M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi présentée par notre collègue Vanina Paoli-Gagin visant à inscrire dans la Constitution un cadre plus strict pour nos débats budgétaires au travers de lois-cadres financières pluriannuelles.
Cette initiative, inspirée par la tentative de réforme constitutionnelle de 2011, cherche à ancrer dans notre Constitution des plafonds de dépenses pour contraindre notre approche des finances publiques, dans l’espoir d’éviter les dérapages et les sorties de route.
La préoccupation majeure qui a présidé au dépôt de cette proposition de loi peut être partagée sur toutes les travées, en particulier dans le contexte actuel : face à la détérioration phénoménale que connaissent les finances publiques de notre pays, il est essentiel d’en garantir la viabilité.
Mais cet état de fait est-il le fruit d’un cadre législatif trop laxiste ? Au groupe GEST, nous ne le pensons pas. Nous estimons qu’il est le résultat de choix politiques assumés et, ces dernières années, souvent imposés au Parlement via l’activation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
La méthode proposée aujourd’hui n’est pas la garantie d’un redressement vertueux. Elle pourrait en revanche entraîner des effets de bord délétères, sur les plans tant budgétaire que démocratique.
Ce texte porte en lui la réduction de la capacité de l’État et du Parlement à répondre aux défis socio-économiques et environnementaux. Cette nouvelle rigidité introduite dans l’élaboration du budget pourrait se révéler nuisible pour notre démocratie et pour notre politique économique.
Si la pluriannualité budgétaire est un cadre sécurisant qui peut être promu, notamment dans le respect des lois de programmation, elle doit aussi permettre une certaine flexibilité, notamment en cas de crise. En 2020, face à la pandémie de covid-19, la France a déployé des moyens financiers massifs pour protéger l’économie et les citoyens, montrant ainsi la nécessité de pouvoir intervenir rapidement sans entraves excessives.
La règle pluriannuelle stricte prévue par ce texte, en dépit de ce qu’affirme à tort l’exposé des motifs, aveugle aux circonstances, interdit des écarts budgétaires trop importants, puisque ceux-ci devront être obligatoirement rattrapés à un rythme peu soutenable.
De plus – c’est à notre sens le plus grave –, cette proposition de loi ne fait aucune distinction entre les dépenses courantes et les dépenses d’investissement. L’intégration d’une règle verte dans le calcul des déficits publics aurait par exemple permis d’exclure les dépenses d’investissement écologique du champ des restrictions. Une telle règle permettrait de satisfaire à un objectif de soutenabilité des finances publiques sans nous faire renoncer à notre engagement écologique, car notre avenir vital est en jeu.
La rigidification des règles d’équilibre budgétaire pourrait par ailleurs emporter un affaiblissement de la souveraineté démocratique. Nous vivons déjà, depuis 2022, un appauvrissement du débat budgétaire du fait du recours immodéré à l’article 49.3. Le temps dévolu à l’examen du budget est de plus si bien corseté par la Constitution que des débats pourtant cruciaux pour le quotidien des Français et l’avenir de notre pays sont parfois conduits au pas de charge. Resserrer encore le cadre constitutionnel régissant la politique budgétaire en rigidifiant certains impératifs comptables aboutirait à dévitaliser totalement notre débat parlementaire.
Cette nouvelle rigidité budgétaire ancrerait dans la Constitution une règle d’or qui s’imposerait de facto à toutes nos politiques. Une telle révolution copernicienne n’arrive pas en tête des préoccupations de nos concitoyens, contrairement à l’affaissement généralisé des services publics ou aux besoins de base que sont se loger, se nourrir dignement ou vivre en sécurité dans un environnement sain.
Bien que cette proposition parte du constat, partagé dans cet hémicycle, de la dégradation continue de nos comptes publics, je rappelle que des baisses d’impôt et des exonérations de cotisations ont largement été votées sur les travées de la majorité sénatoriale. La dégradation des finances publiques est le fruit de choix politiques dont certains ont été soutenus ici même, au Sénat.
