de nombreux échanges, notamment avec les associations d’élus, car nous nous sommes sincèrement interrogés sur l’opportunité de les conserver ou non. En l’occurrence, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) nous a confortés dans cette position, qui est par ailleurs étayée par de nombreux documents et autres éléments.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15.

(Larticle 15 est adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

Le dernier alinéa de l’article L. 162-1-12-1 du code de la sécurité sociale est supprimé – (Adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

L’article L. 121-4 du code de la voirie routière est abrogé.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié ter n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 17.

(Larticle 17 est adopté.)

Article 17
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Article 19

Article 18

La loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est ainsi modifiée :

1° Le II de l’article 1er est abrogé ;

2° Au 6° du IV de l’article 6, les mots : « selon la méthodologie nationale élaborée par l’Observatoire national de la politique de la ville, » sont supprimés ;

3° L’article 10 est abrogé.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 24 est présenté par M. Chaillou, Mme Artigalas, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 37 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 24.

M. Christophe Chaillou. Cet article entend supprimer l’Observatoire national de la politique de la ville, créé par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Je conteste le fait qu’il s’agisse d’une instance inutile, le faible nombre de réunions en session plénière n’étant pas, selon moi, un critère pertinent pour juger de son utilité.

Cette instance active contribue à la réflexion sur les enjeux de la politique de la ville. Elle a notamment publié huit études au cours de l’année 2024.

Comme M. le rapporteur l’a souligné lors de l’examen de ce texte par la commission des lois, les associations d’élus locaux, notamment les associations de maires, ont fait valoir l’utilité de cet observatoire et ont même souligné l’importance d’augmenter ses moyens.

Nos collègues Viviane Artigalas et Dominique Estrosi Sassone, ainsi que notre ancienne collègue Valérie Létard partagent cet avis, puisque dans un rapport d’information publié en 2022, La politique de la ville, un tremplin pour les habitants, elles préconisaient de renforcer l’activité de cette structure afin d’améliorer l’évaluation et le suivi des politiques menées dans les quartiers prioritaires de la ville.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 37.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. L’activité de l’Observatoire national de la politique de la ville est en forte progression. L’an passé, il a en effet publié sept rapports sur des sujets d’une grande actualité et aussi variés que la réussite éducative, les dispositifs d’insertion par l’emploi ou la participation électorale dans les quartiers prioritaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. J’entends vos inquiétudes concernant le rôle de l’Observatoire national de la politique de la ville. Celui-ci documente et évalue les politiques publiques qui sont conduites dans les quartiers prioritaires, auxquels je sais que les associations d’élus sont sensibles. J’ai moi-même été maire d’une ville qui a été transformée par la politique de la ville et par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

Cet organe se réunit toutefois assez peu, et on peut légitimement penser que ses missions sont redondantes avec celles de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de l’Anru.

L’analyse des redondances et des doublons de missions doit être conduite de manière exigeante, sans excès mais sans complaisance.

Je comprends toutefois votre réticence à voir supprimer cet observatoire, monsieur le sénateur. Dans le cadre du travail préparatoire à l’examen de cette proposition de loi, plusieurs associations d’élus locaux ont en effet souligné son rôle en matière de suivi de l’aménagement du territoire.

Compte tenu des arguments favorables et défavorables à la suppression de cet observatoire, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit de s’attaquer, non pas à la politique de la ville, mais à la construction en Lego d’un certain nombre de comités, mes chers collègues. Cela n’a pas été possible, mais j’aurais souhaité transférer le suivi des objectifs au Conseil national des villes.

En tout état de cause, ne vous méprenez pas sur les objectifs de ce texte, mes chers collègues : il s’agit non pas de torpiller des politiques, mais seulement d’alléger leur organisation.

Je souhaite donc vivement que cet observatoire soit supprimé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Par ce texte, nous proposons de nous attaquer, non pas au fond des sujets, mais, comme l’a indiqué M. le ministre, aux doublons de missions.

Dans le département dont je suis élue, nous avons fait un état des lieux des structures de l’insertion par l’activité économique, à l’occasion des difficultés rencontrées par l’une d’entre elles. Nous en avons découvert vingt-deux, mes chers collègues, soit autant de présidents, de directeurs, de locaux, de photocopieurs, etc.

