Je terminerai en saluant le travail précis et éclairant de notre collègue Louis Vogel. Sa mission n'était pas aisée, mais il a su trouver les arguments aussi bien juridiques que politiques pour nous démontrer le caractère inopportun de la proposition de loi.

Pour l'ensemble de ces raisons, les sénateurs du groupe Union Centriste voteront très majoritairement contre le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Évidemment !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, spectacle culturel pour certains, infâme torture pour d'autres, la corrida et les combats de coqs sont de ces sujets qui font débat, parfois jusque tard dans la nuit, qui divisent et qui, en occupant notre ordre du jour de ce soir, nous invitent à nous poser une question différente de celle à laquelle beaucoup souhaiteraient pourtant répondre.

La dérogation introduite dans le code pénal en 1951 autorise ces représentations, lesquelles font partie intégrante de la culture catalane, de celle du Sud-Ouest, de l'Occitanie et de la Provence pour la corrida, sans pour autant obliger les habitants de ces régions à y assister tous les week-ends. Nous pourrions nous interroger sur la pertinence de maintenir une telle dérogation. Pour celles et ceux qui y sont attachés, la réponse sera forcément affirmative. Conformément à la loi, sont concernés les territoires où l'on retrouve une « tradition locale ininterrompue ».

Les corridas sont d'ailleurs plus facilement encadrées que les combats de coqs, pour la simple raison qu'il est plus facile d'organiser ces derniers au fond de son jardin ou dans un vieil entrepôt, et qu'il est plus simple de dissimuler un coq dans un sac qu'un taureau… (Sourires.) De là naît une certaine incompréhension autour de ce texte qui, en mélangeant deux pratiques différentes, saute du coq au taureau. (Nouveaux sourires.) N'oublions d'ailleurs pas que les combats de coqs n'intègrent pas de participation humaine.

Mais la question d'aujourd'hui n'est pas celle de la culture, puisque les auteurs du texte abordent davantage la composition du public que le spectacle proprement dit. Faut-il interdire aux mineurs d'être présents ? Derrière cette question, il y en a une autre : est-ce à nous de l'interdire, plutôt qu'aux parents qui le souhaiteraient ?

Si nous légiférons sur ce point, comme cela nous est demandé, nous déciderions alors à leur place de ce qui est une bonne ou une mauvaise activité pour leur famille, en partant du principe qu'il y aurait un danger pour les enfants à assister à une corrida ou un combat de coqs. Or le danger est d'abord pour ceux qui se trouvent dans l'arène : le taureau bien sûr, mais aussi les toreros.

Le sujet de l'empreinte psychologique que laisse une corrida, même occasionnelle, est semblable à celui de l'accusation faite aux jeux vidéo pratiqués quotidiennement de rendre les enfants violents. Sans trancher dans un sens ou dans l'autre, une chose est certaine : les jeux vidéo sont toujours autorisés, et même considérés comme des œuvres culturelles, faisant l'objet de nombreux salons.

Là aussi, nous faisons confiance aux parents pour encadrer, réguler et décider de la pratique de leurs enfants, et nous ne mettons pas au même niveau les actes de violence sexuelle et ce qui se produit durant une corrida ou un combat de coqs.

Certes, le fait d'assister à une corrida peut parfois conduire à un rejet de cette pratique, mais cela peut aussi éveiller des passions et pousser certains enfants à vouloir entrer plus tard dans l'arène, après être passés par une école et avoir appris les règles de cette culture. C'est d'ailleurs ainsi que s'est perpétuée la tradition qui justifie l'inscription de cette exception dans la loi.

Dans les communes où l'on trouve des arènes, les enjeux touristiques sont aussi centraux, pour les corridas d'abord, mais aussi pour tout ce qu'il y a autour et pour les retombées économiques qui en découlent. Priver les familles de ces spectacles auxquels elles souhaitent se rendre, que ce soit par passion, par curiosité ou pour se forger une opinion, c'est aussi priver ces territoires d'une forme d'attractivité, sans les avoir consultés.

