M. Bruno Sido. Oh là…
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. Au stade de la construction, le particulier peut soit recourir à une étude G2, qui permet réellement d’adapter le bâti, soit suivre des prescriptions minimales fixées par décret. Toutefois, de l’aveu des acteurs du secteur, qui, sur ce point, se montrent unanimes, ces dispositions sont, elles aussi, insuffisamment robustes pour prévenir le phénomène de RGA.
L’article 10 rend donc l’étude G2 obligatoire, comme le préconisait déjà Christine Lavarde dans son rapport d’information sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Une telle mesure aurait certes un coût pour le particulier, mais ce montant doit être mis en regard de la « valeur du sauvé ». Il est bien plus efficient de généraliser ces études géotechniques que de financer la réparation des bâtiments endommagés.
Je forme le vœu que, pour les ménages les plus modestes, le surcoût puisse être pris en charge par la solidarité nationale, afin qu’aucun de nos concitoyens ne reste sur la touche.
Par ailleurs, il me semble souhaitable que, lors de la vente d’un logement ou de la location d’un bien, l’acheteur ou le locataire ait connaissance de l’ensemble des risques. C’est le sens de l’article 12, qui fait figurer le risque de RGA parmi les informations devant être inscrites dans l’état des risques obligatoire, pour les logements situés dans une zone exposée au risque de sécheresse.
En parallèle, l’article 8 bis vise à renforcer la prévention des risques tout au long de la vie des logements.
L’Agence nationale de l’habitat (Anah) est chargée d’améliorer la qualité des logements. À ce titre, elle est notamment responsable du pilotage du programme de rénovation énergétique MaPrimeRénov’. Pour mieux conjuguer les efforts d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets, il paraît opportun de préciser qu’au titre de ses missions l’Anah prend en compte les enjeux de la prévention des risques.
Enfin, l’article 8 soumet l’octroi du dispositif MaPrimeRénov’ à la réalisation des travaux de prévention des risques qui s’imposent dans les zones les plus exposées. Il s’agit, à mes yeux, d’une disposition de bon sens. Pour autant, cette mesure ne doit pas constituer un frein à l’effort de rénovation énergétique des logements. C’est pourquoi il est prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport en évaluant les conséquences.
Cet article fait débat, je le sais. Reste que – j’y insiste –, dans un contexte de rigueur et de sérieux budgétaires, il me semble aller dans le bon sens.
Mes chers collègues, ces apports s’appuient sur ma modeste expérience et, surtout, sur les travaux que mène le Sénat, en particulier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en matière de prévention des risques. J’en suis convaincu : ceux-ci contribueront à enrichir et à préciser cette proposition de loi, qui concourt à l’adaptation de la France au changement climatique. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, madame la sénatrice Christine Lavarde, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous entamons l’examen d’un texte revoyant le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, l’actualité nous rappelle tragiquement l’importance de ce sujet pour notre pays.
Que ce soit dans le Nord, dans le Sud-Est, dans le Sud-Ouest ou en région parisienne, le changement climatique entraîne et va continuer d’entraîner la multiplication de ces épisodes. Avant tout, je tiens donc à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qu’ont touchés ces événements climatiques extrêmes.
À tous les particuliers, aux familles dont les habitations ont été atteintes, à toutes les collectivités territoriales dont l’action a été entravée, à toutes les entreprises dont l’activité a été frappée, je veux dire le soutien du Gouvernement. Je tiens, en outre, à leur exprimer sa solidarité.
Je tiens aussi à rendre hommage à tous les agents des services de l’État et des collectivités territoriales, ainsi qu’aux élus locaux, mobilisés pour venir en aide aux victimes de ces événements.
Comme les inondations qui ont frappé le Pas-de-Calais l’hiver dernier, ces événements nous rappellent combien les phénomènes climatiques peuvent déstabiliser notre vie collective et à quel point les pouvoirs publics sont attendus pour répondre aux conséquences des catastrophes naturelles.
Notre pays dispose d’un outil qui a fait preuve de son efficacité pour venir en aide aux personnes sinistrées : le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Ce régime, géré par la Caisse centrale de réassurance, a été créé en 1982. Reposant sur les principes de responsabilité, de solidarité et d’équité nationales entre citoyens et entreprises, il permet de couvrir les risques naturels de manière mutualisée.
