M. Laurent Burgoa. Si on interdit aux mineurs d’assister à une corrida, il faudrait également leur interdire les combats de boxe, parce que la violence y est très dure. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Cabanel et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bonne idée ! On va y penser…

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. J’avoue que j’ai du mal à suivre certains arguments qui sont avancés… En arriver à parler des statues grecques du Louvre !

Mme Cécile Cukierman. Et la comparaison avec les accidents de voiture ?

Mme Raymonde Poncet Monge. En ce qui me concerne, j’ai déposé une proposition de loi identique à celle qui nous est soumise aujourd’hui, et je n’autorise personne à dire que je pensais à autre chose, par exemple à interdire la corrida.

Les écologistes ont déposé une proposition de loi pour interdire la corrida ; son auteur est Daniel Salmon et elle a été cosignée par des membres du groupe.

Pour préparer la proposition de loi que j’ai déposée et qui vise uniquement les mineurs, je me suis documentée. Pourquoi l’aurais-je fait si j’avais simplement voulu interdire la corrida, alors qu’il existait déjà une proposition de loi allant dans ce sens ? J’ai lu les écrits de scientifiques, de psychologues, de pédopsychiatres, etc. Tous ces gens doivent sûrement dire n’importe quoi et veulent certainement eux aussi interdire la corrida… Ce serait donc uniquement pour cela qu’ils se disent préoccupés par l’état émotionnel des enfants spectateurs de ces violences !

Des tas de pays, le Portugal, le Venezuela,…

Mme Raymonde Poncet Monge. … certains États du Mexique, ont interdit aux mineurs d’assister à une corrida, alors qu’il y existe également cette tradition. L’âge peut varier, mais tous ces pays ont pris cette décision sans pour autant supprimer la corrida ! C’est la même chose que pour les films.

Les autorités de ces pays se sont interrogées sur l’âge en dessous duquel on ne peut pas être confronté, sans que cela cause des dégâts émotionnels ou des conflits intrapsychiques, à la cruauté gratuite envers un animal, cruauté qui, de surcroît, devient un spectacle de joie et de bonne humeur pour les gens qui y assistent.

J’y insiste, ma proposition de loi n’avait pour objet que la protection de l’enfant.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié sexies, présenté par MM. Grand, Burgoa et H. Leroy, Mme N. Goulet, MM. A. Marc, Chasseing, Brisson, V. Louault, Verzelen, Frassa et Brault, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme Saint-Pé et M. Rochette, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Comme l’a souligné le rapporteur Louis Vogel, l’instrument juridique retenu est inadapté au but recherché. L’objectif présenté est non pas le bien-être animal, mais la protection des enfants.

Il est proposé de modifier l’article 521-1 du code pénal, qui sanctionne le fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal, pour rendre inapplicables aux mineurs de moins de 16 ans les dispositions du onzième alinéa, lesquelles prévoient une dérogation pour les courses de taureaux et les combats de coqs lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Un tel dispositif n’aurait comme effet que d’interdire purement et simplement les courses de taureaux et les combats de coqs.

Je ferai remarquer que toutes les courses de taureaux n’aboutissent pas à la mise à mort de l’animal. Ainsi, comme chacun le sait, les courses camarguaises ou landaises sont des jeux sportifs.

Par ailleurs, il est impossible de traiter de la même manière les corridas et les combats de coqs, car ils relèvent d’une organisation et d’une philosophie totalement différentes.

Enfin, cette proposition de loi ne dit rien des écoles taurines. C’est ainsi que, de façon incohérente, les enfants pourraient aller dans ces écoles, mais ne pourraient pas assister aux corridas.

Pour l’ensemble de ces raisons, il nous paraît opportun de supprimer l’article 1er de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis Vogel, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.

J’ai analysé ce texte d’un point de vue strictement juridique, sans me demander si la question posée n’était pas de savoir si on était pour ou contre la corrida. Je ne suis pas d’un pays de corrida, mais d’un pays de droit, la France !

D’un strict point de vue juridique, donc, insérer un texte lié à la protection de l’enfance au sein de dispositions du droit pénal relatives à la protection des animaux contre les sévices et la cruauté entraîne nécessairement des dysfonctionnements.

Ensuite, pour un juriste, l’expression « tradition locale ininterrompue » signifie usage. Or, quand un usage existe dans notre pays, on le laisse généralement vivre et évoluer de lui-même, sous l’influence des habitants et des acteurs locaux, par exemple les municipalités, pour les règlements des écoles taurines. Parmi ces habitants, il y a naturellement des parents.

