S’il s’agit du cancer le plus meurtrier chez les femmes, l’un des plus mutilants aussi, et le plus répandu, ce qui justifie pour certains un traitement particulier, cette proposition de loi, en l’état, pose un vrai problème de rupture d’égalité. Comment expliquer à un patient atteint d’un autre cancer que sa prothèse capillaire ne sera pas prise en charge à 100 %, qu’il devra régler sa participation forfaitaire, sa franchise médicale ou son forfait hospitalier ?

L’amendement n° 4 rectifié bis de Philippe Mouiller a pour objet de recentrer le texte sur des soins et dispositifs spécifiques au cancer du sein : tatouage médical de l’aréole et du mamelon, renouvellement des prothèses mammaires ou encore sous-vêtements adaptés au port d’une prothèse mammaire amovible. Le dispositif proposé constitue un bon compromis : s’il ne va pas aussi loin que la version initiale, il rétablit le principe d’égalité entre les patients, ce qui permettra au texte d’être adopté.

L’amendement n° 5 rectifié bis de Philippe Mouiller et l’amendement n° 8 du Gouvernement sont identiques : ils visent à élargir la prise en charge des soins de support avant la fin de la phase de traitement actif et à déployer un parcours spécifique pour les patients atteints d’un cancer du sein, ce qui est une réelle avancée. Nous les voterons.

L’activité physique adaptée étant mentionnée dans ces soins de support, j’en profite pour rappeler que j’ai fait adopter l’an dernier, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, un amendement devenu l’article 42, qui tendait à expérimenter la prise en charge de l’activité physique adaptée par le fonds d’intervention régional (FIR) pour tous les patients atteints de cancer. Madame la ministre, nous attendons toujours le décret d’application…

Je tiens à remercier Cathy Apourceau-Poly et le groupe CRCE-K d’avoir mis à l’ordre du jour cette proposition de loi, qui a le mérite de mettre en lumière le reste à charge subi par un tiers des patientes, évalué entre 1 300 et 2 500 euros.

Le premier poste de ces restes à charge concerne les dépassements d’honoraires dans les actes de chirurgie reconstructrice.

L’article 1er bis tend à remédier à ce problème en intégrant le plafonnement desdits dépassements dans le champ de la négociation conventionnelle. L’objectif est louable, et j’en comprends l’esprit ; toutefois, madame la ministre, ne faut-il pas craindre des effets pervers, à l’instar du contrat d’accès aux soins (CAS) du secteur 2 et de l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) ? Je rappelle que certains chirurgiens ne réalisaient plus les actes, ce qui a réduit l’accessibilité et entraîné une envolée du reste à charge pour certains patients. Je souhaite que vous nous apportiez des précisions sur cette question lors de l’examen de cet article.

Un autre sujet a été soulevé, celui du remboursement des prothèses capillaires. Il paraît anormal qu’une perruque d’entrée de gamme soit remboursée à hauteur de 350 euros et qu’une perruque de classe 2 ne le soit qu’à hauteur de 250 euros. L’amendement que nous avons déposé sur ce point n’a pas été jugé recevable ; reste un amendement d’appel, qui tend à demander un rapport sur cette question. Cette difficulté ne semble pas insurmontable, par exemple au travers de la mise en place d’un forfait.

Notre groupe votera ce texte dans la rédaction issue des travaux de la commission. Son adoption aura un effet positif sur le reste à charge des patientes atteintes de cancer du sein, tout en préservant une égalité de traitement avec les autres patients, ce qui est important. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Milon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en plein Octobre rose et alors que nous célébrons les 20 ans du dépistage généralisé du cancer du sein, nous nous exprimons sur la prise en charge des soins pour les patientes. Je remercie sincèrement notre rapporteure, Cathy Apourceau-Poly, pour la qualité de ses travaux. Le coût de la maladie pour une femme est un aspect encore trop peu évoqué.

Je viens vous parler, à mon tour, des 700 000 femmes qui, en 2023, étaient ou ont été victimes du cancer du sein ; de ces femmes dont le monde s’effondre lors du diagnostic ; de ces femmes, mères ou épouses qui se battent pour leur vie et pour la survie de leur foyer ; de ces femmes qui suivent des traitements lourds aux conséquences onéreuses ; de ces femmes qui guérissent et pour lesquelles la vie ne sera plus jamais comme avant. Le cancer du sein, le plus meurtrier chez les femmes, emporte avec lui chaque année 12 000 mères, sœurs ou amies. J’ai une pensée toute particulière pour elles et pour leur entourage.