En un mot, ce régime, c’est la solidarité nationale en actes. Ainsi, depuis sa création jusqu’en 2023, il a permis de prendre en charge plus de 3,5 millions de sinistres, pour plus de 56 milliards d’euros décaissés.
Ce système, que nos voisins nous envient, doit être une fierté pour notre pays. C’est un symbole de protection de nos concitoyens face aux aléas naturels.
Ce système doit être sanctuarisé : le Gouvernement en est convaincu. Nous devons même le renforcer chaque fois que c’est nécessaire, pour toujours mieux protéger les Français et être toujours plus efficaces face aux catastrophes naturelles.
Sanctuariser et renforcer, tels étaient déjà les objectifs du travail engagé sur ce sujet par le précédent gouvernement.
Dans le cadre de l’habilitation accordée par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, le Gouvernement a pris, le 8 février 2023, une ordonnance relative au retrait-gonflement des argiles. Ce texte, qui améliore la prise en charge au profit des occupants, renforce la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, laquelle a déjà permis de mieux indemniser les assurés en cas de dommages liés aux catastrophes naturelles.
De plus, en vertu de cette ordonnance, un décret en Conseil d’État est en cours de préparation pour encadrer et homogénéiser la qualité de l’expertise des sinistres RGA tout en réduisant les délais d’instruction.
Le Gouvernement a également mené un travail de pédagogie, en détaillant par circulaire la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et les critères retenus pour chaque péril. Ce travail est le fruit d’une collaboration étroite entre les services centraux et déconcentrés de l’État. De même, les parlementaires qui suivent tout particulièrement ce sujet y ont été largement associés.
Madame Lavarde, votre proposition de loi s’inscrit donc dans un contexte normatif dynamique.
Le régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles est notre bien commun. Nous devons veiller à sa pérennité.
Dans cette perspective, le rapport Langreney intitulé Adapter le système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques, remis le 2 avril 2024 aux ministres Bruno Le Maire et Christophe Béchu, pointe trois limites principales : tout d’abord, un équilibre financier qui demeure fragile, la multiplication des épisodes extrêmes ayant un fort impact à cet égard, en raison de la hausse de la sinistralité ; ensuite, une tendance croissante à la non-assurance dans certains territoires exposés ; enfin, une prévention encore insuffisante pour les maisons individuelles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a engagé un plan d’action sur ces trois volets de politique publique.
Pour préserver l’équilibre financier, il a annoncé une augmentation de la surprime « catastrophes naturelles » de 12 % à 20 % sur les contrats d’habitation, à partir du 1er janvier 2025. Cette hausse est nécessaire pour assurer la pérennité du régime et renforcer ses moyens d’action, mais elle n’est pas suffisante. En effet, dans un contexte marqué par des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus intenses, il est primordial que les ressources du régime soient réévaluées régulièrement.
Pour garantir l’assurabilité partout dans notre pays, il est fondamental de suivre l’offre des assureurs dans les territoires exposés aux aléas climatiques et d’assurer la protection de nos concitoyens face aux risques. Je pense en particulier à certains territoires ultramarins.
C’est pourquoi le précédent gouvernement a annoncé l’été dernier la création d’un observatoire de l’assurabilité des risques. Les travaux conduits par la Caisse centrale de réassurance permettront d’objectiver ce phénomène. En parallèle, le Gouvernement est en train de réaliser une cartographie des aléas naturels, pour éclairer l’observatoire et mieux informer le public à l’échelle des territoires.
Pour renforcer la prévention des risques naturels, le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) présenté vendredi dernier par M. le Premier ministre et Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques pose de premiers jalons.
Le fonds Barnier, qui constitue un pilier de notre politique de prévention, verra ses moyens passer de 225 millions à 300 millions d’euros par an à partir de 2025 – je tiens à le souligner, même si j’ai déjà entendu, dans cet hémicycle, quelques commentaires à ce propos…
Ce plan, qui recoupe à bien des égards le champ couvert par cette proposition de loi, est soumis à la consultation du public pour une durée de deux mois. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous encourage à proposer des améliorations, dans une démarche de coconstruction.
Les trois problématiques que je viens d’exposer sont au cœur de cette proposition de loi.