Il paraît légitime de réorganiser tout cela !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 37.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 18 est supprimé.

Article 18
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Article 20

Article 19

L’article L. 161-3 du code de l’énergie est abrogé.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Khalifé, Mme Belrhiti, M. Somon, Mmes Demas et Micouleau, M. H. Leroy, Mme Berthet, MM. Milon, Burgoa, Panunzi et Pellevat, Mme Lassarade, M. Brisson, Mme L. Darcos, MM. Piednoir, Chevalier et Genet, Mme Carrère-Gée et M. Chatillon.

L’amendement n° 38 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 22 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 38.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. La Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières, sur laquelle différents orateurs se sont exprimés lors de la discussion générale, est une instance paritaire réunissant des représentants de salariés et d’employeurs qui accompagne les négociations collectives et permet des accords de branche.

Représentant 157 entreprises et près de 136 000 salariés, elle a permis la conclusion de plus de 160 accords collectifs. Qui plus est, son coût de fonctionnement est nul.

Cette commission assurant des missions utiles pour le personnel du secteur concerné, sa suppression me paraît injustifiée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez sans doute l’attachement qui est le mien au dialogue social. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, cette commission représente 157 entreprises et 135 789 salariés. C’est un espace unique d’échanges entre l’État, les employeurs et les syndicats qui assure l’adaptation du cadre réglementaire aux évolutions du secteur.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 19 est supprimé.

Article 19
Dossier législatif : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée
Article 21

Article 20

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° L’article L. 132-44 est abrogé ;

2° À la première phrase de l’article L. 132-42-1, les mots : « , L. 132-43 et L. 132-44 » sont remplacés par les mots : « et L. 132-43 ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme S. Robert et M. Chaillou.

L’amendement n° 39 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.

Mme Sylvie Robert. L’article 20 supprime la commission prévue à l’article L. 132-44 du code de la propriété intellectuelle.

Il est à noter que cette commission comprend en réalité deux collèges, l’un dédié aux droits d’auteur, l’autre dédié aux droits voisins.

Le collège « droits d’auteur » de cette commission est compétent pour faciliter la conclusion d’accords relatifs aux droits d’auteur des journalistes et, à défaut d’accord, fixer les modes et les bases de la rémunération due en contrepartie des droits d’exploitation.

Le collège « droits voisins » de cette commission a pour mission de faciliter la conclusion d’accords relatifs au partage de la rémunération due au titre des droits voisins des éditeurs de presse et des agences de presse.

Si cette commission était supprimée, le droit que l’article L. 218-5 du code de la propriété intellectuelle accorde aux journalistes de percevoir « une part appropriée et équitable » de la rémunération de droits voisins perçue par les éditeurs de presse auprès des plateformes numériques ne pourrait plus être garanti, ce qui me paraît fortement inopportun.

Alors que la ministre de la culture vient d’annoncer un projet de loi sur les conclusions des États généraux de l’information dans lequel il sera question des droits voisins, j’estime qu’il convient au contraire de maintenir cette commission.

Cet amendement n’a donc rien de superflu.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 39.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Cette commission ne se contente pas d’émettre des avis, elle prend également des décisions. Elle permet en outre de lever un certain nombre de blocages en amont des négociations collectives portant sur les droits d’auteur et les droits voisins.

J’estime donc qu’il convient de la maintenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié et 39.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 20 est supprimé.

Article 20
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Article 22

Article 21

L’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle est abrogé.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme L. Darcos, MM. Capus, Chasseing et Chevalier, Mmes de La Provôté et de Marco, MM. Grand, Henno et Hingray, Mme Joseph, M. Laménie, Mme Lermytte, MM. Levi et V. Louault, Mme Morin-Desailly, MM. Pellevat, Rochette, Verzelen, P. Vidal et Wattebled et Mmes Carrère-Gée et Saint-Pé.

L’amendement n° 40 est présenté par M. Reynaud, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

M. Marc Laménie. Par cet amendement, Laure Darcos propose de supprimer l’article 21 de cette proposition de loi, et partant, de maintenir la commission prévue à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle.

