M. le président. La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui représente actuellement la France à la COP16 sur la biodiversité de Cali.
Je tiens tout d’abord à apporter le soutien du Gouvernement à tous les sinistrés et à adresser nos remerciements aux services mobilisés, ainsi qu’aux élus locaux.
Je sais combien leur engagement est précieux lors du type d’événement que vous avez évoqué. Au cours du mois d’octobre, la France a connu des événements climatiques graves chaque semaine, et les élus ont toujours été présents pour répondre aux besoins de nos concitoyens.
Le Premier ministre a présenté à Lyon, la semaine dernière, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique. Ce document comporte plusieurs éléments clés.
Premièrement, c’est un plan systémique. Comme nous l’avons tous compris, le changement climatique est désormais une réalité. Nous devons planifier et accélérer les changements, notamment pour protéger les populations.
Deuxièmement, c’est un plan ciblé et opérationnel, qui contient 51 mesures. Vous me demandez si nous pouvons aller plus loin financièrement. Je rappelle, madame la sénatrice, que les 75 millions d’euros que le Gouvernement a dégagés sont des crédits supplémentaires, ce qui est significatif dans le contexte budgétaire actuel.
Troisièmement, la priorité est donnée au fonds vert et à l’accompagnement des collectivités via la mission d’adaptation. Ce plan est fédérateur.
En ce qui concerne la départementalisation que vous évoquez à propos des Dreal – nous pourrions aussi parler de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –, cette proposition mérite d’être examinée, madame la sénatrice. Travaillons ensemble pour apporter les réponses les plus efficaces possible !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 6 novembre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie (proposition n° 653 [2023-2024], texte de la commission n° 67, rapport n° 66).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes rassemblés cet après-midi afin d’examiner la proposition de loi visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie, adoptée par l’Assemblée nationale le 16 avril 2024.
Je remercie la ministre Geneviève Darrieussecq de son implication sur ce sujet. Actuellement retenue à l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), elle vous prie de bien vouloir excuser son absence.
En France, le nombre de nouveaux cas de cancers détectés est estimé à 1 200 par jour sur une année. Un Français sur vingt est concerné, soit deux fois plus qu’il y a trente ans.
Les cancers représentent aujourd’hui la première cause de décès prématurés en France, la première cause chez l’homme et la deuxième chez la femme, les cancers les plus fréquents étant ceux de la prostate, du sein, du côlon-rectum et du poumon.
En France, une femme sur huit développe un cancer du sein au cours de sa vie. En 2023, près de 61 000 nouveaux cas ont été détectés. Il s’agit du premier cancer chez les femmes, mais également le premier tous types de cancers confondus. En 2021, 12 600 décès ont été enregistrés. Il s’agit de la première cause de décès par cancer, même si le nombre de décès a connu une baisse de 1,3 % par an entre 2011 et 2021.
Dans la majorité des cas, le développement d’un cancer du sein prend plusieurs mois ; lorsqu’il est détecté tôt, il peut être guéri dans neuf cas sur dix et les séquelles peuvent être réduites.
Trois programmes de dépistage organisé ont été mis en œuvre, avec des tests et des examens gratuits pour les cancers localisés. Ainsi, chaque année, 9 millions de dépistages des cancers sont réalisés en France. Le Gouvernement souhaite poursuivre dans ce sens, car dépister précocement, c’est augmenter considérablement les chances de guérison.
Il faut rappeler à toutes les femmes qu’il est crucial qu’elles participent aux programmes de dépistage. Pour ce qui concerne le cancer du sein, il leur est recommandé de faire un dépistage, pris en charge à 100 % par l’assurance maladie, à partir de 50 ans, tous les deux ans.
Vous le savez, certaines femmes présentent un risque plus élevé que d’autres de développer un cancer du sein, du fait d’antécédents familiaux ou personnels. Pour ces femmes, des modalités spécifiques de dépistage ont été définies par la Haute Autorité de santé (HAS), comme des mammographies à fréquence plus rapprochée.
Ces mesures font partie des plans Cancer, pour lesquels l’État a mobilisé depuis 2004 des moyens considérables afin de réduire significativement le poids des cancers dans le quotidien des Français. La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 a apporté de nouveaux moyens budgétaires.
