M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Antoine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je souhaite avoir une pensée pour toutes les victimes durement frappées dans notre pays par les récentes inondations.
Ces catastrophes naturelles, d’une violence extrême, ont bouleversé des vies, emporté des lieux de vie, des commerces et des souvenirs, laissé des familles, des entreprises et des territoires profondément meurtris. À tous ceux qui ont vu leurs biens et parfois le travail de toute une vie réduits à néant, j’adresse mes pensées les plus sincères et solidaires.
La proposition de loi de Christine Lavarde, qui concrétise les propositions législatives qu’elle a formulées dans son rapport d’information sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles du mois de mai 2024, arrive à point nommé. Que notre travail législatif aujourd’hui soit à la hauteur de la nécessité de mieux protéger nos concitoyens face à ces drames appelés à se multiplier.
Les aléas naturels dommageables ont plus que quintuplé depuis les années 1970. Avec le réchauffement climatique, les dommages liés aux inondations et au retrait-gonflement des argiles ne vont cesser d’augmenter, au point de directement menacer notre régime d’indemnisation.
Face à ces risques, la solidarité nationale est une véritable nécessité. C’est tout l’intérêt de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, puisque celle-ci vise non seulement à améliorer l’assurance en matière de catastrophe, mais aussi à favoriser le développement de la prévention face aux risques naturels majeurs.
Concernant la réforme de l’assurance des catastrophes naturelles, le groupe Union Centriste ne peut qu’encourager la mise en place d’un mécanisme de revalorisation automatique de la surprime.
Nous partageons bien sûr le constat d’une crise de confiance entre assurés et compagnies d’assurances. Pour cette raison, nous soutenons aussi bien la suppression de l’application de la franchise multiple, en cas de succession d’aléas naturels sur une période courte, que l’instauration d’une présomption de refus d’assurance pour les biens situés dans les zones les plus à risque.
Sur ce point, le groupe Union Centriste est également favorable à l’instauration de garanties d’indépendance vis-à-vis des experts d’assurance spécialisés dans les catastrophes naturelles et des experts d’assurés.
De même, l’obligation de faire figurer dans le rapport d’expertise les préconisations des travaux de réduction de la vulnérabilité nous semble tout à fait pertinente.
Enfin, nous jugeons particulièrement opportune la création de deux exceptions au principe d’affectation de l’indemnité d’assurance, à savoir dans le cas où le coût des réparations excède la valeur du bien et lorsque le bâtiment est devenu inhabitable.
Sur le volet prévention du texte, le groupe Union Centriste considère que l’indemnisation des catastrophes naturelles est indissociable de la prévention des risques. Afin d’assurer l’équilibre du régime d’indemnisation, les efforts de prévention sont absolument nécessaires.
Notre capacité à résister aux catastrophes naturelles à long terme repose largement sur la promotion d’une culture du risque qui sera généralisée. C’est pourquoi nous soutenons non seulement la mise en place d’un prêt à taux zéro pour financer les mesures de prévention, mais aussi l’extension du fonds Barnier au financement d’études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages provoqués par les RGA.
Par ailleurs, le groupe Union Centriste est favorable au conditionnement de l’octroi du dispositif MaPrimeRénov’ à la réalisation de travaux de prévention des risques, dans la mesure où la commission des finances a prévu une évaluation de l’impact de cette mesure sur la politique de rénovation énergétique.
Il est nécessaire d’éviter les investissements publics inefficaces, sans nuire pour autant aux objectifs de rénovation énergétique des logements.
Enfin et surtout, nous partageons la volonté des rapporteurs de promouvoir une véritable culture du risque. Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Ses amendements, repris par la commission des finances, enrichissent considérablement cette proposition de loi en ce qu’ils ont pour effet d’encourager le développement d’une conscience de la réalité des risques et des pratiques à adopter à tous les niveaux.
Nous jugeons particulièrement opportun le renforcement des exigences des études géotechniques du sol réalisées au moment de la cession d’un terrain, de même que la sensibilisation des élèves des écoles primaires aux risques naturels majeurs, entre autres.