Nous saluons le travail accompli par l’auteur de ce texte comme par M. le rapporteur. La discussion parlementaire permettra d’aboutir, je n’en doute pas. Cela étant, tout au long de ces débats, le Gouvernement veillera à ce que le meilleur équilibre puisse être trouvé entre les différents impératifs – soutenabilité du régime, maîtrise du coût pour les assurés comme pour la collectivité nationale, équité entre les assurés. De même, nous plaiderons pour qu’aucune mesure susceptible de fragiliser le système actuel ne soit adoptée.
Le Gouvernement est évidemment prêt à discuter avec vous pour améliorer ce qui doit l’être en suivant toujours le même objectif : mieux protéger les Français face aux catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
9
Clôture du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la cour de justice de la république
M. le président. Mes chers collègues, il est quinze heures dix. Je déclare clos le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.
10
Régime d’indemnisation des catastrophes naturelles
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à associer à mon intervention ma collègue Anne Chain-Larché, sénatrice de la Seine-et-Marne. Vous le savez, notre département a été durement touché par les récents événements climatiques.
Rééquilibrer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est une priorité pour nos territoires, comme pour la protection de nos concitoyens, particulièrement en cette période où les inondations affectent de nombreux départements de France.
Je tiens à vivement remercier Christine Lavarde des différents travaux qu’elle a menés en vue de la rédaction de cette proposition de loi.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Pierre Cuypers. Je remercie également notre rapporteur, M. Jean-François Rapin, représenté aujourd’hui par M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances : les précisions qu’il a apportées au présent texte s’inscrivent dans la continuité de son rapport d’information, publié il y a quelques semaines.
Le texte que nous examinons aujourd’hui doit être mis en œuvre de toute urgence : ses dispositions sont pertinentes, car elles sont adaptées aux cruelles réalités que nous vivons dans l’ensemble de notre territoire.
Je pense notamment à la création d’un éco-prêt à taux zéro (PTZ) spécifique, qui permettra de financer des travaux de prévention des risques naturels. Certes, cette mesure est audacieuse, mais elle est frappée au coin du bon sens : il s’agit de conditionner des aides à la réalisation de travaux spécifiques, pour éviter que des rénovations énergétiques ne soient entreprises dans des zones exposées aux risques sans mesures de précaution adéquates.
D’autres dispositions méritent d’être saluées, comme l’augmentation du taux de surprime, qui introduit un mécanisme de réajustement en fonction des risques réels encourus.
De même, le renforcement des garanties d’indépendance des experts est nécessaire pour rétablir un lien de confiance entre assureurs et assurés.
Madame la ministre, je note également l’ouverture du fonds Barnier au financement d’études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages causés par le phénomène de retrait-gonflement des argiles. Encore faut-il que le projet de loi de finances pour 2025 octroie réellement les crédits nécessaires…
Pour toutes ces raisons, je soutiens cette proposition de loi, d’autant que, au passage, elle nous offre l’occasion d’interroger l’exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Je le rappelle, cette compétence relève fondamentalement de la sécurité publique. Elle touche directement à la protection des biens et des personnes et il est légitime de se demander si son transfert aux EPCI est toujours justifié.
Cette attribution s’apparente bel et bien au domaine régalien, car il s’agit de la protection civile. (Mme la ministre déléguée acquiesce.) Il convient donc d’en repenser l’exercice par les collectivités territoriales ; à cette fin, plusieurs pistes méritent d’être explorées.
Aujourd’hui, la Gemapi est une compétence partagée de manière complexe et peu efficace. Les intercommunalités qui en sont chargées manquent de moyens face à l’ampleur des enjeux. Les régions et les départements ne sont-ils pas mieux placés pour en assurer l’exercice conjoint à l’échelle de leur territoire ?
Nous avons besoin d’une stratégie pérenne de lutte contre toutes les catastrophes naturelles liées à l’eau – inondations, crues, ruissellement, etc. C’est ainsi que nous garantirons les moyens financiers et techniques nécessaires, au service d’une véritable politique d’aménagement.
Nous devons agir ensemble, dans un cadre renforcé et simplifié, pour répondre efficacement à la menace grandissante des événements climatiques et mettre un terme au morcellement des compétences, qui ralentit gravement l’action publique en cas d’intempéries.
