Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous intéressons une nouvelle fois aujourd’hui spécifiquement aux collectivités que nous représentons, et c’est parfaitement justifié.

Une semaine après un premier texte qui n’a pas été voté par le Sénat – on retrouve d’ailleurs la même équipe au banc des commissions, mais je prédis que le résultat ne sera pas le même –, le texte qui nous intéresse cet après-midi vise à assouplir les critères de complétude d’un conseil municipal, critère nécessaire à son action. Plus précisément, il s’agit de résoudre un certain nombre de problèmes liés aux règles encadrant l’élection du maire d’une commune nouvelle.

Nous le savons tous, pour le vivre, nos communes font face à de grandes difficultés pour trouver des citoyens s’engageant dans la vie démocratique locale, en particulier au sein des conseils municipaux.

Le constat du manque d’attractivité de la fonction d’élu local est partagé par nous tous et fait l’objet d’une réflexion permanente.

Ce manque d’attractivité pèse sur la vie démocratique, car il complique la constitution de listes dans les petites communes et le maintien d’un quorum nécessaire pour conduire l’action locale.

C’est l’une des raisons pour lesquelles, dès 2010, la loi a permis la constitution de communes nouvelles. Cependant, une difficulté est apparue avec les règles d’élection du maire. Les auteurs du texte ont rappelé justement que le conseil municipal est composé, jusqu’au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, de l’ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes. Or, si les communes composant la commune nouvelle comptent moins de 1 000 habitants, il n’existe pas de suivant de liste. Ainsi, dans ce cas, s’il ne manque qu’une personne dans ce conseil municipal, toute vacance du poste de maire entraîne une nouvelle élection intégrale pour pouvoir de nouveau élire un maire.

Au-delà des complexités organisationnelles majeures, du coût de telles élections, des difficultés de constitution des listes, il est politiquement compliqué d’empêcher les élus ayant participé à la création de la commune nouvelle de continuer à participer à son développement et à son éclosion.

La rapporteure a aussi mis en avant que l’organisation du renouvellement avait conduit à « une baisse souvent brutale du nombre de conseillers municipaux ».

En effet, il est actuellement prévu que l’effectif du conseil municipal décroît progressivement à chaque nouvelle élection, ce qui permet le maintien du contact des citoyens avec une structure nouvelle qu’ils doivent s’approprier. Le retour à un effectif légal ordinaire n’est prévu qu’après le deuxième renouvellement général.

Cette progressivité serait donc mise à mal et bien trop accélérée par la nécessité d’écourter le mandat municipal afin d’élire un conseil municipal pour l’élection d’un nouveau maire.

Aussi, les auteurs et la rapporteure ont fait le choix de permettre l’application de la dérogation prévue à l’article L. 2113-8-1 A du code général des collectivités territoriales autorisant l’élection du maire en cas de conseil municipal incomplet.

Cette dérogation n’est pas absolue, cette élection ne pouvant pas avoir lieu si plus d’un tiers des sièges du conseil municipal étaient vacants.

Au groupe GEST, nous sommes conscients qu’il s’agit d’une loi de résilience face à une désertion de plus en plus grande des fonctions électives au sein de nos communes.

L’enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) de novembre 2023, dont nous parlons souvent, le rappelait : « Le répertoire national des élus (RNE) établi en juillet 2023 permet d’estimer le nombre de démissions à environ 1 300 sur les trois dernières années, soit un rythme de 450 démissions dans l’année, contre 350 par an au cours de la précédente mandature. »

Le groupe GEST milite, vous le savez, pour une réforme du statut de l’élu qui aille plus loin, avec une formation, une protection et des rémunérations adéquates pour tous les élus. Il faut une capacité fiscale et d’action renouvelée à l’échelon local, bref, un renouveau démocratique fondé sur une participation citoyenne réelle. Il n’y a rien de tel dans les textes que nous avons votés ces dernières années et nous devons nous attacher à voter des lois de nature à répondre de manière urgente à ces préoccupations. Sans ces changements majeurs, cette proposition de loi ne constituera qu’un pansement temporaire. Même si les pansements ont parfois du bon… Si elle est nécessaire, elle est cependant loin d’être suffisante. J’incite donc le Gouvernement et Françoise Gatel – je sais qu’elle en a la volonté – à travailler sur le sujet. Le Sénat sera là pour l’y aider.