Dans ce type de situation, le législateur se retient d’intervenir et ne prévoit des exclusions que dans des cas exceptionnels. Portalis disait d’ailleurs (M. le rapporteur montre du doigt la statue de Portalis érigée dans lhémicycle.) qu’il fallait avoir la main tremblante et ne déranger un système juridique que si des motifs tout à fait exceptionnels le justifiaient.

L’exclusion des mineurs des casinos vise à empêcher un état de dépendance par rapport aux jeux d’argent. Pour un spectacle, les choses sont tout à fait différentes : on peut fixer une limite d’âge qu’on fait appliquer par les parents, mais on ne peut pas exclure. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Laurence Rossignol et Samantha Cazebonne protestent.)

Nous avons la chance d’avoir du droit en la matière, ce qui n’est pas le cas pour tous les sujets. Il faut le respecter et l’appliquer, sauf motif exceptionnel. Et je n’ai pas pu trouver un tel motif dans le cas présent. (MM. Max Brisson et Laurent Burgoa applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi. Sur la façon d’arriver à un rejet – amendement de suppression des articles ou vote final négatif sur le texte –, je m’en remets à la sagesse du Sénat… (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je veux rassurer les collègues qui se sont interrogés sur le sens de cette proposition de loi : il n’y a pas de but caché ! Notre débat le prouve d’ailleurs très bien.

En interdisant aux enfants des spectacles dans lesquels les animaux souffrent et sont mis à mort, qui ne sont donc pas conformes à nos règles communes telles qu’elles sont traduites dans le code pénal et dans le code civil – l’interdiction d’exercice de la cruauté sur les animaux et le respect de la sensibilité animale –, nous voulons souligner le caractère dérogatoire du droit à la perpétuation des corridas ou des combats de coqs.

Nous disons que ce type de spectacle n’est pas destiné à des enfants – il n’y a pas de sens caché, je le répète. Si les corridas ou les combats de coqs ont été épargnés lorsque nous avons construit ce qu’on appelle le droit des animaux, c’est en raison du rapport de force politique.

Certains ont par ailleurs évoqué une atteinte à l’autorité parentale ou à la liberté éducative. Mais tout le droit de la protection de l’enfance s’est construit sur des dérogations à la liberté éducative et à l’autorité parentale ! Nous protégeons les enfants, y compris, bien entendu, contre leurs parents.

Les casinos sont interdits aux mineurs même si leurs parents veulent les y emmener, parce que nous considérons que c’est une question non pas de liberté éducative, mais de protection des enfants.

C’est la même chose pour l’accès aux vidéos pornos ou à la pornographie sur internet. Je vous rappelle que nous avons voté ici même des dispositions, quasiment à l’unanimité, fondées sur le fait que les sites pornographiques ne sont pas bons pour les mineurs, y compris si leurs parents les laissent les regarder. Exposer des enfants à des images pornographiques est même une défaillance de l’exercice de l’autorité parentale.

Je vous rappelle enfin que le législateur a limité la liberté éducative, en posant le principe que l’autorité parentale s’exerce sans violence, qu’elle soit physique ou psychologique. Le jour où on a débattu du fait que les parents ne pouvaient pas frapper leurs enfants, certains collègues arguaient déjà que cela limitait la liberté éducative… (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Arnaud Bazin et Mme Samantha Cazebonne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Si cet amendement de suppression de l’article est voté, le débat s’interrompt et nous ne pourrons pas examiner les autres amendements. Je vous demande donc de bien réfléchir avant de voter, mes chers collègues.

C’est d’autant plus important que nous avons déposé un amendement qui prend en compte la position de la commission sur la proportion de la sanction. Nous proposons une simple amende de 7 500 euros, et j’aimerais entendre pourquoi une telle proposition ne serait pas recevable.

Au fond, la question qui nous est posée est simple : peut-on, sans risque pour la sécurité psychique de l’enfant, l’exposer à un spectacle répété d’actes de cruauté et de sévices graves conduisant à la mort d’un animal ? Je ne reviens pas sur tous les éléments qui ont été évoqués, la réponse est clairement non. On ne peut pas accepter de confronter des enfants à de tels spectacles sans prendre un risque. Certains enfants peuvent évidemment le supporter ; d’autres non. Doit-on alors prendre ce risque, alors que les études montrent qu’il est bien réel ?

