M. le président. La parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Seine-et-Marne, comme de nombreux départements français – de l’Ardèche au Nord, en passant par la Loire –, a subi de plein fouet, ces dernières années, et même ces derniers mois, l’augmentation à la fois en fréquence et en intensité des événements climatiques.
Les inondations des mois d’août et de septembre, puis la tempête Kirk au mois d’octobre ont provoqué des coupures d’axes routiers, des chutes d’arbres, des coulées de boue et des rétentions d’eau, créant un véritable isolement économique de certains de nos territoires. Ajoutons-y les épisodes de sécheresse, notamment en 2023.
Tout cela contribue, bien sûr, à fissurer les maisons, à endommager les fondations et à entraîner des réparations considérables, sans oublier le phénomène de retrait-gonflement des argiles.
Sur les 353 000 logements du département de Seine-et-Marne, 324 000 sont exposés à un risque moyen ou fort selon la gradation qui a été adoptée.
Selon le ministère de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, près de 48 % des sols métropolitains présenteraient une exposition forte ou moyenne au retrait-gonflement des argiles, soit la moitié de notre territoire national.
Face à ces aléas, la solidarité nationale est indispensable, d’autant que tous les territoires sont touchés.
Depuis 1982, le régime CatNat a prouvé son utilité. Toutefois, la multiplication de ces événements pose nécessairement la question d’une réforme, ce que Mme la ministre n’a pas manqué de souligner.
Quelles sont limites du dispositif actuel ? D’abord, la forte baisse des provisions d’égalisation, ensuite, les difficultés pour les communes d’obtenir la reconnaissance d’état de catastrophe naturelle, enfin, les difficultés pour les victimes des sinistres de se faire indemniser.
Qu’en sera-t-il à l’avenir, à l’aune de cette situation ? Selon les projections de la Caisse centrale de réassurance, la sinistralité au titre de l’ensemble des périls couverts par le régime CatNat augmentera de 40 % à l’horizon 2050. Cela représentera 811 millions d’euros par an.
Comment permettre à un système déjà fragilisé d’absorber, de prévenir les dommages actuels et ceux qui se produiront assurément demain ?
Cette proposition de loi de notre collègue Christine Lavarde – dont je salue l’excellent travail –, cosignée par de nombreux sénateurs, constitue une première étape pour résoudre le problème. Elle s’inscrit du reste dans l’actualité, dans la mesure où notre pays connaît en ce moment de terribles inondations : je veux exprimer à cet instant, au nom des membres du groupe Les Indépendants, notre solidarité envers les victimes et les forces de sécurité.
La prise de conscience doit être générale face à des phénomènes qui risquent de se multiplier à l’avenir.
Différents rapports sénatoriaux ont illustré la nécessité d’une réforme – je pense notamment au dernier en date, celui de nos collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, intitulé Le défi de l’adaptation des territoires face aux inondations : simplifier l’action, renforcer la solidarité. D’autres travaux ont démontré qu’il y avait urgence : il en va ainsi des débats récents au Sénat sur la gestion de la ressource en eau ou des premières réflexions sur la création d’un Observatoire de l’assurabilité en France, sans oublier le fonds Barnier qui, depuis 1995, participe de la prévention des risques majeurs.
Pour répondre aux besoins actuels, cette proposition de loi tend à améliorer l’indemnisation des sinistrés, d’abord via la revalorisation du taux de surprime et la suppression de l’application multiple de la franchise pour un même aléa.
Des avancées notables doivent également être relevées en matière de prévention.
Nous ne pouvons plus réagir aux catastrophes aléa par aléa ; il nous faut adopter une stratégie globale, en renforçant notre résilience, en confortant le bâti, en adoptant des mesures de prévention et en finançant des dispositifs expérimentaux. Seule la combinaison d’une meilleure protection des assurés et d’une stratégie globale de prévention garantira la viabilité de notre système à moyen et long terme. Tel est l’objectif que nous visons aujourd’hui dans cet hémicycle.
Nos territoires étant particulièrement touchés par toutes ces catastrophes naturelles, le groupe Les Indépendants votera, bien entendu, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, madame l’auteur de la proposition de loi, chère Christine Lavarde, mes chers collègues, mon intervention témoigne de mon plein soutien à cette proposition de loi d’initiative sénatoriale visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, et de l’attention que je porte à ce sujet particulièrement important pour les Alpes-Maritimes, département dont ma collègue Patricia Demas et moi-même sommes les sénatrices.
