Dans le cadre de nos travaux, nous avons auditionné une trentaine de personnalités, issues d’une vingtaine d’organismes, qui ont toutes indiqué soutenir la proposition de loi.

Concernant la filière nucléaire, le groupe EDF a salué l’inscription de six EPR2, correspondant à 10 gigawatts de capacités, et a précisé que d’autres réacteurs étaient nécessaires. De son côté, la Société française d’énergie nucléaire (Sfen) a appelé à inscrire dans la loi, non seulement ces 10 gigawatts, dès 2026, mais aussi 25 gigawatts de capacités d’ici à 2050. Quant à RTE, il a confirmé que le texte se rapprochait de son scénario N03.

Les filières renouvelables et de l’hydrogène ont, quant à elles, jugé les objectifs pertinents.

Au total, nous avons déposé une trentaine d’amendements techniques, une moitié en commission et l’autre en séance publique.

En commission, nous avons ajusté les objectifs en ce qui concerne l’énergie nucléaire, en matière de disponibilité des installations, de recours au recyclage et de développement des réseaux, et nous avons conforté ceux qui s’appliquent aux énergies renouvelables en promouvant l’énergie hydrolienne, le froid renouvelable et le stockage hydraulique.

En séance, nous proposerons de consolider les objectifs de production en complétant celui qui s’attache au cycle du combustible nucléaire et en relevant celui qui concerne les réacteurs de quatrième génération. Nous proposerons des ajustements sur la consommation, en complétant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en ajustant celui de réduction des consommations fossiles et totales.

En définitive, la programmation énergétique proposée répond aux attentes des acteurs auditionnés, elle est très ambitieuse et offre un horizon mobilisateur en faveur de la transition énergétique.

Je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Daniel Gremillet, la présidente de la commission, Mme la ministre, et tous nos collègues qui ont œuvré sur ce dossier. Au nom de notre commission, je vous invite donc à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été désigné rapporteur du titre II de cette proposition de loi, lequel porte sur la simplification. Il doit permettre d’accélérer la production d’énergie et d’hydrogène, nucléaire comme renouvelable, de mobiliser les collectivités territoriales et de protéger les consommateurs d’énergie.

Une première série de mesures concerne l’énergie nucléaire.

L’article 14 modifie la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi Nouveau Nucléaire, afin de prolonger ses dispositions à vingt-sept ans, de faciliter l’implantation des petits réacteurs modulaires SMR en dehors des installations existantes et d’allonger les concessions d’occupation du domaine maritime à cinquante ans.

L’article 15 modifie aussi cette loi pour appliquer plusieurs dispositions au projet de fusion Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor) : la dérogation à l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), le bénéfice de la raison impérative d’intérêt public majeur et la dérogation à la loi Littoral.

L’article 16 renforce les sanctions à l’encontre des intrusions dans les installations nucléaires.

La deuxième série de mesures de simplification porte sur les collectivités territoriales.

L’article 17 étend les sociétés locales de production d’énergie renouvelable aux projets d’hydrogène.

L’article 18 élargit aux projets d’éolien en mer et d’hydrogène la contribution au partage territorial de la valeur dont les communes et leurs groupements doivent bénéficier sur chaque appel d’offres d’électricité ou de gaz renouvelables.

La troisième série de mesures a trait aux énergies renouvelables.

L’article 19 applique le bilan carbone prévu pour réduire les émissions, mais aussi pour soutenir les industriels, aux projets hydroélectriques attribués par guichets ouverts.

L’article 20 facilite la dérogation au débit réservé et les augmentations de puissance pour les installations hydroélectriques.

L’article 21 autorise, à titre expérimental et pour les concessions hydroélectriques échues, le passage du régime des concessions vers celui des autorisations, afin de sortir enfin du contentieux européen.

L’article 22 renforce les sanctions contre les projets agrivoltaïques alibis.

Une dernière série de mesures concerne la protection des consommateurs.

L’article 23 dote la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de compétences pour surveiller les contrats de long terme en électricité et en gaz renouvelables, et favoriser l’essor des installations d’hydrogène, d’une part, et du captage du carbone, d’autre part.