Pourquoi est-il si difficile, finalement, d’adopter une mesure – interdire aux enfants de moins de 16 ans d’assister à une corrida – somme toute assez bénigne et de bon sens ? Parce que cela touche un mécanisme psychique profond : quand on a considéré comme moralement acceptable quelque chose pendant très longtemps, changer de perception demande une grande élévation et ouverture d’esprit. C’est à cela, mes chers collègues, que je vous invite. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nous ne sommes pas ici pour accuser les uns ou les autres d’avoir des idées sous-jacentes. Mais il n’empêche que, au moment de la discussion générale, le débat était d’une certaine tenue et concernait bien le texte et qu’au fur et à mesure de l’avancée des débats c’est l’interdiction de la corrida qui ressort…

Je ne suis pas un juriste, contrairement aux membres de la commission des lois, mais je vais vous dire comment je ressens les choses. Nous sommes dans un pays tellement jacobin que nous avons beaucoup de mal avec le droit local. La protection des enfants dans les règlements taurins existe bien, et les municipalités ont beaucoup travaillé en ce sens.

La corrida est une dérogation. Les acteurs locaux, en particulier les municipalités qui organisent les corridas, ont été à l’écoute de la société et ont observé ses évolutions. Toutes les municipalités qui accueillent des arènes – elles sont peu nombreuses, comme le disait tout à l’heure Monique Lubin – traitent cette question avec une grande précaution, en prenant évidemment en compte la protection des mineurs.

D’ailleurs, lorsque des alternances politiques se produisent dans les municipalités, cet usage, qui est assis sur un droit local, n’est jamais remis en question ; au contraire, il est constamment abondé et retravaillé.

Nous sommes l’assemblée qui représente les collectivités territoriales et les communes de France. Dans ce débat, il faut aussi respecter le travail des maires et des conseillers municipaux des villes et villages qui accueillent des corridas et qui ont tout à fait conscience de la nécessité de protéger les mineurs.

Les corridas méritent d’être questionnées, mais les règlements taurins doivent aussi être lus. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, je ne vais pas reprendre les arguments qui ont déjà été développés pour vous convaincre que nous visons seulement l’interdiction pour les mineurs de moins de 16 ans.

J’ai cependant été étonnée par la démonstration de M. le rapporteur, qui a conclu en distinguant les notions de limite d’âge et d’exclusion. Mais c’est bien une limite d’âge que nous voulons poser avec ce texte !

La marche était-elle trop haute ? Nombre de pays ne prévoient l’interdiction qu’en dessous de 12 ans, c’est-à-dire pour les enfants et non pour les adolescents. C’est le cas du Mexique, de l’Espagne et du Portugal. Dans tous ces pays, les corridas continuent, mais simplement sans les enfants de moins de 12 ans. On pourrait faire le parallèle avec les films pornographiques, qui continuent d’être produits, mais qui ne peuvent pas être vus en deçà d’un certain âge. Monsieur le rapporteur, je n’ai donc pas bien compris votre conclusion.

Je tiens à rassurer ceux qui nous suspectent d’avoir des arrière-pensées : nous souhaitons simplement imposer une limite d’âge.

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.

Mme Samantha Cazebonne. Je veux redire que c’est bien un texte de protection de l’enfance que nous examinons aujourd’hui. (MM. Laurent Burgoa et Max Brisson protestent.)

Lorsque la Catalogne, le Portugal, l’Équateur ou même les Baléares, où je réside – outre mon nom du Sud-Ouest, je revendique de vivre en Espagne –, ont légiféré…

M. Laurent Burgoa. Ils sont revenus plus tard sur la question !

Mme Samantha Cazebonne. Certes, monsieur Burgoa, le pouvoir central est malheureusement revenu sur ce qu’avaient décidé les pouvoirs régionaux. Mais ce que vous ne dites pas, c’est que plus aucun enfant n’a assisté depuis lors à une corrida en Catalogne ou aux Baléares. (M. Laurent Burgoa sexclame.)

Mme Frédérique Espagnac. Et pour cause, car on n’en organise plus dans ces régions !

Mme Samantha Cazebonne. Pour finir, je regrette que vous ayez voulu rendre hors sujet cette proposition de loi en nous prêtant des intentions que nous n’avions pas, de même que je déplore que vous n’ayez que cet argument à nous opposer.

Je suis désolée pour les experts du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, lesquels auront forcément vent de nos échanges, que nous ne soyons pas aujourd’hui au rendez-vous qu’ils nous avaient fixé. J’aurais aimé que notre assemblée fasse entendre un autre son de cloche. (MM. Max Brisson et Laurent Burgoa sexclament.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je pense que nous sommes tous d’accord sur la nécessité de protéger les enfants, mais si l’exposition à la violence est vraiment votre argument majeur, mes chers collègues, il me semble que vous auriez dû établir des priorités. Il y a en effet bien d’autres domaines dans lesquels les enfants sont exposés à la violence ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme Raymonde Poncet Monge. On s’en occupe !

