Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. La procédure que nous proposons met en jeu le ministère de l’intérieur, le ministère de la justice et l’Insee : nous ne pouvons la mettre en place dans des délais si courts sans en étudier tous les aspects.

Nous espérons que le Gouvernement s’engagera à prendre ce décret rapidement. Sachez, madame la ministre, que nous sommes plusieurs à être mobilisés sur cette question : si jamais rien ne se passe, nous ne cesserons de poser des questions écrites et orales jusqu’à ce que le décret paraisse !

L’avis de la commission est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je rassure la Haute Assemblée : le décret sera bien sûr adopté, car cette mesure va dans le bon sens. L’aménagement des modalités renforcera l’effectivité de la procédure.

Tel est bien l’esprit de l’amendement, sur lequel j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 2 bis (nouveau)

Article 2

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 227-4-2 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « ou », il est inséré le mot : « de » ;

a bis) (nouveau) Après le mot : « civil », sont insérés les mots : « ou dans une ordonnance provisoire de protection immédiate rendue en application de l’article 515-13-1 du même code » ;

b) Les mots : « se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions » sont remplacés par les mots : « s’y conformer » ;

c) (nouveau) Le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 45 000 € » ;

2° (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le premier alinéa de l’article 227-4-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de violation des mesures prononcées dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate ou d’une ordonnance de protection, il n’est pas sursis à l’exécution de l’ordonnance pendant les délais d’appel et durant l’instance d’appel. »

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences de la double nature du dispositif de l’OPP, qui comprend des mesures mixtes, c’est-à-dire à la fois pénales et civiles.

Pour renforcer l’effet dissuasif de l’ordonnance de protection provisoire, l’idée est de faire prévaloir le régime de l’exécution provisoire de droit, qui est attaché aux décisions du JAF, sur celui de l’exécution provisoire, qui n’est pas de droit, puisque l’appel est suspensif en matière pénale. Cela permettra d’améliorer la protection des victimes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement est satisfait. En effet, l’article 1136-7 du code de procédure civile prévoit que l’ordonnance qui statue sur la demande de mesure de protection des victimes de violences est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge n’en dispose autrement.

Cela signifie que, sauf exception décidée par le juge, les mesures prononcées dans le cadre d’une ordonnance de protection pourront être exécutées, même si la partie adverse fait appel. Je ne vois pas un juge accorder une ordonnance de protection, sauf s’il y avait appel…

En outre, le dispositif prévu par l’amendement serait moins-disant que le droit en vigueur, dans la mesure où la levée du caractère suspensif de l’appel serait conditionnée à la violation des mesures prononcées dans le cadre des ordonnances de protection.

Pour ces deux raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Madame Aeschlimann, l’amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Marie-Do Aeschlimann. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2 bis (nouveau)

L’article 41-3-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 1°, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « ou d’une ordonnance provisoire de protection immédiate » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le dispositif de téléprotection est attribué dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate et que celle-ci n’est pas suivie de l’octroi d’une ordonnance de protection, la durée de six mois mentionnée au premier alinéa peut être réduite par le procureur de la République. – (Adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

(Non modifié)

I. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° …. du …. allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

II. – L’article 1er de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.

Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° du … allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : » .

…. – Le premier alinéa du I de l’article L. 388 du code électoral est ainsi rédigé :

« I.- Les dispositions du titre Ier du livre Ier du présent code, dans leur rédaction résultant de la loi n° du … allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, à l’exception des articles L. 15, L. 15-1, L. 46-1 et L. 66, sont applicables à l’élection : » .

II. – Alinéa 3

1° Après les mots :

L’article 1er

insérer les mots :

et le II de l’article 1er bis

2° Remplacer les mots :

est applicable

par les mots :

sont applicables

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à prendre en compte l’ajout en commission des articles 1er bis et 2 bis et à les rendre applicables dans les territoires d’outre-mer, qui sont régis par le principe de spécialité législative.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’ai été interviewée tout à l’heure à propos du #MeToo du cinéma et de la tribune signée par 100 personnalités qui appellent à une grande loi pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes.