Les Maralpins n’ont malheureusement pas été épargnés ces dernières années par les catastrophes naturelles : inondations meurtrières à Biot, Cannes et Mandelieu-la-Napoule, glissements de terrain, phénomènes de retrait-gonflement des argiles.
Je tiens plus particulièrement à évoquer la tempête Alex d’octobre 2020, qui s’est abattue en quelques heures sur les vallées de l’Estéron, du Var, de la Tinée et, surtout, de la Vésubie et de la Roya. Cette tempête est la plus grande catastrophe naturelle qu’ait connue notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale : elle a emporté maisons, ponts, routes, détruisant des villages entiers et causant au total le décès de vingt et une personnes dans les Alpes-Maritimes et en Italie.
Il y a définitivement un avant et un après les 2 et 3 octobre 2020, tant cette tempête a durablement meurtri ces vallées.
À ces décès se sont ajoutées de nombreuses pertes matérielles, encore aggravées par la tempête Aline des 19 et 20 octobre 2023, qui a enclavé de nombreuses localités pendant trop longtemps.
À mon tour, j’ai une pensée pour toutes les victimes de ces catastrophes climatiques, et je rends hommage aux forces de sécurité et de secours.
Dans la suite de ces événements, j’ai été frappée de constater l’importance stratégique du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, fortement mobilisé pour des opérations de construction résilientes, ainsi que la mobilisation financière de toutes les collectivités territoriales. Cependant, la complexité administrative et la longueur des délais ont plongé trop d’habitants dans le désarroi, et trop de maires y ont assisté impuissants. Les intempéries du mois dernier n’ont fait qu’ajouter à la colère des intéressés.
À la lumière de cette expérience de terrain, le texte dont nous discutons aujourd’hui me semble non seulement opportun, mais nécessaire. Le régime CatNat a fait ses preuves depuis sa création en 1982, mais un rééquilibrage de son financement s’avère indispensable pour en assurer la pérennité.
Alors que nous entamons l’examen de cette proposition de loi en séance publique, je tiens à saluer le travail de Christine Lavarde qui, depuis la présentation de son rapport d’information au mois de mai dernier jusqu’au dépôt de ce texte ambitieux, a su faire preuve de constance.
Les deux commissions saisies et leurs présidents respectifs, Claude Raynal pour la commission des finances et Jean-François Longeot pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, méritent également notre reconnaissance pour ce travail en bonne intelligence, dans la suite du rapport commun à leurs commissions, élaboré par nos collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, sur les inondations ayant frappé l’ensemble du territoire durant l’hiver 2023-2024.
Je tiens à souligner l’importance du travail réalisé par Jean-François Rapin, rapporteur au fond, qui a notamment veillé à l’équilibre des relations entre assureurs et assurés : ainsi, la consolidation des articles 2 et 3 améliore la couverture assurantielle des particuliers dans les cas d’aléas répétés ou de forte exposition aux aléas.
Je salue également l’implication de notre collègue Pascal Martin, rapporteur pour avis, qui, fort de son expérience de colonel de sapeurs-pompiers,…
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone. … a mis l’accent sur l’acculturation du risque dès l’école, laquelle me semble constituer un aspect primordial du sujet.
Comme rapporteur de la loi Élan, je le félicite aussi pour son amendement visant à renforcer les obligations d’information concernant le risque RGA prévues par cette loi.
Je souhaite que la proposition de loi de Christine Lavarde soit adoptée le plus largement possible dans cet hémicycle et qu’elle soit examinée dans les meilleurs délais à l’Assemblée nationale, afin que cette réforme, légitimement attendue, aboutisse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en janvier 2020, je présentais ici même une proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, que le Sénat votait à l’unanimité.
Malgré la clairvoyance de notre Haute Assemblée, les députés lui ont préféré la loi Baudu, laquelle, bien que moins-disante, tentait d’améliorer quelques points sur la question des franchises.
Néanmoins, nous avons rapidement constaté ses insuffisances. Deux exemples en attestent : d’abord, la composition de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles, qui est chargée de rendre des avis sur les décisions de classement des territoires en catastrophe naturelle, demeure inconnue ; ensuite, les référents départementaux ne sont toujours pas nommés au sein des préfectures. L’accompagnement des élus locaux et des associations de sinistrés n’est donc pas assuré, malgré l’adoption de cette loi en décembre 2021.