Le groupe GEST votera ce texte, tout en rappelant qu’il est plus que temps de susciter l’engagement de tous les citoyens dans l’action locale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Patricia Schillinger et M. Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de faire original sur ce sujet en intervenant en tant que dernier orateur. (Sourires.)

Pour aller relativement vite, je veux simplement dire que les communes nouvelles constituent une particularité au sein de nos collectivités territoriales. Les communes nouvelles, c’est l’anti-loi Marcellin ; c’est la perspective de pouvoir se réunir si on le souhaite ; c’est la perspective de faire ensemble si on le veut bien.

Depuis les initiatives prises par Jacques Pélissard, qui ont abouti à la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales, en passant par la loi de 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), et jusqu’au texte visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires de 2019 – Mme la ministre le connaît bien –, les élus, et le Sénat en particulier, sont au chevet des communes nouvelles.

Néanmoins, le rapport flash de la délégation aux collectivités territoriales que nous avons pu commettre, Françoise Gatel et moi-même, a montré qu’il était nécessaire d’améliorer la situation de ces communes nouvelles, que ce soit fonctionnellement ou financièrement, et nous nous y sommes d’ailleurs employés pendant l’examen du dernier projet de loi de finances.

En effet, la progression du nombre de communes nouvelles a été importante à partir de 2015, puis a progressivement ralenti dans le temps. Or nous devons avoir comme perspective qu’il n’existe aucun facteur désincitatif susceptible de gêner soit le fonctionnement des communes nouvelles, soit la création de nouvelles structures de ce type.

Ce texte apporte tout simplement un traitement particulier à un cas particulier, mais il n’en demeure pas moins qu’il faut traiter toutes les difficultés qui peuvent concerner ces communes nouvelles. Or l’une des caractéristiques essentielles de leur régime, c’est la diminution progressive dans le temps des conseillers municipaux, c’est-à-dire que l’on passe en douceur d’un état antérieur, qui est marqué par la pluralité, à un autre, qui est marqué par la singularité. En l’espèce, le fait de remplacer, dans le code général des collectivités territoriales, les mots : « la première réunion du conseil municipal » par les mots : « le premier renouvellement général des conseils municipaux » va tout simplement permettre d’éviter des renouvellements électoraux qui sont inutiles et qui peuvent, d’une certaine façon, briser la dynamique propre à la commune nouvelle qui vient de se mettre en place. C’est tout le cœur du sujet.

Bien entendu, et sans surprise, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour ce texte, qui – je m’inscris dans les pas de Cécile Cukierman – aurait pu être sans problème un texte transpartisan. Plus fondamentalement, madame la ministre, pour conclure, je dirai que le texte d’aujourd’hui est un bon exemple de ce qu’il est possible de faire : de temps en temps, il importe d’observer les problèmes locaux et de les traiter en partant du bas vers le haut, plutôt que d’imposer des solutions prescriptives du haut vers le bas. C’est une bonne idée qu’il faut sûrement reprendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Alain Marc.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet
 

5

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 9 octobre, M. Claude Raynal, président de la commission des finances, a demandé l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l’orientation des finances publiques.

Nous pourrions inscrire ce débat à l’ordre du jour du mardi 29 octobre, le soir.

Dans l’organisation de ce débat, nous pourrions attribuer, après l’intervention liminaire du Gouvernement et les interventions des commissions des finances et des affaires sociales, un temps de parole d’une heure pour les groupes politiques.

