Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en juillet dernier, dans le Nord, un retraité a été dépouillé de 70 000 euros après avoir été victime d’une escroquerie bien orchestrée : d’abord démarché par téléphone, il a ensuite remis sa carte bancaire à un faux coursier, qui a vidé ses comptes sans scrupules.

Ce fait divers n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres des dérives que le démarchage téléphonique peut engendrer. Ce dernier est juridiquement défini à l’article L. 221-16 du code de la consommation comme le fait pour un professionnel de contacter un consommateur en vue de conclure un contrat.

Selon une récente enquête de l’UFC-Que Choisir, 92 % des Français se disent dérangés par les nuisances du démarchage téléphonique, ce qui illustre le fait que la réglementation en vigueur ne suffit manifestement pas à protéger efficacement les consommateurs.

Depuis une dizaine d’années, plusieurs textes ont eu vocation à réguler cette pratique pour éviter que ledit démarchage, à l’heure du développement des technologies de l’information et de la communication, ne se transforme en harcèlement.

Ainsi, la loi Hamon de 2014 a introduit un droit d’opposition dans le code de la consommation. Depuis, l’inscription sur la liste Bloctel est censée permettre de ne plus recevoir d’appels non sollicités. Dans les faits, seulement 2 400 entreprises, 6 millions de consommateurs et 12 millions de numéros de téléphone y sont répertoriés en 2024, ce qui ne représente que 9 % des Français et 10 % des lignes téléphoniques.

Après la loi Hamon, un autre texte, issu de la proposition de loi du député Naegelen, a été adopté en 2020 pour tenter de protéger davantage les consommateurs par l’introduction de restrictions nouvelles telles que l’instauration de plages horaires et de jours spécifiques de démarchage à respecter ou de nouvelles obligations concernant le contenu de l’appel et l’authentification des numéros.

Malgré ces avancées, tant la DGCCRF que l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) et la Cnil sont régulièrement sollicitées pour des plaintes et signalements pour démarchage abusif. Et les sanctions prévues, bien qu’élevées, ne sont que rarement appliquées, faute de contrôles adaptés. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) elle-même alerte sur le fait que le démarchage téléphonique accentue encore les risques de cyberattaque.

Dans ce contexte, la proposition de loi de notre collègue Verzelen est forcément bienvenue. Composée d’un article unique, elle tend à poser le principe général de l’interdiction et à passer d’un régime d’opt-out – en bon français… – à un régime d’opt-in, c’est-à-dire à l’opposition à un consentement préalable, quel que soit le secteur d’activité. Un tel régime s’applique déjà en matière de rénovation énergétique ou de compte personnel de formation, pour lesquels tout démarchage est interdit sans consentement.

En Allemagne, tout démarchage téléphonique sans consentement préalable est illégal et les entreprises contrevenantes risquent des amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 euros.

Puisque le système français n’est ni pleinement opérant pour les entreprises vertueuses ni respecté par celles qui fraudent, il ne nous reste plus qu’à choisir l’autre système, celui dans lequel les consommateurs français pourraient eux aussi exprimer explicitement leur consentement avant d’être démarchés téléphoniquement.

C’est une position que les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendent avec constance et qu’ils ont rappelée en 2020, lors des débats sur la proposition de loi Naegelen. Cette position semble désormais incontournable face à l’épuisement des autres options, comme l’a également souligné la rapporteure Olivia Richard.

Bien évidemment, ce consentement préalable doit lui-même être exprimé dans le respect des règles de protection des données personnelles et de liberté d’information, de consommation comme d’entreprendre. Aussi, nous souscrivons aux propositions de réécriture du texte dont l’idée initiale – l’inscription sur une liste – n’apparaît pas suffisamment robuste juridiquement.

Les amendements de la rapporteure visant à aligner le consentement au démarchage téléphonique sur le consentement au démarchage électronique nous paraissent pertinents, de même que ceux qui tendent à limiter les horaires et jours de démarchage ou à renforcer les sanctions, notamment pour éviter les abus de faiblesse comme celui que j’ai décrit en avant-propos.