Cette commission a pour objet de définir le barème et les modalités de versement de la rémunération due aux artistes-interprètes. Elle est d’ailleurs la seule entité capable de fixer ou de réviser les barèmes au titre de la rémunération équitable. Si ce rôle était confié au ministère de la culture, celui-ci, en sa qualité de tutelle de l’audiovisuel public, se trouverait en effet juge et partie.

Il donc indispensable de supprimer cet article afin de conserver cette instance.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 40.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. En commission, nous nous sommes interrogés, avec l’auteur de la proposition de loi, sur l’opportunité de raccrocher cette commission à une autre entité, mais nous avons manqué de temps et d’expertise.

À défaut d’autre solution, je propose donc le maintien de cette commission qui se réunit de manière subsidiaire lorsqu’il est nécessaire de revoir les critères et les barèmes de rémunération. (Mme Sylvie Robert acquiesce.) La validité des décisions qu’elle prend n’est pas limitée dans le temps.

Si elle ne s’est réunie ni en 2021 ni en 2023, elle s’est bien réunie en 2024 et elle a annoncé qu’elle se réunirait selon une fréquence mensuelle en 2025.

Mme Nathalie Goulet. Elle est ressuscitée ! (Sourires.)

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Cette proposition de loi a peut-être suscité cela !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. L’utilité de cette commission est reconnue par l’autorité judiciaire, qui, en juillet et en août 2023, a enjoint le ministère de la culture de nommer son président. La présidente nommée l’année dernière a depuis établi un programme de travail de révision des barèmes assez ambitieux allant jusqu’en 2027.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je me réjouis d’avoir peut-être provoqué la résurrection de cette commission ! (Nouveaux sourires.)

Nous avions toutefois établi avec le rapporteur que, jusqu’à une réunion récente, la seule rémunération équitable de cette commission était celle de sa présidente, qui était en poste alors même que la commission ne se réunissait pas.

Je comprends que le nombre de réunions de cette commission est totalement anecdotique et décorrélé de son intérêt comme de son importance.

Je me félicite toutefois que cette commission soit désormais dotée d’un programme et serai très attentive à l’activité de cette instance ressuscitée, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié bis et 40.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 21 est supprimé.

Article 21
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Article 23 (nouveau)

Article 22

(Supprimé)

Article 22
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Article 24 (nouveau)

Article 23 (nouveau)

I. – Le titre IV du livre IV de la sixième partie du code des transports est abrogé.

II. – Les articles L. 326-6 et L. 326-7 du code général de la fonction publique sont abrogés.

III. – Au 2° de l’article L. 351-1 du code forestier, les mots : « , après avis du Comité national de la gestion des risques en forêt » sont supprimés.

IV. – L’article 60-1 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est abrogé – (Adopté.)

Article 23 (nouveau)
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Après l’article 24 (début)

Article 24 (nouveau)

Le livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’article L. 112-1 est abrogé ;

2° La seconde phrase du 2 du IV de l’article L. 141-1 est supprimée – (Adopté.)

Article 24 (nouveau)
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Après l’article 24 (fin)

Après l’article 24

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 213-20-1 du code de l’environnement est abrogé.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Par cet amendement, je vous propose de transférer les missions du Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) à l’Office français de la biodiversité (OFB). L’OFB ayant été récemment sacralisé, un tel regroupement ne paraît pas absurde. Il s’agit en tout cas de l’une des propositions de restructuration, sans doute trop peu nombreuses faute de temps et d’expertise, que je vous soumets, mes chers collègues.

Monsieur le ministre nous a toutefois assurés que les restructurations seraient favorisées par la nouvelle méthode qu’il compte mettre en œuvre. Cette session quelque peu « crucifiante » aura donc du moins eu la vertu d’accélérer les choses !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Si le Comité national de l’Ifrecor se réunit une fois par an en session plénière à Paris, dans chaque territoire ultramarin, des comités locaux se réunissent plus régulièrement. Il est du reste bienvenu que toutes les réunions ne se tiennent pas à Paris, car cela emporterait des frais proportionnels à la fréquence de telles réunions.