Par ailleurs, nous pourrions fixer le délai limite pour l’inscription des orateurs des groupes au lundi 28 octobre à quinze heures.

Y a-t-il des oppositions ?…

Il en est ainsi décidé.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
Discussion générale (suite)

Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 555 [2023-2024], texte de la commission n° 643 [2023-2024], rapport n° 642 [2023-2024], avis n° 644 [2023-2024]).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi quinquennale sur l’énergie est encore attendue.

Sur l’initiative des commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-climat, avait fixé le principe d’une telle loi.

Son objectif était – et demeure – de consacrer la préséance du Parlement sur l’administration et de la politique sur le technique dans le secteur, stratégique, de l’énergie.

Depuis lors, le code de l’énergie dispose qu’une loi détermine, tous les cinq ans, les objectifs de notre politique énergétique nationale.

Cette loi doit couvrir la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), la réduction de la consommation énergétique, le développement des énergies renouvelables, la diversification du mix électrique, la rénovation énergétique des bâtiments et l’autonomie énergétique dans les outre-mer.

Elle doit prévaloir sur quatre documents réglementaires : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le plan national intégré en matière d’énergie et de climat (Pniec) et la stratégie de rénovation à long terme.

Or aucune loi quinquennale sur l’énergie n’a pour l’heure été votée.

Certes, l’actuelle ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a porté un projet de loi sur la souveraineté énergétique, dont le titre premier était consacré à la programmation énergétique, en décembre 2023. Cependant, ce projet de loi n’a pas survécu au remaniement de janvier 2024, alors que seules des consultations sur les documents réglementaires avaient été engagées.

C’est pourquoi le Sénat, qui a toujours plaidé pour légiférer sur la stratégie énergétique, a déposé sa propre proposition de loi ; elle a été très largement adoptée en commission, le 31 mai dernier, et devait être examinée en séance le 10 juin suivant. La dissolution aura décalé son examen jusqu’à aujourd’hui. Je me réjouis que la programmation énergétique soit de nouveau à l’agenda.

Le « Pacte législatif d’urgence », présenté par les présidents des groupes Les Républicains, en juillet dernier, prévoit l’élaboration d’une loi de programmation et de transition énergétique. Dans son discours de politique générale du 1er octobre dernier, le Premier ministre a, quant à lui, annoncé que les travaux de planification énergétique allaient reprendre immédiatement.

C’est donc le moment d’avancer, de manière transpartisane, constructive, consensuelle, sur ce sujet crucial, car l’absence de loi quinquennale sur l’énergie portant stratégie énergétique pose une vraie difficulté politique et juridique. Elle instille de l’incertitude, alors que la transition énergétique nécessite, pour réussir, une stratégie claire, des normes adaptées et des moyens suffisants.

L’absence de loi de programmation pose problème eu égard aux engagements pris. Le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie est issu d’un compromis trouvé lors de la commission mixte paritaire réunie à l’occasion de la loi Énergie-climat de 2019. Je rappelle que c’est l’Assemblée nationale qui, saisie du texte en premier, l’avait proposé. De son côté, le Sénat avait fortement soutenu cette proposition, suggérant l’intégration au champ de ce texte de la rénovation énergétique et de l’autonomie énergétique, dès 2019, puis de l’hydroélectricité et de l’hydrogène, en 2021, et du stockage, en 2023.

Respecter les compromis de commission mixte paritaire, c’est une marque de confiance essentielle pour la démocratie parlementaire, madame la ministre.

L’absence de loi de programmation pose aussi problème au regard de l’application de la loi.

Le code de l’énergie prévoit qu’une loi de programmation doive intervenir à compter du 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, et que les documents réglementaires soient compatibles avec ses objectifs.

Par ailleurs, la PPE et la SNBC doivent être adoptées dans les six mois suivant l’adoption de cette loi. Des outils très concrets, tels que les appels d’offres, les comités régionaux ou les zones d’accélération doivent contribuer à l’atteinte des objectifs fixés par celle-ci. Sans ce texte, c’est toute la mécanique administrative qui peut être grippée.