Il est impératif d’alléger la contrainte législative pesant sur les travaux de curage. Le code de l’environnement limite le périmètre d’action des collectivités territoriales et empêche de facto l’entretien de nos cours d’eau. Ces interventions sont pourtant indispensables pour prévenir les débordements et contrôler les bassins versants.
Au-delà de ces réformes structurelles, nous devons donc nous saisir du problème, trop connu, du millefeuille administratif. Si les EPCI disposent de la compétence Gemapi, leur action est trop souvent entravée par les lenteurs administratives.
Nous sommes placés, en la matière, face à un véritable paradoxe : d’une part, l’urgence climatique exige des réponses rapides et efficaces pour prévenir les catastrophes naturelles, d’autre part, les délais administratifs sont souvent interminables. Qu’il s’agisse de mener des efforts de prévention ou de signer des arrêtés de catastrophe naturelle, préalables indispensables aux indemnisations, la lenteur de l’administration est tout à fait dommageable…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Cuypers. La réactivité face aux crises doit devenir la norme. Nous devons doter les acteurs locaux, les maires en particulier,…
M. le président. Mon cher collègue, maintenant, il faut conclure.
M. Pierre Cuypers. … des moyens nécessaires pour prendre des décisions rapides et intervenir préventivement en cas d’urgence.
M. le président. Il faut vraiment conclure ! (Marques d’impatience sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Pierre Cuypers. Cette proposition de loi représente une avancée significative pour l’indemnisation des catastrophes naturelles.
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Pierre Cuypers. Je conclus, monsieur le président. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce texte nous invite à repenser la gestion des inondations dans son ensemble.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’Histoire nous rappelle qu’il vaut toujours mieux prévenir que guérir. (Nouvelles exclamations.)
M. Bruno Sido. Ah !
M. Pierre Cuypers. En simplifiant les processus administratifs, en renforçant les structures locales et en prenant pleinement en compte la problématique de la gestion des compétences, nous serons mieux armés pour protéger nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, les élus du groupe RDPI tiennent à exprimer leur entier soutien aux sinistrés des dernières inondations.
La Caisse centrale de réassurance a évalué le coût des pluies et des crues des 17 et 18 octobre dernier à plus de 400 millions d’euros, pour près de 35 000 sinistres. Ce montant, considérable, laisse deviner l’ampleur des dégâts matériels subis. Au-delà, il faut prendre en compte la détresse psychologique de celles et ceux qui ont eu très peur et ont tout perdu.
Depuis plusieurs années, les collectivités territoriales, à commencer par nos communes, sont confrontées à une forte hausse du nombre de sinistres, entraînant notamment de plus en plus de dommages aux biens. C’est la conséquence de risques climatiques accrus : on a pu le constater dans le Finistère, il y a tout juste un an, lors du passage de la tempête Ciaran.
Face à la multiplication des événements climatiques imprévus de grande ampleur, les compagnies d’assurances qui répondent aux appels d’offres et acceptent de couvrir les risques se font de plus en plus rares.
L’augmentation des primes d’assurance, la réduction des périmètres de couverture ainsi que la non-reconduction des contrats pénalisent les collectivités territoriales. En outre, les conditions dans lesquelles les assureurs peuvent se réassurer se sont elles-mêmes durcies.
Les dépenses d’assurance des collectivités territoriales sont supportées à 90 % par les communes et leurs groupements : les élus concernés sont donc très inquiets, d’autant que les années à venir nous promettent des événements climatiques de plus en plus fréquents. En cas de sinistre majeur, la carence aujourd’hui déplorée les plongerait dans des difficultés insurmontables.
Face à ce constat très préoccupant, une mission a été confiée, sur proposition de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), au maire de Vesoul, Alain Chrétien, et à l’ancien président de la Fédération nationale de Groupama, Jean-Yves Dagès. Rendu public au mois de septembre dernier, leur rapport contient un certain nombre de recommandations pour améliorer le fonctionnement du marché de l’assurance, comme la mise en place d’un dispositif de mutualisation du risque social exceptionnel.
Du fait du dérèglement climatique, 2022 et 2023 ont été les deux années les plus coûteuses en la matière pour le secteur. Qu’il s’agisse de prévention ou de réparation, nos outils contributifs doivent s’adapter à cette nouvelle donne.