L’article 24 encadre la définition des offres, la modification des contrats et l’information des consommateurs et complète le comparateur d’offres du Médiateur national de l’énergie.

Les dispositions ainsi proposées sont issues des travaux d’application des lois de la commission des affaires économiques du Sénat, en particulier du rapport de Daniel Gremillet sur la loi Nouveau Nucléaire et du mien sur la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper. Nous avions tous deux identifié des dispositions à ajuster ou à compléter.

Tout comme le titre Ier, concernant la programmation, le titre II, qui s’attache à la simplification, fait l’objet d’un accueil très positif parmi les acteurs auditionnés. Les filières nucléaire et renouvelables ainsi que les associations d’élus locaux ont ainsi plébiscité les mesures de simplification qui les concernent.

La CRE et le Médiateur national de l’énergie, quant à eux, ont accueilli très positivement les mesures de régulation et de protection proposées, tout en suggérant des compléments.

Parmi les trente amendements techniques que nous avons déposés, plusieurs concernent ces dispositions de simplification et de régulation.

En commission, nous avons conforté certaines mesures de simplification.

Ainsi, nous avons appliqué l’allongement de celles qui sont prévues pour les réacteurs nucléaires aux installations d’entreposage liées.

Plus encore, nous avons prévu qu’une menace sur la sécurité d’approvisionnement permette un recours aux centrales électriques à charbon après 2027.

Enfin, nous avons intégré les technologies de captage du carbone dans la prochaine loi de programmation.

Nous avons également complété les mesures de régulation.

Tout d’abord, nous avons donné à la CRE une base légale pour la détermination du prix de référence du gaz.

En outre, nous avons décliné sur un plan plus opérationnel les compétences attribuées à la CRE en matière d’hydrogène et de captage du carbone.

Enfin, nous avons complété les mesures de protection des consommateurs en intégrant les propositions de la CRE et du Médiateur national de l’énergie.

En séance, nous proposerons de consolider certaines mesures de simplification, s’agissant du bilan carbone appliqué aux projets hydroélectriques et des contrôles d’urbanisme réalisés sur les installations agrivoltaïques.

Nous proposerons aussi de conforter certaines dispositions de protection en précisant le rôle de la CRE dans la détermination du prix de référence du gaz ou dans la certification des réseaux d’hydrogène.

Au total, la simplification normative proposée convient aux acteurs auditionnés. Elle offre des outils concrets en faveur de la transition énergétique.

Je remercie Daniel Gremillet pour ce texte d’intérêt général qui fixe un cap et qui permettra d’accompagner la décarbonation ainsi – j’en forme le vœu – que la mise en œuvre d’une véritable politique de réindustrialisation de notre pays.

Je remercie également la présidente de notre commission ainsi que la ministre et, à mon tour, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission, à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable partage pleinement les objectifs des auteurs de ce texte.

La transition énergétique est une nécessité évidente pour nous tous. Nous saluons à ce titre l’ambition de l’Union européenne, qui, dans le cadre de la loi européenne sur le climat adoptée en 2021, s’est fixé un objectif intermédiaire de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. Nous devons maintenant être collectivement à la hauteur de cette ambition.

Pour ce faire, il convient d’abord d’établir un plan stratégique puis de définir des moyens pour l’exécuter. Les gouvernements précédents ont malheureusement choisi d’inverser ces deux étapes et nous ont proposé une chronologie à l’envers qui manque donc cruellement de cohérence.

La loi Aper, examinée au fond par notre commission avec la commission des affaires économiques en novembre 2022, a ainsi prévu des mesures permettant de développer les énergies renouvelables, tandis que la loi Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023, examinée par notre commission, a accompagné la relance du nucléaire, sans qu’à aucun moment nous débattions de la stratégie d’ensemble du mix énergétique qui nous permettrait d’atteindre nos objectifs climatiques.

Sur un sujet aussi crucial pour l’avenir de notre pays, un débat parlementaire est pourtant indispensable.

Je remercie mes éminents collègues Daniel Gremillet et Dominique Estrosi Sassone, ainsi que Bruno Retailleau, pour cette proposition de loi qui comble une lacune regrettable.