L’absence de loi de programmation pose également problème au regard du cadre européen.

Actualisés lors de la loi Énergie-climat de 2019, nos objectifs énergétiques sont à jour du « paquet d’hiver » de 2016, mais pas du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de 2021. Il faut donc intégrer les règlements : je pense à ceux sur le climat, l’aviation ou le maritime. Il faut aussi intégrer les directives : je pense à celles sur les énergies renouvelables ou sur l’efficacité énergétique.

Ces directives, qui proposent des objectifs ambitieux, doivent être transposées d’ici à 2025. Il faut s’atteler, dès à présent, à cet exercice de transposition – et non pas de surtransposition –, en choisissant toujours les options les moins créatrices de normes et les plus protectrices de nos intérêts.

L’absence de loi de programmation pose par ailleurs problème au regard des attentes soulevées.

Dès 2021, le précédent gouvernement avait lancé des concertations préalables : 30 000 contributions ont été reçues et 200 jeunes consultés. Les entreprises, les collectivités et les citoyens sont donc dans l’expectative.

Dans sa délibération du 19 janvier dernier, sur l’ancien projet de loi présenté par Mme Pannier-Runacher, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) demandait « la présentation d’un calendrier de travail sur l’élaboration de la programmation énergie-climat ».

Dans son avis du 25 janvier suivant, le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) regrettait « la suppression du titre programmatique qui aurait permis de fixer un cap indispensable à la réussite de la transition énergétique et climatique ». Quels que soient les acteurs, économiques ou environnementaux, on constate une forte attente pour légiférer.

L’absence de loi de programmation pose en outre problème au regard des besoins identifiés.

Afin de réussir la transition énergétique, les filières économiques attendent un État stratège, un cap clair, prévisible et légitime, pour réaliser leurs investissements et mobiliser leurs financements.

La filière nucléaire est demandeuse d’une assise législative actant la construction de nouveaux réacteurs. C’est un point crucial pour nous, qui estimons que seule la loi peut offrir à la relance du nucléaire l’ambition politique et la protection juridique dont elle a besoin. On a trop souvent reproché au plan Messmer d’avoir été imposé par décret, de manière technocratique. Légiférons pour donner à la relance du nucléaire une légitimité démocratique et la mettre à l’abri des soubresauts politiques et des accroches contentieuses.

Les filières renouvelables sont aussi demandeuses d’une loi pour diversifier la production ou modérer la consommation. Ayons à l’esprit que le fonctionnement des marchés de l’énergie ne conduira pas naturellement à la transition énergétique. Il faut, au contraire, mobiliser des outils de régulation pour catalyser les investissements et infléchir les comportements.

De la même façon, nous soutenons une ambition forte en matière d’hydroélectricité, de chaleur, de biogaz, de biocarburants, toutes ces énergies locales souvent sous-estimées, mais qui sont pourtant indispensables pour diffuser la transition énergétique jusque dans les territoires ruraux. Quel que soit le secteur, nucléaire comme renouvelables, on constate une forte attente pour légiférer.

Enfin, et surtout, l’absence de loi de programmation pose un problème démocratique. Parce qu’elle induit des changements ou, à tout le moins, des questionnements, la transition énergétique doit être l’objet d’un examen au Parlement. Même au Parlement européen, un débat a bien eu lieu sur ces sujets, dans le cadre de l’examen du paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». C’est désormais à la représentation nationale de se prononcer.

C’est dans ce contexte que la présidente Dominique Estrosi Sassone, le président Bruno Retailleau et moi-même avons souhaité présenter une proposition de loi de programmation et de simplification dans le secteur de l’énergie.

Composée de vingt-cinq articles, dont treize sur la programmation et onze sur la simplification, elle vise à acter la relance du nucléaire pour maintenir, a minima, un mix nucléaire aux deux tiers en 2030 et majoritaire en 2050.