Dans l'ensemble, vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce texte ne nous a pas convaincus. La question posée n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels est confronté notre pays, qui se fracture et s'oppose, du nord au sud, entre jeunes et vieux, entre villes et campagnes.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera majoritairement contre cette proposition de loi, même si la liberté de vote, inscrite dans les statuts de notre groupe, reste la règle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, est-il bien légitime de défendre l'intérêt supérieur de l'enfant en le préservant d'un spectacle cruel, s'interrogeait une oratrice précédente, alors que notre dette dépasse les 3 000 milliards d'euros ? Bien plus, il me semble, que de s'interroger sur l'interdiction du voile chez les accompagnateurs scolaires… (M. Max Brisson ironise.)

Alors que le code pénal condamne l'exposition d'un enfant à des contenus violents impliquant des animaux et le commerce de tels contenus, ces mêmes enfants, censés être protégés, peuvent assister à une corrida, dont le droit ne nie pas qu'elle constitue un acte de maltraitance et de cruauté, mais le tolère au nom de la tradition.

Ainsi, j'y insiste, alors qu'une disposition protège les enfants de l'exposition à la violence, une autre, qui ne réfute pas la violence de la corrida, la permet. Comment accepter cette contradiction ?

D'autres pays, comme l'Équateur, ont fait un choix clair en interdisant les corridas aux mineurs, se conformant ainsi aux recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, qui s'est dit « préoccupé par l'état de santé mentale des enfants exposés à la violence de la tauromachie ».

En 2016, le même comité demandait à la France de « redoubler d'efforts pour faire évoluer les traditions et les pratiques violentes qui ont un effet préjudiciable sur le bien-être des enfants, et notamment d'interdire l'accès des enfants aux spectacles de tauromachie ». Or cela n'a pas abouti à la disparition totale de la corrida dans ces régions, à l'inverse de ce que prétend l'UVTF, qui n'hésite pas à parler d'« ethnocide » : il s'agit simplement de respecter les fondamentaux de la protection de l'enfance.

Contrairement aux dires de l'UVTF, ces recommandations s'appuient sur de nombreux travaux qui ont démontré un lien entre l'exposition à des actes de cruauté envers les animaux et le fait d'en commettre – le risque est multiplié par huit, selon une étude de l'Université de New York. Cette probabilité que les enfants ou les adolescents perpétuent des actes violents résulte d'un apprentissage par l'observation de faits de maltraitance réalisés ou approuvés par leurs proches.

Des études, comme celle de l'université de Madrid en 2009, montrent clairement que la majorité des enfants réprouvent spontanément la corrida. Ces derniers sont soumis à un conflit émotionnel, source d'anxiété, lorsque leurs émotions de chagrin, d'empathie et de réprobation morale face à la souffrance infligée à l'animal sont confrontées à l'approbation et à la joie manifestées par leurs proches de référence. Tout cela est bien documenté.

Une fois passé le traumatisme initial, l'exposition répétée à ces spectacles peut s'avérer préjudiciable, car l'attitude approbatrice des proches de référence produit l'effet d'une forme d'apprentissage. Cela entraîne, selon les études, une perturbation des valeurs, une diminution de l'empathie et une fragilisation du sens moral, qui peuvent les pousser à réaliser eux-mêmes des actes répréhensibles envers les animaux ou même les humains. Des études ont ainsi démontré que « le fait d'être témoin de maltraitance animale est un facteur prédictif […] pour […] le harcèlement scolaire chez les enfants ».

Allons-nous continuer d'ignorer ces éléments, bien documentés, et le droit pénal sous le seul prétexte de l'existence de traditions ?

La protection de l'enfance repose sur le fait, avéré, que l'exposition à des actes de violence contrevient au bon développement de l'enfant. Il n'est plus acceptable que la corrida, dont la seule justification légale est d'être une tradition ininterrompue, échappe à l'ensemble des prescriptions morales et juridiques de la protection de l'enfance : celle-ci doit pouvoir s'appliquer en toute chose et partout.

Le groupe écologiste avait récemment déposé une proposition de loi semblable à celle que nous examinons. Dans notre exposé des motifs, nous développions longuement nos arguments.

C'est donc sans surprise, par souci de défendre les principes qui fondent la protection de l'enfance et la lutte contre la maltraitance animale, que nous voterons ce texte. Nous remercions le groupe RDPI de l'avoir inscrit dans sa niche parlementaire aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe RDPI. – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Christopher Szczurek applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, …

M. Loïc Hervé. Vous allez nous parler des corridas à Paris ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … je m'exprime au nom de mon groupe, le groupe socialiste, qui, une fois n'est pas coutume, ne votera pas de manière unanime puisqu'il est partagé, de manière quasi parfaite, entre ceux qui sont favorables à cette proposition de loi et ceux qui y sont défavorables.