De même, le renforcement de l’information des acheteurs et locataires sur le risque de retrait-gonflement des argiles et la prise en compte de la prévention des risques naturels dans les missions de l’Anah sont autant de mesures de bon sens que nous accueillons favorablement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée en commission, nous apparaît comme une nécessité face à la multiplication des catastrophes naturelles. Il est en effet urgent d’améliorer l’assurance en ce domaine.
À cet égard, nous considérons que ce texte apporte des réponses convaincantes : pérennité du régime d’indemnisation, rééquilibrage des relations entre assurés et compagnies d’assurances, incitation à la prévention, réduction de la vulnérabilité du bâti et, surtout, promotion d’une culture du risque.
En résumé, cette proposition de loi tire les conséquences des difficultés éprouvées par les populations sinistrées sur le territoire. Elle constitue déjà une belle étape, mais nous serons contraints, à l’avenir, de mettre de nouveau l’ouvrage sur le métier.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je veux, au nom du groupe CRCE-K, dire tout mon soutien aux populations et aux collectivités territoriales confrontées aux inondations de ce mois d’octobre.
Je remercie les forces de sécurité civile, nos sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, et me réjouis de la solidarité dont ont fait preuve les habitants des territoires qui ont été touchés.
Ces derniers jours, des crues importantes ont frappé le pourtour méditerranéen. La fréquence des phénomènes climatiques étant inexorable, la transition est fondamentale pour les prévenir.
L’adaptation, bien qu’essentielle, est un palliatif qui ne fera qu’amoindrir l’exposition des populations les plus vulnérables. Certes, elle limitera les dégâts, mais elle ne contribuera pas à maintenir la vie sur des territoires menacés.
L’année dernière, le Pas-de-Calais a connu trois épisodes d’inondations d’une violence inouïe, jamais vue de mémoire d’homme. Depuis le début du mois de novembre 2023, ce sont plus de 200 communes et plus de 450 000 habitants qui ont subi des épisodes de crues.
Comme à chaque occasion, les habitants concernés se démènent pour sauver ce qui peut l’être et constatent, impuissants, les carences du système assurantiel : délais à rallonge, difficultés à justifier les pertes par des factures introuvables, démarches administratives lourdes et franchises onéreuses.
Par ailleurs, les petites lignes figurant au bas des contrats d’assurance contiennent des clauses d’exclusion aux grandes conséquences.
Les élus locaux et les membres du Gouvernement doivent sans cesse rappeler à l’ordre les assureurs pour leur demander de traiter les dossiers dans une temporalité qui tienne compte du dénuement des populations victimes.
Il n’existe pas de civisme assurantiel. En effet, les assureurs profitent d’épisodes climatiques majeurs pour augmenter les tarifs des contrats d’assurance habitation, soit 115 euros supplémentaires dans une commune du Pas-de-Calais en proie aux inondations. Ajoutez à cela le quasi-doublement de la surprime CatNat au 1er janvier prochain, qui atteindra en moyenne 40 euros.
Pourtant, comme si cela ne suffisait pas, vous proposez malheureusement l’augmentation annuelle des primes CatNat.
Alors que la solidarité du régime est intrinsèquement liée à l’universalité des surprimes sur tous les contrats de l’ensemble du territoire, cette proposition de loi est fondée sur la logique du chacun pour soi. (Mme Christine Lavarde fait un signe de dénégation.)
La responsabilité individuelle supplante la responsabilité des assureurs. La collectivisation du risque climatique se heurte à la préservation de leur rentabilité. Aucune contribution nouvelle ne leur est demandée, rien sinon éviter la multiplication des franchises pour un même phénomène climatique. Les assurés doivent financer leur protection aux catastrophes naturelles : telle est la philosophie de ce texte.
Cette philosophie, Christine Lavarde l’a exposée lors de l’examen de la proposition de loi de Sandrine Rousseau visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile, s’y montrant défavorable en raison des risques très importants qu’elle faisait peser sur le fonctionnement du marché de l’assurance et l’équilibre de notre régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
En somme, notre collègue préfère la protection des assureurs à celle des assurés. Pourtant, le 8 octobre dernier, en séance publique, je l’ai entendue dire que « réduire notre dette écologique nécessit[ait] un engagement financier significatif de la part de tous les acteurs », et que la « dette verte [était] à penser à l’aune des coûts de l’inaction climatique, largement supérieurs aux coûts de l’action ».