Aider et soutenir les malades physiquement, psychologiquement et financièrement constitue le cœur de notre système de protection sociale.

En commission, nous avons relevé que les prestations médicales et soins de supports, remboursés par l’assurance maladie, n’étaient pas toujours adaptés au quotidien des patientes.

Tout d’abord, la répartition inégale de l’offre de soins sur le territoire et les délais d’attente peuvent avoir des conséquences significatives sur les traitements. À titre d’exemple, le coût d’une chirurgie reconstructrice varie grandement et peut dissuader certaines femmes d’y recourir. Cette situation n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle la commission a adopté l’amendement de la rapporteure, à l’article 1er bis, visant à plafonner les dépassements d’honoraires.

Puis, dans le but de réduire le reste à charge pour les patientes, l’article 1er prévoit une prise en charge intégrale de l’ensemble des soins et dispositifs prescrits dans le cadre d’un cancer du sein, ce qui inclut notamment les soins de support, les prothèses capillaires et le renouvellement des prothèses mammaires.

Il y a un enjeu indéniable autour de la prise en charge des malades et de l’accompagnement des femmes dans cette épreuve. Cependant, il convient d’apporter quelques nuances en ce qui concerne la prise en charge intégrale des soins jugés spécifiques au cancer du sein, comme ceux qui sont liés à une mammectomie ou à une tumorectomie, et des soins communs dispensés aux patients atteints d’autres formes de cancer.

En prévoyant une prise en charge intégrale des prothèses capillaires uniquement pour les assurés atteints d’un cancer du sein et en excluant l’ensemble des autres assurés confrontés à une alopécie consécutive à une chimiothérapie, non seulement nous serions à l’origine d’une inégalité contraire aux principes fondamentaux de notre Constitution, mais nous ignorerions aussi les avancées en cours.

Madame la ministre, je sais que vos services travaillent sur le sujet. Pourriez-vous nous préciser l’état d’avancement de ce que j’appellerai le « 100 % prothèse capillaire » ? Quels seront les délais de mise en œuvre ?

Les amendements déposés par le président Mouiller visent à recentrer le dispositif sur la prise en charge de dépenses propres au cancer du sein. Cela concerne, par exemple, la prise en charge intégrale des actes de tatouage médical de l’aréole et du mamelon pour les assurées ayant choisi de ne pas effectuer de reconstruction chirurgicale de cette zone, ou encore le renouvellement des prothèses mammaires. En effet, nous ne pouvons accepter que les femmes concernées subissent la double peine de la maladie et du reste à charge des dispositifs médicaux mal compensés par les complémentaires santé.

Enfin, je regrette profondément que la question du dépistage n’ait pas été évoquée. Si les résultats des campagnes de dépistage ne cessent de s’améliorer, nous peinons à dépasser un taux de participation de 50 %. Plusieurs raisons l’expliquent, comme le manque de temps ou le caractère désagréable de l’examen. Mais le frein réel ne serait-il pas la peur du résultat et de la découverte de la maladie ? Le dépistage pourrait pourtant éviter des traitements lourds, douloureux et coûteux.

Le groupe Union Centriste a parfaitement conscience des enjeux de ce texte. Nous le voterons donc, sous réserve de l’adoption des amendements du président Mouiller. Si cette proposition de loi ne concerne que la prise en charge des soins liés au traitement du cancer du sein, nous avons bon espoir qu’elle constitue la première étape d’un renforcement général des conditions de prise en charge des malades du cancer dans notre pays.

Vous l’aurez compris, nous formulons le vœu que l’amélioration des conditions de prise en charge puisse concerner tous les patients, afin d’éviter toute iniquité entre malades. Je pense notamment au cancer colorectal, qui est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme après le cancer du sein. En 2023, toutes populations confondues, presque 50 000 nouveaux cas de cancers du côlon ou du rectum ont été diagnostiqués, et 17 117 personnes en sont décédées. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, durant tout le mois d’octobre, nous avons porté le ruban rose, marché, couru, nagé, assisté à des conférences, vendu ou acheté des fleurs, des gâteaux… Et tant d’autres initiatives encore ont mobilisé des dizaines de milliers de nos concitoyens !