Madame la ministre, depuis 2017, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est la grande cause du quinquennat, et nous avons voté un certain nombre de textes, sur l’initiative du Gouvernement, mais aussi de sénateurs et de députés, notamment la loi de 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

Toutefois, nous n’étions pas allés suffisamment loin, et un certain nombre de propositions de loi ont suivi. J’ai précédemment fait référence à celle de notre ancienne collègue Valérie Létard ; je pense aussi aux travaux menés par Mme la rapporteure sur le plan Rouge vif.

Certes, ce sont des avancées, mais elles sont insuffisantes. Vous avez cité les tristes chiffres des féminicides : derrière les statistiques, il ne faut pas oublier que ce sont des femmes qui décèdent, des familles qui sont touchées, des enfants qui se retrouvent sans leur mère et des parents sans leur fille, avec un coût pour la société extrêmement élevé.

Ce texte est bienvenu ; il représente un progrès, mais, si nous avançons à petits pas, c’est parce que nous nous heurtons systématiquement au manque de moyens, pour la justice comme pour la médecine légale. Or, pour que la justice avance, il faut une médecine légale dans tous les départements, afin d’apporter les preuves des faits que les victimes avancent.

Néanmoins, nous nous réjouissons que cette proposition de loi puisse être adoptée, et je remercie Mme la rapporteure d’y avoir apporté des améliorations.

Bien sûr, je voterai ce texte, en attendant les avancées que les négociations menées lors de la CMP apporteront peut-être.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Je voterai évidemment ce texte, comme, je le pense, l’ensemble de nos collègues. Nous sommes plus ou moins satisfaits de sa rédaction, mais il constitue une avancée pour lutter contre ces violences intrafamiliales.

Je voudrais faire une observation sur un terme qui a été utilisé tout au long des débats, celui de « féminicide », qui me paraît totalement inapproprié. En effet, il signifierait que ces femmes sont tuées parce qu’elles sont des femmes, ce qui n’est pas le cas. Les meurtriers de femmes existent : chacun aura entendu parler d’Henri Vidal, que l’on appelait le « tueur de femmes », un tueur en série qui s’attaquait à celles-ci parce qu’elles étaient des femmes.

Or les femmes dont nous parlons meurent parce qu’elles sont des conjointes ou des ex-conjointes. La question n’est pas que sémantique. Lorsque l’on fait la loi, la sémantique est bien sûr importante, et il faut utiliser des termes appropriés. Surtout, au-delà de la prise en charge des victimes, qui doit être réelle et qui peut certainement être améliorée, il faut prendre en charge les auteurs de violences.

Or nous ne le ferons pas correctement si nous nous contentons de les traiter comme s’ils faisaient preuve d’un sexisme pathologique, alors que, en réalité, leur pathologie ou, pour ne pas utiliser un terme dont je ne maîtrise pas complètement le sens, leur problème, ainsi que la violence qui en découle, est lié à la relation de couple, et non à l’existence d’une femme.

J’y insiste, appelons les choses par leur nom : le « féminicide » n’a aucune existence juridique, et si nous continuons à utiliser ce terme, nous ne donnerons pas la bonne qualification au problème de société que nous souhaitons traiter.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Catherine Di Folco. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Le groupe centriste votera bien sûr ce texte, et nous poursuivrons le travail lors de la commission mixte paritaire.

Nous n’allons pas lancer un débat sur la sémantique. Un féminicide est non pas une qualification juridique, mais un état de fait : il permet de rendre visible un certain type de violence et de débattre d’un phénomène de société contre lequel nous souhaitons tous, je le pense, lutter.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Discussion générale (suite)

Financement des entreprises et attractivité de la France

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (proposition n° 536, texte de la commission n° 585, rapport n° 584, avis n° 574).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 1er

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de discuter aujourd’hui de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

Ce texte marque une étape supplémentaire dans le travail que nous menons, depuis 2017, pour redonner à la France une base productive à la hauteur de son potentiel, de ses talents et du défi de la transition écologique, après trente années de désindustrialisation.