On peut regretter que nous n'assumions pas de débattre du véritable sujet. J'ai salué, en commission, le grand talent d'équilibriste de notre collègue Louis Vogel, qui a trouvé des arguments juridiques pour s'opposer à cette proposition de loi. Certains l'ont salué, mais cela nous amène à contourner le vrai sujet, qui est – soyons francs ! – de savoir si l'on est pour ou contre la corrida.

Je me permettrai de parler également des combats de coq, mais de manière moins enflammée, même si, au fond, le raisonnement est le même.

Mme Laurence Rossignol. Vous n'en avez jamais vu !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour ma part, je voterai ce texte, mais je souhaite présenter les arguments de mes collègues, dont certains sont présents et s'exprimeront sans doute tout à l'heure, qui s'opposent à cette proposition de loi.

Les orateurs précédents ont évoqué – je n'y reviendrai donc pas – la tradition, l'identité locale, l'activité économique.

Qui n'a jamais vu de corrida ne peut pas comprendre de quoi on parle. Pour ma part, j'y ai assisté : ces spectacles sont absolument époustouflants, et l'ambiance est inouïe. J'ai presque envie de dire, y compris à ceux qui ne sont pas favorables aux corridas, qu'il faut un jour y assister pour voir comment cela se passe, assister à l'entrée des toreros, les regarder faire avec le pied un signe de croix et porter la coiffe s'ils ont déjà toréé dans cette arène. Et je ne parle pas de l'ambiance générale, des fanfares, des paso doble, etc.

On peut aussi évoquer l'argument de l'activité économique. En revanche, je mettrai de côté l'argument relatif à l'autorité parentale. Nous avons débattu hier d'un texte sur la protection des enfants. On ne peut pas, à la fois, trouver normal que la vente d'alcool ou les jeux de hasard soient interdits aux mineurs, que l'accès à certains films soit réservé aux plus de 16 ans, et considérer que, en l'espèce, l'autorité parentale serait toute puissante. À chaque fois que nous nous sommes efforcés d'agir pour la protection des enfants, nous avons défendu l'idée que la société devait parfois s'intéresser à la façon dont les mineurs sont traités par leurs propres parents.

Cependant, rien ne peut se faire sans discussion, sans partage, avec les populations concernées. Je le répète, même si cela paraîtra paradoxal car je voterai ce texte, il faut avoir assisté à une corrida pour se faire une opinion sur le sujet.

Les arguments en faveur de la proposition de loi sont importants : la protection des enfants, la prévention de l'accoutumance à la violence. Nous cherchons constamment au Sénat à faire en sorte que les enfants ne considèrent pas comme normales les agressions en tous genres, quelles qu'elles soient. Cette acclimatation à la violence passe notamment par les jeux vidéo, les films, les comportements.

La proposition de loi soulève évidemment la question de la condition animale, qui a émergé dans le débat public de manière beaucoup plus prégnante depuis un certain nombre d'années. Cet argument a toutefois ses limites. Lorsque l'on assiste à une corrida, il y a des moments pénibles, en effet, mais c'est un combat entre un animal et un homme, lequel risque aussi sa vie. Il est important de prendre en compte la condition animale, mais je dirai aussi à ceux qui considèrent que toute mise à mort d'un animal est insupportable qu'ils doivent, dans ce cas, aller jusqu'au bout de leur raisonnement et devenir véganes.

Le sujet est compliqué ; c'est pourquoi je préférerais qu'on assume franchement d'en débattre, plutôt que de nous livrer à des contorsions juridiques difficiles à suivre.

Certains pays ont réussi à modérer ces pratiques. C'est d'ailleurs d'ores et déjà le cas en France, puisque les corridas sont interdites, sauf lorsqu'elles sont autorisées au nom des traditions locales. Celles-ci sont parfaitement identifiées territorialement : certains représentants des régions concernées sont d'ailleurs présents dans cet hémicycle.

Voilà pourquoi les membres du groupe socialiste, selon qu'ils sont attachés à tel ou tel aspect, voteront de manière différenciée.

Ce sujet, dit-on, ne semble pouvoir donner lieu qu'à des positions inconciliables. Mais peut-être trouvera-t-on une solution avec le temps.