Mme Christine Lavarde. Bien sûr !
Mme Marie-Claude Varaillas. J’avais beaucoup apprécié cette réflexion.
Pourquoi ne pas demander un effort aux assureurs pour accroître le financement du fonds Barnier ? Sollicitons l’accord du Premier ministre pour exclure ce fonds du budget de l’État, auquel il est aujourd’hui intégré. Finançons-le par les surprimes et créons les conditions de sa soutenabilité en le recentrant notamment sur le rachat des biens menacés.
L’amendement que j’ai déposé en ce sens a été déclaré irrecevable.
Cette proposition de loi est loin d’être un texte systémique majeur et ambitieux, comme le révèlent l’ensemble des articles. Certes, elle contient des ajustements que nous voterons, mais nous proposerons de supprimer ou de repousser certaines dispositions.
La loi Baudu était imparfaite, je le concède. Reste que le présent texte n’atteindra pas l’objectif annoncé : nous serons ainsi bien en peine d’apporter une réponse à nos concitoyens.
Que dire par exemple de l’élargissement de l’éco-PTZ, dont nous savons, depuis un rapport d’information de l’Assemblée nationale, qu’il est peu distribué par les banques et les établissements de crédit ? En effet, il est peu rentable et n’est pas attractif pour les ménages au regard d’autres dispositifs de financement. Pourquoi la création d’un nouvel outil à l’article 7, sur le même modèle que l’éco-PTZ, ne déboucherait-elle pas sur un échec comparable ?
Quant aux collectivités territoriales, elles sont absentes du texte : je le regrette. Elles ne semblent pas intéresser le Sénat, alors que 1 500 d’entre elles se trouvent en grande difficulté pour trouver un assureur, comme les élus ne cessent de nous le rappeler.
En conclusion, si elle comporte des améliorations, cette proposition de loi reprend des recettes inefficaces, alors que le défi climatique est aujourd’hui un enjeu de sécurité nationale.
On peut regretter que ce texte remette à demain les décisions que notre modèle assurantiel exige aujourd’hui pour se préparer à la multiplication et à l’intensification des phénomènes climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la seconde fois cette année, le Sénat examine un texte relatif au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. En préambule, je tiens à saluer la qualité des différents travaux menés au Sénat et notre engagement collectif à élaborer une réponse politique et efficiente à ces fléaux qui vont encore s’intensifier.
En effet, l’urgence est bien là. Après deux années de sécheresse exceptionnelle, notre pays fait face à des pluies massives qui provoquent des inondations aux effets particulièrement destructeurs.
Le week-end dernier encore, les chaînes d’information évoquaient en boucle les conséquences terribles de ces phénomènes pour la vie des gens – bien évidemment, nous leur apportons tout notre soutien.
Le problème de financement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est réel. La Caisse centrale de réassurance (CCR) était déficitaire de 83 millions d’euros en 2023. Selon ses représentants, il existe de faibles chances qu’elle sollicite la garantie de l’État d’ici à la fin de l’année 2024. Cependant, elle estime que le coût de la sinistralité devrait augmenter de 40 % à l’horizon 2050.
La mise en place d’un mécanisme de revalorisation s’impose donc. Le gouvernement précédent a d’ores et déjà décidé, par arrêté, de porter la surprime du régime CatNat de 12 % à 20 % du montant de la cotisation des contrats d’assurance habitation, et ce dès le 1er janvier 2025.
Cette évolution du taux, inédite depuis vingt-cinq ans, va accroître très substantiellement les recettes engendrées par la surprime CatNat. Elles passeront ainsi de 1,9 milliard à 3,2 milliards d’euros, voire à 3,7 milliards d’euros.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui anticipe donc les besoins de financement à venir et pose déjà de nouveaux jalons à cette fin.