Nous sommes également favorables à une meilleure convergence des actions menées par l’administration et les autorités indépendantes pour identifier et stopper les fraudeurs.

C’est d’ailleurs là le cœur du sujet : en encadrant mieux le démarchage téléphonique « officiel », comme nous entendons le faire ce matin, nous ne ferons pas disparaître d’un coup tout démarchage frauduleux – j’ai d’ailleurs déposé un sous-amendement sur cette question. Les appels sur les lignes fixes et mobiles ne cesseront pas totalement pour qui n’a pas donné son consentement préalable, mais au moins l’on saura que, sauf presse, association ou relation contractuelle préexistante, ils sont forcément le fait de fraudeurs. On pourra donc plus facilement les dénoncer.

À cet égard, il est possible de rassurer les représentants des territoires et des entreprises qui craindraient l’effet négatif sur l’emploi de l’adoption de la présente proposition de loi. Pour les opérateurs téléphoniques, qui sont à la fois le canal et l’un des principaux émetteurs d’appels de démarchage, seuls 17 % des appels sortants de la relation client relèvent du démarchage.

En outre, les centres d’appels, qui sont à l’origine de la majorité des appels considérés aujourd’hui comme intempestifs, soit sont situés à l’étranger, soit font réaliser ces appels par des machines et non par des humains.

Nous pensons donc sincèrement, madame la secrétaire d’État, que nous pouvons préserver nos emplois tout en protégeant mieux les consommateurs, notamment ceux qui sont constamment dérangés, que ce soit sur leur téléphone fixe ou sur leur portable.

C’est en ce sens que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient les dispositions qui permettront, demain, de passer à un démarchage téléphonique consenti pour tous et de soulager le quotidien de nos concitoyens, exaspérés par ces dérangements intempestifs ou, pire, par les fraudes dont ils sont victimes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Michel Masser applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face au problème irritant du démarchage téléphonique intempestif, qui empoisonne littéralement la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens, le législateur a tenté, depuis plusieurs années, d’encadrer chaque fois un peu plus cette pratique.

En France, le démarchage téléphonique est interdit auprès d’une personne qui s’y est expressément opposée. Il s’agit du régime de l’opt-out.

Dès 2016, un dispositif gratuit d’opposition au démarchage téléphonique – Bloctel – a été mis en service. Toutefois, force est de constater que seuls 9 % des Français sont inscrits sur cette plateforme en 2024 et que les appels intempestifs continuent de plus belle…

En 2020, deuxième tentative : Bloctel n’ayant pas résolu le problème, la loi du 24 juillet renforce l’encadrement du démarchage, qui est désormais interdit dans le secteur de la rénovation énergétique et de la formation.

Mais, de nouveau, cela ne suffit pas. Alors, en 2023, un décret est venu préciser les plages horaires et les jours pendant lesquels le démarchage est autorisé. Ce décret fixe aussi des règles relatives aux fréquences des appels.

En définitive, le problème perdure et les pouvoirs publics, y compris le législateur, semblent impuissants à y mettre un terme. Se pose dès lors, comme c’est souvent le cas, la question de l’angle d’appréhension du problème. Ne faut-il pas s’y attaquer différemment ? Sans changement de paradigme, nous ne pouvons espérer que les Français ne soient plus sursollicités, voire harcelés.

C’est tout le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Plutôt que d’autoriser le démarchage en y apportant, à chaque fois, un peu plus de limites, ce texte propose d’inverser le principe en interdisant le démarchage, modulo quelques exceptions.

Plusieurs pays européens ont déjà franchi le pas. C’est le cas de l’Autriche, de la République tchèque ou de l’Allemagne, où le démarchage téléphonique est soumis à un régime d’opt-in, de consentement. Par principe, tout démarchage téléphonique est qualifié de harcèlement inacceptable et interdit auprès de tout consommateur qui n’y aurait pas donné son consentement explicite préalable.