Notre vote sera donc partagé. Pour ma part, il sera favorable, et je remercie les collègues de mon groupe qui m'ont fait confiance pour traiter cette proposition de loi, dont la présentation était, d'ailleurs, extrêmement aisée… (Sourires. –  Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)

M. Loïc Hervé. C'était parfait !

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour une fois je m'exprimerai à titre personnel, et non pas au nom de la formation politique que je représente habituellement ici.

J'ai des convictions animalistes profondes et ancrées. Si je n'ai, par exemple, jamais assimilé la chasse à de la violence gratuite, il me paraît délicat de mettre les pratiques visées par ce texte dans le même sac.

J'ai un profond problème avec les violences inutiles et symboliques. Si l'usage de celles-ci peut évidemment se comprendre dans la fiction, pour des raisons d'expression et d'illustration du propos, il me semble que l'ultraviolence est déjà suffisamment présente dans notre société pour que l'on fasse l'économie d'un esthétisme morbide, à plus forte raison lorsqu'est en jeu l'exposition des mineurs.

Évitons d'utiliser des exutoires sensibles et vivants, qui n'ont rien demandé. Les mêmes qui nous disent qu'il ne faut pas humaniser l'animal à outrance sont ceux qui nous expliquent qu'il est glorifié et honoré dans la corrida, afin de chercher à parer celle-ci de noblesse.

Vous admettrez toutefois qu'une fois qu'il a été dépecé, débité et servi dans les barquettes de la grande distribution, l'animal n'éprouve qu'une faible reconnaissance à l'honneur qui lui a été rendu !

Ce débat soulève la question du rapport à la tradition, considérée par certains comme un ennemi systématique, par d'autres comme un dogme à préserver quoi qu'il en coûte. À mon sens, celle-ci n'est ni l'un ni l'autre : la tradition n'est pas bonne par nature. Ce qui fait une civilisation, c'est aussi la manière dont elle garde les traditions bienfaitrices et écarte progressivement les autres. Le législateur a évidemment son mot à dire en la matière.

Après tout, les ordalies et l'écartèlement ont été des traditions judiciaires : on peut se féliciter qu'elles n'aient pas été préservées. Même la pensée conservatrice, dont je ne me réclame pas à titre personnel, sépare le bon grain de l'ivraie et ne voit pas dans toute tradition une sainte chose incontestable.

On pourrait par ailleurs s'interroger sur la réalité du caractère historique et traditionnel de la corrida en France, mais, vous l'admettrez, il ne me sera pas possible de le faire aujourd'hui puisque je ne dispose que de trois minutes de temps de parole.

Les auteurs du texte ont délibérément voulu aborder la corrida et les combats de coqs sous le prisme de la protection de l'enfance. Il me paraît dès lors délicat de ne pas souligner l'importance de la dignité animale.

Je ne suis ni végane ni antichasse, parce que je reconnais l'utilité sociale, alimentaire et régulatrice de certaines pratiques. Il ne me paraît toutefois pas honnête, là encore, d'avancer l'argument d'ordre économique et culturel de la préservation de la race des taureaux de combat pour justifier leur mise à mort.

Alors que des solutions de substitution, sans souffrance et sans mise à mort, existent, qui permettraient de maintenir les aspects culturels et économiques de cette pratique, elles sont systématiquement rejetées avec mépris et condescendance.

Quoi qu'il en soit, soyez assurés, mes chers collègues auteurs de la proposition de loi, de mon soutien personnel en cette occasion. Aucune formation politique n'est monolithique et la mienne respecte la liberté de conscience de chacun de ses membres. J'ai pu exprimer mon opinion, qui me semble rejoindre celui d'une forte majorité de nos compatriotes.

En conclusion, je profite de cette tribune pour féliciter et remercier tous ceux qui œuvrent quotidiennement, et souvent bénévolement, à faire en sorte que la dignité et la souffrance animales soient mieux prises en considération. (Mmes Samantha Cazebonne et Nicole Duranton, ainsi que M. Arnaud Bazin, applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont le dispositif est juridiquement contestable, comme l'a brillamment démontré notre rapporteur, est perçue comme un texte d'abolition de la corrida et des combats de coqs.