Je voudrais commencer par remercier chaleureusement tous ceux – et le plus souvent toutes celles – qui, de la plus grande ville au plus petit village, déploient des trésors d’imagination et d’énergie pour sensibiliser au dépistage du cancer du sein, recueillir des fonds et apporter de la solidarité aux malades. Merci pour eux et pour elles. (Applaudissements.)

En ce 30 octobre, nous pouvons adopter un texte permettant une meilleure prise en charge des traitements du cancer du sein par l’assurance maladie. Cette proposition de loi dont l’initiative revient à notre collègue Fabien Roussel et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale. Elle est particulièrement pertinente, puisque plus des trois quarts des patientes – le cancer du sein affecte également des hommes, mais dans des proportions beaucoup plus faibles – sont exposées à des restes à charge très importants. C’est beaucoup plus que pour d’autres cancers, et j’y vois une rupture d’égalité.

On pense souvent que le régime des ALD, qui prend en charge, entre autres, les malades d’un cancer, consiste en un remboursement à 100 %. L’examen de cette proposition de loi a démontré que tel n’est pas le cas : on estime que les dépenses non couvertes pour les femmes souffrant d’un cancer du sein atteignent entre 1 300 et 2 500 euros en moyenne.

Pour les participations forfaitaires et les franchises médicales, qui ont doublé l’an dernier et dont le Gouvernement ne cesse de nous dire que leur évolution n’affecterait pas les malades en ALD, le plafonnement à 50 euros peut conduire à un reste à charge annuel de 100 euros. De nombreuses malades disent subir une double peine : la maladie et son coût financier.

Il faut agir sur les deux volets, en améliorant la prévention et l’éducation à la santé, y compris en agissant sur la santé environnementale ou sur les conditions de travail, et en faisant en sorte que notre système de solidarité, qui prend en charge les risques de la vie, couvre mieux les victimes de maladies.

Ces propos sont à méditer, alors que s’engage le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et alors que le Gouvernement, madame la ministre, envisage de réduire la part remboursée aux patients par la sécurité sociale sur les consultations médicales ou les transports sanitaires.

Je salue le travail de notre collègue Cathy Apourceau-Poly, qui a fait adopter en commission un amendement visant à plafonner les dépassements d’honoraires, très fréquents dans la chirurgie de reconstruction. Il y a dix ans, un rapport avait déjà montré que le reste à charge moyen pour une reconstruction mammaire était de 1 391 euros. C’est sans doute bien plus encore aujourd’hui, surtout lorsque les dépassements d’honoraires en lien avec une intervention chirurgicale après une mastectomie peuvent atteindre jusqu’à 10 000 euros. Il n’est pas acceptable qu’une personne qui a combattu la maladie et se trouve enfin sur le chemin de la rémission renonce à une telle intervention, faute de moyens, si elle en éprouve le besoin.

Ce problème avait d’ailleurs été soulevé par notre collègue Catherine Deroche, dont la proposition de loi visant à fournir une information aux patientes sur la reconstruction mammaire en cas de mastectomie avait montré que les dépassements d’honoraires constituaient le premier poste de reste à charge pour les femmes.

À ces frais de santé s’ajoutent les soins dits de support, qui mériteraient, eux aussi, une meilleure prise en charge, comme l’a souligné la rapporteure.

Je crois que l’adoption de cette proposition de loi serait une belle conclusion de cet Octobre rose, résultant d’une initiative de la Ligue contre le cancer, et une réelle avancée pour toutes les victimes de cancer du sein. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, INDEP et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si j’en crois les petits rubans roses portés ici et là par les femmes, mais aussi par quelques hommes, nous avons été nombreuses et nombreux à participer à Octobre rose, un mois dédié à la sensibilisation au cancer du sein.