Rappelons que, au printemps dernier, le Sénat a rejeté une proposition de loi de l’Assemblée nationale qui visait à faciliter l’indemnisation des sinistrés touchés par des épisodes de sécheresse, donc de retrait-gonflement des argiles, considérant qu’elle n’était pas financée et coûterait bien trop cher aux assureurs.
Au travers de la présente proposition de loi, vous renversez la vapeur. Vous préférez avant tout remplir chaque année les caisses de la CCR et celles des assureurs, quitte à laisser s’envoler des excédents annuels de primes CatNat non consommés, sans apporter la moindre amélioration aux difficultés de prise en charge des dommages. Ce faisant, vous plongez dans un état de grande détresse les propriétaires, qui ne sont plus soutenus que par des maires de plus en plus désabusés.
Vous décidez de faire porter la charge de la sinistralité aux seuls assurés. (Protestations au banc des commissions.) Pourtant, nous savons tous que le dérèglement climatique est lié non pas tant à des catastrophes d’origine naturelle qu’à des catastrophes ayant pour cause le capitalisme, l’extractivisme et la croissance.
Il faudra bien un jour que les pollueurs assument une part des coûts des dommages qu’ils causent. Il est donc impératif de mettre en œuvre la solidarité nationale et de déployer de véritables politiques de prévention.
Dans cet esprit, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le groupe GEST défendra un amendement tendant à ce que l’intégralité de la recette de la taxe de 12 % sur la surprime – soit 225 millions d’euros en 2024 et 450 millions en 2025, après la hausse des taux – soit affectée au fonds Barnier, ainsi qu’à un fonds spécifiquement destiné à prévenir le risque de retrait-gonflement des argiles. En effet, c’est bien ce phénomène qui, dans les années à venir, causera le plus de dommages. Ainsi, nous n’aurons d’autre choix que de travailler à sa meilleure indemnisation.
Enfin, si ce texte nous laisse encore dubitatifs quant à son opérabilité, nous saluons le travail des commissions et des deux rapporteurs qui se sont employés minutieusement, à chaque article, à préciser et à cadrer autant que possible le périmètre.
De toute évidence, nous soutenons les dispositions qui réduisent les doubles franchises pour les assurés, améliorent la transparence et l’indépendance de l’expertise, font progresser les mesures de prévention et, surtout, promeuvent la culture du risque.
Toutefois, nous espérons pouvoir rééquilibrer le texte et renforcer la protection des sinistrés, dont la vie bascule.
Ainsi, il convient de ne pas ignorer les effets potentiels de ce texte sur les territoires, notamment pour les maires, ceux-là mêmes qui emploient toute leur énergie à aider les administrés frappés par des catastrophes dites naturelles. Permettez-moi de leur rendre hommage.
Du reste, l’article 5 pose problème en ce qu’il donne plus de liberté dans l’utilisation des indemnités d’assurance. Les rapporteurs l’ont rappelé, un pan entier du sujet a été occulté : que faisons-nous des maisons abandonnées lorsque les habitants décident d’utiliser leur indemnité pour déménager ?
Ceux d’entre vous qui ont été maires savent combien la charge d’une maison abandonnée en voie de détérioration est réelle pour les territoires.
Nous ne pouvons voter le texte en l’état. Il faut d’abord que le Gouvernement réponde à un certain nombre de questions, notamment sur la possibilité de réaliser des cessions à titre gratuit ou d’utiliser le fonds Barnier pour démolir les bâtis concernés.
Pour l’instant, nous devons nous efforcer collectivement de trouver une solution. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
11
Élection d’un juge suppléant à la cour de justice de la république
M. le président. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :
Nombre de votants : 289
Nombre de suffrages exprimés : 242
Majorité absolue des suffrages exprimés : 122
Bulletins blancs : 44
Bulletins nuls : 3
M. Teva Rohfritsch a obtenu 242 voix.
Ce candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, il est proclamé juge suppléant à la Cour de justice de la République.
M. Teva Rohfritsch, qui n’a pu être présent aujourd’hui, sera appelé à prêter serment devant le Sénat à une date ultérieure.