Même si je respecte la liberté des groupes et si j'ai de la considération pour l'auteure de la proposition de loi, on peut s'interroger sur l'opportunité de débattre d'un tel texte. Celui-ci me semble déconnecté, et son examen nous oblige à consacrer un temps précieux pour aborder un sujet clivant, et surtout non prioritaire, dans un contexte politique, économique et social où le bloc parlementaire central doit faire face à l'activisme des extrêmes, lesquels n'ont qu'un seul but : celui de paralyser le fonctionnement normal de la Nation et de ses institutions.

Les partisans de l'abolition des corridas, un thème qui transparaît au travers de ce texte, ont un porte-parole, non pas dans notre hémicycle, mais à l'Assemblée nationale, en la personne du député de La France Insoumise Aymeric Caron, adversaire acharné de nos traditions taurines.

Cette proposition de loi est perçue par les populations de notre sud populaire – j'insiste sur le terme « populaire » – comme un texte discriminant, et non comme un dispositif à visée éducative pour les enfants.

Je suis élu de l'une des trois régions – l'Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur – dans lesquelles les traditions taurines sont sacrées. Le droit français, et notamment le code pénal, que vous cherchez à modifier, mes chers collègues, reconnaît qu'il s'agit là d'une exception culturelle et tolère la corrida lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée.

Ne nous y trompons pas : sous couvert d'interdire l'entrée des arènes aux mineurs de moins de 16 ans, au prétexte de les protéger, cette proposition de loi n'est, en réalité, qu'un faux-nez pour interdire la corrida en France.

Depuis le milieu du XIXe siècle, la jeunesse du sud de la France assiste aux corridas et participe aux manifestations taurines. J'indique d'ailleurs, pour les historiens, que c'est la pratique de la corrida qui a permis de sauver les arènes d'Arles ou de Nîmes – il est bon de le rappeler !

Les territoires où perdurent ces traditions ne se distinguent aucunement par un surcroît de violences de la part des jeunes aficionados, qui libéreraient ainsi leur agressivité et qui auraient subi en plus des traumatismes… Aucune étude scientifique n'a démontré que les spectacles taurins présentaient un quelconque danger pour les enfants ni qu'ils avaient un impact négatif sur eux.

La vraie violence s'exprime ailleurs : sur internet, sur les réseaux sociaux, dans les jeux vidéo, dans les films – rien n'empêche ainsi les enfants de 12 ans de regarder Terminator à la télévision, un film horrible, dont on fait pourtant la promotion ! Tout cela pervertit le discernement d'une jeunesse au point de l'inciter à la violence, et même parfois à la criminalité. (M. Yan Chantrel, Mme Laurence Rossignol et M. Thomas Dossus ironisent.)

Laissons donc aux parents le droit sacré d'exercer leur autorité parentale et de juger si leurs enfants peuvent les accompagner aux arènes pour assister à une corrida, organisée dans le cadre juridique dérogatoire qui reconnaît cette tradition comme un patrimoine culturel immatériel.

Ne détruisons pas, par l'adoption de cette proposition de loi, la pratique de la tauromachie, qui irrigue toute une culture populaire dans nos territoires, entre la région des Garrigues et la Méditerranée, entre les Pyrénées et la Gascogne.

Les deux amendements de suppression que nous avons déposés constituent la traduction juridique logique du rapport adopté par la commission des lois, sur l'initiative de notre rapporteur.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera, dans sa totalité, contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Cabanel et Denis Bouad applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin. (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)

M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de remercier Samantha Cazebonne, dont la ténacité a permis l'inscription à l'ordre du jour de ce texte. Je remercie également notre rapporteur, qui a eu l'honnêteté de reconnaître que le dispositif proposé visait à protéger l'enfance. Je remercie enfin le président Patriat, qui a permis que l'on utilise la niche parlementaire de son groupe pour débattre de cette question.

Je voudrais immédiatement faire pièce à une critique, assez désagréable, qui a été formulée à plusieurs reprises, selon laquelle l'objectif des auteurs de cette proposition de loi serait en fait, de manière hypocrite, d'interdire la corrida.

Bien sûr, la plupart des cosignataires de ce texte sont hostiles à la corrida. Cependant, nous sommes lucides et conscients du rapport de force qui s'est manifesté à l'Assemblée nationale – chacun sait que la navette est obligatoire entre les deux chambres –, à tel point que le débat n'a même pas pu y avoir lieu sur cette question.