Le texte fixe un objectif de réduction des émissions brutes de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030, conforme aux engagements internationaux de la France.

Pour y parvenir, il repose sur deux piliers : la réduction de 30 % de la consommation énergétique par rapport à 2012 et la décarbonation du mix énergétique, avec une part d’énergie décarbonée supérieure à 50 % en 2030. Je souscris pleinement à ces objectifs.

Les travaux de la commission se sont concentrés sur le volet des énergies renouvelables, essentiel pour atteindre nos objectifs énergétiques. Cette programmation énergétique fixe des objectifs pour 2030 ; à cette date, la relance du nucléaire n’aura pas encore produit ses effets, puisque la livraison des six premiers EPR2 est prévue pour 2035 à 2037.

Pour atteindre nos objectifs de décarbonation et garantir la sécurité de nos approvisionnements, il est donc nécessaire d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Le Sénat en a d’ailleurs approuvé le principe lors de l’adoption de la loi Aper en 2022.

Le texte initial de cette proposition de loi prévoit des objectifs pour l’hydrogène décarboné, les biocarburants, le biogaz et l’énergie hydraulique. Nous avons enrichi cette programmation en fixant des objectifs pour l’énergie photovoltaïque, en mentionnant l’énergie hydrolienne et en précisant que le repowering sera privilégié pour le développement de l’énergie éolienne.

En parallèle à cet axe relatif aux énergies renouvelables, qui constitue le principal apport de notre commission à ce texte, nous souhaitons également alerter sur la question des puits de carbone.

Pour atteindre l’objectif de réduction des émissions nettes de 55 % d’ici à 2030, nous devons à la fois réduire nos émissions brutes par rapport à 1990 de 50 % et augmenter la capacité d’absorption de nos puits de carbone.

Malheureusement, cette capacité a été divisée par deux au cours des deux dernières décennies, pour des raisons que je ne développerai pas ici. Nous invitons le gouvernement qui se met tout juste en place à prendre en compte cette réduction dans sa programmation énergétique et à engager sans délai un plan pour restaurer ces puits de carbone, faute de quoi l’objectif de réduction nette des émissions restera hors d’atteinte.

Enfin, je souhaite vous faire part d’une réflexion sur les technologies de captage et de stockage du CO2 : celles-ci doivent être réservées aux émissions incompressibles et non servir de prétexte pour retarder les efforts nécessaires de transition énergétique.

En résumé, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne peut que saluer cette programmation nécessaire, complétée sur le volet des énergies renouvelables. Nous formons le vœu que le Gouvernement se saisisse de cette opportunité pour organiser un véritable débat au Parlement sur ce sujet, qui suscite tant d’attentes chez nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) composée de seize parlementaires issus de huit pays de l’Alliance atlantique : l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg, le Portugal, la Turquie, la Roumanie et le Royaume-Uni.

L’Assemblée parlementaire de l’Otan assure le lien entre les parlements des pays membres et l’organisation internationale ; elle constitue à ce titre un forum de discussion privilégié et, par ses rapports et ses résolutions, un instrument utile et efficace de la diplomatie parlementaire.

Après Paris, où elle rencontrera nos industriels de la défense, la délégation, conduite par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre collègue Cédric Perrin, se rendra à Belfort pour une visite au 1er régiment d’artillerie et au 35e régiment d’infanterie, puis à l’Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis, dédié à l’armement.

Nous souhaitons à nos collègues une visite fructueuse ainsi que la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre déléguée se lèvent et applaudissent.)

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Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie

Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de lénergie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi de prononcer mon premier discours à cette tribune, sur un sujet majeur pour notre pays.

Les décisions que nous prenons aujourd’hui en matière de politique énergétique auront des répercussions dans dix, vingt ou trente ans, et jusqu’à la fin du siècle ; elles influeront sur la place de la France dans le monde dans plusieurs dizaines d’années.

Nous l’avons constaté par le passé avec le plan Messmer, quand la France a lancé, au début des années 1970, son premier programme électronucléaire. Ces décisions prises il y a plus d’un demi-siècle ont permis à notre pays de devenir le plus attractif d’Europe.