Mme Laurence Rossignol. Nous n’arrêtons pas de penser à cela !

M. Henri Cabanel. Prenez votre téléphone portable et tapez « jeux très violents » dans son moteur de recherche : la première des réponses qui apparaît est « jeux sanglants ». Sur ces sites, on propose aux joueurs des armes, le but étant de tuer le maximum de gens. N’importe qui peut avoir accès à ces contenus. Et là, on ne fait rien !

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas cela protéger les enfants ! Vous ignorez le travail de fond qui est réalisé dans cet hémicycle et ce que font les acteurs de la protection de l’enfance ! (MM. Laurent Burgoa et Max Brisson protestent.)

M. le président. Mes chers collègues, M. Cabanel a seul la parole !

M. Henri Cabanel. Si nous étions vraiment soucieux de protection de l’enfance, il me semble que nous ferions mieux de travailler en priorité sur ce sujet. (MM. Laurent Burgoa et Max Brisson applaudissent.)

Mme Samantha Cazebonne. L’un n’empêche pas l’autre !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Je souhaite rebondir sur les exemples des Baléares et de la Catalogne, qui ont été cités ; je pourrais également parler du Pays basque espagnol.

L’interdiction des corridas dans ces régions autonomes avait un objectif très politique. Il s’agissait à l’époque de s’inscrire contre le pouvoir central espagnol, et cela n’avait rien à voir avec les corridas en tant que telles. (MM. Laurent Burgoa et Max Brisson applaudissent.)

Je rappelle qu’elles ont été interdites dans ces régions en 2011 et que l’État espagnol est revenu sur ces interdictions en 2016. Depuis lors, en effet, il ne s’est rien passé, notamment en Catalogne, ce qui s’explique par la situation politique très particulière qui y prévaut.

J’y insiste, il s’agissait bien d’un acte politique face à l’État centralisateur espagnol, et cela n’avait rien à voir avec la corrida. (M. Max Brisson applaudit.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié sexies.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, et, l’autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 37 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 309
Pour l’adoption 254
Contre 55

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 1er est supprimé, et les amendements nos 6 et 4 n’ont plus d’objet.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans
Article 2 (début)

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Salmon, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 521-1 du code pénal, il est inséré un article 521-1-… ainsi rédigé :

« Art. 521-1-…..- Un mineur de moins de seize ans ne peut participer aux formations ou activités proposées par une école taurine.

« Le fait de produire un mineur de moins de seize ans dans une corrida ou de le faire participer aux activités ou formations proposées par une école taurine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Les personnes physiques coupables de l’une des infractions mentionnées au deuxième alinéa encourent la peine complémentaire prévue au 1° de l’article 222-44.

« Les personnes morales coupables de l’une des infractions mentionnées au deuxième alinéa encourent la peine complémentaire prévue au 2° de l’article 131-39. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. En cohérence avec les arguments soulevés lors de nos travaux en commission, nous souhaitons interdire les écoles taurines aux mineurs de moins de 16 ans.

Il existe en effet en France plusieurs écoles taurines, qui sont ouvertes dès l’âge de 6 ans et où des enfants peuvent s’entraîner, par exemple, à tuer des veaux dès l’âge de 13 ans. Ces écoles proposent donc des activités ouvertes aux mineurs, au cours desquelles ceux-ci sont incités et entraînés à commettre des actes de cruauté sur un animal.

Or, selon l’article 521-1 du code pénal, introduit à raison dans notre droit, les actes de cruauté ou la mise à mort, sans nécessité, d’animaux, qu’ils soient domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité, constituent des infractions passibles d’amende et d’emprisonnement.

Par ailleurs, selon l’article 227-21 du code pénal, le fait de provoquer directement un mineur à commettre un crime ou un délit est également puni d’amende ou d’emprisonnement.

Il nous paraît totalement injustifié que les écoles taurines ne soient pas soumises à ces dispositions pénales. De plus, il serait contradictoire d’interdire aux mineurs de moins de 16 ans d’assister à une mise à mort en public, mais de laisser faire, dès l’âge de 13 ans, quand il s’agit d’un cadre privé, c’est-à-dire d’une école taurine. Les dispositions de cet amendement se veulent donc cohérentes avec l’esprit de la proposition de loi.

Rien ne justifie que l’on autorise, voire que l’on incite, un enfant à tuer un animal de façon gratuite, à enfoncer plusieurs fois dans l’échine d’un veau son épée ou ses banderilles, jusqu’à le poignarder dans la nuque pour l’achever. Cela mérite-t-il d’être appelé une école ? Peut-on qualifier ces agissements d’activités extrascolaires comme les autres ? Il s’agit pour nous d’un entraînement à la cruauté gratuite envers un animal.