Il me paraît donc inopportun de supprimer l’Ifrecor, d’autant que 2025 sera dans notre pays l’année de la Mer. Nous aurons l’occasion de revenir sur un éventuel rattachement de cette instance à l’OFB, d’autant que les travaux de la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État commenceront prochainement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.

L’amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’article L. 230-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « L’observatoire de l’alimentation » sont remplacés par les mots : « Le Conseil national de l’alimentation » ;

b) Le troisième alinéa est supprimé.

2° Au troisième alinéa de l’article L. 230-4, les mots : « l’observatoire de l’alimentation » sont remplacés par les mots : « le Conseil national de l’alimentation ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cette nouvelle tentative, qui relève sans doute de l’acharnement thérapeutique, vise à fusionner l’Observatoire de l’alimentation et le Conseil national de l’alimentation.

Le coût de fonctionnement de chacune de ces instances étant d’environ 500 000 euros, il paraît intéressant, comme nous l’avons évoqué avec M. le rapporteur, de procéder à cette réorganisation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Il est exact que nous avons longuement discuté et hésité sur l’avis à donner sur cette disposition.

Renseignements pris, les deux instances n’ont pas les mêmes missions et ne rendent pas le même type d’avis. Le Conseil national de l’alimentation est en effet une instance de concertation, quand l’Observatoire est une instance scientifique, qui émet des avis sur la qualité nutritionnelle des produits dans le temps en s’appuyant sur des données statistiques.

Votre proposition pourrait donc être une bonne idée, ma chère collègue, d’autant que le coût de fonctionnement de chacune de ces instances s’élève de mémoire à environ 300 000 euros. En l’état actuel des choses, n’ayant pas la certitude que cette fusion n’emporterait aucune déperdition en matière de services rendus, la commission demande toutefois le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Comme cela a été indiqué lors de la discussion générale par plusieurs orateurs, il nous faut continuer d’étudier les pistes d’amélioration, en particulier les possibilités de restructuration.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Si ces deux instances traitent d’enjeux liés à l’alimentation, comme l’indiquait M. le rapporteur, leur rôle est différent. L’Observatoire de l’alimentation est en effet une plateforme scientifique nutritionnelle qui a vocation à éclairer les politiques publiques, tandis que le Conseil national de l’alimentation est une instance consultative indépendante.

Dans le cadre de ses travaux, le Sénat pourrait toutefois approfondir cette question. Pour l’heure, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement !

Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par M. Reynaud, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

certaines structures, comités

par les mots :

certains comités, structures

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Je ne sais pas s’il faut s’en désoler ou s’en réjouir, mais ce texte propose finalement davantage de non-suppressions que de suppressions de comités.

En tout état de cause, le Gouvernement sera particulièrement attentif aux travaux de simplification que la Haute Assemblée mènera dans les semaines et les mois qui viennent. Il est temps de passer aux actes !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je remercie Mme Nathalie Goulet d’avoir déposé cette proposition de loi qui a le mérite – et il n’est pas mince – de nous permettre de passer du constat à l’exécution.

Ce constat a été dressé clairement : la complexité administrative pèse sur le fonctionnement de notre pays. En fine parlementaire, Mme Goulet sait toutefois que cette proposition de loi est un texte d’appel qui ne suffira pas à résoudre les difficultés pointées.

Comme l’a indiqué notre rapporteur Hervé Reynaud, plusieurs des comités dont vous proposiez la suppression sont consacrés dans la loi et, partant, sont insérés dans des procédures auxquelles il faut également nous attaquer afin de les supprimer, ma chère collègue.

En tout état de cause, ce texte nous renvoie à la seule question qui vaille à mon sens aujourd’hui, celle du rôle et du périmètre de l’État dans notre pays. Notre capacité à supprimer des procédures dépend en effet étroitement du périmètre de l’action publique.

Je me félicite donc que nous ayons eu ce débat ce soir et je remercie tous ceux qui y ont participé, mes chers collègues. Nous pourrons le prolonger en abordant spécifiquement la question plus profonde du périmètre de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Reynaud, rapporteur. Je salue ce travail que j’estime tout de même fructueux, ma chère collègue. Il nous faudra en assurer le suivi, mais également persévérer dans cette démarche tous les ans, afin de gagner en transparence. Nos échanges n’en seront que plus nourris et nos arguments plus affutés.