L’article unique de cette proposition de loi vise également à interdire le démarchage téléphonique, à l’exception de trois cas : si la personne s’est inscrite sur une liste de consentement ; dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours ; pour la fourniture de journaux – périodiques ou magazines.

Mme la rapporteure Olivia Richard a produit un travail de qualité et nous propose neuf amendements visant à compléter le dispositif dans le bon sens, notamment pour veiller à ne pas porter atteinte aux entreprises dont l’activité économique repose sur la relation client, pour articuler ce système d’opt-in avec le RGPD et pour renforcer les filtres antispam et les sanctions pour abus de faiblesse.

C’est parce que le démarchage empoisonne la vie des Français, qui ne font plus la distinction entre démarchage régulier et démarchage intempestif ou frauduleux, qu’il convient d’essayer, après de multiples tentatives infructueuses, de changer d’approche. Celle de notre collègue Pierre-Jean Verzelen est un exemple de vraie simplification, raison pour laquelle le groupe Les Indépendants soutient ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le démarchage téléphonique non consenti est une nuisance du quotidien devenue majeure. Qui d’entre nous n’a pas eu à subir cette intrusion ni été agacé de cette pratique ? Pour beaucoup, c’est une gêne ; pour d’autres, en particulier les personnes âgées et vulnérables, c’est une source d’exaspération.

Pourtant, voilà plusieurs années que les pouvoirs publics et le législateur tentent de réguler cette pratique et de mettre un terme à une telle dérive commerciale.

Certes, chaque consommateur peut référencer son numéro sur une liste pour éviter les appels intempestifs. Toutefois, depuis 2016, le fameux dispositif Bloctel, qui devait permettre aux consommateurs inscrits volontairement de s’opposer au démarchage téléphonique, a largement fait les preuves de ses limites. Et même s’il donne quelques résultats, beaucoup de particuliers ne connaissent toujours pas son existence ou son fonctionnement.

J’ajoute que nombre d’entreprises de vente directe s’affranchissent, souvent délibérément, de consulter la liste des numéros inscrits sur Bloctel avant de démarcher un éventuel client.

À l’été 2020, le Parlement avait pourtant adopté une proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Malgré cela, la DGCCRF, en intensifiant ses contrôles, a relevé plusieurs milliers d’infractions.

Certes, des sanctions ont été prises à la suite de certaines enquêtes. Par exemple, en août dernier, une société de conseil s’est vu infliger une amende administrative de 300 000 euros pour, notamment, ne pas avoir respecté l’interdiction de démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique.

De manière générale, les infractions constatées sont principalement liées au non-respect de l’inscription sur Bloctel, à des démarchages dans des secteurs proscrits ou durant des périodes non autorisées par le décret du 13 octobre 2022, qui interdit toute prospection commerciale le week-end ainsi que les jours fériés et ne l’autorise que du lundi au vendredi entre dix heures et treize heures, puis entre quatorze heures et vingt heures.

L’association UFC-Que Choisir a confirmé, dans une étude de 2023, le démarchage sauvage et de grande envergure relevé par la DGCCRF : 72 % des Français se disaient démarchés au moins une fois par semaine sur leur téléphone portable et – encore plus inacceptable ! – 38 % au quotidien. En moyenne, chaque Français reçoit environ six appels de démarchage par semaine. Les secteurs les plus cités sont l’assurance, les placements financiers et la rénovation énergétique – le démarchage dans ce dernier domaine étant pourtant interdit.

Les nouvelles règles limitant le démarchage aux jours ouvrables et à certains créneaux horaires sont donc facilement contournées par des entreprises qui ciblent notamment les téléphones mobiles.