Le sujet énergétique se trouve donc au cœur de notre économie, de nos infrastructures, de notre industrie et de notre empreinte sur l’environnement ; il s’agit d’un véritable enjeu de souveraineté.

Pour ces raisons, notre besoin est clair : une énergie abondante, décarbonée et compétitive. Décarbonée, car nous devons répondre à l’urgence climatique ; abondante, car il nous faut relocaliser un certain nombre de productions pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles ; enfin, compétitive pour notre industrie et nos concitoyens, afin de continuer à protéger leur pouvoir d’achat, comme nous l’avons fait au moment de la covid et depuis l’invasion russe en Ukraine.

Je crois pouvoir affirmer que nous partageons tous ici ces objectifs, mais nous pouvons éventuellement diverger tant soit peu sur la façon d’y parvenir. C’est pourquoi je tiens à vous remercier, monsieur le sénateur Daniel Gremillet. Je connais votre implication sincère et toujours efficiente sur les sujets relatifs à l’énergie.

Votre texte présente le mérite premier de proposer une voie pour les générations à venir, que nous partageons sur plusieurs points. J’ai souhaité que nous puissions avancer ensemble sur tous les autres, ceux qui nous posaient une difficulté.

Ma position est claire : j’ai entendu reprendre chaque amendement déposé par le précédent gouvernement avant l’été et les travailler avec les rapporteurs. Grâce à ce travail en commun, je souhaite que nous aboutissions à un texte sur lequel nous pourrions tous nous retrouver.

Je mesure toute l’importance de disposer d’un cadre législatif solide sur l’avenir énergétique de la France ; c’est pourquoi nous avons entamé dès mon arrivée au ministère un important travail de coconstruction, et je remercie nos équipes pour leur mobilisation.

Je sais gré aux rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet de leur disponibilité et de leur écoute. Nous sommes parvenus à trouver de nombreux points d’accord, voire de consensus. J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que ceux-ci pourront emporter votre assentiment, notamment sur la définition d’un cap clair pour les trente prochaines années.

Ce cap, le Président de la République l’a indiqué à Belfort, en 2022. Il s’agit d’une stratégie reposant sur quatre piliers : deux pour la consommation, auxquels je tiens tout particulièrement, sobriété et efficacité énergétique, et deux pour la production d’énergie décarbonée, avec le nucléaire et les énergies renouvelables.

Ces dernières recouvrent tous les vecteurs. Tout le monde pense à l’électricité, mais il s’agit aussi du biogaz, de la chaleur et des biocarburants. Avec Agnès Pannier-Runacher, nous avons mené des travaux sur la stratégie française énergie-climat jusqu’en 2023, lesquels ont enrichi nos réflexions.

Pour répondre à cette stratégie, je porte trois objectifs qui tiennent en un simple mot : maîtriser.

Maîtriser les prix pour protéger les consommateurs et œuvrer en faveur du pouvoir d’achat de toutes les familles sur l’ensemble du territoire.

Maîtriser nos consommations en poursuivant nos efforts en matière de sobriété et d’efficacité énergétique. Nous entendons ainsi les réduire de 30 % d’ici à 2030, en faisant porter un effort particulier sur les énergies fossiles, avec une baisse de 45 %. Nous nous rejoignons sur ces objectifs, monsieur le sénateur Gremillet : ceux-ci correspondent à l’article 5 de votre proposition de loi.

Enfin, nous souhaitons maîtriser nos outils de production en nous appuyant sur la relance du nucléaire et sur le développement des énergies renouvelables. Il s’agit du choix le plus pertinent d’un point de vue écologique et économique, de celui qui répond le mieux à nos besoins de court et de long termes, du plus sûr pour notre sécurité d’approvisionnement et donc pour notre souveraineté – ne nous enfermons pas dans une seule technologie ! Enfin, c’est le choix le plus consensuel.

Nous disposons des talents, des ressources et des technologies pour atteindre ces objectifs.

En ce qui concerne le nucléaire, notre proposition est claire : nous entendons nous assurer que les centrales fonctionnent de façon sûre et compétitive, poursuivre l’exploitation des centrales existantes et développer le nouveau nucléaire avec un haut niveau d’exigence et de sûreté.