Outre ce temps précieux perdu, alors que la fréquence des catastrophes naturelles s’intensifie, il subsiste de nombreuses zones d’ombre pour garantir aux sinistrés une juste compensation et diffuser une culture du risque à tous les niveaux : préfectures, collectivités locales et particuliers.
Les prévisions de la Caisse centrale de réassurance, à l’instar de celles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), sont implacables et réalistes ; la nouvelle vague d’inondations dans le Sud-Est en témoigne. Ces fortes précipitations conjuguées à des périodes de sécheresse sont absolument dévastatrices. L’heure n’est donc plus à la tergiversation.
Concernant le retrait-gonflement des argiles, nous accueillons avec satisfaction les orientations du nouveau plan national d’adaptation au changement climatique présenté la semaine dernière, lequel prévoit de renforcer le fonds Barnier, de maintenir une offre assurantielle sur l’ensemble du territoire, d’informer le public et d’ouvrir un guichet unique de l’adaptation.
Toutefois, nous souhaitons envoyer un message au Gouvernement : sans investissement ni effort budgétaire, ces objectifs demeureront de simples déclarations d’intention.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui apporte des évolutions bienvenues pour garantir l’intégrité du régime CatNat, qui repose sur des financements publics et privés.
Dans nos départements, nous constatons les lacunes du régime actuel, qui écarte des territoires entiers pourtant touchés par des catastrophes naturelles. S’il est crucial de chercher de nouvelles ressources pour le fonds Barnier, il est tout aussi essentiel de garantir l’équité dans les procédures de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. La question de la gouvernance du régime se pose, compte tenu de l’incurie actuelle et alors que la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles n’a toujours pas vu le jour.
En outre, la présence de représentants des élus locaux et des associations de sinistrés au sein même de la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, décisionnaire pour toutes les demandes des communes, nous paraît primordiale si l’on veut réellement prendre en compte les exclus du régime. Les récents rapports parlementaires l’ont suffisamment démontré : près de 50 % des communes demandeuses ne sont pas reconnues en état de catastrophe naturelle. Ces situations engendrent désespoir et incompréhension au niveau local.
En matière de prévention des risques, nous saluons les ajouts du rapporteur pour avis. Ce volet est fondamental : un euro investi dans la prévention permet d’économiser 7 euros dans l’indemnisation des sinistres.
Des solutions techniques face au risque de retrait-gonflement des argiles sont en passe d’être finalisées à l’horizon 2026. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a ainsi créé le dispositif Mach+, qui vise à réhumidifier les sols argileux grâce à la récupération des eaux de pluie. À cet égard, l’article 9 est pertinent, puisqu’il étend le champ du fonds Barnier au financement de dispositifs expérimentaux.
Au-delà des mesures proposées, il me semble utile d’impliquer les collectivités locales chargées de l’urbanisme dans ce nouveau paradigme de prévention face au risque de RGA. Dans une perspective d’adaptation à long terme, la prise en compte de ce risque dans les documents d’urbanisme est un levier qu’il convient d’offrir aux communes et aux intercommunalités, afin de leur permettre de veiller à la résilience du bâti.
De même, la création d’une section outre-mer du fonds Barnier constituerait une avancée notable pour des territoires qui sont loin d’être épargnés.
Comme nous le soulignions dans notre proposition de loi visant à préserver des sols vivants, la connaissance de nos sols est un impératif pour faire face aux changements climatiques, tant pour notre alimentation que pour notre sécurité. Les catastrophes naturelles mettent en effet en exergue les impensés des générations précédentes en termes d’artificialisation et d’urbanisme ; désormais, la logique de prévention et de ménagement du territoire doit guider l’action publique.
En l’état, la proposition de loi en discussion ne répond pas pleinement à la problématique posée par le phénomène de retrait-gonflement des argiles, mais elle améliore le fonctionnement du fonds Barnier et en assure la pérennité ; de surcroît, elle renforce la politique de prévention des risques naturels.
Je déplore néanmoins une application trop stricte de l’article 40 de la Constitution, qui a conduit à écarter de la discussion un amendement fortement réclamé par les associations de sinistrés, qui tendait à allonger les délais pour faire valoir les droits à indemnisation, notamment dans le cadre du phénomène de retrait-gonflement des argiles.