Nous sommes aujourd’hui le trentième jour d’octobre ; en un mois, une femme menstruée a dû dépenser de 10 à 15 euros pour l’achat de serviettes, de tampons ou encore d’antidouleurs. Cette même femme, si elle est sous contraception, devra dépenser entre 1,88 et 14 euros par mois pour une plaquette de pilules contraceptives. Ajoutons qu’elle risque d’être davantage confrontée à la pauvreté, avec une carrière plus hachée et plus précaire que ses homologues masculins. Petite remarque : la recherche sur sa santé sera, avec constance, sous-financée, et ses particularités bien peu prises en considération en comparaison des affections dont les hommes sont atteints. Cette même femme aura une chance sur huit d’être touchée par le cancer du sein, ce qui entraînera pour elle, en moyenne, 1 300 à 2 500 euros de dépenses supplémentaires dans l’année.

C’est pour cette femme, mais surtout pour la population française tout entière, que je salue le travail réalisé dans l’élaboration de cette proposition de loi. Je tiens aussi à remercier ma collègue rapporteure, Mme Cathy Apourceau-Poly, pour son travail.

Exemption du reste à charge des forfaits et franchises, prise en charge intégrale des soins et dispositifs prescrits, des prothèses capillaires ou encore des prothèses mammaires : cette proposition de loi, qui sera, je l’espère, votée par les deux chambres en première lecture, crée un précédent essentiel pour les femmes, leur santé et leur situation économique, mais aussi un modèle à pérenniser pour la prise en charge de tous les autres cancers et ALD, à la veille de l’examen du budget de la sécurité sociale.

Nous regrettons le dépôt de l’amendement n° 4 rectifié bis, qui vise à enlever une partie du reste à charge et dont l’adoption amoindrirait la portée de cette proposition de loi. Non, les malades ne devraient jamais avoir à renoncer à des soins ; ils ne devraient non plus jamais voir leur niveau de vie diminuer ou devoir conserver un travail par dépit, aux dépens de leur santé, parfois de leur vie, en raison de frais induits par leur état de santé.

Nous parlons aujourd’hui des femmes atteintes d’un cancer du sein. Plus généralement, quand on voit le Gouvernement s’interroger sur la baisse des remboursements aux personnes en ALD, cette proposition de loi doit nous éclairer et nous permettre de revenir dans le bon sens. Nous comptons sur vous, madame la ministre.

Toutefois, même si cette proposition de loi est essentielle pour les femmes atteintes du cancer du sein, elle ne saurait se substituer à des politiques de prévention primaire. Si Octobre rose est un outil de sensibilisation et de lutte contre la stigmatisation intéressant pour le dépistage et l’accompagnement des femmes atteintes d’un cancer du sein, ce n’est toujours pas une politique de santé publique globale. Nous faisons pourtant face, en France, à une explosion des cas de cancer depuis trois décennies. Notre pays détient en effet le triste record de l’incidence de cancers du sein dans le monde. Il faudra nous atteler un jour aux causes. Mais quand ?

Nous avons des pistes : environ quatre cancers du sein sur dix seraient attribuables au mode de vie, aux expositions professionnelles et à l’environnement en France métropolitaine, avec en première cause l’alcool. En effet, 15 % des cancers du sein seraient dus à la consommation d’alcool régulière, même modérée. Quant à la pollution de l’air, elle pourrait être responsable de 1 700 cas de cancer du sein chaque année, d’après une étude de l’Inserm de 2022. Le benzopyrène et le polychlorobiphényle, par exemple, feraient respectivement augmenter le risque de cancer du sein de 15 % et de 19 %. Je pense encore au chlordécone, que Solanges Nadille vient d’évoquer.

Cette proposition de loi constitue un élément clé pour améliorer les conditions de vie de toutes les patientes et pour éviter les renoncements aux soins. Cependant, pour sauver plus de vies, ce modèle devra impérativement s’articuler avec un investissement dans la prévention primaire et une politique de recherche et d’information concernant les risques environnementaux. Pour ce faire, je compte sur notre commission et sur vous, madame la ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky d’avoir inscrit à l’ordre du jour de son espace réservé la proposition de loi visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie.

Le cancer touche chaque jour près de 1 200 personnes. Un Français sur vingt est concerné, soit deux fois plus qu’il y a trente ans. Le cancer du sein représente 33 % des diagnostics de cancer dans la population féminine. En 2023, près de 61 000 nouveaux cas ont été détectés, ce qui en fait le cancer le plus fréquent chez les femmes.