Cette stratégie fixe des objectifs inédits et évolutifs : diminuer de 60 000 par an le nombre de cancers évitables à l’horizon de 2040 ; réaliser 1 million de dépistages supplémentaires d’ici à 2025 ; réduire de deux tiers à un tiers la part des patientes souffrant de séquelles cinq ans après un diagnostic ; améliorer significativement le taux de survie des cancers de plus mauvais pronostic d’ici à 2030 ; mieux accompagner les conséquences des cancers et des traitements sur la qualité de vie des personnes en minimisant les séquelles.
Et les résultats sont là : plus de trois quarts des actions prévues dans la feuille de route 2021-2025, financée à hauteur de 1,7 milliard d’euros, commencent à porter leurs fruits.
Le cancer du sein est au cœur de cette stratégie. L’objectif est de favoriser une détection précoce et ainsi de mieux prendre en charge et d’augmenter les chances de guérison, d’améliorer l’efficacité et la rapidité du parcours de dépistage, grâce à la mise à niveau du parc de mammographes, tout en facilitant le développement d’outils innovants.
De nombreuses actions de prévention sont aussi menées – elles sont particulièrement visibles en ce mois d’Octobre rose. Près de 20 000 cancers du sein pourraient être évités chaque année ; aussi notre action pour la prévention est-elle indispensable : c’est une priorité du Gouvernement.
L’assurance maladie, les agences régionales de santé (ARS) et les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) se mobilisent avec divers partenaires de terrain pour proposer à toutes les femmes éligibles de réaliser un dépistage du cancer du sein.
La présente proposition de loi prévoit la prise en charge, dans leur intégralité, des soins liés au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie ainsi que de l’ensemble des soins et dispositifs prescrits, dont certains soins de support.
Nous comprenons et nous partageons les intentions de ses auteurs, mais nous appelons à mesurer les implications de la mise en œuvre de ce texte. Son adoption en l’état conduirait ainsi à rendre inapplicables le forfait journalier hospitalier, le ticket modérateur, la participation forfaitaire et les franchises sur les soins consécutifs à un cancer du sein ou à un parcours de soins global. De même, elle entraînerait la mise en place d’un régime différencié pour une pathologie spécifique, ce qui remettrait en cause un principe fondamental, celui de l’équité de notre système de santé. L’exonération totale des frais de santé pour les patientes atteintes d’un cancer du sein pourrait entraîner une rupture d’égalité entre les patientes atteintes de cette pathologie et ceux qui souffrent d’autres maladies, y compris d’autres cancers. Notre système de santé doit continuer d’être équitable et indifférencié.
Le président Mouiller a déposé un amendement à l’article 1er, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, qui vise à limiter largement un tel risque de rupture d’égalité.
Ce texte pose également d’autres problèmes, notamment en termes de faisabilité technique. En outre, il aurait pour effet de créer des effets de bord sur les autres cancers et les autres affections de longue durée (ALD).
Je le rappelle, notre système actuel de prise en charge du cancer du sein vise d’ores et déjà à limiter le reste à charge pour les patientes.
Le cancer du sein est reconnu comme une affection de longue durée. Ce statut permet une prise en charge à 100 % du ticket modérateur par l’assurance maladie pour tous les soins en lien avec cette ALD, selon le tarif de remboursement fixé par la sécurité sociale.
Les patientes bénéficient également d’une dispense d’avance de frais, à l’exception des dépassements d’honoraires, qui peuvent être pris en charge par les complémentaires santé.
Nous réaffirmons notre volonté de plafonner les dépassements d’honoraires pour toutes les consultations ou interventions prévues dans le parcours de soins des patientes traitées pour un cancer du sein. Tel est l’objet de l’article 1er bis, que nous soutenons.
De plus, deux mécanismes protecteurs existent aujourd’hui pour limiter les restes à charge des personnes en ALD devant s’acquitter des participations forfaitaires et des franchises : le plafonnement annuel à 50 euros et une exonération de ces frais pour les personnes les plus précaires, bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S).
Les organismes complémentaires peuvent prendre en charge, pour les assurés couverts par un contrat responsable, le forfait journalier hospitalier, qui s’élève à 20 euros par jour en hôpital ou en clinique et à 15 euros par jour dans le service de psychiatrie d’un établissement de santé, ce qui représente plus de 95 % des contrats.