12
Régime d’indemnisation des catastrophes naturelles
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, réchauffement climatique, sols argileux, acidification des océans, montée des eaux et destruction des littoraux, érosion des sols, pluies acides, fonte des glaciers, bouleversement du cycle de l’eau, inondations répétées… Je pourrais continuer longtemps à décliner la litanie bien connue des catastrophes qui ont commencé à se produire sur notre territoire.
Afin de pallier les conséquences de telles catastrophes, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat) a été créé il y a un peu plus de quarante ans. Il a été renforcé par l’annonce, à la fin de l’année 2023, d’un relèvement de la surprime acquittée par les assurés pour le financer. En 2025, celle-ci passera de 12 % à 20 % du montant de la cotisation pour les contrats multirisques habitation, et de 6 % à 9 % pour l’assurance automobile.
Ce relèvement est jugé indispensable par la plupart des acteurs du secteur, même si, je le déplore, il alimente la hausse globale des tarifs de l’assurance habitation, attendue entre 8 % et 10 % en 2025.
La proposition de loi que nous examinons a pour objet principal d’assurer la pérennité de l’équilibre de ce régime dans un contexte de multiplication notable de la récurrence de phénomènes climatiques. Je pense notamment au RGA, qui affecte une très grande partie de nos territoires.
Depuis l’intégration au régime CatNat de ces mouvements de terrain liés au RGA, il y a près de quarante ans, le coût des dommages a atteint la somme colossale de plus de 14 milliards d’euros, soit 40 % des coûts totaux pris en charge au titre des catastrophes naturelles.
Il y a urgence à agir, tant nous observons une expansion géographique du risque de retrait-gonflement des argiles, que le réchauffement climatique rend prégnant. Si nous nous projetons jusqu’en 2050, l’ensemble des coûts cumulés pourrait s’élever à près de 43 milliards d’euros, dont 17 milliards seraient directement attribuables aux seuls effets du changement climatique.
Ce texte fixe plusieurs objectifs notables. Bien que perfectible, il a la volonté d’apporter une réponse politique au défi du réchauffement climatique et à la mécanique de hausse à venir des phénomènes de catastrophes naturelles, tout en garantissant aux citoyens une équité dans l’attribution des aides financières en cas de dégâts.
De manière plus prosaïque, cette proposition de loi veut conserver une gestion duale de ce régime, à la fois par l’État et le secteur assurantiel.
Pour ce faire, l’article 1er ajuste automatiquement la surprime d’assurance pour mieux intégrer les impacts du changement climatique via une réévaluation tous les cinq ans du régime CatNat.
J’appelle votre attention sur le fait que la surprime CatNat est financée directement par les assurés au travers de leur contrat d’assurance. De fait, l’assureur applique un taux supplémentaire sur la prime d’assurance de base pour couvrir les risques de catastrophes naturelles. Cela signifie que chaque assuré contribue financièrement à ce système, même s’il ne vit pas dans une zone à risque.
Ce relèvement de taux est d’ailleurs susceptible de se heurter à l’acceptabilité financière et sociale de nos concitoyens.
L’article 2 vise à éliminer la multiplication des franchises lors de la répétition d’un même aléa naturel sur un territoire, et ce en généralisant une pratique déjà partiellement appliquée pour certains sinistres majeurs.
Cette disposition est à mettre en regard avec l’article 4 de la proposition de loi de Nicole Bonnefoy visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, qui porte sur l’interdiction aujourd’hui en vigueur du procédé de modulation des franchises.
Christine Lavarde va plus loin encore, puisqu’il s’agit de reconnaître la spécificité de certains territoires et, par ce biais, la propension plus élevée de leurs habitants à devoir recourir au fonds Barnier et à s’acquitter du paiement récurrent de franchises, dans la perspective d’une utilisation rationnelle des sommes allouées.
Avant de conclure, je rappelle que cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des travaux entamés par Nicole Bonnefoy. Dès le mois de janvier 2019, suivant les conclusions de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, c’est bien elle qui avait jeté les bases des réformes qui sont proposées aujourd’hui. (Mme Nicole Bonnefoy acquiesce.)