Chère Christine Lavarde, c’est le sens de votre proposition de loi, qui tend à améliorer le régime d’indemnisation CatNat, en fixant deux objectifs.
D’une part, vous entendez renforcer le financement du régime, via un mécanisme de revalorisation du taux de surprime, et mieux protéger les assurés lors de la procédure d’indemnisation, par l’encadrement de l’expertise et la lutte contre le phénomène de non-assurance.
D’autre part, vous voulez étoffer la politique de prévention des risques naturels majeurs par différentes mesures de prévention et d’incitation à la réalisation de travaux. Dans la même logique, vous souhaitez étendre les champs de recherche financés par le fonds Barnier.
En 1995, l’actuel Premier ministre, alors ministre de l’environnement, a créé ce fonds de prévention des risques naturels majeurs afin de couvrir les risques naturels « inassurables » par le seul secteur privé. Au total, 2 milliards d’euros ont été engagés à ce titre pendant la dernière décennie.
Entre 2009 et 2020, l’essentiel des investissements réalisés par ce biais et des cofinancements associés ont été consacrés à la prévention des inondations, notamment pour les écoles et les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) en Guadeloupe et en Martinique, comme me l’ont indiqué mes collègues Dominique Théophile et Frédéric Buval.
Face à la multiplication des intempéries, l’ampleur des crédits dévolus à ce dispositif est un enjeu central. Le fonds Barnier sera ainsi porté à 300 millions d’euros en 2025, soit une hausse de 75 millions d’euros par rapport à cette année.
Ma chère collègue, vous le rappelez dans votre rapport d’information sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles : sans le modèle que vous proposez, les primes d’assurance pourraient, à l’avenir, varier de 1 à 30 en fonction du lieu où l’on se trouve. (Mme Christine Lavarde acquiesce.) Certains territoires et certains biens ne seraient plus assurables à des tarifs abordables.
Face à cette menace, les derniers gouvernements ont obtenu plusieurs avancées. L’ordonnance du 8 février 2023 a ainsi facilité la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour le phénomène de RGA. Afin de rééquilibrer le régime, le précédent gouvernement a également pris un arrêté augmentant la surprime CatNat. En conséquence, au 1er janvier 2025, le taux de la prime sur les contrats d’assurance « dommages aux biens » atteindra 20 %, contre 12 % actuellement.
Ainsi, le régime CatNat disposera d’une capacité de couverture supplémentaire de 1,2 milliard d’euros par an.
La commission des finances a, comme la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, acté la volonté d’aller plus loin. Je pense notamment au taux de surprime, qui sera désormais revalorisé chaque année : c’est évidemment une bonne chose.
Mes chers collègues, je me dois enfin d’évoquer le recul du trait de côte, phénomène auquel le département du Finistère est particulièrement exposé.
À l’article 9, qui étend le fonds Barnier au financement d’études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages, la mention du recul du trait de côte a été supprimée. Je comprends les raisons de cette réécriture ; toutefois, nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur ce sujet spécifique. Il faudra soit étendre le périmètre du fonds Barnier, soit créer un fonds propre, soit opter pour une autre forme de financement, comme l’affectation de nouvelles taxes.
L’état de catastrophe naturelle n’a pas été reconnu en Bretagne, il y a un an, alors même que les tempêtes y avaient été d’une violence exceptionnelle, causant des dégâts considérables. Ce n’est pas l’objet du débat d’aujourd’hui, mais – je le répète – nous devrons certainement nous pencher sur ce sujet.
Vous l’avez compris : les élus du groupe RDPI soutiennent majoritairement la philosophie et les principales mesures de ce texte,…
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Nadège Havet. … qu’ils accueillent favorablement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un secret de polichinelle : bien que résilient et efficace, notre régime assurantiel CatNat doit être réformé – et pour cause, il est à bout de souffle.
La grave dérive de la sinistralité résultant des effets attendus du dérèglement climatique nous avise autant qu’elle nous oblige. Davantage d’aléas climatiques, c’est nécessairement davantage de moyens, d’efforts de prévention et de protection, physique comme juridique.
Ces évolutions, nous ne les souhaitons pas à n’importe quel prix. Elles doivent s’inscrire dans la continuité de notre modèle, fondé sur la solidarité et la mutualisation, très protecteur, donc précieux. Assurantiel, solidaire et universel, ce dernier n’a d’ailleurs qu’un équivalent en Europe : le modèle espagnol.