Aujourd’hui, nous créons des usines et de l’emploi. Plus de 130 000 emplois sur les 2 millions créés depuis 2017 l’ont été dans l’industrie. Nous rouvrons également des usines : 176 et 201 ouvertures nettes de sites industriels ont eu lieu respectivement en 2022 et en 2023.

Cette évolution positive est avant tout le fruit du travail des entrepreneurs et de la mobilisation des salariés.

Toutefois, elle est aussi le fruit d’une politique économique et fiscale qui fonctionne et que nous allons poursuivre : un environnement fiscal stable et une baisse des prélèvements obligatoires de 60 milliards d’euros ; des procédures simplifiées, notamment grâce à la loi relative à l’industrie verte adoptée par le Sénat, et qui le seront encore davantage avec le projet de loi de simplification de la vie économique ; un investissement massif dans les compétences ; un investissement tout aussi massif dans l’innovation, avec France 2030, les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) ou encore le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV), entré en vigueur il y a quelques semaines.

À ces bons résultats, il faut ajouter l’attractivité retrouvée de notre pays. Vous le savez, le septième sommet Choose France s’est déroulé hier. Un montant record de 15 milliards d’euros d’investissements a été annoncé dans 56 projets, qui devraient faire naître des milliers d’emplois.

Pourquoi vous raconter tout cela ? Quel est le rapport entre ces rappels et la présente proposition de loi, qui vise essentiellement à traiter du financement des entreprises et du fonctionnement des marchés financiers ?

Parce que, évidemment, le secteur financier n’est pas une fin en soi. Nous sommes très heureux du succès de la place de Paris, mais celui-ci constitue surtout un moyen de financer au mieux l’économie productive, notamment dans nos territoires.

Les besoins seront massifs, en raison de la révolution verte à laquelle nous sommes attachés. Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz les ont estimés à près de 70 milliards d’euros supplémentaires par an pour la France, tandis que, à l’échelon européen, plus de 600 milliards d’euros seront nécessaires.

Nous apportons des financements publics à l’échelon tant national qu’européen, mais, ainsi que vous nous le rappelez régulièrement, les finances publiques ne sont pas inépuisables, et nous avons besoin de mobiliser davantage les financements privés.

Nous avons lancé cette dynamique avec la loi relative à l’industrie verte, en créant le plan d’épargne avenir climat, qui entrera en vigueur dès le mois de juillet prochain, et en renforçant le fléchage vers l’économie productive des fonds des plans d’épargne retraite et des assurances vie.

Nous l’avons également fait avec les entreprises innovantes, l’initiative Tibi ayant permis de lever 6 milliards d’euros. Au total, 30 milliards d’euros d’investissements ont été réalisés depuis 2019. Nous avons relancé ces engagements, pour un montant de plus de 7 milliards d’euros durant les trois prochaines années.

Nous sommes déterminés à aller plus loin vers l’union des marchés de capitaux à l’échelon européen, pour mobiliser les quelque 370 milliards d’euros d’excédent d’épargne qui quittent chaque année notre continent, essentiellement pour financer des entreprises américaines.

Toutefois, pour que la France bénéficie d’un tel mouvement, renforcer sa compétitivité financière est fondamental. Sur ce point, le bilan des dernières années est déjà spectaculaire, même si, il faut le dire, nous avons été bien aidés par le Brexit.

Paris est redevenu un centre financier de premier plan et a récemment dépassé Londres pour devenir le premier marché boursier européen en matière de capitalisation. Concrètement, cela s’est traduit par la création de plus de 7 000 emplois directs depuis 2017, ainsi que par des recettes fiscales importantes.

Près de cinq ans après la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, nous nous apprêtons avec cette proposition de loi à aller un cran plus loin, pour permettre aux entreprises de poursuivre leur développement grâce à la mobilisation des capitaux des investisseurs français, européens et internationaux.

Je tiens à remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Alexandre Holroyd, également auteur de cette proposition de loi, ainsi que les rapporteurs du texte au Sénat, qui ont travaillé pour parfaire ses dispositions.

Le titre Ier du texte vise à développer le financement des entreprises par l’intermédiaire des marchés financiers et des fonds.