En effet, les particuliers doivent enregistrer chacun de leurs numéros de téléphone et pas uniquement celui de leur poste fixe. Aussi, le nombre de personnes recevant des appels indésirables malgré leur inscription sur Bloctel reste élevé.

De surcroît, bien souvent ces personnes ne signalent pas sur la plateforme qu’elles ont été victimes d’un démarchage abusif. Sans proactivité, ce système perd de son efficacité.

Il ne s’agit pas de nier l’action de Bloctel. Ce dispositif a permis de traiter en moyenne près de 10 milliards de numéros par mois. Quant au nombre de numéros ainsi expurgés, il s’élève à plus de 740 millions par mois. Néanmoins, face à ce tonneau des Danaïdes, on ne peut que constater les nombreuses lacunes du dispositif actuel. Il est temps de prendre acte de l’inefficacité de la logique du droit d’opposition.

En adoptant la loi du 24 juillet 2020, le législateur n’avait finalement pas osé remettre en cause le régime d’opposition expresse, dit opt-out, considérant à l’époque que le consentement préalable du consommateur – opt-in – reviendrait à faire disparaître le secteur économique du démarchage et ses emplois.

Je crois indispensable aujourd’hui de prendre acte de l’inefficacité de la logique du droit d’opposition. Fort de ce constat d’échec, il faut opérer un changement en posant désormais le principe d’un opt-in explicite, dans lequel chaque consommateur doit donner individuellement son consentement préalable pour être contacté par téléphone, sans qu’il soit forcément opportun de mettre en place une liste nationale sur laquelle le consommateur devrait s’inscrire pour indiquer son accord. En outre, une telle liste serait sans doute incompatible avec la réglementation européenne en vigueur.

En Allemagne, par exemple, ce consentement, qui ne peut être ni implicite ni déduit d’une relation existante, revêt plusieurs formes : un formulaire en ligne ou papier ; une inscription sur un site ou à un service ; un accord explicite lors de contrats commerciaux. Ces contraintes n’ont pas entraîné de séisme économique dans le secteur du marketing à distance. Les entreprises concernées interagissent avec les consommateurs qui en ont fait le choix et continuent d’assurer le suivi de leurs relations commerciales.

Rien ne s’oppose donc véritablement à ce principe clair : aucun consommateur ne doit être contacté par une entreprise de démarchage téléphonique sans l’avoir explicitement consenti. Nous avons d’ailleurs déjà imposé cette logique, à la grande satisfaction des consommateurs, au démarchage dans les boîtes aux lettres.

Adopter l’opt-in explicite ne peut être efficace que si les sanctions prévues pour les professionnels ne respectant pas ces règles sont suffisamment dissuasives et réellement appliquées. Cette proposition de loi prévoit des montants d’amende élevés ; cela implique que la DGCCRF dispose de moyens significatifs pour mener de multiples contrôles et traiter les plaintes. C’est sur ce point qu’il nous faudra être particulièrement vigilants.

Resterait probablement une question : une part non négligeable du démarchage illicite provient de centres d’appels situés à l’étranger. Ils échappent ainsi plus facilement à la réglementation française, aux contrôles et donc aux sanctions.

Il convient enfin de rappeler que, au-delà du démarchage abusif, les entreprises de vente directe ont aussi l’obligation de respecter certaines règles commerciales, comme la bonne information du consommateur sur leur droit de rétractation. La DGCCRF a sanctionné à plusieurs reprises des entreprises refusant des rétractations légitimes.

Cette proposition de loi ne peut constituer une réelle avancée pour la protection et les droits du consommateur que si les entreprises jouent le jeu, en se conformant aux nouvelles règles, et, naturellement, si les contrôles et les sanctions sont plus rapides et efficaces.

Espérons que le législateur n’aura pas à reprendre la main sur ce phénomène qui empoisonne depuis si longtemps la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui vise à répondre à un fléau que nous connaissons tous trop bien : le démarchage téléphonique intempestif.