J’en appelle également à une forme de stabilité institutionnelle, condition indispensable à tout travail interministériel constructif avec le Parlement, monsieur le ministre. Cela nous permettra également d’obtenir davantage de réponses du Gouvernement et de gagner en complémentarité.

J’avoue que, d’une certaine façon, la reconnaissance de nos incertitudes nous a nourris pour la recherche du vrai.

J’aimerais donc que ce travail, qui est souvent réalisé au Sénat, puisse se poursuivre, car nous avons besoin de simplification. Il faut garder cette volonté de persévérer tout en conservant de la crédibilité grâce à des arguments toujours fondés. C’est là ce qui fait la force du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour explication de vote.

Mme Isabelle Florennes. J’adresse mes remerciements à notre collègue Nathalie Goulet pour son engagement sincère sur le sujet et pour le travail de fond, très documenté – nous avons pu le constater cet après-midi. Elle a mis en lumière que, une fois de plus, l’enfer était pavé de bonnes intentions et qu’il faudra bien du courage, monsieur le ministre, pour avancer sur ce sujet.

Le débat de cet après-midi démontre de nouveau notre difficulté à réformer l’État en douceur et avec pragmatisme. C’est malheureusement ce que nous reprochent très régulièrement les Français, notamment sur ce sujet.

Comme vous l’avez très bien dit, madame la présidente de la commission des lois, la question sous-jacente est celle de l’efficacité de notre action publique. Dans l’opinion des Français, cette question est prégnante et explique sans doute, comme nous l’évoquions ce matin, le phénomène d’abstention qui se manifeste très régulièrement lors des élections.

Nous pouvons donc remercier notre collègue d’avoir mis le sujet sur la table, grâce à cette proposition de loi. J’espère que la commission d’enquête demandée par nos collègues du groupe Les Républicains permettra d’avancer sur cette question fondamentale pour les élus du groupe Union Centriste.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Il reste à l’évidence peu de choses de votre texte, à l’issue de cette séance crucifiante, madame Goulet. Néanmoins, je persiste à penser qu’il est nécessaire de poursuivre la réflexion et qu’il nous faut absolument avancer sur le sujet.

Vos propositions auront permis de réactiver certains comités sans doute un peu endormis ! (Sourires.) À moins que, à l’inverse, elles n’aient contribué à renforcer des comités qui, malheureusement, pour des raisons de méthode ou d’évolution naturelle, étaient en perte de légitimité.

En tout cas, cela nous conforte tous collectivement dans l’idée qu’il faut poursuivre la réflexion, car elle est indispensable, sans qu’il y ait d’a priori. Sur ce point, soyons clairs : à aucun moment, nous n’avons considéré que vous aviez remis en cause la politique de la ville ou l’économie sociale et solidaire.

Encore une fois, nous saluons votre engagement, madame Goulet, ainsi que celui de M. le rapporteur, et nous restons disponibles pour poursuivre avec vous ce travail qui est nécessaire, mais qui doit se faire de façon objective et pragmatique, en s’appuyant sur des éléments d’évaluation très clairs – le ministre a proposé quelques critères sur lequel nous pourrions nous fonder. Nous y sommes tout à fait prêts.

Cependant, compte tenu des différentes remarques qui ont été formulés ainsi que du sort qui a été réservé à l’amendement n° 12, nous ne pourrons pas adopter ce qui reste de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je tiens à saluer notre collègue Nathalie Goulet et les élus du groupe Union Centriste pour leur initiative et le travail qu’ils ont réalisé. Chacun sait que la tâche est immense en la matière et l’examen de ce texte a le mérite de nous avoir permis de poser des problèmes essentiels, même si nous ne sommes pas très nombreux, cet après-midi, de sorte que l’ambiance est presque familiale, si j’ose dire. (Sourires.) Néanmoins, le sujet est d’importance.

Je salue également Mme la présidente et M. le rapporteur de la commission des lois, ainsi que leurs collègues, pour leur travail. En effet, il y a beaucoup à faire. De nombreux comités, conseils et commissions Théodule ont été cités et il en existe dans bien des domaines. Nous restons positifs et nous faisons confiance à l’ensemble des parties prenantes pour poursuivre dans cette voie.