La prise en charge intégrale des prothèses capillaires, dans un panier de soins défini, est en cours de mise en œuvre. Pour favoriser l’équité en termes d’équipement et d’accès à des soins adaptés, des travaux sur l’application réglementaire des dispositions prévues en loi de financement de la sécurité sociale sont actuellement menés. L’objectif est d’améliorer les spécifications techniques des produits et de permettre ainsi une meilleure qualité, un meilleur confort et de réduire le reste à charge.
Enfin, un forfait de 180 euros permet de prendre en charge des bilans diététiques, fonctionnels, motivationnels ou encore des consultations psychologiques, dans le cadre du parcours de soins des patients traités pour un cancer.
Afin d’apporter une réponse globale aux femmes touchées par un cancer du sein, nous avons déposé un amendement visant à avancer le parcours post-cancer à la phase de traitement actif, quand cette prise en charge n’est possible aujourd’hui qu’en phase de rémission.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous reconnaissons les difficultés spécifiques auxquelles font face les patientes atteintes d’un cancer du sein, mais cette proposition de loi, si elle était adoptée en l’état, entraînerait des inégalités injustifiées.
En revanche, et le Gouvernement est engagé en ce sens, nous devons continuer de travailler à des solutions équitables pour tous les patients atteints de maladies graves. Il s’agit de mieux prévenir la maladie et de la diagnostiquer plus tôt, de mieux accompagner et de mieux prendre en charge les patientes. Nous devons également soutenir le développement d’innovations thérapeutiques afin notamment d’améliorer le pronostic de ces maladies. Notre action doit être globale si nous voulons améliorer le bien-être des patientes et favoriser leur guérison.
Aussi, le Gouvernement émettra aujourd’hui un avis de sagesse positive sur cette proposition de loi, compte tenu des adaptations qu’il faudrait y apporter au cours de la navette parlementaire et de l’importance du sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon la Ligue contre le cancer, le montant du reste à charge des patientes atteintes d’un cancer du sein varie en moyenne entre 1 500 et 2 300 euros. Cette pathologie figure parmi les plus coûteuses pour les assurées. De tous les cancers, il est celui qui expose le plus souvent à un reste à charge.
Il s’agit en outre du cancer féminin le plus répandu : on estime qu’une femme sur huit sera touchée par cette maladie au cours de sa vie. En 2023, 700 000 femmes vivaient en France avec un cancer du sein, traité ou en traitement, ce nombre étant en constante augmentation.
Si le vieillissement de la population en est l’un des premiers facteurs – 80 % des cancers se développent après 50 ans –, il faut également prendre en considération l’exposition accrue à des agents cancérogènes dans l’alimentation et l’environnement, qui pourraient expliquer notamment la forte incidence du cancer du sein dans les Antilles.
Cet exemple démontre que les femmes ne sont pas égales face au risque du cancer et que leur exposition varie selon leur lieu de vie, mais également, et c’est un facteur particulièrement important, selon leurs conditions de travail. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a ainsi récemment mis en lumière que le travail de nuit augmentait de 30 % le risque d’avoir un cancer du sein.
Si certaines formes de cancers du sein, à l’instar des triples négatifs, sont associées à des pronostics plus défavorables, le taux de survie moyen atteint 90 % pour les cas pris en charge à temps.
C’est l’occasion pour moi de rappeler l’importance déterminante du dépistage et de saluer la campagne Octobre rose, qui a déjà permis de sauver de nombreuses vies et qui permettra d’en sauver encore tant d’autres. À cet égard, je me réjouis de vous voir si nombreuses et si nombreux, mes chers collègues, à arborer le ruban rose cet après-midi.
On ne peut, je pense, rester insensible face au cancer du sein. Nous connaissons toutes et tous des proches, des membres de nos familles, des administrés, qui ont eu à affronter cette maladie et qui nous ont raconté les délais angoissants, les traitements éprouvants et, peut-être, le reste à charge, qui est vécu, aux dires de certaines, comme une double peine.
La proposition de loi que nous examinons ce jour, déposée par l’ancien député Fabien Roussel et adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, a pour objet de renforcer la prise en charge des soins, des traitements et des frais liés à un cancer du sein.
C’est un objectif louable, qui fédère par-delà les clivages politiques. Je tiens à cet égard à saluer les discussions constructives que nous avons eues en commission et qui témoignent de notre préoccupation sincère et partagée.