Il va de soi, mes chers collègues, que nos débats orienteront notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
M. Gilbert Favreau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le recensement des catastrophes naturelles révèle une augmentation considérable de leur fréquence depuis le début du siècle. Le réchauffement climatique et la croissance démographique mondiale constituent les deux principaux facteurs de cette aggravation de la situation.
L’indemnisation des catastrophes naturelles n’existe que dans quelques pays, dont la France, où le préambule de la Constitution de 1946 et la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ont contribué à la mise en place de la couverture des risques naturels.
Pour autant, celle-ci demeure très insuffisante, d’où le texte qui nous est soumis aujourd’hui.
Actuellement, l’indemnisation des dommages repose sur une prime additionnelle de 12 % sur les contrats d’assurance dommages aux biens, à l’exception des véhicules à moteur, et une surprime de 6 % sur les contrats d’assurance contre le vol ou l’incendie, auxquelles il faut ajouter une réassurance publique mutualisant les portefeuilles d’assurance au niveau national et bénéficiant de la garantie de l’État.
Or la hausse très significative des catastrophes naturelles ne permet plus de répondre de manière satisfaisante aux demandes d’indemnisation. Le département des Deux-Sèvres en offre un exemple flagrant : l’an dernier, un séisme de grande ampleur a provoqué des dégâts considérables sur une grande partie de son territoire. Sur les 175 communes ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, seuls dix dossiers ont été retenus. Nous devons réfléchir à cette proportion, qui ne semble guère refléter la réalité.
Je tiens à remercier Mme Christine Lavarde de son initiative. Sa proposition de loi organise une prise en charge à deux niveaux.
Les articles 1 à 5 renforcent la protection des assurés en améliorant le régime d’indemnisation s’agissant des surprimes et des franchises, en garantissant l’indépendance des experts et en rendant plus libre l’utilisation des indemnités d’assurance.
Les articles 6 à 9 favorisent les assurés adoptant des mesures de prévention, qui pourront bénéficier de prêts à taux zéro, ainsi que les propriétaires de logements exposés aux risques naturels majeurs grâce au dispositif MaPrimeRénov’. Enfin, l’accès au fonds Barnier est étendu aux sinistres liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles.
Je salue la pertinence des mesures prévues dans cette proposition de loi, que je voterai bien évidemment.
Cependant, face à l’augmentation croissante des catastrophes naturelles, nous pouvons, à mon sens, faire mieux en nous inspirant des mesures efficaces et couronnées de succès prises à l’étranger : je pense notamment au contrat climat suisse, particulièrement performant, aux contrôles techniques de l’habitat dans les zones à risque, ou encore aux techniques de reconstruction post-sinistre renforçant la solidité des bâtiments.
En outre, une information régulière sur les catastrophes naturelles dans ces mêmes zones serait de nature à limiter les conséquences des sinistres, en ce qui concerne tant les dommages matériels que les accidents de personnes.
Ces mesures, ajoutées à celles que prévoit la présente proposition de loi, contribueraient à réduire très nettement les effets néfastes des catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles
Chapitre Ier
Améliorer le financement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et mieux protéger les assurés lors de la procédure d’indemnisation
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Dantec, Gontard et Benarroche, Mme de Marco, M. Fernique, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 125-1 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’état de catastrophe naturelle est automatiquement reconnu pour les communes qui en font la demande et qui sont situées dans des zones géographiques, climatiques, géologiques ou hydrologiques prédéfinies par un arrêté interministériel, lorsque l’intensité anormale d’un agent naturel excède les seuils de référence, définis en fonction des données locales de précipitations, de mouvements de terrain, de niveau des nappes phréatiques ou de tout autre critère pertinent propre à ces territoires. » ;
2° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée : « L’état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté préfectoral en cas de catastrophe concentrée sur une commune ou groupement de communes, ou interministériel en cas de catastrophe naturelle de plus grande ampleur, qui détermine les zones et les périodes où s’est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « la décision des ministres » sont remplacés par les mots : « la décision du préfet ou des ministres ».
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Par cet amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose de faciliter la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour les communes.
En l’état, la présente proposition de loi vise à majorer chaque année les recettes engendrées par la surprime CatNat. Or le produit de cette dernière passera de 1,9 milliard d’euros en 2024 à un montant compris entre 3,2 milliards et 3,7 milliards d’euros à partir de 2025.