Oui, le cancer du sein est le cancer des femmes, même si 1 % des diagnostics concernent les hommes. L’an dernier, la Caisse nationale de l’assurance maladie recensait plus de 700 000 femmes vivant avec cette maladie. Parmi elles, beaucoup expriment la crainte de ne pouvoir assumer les dépenses non prises en charge, dont le niveau est variable, mais qui s’élèvent à plusieurs centaines d’euros, voire bien davantage. La charge financière moyenne consécutive à un cancer du sein serait comprise entre 1 300 et 2 500 euros.

L’attente est donc immense pour venir à bout de cette injustice, qui est d’ailleurs en totale contradiction avec le statut protecteur des ALD.

En pratique, tous les obstacles financiers du parcours de soins sont loin d’être levés. Plusieurs études ont identifié les principales dépenses à l’origine d’un reste à charge : médicaments peu ou pas remboursés, dépassements d’honoraires, forfaits et franchises, frais de transport, soins de support, cette dernière appellation englobant des produits tels que des crèmes, des activités physiques adaptées, des séances d’ostéopathie ou de suivi psychologique, qui sont pourtant indispensables. Ces soins font partie intégrante du parcours de soins et ne sont ni secondaires ni optionnels ; ils apportent même un peu de confort.

C’est là un angle mort de notre système de protection sociale. Selon la Ligue nationale contre le cancer, plus de la moitié des femmes de moins de 40 ans atteintes d’un cancer du sein craignent pour leur budget et doivent faire des choix. Ainsi, 15 % des patientes qui renoncent à une reconstruction mammaire le font pour des raisons financières. De même, la prise en charge des prothèses capillaires et perruques repose en partie sur les complémentaires, ce qui entraîne une répercussion financière non négligeable.

De telles situations sont d’autant moins acceptables qu’une ALD est souvent synonyme de baisse des revenus. Peu de personnes atteintes d’un cancer parviennent à maintenir leur niveau de vie ; la maladie peut même les faire basculer dans la pauvreté.

Toujours selon la Ligue nationale contre le cancer, une personne sur trois perd son emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic. Il nous revient d’intervenir ; la maladie est en elle-même suffisamment éprouvante.

Autre injustice : tout est mieux pris en charge lorsque l’on est suivi dans un centre de lutte contre le cancer (CLC), ce type d’établissement proposant fréquemment un accès gratuit à certains soins de support. Malheureusement, tel n’est pas systématiquement le cas dans les autres établissements de santé, ce qui est source de grandes inégalités territoriales.

Comment peut-on accepter que des femmes malades se privent de soins nécessaires pour des motifs financiers ?

En ce mois d’Octobre rose, je tiens à dire aux 700 000 femmes atteintes d’un cancer du sein : nous sommes à vos côtés, nous vous soutenons !

Nous voterons bien évidemment pour le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui. Cela permettra d’avancer sur la question de la prise en charge du cancer du sein. C’est un premier pas.

Mais nous serons aussi d’une extrême vigilance lors du prochain examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. À nos yeux, les efforts de réduction des coûts doivent non pas se faire au détriment des personnes malades, mais être axés sur de meilleures politiques de prévention.

L’augmentation des franchises risque d’être vue comme une double peine par les Françaises atteintes d’un cancer du sein. Certaines pourraient même tout bonnement renoncer à leurs soins.

Pour conclure, je veux évoquer l’accès aux soins. Là encore, de trop nombreuses femmes rencontrent des difficultés pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ou sont soumises à des délais trop longs pour réaliser des radios, des scanners, des mammographies. C’est inacceptable ! C’est une question de santé publique, mais aussi, pour certaines d’entre elles – j’ose le dire ! –, de vie ou de mort.

Toutes les inégalités que subissent ces femmes sont injustes quand la maladie, déjà, est injuste. (Loratrice, saisie par lémotion, interrompt son propos quelques instants.) C’est la double peine, et nous ne pouvons l’accepter. (Applaudissements et marques dencouragement lancés par Mme Cécile Cukierman et repris par lensemble des sénatrices et des sénateurs.)

Je vous invite donc à voter la présente proposition de loi. Je m’associe aux propos de Mme la rapporteure, que je me permets même de reprendre : notre seule boussole est l’intérêt de celles qui sont touchées par le cancer du sein. Nous soutiendrons les amendements déposés par le président de la commission des affaires sociales. Il y va de notre responsabilité. Nous devons adresser un signal très fort à toutes ces femmes. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le cancer, et plus précisément le cancer du sein, est un sujet qui me touche familialement, comme il nous touche tous. Il est aujourd’hui très rare de ne pas être ou de ne pas avoir été concerné plus ou moins directement par ce type de cancer.