Pour répondre à la question du reste à charge lié à un cancer du sein, il convient d’abord d’en comprendre les causes.
Les assurées atteintes de cette maladie relèvent du régime des affections de longue durée, comme tous les patients atteints d’une tumeur maligne. Cela leur ouvre droit à une prise en charge renforcée grâce à une exonération du ticket modérateur sur tous les actes en lien avec le cancer du sein.
La chimiothérapie, la radiothérapie, la mammectomie et même la reconstruction mammaire sont dès lors prises en charge à 100 % de la base de remboursement de la sécurité sociale. Toutefois, le régime des ALD n’évite pas tout reste à charge : la participation forfaitaire, la franchise médicale ou les forfaits en établissements de santé subsistent, par exemple, de même que le ticket modérateur pour des soins sans lien avec l’ALD.
À cela s’ajoutent les dépassements d’honoraires, notamment ceux qui sont pratiqués lors d’une chirurgie reconstructrice. Non remboursés par l’assurance maladie et souvent mal remboursés par les complémentaires santé, ils représentent le poste de reste à charge le plus important. Ils s’élèvent en moyenne à 1 391 euros et peuvent, dans certains cas, atteindre 10 000 euros et provoquer un renoncement financier aux soins.
Si les dépassements d’honoraires sont proscrits dans les établissements sans but lucratif, dans certains déserts médicaux les patientes n’ont d’autre choix que de se tourner vers des établissements de santé à but lucratif, ce qui les expose à de lourds restes à charge.
Sur ma proposition, la commission des affaires sociales a renforcé la portée juridique de l’article 1er bis. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, cet article prévoyait qu’une attention particulière devait être portée, lors des négociations conventionnelles, aux dépassements d’honoraires pratiqués dans le cadre du traitement d’une ALD, notamment d’un cancer du sein.
Désormais, cet article prévoit que les dépassements d’honoraires relatifs à des actes chirurgicaux de reconstruction mammaire consécutifs à la prise en charge d’un cancer du sein peuvent être plafonnés dans le cadre des négociations conventionnelles. Il revient désormais aux syndicats de médecins de fixer le plafond de ces dépassements. Cette mesure, qui n’entraîne aucun surcoût pour l’assurance maladie, permettra de réduire considérablement le plus gros poste de reste à charge des patientes ; je me félicite donc de cette avancée notable.
Les assurées doivent également supporter le coût de soins et de prestations qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale. Il en va ainsi des soins de support, qu’il s’agisse de la consultation d’un psychologue, d’un diététicien ou de la pratique d’une activité physique adaptée (APA). L’efficacité de ces soins pour éviter les rechutes et accroître le taux de survie fait pourtant l’objet d’un large consensus scientifique, notamment dans les cas de cancer du sein.
Le recours à ces soins, sauf pour les patientes qui bénéficient de l’offre de soins de support d’un centre de lutte contre le cancer – encore faut-il en avoir un à proximité –, représente un coût substantiel. Certes, il existe bien un forfait, mais il n’est, hélas ! accessible qu’aux patientes en post-traitement. En outre, son montant, de 180 euros, ne permet pas un suivi dans la durée.
Un amendement du président Mouiller, soutenu par le Gouvernement, vise, d’une part, à ouvrir ce forfait aux patientes en traitement actif d’un cancer et, d’autre part, à créer un parcours spécifique au cancer du sein : il s’agit d’une excellente initiative, qui améliorera très concrètement tant les conditions de prise en charge des malades que leur qualité de vie.
Il faut également prendre en compte la problématique des accessoires et des très mal nommés « soins de confort », lesquels sont coûteux, mais cruciaux pour la santé et le bien-être des patientes.
Ainsi, pour les accessoires, il faut compter 60 euros pour un mamelon en silicone, 70 euros pour chaque soutien-gorge postopératoire et à peu près la même somme pour des soutiens-gorge adaptés au port d’une prothèse mammaire amovible, ce montant devant bien sûr être multiplié par trois ou quatre pour disposer des rechanges nécessaires, le tout n’étant, à ce jour, pas remboursé. La demande de rapport formulée à l’article 1er ter a le mérite d’attirer notre attention sur ces coûts incompressibles.