Au total, pas moins de 98 % des entreprises et des ménages français sont aujourd’hui couverts par les assurances contre les effets des catastrophes naturelles. Pour les particuliers, ce taux est inférieur à 5 % en Italie et à 30 % en Allemagne.
Après les épisodes de crues et d’inondations qui ont gravement touché le département des Hautes-Pyrénées au mois de juin 2013, les habitants de la ville de Lourdes ont ainsi pu obtenir 100 millions d’euros au titre des dégâts, quand les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration bénéficiaient d’un soutien de 150 millions d’euros supplémentaires.
Le régime CatNat est bel et bien primordial pour nos territoires. Cette proposition de loi vient légitimement le protéger en pérennisant son financement. N’oublions pas pour autant que réparation rime avec prévention.
L’un des enjeux principaux de l’équilibre du régime CatNat est l’adoption de mesures de prévention, par les assurés comme par les collectivités territoriales. Cet effort est indispensable pour réduire la sinistralité associée à une catastrophe naturelle, donc le coût supporté par le régime pour indemniser l’assuré.
Pour garantir l’équilibre de notre système, son équité et son acceptation, on ne pourra se contenter de rehausser le taux de la surprime ou de renforcer le mécanisme de revalorisation automatique. C’est pourquoi nous serons particulièrement attentifs à la revalorisation du fonds Barnier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
On ne saurait laisser perdurer la déconnexion entre le produit de la taxe sur la surprime CatNat, finançant ce fonds, et le montant de celui-ci. L’année dernière, le déséquilibre atteignait 73 millions d’euros.
Avec l’augmentation du taux de surprime à 20 % en 2025, le produit de cette taxe pourrait même dépasser 450 millions d’euros. Pourtant, à ce jour, le Gouvernement n’entend porter le fonds Barnier qu’à 300 millions d’euros en 2025.
L’adaptation au changement climatique repose aussi sur les collectivités territoriales. Encore faut-il que ces dernières aient réellement les moyens d’agir ! Or le projet de loi de finances pour 2025 leur impose un effort de 5 milliards d’euros. En parallèle, le fonds vert est réduit de 1,5 milliard d’euros, alors même que la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte), publiée par Bercy en ce mois d’octobre, insiste sur la nécessité d’accroître les dépenses publiques pour atteindre les objectifs fixés.
La réduction des budgets des collectivités territoriales menace clairement l’effort d’adaptation au changement climatique.
Privilégiant l’efficacité de la dépense publique, les élus du groupe RDSE soutiendront entre autres un amendement visant à favoriser une reconstruction à la fois plus rapide et plus résiliente des biens immobiliers des collectivités territoriales endommagés par une catastrophe naturelle.
Cette logique de résilience et d’adaptation me semble parfaitement justifiée pour des réparations d’urgence : elle permettra de mieux prévenir les catastrophes naturelles futures et de limiter leurs impacts.
Élue d’un département affecté par des phénomènes climatiques de plus en plus violents et nombreux au fil des ans, j’ai pu mesurer la gravité du traumatisme subi par les victimes. De même, je sais l’ampleur des incompréhensions que peuvent susciter les formalités administratives : être reconnu victime de catastrophe naturelle s’apparente parfois à un véritable parcours du combattant.
Nous devons renforcer l’accompagnement, non seulement des assurés, mais aussi de nos collectivités territoriales. En ce sens, il nous faut plus de clarté, plus de moyens, plus de simplification et surtout plus de rapidité dans les démarches menant à une indemnisation.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, les élus du groupe RDSE sont particulièrement soucieux de soutenir nos territoires et nos concitoyens, de plus en plus malmenés par les aléas climatiques.
Notre régime assurantiel doit répondre à ces cinq mots d’ordre : prévention, investissement, simplification, solidarité et adaptation.
Je remercie Christine Lavarde d’avoir pris cette initiative : sa proposition de loi va dans le bon sens, nous la voterons. Nous l’avons d’ailleurs largement cosignée. Il s’agit là d’une première étape pour mieux accompagner les victimes de catastrophes naturelles. Toutefois, un long chemin reste à parcourir. Nous devrons, demain, travailler à de nouvelles solutions, dans la continuité des travaux de contrôle menés notamment par Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)