M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Il ne faut pas confondre temps de travail, c’est-à-dire temps passé dans l’entreprise, et productivité. C’est très différent.

En France, les salariés sont très productifs. Si les 35 heures ont eu un effet pervers, c’est d’avoir poussé les salariés à travailler autant qu’ils le faisaient en 39 heures, ce qui pose d’ailleurs un certain nombre de problèmes.

Au moment de discuter de la mesure proposée par la commission, permettez-moi d’avoir une pensée pour les nombreux Finistériens, qui travaillent dans l’agroalimentaire et qui, après dix ou quinze ans passés à exercer dans ce secteur, sont tous obligés de se faire opérer pour des troubles musculo-squelettiques (TMS).

J’ai également une pensée pour l’ensemble des personnels des hôpitaux, particulièrement les aides-soignantes, à qui l’on ne cesse de dire qu’ils travaillent très bien, qu’ils sont productifs, que l’on a applaudis pendant la crise de la covid-19 et à qui l’on va dorénavant demander de travailler sept heures, voire – si l’on suivait mon collègue breton, Michel Canévet – dix-huit heures de plus gratuitement, pour abonder la branche autonomie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour moi, c’est proprement scandaleux, d’autant plus que l’on sait parfaitement ce que cela peut induire en termes de santé. Un tel dispositif est totalement inadmissible et incompréhensible.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Selon la rapporteure générale, nous n’aurions pas anticipé le vieillissement actuel de la population.

Cela fait pourtant extrêmement longtemps que ce vieillissement est connu et que nous savons que la courbe démographique de notre pays est défavorable. J’aurais préféré que la commission reconnaisse que nos dirigeants se sont refusés à prendre en compte les effets de ce vieillissement.

Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que nous attendons la fameuse loi Grand Âge depuis longtemps. Admettons alors aussi que ce n’est pas parce que nous n’avons pas anticipé, mais parce que nous nous sommes refusés à agir que nous n’avons rien fait.

Madame la rapporteure générale, en présentant votre mesure, vous avez évoqué l’actuelle journée de solidarité pour indiquer que vous ne souhaitiez pas en reprendre l’appellation. Soit, mais rien ne change sur le fond.

Vous avez également souligné que, si vous proposiez ce dispositif, ce n’était pas de gaieté de cœur. De toute façon, il n’est pas question de cœur, ni d’un côté ni de l’autre, c’est un choix politique. Il ne s’agit pas de savoir si l’on a du cœur ou non ; nous en avons tous un qui bat.

Nous débattons d’un choix politique : assumez-le !

Mme Jocelyne Guidez. On l’assume !

Mme Silvana Silvani. Assumez de faire payer les travailleurs, comme vous venez de le décider pour les apprentis.

Vous êtes prêts : assumez votre projet politique, qui consiste à proposer aux salariés de travailler gratuitement, à augmenter leur temps de travail et à supprimer des jours de congés payés. Allez-y !

À l’inverse, je constate que, quand il est question de faire contribuer les entreprises et les plus riches, pour vous, c’est non. Ne vous voilez pas la face, ne vous cachez pas derrière des chiffres ou des données sur la productivité ou le volume d’heures travaillées par les uns et les autres. Reconnaissez, mes chers collègues, que vous voulez que les travailleurs – et pas les employeurs – paient !

Permettez-moi, pour finir, un bref rappel historique : il y a vingt ans exactement a été créée une première journée de solidarité. Peut-être, d’ailleurs, que certains d’entre vous s’en souviennent ici, pour siéger déjà sur ces travées : cette disposition avait été proposée par le ministre délégué aux relations du travail de l’époque,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Silvana Silvani. … un certain Gérard Larcher !

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Comme ma collègue Silvana Silvani, je considère que chacun savait parfaitement que nous ferions face à ce « mur du vieillissement ». Il est faux de dire que nous n’avons pas anticipé les conséquences de la forte natalité enregistrée dans les années 1945-1955. En réalité, on n’a pas voulu le faire. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.)