Il est prévu d’autoriser les entreprises à s’introduire en bourse en se dotant d’actions dites à droits de vote multiples. L’objectif est d’encourager les sociétés non cotées à entrer sur le marché, tout en étant protégées des perturbations et en permettant à leurs créateurs de conserver le contrôle sur leur stratégie à l’issue de la cotation.

Il s’agit de permettre à ces sociétés de mobiliser plus facilement et plus rapidement des fonds pour financer leur croissance, leur décarbonation ou leur développement international, tout en prévenant le risque de transfert vers d’autres places de cotation où ce régime existe déjà, par exemple aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas.

La France bénéficierait ainsi du régime d’introduction en bourse le plus compétitif d’Europe. Cette mesure est donc bonne pour le maintien en France des centres de décision, des emplois, de l’activité et des recettes de taxe sur les transactions financières.

Parmi d’autres avancées importantes, le titre Ier a pour objet de mieux accompagner les entreprises qui débutent en bourse en favorisant le maintien dans leur capital des fonds dits crossover, où sont détenues des parts de sociétés cotées et non cotées, ainsi que d’assouplir les modalités des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription, ces opérations étant principalement utilisées par les PME cotées.

Le titre II vise à faciliter la croissance internationale des entreprises françaises à l’aide de la dématérialisation des titres transférables.

Ce point est quelque peu technique, mais aujourd’hui la procédure de trade finance peut se révéler lourde : comme elle est matérialisée, les entreprises sont obligées à recourir à des titres transférables en papier. La dématérialisation de ces derniers simplifiera leurs échanges. La France sera le premier pays de l’Union européenne à autoriser cette mesure, et nous espérons être suivis.

Enfin, le titre III vise à simplifier notre droit pour renforcer notre attractivité.

Les confinements liés à la covid-19 ont révélé le manque d’agilité de notre droit en matière de gouvernance d’entreprise et la sous-utilisation des possibilités offertes par le numérique.

La principale mesure du titre III consiste à renforcer la possibilité de tenir des assemblées générales en format hybride, certains actionnaires étant présents physiquement et d’autres y participant à distance. Afin de sécuriser et d’encourager l’organisation de ces assemblées, il est proposé d’encadrer les risques de nullité en cas de défaillance des systèmes électroniques.

Les conseils d’administration seront également rendus plus agiles, car ils pourront eux aussi être intégralement dématérialisés.

Vous l’aurez compris, ce texte porte une ambition de simplification et de modernisation attendue par nos entreprises, en particulier nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Il vise aussi à créer les conditions pour choisir la France, y demeurer et s’y développer. Il contribuera à renforcer notre position de porte d’entrée de l’Europe pour les investisseurs internationaux.

Je suis impatient des débats à venir, qui, je l’espère, conduiront à adopter cette loi et à permettre sa mise en œuvre rapide. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, revenons un instant sur le titre de cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. « Vaste programme » ou « rien que cela », auraient dit certains !

Si son titre est extrêmement ambitieux, ce texte, largement technique, l’est un peu moins, en dépit des efforts de la commission des finances et de la commission des lois pour l’améliorer, notamment en ce qui concerne le financement des PME. Je salue à cet égard le travail du rapporteur pour avis de la commission des lois Louis Vogel.

Nous nous retrouvons dans une situation qui est devenue malheureusement fréquente depuis quelques mois. Le Gouvernement, peut-être faute de temps, préfère soutenir une proposition de loi qu’il a très largement inspirée, plutôt que déposer un projet de loi.

Il s’agit sans doute d’un bon moyen de gagner du temps dans le calendrier parlementaire, mais c’est surtout une manière d’éviter de rendre une étude d’impact et de devoir nous transmettre un avis du Conseil d’État.

Je rappelle néanmoins que Bruno Le Maire avait annoncé lors de ses vœux, au mois de janvier dernier, qu’un projet de loi sur l’attractivité financière de la France serait bientôt déposé. Bizarrement, quelques mois plus tard, nous examinons une proposition de loi dont l’ambition pourrait sans doute être plus large.