Je parlerai beaucoup des femmes dans mon intervention, car elles sont très majoritaires parmi les victimes du cancer du sein, mais je souhaite rappeler que 1 % des personnes atteintes sont des hommes.

Madame la rapporteure, chère Cathy Apourceau-Poly, vous l’avez très bien souligné, mais on ne le répétera jamais assez : le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez la femme. C’est aussi le type de cancer le plus fréquent en Europe et dans de nombreux pays. Chaque année en France, plus de 60 000 nouveaux cas sont diagnostiqués et l’on sait que 20 000 d’entre eux pourraient être évités. Sur ce point, la période 2022-2023 est malheureusement marquée par une légère diminution du dépistage par rapport à la période précédente.

Nous le savons, l’une des principales causes du non-recours au dépistage est la crainte de la maladie. Il est parfois plus facile pour certaines de rester dans l’ignorance que d’affronter la peur d’un diagnostic redoutable. Et c’est sur cela que la prévention devrait, selon moi, être axée, sachant que 90 % des femmes traitées à temps d’un cancer du sein en guérissent. Il faut donc absolument parvenir à ancrer dans les mentalités qu’il n’y a pas à redouter un dépistage en ce qu’il y a peu à craindre si la maladie est détectée suffisamment tôt.

Malheureusement, pour beaucoup de femmes, les difficultés à bénéficier d’un diagnostic précoce résultent non pas d’un manque d’information ou de sensibilisation à la prévention, mais des difficultés d’accès aux soins dans leur territoire.

Les moins chanceuses doivent alors entamer une lutte contre une maladie qui leur coûte beaucoup : physiquement, psychologiquement, socialement, professionnellement et aussi financièrement.

Pourtant, sur ce dernier aspect, on ne peut pas dire que rien ne soit fait par notre système de protection sociale. Le cancer du sein est reconnu comme une affection de longue durée, régime permettant une prise en charge plus avantageuse des soins pour le patient, notamment au travers de l’absence de ticket modérateur.

Cependant, beaucoup de frais restent tout de même à charge. C’est le cas de certaines franchises ou de certains forfaits que la présente proposition de loi, dans sa version actuelle, vise à supprimer, ce qui poserait alors question au regard des autres pathologies graves. Il reste également les nombreux soins dits de support, mais ô combien nécessaires, et dont le texte suggère la prise en charge intégrale.

Par ailleurs, dans la plupart des cas, le cancer n’est pas une maladie invisible. Même si c’est loin d’être l’unique signe du traitement de cette affection, on pense en premier lieu à la perte des cheveux, des cils et des sourcils.

Sur ce point, je souhaite rappeler l’aberration que constitue la prise en charge actuelle d’une prothèse capillaire : elle devient nulle si le prix d’achat dépasse les 700 euros, ce qui est justement le cas de la plupart des prothèses de qualité acceptable. Nous espérons que le texte permettra d’accélérer les travaux déjà en cours sur cette question.

À titre personnel, je souhaiterais que davantage de moyens soient mobilisés en faveur d’une prévention encore plus poussée, plus technique.

Le débat arrive au bon moment. En cette période d’Octobre rose, de nombreuses actions sont menées. Je remercie toutes les associations et structures en lien avec cette opération de sensibilisation.

Il est impossible de ne pas soutenir l’esprit de la présente proposition de loi, qui tente d’adoucir, autant que cela soit possible, le rude combat que doivent mener les personnes atteintes d’un cancer du sein. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le cancer du sein est – cela a été rappelé – le cancer le plus fréquent en France. L’âge médian des femmes au moment du diagnostic est de 64 ans. Cette affection représente la première cause de mortalité chez les femmes, mais c’est aussi le cancer qui, dépisté tôt, a l’un des meilleurs taux de survie, soit 88 %.

Ces éléments statistiques objectifs justifient effectivement que l’on s’interroge sur une meilleure prise en charge des soins liés au traitement du cancer du sein. Comme l’a souligné notre collègue rapporteure, le cancer du sein, considéré comme une ALD, bénéficie de ce fait d’une prise en charge intégrale des frais de santé liés à l’affection : chimiothérapie, radiothérapie, mastectomie, chirurgie reconstructrice, pose d’implants et achat de la plupart des prothèses externes.