Ne nous dédouanons donc pas de notre propre responsabilité, mes chers collègues : sans garantir le moindre redressement financier, l’instauration de contraintes dans le cadre de nos discussions budgétaires entravera notre capacité collective à répondre aux enjeux de notre temps et pose de sérieux risques démocratiques que nous ne pouvons pas accepter.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe GEST votera contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, invoquant la nécessité de « changer la méthode par laquelle on élabore le budget » pour « reprendre la maîtrise de nos comptes », cette proposition de loi constitutionnelle, déposée par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, vise à modifier ou à compléter les dispositions budgétaires et financières de la Constitution.
Les modifications proposées par cette proposition de loi constitutionnelle sont de trois ordres.
Ce texte crée tout d’abord une nouvelle catégorie de loi, les lois portant cadre financier pluriannuel, qui se substitueraient aux lois de programmation des finances publiques et dont certaines dispositions auraient une force supérieure à celle des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Cette proposition de loi constitutionnelle confère ensuite aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale le monopole des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires.
Enfin, elle constitutionnalise l’existence du Haut Conseil des finances publiques aux côtés de la Cour des comptes, institution auprès de laquelle le Haut Conseil est placé.
Ce texte s’inspire d’un projet de loi constitutionnelle, déposé en 2011 dans un contexte de crise de la dette souveraine dans la zone euro, qui n’a finalement jamais été soumis au référendum ni au Congrès. Une décision du Conseil constitutionnel disposant qu’il n’est pas nécessaire de modifier la Constitution pour transposer les exigences européennes a temporairement clos ce débat.
Face à la situation dégradée que nous connaissons, il est légitime de nous interroger de nouveau sur la pertinence d’une modification de notre loi fondamentale pour atteindre nos objectifs.
Comme le président Raynal l’a indiqué devant la commission des finances, l’on entend trop souvent des arguments éculés. Certains, par exemple, avancent que les comptes publics ne sont plus à l’équilibre depuis 1974, alors qu’il faudrait en finir avec cette référence datée. Le monde a changé. Aujourd’hui, presque aucun État ne vote un budget à l’équilibre, et le modèle du « zéro emprunt » n’a aucune crédibilité. Un emprunt est bon dès lors qu’il est lié aux dépenses d’avenir, et la question est d’avoir une dette soutenable et bien orientée.
Aujourd’hui, comme en 2008 ou en 2020, la dégradation massive et soudaine des finances publiques résulte d’une crise – celle des subprimes en 2008, celle de la covid-19 en 2020 –, mais pas uniquement : les choix budgétaires et fiscaux des gouvernements d’hier et d’aujourd’hui, privant l’État de dizaines de milliards d’euros de recettes, ont largement contribué à alourdir la charge de la dette.
Pour le dire clairement, je ne suis pas convaincu que ce texte aurait empêché la dégradation récente de nos finances publiques. La responsabilité première dans cette dégradation est à chercher, me semble-t-il, du côté de ceux qui écrivent le budget, à savoir le Gouvernement. On pourrait évidemment incriminer ceux qui le votent et l’amendent, mais le parlementarisme rationalisé fournit à mes yeux un alibi convaincant.
Je ne veux cependant pas me faire juge et partie. Je relève que cette proposition de loi n’enlève rien au parlementarisme rationalisé – elle l’aggrave plutôt. Avec l’instauration de lois-cadres pluriannuelles, ce sont bien les marges de manœuvre financières du législateur, déjà faibles, qui seraient encore amoindries.
Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale devraient en effet nécessairement s’inscrire dans le cadre pluriannuel qui aura été déterminé en début de législature. Certes, ce serait au Parlement de voter ce cadre pluriannuel, mais le texte prévoit que la loi-cadre pourrait être adoptée selon les mêmes procédures aujourd’hui applicables aux projets de loi de finances – 49.3, ordonnances, vote bloqué. Concrètement, le Parlement pourrait se voir imposer un cadre financier pluriannuel qu’il n’aurait jamais approuvé, et ce pour toute la durée de la législature.