Désormais, nous y voilà : de notre côté, nous avons formulé des propositions fortes. Du vôtre, vous avez créé une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie, sans pour autant prévoir de véritable financement en regard. Aujourd’hui, votre seule solution consiste donc à taxer les travailleurs.

Monsieur le ministre, vous nous qualifiez, nous parlementaires de gauche, d’obsédés de la taxation. L’impôt n’est pas un vilain mot !

M. Olivier Rietmann. Le travail non plus !

Mme Émilienne Poumirol. Certes, mon cher collègue, quand celui-ci est rémunéré, cela ne pose aucun souci.

Monsieur le ministre, vous l’avez constaté, mes collègues et moi-même avons formulé toutes sortes de propositions, qui permettraient d’abonder cette cinquième branche.

Pour conclure, permettez-moi de revenir un instant sur le sujet des crèches et des microcrèches, qui me tient particulièrement à cœur. On entend dire aujourd’hui que certaines microcrèches privées auraient un niveau de rentabilité pouvant atteindre 16 % à 18 % : quel autre secteur en France est aussi rentable ? Même Airbus, notre fleuron industriel, est loin d’avoir une telle rentabilité. Et tout cela, aux dépens de nos enfants. C’est intolérable !

Vous avez balayé d’un revers de la main tous les dispositifs de taxation que nous vous avons soumis, en nous répondant qu’il s’agissait de mesures dogmatiques dont il ne fallait pas parler. Résultat : la commission et Michel Canévet se livrent, sous nos yeux, à une véritable course à l’échalote !

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Dans une précédente intervention, j’ai entendu l’une de nos collègues dire que, pour distribuer la richesse, il fallait d’abord la créer.

Mme Monique Lubin. Oui, c’était moi !

M. Olivier Henno. Vous voyez, madame Lubin, il m’arrive aussi de citer des sénateurs situés de votre côté de l’hémicycle. En l’occurrence, c’est bien de richesses qu’il est question avec l’amendement de la commission. Cette mesure, censée rapporter 2,4 milliards d’euros, participe à l’équilibre de nos comptes sociaux, et même y contribue beaucoup.

J’en viens à la question du temps de travail. D’abord, notre propos n’est pas du tout de dire que les Français sont paresseux…

M. Olivier Henno. … et qu’ils ne sont pas productifs, bien au contraire.

D’ailleurs, on mène aussi des combats d’arrière-garde dans le privé. Sachez, mes chers collègues, qu’une loi n’aura pas été nécessaire pour supprimer les 35 heures : elles n’existent plus ! Connaissez-vous le temps de travail hebdomadaire moyen des salariés du secteur privé ? Il est de 38,5 heures ! Les 35 heures correspondent non donc plus à la durée légale de travail, mais au seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Il faut envisager la question de la durée hebdomadaire du temps de travail tout autrement. Ma conviction, c’est que la contribution de sept heures, que nous propose la commission, sera gérée au niveau des entreprises et des branches, et que le dispositif s’équilibrera naturellement. J’en veux pour preuve que, dans les nombreuses études sur les conditions de travail, parmi les préoccupations des salariés, la question du temps de travail ne figure qu’en quatrième position derrière celles des rémunérations, de l’organisation et de la considération.

De ce point de vue, sans doute faudra-t-il d’ailleurs lancer d’autres débats sur ce thème : le temps de travail doit-il être envisagé de manière hebdomadaire ou mensuelle ? Ne doit-on pas privilégier une prise en compte du temps de travail tout au long de la vie ? On voit bien que la génération Z, pour ne citer que cet exemple, pose un autre regard que nous sur le travail. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe CRCE-K.)

Cette contribution de solidarité par le travail est, selon moi, une proposition sérieuse ; son adoption contribuera à l’équilibre de nos finances sociales.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. J’ignorais que nos débats nous donneraient l’occasion d’assister à une telle fête. Puisqu’il en va ainsi, je vais moi aussi y participer : tant qu’on y est, supprimons les 35 heures, retirons une semaine de congés payés et revenons aux 48 heures pour l’ensemble des salariés, afin de résorber les déséquilibres de nos comptes sociaux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Très bien !