Cette énumération témoigne de l’effort substantiel réalisé au titre de la solidarité nationale. Mais si l’effort est substantiel, il est insuffisant, puisqu’il ne permet pas de financer l’intégralité des dépenses occasionnées par la maladie. C’est vrai, mais je pose la question : de quelles dépenses parlons-nous ? S’agit-il de dépenses devant relever de l’assurance maladie ? Il s’agit bien ici de faire peser sur celle-ci des dépenses, certes nécessaires, mais qui concernent les conséquences du traitement et qui ne relèvent pas de la santé stricto sensu.

Permettez-moi de rappeler que, depuis décembre 2020, les soins oncologiques de support font partie intégrante du parcours de soins des patients atteints du cancer. Ils sont remboursés par l’assurance maladie. Bien entendu, leur montant est plafonné et, sans doute, limité. Toutefois, ces soins contribuent à une prise en charge globale du patient.

Mes chers collègues, vous le savez comme moi, les choix sanitaires sont opérés dans un système qui doit prendre en considération les ressources disponibles. Or nous débuterons dans quelques jours l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; nous mesurerons alors les contraintes budgétaires auxquelles nous devrons apporter des réponses en responsabilité.

Je peux partager votre souhait d’offrir aux patientes une prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein. Mais je rappelle que nous avons deux types de financeurs en France : l’assurance maladie obligatoire (AMO) et l’assurance maladie complémentaire (AMC). Or je regrette que la proposition de loi n’évoque à aucun moment la contribution financière de ces complémentaires santé dans un domaine qui me semble ressortir de leurs attributions.

Une autre dimension fait largement défaut dans le texte : l’absence de référence au développement des dispositifs de prévention et à leur mise en œuvre effective.

La prévention est l’alpha et l’oméga de toute politique de santé. Nous disposons désormais, pour les radiographies des seins, de logiciels d’intelligence artificielle, qui rendent possibles les diagnostics prédictifs.

Dans une récente loi de bioéthique, nous avons également mis en place les tests ADN, notamment post mortem, qui permettent d’indiquer à certaines femmes que leurs mères ont eu un cancer d’origine génétique et qu’elles-mêmes sont donc soumises à un risque à surveiller.

Ces nouvelles technologies et ces innovations doivent être développées et mises au service de la lutte contre le cancer du sein… et des autres cancers.

À côté de la prévention, il y a la sensibilisation – vous en avez parlé, madame la rapporteure. De ce point de vue, Octobre rose est une réelle réussite, car institutions, associations et particuliers se sont approprié le message et le promeuvent souvent dans une approche festive. Selon la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) : « Octobre rose est bien plus qu’une campagne de sensibilisation. […] En mobilisant la société dans son ensemble, Octobre rose offre un message d’espoir et de solidarité pour un avenir où le cancer du sein n’est plus une menace pour la santé des femmes. »

Prévention et sensibilisation doivent être incluses dans cette prise en charge intégrale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout n’est pas si rose en ce mois d’octobre.

Derrière cette douce couleur, associée au bonheur et à l’optimisme, se cache une réalité tragique : chaque année, 60 000 nouveaux cas de cancer du sein sont détectés en France, et 12 000 femmes en meurent. En d’autres termes, toutes les quatre-vingts minutes, celle qui s’est battue des mois, voire des années, perd le combat contre la maladie.

Je ne puis m’exprimer sur le sujet sans rendre tout d’abord hommage aux soignants, à l’engagement des collectivités, mais aussi au tissu associatif et à ses bénévoles. Je pense à la Ligue contre le cancer et à toutes les associations qui œuvrent dans nos départements respectifs pour le bien-être des patientes et qui récoltent des dons en faveur de la recherche.

En tant que rapporteure pour avis des crédits de la recherche, je veux souligner que nos chercheurs ont impérativement besoin de davantage de moyens pour mieux cibler les facteurs de risque.

À Antibes Juan-les-Pins, comme dans de nombreuses communes de France, nous avons couru, pédalé, nagé et même « régaté », grâce à SOS Cancer du sein, pour sensibiliser au dépistage.