Elle est le fruit de mes travaux dans le cadre du groupe d’études Énergie, que je préside depuis près de dix ans.

J’ai acquis la conviction que, dans le domaine de l’énergie, l’essentiel des sujets peuvent et doivent relever d’un compromis national. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050, la promotion de toutes les énergies décarbonées, nucléaire comme renouvelables, est une évidence. Il faut se hisser à la hauteur des enjeux, sortir des postures et avancer de manière ambitieuse, mais concrète, dans le sens de la transition et de la souveraineté énergétiques.

L’examen de cette proposition de loi sera l’occasion d’un débat parlementaire de fond et de qualité, comme nous en avons l’habitude au Sénat.

Je souhaite que nous posions les bases d’un mix plus résilient, plus décarboné, à même de relever les défis que nous avons devant nous : la réduction des émissions de GES, la réduction de la consommation fossile et l’augmentation de la consommation électrique.

Au total, nous devons tout à la fois maximiser la production, adapter les réseaux, réduire la consommation, favoriser les rénovations et protéger les consommateurs. C’est une lourde tâche que nous devrons conduire ces prochaines années ; débattons-en dès aujourd’hui !

Je remercie la présidente Estrosi Sassone et le président Darnaud, qui ont rendu ce débat possible, ainsi que les rapporteurs Alain Cadec, Patrick Chauvet et Didier Mandelli, qui ont consolidé le texte initial. Je salue également la ministre de l’énergie, Olga Givernet, avec qui nous avons eu des débats constructifs. J’associe à mes remerciements les membres du groupe Énergie du Sénat, les membres de la commission des affaires économiques, l’ensemble des organisations que nous avons auditionnées, ainsi que les fonctionnaires du Sénat qui nous ont accompagnés dans nos travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, j’ai été désigné rapporteur du titre Ier de la proposition de loi, qui porte sur la programmation.

La proposition de loi fixe en effet une programmation énergétique ambitieuse. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, elle prévoit de maximiser la production d’énergie, nucléaire comme renouvelable, et de maîtriser la consommation, via les rénovations énergétiques et les économies d’énergie.

L’article 1er consacre les grands principes des systèmes électriques et gaziers, dont les participations de l’État dans certaines entreprises, EDF et Engie, la propriété publique de certains réseaux ou encore la péréquation tarifaire en électricité et le prix de référence du gaz.

L’article 2 tend à abroger la trajectoire de hausse de la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation d’énergie, dont le gel avait été annoncé en 2018.

L’article 3 a pour objet d’acter la relance du nucléaire, avec au moins 27 gigawatts de nouveau nucléaire, dont quatorze EPR2 (Evolutionary Power Reactor 2) et quinze SMR (Small Modular Reactor). L’objectif est de cranter dans la loi, dès 2024 et a minima, le scénario N03 de Réseau de transport d’électricité (RTE), c’est-à-dire le plus nucléarisé. L’enjeu est de conserver un mix nucléaire aux deux tiers en 2030, et majoritaire en 2050. Six EPR2 supplémentaires sont même proposés pour couvrir les besoins en cas de réindustrialisation, ce que nous souhaitons tous.

Une version résolument moderne du nucléaire est souhaitée avec, d’ici à 2030, des objectifs de décarbonation du mix électrique de 90 %, de disponibilité des installations nucléaires de 75 %, et de recours aux matières recyclées de 10 %. Un effort de recherche et d’innovation en direction du cycle du combustible nucléaire est également prévu.

L’article 4 consacre les différentes flexibilités, dont au moins 6,5 gigawatts d’hydrogène, 1 gigawatt de batteries et 4 mégatonnes de captage du carbone d’ici à 2030.