Notre projet comprend ainsi six EPR de deuxième génération à Penly, Gravelines et Bugey. Huit réacteurs supplémentaires sont à l’étude, ainsi que de petits réacteurs nucléaires et des réacteurs nucléaires innovants. Tels sont les objectifs sur lesquels nous avons tenté de converger avec les rapporteurs et que nous avons proposés par voie d’amendement.

Notre volonté à long terme consiste à poursuivre, au-delà de 2040, la stratégie française pour l’aval du cycle du combustible, dans la perspective de fermeture dudit cycle.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, abordons d’abord la production de chaleur. Nos objectifs dans ce domaine sont ambitieux, mais réalistes : nous voulons multiplier par cinq le biogaz d’ici à 2030, en privilégiant l’injection dans les réseaux, et nous aspirons à doubler notre capacité en matière de chaleur renouvelable d’ici à 2035.

Ensuite, concernant l’électricité, il convient d’évoquer l’éolien en mer. J’ai connaissance des craintes de certains, ici ou là, à propos d’un impact paysager, de la conciliation des usages avec les activités de pêche, notamment, ou les migrations de certains oiseaux.

C’est la raison pour laquelle nous avons lancé, en début d’année, une grande concertation à l’échelle nationale sur toutes nos façades maritimes. Nous devons développer l’éolien en mer sur l’ensemble de notre domaine maritime en nous assurant de son acceptabilité partout et en tout temps. Cette concertation inédite s’est déroulée dans le cadre de la planification maritime que vous avez inscrite dans la loi l’année dernière.

Ne misons pas uniquement sur l’éolien flottant, mais également sur l’éolien en mer accepté, efficace, respectueux des usages et de la biodiversité. Notre objectif est ambitieux : atteindre 45 gigawatts de capacités à l’horizon 2050, dont 18 gigawatts d’ici à 2035.

S’agissant du photovoltaïque, nous visons une multiplication par cinq de notre capacité d’ici à 2035, mais cet objectif n’aura de sens qu’assorti de l’accompagnement de projets industriels. C’est ce qui se profile : plusieurs usines de très grande capacité sont en préparation.

Concernant l’éolien terrestre, là encore, je connais vos réticences, celles des élus locaux, et je les entends. Pour autant, vous le savez, il s’agit d’une énergie qui fonctionne et qui se révèle très compétitive. Il nous faut donc continuer à la développer et maintenir le rythme actuel d’installations annuelles. Nous devons le faire en travaillant sur son développement et, surtout, en ne freinant pas les projets soutenus par les élus et qui trouvent leur chemin, nous en avons bien conscience. Ce sujet peut également donner lieu à une véritable conciliation, comme nous tenons à la mener pour l’éolien en mer.

Enfin, l’hydroélectricité représente environ 12,5 % de la production électrique. Nous devons réinvestir dans ce domaine pour préserver notre compétitivité.

M. François Bonhomme. Très bien !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Plusieurs options sont à l’étude pour garder la pleine maîtrise des barrages et éviter les mises en concurrence.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Tel est l’objectif de la mission d’information lancée par les députés Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo, laquelle nous permettra de disposer de tous les éléments pour analyser le régime juridique le plus adapté.

Je suis consciente que ce sujet connaît un blocage qui dure depuis trop longtemps, nous l’avons évoqué à plusieurs reprises. Les conclusions de la mission nous permettront enfin de résoudre les contentieux et de prendre une décision éclairée sur le sujet.

Telle est, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, notre ambition concernant le mix énergétique de la France : nous le souhaitons équilibré. Tout cela ne pourra évidemment pas se concrétiser sans les réseaux électriques, pour lesquels nous prévoyons des investissements massifs d’ici à 2040 : 100 milliards d’euros pour le réseau de distribution et autant pour le réseau de transport.

Cette proposition de loi me permet de détailler tout l’engagement du Gouvernement pour assurer la sécurité énergétique de la France.

Sortons des énergies fossiles, préservons notre attachement au nucléaire et aux renouvelables, protégeons les consommateurs.