Mme Monique Lubin. Vous avez raison de m’applaudir, mes chers collègues.

C’est bien connu : depuis que nous avons mis en place toutes ces avancées sociales, toutes les entreprises de ce pays ont fait faillite, le pays a cessé d’être attractif, les entreprises ont vu leur compétitivité reculer. C’est vrai : nous avons coulé, nous avons plongé dans le marasme.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cela étant, avec vos solutions, ce serait le cas !

Mme Monique Lubin. Où sommes-nous donc ?

Monsieur Canévet, vous nous avez expliqué tout à l’heure que c’était le sens de l’Histoire, mais c’est une Histoire qui marche à reculons ! (M. Michel Canévet proteste.)

J’entends les uns et les autres parler des partenaires sociaux : ces derniers seront ravis d’apprendre ce soir que tous les salariés devront travailler sept heures de plus au titre de la solidarité…

Mme Jocelyne Guidez. Sept heures par an !

Mme Monique Lubin. Oui, soyons précis : un jour de plus par an, c’est-à-dire un jour férié de moins. Continuez à ce rythme, il n’y en aura plus beaucoup ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat simpatiente.)

Les salariés devront travailler davantage, sans contrepartie, alors même que les gouvernements successifs ont accordé 500 milliards d’euros de cadeaux fiscaux ces sept dernières années !

Les partenaires sociaux, que tout le monde dit adorer ici, seront également ravis d’apprendre que l’on rediscutera peut-être prochainement de la durée du temps de travail dans ce pays. Cela nous promet quelques journées de débats tout à fait intéressantes.

Ce que vous proposez ce soir relève de la provocation, mes chers amis !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Pour rappel, nous attendons une loi Grand Âge depuis 2020. Nous attendions déjà des dispositions en faveur de nos aînés, en 2015, dans le cadre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, ainsi que, plus récemment, dans celui de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, qui n’a créé finalement aucun emploi. Force est donc de constater que nous attendons toujours.

En France, les salariés travaillent 6 630 heures par an, soit 120 heures de moins qu’en Allemagne et, je suis désolé de le dire, mes chers collègues, mais notre productivité n’augmente pas, d’après les documents que j’ai pu consulter. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) Aussi, nous finançons en partie notre modèle social par la dette.

La commission des affaires sociales propose que chaque actif travaille sept heures de plus par an, ce qui représente quarante minutes par mois ou dix minutes par semaine. Comme l’indique le rapport Vachey, un tel dispositif rapporterait 2,4 milliards d’euros.

Travailler sept heures pour nos aînés reviendrait, selon moi, à servir une cause noble : nous ferions preuve de la même cohésion sociale que celle que nous avons montrée lors des jeux Olympiques, pour ne citer que cet exemple.

Pour ce qui est du pouvoir d’achat des salariés, j’ai rappelé tout à l’heure qu’il avait été quelque peu amélioré grâce à la suppression de la taxe d’habitation, une imposition représentant 22 milliards d’euros, qui ont été intégralement compensés aux communes par l’État.

Enfin, madame Poncet Monge, je suis en profond désaccord avec vous quand vous affirmez que les salariés font en 35 heures ce qu’ils faisaient en 39 heures. Ce n’est pas vrai : dans les hôpitaux et les Ehpad, il faut avant tout des bras ! La mise en place des 35 heures à l’hôpital a empêché la création de près de 80 000 emplois, voire de 10 % du million de professionnels employés dans le secteur hospitalier et les Ehpad, simplement parce que nous n’avions pas les moyens de créer 100 000 emplois de plus ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Pourquoi ne pas les avoir abrogées alors ?

M. Daniel Chasseing. Mon amendement ayant un objet similaire à celui de la commission, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 1043 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Au fond, monsieur le ministre, vous venez de nous expliquer que notre système de protection sociale était en danger et qu’il fallait travailler davantage pour le financer.