La loi-cadre pluriannuelle, dans son principe même, paraît particulièrement inadaptée aux temps de crise, qui exigent réactivité et adaptabilité. Quand un gouvernement peut aujourd’hui faire adopter dans les meilleurs délais une loi de finances rectificative, il serait désormais contraint de réviser le cadre financier pluriannuel, selon des modalités particulièrement lourdes exigeant la convocation du Congrès, avant de pouvoir procéder aux ajustements budgétaires et fiscaux nécessaires par le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne sont guère convaincus par cette proposition de loi constitutionnelle – ils ne l’étaient pas non plus par le projet de réforme déposé en 2011 par le gouvernement de François Fillon.
Les conclusions des travaux de la mission d’information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l’administration et le Gouvernement et les modalités d’information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France nous paraissent bien plus utiles pour éclairer l’incurie budgétaire qui règne parfois dans notre pays.
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi constitutionnelle.
proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques
Article 1er
L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa, les mots : « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; » sont supprimés ;
2° Au dix-septième alinéa, après le mot : « et », sont insérés les mots : « , sous réserve du vingtième alinéa, » ;
3° Les dix-neuvième et vingtième alinéas sont remplacés par les sept alinéas suivants :
« En vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques, les lois portant cadre financier pluriannuel déterminent, pour la durée d’une législature :
« – des plafonds de charges des administrations publiques et de sécurité sociale sur la période couverte, ainsi que des plafonds annuels de dépenses ;
« – la trajectoire des prélèvements obligatoires pour la période couverte ;
« – un objectif de solde public à la fin de la période couverte, ainsi que des objectifs de solde public annuels ;
« – la stratégie d’investissements publics.
« Une loi organique précise le contenu des lois portant cadre financier pluriannuel et celles de leurs dispositions qui s’imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
« Une loi portant cadre financier pluriannuel ne peut être modifiée avant l’expiration de la période qu’elle couvre que si un projet de révision est adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par le Parlement réuni en Congrès. Toutefois, cette loi devient caduque lorsqu’une nouvelle législature est ouverte avant la fin de la période couverte par une loi portant cadre financier pluriannuel. »
4° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Cadic, Cambier, Courtial et Delahaye, Mme Devésa, M. Fargeot et Mmes Jacquemet et Sollogoub, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au cinquième alinéa, après les mots : « impositions de toutes natures », sont insérés les mots : « qui, pour celles qui relèvent de la fiscalité directe, ne sauraient avoir de portée confiscatoire en dépassant la moitié des revenus du contribuable perçus l’année précédant celle du paiement des impositions » ;
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Le présent amendement vise à constitutionnaliser un bouclier fiscal plafonnant à 50 % le taux individuel global d’imposition directe.
Le bouclier fiscal créé en 2006 fut l’occasion pour le Conseil constitutionnel de se référer expressément à la notion, jusqu’alors inédite, de confiscation, et partant, d’amorcer explicitement l’exigence du caractère non confiscatoire de l’impôt.
L’on observe toutefois que cette disposition n’est pas forcément bien appliquée. Notre collègue Olivier Cadic, que je rejoins, propose donc que la Constitution garantisse à chaque Français qu’il pourra jouir d’au moins 50 % des revenus de l’année, sans que la fiscalité puisse dépasser ce seuil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. J’estime que le débat sur le niveau de prélèvements obligatoires et le caractère confiscatoire de l’impôt dans notre pays est parfaitement légitime.
Je doute toutefois que le présent texte soit le bon véhicule législatif pour une telle disposition. Par ailleurs, pourquoi inscrire dans le marbre de la Constitution une contrainte, alors que le juge constitutionnel censure d’ores et déjà toute atteinte à celle-ci ?
L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantit en effet l’égalité des contributions des citoyens aux charges publiques. Dans une décision du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a estimé que cette exigence « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ».
La jurisprudence du Conseil constitutionnel étant très claire, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. J’estime qu’il faut conserver de la souplesse, d’autant que l’inscription d’une telle disposition dans la Constitution limiterait les pouvoirs du Parlement.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Il s’agit plutôt d’une interrogation.