Ma volonté est de faire de la France une grande nation de l’énergie, un objectif dont je sais qu’il est également le vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’indépendance énergétique est au cœur de toutes nos préoccupations, nous devons, plus que jamais, faire preuve d’ambition et d’efficacité pour relever ces défis majeurs pour notre avenir et pour celui des générations futures.

La guerre en Ukraine nous a douloureusement rappelé nos insuffisances et notre dépendance en matière énergétique. Non sans mal, nous avons réussi un virage impressionnant, à la fois au niveau national et au niveau européen.

À ce titre, je tiens à rappeler l’adoption de plusieurs textes, notamment sur l’accélération des énergies renouvelables, sur la relance du nucléaire ou encore sur l’industrie verte. Nous avons également fait évoluer la réglementation en y apportant simplification et flexibilité.

Je suis fier d’avoir porté, avec mon groupe et d’autres collègues, des sujets tels que l’encadrement de l’agrivoltaïsme, repris dans la loi Aper de 2023. Notre groupe s’est toujours positionné très clairement pour un mix énergétique faisant la part belle au couple énergies renouvelables-nucléaire.

Dans ses conclusions rendues au début de juillet, la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 soutient que la décarbonation du pays passera par une électrification des usages. Afin de faire face à la progression significative de la consommation électrique dans les années à venir, il convient donc d’élaborer un plan national d’électrification pour la couvrir : prolongation optimisée du parc nucléaire, essor raisonnable des moyens de production renouvelables, développement de l’énergie hydraulique, nouveaux réacteurs, etc.

Cela étant dit, la proposition de loi qui nous est proposée contient des dispositions intéressantes. Nous sommes conscients de l’impatience des acteurs des secteurs concernés par la programmation énergétique : il est primordial de disposer d’un cap.

La relance du nucléaire est un enjeu vital. Dès lors, les dispositions de ce texte allant dans ce sens sont les bienvenues : l’utilisation d’une part de matière recyclée dans la production nucléaire est particulièrement intéressante, dont le traitement et la revalorisation des déchets constituent des points importants. Il est essentiel que nous nous donnions des objectifs et des moyens en ce domaine, condition essentielle de l’acceptabilité sociale de ce mode d’énergie.

Le groupe Les Indépendants - République et Territoires croit également aux promesses de l’hydrogène vert. Des objectifs chiffrés et ambitieux en permettront une production plus importante. Cependant, un maillage précis en vue de son déploiement sur nos territoires demeure la condition de son émergence. J’ai notamment à l’esprit les besoins du transport routier : la voiture à hydrogène est une réalité, mais il n’en est pas de même de l’accès à une station.

J’en profite pour évoquer les transports aériens, un sujet qui me tient particulièrement à cœur en tant qu’élu de Haute-Garonne. Avec mon collègue député Jean-François Portarrieu, nous avons rendu au mois de mai un rapport à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la décarbonation du secteur de l’aéronautique.

S’il est certain que le secteur aéronautique contribue de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre, la croissance du trafic aérien sera une réalité de demain. Travaillons à faciliter la décarbonation de ce secteur, qui joue un rôle de premier plan dans l’économie mondiale, en facilitant le commerce international, le tourisme et les échanges culturels. Il ne fait aucun doute que les évolutions technologiques attendues dans ce domaine trouveront des applications très positives dans tous les modes de transport.

Plusieurs recommandations sont émises afin de permettre le développement d’une aviation décarbonée : électrification, hydrogène, innovation dans la conception, optimisation des opérations, des trajectoires, ou encore développement des carburants durables, dits SAF (Sustainable Aviation Fuel).

Certaines dispositions de cette proposition de loi ouvrent dès lors une porte à l’innovation, et donc au progrès, nous permettant de nous montrer vertueux et ambitieux, alors que la décroissance prêchée par certains serait tout à fait mortifère.

Enfin, concernant les barrages, un dossier défendu depuis longtemps par notre groupe, nous voyons d’un bon œil le régime d’expérimentation proposé. Une solution doit impérativement voir le jour avec la Commission européenne ; il y va de la sécurité énergétique de la France et de l’Union européenne. N’oublions pas non plus le bois, ma chère Anne-Catherine Loisier.