M. Patrick Kanner. En effet !
M. Thierry Cozic. Le texte que nous examinons aujourd’hui ne représente pas l’aboutissement concret des positions du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, mais il a au moins le mérite de tendre de plus en plus fort vers ce que nous considérons comme un régime CatNat juste, équitable et protecteur pour nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle le groupe SER votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, m’associant aux collègues qui sont intervenus avant moi à la tribune, je veux avoir une pensée pour les sinistrés et les personnes mobilisées, au premier rang desquelles les élus, les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers et les associations agréées de sécurité civile.
La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui vise à renforcer le régime CatNat. C’est un sujet d’une importance capitale pour la protection de nos concitoyens et de notre patrimoine national face aux risques climatiques qui, hélas ! se multiplient et s’intensifient.
Ainsi, il y a quelques mois, le département du Nord a subi plusieurs épisodes d’inondations d’une grande ampleur, mettant des centaines de personnes et de familles en difficulté.
Ce texte contient des dispositions que nous considérons comme positives et nécessaires, car elles vont dans le sens de la solidarité nationale, de la protection des biens et des personnes et du renforcement de la sécurité de nos territoires.
Toutefois, nous exprimons de sérieuses réserves sur l’article 1er, qui ne peut recevoir notre plein assentiment. Nous comprenons la logique d’équilibrer le texte en faveur des sociétés d’assurances, elles qui voient leurs obligations et charges augmenter par la création de nouveaux droits en faveur des assurés touchés par ces catastrophes.
Cependant, l’augmentation prévue des primes d’assurance pour l’ensemble des ménages et entreprises entraîne une augmentation de charges fixes et de dépenses contraintes, en dépit de la situation économique financière bien précaire dans laquelle se trouvent de nombreux ménages.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Mieux vaut cela que rien du tout !
M. Joshua Hochart. Les sociétés d’assurance, aujourd’hui largement bénéficiaires, peuvent et doivent participer davantage au financement d’un dispositif largement soutenu sinon par l’argent public, du moins par l’action publique.
Pour les parlementaires affiliées au Rassemblement national, cette hausse automatique des primes est un obstacle. Si nous souhaitons garantir l’efficacité du régime d’indemnisation, cela ne doit pas se faire au détriment des assurés, qui risquent d’être accablés par des hausses constantes de leur cotisation.
Nous défendrons donc un amendement visant à modifier une répartition juste du financement entre les assurés et les assureurs.
Il n’en demeure pas moins que nous soutenons plusieurs points essentiels de ce texte. En effet, il répond aux préoccupations qui sont les nôtres, à savoir protéger les Français face aux aléas climatiques, tout en garantissant des compensations financières à ceux qui sont durement touchés par ces catastrophes.
Par ailleurs, cette proposition de loi améliore le financement du régime d’indemnisation en simplifiant les procédures, afin que les victimes obtiennent des remboursements plus rapides. C’est une demande que nous formulons depuis longtemps pour soutenir nos compatriotes dans les moments difficiles.
Nous approuvons également l’article 2, qui limite les franchises appliquées aux sinistres successifs sur une période courte. Il s’agit là d’un geste juste et responsable pour ceux qui subissent plusieurs catastrophes rapprochées. Ces derniers sont ainsi protégés contre des frais supplémentaires qu’ils ne devraient pas avoir à supporter.
L’article 4 va dans la même direction, en imposant une indépendance renforcée des sociétés d’expertise chargées d’évaluer les dégâts. Cette initiative garantit que les intérêts des assurés seront préservés et que les indemnisations seront calculées de manière juste et objective.
Il est fondamental que ces experts soient libres de tout conflit d’intérêts avec les assureurs, si tant est que l’on veuille restaurer la confiance des Français dans le système d’indemnisation.
Ainsi, mes chers collègues, nous soutiendrons les avancées de ce texte en matière de protection et de solidarité, mais nous appelons le Sénat à modifier l’article 1er, afin que notre régime d’indemnisation demeure à la fois solidaire, juste et supportable pour l’ensemble des Français.