En toute logique et par cohérence, nous proposons donc d’interdire les écoles taurines pour les mineurs de moins de 16 ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis Vogel, rapporteur. Cet amendement vise à compléter la proposition de loi sur un point qu’elle ne traitait pas, mais qui s’inscrit dans le dispositif initial.

Or tous les reproches que j’ai pu faire au texte en général s’appliquent évidemment dans ce cas précis. Le cadre idéal pour encadrer les pratiques des écoles taurines, ce sont les règlements taurins municipaux, auxquels nous avons fait allusion tout à l’heure. Proposer l’interdiction de s’inscrire dans ces écoles avant 16 ans me paraît tout à fait disproportionné. Ce serait méconnaître le rôle qu’elles jouent dans les territoires.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Je remercie M. le garde des sceaux et M. le rapporteur de leur avis.

Depuis tout à l’heure, on nous dit qu’il n’est pas question de porter atteinte à la corrida. Or, des dispositions visant à interdire les corridas aux moins de 16 ans, on est passé à un amendement tendant à interdire aux mineurs de fréquenter les écoles taurines…

Madame Poncet Monge, vous êtes-vous déjà rendue une seule fois dans une école taurine ? Avant d’interdire à des mineurs de les fréquenter, je vous invite à y aller, pour voir comment les choses s’y passent.

Des jeunes apprennent dans les arènes le samedi après-midi, de quatorze heures à dix-sept heures, au lieu d’être dans la rue. (M. Thomas Dossus sesclaffe.) Eh oui, cher collègue, c’est la réalité ! Ces jeunes suivent des cours où leur est enseigné le respect des uns et des autres.

Je le répète, je vous invite, madame Poncet Monge, à passer un samedi après-midi avec moi pour découvrir l’école taurine de Nîmes. Vous verrez que ces jeunes-là sont comme tous ceux de notre pays : ils sont normaux ! Pourquoi voulez-vous interdire leur activité ?

Je trouverais terrible que le législateur empêche ces jeunes de vivre leur passion.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. L’amendement de Mme Poncet Monge ne nous avait pas paru nécessaire. En effet, dans le texte que nous défendions, les écoles taurines sont bien évidemment visées.

Pourquoi ? Soit on considère qu’elles ne pratiquent pas de courses de taureaux et elles sont interdites de facto, puisqu’elles ne sont pas concernées par la dérogation et tombent sous le coup de l’article 521-1 du code pénal, car il y a évidemment des actes de cruauté, des sévices graves sur des animaux suivis de mort qui sont commis ; soit on considère qu’elles pratiquent des courses de taureaux, et, alors, l’interdiction que nous prévoyons pour les moins de 16 ans s’applique de plein droit.

Le texte, tel que nous l’avions envisagé, avait toute sa cohérence autour de l’article 1er, lequel s’appuyait sur l’article 521-1 du code pénal. Je ne voterai donc pas l’amendement n° 3.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Sur ce point, je suis d’accord avec mon collègue et ami Arnaud Bazin. Je pense en effet que le texte que nous examinons mettait en péril, même sans l’amendement de Mme Poncet Monge, les écoles taurines.

Je ne doute pas des convictions de Mme Poncet Monge. Elle a parlé avec son cœur ; je voudrais parler avec le mien. Une école taurine n’est pas une école de la barbarie, contrairement à ce que nous avons pu entendre voilà un instant. C’est une école de règles, une école de codes, un apprentissage de la vie, d’une histoire et d’une culture.

Bien sûr, progressivement, il y a la confrontation avec le taureau, accompagnée par des professionnels. Sans vouloir choquer ceux qui sont opposés à la corrida – c’est leur droit, et nous les respectons –, j’oserais même dire que les écoles taurines sont de formidables écoles de la vie.

Comme l’a très bien dit Laurent Burgoa, ce sont des structures qui permettent aujourd’hui à des jeunes de vivre une passion, d’apprendre la vie, des règles, un certain nombre de codes, ainsi que la discipline. Aussi, il faut adresser un message positif à ces écoles taurines, qui, dans nos villes et dans nos régions – nous ne cherchons pas à ce qu’elles soient implantées ailleurs –, jouent un rôle social absolument essentiel. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 38 :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l’adoption 47
Contre 259

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 3 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans
Article 2 (fin)

Article 2

Le second alinéa de l’article 522-1 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article n’est pas applicable, dès lors que les personnes présentes sont âgées de plus de seize ans :

« 1° Aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ;

« 2° Aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. »