Ce phénomène touche des millions de nos concitoyens et suscite une exaspération légitime. Près de 72 % des Français sont démarchés au moins une fois par semaine sur leur portable et 38 % subissent ces appels quotidiennement. La situation est tout aussi préoccupante pour les lignes fixes, où le taux de démarchage hebdomadaire atteint 58 %.

La loi Hamon de 2014 a mis en place un régime d’opt-out, permettant aux consommateurs de s’inscrire sur la liste Bloctel pour s’opposer au démarchage. Cependant, malgré plus de 12 millions de numéros recueillis, ce dispositif ne couvre que 10 % des lignes téléphoniques.

Par ailleurs, les signalements à la DGCCRF montrent que de nombreux professionnels, notamment ceux qui opèrent depuis l’étranger, contournent ces règles.

La loi Naegelen de 2020 a cherché à renforcer ce dispositif en encadrant les horaires et la fréquence des appels. Les sanctions ont été durcies, mais restent encore trop faibles pour être dissuasives : en 2023, seulement 200 amendes ont été prononcées pour un total de 4,4 millions d’euros, ce qui est bien peu au regard des millions d’appels illégaux.

La présente proposition de loi vise donc un objectif légitime et clair : renforcer la protection des consommateurs face à ces abus. Son auteur propose de passer d’un régime d’opt-out, où chacun doit s’inscrire pour bloquer les appels, à un régime d’opt-in, interdisant par principe le démarchage sans consentement préalable.

Ce modèle, déjà en vigueur pour la prospection électronique, permettrait de faire respecter un droit fondamental des consommateurs : celui de contrôler leur tranquillité et leur vie privée.

Le texte prévoit également des exceptions pour les clients existants, pour les associations, pour les sondages et pour la presse, tous secteurs pouvant justifier des contacts avec les consommateurs.

Cependant, des objections ont été soulevées lors de l’examen en commission, notamment quant à la faisabilité juridique et aux répercussions économiques de ce changement.

Le RGPD impose un consentement spécifique, ce qui rend difficile la mise en place d’une liste de consentement universelle. De plus, cette transition pourrait affecter les quelque 29 000 à 40 000 emplois du secteur, même si les acteurs concernés estiment qu’une adaptation des pratiques permettrait de sauvegarder l’emploi.

Face à ces enjeux, le groupe RDPI reste prudent quant à un basculement direct vers un régime d’opt-in comme le prévoit la version initiale de la proposition de loi. Toutefois, nous accueillons favorablement les ajustements proposés par notre rapporteure Olivia Richard, dont je salue le travail.

L’amendement qu’elle propose à l’article unique du texte vise à aligner le recueil du consentement au démarchage téléphonique sur celui prévu pour le démarchage électronique, un dispositif déjà bien établi et lisible. Ce changement, qui permettrait un consentement recueilli au cas par cas par chaque entreprise, serait davantage compatible avec le RGPD et préserverait des emplois en laissant les entreprises adapter leurs méthodes de contact.

Cet amendement tend également à prévoir une entrée en vigueur au 11 août 2026 pour coïncider avec la fin de la concession actuelle de Bloctel, ce qui assurera une transition progressive pour les opérateurs.

Si les ajustements proposés sont intégrés au texte, notre groupe soutiendra cette évolution législative, qui répond à une attente forte. Nous espérons que ce cadre permettra de protéger les citoyens contre des pratiques envahissantes, tout en préservant les acteurs économiques respectueux de la loi.

Nous sommes convaincus qu’avec ces modifications nous pourrons avancer vers un modèle qui protège efficacement la vie privée des consommateurs, tout en assurant la viabilité des entreprises de démarchage responsables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est simple : la grande majorité des Français ne répondent plus au téléphone quand un numéro inconnu les appelle.

Quelque 500 000 personnes sont victimes d’arnaques téléphoniques chaque année. Certains de nos concitoyens sont confrontés quotidiennement à des démarchages abusifs. Autant dire que cette proposition de loi a le grand mérite de mettre sur la table une problématique du quotidien.