Nous avons déjà été témoins de l’application du « couperet » de l’article 40 de la Constitution pour des motifs quelque peu alambiqués. Or un tel amendement ne serait pas recevable s’il était, par exemple, adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances que nous allons étudier prochainement puisque la limitation de l’imposition d’un individu à 50 % de son revenu aurait un impact direct sur nos finances publiques – lequel n’est en outre pas du tout évalué. Il devrait donc, selon moi, relever de l’article 40 et ne même pas être étudié ici. Mais je me trompe peut-être…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. S’agissant d’une proposition de loi constitutionnelle, les articles 40 ou 45 de la Constitution ne sont pas applicables.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je rappelle que nous sommes le pays le plus imposé au monde. Résultat : ce que nous offrons à nos concitoyens, ce sont le surendettement et l’incurie budgétaire. Par conséquent, je voterai pour cet amendement tendant à introduire un bouclier fiscal.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement justifie tout à fait les propos que j’ai tenus il y a quelques instants. Cette proposition de loi constitutionnelle et cet amendement traduisent clairement – c’est d’ailleurs un choix tout à fait respectable – un projet politique.
Qu’est-ce que signifie en effet une telle disposition ? Que l’on mettrait en place un plafond constitutionnel individualisé de prélèvements fiscaux. Mais il faut y regarder de plus près, il y a un loup derrière ! Cela correspond à votre projet de société, mon cher collègue, mais ce n’est pas le nôtre.
Pour ma part, je considère que l’impôt est la garantie de l’égalité de tous face au droit et dans l’accès aux services publics. Or, si l’on suit votre raisonnement, que va-t-il se passer ? Les ménages, et non pas seulement l’État, devront s’endetter pour pouvoir se payer des services privés. Voilà le projet qu’il y a derrière cette mesure ! Ce n’est pas seulement un encadrement du débat parlementaire, fiscal ou encore financier, c’est un projet de société !
Ce projet rejoint d’ailleurs le projet de loi de finances que nous allons examiner prochainement : il s’agit de transférer une partie de l’action publique vers l’action privée, vers le secteur marchand. Dès lors, pour obtenir certains services, il faudra prévoir une capitalisation individualisée, sans quoi on ne pourra pas y accéder.
Bref, c’est tout à fait respectable, mais cette proposition de loi constitutionnelle est éminemment politique.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 18 |
Contre | 321 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Cadic, Cambier, Courtial et Delahaye, Mme Devésa, M. Fargeot et Mmes Jacquemet et Sollogoub, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article 34 de la Constitution sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un même impôt ne peut être modifié plus d’une fois au cours d’une même législature, sauf dans le cas où cette modification aurait pour objet de réduire le taux ou l’assiette de cet impôt.
« Les dispositions relatives à l’assiette et au taux des impositions de toute nature ne peuvent avoir un caractère rétroactif ni remettre en cause une situation considérée comme acquise par le contribuable sauf dans le cas où elles visent à réduire l’assiette ou à diminuer le taux de ces impositions. »
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Le précédent amendement concernait la pression fiscale et le niveau maximal d’impôt qu’un individu serait amené à payer au regard de ses revenus ; celui-ci porte sur la stabilité fiscale, car – je le disais à la tribune précédemment – notre instabilité fiscale permanente fait également partie des défauts de notre pays. Je crois que nous pouvons, les uns et les autres, le reconnaître.
L’idée de notre collègue Olivier Cadic consiste donc, par cet amendement, à empêcher le législateur de modifier plus d’une fois par législature un même impôt, sauf s’il s’agit d’en diminuer le taux ou l’assiette, et à proscrire la rétroactivité de la loi fiscale – ce qui arrive –, sauf, là encore, si les modifications apportées ont pour objet de réduire le taux ou l’assiette de l’impôt. Cela me paraît clair.