Je pourrais aussi longuement m’étendre sur la liste et le coût des soins de confort : crèmes relipidantes pour apaiser les effets secondaires de la chimiothérapie, patchs pour masser les cicatrices et strips pour les protéger, vernis pour prévenir la chute des ongles, autant de postes de dépenses qui n’ont rien de superflu ou de confortable. Croyez-moi, toutes les assurées concernées préféreraient s’en passer.
Dans ces conditions, l’article 1er de la proposition de loi vise à rendre inapplicables aux patientes traitées ou suivies pour un cancer du sein la plupart des postes de reste à charge : participation forfaitaire, franchise médicale, ticket modérateur et forfaits en établissements de santé.
Il prévoit, en outre, une prise en charge intégrale de l’ensemble des soins et dispositifs prescrits dans le cadre d’un cancer du sein, ce qui comprend notamment les soins de support, les prothèses capillaires et le renouvellement des prothèses mammaires.
Je le sais, certains sur ces travées estiment qu’en réservant aux seuls patients atteints d’un cancer du sein un régime de prise en charge favorable, incluant des dépenses pesant sur tous les assurés présentant une pathologie lourde, cet article contreviendrait au principe constitutionnel d’égalité. C’est la raison pour laquelle le président de la commission des affaires sociales a déposé un amendement visant à renforcer la prise en charge des seules dépenses propres au cancer du sein et à créer un forfait pour les soins et dispositifs non remboursables et spécifiques à cette pathologie.
J’ai eu l’occasion de le dire, je n’estime pas que ce texte soit incompatible avec le principe d’égalité, puisque je pense que la nécessaire amélioration des conditions de prise en charge du cancer du sein aurait pu constituer un premier pas avant l’extension progressive du dispositif à d’autres pathologies.
Pour autant, mes chers collègues, j’entends vos doutes. Notre seule boussole doit être l’intérêt des patientes, lequel passe par la sécurisation juridique du dispositif afin de nous assurer que les avancées prévues puissent effectivement entrer en vigueur. Les amendements du président Mouiller, s’ils limitent la portée du dispositif, sont loin de le vider de sa substance. Ils permettent même de fluidifier sa mise en œuvre, notamment en ce qui concerne le remboursement des sous-vêtements adaptés. Ces mesures répondent, je le crois, aux préoccupations et aux attentes des patientes.
Alors que le reste à charge des assurées traitées ou suivies pour un cancer du sein atteint aujourd’hui un niveau insoutenable pour une majorité d’entre elles, cette proposition de loi et les amendements que j’ai évoqués prévoient des mesures aussi utiles que nécessaires pour alléger ce fardeau. Aucun patient ne devrait se retrouver en difficulté financière du fait de sa maladie ou, comme c’est trop souvent le cas pour les femmes atteintes d’un cancer du sein, avoir à renoncer à des modalités thérapeutiques pour des raisons financières. C’est là, me semble-t-il, l’essence même du droit constitutionnel à la santé, issu du préambule de la Constitution de 1946.
En ce mois d’Octobre rose, montrons que le Sénat peut, dans un esprit transpartisan qui l’honorerait, répondre présent pour renforcer la protection et la prise en charge des malades du cancer du sein. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues : 700 000, soit le nombre de femmes françaises qui, en 2023, ont été diagnostiquées d’un cancer du sein au cours de leur vie. Avec 61 000 cas par an, il s’agit de la forme de cancer la plus répandue, devant celui de la prostate. C’est aussi le cancer qui entraîne, encore aujourd’hui, le plus de décès chez les femmes.
La présente proposition de loi est particulièrement d’actualité, alors qu’Octobre rose touche à sa fin.
Vous le savez, les personnes diagnostiquées d’un cancer du sein sont placées sous le régime de l’ALD auprès de leur caisse primaire d’assurance maladie. Ce régime donne droit à une exonération du ticket modérateur, c’est-à-dire à une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des actes en rapport avec l’affection en question. Les chimiothérapies, radiothérapies et mastectomies sont ainsi intégralement prises en charge dans la limite des bases de remboursement, tout comme la chirurgie reconstructrice et la pose d’implants ou, dans certains cas, l’achat de la plupart des prothèses externes.