Depuis leur création, les lois de financement de la sécurité sociale comportent tout un système de tuyauterie entre les branches de la sécurité sociale et l’État. Depuis que l’État a mis fin au paritarisme et a pris la main sur les finances sociales – c’était bien avant votre nomination, monsieur le ministre –, cette tuyauterie ne fonctionne que dans un seul sens : des finances sociales vers le budget de l’État.

Un État qui est en faillite chronique ou, plutôt, en déficit chronique – pardonnez-moi, je ne cherche pas à créer la polémique à ce sujet – ponctionne les finances sociales. La dernière grosse ponction en date, ce sont les 136 milliards d’euros qu’a repris la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce n’est pas une ponction de l’État, il s’agit d’apurer la dette sociale !

M. Bernard Jomier. Cela fait deux ans que mes amis et moi-même expliquons, dans cet hémicycle, que la sécurité sociale est volontairement maintenue en déficit, parce qu’une telle situation nourrit en permanence le débat sur l’insoutenabilité de notre modèle de protection sociale.

Voilà, nous y sommes. En réalité, ce système est parfaitement viable financièrement lorsque l’on en respecte le périmètre – ce que vous ne faites pas.

C’est la raison pour laquelle vous en êtes venus, assez logiquement, à vous interroger sur la meilleure manière de récupérer de l’argent et à rejeter toutes les pistes permettant de faire concourir nos compatriotes les plus favorisés, qui, eux, sous-contribuent au système de protection sociale.

Vous vous êtes donc tournés vers les seuls salariés pour que ces derniers travaillent sept heures de plus gratuitement. On se demande d’ailleurs bien pourquoi les fonctionnaires, les salariés du privé et les indépendants ne seraient pas mis à contribution de la même façon, puisqu’ils n’ont pas le même statut. Ainsi, une infirmière salariée serait amenée à travailler sept heures de plus, alors qu’une infirmière libérale en serait dispensée.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Mais si, ce sera le cas !

M. Bernard Jomier. Pour ma part, je n’y comprends rien.

En tout état de cause, vous créez une journée de solidarité avec les plus riches, financée par les salariés. Voilà qui n’est pas acceptable !

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. La commission propose que les salariés français travaillent sept heures supplémentaires par an, non payées, afin de dégager 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour la branche autonomie.

Je rappelle à nos collègues, rejoignant en cela les observations de M. le ministre, que, si notre pays ne veut pas se paupériser par rapport aux autres pays développés, il nous faudra collectivement travailler plus. Que l’on prenne le nombre d’heures travaillées par salarié ou le nombre d’heures travaillées par habitant, nous sommes à la traîne par rapport aux autres pays développés, en particulier en Europe.

On s’est longtemps contenté de dire que la diminution du volume d’heures travaillées dans notre pays expliquait une productivité supérieure de celui-ci par rapport aux autres pays. Ce n’est plus vrai, madame Poncet Monge : en dix ans, notre productivité a augmenté de 0,4 %, alors que, dans le même temps, elle a augmenté de 0,7 % en Allemagne et aux États-Unis. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n’est pas comparable !

Mme Cécile Cukierman. Résultat, les Américains ont Donald Trump pour président !

M. Alain Milon. Il va donc nous falloir trouver une solution.

Cela étant, madame la rapporteure générale, si je trouve l’idée d’une contribution de solidarité par le travail économiquement salutaire, l’objectif qui est visé me semble un peu plus contestable. En effet, il est proposé de travailler plus, non pas pour améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs, mais pour renflouer les caisses de la sécurité sociale.

Mme Cécile Cukierman. Vous êtes un vrai sarkozyste, monsieur Milon ! Il en reste donc dans ce pays !

M. Alain Milon. On ne propose pas non plus aux Français de faire des efforts pour avoir une vie meilleure ni pour lancer la refonte du système de la sécurité sociale, mais pour alimenter ce que l’on appelle entre nous le tonneau des Danaïdes.