Le dispositif Bloctel, issu de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, a permis au consommateur de s’inscrire gratuitement sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique, s’il ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale. Ce dispositif a été renforcé par la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.

Ne nous mentons pas : encore à ce jour, Bloctel est loin d’avoir montré son efficacité. Le dispositif est largement méconnu et – hélas ! – ne se montre pas dissuasif. Il nous revient donc d’agir soit pour renforcer ce qui existe déjà, soit pour envisager un changement de paradigme.

Cette proposition de loi nous invite à aller vers cette seconde solution, en passant de l’opt-out à l’opt-in, c’est-à-dire du silence au consentement.

Jusqu’à présent, toutes les évolutions législatives se sont construites autour d’un principe commun : elles présument du consentement du consommateur à être démarché, puisque c’est à lui qu’il revient d’exercer son droit d’opposition au démarchage. Seulement, les abus que nous constatons nous imposent de changer de braquet. Et ce changement devra être législatif, mais pas exclusivement. Il faudra se donner les moyens de l’appliquer efficacement et avec dureté à l’égard des entrepreneurs peu scrupuleux.

Évidemment, il y a un sujet économique et social. Le démarchage téléphonique représente des emplois ; il constitue même un outil clé dans certains secteurs d’activité. Le législateur ne l’a jamais ignoré, puisque toutes les mesures de lutte contre le démarchage abusif ont reconnu certaines exceptions : les appels des professionnels avec lesquels les consommateurs ont des relations contractuelles préexistantes ; les appels de prospection en vue de la fourniture de journaux, périodiques ou magazines ; ou encore les appels émanant d’instituts d’études et de sondages, d’associations à but non lucratif ou d’un service public.

Or, en l’état actuel des choses, ces exceptions se retrouvent noyées dans la masse des appels. Il apparaît donc nécessaire de mettre en œuvre une politique publique efficace pour protéger autant le consommateur que les entreprises qui vivent d’une forme saine de démarchage.

Le texte initial présenté par notre collègue Pierre-Jean Verzelen avait peut-être des défauts rédactionnels, mais il présentait la grande qualité de poser le problème dans des termes clairs et explicites. Aussi, je veux saluer le travail de notre rapporteure Olivia Richard et de la commission des lois qui permet de poursuivre l’initiative et de mieux mettre en musique ces propositions.

Sous réserve des éventuelles modifications qui lui seront apportées, le groupe RDSE est favorable à ce texte, qui se place définitivement au service des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Olivier Bitz. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Pierre-Jean Verzelen concerne une réalité qui incommode chaque jour nos concitoyens. Je le remercie pour cette initiative, car le démarchage téléphonique est une préoccupation réelle et, bien souvent, une cause d’exaspération largement partagée.

Porté par une volumétrie massive, le démarchage téléphonique peut en outre constituer une menace pour les publics fragiles et relayer des arnaques.

Je souhaite également saluer l’investissement de notre collègue Olivia Richard, rapporteure de ce texte. Elle s’est mobilisée pour que les discussions autour de cette proposition de loi soient éclairées et constructives.

Le développement des moyens de communication est évidemment un vecteur de développement économique. Cependant, l’alliage du démarchage téléphonique, d’une part, et de la prospection commerciale à forte intensité, de l’autre, ne présente pas que des avantages. Je dirai même plus : nos concitoyens disent stop !

Réalité ancienne, le démarchage téléphonique à finalité commerciale s’est fortement développé ces vingt dernières années. Il est tous azimuts – ou presque –, il met en péril la tranquillité de nos concitoyens, il sature leurs flux téléphoniques et il met en situation de vulnérabilité les publics les plus fragiles.

Les données personnelles sont devenues autant de renseignements marchands brassés par les opérateurs sans que les détenteurs de téléphones, qu’ils soient fixes ou mobiles, aient donné un quelconque accord.