Une telle disposition représenterait un progrès pour la stabilité fiscale, qui est nécessaire pour que les acteurs économiques soient plus entreprenants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. On peut adhérer à l’objectif des auteurs de l’amendement, mais la première mesure proposée constituerait une atteinte au droit du Parlement de chercher des recettes supplémentaires. Pour ce qui concerne la seconde, je rappelle que, en vertu d’une jurisprudence constante, et assez claire, du Conseil constitutionnel, on ne peut porter atteinte aux situations légalement acquises, ce qui répond, a fortiori, à la question relative à l’assiette et au taux, et à la notion de rétroactivité.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
Le début de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution est ainsi rédigé : « Les projets de loi portant cadre financier pluriannuel, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement (le reste sans changement). »
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
L’article 42 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « constitutionnelle, », sont insérés les mots : « des projets de loi portant cadre financier pluriannuel » ;
2° À la seconde phrase du dernier alinéa, après les mots : « non plus », sont insérés les mots : « aux projets de loi portant cadre financier pluriannuel, ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Article 4
Après l’article 46 de la Constitution, il est inséré un article 46-1 ainsi rédigé :
« Art. 46-1. – Le Parlement vote les projets de loi portant cadre financier pluriannuel dans les conditions prévues par une loi organique. Si le Gouvernement le décide, il est fait application de la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 47. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 n’est pas adopté.)
Article 5
L’article 47 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une loi de finances ne peut être adoptée définitivement en l’absence de loi portant cadre financier pluriannuel applicable à l’exercice concerné. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet de loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice est déposé au plus tard le 15 septembre de l’année qui précède cet exercice. » ;
3° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « de loi de finances » ;
4° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est procédé de même en l’absence de loi portant cadre financier pluriannuel applicable à l’exercice concerné. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Longeot, Perrion et Cadic, Mmes Jacquemet et Tetuanui, MM. Courtial et Cambier, Mme Devésa et M. Fargeot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article 47 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est interdit de présenter et d’adopter une loi de finances dont la section de fonctionnement est en déficit. »
II. – Le I entre en vigueur à compter de la loi de finances initiale pour 2030.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. C’est moi qui suis à l’origine de cet amendement.
Il me paraît important de faire des propositions pour atteindre l’objectif de redressement des comptes publics, en nous fixant quelques contraintes, puisque la volonté politique seule ne suffit pas, attendu qu’elle est rarement suivie d’effets…
L’idée, ici, est non pas de prévoir une contrainte pluriannuelle, comme le fait cette proposition de loi constitutionnelle, mais de fixer un objectif garanti dans la Constitution de retour à l’équilibre, en imposant à l’État d’avoir, à compter de 2030, comme les collectivités locales le font depuis toujours, un budget dont la section de fonctionnement est équilibrée. Je parle bien ici, monsieur Dossus, de fonctionnement et non d’investissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. On comprend bien l’objectif : il s’agit de se comparer aux collectivités territoriales, auxquelles s’applique la double règle d’or – équilibre de la section de fonctionnement et de la section d’investissement –, et d’empêcher l’État d’emprunter pour sa section de fonctionnement.
D’abord, sur le fond, considérons ce qu’il s’est passé lors de la crise sanitaire : il a fallu adopter en urgence des mesures, qui ont certes été coûteuses pour le budget de l’État – je pense notamment au soutien au tissu économique –, mais qui étaient, force est de le constater, indispensables pour le maintien de l’activité économique. En cas de retournements conjoncturels, on serait totalement bloqué par cette disposition.
Ensuite, sur la forme, dans les lois de finances, il n’y a pas de section de fonctionnement et de section d’investissement. On se prononce sur des programmes, des missions, dans lesquels tout est mélangé. Par conséquent, c’est la philosophie même de la Lolf qui serait remise en cause par l’adoption de cet amendement.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je comprends bien l’objectif de l’auteur de l’amendement, mais, pour ce qui concerne le budget de l’État, une telle mesure n’est pas praticable, puisque, vous le savez, les sections d’investissement et de fonctionnement ne constituent pas l’unité de vote soumise au Parlement.
En outre, cela exigerait de définir ce que sont, pour l’État, le fonctionnement et l’investissement, et alors, que de débats !
M. Vincent Delahaye. Je le sais bien !