Aussi, je suis inquiet : je souhaite que votre mesure, madame la rapporteure générale, soit transitoire en attendant, monsieur le ministre, que de profondes réformes de notre système de financement de la sécurité sociale nous soient proposées.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, à vous écouter sur ces sujets, je m’inquiète. Nous avons une cinquième branche de la sécurité sociale à financer, la branche autonomie, qui nous concerne tous, parce que nous vieillirons tous et que nous avons tous autour de nous des parents ou des grands-parents qui vieillissent.

Je comprends que l’effort de solidarité demandé par la commission suscite une certaine émotion dans cet hémicycle. De quoi s’agit-il exactement ? Nous débattons d’une mesure transitoire qui pourrait rapporter 2,4 milliards d’euros et qui conduirait chacun d’entre nous…

Mme Anne-Sophie Romagny. … ou, plutôt, chaque travailleur à contribuer par solidarité.

Autre remarque, j’ai entendu dire que les indépendants ne seraient pas mis à contribution comme les autres. Que je rassure tout le monde, un indépendant travaille non pas 35 heures par semaine, mais plutôt 60 heures, voire 70 heures ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) Je ne suis pas sûre qu’il soit judicieux d’ouvrir ce débat.

Aujourd’hui, il est question de demander aux salariés français de travailler dix minutes de plus par semaine gratuitement, soit l’équivalent de deux minutes par jour. Ne sommes-nous pas capables, par solidarité, de fournir cet effort, sans que l’on nous accuse de dogmatisme ? (M. Mickaël Vallet sexclame.)

Nous parlons de deux minutes par jour pour trouver, en urgence, des solutions, en l’occurrence des moyens supplémentaires – 2,4 milliards d’euros – pour sauver la branche autonomie, au moins de manière transitoire.

Deux minutes par jour, mes chers collègues ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il n’y a qu’à taxer les actionnaires !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. D’abord, permettez-moi de saluer l’ensemble des commissaires des affaires sociales, auxquels tout le mérite revient d’avoir préparé et travaillé, depuis de nombreux jours, de nombreuses semaines, sur ce texte.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre Jean Rochette. En tout cas plus de deux minutes par jour ! (Sourires.)

M. Marc Laménie. Je tiens également à vous saluer, madame la rapporteure générale, ainsi que tous les rapporteurs de branche et M. le président de la commission.

En intitulant votre mesure « contribution de solidarité par le travail » en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, vous faites référence à la loi du 30 juin 2004, qui a institué la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) versée par les employeurs dans le cadre d’une première journée de solidarité.

La mise en place d’une nouvelle contribution s’explique évidemment par la démographie, comme beaucoup l’ont souligné avant moi et comme le montre le rapport de la commission. Aujourd’hui, le nombre des personnes âgées en perte d’autonomie s’élève à 1,3 million et devrait atteindre 2 millions à l’horizon 2050.

Cette contribution de solidarité par le travail contribuera au fonctionnement et à la modernisation des établissements et services médico-sociaux accueillant ces personnes, à la couverture des dépenses en matière d’APA et de PCH, prises en charge par les conseils départementaux, au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), notamment l’accompagnement des aidants.

En 2024, vingt ans après sa création, la journée de solidarité aura rapporté 40 milliards d’euros au total ; ces recettes devraient s’accroître et s’établir à 42 milliards d’euros l’an prochain, tandis que les prévisions de recettes devraient s’élever, toutes branches confondues, à 643 milliards d’euros cette année.

À titre personnel, je soutiens l’idée de la commission de porter le nombre d’heures de travail effectuées chaque année au titre de la solidarité pour l’autonomie à quatorze contre sept actuellement.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Marc Laménie. C’est pourquoi je voterai son amendement.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Madame la rapporteure générale, nous avons un point d’accord avec vous.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ah ! (Sourires.)

Mme Céline Brulin. Nous partons, tout comme vous, du rapport Libault, qui évalue à 10 milliards d’euros les besoins annuels de la branche autonomie.