L’article 5 promeut les énergies renouvelables, avec au moins 29 gigawatts de capacités pour l’hydroélectricité, 45 % de chaleur, 20 % de biogaz et 50 térawattheures de biocarburants d’ici à 2030 ou 2035.

Les articles 6 et 7 prévoient une baisse de 15 % des émissions de GES des carburants du secteur du transport et une part de 5,5 % de carburants renouvelables d’ici à 2030.

Les articles 8 et 11 consacrent une réduction de 50 % des émissions de GES, de 30 % de la consommation finale totale et de 45 % de la consommation primaire fossile d’ici à 2030. Pour ce faire, et sous réserve de la sécurité d’approvisionnement, l’arrêt du recours aux centrales électriques à charbon est prévu d’ici à 2027.

L’article 9 a pour but d’accompagner la rénovation énergétique, avec 900 000 rénovations par an, soutenues par MaPrimeRénov’, dès 2030, et jusqu’à 2 500 térawattheures d’économies par an, soutenues par les certificats d’économies d’énergie, dès 2026.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons auditionné une trentaine de personnalités, issues d’une vingtaine d’organismes, qui ont toutes indiqué soutenir la proposition de loi.

Concernant la filière nucléaire, le groupe EDF a salué l’inscription de six EPR2, correspondant à 10 gigawatts de capacités, et a précisé que d’autres réacteurs étaient nécessaires. De son côté, la Société française d’énergie nucléaire (Sfen) a appelé à inscrire dans la loi, non seulement ces 10 gigawatts, dès 2026, mais aussi 25 gigawatts de capacités d’ici à 2050. Quant à RTE, il a confirmé que le texte se rapprochait de son scénario N03.

Les filières renouvelables et de l’hydrogène ont, quant à elles, jugé les objectifs pertinents.

Au total, nous avons déposé une trentaine d’amendements techniques, une moitié en commission et l’autre en séance publique.

En commission, nous avons ajusté les objectifs en ce qui concerne l’énergie nucléaire, en matière de disponibilité des installations, de recours au recyclage et de développement des réseaux, et nous avons conforté ceux qui s’appliquent aux énergies renouvelables en promouvant l’énergie hydrolienne, le froid renouvelable et le stockage hydraulique.

En séance, nous proposerons de consolider les objectifs de production en complétant celui qui s’attache au cycle du combustible nucléaire et en relevant celui qui concerne les réacteurs de quatrième génération. Nous proposerons des ajustements sur la consommation, en complétant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en ajustant celui de réduction des consommations fossiles et totales.

En définitive, la programmation énergétique proposée répond aux attentes des acteurs auditionnés, elle est très ambitieuse et offre un horizon mobilisateur en faveur de la transition énergétique.

Je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Daniel Gremillet, la présidente de la commission, Mme la ministre, et tous nos collègues qui ont œuvré sur ce dossier. Au nom de notre commission, je vous invite donc à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été désigné rapporteur du titre II de cette proposition de loi, lequel porte sur la simplification. Il doit permettre d’accélérer la production d’énergie et d’hydrogène, nucléaire comme renouvelable, de mobiliser les collectivités territoriales et de protéger les consommateurs d’énergie.

Une première série de mesures concerne l’énergie nucléaire.

L’article 14 modifie la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi Nouveau Nucléaire, afin de prolonger ses dispositions à vingt-sept ans, de faciliter l’implantation des petits réacteurs modulaires SMR en dehors des installations existantes et d’allonger les concessions d’occupation du domaine maritime à cinquante ans.

L’article 15 modifie aussi cette loi pour appliquer plusieurs dispositions au projet de fusion Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor) : la dérogation à l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), le bénéfice de la raison impérative d’intérêt public majeur et la dérogation à la loi Littoral.

L’article 16 renforce les sanctions à l’encontre des intrusions dans les installations nucléaires.

La deuxième série de mesures de simplification porte sur les collectivités territoriales.

L’article 17 étend les sociétés locales de production d’énergie renouvelable aux projets d’hydrogène.