Madame la ministre, je profite de cette discussion pour vous demander de nous fournir un calendrier et des perspectives claires sur les prochaines étapes concernant la programmation de l’énergie. Comme vous le comprenez, il s’agit d’une préoccupation majeure de cet hémicycle.

Ce texte nécessaire est, certes, perfectible, mais il est encourageant ; c’est pourquoi notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parfois, les crises révèlent des évidences. Ainsi, les conséquences du conflit ukrainien sur le marché de l’énergie ont déclenché une prise de conscience collective sur le caractère éminemment stratégique des politiques publiques liées à l’énergie. Assurer un approvisionnement fiable et, si possible, bon marché doit faire partie des priorités d’un exécutif pour le développement, la souveraineté et la prospérité d’un pays.

La politique énergétique est donc redevenue, comme durant les crises pétrolières des années 1970, un sujet majeur de préoccupation de nos concitoyens, frappés de plein fouet par des choix dogmatiques funestes qui ont enfermé la France dans un schéma qui ne correspond ni à ses intérêts ni à ses atouts. Même les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) le disent désormais : nous devons passer du dogmatisme au pragmatisme.

Première étape : s’appuyer sur nos succès.

Il fallut beaucoup d’audace et une sacrée vision pour lancer le plan Messmer en 1973 à partir d’une page blanche et ainsi desserrer l’étau des chocs pétroliers successifs imposés par les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Une électricité produite sur notre sol, essentiellement par l’industrie nucléaire et l’hydraulique, permettait d’assurer une certaine souveraineté, dont nous avons profité durant des décennies. Nier cette réalité relèverait de la schizophrénie.

Deuxième étape : s’accorder sur les atouts et les faiblesses de notre pays.

La France ne dispose ni du potentiel hydraulique de la Norvège ni des opportunités qu’ont les régions inondées de soleil toute l’année, et encore moins de réserves fossiles. Comme toujours en politique, il s’agit de faire des arbitrages, si possible en faveur de la technologie la moins mauvaise, en se fiant davantage à des critères scientifiques qu’à des lubies dogmatiques.

Troisième étape : la constance.

Dire tout et son contraire est rarement porteur d’une politique publique cohérente. En matière d’énergie, domaine dans lequel le développement des projets se heurte à une inertie importante, c’est véritablement une catastrophe. C’est pourtant à cela que nous avons assisté depuis 2017 avec la fermeture des réacteurs de Fessenheim, puis l’arrêt du programme Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), avant un changement total d’orientation avec le retour en grâce du nucléaire.

Aujourd’hui, quel est donc notre cap ? Les collectivités territoriales ne manquent pas de documents de planification pour atteindre la multitude d’objectifs fixés, le plus souvent, au niveau international : les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sradett) pour les régions, les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les schémas directeurs pour les départements, le tout décliné dans des plans d’action établis commune par commune. Mais cette architecture globale n’a de sens que si elle s’inscrit dans un cadre clair qui définit les priorités à l’échelle nationale et fixe les axes de progrès de telle ou telle filière de production, en cohérence avec les atouts géologiques et technologiques de notre pays.

Cette programmation pluriannuelle de l’énergie existe bel et bien : engagée en 2019, elle devait être révisée avant le 1er juillet 2023 pour actualiser les objectifs. Pourtant, en dépit de nombreuses demandes d’inscription au calendrier parlementaire, les gouvernements Philippe, Borne et Attal ont lourdement procrastiné.

M. François Bonhomme. C’est trop bête !

M. Stéphane Piednoir. Pour pallier ce qui ressemble à un refus d’obstacle bien regrettable, nous avons, au Sénat, pris le dossier à bras-le-corps en élaborant notre propre texte législatif sous la houlette, notamment, de Daniel Gremillet.

Le point de départ est un consensus quasi unanime sur la nécessité de décarboner notre mix énergétique, déjà plutôt vertueux : avec environ six tonnes de CO2 émises par habitant, la France occupe la septième place des pays de l’OCDE, qui émettent en moyenne près de huit tonnes de CO2 par habitant, très loin des quinze tonnes de l’Amérique du Nord. Comme dans toute compétition, il est souvent plus difficile de progresser au classement quand on est déjà dans le peloton de tête, mais la vertu n’empêche pas les efforts.