En revanche, là où nous divergeons radicalement, c’est que vous considérez que seuls les salariés doivent être mis à contribution. (M. le président de la commission des affaires sociales hoche la tête en signe de dénégation.)

Autant le dire tout net, si telle est réellement la logique que vous suivez, c’est non pas une seconde journée de solidarité qu’il va falloir mettre en place, ni même les vingt-cinq heures que notre collègue Michel Canévet entend imposer aux salariés, mais une semaine de travail gratuite !

Mme Céline Brulin. D’ailleurs, monsieur le ministre, je ne suis pas totalement rassurée à ce sujet. Si je n’étais pas normande, je dirais que j’attends de vous une autre réponse que « P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non… » En gros, ce soir, vous nous répondez qu’une telle perspective n’est pas pour maintenant, mais qu’elle serait envisageable demain ! Ce n’est pas très rassurant…

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous interprétez !

Mme Céline Brulin. Il est question, avec cette nouvelle journée de travail gratuite, de 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires, qu’il faut mettre en regard des 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Ce montant est désormais tellement énorme et s’accroît tellement vite que vous-mêmes, mes chers collègues, cherchez à en modérer l’évolution, même si l’effort que vous consentez cette année dans ce domaine reste évidemment modeste, puisqu’il ne s’élèvera qu’à 3 milliards d’euros.

M. Olivier Rietmann. Cela générera tout de même des richesses !

Mme Céline Brulin. L’essentiel est que vous convenez vous-mêmes que tout cela commence à faire beaucoup. D’ailleurs, pourquoi ne pas continuer à regarder de ce côté pour financer la branche autonomie ?

Enfin, j’ai bien saisi que, derrière ce débat, certains d’entre vous cherchaient à tuer les 35 heures – au moins ont-ils l’honnêteté de le dire –, en falsifiant les chiffres de la compétitivité française.

Mme Céline Brulin. Oui, notre compétitivité a un peu reculé, mais nous restons tout de même classés au sixième rang européen, d’après l’OCDE – ce qui n’est pas si mal. En outre, il faut savoir que la hausse du coût de l’énergie explique, pour une large part, la dégradation de la compétitivité de notre pays.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. Mettre à contribution les seuls salariés pour financer l’autonomie risque de les mettre très en colère et de mettre un peu plus de monde dans la rue ce mois-ci et le mois prochain.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Mes chers collègues, tout cela n’est pas très sérieux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous vous proposons depuis trois jours des mesures qui permettraient de financer notre protection sociale et vous les rejetez toutes les unes après les autres !

Taxer les Ehpad privés à but lucratif – je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu –, c’est non !

Faire cotiser les actionnaires, c’est non !

Revenir sur les retraites chapeaux, c’est non ! À vous croire, il n’y aurait pas grand-chose à en tirer…

Revenir sur les exonérations de cotisations, c’est encore non !

Au bout du compte, il faut bien que quelqu’un paie la note. Vous avez décidé que ce seraient les ouvriers, les plus fragiles, parce que vous ne voulez pas prendre l’argent dans les poches de vos amis ! Vous préférez faire travailler les salariés sept heures de plus.

À votre bon cœur, mesdames, messieurs ! Deux minutes de plus par jour !

Mme Cathy Apourceau-Poly. En plus, vous osez dire que vous faites preuve de bienveillance ! Mes chers collègues, deux minutes par jour, quand on est aide à domicile, égoutier ou éboueur, ce n’est pas rien !

Disons-le, c’est tout de même une belle arnaque ! C’est une sacrée attaque contre le monde ouvrier ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

D’ailleurs, M. Canévet qui, comme vous le savez, n’en a jamais assez, anticipe déjà le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, en proposant d’ajouter une autre journée de solidarité, et pourquoi pas une autre encore !

Comme vient de le dire ma collègue, quand il faut absolument trouver de l’argent, vous vous montrez très inventifs, surtout quand il s’agit des bras des autres, ceux des salariés et des ouvriers, et pas des vôtres ! Voilà la réalité ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)