Doit-on pour autant s'interdire de limiter au moins les dégâts en faisant en sorte d'éviter que les mineurs ne soient exposés à des pratiques ? Je ne le crois pas. Nous pouvons chercher à agir en toute bonne foi. L'accusation d'atteinte à la sincérité me paraît donc singulièrement déplacée.

Je voudrais ensuite mener une analyse raisonnée, basée sur des faits, des constats statistiques, une analyse clinique, et m'extraire des aspects passionnels.

Évoquons l'aspect juridique. Aux termes de l'article 521-1 du code pénal, le fait d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers les animaux est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Ce n'est pas rien ! Des circonstances aggravantes sont également prévues, parmi lesquelles figure la présence de mineurs. Dans ce cas, mes chers collègues, on n'a pas eu de problème à introduire la protection des mineurs dans un texte visant à protéger les animaux... (Mme Samantha Cazebonne applaudit.) Je vous laisse méditer sur ce point.

Le code pénal prévoit également des dérogations pour la corrida dans dix départements, ce qui représente une soixantaine de communes.

La conclusion logique que nous pouvons en tirer est que les corridas sont considérées comme des actes de cruauté, des sévices graves. La présence de mineurs est reconnue comme nocive, puisqu'elle entraîne une aggravation des peines. La corrida est donc clairement caractérisée pour ce qu'elle est.

On nous oppose l'argument relatif à l'autorité parentale, mais celle-ci a déjà été battue en brèche, car le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour protéger les mineurs. Les orateurs précédents ont déjà rappelé de nombreux éléments. J'ajouterai simplement que l'article D. 4153-37 du code du travail interdit d'affecter des mineurs de moins de 18 ans à des travaux d'abattage, d'euthanasie et d'équarrissage des animaux. Cela montre que le législateur avait la conviction qu'assister à de tels actes est vraiment nocif pour le développement psychologique des mineurs.

En outre, je tiens à apporter une petite précision juridique, car certains essaient de nous faire croire que l'adoption de la proposition de loi aboutirait à l'interdiction des courses de taureaux camarguaises ou landaises. Le terme « course de taureaux » est une traduction littérale de l'expression « corrida de toros », qui désigne la pratique des corridas espagnoles. En 1951, lorsque la dérogation a été votée, il a été acté qu'elle ne concernait que la course de taureaux. Les courses camarguaises et landaises ne donnent lieu à aucun acte de cruauté. Il n'y a donc aucun problème à légiférer comme nous proposons de le faire.

En ce qui concerne l'argument de la nocivité, je rappellerai simplement les statistiques. Plus de quinze études démontrent que lorsqu'un mineur est exposé de manière répétée à des actes de cruauté et de sévices, il est statistiquement davantage susceptible de commettre de tels faits. J'y insiste, c'est un acquis statistique.

Les psychiatres ont détaillé les mécanismes psychologiques à l'œuvre. On sait très bien comment cela se passe. Le mineur est soumis à un conflit de loyauté : un contexte joyeux se conjugue à la réalisation d'actes qui sont habituellement réprouvés par la société. Cela pose un problème psychique pour le développement de l'enfant. Les psychiatres que vous avez auditionnés, mes chers collègues, l'ont largement démontré.

Enfin, il y a le bon sens des parents, tout simplement ! Qui emmènerait spontanément son enfant voir des actes de cruauté ?

Mme Monique Lubin. Justement !

M. Arnaud Bazin. L'argument selon lequel interdire l'accès des mineurs à la corrida irait à l'encontre de cette pratique est totalement réversible : nous disons simplement que si l'on ne conditionne pas les mineurs à assister à des corridas, ils n'auront pas d'intérêt à aller en voir une fois devenus adultes. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et du GEST – Mme Sophie Briante Guillemont et M. Yan Chantrel applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close.

La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans

Article 1er

Le onzième alinéa de l'article 521-1 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article n'est pas applicable, dès lors que les personnes présentes sont âgées de plus de seize ans :

« 1° Aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ;

« 2° Aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. »

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, sur l'article.

M. Arnaud Bazin. Nous avons tenu compte de l'argument principal de la commission, qui est que la peine prévue dans la proposition de loi est disproportionnée.

Il y avait une logique, comme j'espère l'avoir démontré dans le temps qui m'était imparti lors de la discussion générale, à supprimer la dérogation prévue pour les courses de taureaux en présence de mineurs, en modifiant l'article 521-1 du code pénal.