Il est dommage que nous ne disposions ni d’une étude d’impact ni de l’avis du Conseil d’État à propos de certaines dispositions du texte. Comme d’habitude, nous serons contraints de nous contenter d’échos dans la presse !

Déposée par notre collègue député Alexandre Holroyd, la proposition de loi s’inscrit dans un contexte bien particulier.

La France et l’Europe pâtissent d’un déficit d’investissement, évalué à 1 000 milliards d’euros dans le récent rapport de Christian Noyer sur la relance de l’union des marchés de capitaux. Dans le même temps, les Européens se caractérisent par leur faible appétence pour les marchés financiers. Pour atteindre le niveau de la capitalisation boursière américaine, la capitalisation boursière européenne devrait bondir de plus de 60 %.

Pour en rajouter sur ce tableau réaliste, la présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF) nous rappelait lors d’une audition que le nombre de cotations avait atteint un niveau historiquement bas en 2023, avec seulement sept introductions en bourse, dont une seule sur le marché réglementé.

Comme si cela ne suffisait pas, le président-directeur général de TotalEnergies a confirmé que son groupe réfléchissait à déménager sa cotation principale de Paris à New York, ce qui a fait un peu de bruit dans la presse. Sans doute envisage-t-il ce déménagement parce que la valorisation de son entreprise serait plus élevée sur le marché américain, qui est plus important.

M. André Reichardt. C’est lamentable !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je passe bien évidemment sur le sujet de nos finances publiques, qui contraint les marges de manœuvre du Gouvernement.

Autant le dire – M. le ministre ne pourra qu’en convenir –, ce ne sont pas de simples ajustements techniques et strictement nationaux qui permettront de sortir de cette apathie.

La France se trouve engagée dans une compétition entre places financières, qui se joue sur le plan fiscal autant que juridique. La principale concurrente de la place de Paris, ce n’est plus Londres, c’est Amsterdam, voire New York.

La question que nous devons poser et à laquelle la proposition de loi vise à apporter un début de réponse est la suivante : comment maintenir l’avantage obtenu par Paris, qui est désormais la première place européenne en matière de capitalisation, comme l’a rappelé M. le ministre ? Et comment accroître son attractivité, notamment afin d’assurer le financement en capital de nos entreprises ?

Louis Vogel présentera tout à l’heure les dispositions de l’article 1er, qui vise à autoriser les sociétés à s’introduire en bourse en se dotant d’actions à droits de vote multiples.

Je ne sais si l’on doit s’en réjouir ou le déplorer, mais je note que le Gouvernement apporte son soutien à une évolution recommandée par la commission des finances du Sénat depuis 2017. Durant cette période, le secteur de la finance a connu de profonds bouleversements, les places financières se livrant à une concurrence de plus en plus acharnée ; sept ans, c’est beaucoup !

Nous aurons l’occasion d’aborder en détail les dispositions de la proposition de loi lors de l’examen des amendements. Permettez-moi de me concentrer sur quelques points.

Les travaux de la commission des finances, tout d’abord, ont été guidés par une triple exigence.

Premièrement, nous avons voulu nous assurer du caractère opérationnel des dispositifs proposés. C’était bien le minimum.

Deuxièmement, nous avons tenu à préserver l’équilibre entre l’attractivité financière de la place de Paris et la nécessaire protection des épargnants. J’ai largement contribué à ce sujet lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances, en défendant notamment des dispositifs d’interdiction des produits les plus risqués et des mesures de protection supplémentaire des épargnants. Il ne faut pas sacrifier la protection des épargnants sur l’autel de la volonté de compétitivité.

Enfin, la troisième orientation qui a guidé nos travaux consiste à flécher davantage le contenu de la proposition de loi vers le financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.

Il faut le reconnaître, les dispositions en la matière étaient rares dans un texte de nature technique, dirigé davantage vers les sociétés d’épargne ou les très grandes entreprises que vers les PME. La commission des finances a ainsi cherché à rééquilibrer la proposition de loi en ce sens.