Le reste à charge demeure néanmoins très important. Il est estimé entre 1 300 et 2 500 euros en moyenne par la Ligue contre le cancer. Il touche plus des trois quarts des patientes, soit davantage que tout autre type de cancer. Cela s’explique par différents facteurs, à commencer par les dépassements d’honoraires liés à des opérations de reconstruction mammaire ou à l’achat de certains dispositifs médicaux comme les perruques. Ces dépenses ne sont pas un luxe, elles répondent à un besoin vital : pour les femmes atteintes du cancer, c’est le moyen de ne plus porter dans leur chair les stigmates de la maladie en restaurant l’image qu’elles ont d’elles-mêmes.
Le reste à charge élevé est source de dilemmes pour de nombreuses malades. Certaines doivent faire des choix douloureux : près de 15 % des patientes qui renoncent à une reconstruction mammaire le font pour des raisons financières ; d’autres renoncent aux prothèses capillaires, dont la prise en charge – pour celles qui sont jugées convaincantes – repose en grande partie sur les complémentaires santé.
Il faut ajouter à cela qu’une ALD est souvent synonyme de baisse des revenus. Beaucoup de malades basculent dans la pauvreté et une personne sur trois perd son emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic.
Par ailleurs, n’oublions pas que le cancer du sein est aussi source de profondes inégalités territoriales. La vulnérabilité à la maladie est, par exemple, accrue dans les territoires ultramarins, en raison d’une offre de soins insuffisante, de diagnostics tardifs ou de difficultés de prise en charge. Ainsi, en Guadeloupe, la survie après cinq ans chez la femme est de 79 %, contre 88 % dans l’Hexagone, alors même que l’incidence de ce cancer demeure moins élevée. Pour nombre de patientes, recevoir des soins se fait au prix d’un séjour très coûteux en métropole. Je tiens personnellement à saluer les personnes et associations qui facilitent l’accueil de ces femmes.
Ces inégalités s’étendent également aux facteurs de risque. En Guadeloupe comme en Martinique, il existe ainsi une forte suspicion de lien de causalité entre l’exposition au chlordécone et le cancer du sein. Je rappelle que ce lien a été établi pour le cancer de la prostate.
L’adoption de ce texte changerait donc radicalement la vie des femmes atteintes en outre-mer comme dans l’Hexagone.
Sa version actuelle pose néanmoins plusieurs difficultés, notamment sur la question de la rupture d’égalité – nous avons été nombreux à le souligner. Nous soutiendrons donc l’amendement du président de la commission des affaires sociales à l’article 1er, qui vise à recentrer le dispositif proposé sur les frais spécifiques au cancer du sein, notamment ceux qui sont consécutifs à une mammectomie ou une tumorectomie.
Nous soutiendrons également les amendements à l’article 1er bis qui tendent à inclure les patients en traitement actif pour un cancer dans le cadre du parcours de soins global et à déployer un parcours de soins spécifique et renforcé pour les assurés atteints d’un cancer du sein.
Comme vient de le souligner Mme la ministre, un certain nombre de questions restent néanmoins en suspens, à commencer par la faisabilité technique et les potentiels effets de bord que ces mesures pourraient provoquer sur les autres ALD.
Sous réserve de l’adoption des amendements du président Mouiller, le groupe RDPI votera ce texte à l’unanimité.
Cette proposition de loi ne règle évidemment pas tout et pose des questions en matière d’égalité devant la maladie. Nous estimons qu’il faudra aller plus loin en se penchant sur l’ensemble des cancers et des autres ALD, par la mise en place de meilleurs contrôles sur le reste à charge et le dépassement d’honoraires. Nous sommes prêts à travailler avec vous, madame la ministre, pour avancer sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Anne Souyris et M. Laurent Burgoa applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce mois d’Octobre rose qui s’achève marque le vingtième anniversaire de la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein. Cet anniversaire et cette proposition de loi sont l’occasion de rappeler que ledit dépistage sauve des vies, mais que son taux de réalisation n’atteint toujours pas 50 %, malgré les efforts de l’État et des collectivités territoriales.
La première édition des trophées de l’Institut national du cancer (Inca), dont j’ai eu le plaisir de présider le jury, mettra à l’honneur des initiatives intéressantes de collectivités territoriales. La remise des prix, à laquelle vous êtes tous invités, aura lieu lors du prochain Congrès des maires de France.
La présente proposition de loi prévoit le remboursement intégral par l’assurance maladie, hors dépassements d’honoraires, des soins et dispositifs prescrits dans le cadre du traitement du cancer du sein.