L’article 18 élargit aux projets d’éolien en mer et d’hydrogène la contribution au partage territorial de la valeur dont les communes et leurs groupements doivent bénéficier sur chaque appel d’offres d’électricité ou de gaz renouvelables.

La troisième série de mesures a trait aux énergies renouvelables.

L’article 19 applique le bilan carbone prévu pour réduire les émissions, mais aussi pour soutenir les industriels, aux projets hydroélectriques attribués par guichets ouverts.

L’article 20 facilite la dérogation au débit réservé et les augmentations de puissance pour les installations hydroélectriques.

L’article 21 autorise, à titre expérimental et pour les concessions hydroélectriques échues, le passage du régime des concessions vers celui des autorisations, afin de sortir enfin du contentieux européen.

L’article 22 renforce les sanctions contre les projets agrivoltaïques alibis.

Une dernière série de mesures concerne la protection des consommateurs.

L’article 23 dote la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de compétences pour surveiller les contrats de long terme en électricité et en gaz renouvelables, et favoriser l’essor des installations d’hydrogène, d’une part, et du captage du carbone, d’autre part.

L’article 24 encadre la définition des offres, la modification des contrats et l’information des consommateurs et complète le comparateur d’offres du médiateur national de l’énergie.

Les dispositions ainsi proposées sont issues des travaux d’application des lois de la commission des affaires économiques du Sénat, en particulier du rapport de Daniel Gremillet sur la loi Nouveau Nucléaire et du mien sur la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper. Nous avions tous deux identifié des dispositions à ajuster ou à compléter.

Tout comme le titre Ier, concernant la programmation, le titre II, qui s’attache à la simplification, fait l’objet d’un accueil très positif parmi les acteurs auditionnés. Les filières nucléaire et renouvelables ainsi que les associations d’élus locaux ont ainsi plébiscité les mesures de simplification qui les concernent.

La CRE et le médiateur national de l’énergie, quant à eux, ont accueilli très positivement les mesures de régulation et de protection proposées, tout en suggérant des compléments.

Parmi les trente amendements techniques que nous avons déposés, plusieurs concernent ces dispositions de simplification et de régulation.

En commission, nous avons conforté certaines mesures de simplification.

Ainsi, nous avons appliqué l’allongement de celles qui sont prévues pour les réacteurs nucléaires aux installations d’entreposage liées.

Plus encore, nous avons prévu qu’une menace sur la sécurité d’approvisionnement permette un recours aux centrales électriques à charbon après 2027.

Enfin, nous avons intégré les technologies de captage du carbone dans la prochaine loi de programmation.

Nous avons également complété les mesures de régulation.

Tout d’abord, nous avons donné à la CRE une base légale pour la détermination du prix de référence du gaz.

En outre, nous avons décliné sur un plan plus opérationnel les compétences attribuées à la CRE en matière d’hydrogène et de captage du carbone.

Enfin, nous avons complété les mesures de protection des consommateurs en intégrant les propositions de la CRE et du médiateur national de l’énergie.

En séance, nous proposerons de consolider certaines mesures de simplification, s’agissant du bilan carbone appliqué aux projets hydroélectriques et des contrôles d’urbanisme réalisés sur les installations agrivoltaïques.

Nous proposerons aussi de conforter certaines dispositions de protection en précisant le rôle de la CRE dans la détermination du prix de référence du gaz ou dans la certification des réseaux d’hydrogène.

Au total, la simplification normative proposée convient aux acteurs auditionnés. Elle offre des outils concrets en faveur de la transition énergétique.

Je remercie Daniel Gremillet pour ce texte d’intérêt général qui fixe un cap et qui permettra d’accompagner la décarbonation ainsi – j’en forme le vœu – que la mise en œuvre d’une véritable politique de réindustrialisation de notre pays.

Je remercie également la présidente de notre commission ainsi que la ministre et, à mon tour, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)