Sur l’initiative de la commission des finances, les règles d’éligibilité des titres des PME et des ETI à divers produits financiers ont été assouplies. Le but est simple : flécher davantage les financements vers ces entreprises. Je continuerai dans cette direction, en proposant un amendement visant à assouplir encore davantage ces règles pour les sociétés de capital-risque, qui interviennent principalement en soutien des entreprises non cotées ou à faible capitalisation.

En ce qui concerne la protection des investisseurs, nous nous félicitons que l’Assemblée nationale ait repris une disposition adoptée par le Sénat en janvier 2023, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants déposée par Jean-François Husson et moi-même.

Il s’agit d’allonger la durée de blocage des parts dans les fonds communs de placement à risques (FCPR), destinés à soutenir les jeunes entreprises et les entreprises en croissance. Ne nous arrêtons pas au milieu du chemin : le Sénat avait équilibré ce dispositif par de nouvelles obligations pour les FCPR, afin de préserver la rentabilité de ces investissements.

Ainsi que je l’indiquais précédemment, il ne faut pas, au prétexte du mot magique d’attractivité, perdre de vue la nécessaire protection des épargnants.

Le Sénat ne s’oppose pas par principe aux demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous reviendrons sur sa demande d’habilitation pour réviser le cadre juridique applicable aux organismes de placement collectif (OPC), demande qui a été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.

Nous le savons, le régime juridique des OPC doit être modernisé et sécurisé. Cependant, pouvons-nous habiliter le Gouvernement à « moderniser », « harmoniser et simplifier » le cadre juridique applicable à ces organismes ? Autant lui donner un blanc-seing ! Ces formulations semblent trop larges, et le délai laissé au Gouvernement est particulièrement long. Nous avons donc déposé un amendement, afin de mieux encadrer cette habilitation, sur un sujet très technique.

Monsieur le ministre, n’estimez-vous pas que le Parlement a été suffisamment contourné ces derniers mois dans le cadre de cette proposition de loi ? J’espère que nous pourrons avancer ensemble sur ce sujet.

En ce qui concerne la demande d’habilitation relative au régime de fractionnement des instruments financiers, qui permet d’acheter non une action entière, mais par exemple un dixième de cette action, la mesure nous semble utile, en ce qu’elle pourra avoir un effet sur le financement des entreprises. De nombreux épargnants se trouvent de fait exclus de l’accès aux marchés, en définitive au détriment du financement des entreprises.

L’article 12 illustre à mon sens un certain manque d’anticipation. Il prévoit de limiter les indemnités de licenciement des preneurs des risques en excluant la prise en compte d’une partie de leur rémunération variable.

L’effet de cette mesure est très restreint, puisqu’il ne concerne qu’une partie de la rémunération d’un nombre très limité de salariés, qui occupent de hautes responsabilités ou qui bénéficient des rémunérations les plus élevées. Il s’agit, par exemple, de 0,3 % des membres du personnel des établissements financiers.

Permettez-moi d’y revenir, monsieur le ministre : là encore, dès 2017, la commission des finances avait souligné que le coût du travail représentait un « handicap concurrentiel » pour la place de Paris, notamment en raison du poids des prélèvements sociaux, mais aussi du coût des licenciements.

Sept ans plus tard, les choses n’ont pas beaucoup changé. J’en veux pour preuve la table ronde sur l’attractivité financière de la France organisée sur l’initiative du président Raynal le 3 avril dernier, lors de laquelle les constats étaient les mêmes qu’en 2017.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir pendant tout ce temps travaillé sur la question du plafonnement des indemnités de licenciement ? Là encore, il semblerait que le Gouvernement ait consulté le Conseil d’État, sans que l’avis de ce dernier nous soit adressé.

Je ne puis terminer mon intervention sans citer le ministre qui a inspiré cette proposition de loi : en 2017, quelques mois après les travaux que j’avais menés au nom de la commission des finances sur la compétitivité de la place financière de Paris, M. Bruno Le Maire avait salué les recommandations de notre rapport, en soulignant que le Premier ministre s’en était « directement inspiré » pour renforcer l’attractivité de la place de Paris.