Nous sommes tous contactés, parfois plusieurs fois dans la journée, par des numéros tantôt masqués, tantôt inconnus, pour différents services ou prestations. Ces appels répétitifs sont gênants. Ils présentent un caractère intrusif. Ils peuvent en outre constituer un piège : les associations de défense des consommateurs et des usagers sont unanimes sur ce sujet et interpellent régulièrement les pouvoirs publics.

De plus en plus de personnes refusent désormais de décrocher, redoutant un énième appel de démarchage. Nous pouvons donc l’affirmer, ce phénomène constitue, à bien des égards, une source de nuisances.

Des mécanismes législatifs ont pourtant été introduits pour réguler et encadrer le démarchage téléphonique. Cependant, force est de constater qu’ils sont très largement inefficaces. La liste d’opposition Bloctel demeure ainsi confidentielle et limitée. Quelles que soient les démarches des consommateurs, elle est malheureusement, dans les faits, peu efficace.

Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Nous savons que les services sont mobilisés et les agents engagés sur le terrain, mais nous savons aussi que, dans un contexte général de multiplication des missions et de réduction des effectifs, les contrôles ne sont pas suffisamment fréquents.

Si nous pouvons reconnaître les avancées des dix dernières années, il est selon nous indispensable de changer de braquet. L’Allemagne, notamment, est passée à la logique de l’opt-in, qui impose le consentement préalable des usagers. Ce cadre est à la fois plus respectueux de la vie privée et constitue un bouclier efficace.

Ce qui nous rassemble sur cette proposition de loi, c’est la recherche du juste équilibre entre la vie économique et le domaine des télécoms, d’un côté, et la prévention des sollicitations intempestives de l’autre. Nous devons gagner en efficacité à cet égard.

La proposition de loi de notre collègue vise à instaurer un changement de perspective. Les motifs qui poussent à changer de braquet sont à nos yeux fondés.

Il s’agit de passer d’une logique générale d’acceptation tacite du démarchage par le consommateur avec possibilité d’opposition, à une logique générale d’opposition avec possibilité de consentement explicite.

La préservation de l’emploi et la stimulation du tissu économique sont des objectifs partagés par tout le monde dans cet hémicycle. Comme cela a été souligné et documenté en commission, la plupart des appels sont cependant passés depuis des centrales à l’étranger, et, de plus en plus, par des robots et grâce à l’intelligence artificielle. Ceux qui sont passés à partir du territoire national entrent très souvent dans le cadre des exceptions que le texte prévoit lui-même puisqu’ils concernent des relations commerciales approfondies.

Mes chers collègues, les mécanismes proposés dans la proposition de loi sont restrictifs et entraîneront sans doute certaines recompositions pour ces organismes de démarchage. Ils disposeront d’autres relais, qu’ils soient classiques – je pense à la voie postale ou encore aux spots publicitaires à la télévision et dans les journaux –, mais aussi plus modernes, qu’il s’agisse des messageries électroniques ou des réseaux sociaux. Nous ne souhaitons aucunement les priver de possibilités de s’adresser à leurs clients ou futurs clients.

Ces propositions ont été discutées au sein de la commission des lois. Un consensus semble émerger pour soutenir ce texte, en constante amélioration depuis qu’il a été déposé, en particulier pour définir collégialement des modalités pratiques de recueil du consentement des usagers et des consommateurs, en conformité avec le RGPD.

Aujourd’hui, le groupe Union Centriste estime que les tentatives d’encadrement et de régulation n’ont pas produit les résultats escomptés et que la lassitude de nos concitoyens doit être pleinement prise en compte. Nous devons notamment mieux protéger les publics fragiles.

C’est pourquoi nous apporterons notre soutien à la proposition de loi, sous réserve de l’adoption d’un certain nombre d’amendements proposés par Mme la rapporteure, qui permettront d’améliorer son efficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et INDEP.)