Le texte prévoit la revalorisation annuelle du taux de cette cotisation additionnelle, afin de rendre son évolution plus progressive. Cependant, cela ne saurait se faire sans la contrepartie que constituerait une meilleure indemnisation des victimes des catastrophes naturelles.
Bien qu’il existe un consensus relatif quant aux difficultés rencontrées par les sinistrés pour obtenir réparation, cette proposition de loi ne garantit pas, en définitive, une amélioration de la situation.
En effet, le premier frein à une juste indemnisation des victimes réside dans les difficultés que rencontrent les collectivités locales pour être reconnues en état de catastrophe naturelle. Il est établi que la moitié des communes ayant demandé cette reconnaissance à la suite d’un phénomène de retrait-gonflement des argiles se la voient refuser, alors même que celle-ci est un préalable indispensable à l’indemnisation des sinistres.
Cette proposition de loi ne modifie aucunement les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et d’indemnisation des sinistrés. Elle n’améliorera donc pas substantiellement le fonctionnement du régime CatNat, dont le financement repose sur un taux de surprime qui n’a pas évolué depuis vingt-cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je partage votre préoccupation, ma chère collègue, ainsi que le sentiment qu’il est probablement nécessaire de réviser les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Mais accordons-nous au moins sur le fait qu’une telle évolution doit être précédée d’un état des lieux et, surtout, d’une étude d’impact. Telle est la logique que notre assemblée s’efforce de suivre aussi souvent qu’elle le peut.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Madame la sénatrice, comme vous le savez, les demandes des sinistrés sont d’abord instruites à l’échelle locale, puis au niveau ministériel.
Au cours d’une première étape, elles sont traitées par les services déconcentrés compétents, placés sous la responsabilité des préfets de département. Les particularités des territoires sont donc prises en compte dans la composition même des dossiers des communes constitués à l’échelon local.
Dans un second temps, ces dossiers sont transmis par les préfets de département au ministère de l’intérieur. Ils sont alors présentés pour avis à une commission composée de représentants des différents ministères et d’experts techniques. Cette commission applique avec constance les mêmes critères et les mêmes méthodes d’analyse des phénomènes naturels pour en caractériser l’intensité, ce qui garantit un traitement identique de tous les dossiers présentés sur l’ensemble du territoire national, un principe auquel nous sommes très attachés.
Par ailleurs, la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle rend des avis simples ne liant pas l’autorité administrative. Les décisions portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, énumérant les communes reconnues et non reconnues, sont prises conjointement par le ministre chargé de l’économie et des finances, le ministre du budget et des comptes publics, le ministre de l’intérieur et, le cas échéant, celui de l’outre-mer. Ces arrêtés interministériels sont publiés au Journal officiel.
Il ressort donc de la loi et des différentes circulaires d’application que la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est largement déconcentrée et que la phase d’instruction des demandes à l’échelon ministériel vise seulement à garantir un traitement identique des situations communales sur l’ensemble du territoire national.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. J’entends bien que la procédure en vigueur garantit un traitement égalitaire entre toutes les collectivités et qu’un état des lieux est nécessaire. Cela étant, nous disposons déjà d’un bilan : comme je l’ai signalé, la moitié des communes qui en font la demande ne sont pas reconnues en état de catastrophe naturelle.
Certes, la cartographie du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) manque aujourd’hui de précision et ne descend pas jusqu’à l’échelle la plus fine, celle de la parcelle, mais, comme vous nous l’avez indiqué, madame la ministre, une nouvelle version est en cours d’élaboration. J’ajoute, s’agissant des annonces du Gouvernement, que la création d’un Observatoire de l’assurabilité présente un intérêt tout particulier.
Dès à présent, il est impératif de trouver des solutions, car les catastrophes naturelles ne cessent de se multiplier. Nous sommes confrontés à des sinistrés, qui ne parviennent pas à obtenir d’indemnisation, notamment à la suite de phénomènes de retrait-gonflement des argiles. Des mesures ont été prises pour que les assureurs et la Caisse centrale de réassurance disposent de fonds suffisants, ce qui est encourageant, mais il est tout aussi crucial de se pencher sur la question de l’indemnisation des assurés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
La seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances est complétée par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , et il est revalorisé le 1er janvier de chaque année par application d’un coefficient. Avant le 1er janvier 2027, puis tous les trois ans, un décret définit le coefficient applicable. »