Monsieur le ministre, les avis que vous avez donnés sont d’importance.

Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.

M. Michel Masset. Je salue à mon tour le travail de l’auteur de ce texte ainsi que celui de M. le rapporteur. Il fallait du courage pour ouvrir ce dossier qui est loin d’être refermé. Nous sommes donc, aujourd’hui, au début d’une aventure qui se poursuivra sans que nous sachions encore sous quelle forme.

Madame Goulet, peut-être avez-vous eu raison trop tôt. Je ne saurais le dire. Quoi qu’il en soit, je tiens à préciser que, dans les votes que j’ai pu exprimer, jamais je n’ai considéré une seule fois que vous remettiez en cause le cœur ou le métier des structures.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je remercie M. le ministre, Mme. la présidente de la commission des lois, ainsi que M. le rapporteur.

Dès lors que je sors de mes sujets « de confort » – ceux que j’ai l’habitude de traiter –, comme la fraude ou le terrorisme, « man muss gefährlich leben », comme disait Nietzsche : « Il faut vivre dangereusement. » (Sourires.)

En réalité, le débat que nous avons eu servira à la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État pour définir sa méthode, même si je ne doute pas qu’elle était déjà très imprégnée de nos travaux.

Pour tout dire, les planètes sont alignées.

Par conséquent, même si ce texte, comme je l’ai dit à la tribune, était imparfait, si nous ne l’avions pas examiné, nous n’aurions pas eu ces discussions sur la méthode à adopter, sur l’évolution de nos travaux et sur les pratiques de restructuration à mettre en place. Ce débat d’ordre général, même s’il a pu être très léger à certains moments, n’a pas eu lieu en commission des lois. En effet, j’ai lu avec attention les comptes rendus des réunions et j’ai pu constater que certains de nos collègues étaient partisans de mesures bien plus radicales que celles que j’ai proposées, mais il se trouve qu’ils ne sont pas présents en séance…

Il me semble donc que, dans ces circonstances, le débat a apporté le meilleur de ce que nous pouvions en attendre.

Je remercie mes collègues du groupe Union Centriste d’avoir maintenu l’inscription de ce texte dans la niche. « Quand il y a une niche, il y a un chien qui aboie », dit-on souvent. En l’occurrence, tous les comités se sont mis à aboyer en même temps… (Sourires.)

Nous sommes au début d’un travail qu’il nous faut absolument mener ensemble. Certes, il ne s’agit pas de créer un comité pour contrôler les comités, ni un observatoire pour contrôler les observatoires !

Reste que, encore une fois, nous ne serions pas parvenus au résultat de ce soir, si nous n’avions pas eu ce débat. Je remercie tous les collègues qui y ont participé et j’espère que les quelques articles qui restent seront votés.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi, dont le Sénat a rédigé ainsi l’intitulé : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée.

(La proposition de loi est adoptée.)

Après l’article 24 (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée
 

7

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Je souhaite faire plusieurs rectifications au nom de mes collègues.

Lors du scrutin n° 182 portant sur l’amendement n° 271 de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, Philippe Grosvalet souhaitait voter contre.

Lors du scrutin n° 183 portant sur l’ensemble de la proposition de résolution appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives, Véronique Guillotin souhaitait s’abstenir.

Lors du scrutin n° 184 portant sur l’ensemble de la proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, Mireille Conte Jaubert souhaitait d’abstenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Lors du scrutin n° 183 portant sur l’ensemble de la proposition de résolution appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives, Stéphane Demilly, Hervé Maurey, Vincent Delahaye, François Bonneau, Jean Hingray, Anne-Sophie Romagny, Anne-Catherine Loisier, Guislain Cambier, Jean-Marie Mizzon et Patrick Chauvet souhaitaient voter contre.

Lors de ce même scrutin, Ludovic Haye, Pierre-Antoine Levi, Amel Gacquerre, ainsi que moi-même, souhaitions nous abstenir.

Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 3 février 2025 :

À seize heures trente et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’urgence pour Mayotte (texte de la commission n° 283, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER