M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité récente, notamment l’affaire de ce Britannique âgé de 17 ans retrouvé après une disparition de six ans, nous rappelle la réalité des dérives sectaires.
Emprise psychologique, destruction de la cellule familiale, isolement social, exploitation financière, voire sexuelle : il s’agit de bien plus que d’une pensée ou d’un mode de vie située à la marge de la société.
Pourtant, le danger lié aux dérives sectaires semble peu pris en considération par les pouvoirs publics, à tel point que la disparition de la Miviludes a même pu être évoquée en 2020.
Certes, des assises nationales se sont bien tenues au début de l’année, mais elles n’ont tenu compte d’aucune des recommandations émises par les auteurs des rapports parlementaires transpartisans publiés ces dernières années, comme l’a montré la commission des lois.
Le présent projet de loi n’est qu’une ébauche de réflexion sur de nouvelles dispositions pénales.
La version du texte proposée par le Gouvernement manquait de mesures ayant trait au numérique et comportait des risques d’inconstitutionnalité relevés par le Conseil d’État, dans son avis publié le 17 novembre 2023.
Nous aurons l’occasion de présenter des pistes d’amélioration fondées sur des travaux parlementaires, notamment en matière de formation des professionnels du droit.
Ces dernières années, nous assistons à une augmentation des phénomènes sectaires, qui prennent désormais des formes multiples : ces mouvements ne sont plus uniquement à vocation religieuse ou spirituelle, mais investissent aussi les domaines de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation.
En 2021, on comptait 4 020 saisines de la Miviludes, soit un bond de 33 % depuis l’année précédente et une augmentation de 86 % depuis 2015. Un quart des signalements faits à la Miviludes ont trait à la santé et au bien-être.
La commission des lois a pris la mesure de l’effet amplificateur qu’ont eu, en la matière, les réseaux sociaux ces dernières années. C’est pourquoi elle a introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d’abus de faiblesse, lorsque les infractions sont commises par le biais de ces réseaux.
Si l’aspect d’escroquerie financière est presque toujours au cœur de ces pratiques délétères, les conséquences psychiques et physiques sont aussi importantes.
La commission a tout autant pris la mesure des dangers que courent les mineurs en la matière et a ainsi modifié les règles ayant trait aux délais de prescription en cas d’abus de faiblesse.
Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du texte en commission, nous avons pu conférer un réel statut législatif à la Miviludes, afin de conforter son rôle face aux dérives sectaires, dont le nombre ne fait qu’augmenter, sous des formes toujours plus variées.
À ce titre, nous saluons la prise en compte du nouvel aspect numérique de tels phénomènes.
Nous le savons tous, un climat de défiance s’est diffusé dans tous les domaines et les discours antiscientifiques ont été amplifiés, notamment par l’usage accru des réseaux sociaux depuis l’épidémie de covid-19.
En la matière, les dérives sont rapides et leurs auteurs prompts à vanter des traitements qui n’ont été ni étudiés ni validés. Les situations d’incertitude médicale ou personnelle sont propices à la diffusion de prétendues réponses aussi simples que miraculeuses.
Il existe un risque pour la santé publique. Des personnes vulnérables peuvent se laisser convaincre par quelque margoulin de se soumettre à des soins délivrés par des non-professionnels et susceptibles d’être dangereux pour leur santé.
Le Gouvernement doit développer des politiques axées sur la prévention, afin de lutter réellement contre l’émergence de groupes isolés, dédiés à la santé et au bien-être, domaines qui donnent lieu à de nombreuses dérives et à bien du charlatanisme.
Au-delà du rôle conforté de la Miviludes, l’importance des associations est aussi mise en avant. Très au fait des méthodes de certains mouvements, elles restent un des piliers de la lutte contre les dérives sectaires. L’accompagnement qu’elles offrent aux victimes et à leurs proches est une des clés d’une meilleure approche judiciaire des faits délictueux, voire criminels.
Aussi la reconnaissance qui leur est apportée est-elle plus que juste. En effet, cela a déjà été dit, l’arsenal législatif destiné à réprimer les agissements de ces communautés existe déjà. C’est bien sa connaissance et sa mise en œuvre qu’il convient d’améliorer.
Sur ce sujet, nous défendrons des amendements issus des travaux menés au sein de notre assemblée, par Jacques Mézard et Alain Milon, en 2013. Leur enquête se concentrait sur les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires dans le domaine de la santé, mais leurs préconisations pleines de bon sens et de retours d’expérience mériteraient un soutien bien plus important.
Il ressortait de leurs travaux que les magistrats comme la protection maternelle et infantile (PMI) pourraient bénéficier d’un soutien de l’État dans leur formation afin que les mécanismes en jeu soient mieux connus et que des détections soient possibles, en particulier pour ce qui concerne les enfants.
Ce rapport de 2013 préconisait le déploiement d’une campagne d’information sur le sujet. Nous n’avons pas pu inscrire dans le présent texte une telle mesure, au vu des règles de recevabilité financière des amendements, mais nous invitons fortement le Gouvernement à s’engager en ce sens.
Ce rapport soulignait également une certaine libéralité des préfectures dans la mise en place de cellules consacrées aux dérives sectaires.
Le texte qui nous est soumis est très largement insuffisant ; il se compose de petites mesures, visant simplement à reconnaître au sein de notre arsenal pénal l’existence de ces phénomènes sectaires, sans agir sur les causes des phénomènes.
Je salue donc les travaux de notre commission, qui ont fortement modifié le projet initial, en complétant les dispositifs proposés par des mesures plus opérationnelles destinées à lutter plus efficacement contre le fléau sectaire.
Aussi notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sera-t-il attentif au sort réservé aux améliorations de bon sens qu’il proposera sur ce texte. Si l’équilibre trouvé par la commission est conservé dans le texte issu de nos débats, nous voterons pour son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le principal mérite du texte proposé par le Gouvernement est d’attirer notre attention sur la recrudescence des dérives sectaires.
Celles-ci sont en partie nourries par la montée de l’irrationalisme, par la contestation de la science, par la perte de légitimité des institutions politiques et scientifiques, par la propagation sur les réseaux dits « sociaux » de récits complotistes et par l’illusion que chacun pourrait se constituer sa vérité à partir d’informations glanées sans méthode, sans médiation et sans vérification.
À raison, le Gouvernement considère que ces processus de sujétion des individus sont particulièrement nocifs quand ils touchent à leur santé. Néanmoins, les dispositions législatives qu’il propose pour protéger la santé de nos concitoyens ne s’inscrivent que dans le code pénal et le code de procédure pénale, alors qu’il aurait fallu s’interroger sur leurs relations avec le code de la santé publique, surtout quand elles sont relatives à l’exercice illégal de la médecine.
Par ailleurs, mesdames les ministres, si ce n’est pas le Conseil d’État qui écrit la loi, il est en revanche tout à fait raisonnable d’écouter le Conseil d’État pour écrire la loi… En l’occurrence, vous auriez dû entendre ses critiques sévères à l’encontre, notamment, de la rédaction de l’article 4 de votre projet de loi, qui porterait atteinte, selon lui, aux principes constitutionnels de la liberté d’expression, des libertés académiques et de la liberté fondamentale d’accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales.
Il serait donc funeste que l’article 4 soit réintroduit, dans sa rédaction initiale, par l’Assemblée nationale, car il instaure un délit de publicité en faveur de pratiques à finalité thérapeutique récusées par la science médicale, mais ne précise pas si les professionnels de la médecine sont eux aussi concernés. En d’autres termes, comment cette disposition s’articule-t-elle avec la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet-Sérusclat ?
Il faut défendre la liberté de la recherche, la possibilité pour les savants de soumettre à une saine critique leurs résultats et ceux de leurs collègues, ainsi que la nécessité de nouvelles pratiques thérapeutiques. Mais ces travaux ne peuvent s’affranchir des règles déontologiques et éthiques propres à la médecine. Comme le rappelait le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des sciences, dans une tribune publiée le 28 mai dernier, il est impérieux que la démonstration des effets thérapeutiques des médicaments respecte les droits et la sécurité des personnes participant à la recherche.
Je regrette vivement que les graves méconduites scientifiques commises durant la pandémie de covid n’aient pas été plus rapidement et plus sévèrement sanctionnées. La liberté de la recherche impose un strict respect de l’intégrité scientifique.
Avec la rapporteure de la commission des lois, je déplore la précipitation avec laquelle ce projet a été élaboré, puis soumis à notre examen. Il eût été de bonne politique qu’il profitât des travaux importants réalisés par le Parlement et, notamment, du rapport rendu par notre ancien collègue Jacques Mézard en avril 2013. Je comprends donc l’impuissance de la commission à corriger un texte aussi peu abouti et sa décision d’en supprimer quatre articles.
Le texte ainsi remanié par la commission introduit quelques dispositions utiles dans le code pénal, mais son principal apport réside dans la reconnaissance législative de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La Miviludes voit ainsi sa mission renforcée, alors que son autonomie avait pu être menacée par le passé.
Une telle institutionnalisation de la Miviludes avait été préconisée par Georges Fenech dans son rapport remis en 2008. Cela doit maintenant s’accompagner d’un renforcement de ses moyens et de son budget, afin qu’elle puisse jouer un rôle efficace contre les dérives sectaires.
Aujourd’hui, nous voterons en faveur de ce texte, tel qu’il a été modifié par la commission.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en décembre 2000, l’émission d’investigation Envoyé spécial présentait un document édifiant, inédit à l’époque, sur la secte menée par Claude Vaurilhon, surnommé Raël. Après les drames de l’Ordre du temple solaire, le grand public découvrait comment s’installait l’emprise d’un gourou aussi fantasque que dangereux sur des adeptes fragilisés et bientôt dépouillés, humainement comme financièrement.
Aujourd’hui, chacun le sait, les dérives sectaires ne s’incarnent plus seulement dans ces groupes mimant des croyances religieuses : le phénomène s’est emparé d’internet, des réseaux sociaux et, plus généralement, de tous les outils du numérique.
Les gourous en ligne fleurissent, cachés derrière des pseudonymes et des discours aux allures de science alternative. Mais les conséquences sont toujours aussi dramatiques pour ceux qui adhèrent à leur parole.
Le groupe du RDSE se préoccupe depuis longtemps déjà des dérives sectaires. Nous avions pris l’initiative, en 2012, d’une commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, dont le rapporteur fut notre ancien collègue Jacques Mézard.
Le rapport qu’il rendit l’année suivante reste extrêmement pertinent ; notons en particulier que certaines de ses recommandations ont été reprises par notre commission des lois. Nous nous en réjouissons.
Toutefois, le fait qu’un rapport datant d’une dizaine d’années soit encore si actuel sonne comme un avertissement préoccupant : j’y vois le signe d’une décennie au cours de laquelle nous avons trop peu agi en la matière.
Vous l’aurez donc compris, notre groupe a accueilli avec enthousiasme ce projet de loi. Cependant, nous déplorons qu’il nous soit présenté en fin d’année, à la suite du marathon budgétaire, nous privant ainsi du temps suffisant pour engager un travail de fond d’ampleur, à la mesure de la problématique.
C’est d’ailleurs une difficulté que vous semblez avoir également rencontrée, mesdames les ministres, avec le Conseil d’État, qui en fait mention dans son avis. Ce texte dont des vies humaines dépendent a été préparé dans un délai contraint ; force est de constater que cela a produit une rédaction approximative. Le sujet méritait mieux !
Il n’en reste pas moins que le texte du Gouvernement comportait des mesures fortes. Je pense aux articles 1er et 2, qui créaient un dispositif répressif protégeant les victimes d’un état de sujétion psychologique ou physique, si cette situation aboutissait à une dégradation grave de leur santé.
Je pense ensuite à l’article 4, par lequel le Gouvernement proposait, certes maladroitement, de réprimer la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques pseudo-thérapeutiques, lorsque ces actions, présentées comme bénéfiques, exposaient les personnes concernées à des risques d’une particulière gravité pour leur santé.
Je regrette que notre commission ait fait le choix de supprimer ces trois articles, alors même que le Conseil d’État, tout en soulignant leurs imperfections rédactionnelles, avait néanmoins affirmé le caractère incontestable de la légitimité de l’objectif recherché.
Je vois cette suppression comme un pas de côté, que notre groupe regrette. Toutefois, je reconnais que la commission n’a pas disposé du temps nécessaire pour faire aboutir ses travaux. À cet égard, je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, d’autant que c’est son premier rapport !
Avec modestie, je vous proposerai de rétablir les articles 1er et 2. J’ai en outre cherché à réécrire l’article 4, en introduisant des garde-fous supplémentaires. Le Gouvernement a également déposé un amendement de rétablissement de cet article, dans lequel les contours de l’infraction semblent mieux dessinés.
Certes, ce texte comporte des imperfections. Toutefois, la navette parlementaire pourrait porter ses fruits ; c’est en tout cas ce que nous espérons vivement.
Pour le reste, les apports de la commission nous satisfont. Je pense en particulier à l’article 2 bis, issu d’un amendement que j’avais défendu en commission, aux côtés de Mme la rapporteure, et qui devrait permettre l’allongement du délai de prescription lorsque l’abus de faiblesse est commis sur une victime mineure.
Je pense également à l’inscription dans la loi du statut de la Miviludes, conformément à une recommandation du rapport Mézard. Il est impératif que cette instance soit protégée et renforcée statutairement. Jacqueline Eustache-Brinio et moi-même avions d’ailleurs été alertées sur ce sujet en 2020, dans le cadre de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, que je présidais. Nous avions donc fait de cette mesure notre première proposition.
Ces ajouts à notre droit sont les bienvenus. Par conséquent, même si aucune des dispositions supprimées n’était rétablie, nous voterions malgré tout le texte, mais non sans regret, au regard des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j’essaierai d’être le plus bref possible, car je sens qu’un autre débat est attendu ici !
Néanmoins, les dérives sectaires sont un sujet important. Elles font, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes en France. Deux décennies après l’adoption de la loi About-Picard, force est de constater que notre dispositif législatif ne correspond plus aux enjeux actuels, notamment en raison de l’évolution de la menace, qu’il s’agisse des nouvelles technologies ou de la médecine.
Nous avons donc besoin d’adapter notre droit. Telle est la vocation du texte présenté par le Gouvernement.
Je ne peux que regretter la suppression, par la commission, des articles 1er et 4, qui permettaient de mieux cerner, en matière pénale, les agissements auxquels nous souhaitons mettre fin. Il s’agissait de mieux prendre en compte la spécificité de l’emprise sectaire et d’agir en amont de l’abus de faiblesse. Cela aurait permis de répondre aux demandes non seulement des policiers spécialisés dans ce domaine et des magistrats, mais aussi des associations.
Nous aurons sans nul doute l’occasion de revenir sur ces points lors de l’examen des amendements déposés sur le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
12
Immigration et intégration
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (texte de la commission n° 224, rapport n° 223).
La parole est à Mme le rapporteur. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Huées sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue, hier et aujourd’hui, sur le projet de loi relatif à l’immigration.
M. Mickaël Vallet. À Matignon !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, la particularité de cette commission mixte paritaire : alors que nous travaillons normalement à partir de deux textes, celui du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, nous n’avons eu, en l’occurrence, qu’un seul document de travail, à savoir le texte qui émanait du Sénat, l’Assemblée nationale ayant rejeté le projet de loi.
Ces circonstances particulières impliquaient selon moi que le texte du Sénat, qui seul avait reçu l’onction démocratique, si je puis dire, constitue la base de notre travail. Cette onction avait d’ailleurs été assez large, puisque le texte avait reçu 210 suffrages au sein de notre assemblée.
Vous n’aurez donc pas un grand effort à faire pour comprendre à quel texte a abouti cette commission mixte paritaire, si ce n’est un effort de mémoire. En effet, il s’agit, dans sa quasi-intégralité, du texte que nous avions approuvé au Sénat en première lecture.
Nous avons maintenu l’architecture de notre texte, qui comprenait un titre totalement nouveau sur la maîtrise des voies d’accès au séjour, un deuxième volet sur l’intégration et un autre sur l’éloignement, ainsi que deux séries de dispositions plus techniques, l’une sur l’accueil des demandeurs d’asile et l’autre sur les procédures judiciaires.
C’était surtout le premier point qui nous intéressait, à savoir le titre Ier A relatif à l’entrée des étrangers sur notre territoire. Nous avons globalement conservé ce que j’estime être un apport du Sénat. Je pense tout d’abord au débat qui aura lieu au Parlement et permettra de fixer des quotas. Ce titre vise ensuite à raffermir les procédures d’obtention de divers titres de séjour, qu’il s’agisse du regroupement familial ou des titres destinés aux étrangers malades ou aux étudiants, qui feront l’objet d’un meilleur contrôle.
Nous avons aussi obtenu, me semble-t-il, une amélioration concernant l’aide médicale de l’État (AME). En la matière, Mme la Première ministre, dans un courrier envoyé au président du Sénat, a déclaré que ce débat reprendrait dans les mois qui viennent, à la lumière du rapport de MM. Évin et Stefanini – ce rapport n’est pas inintéressant, il faut le dire –, afin que nous puissions assurer un meilleur contrôle de cette aide.
Nous avons donc maintenu dans le texte le titre relatif à une meilleure maîtrise de l’entrée des étrangers sur notre territoire. Cela faisait quatre ans que, avec Philippe Bonnecarrère, en tant que rapporteurs pour avis de la commission des lois pour les budgets relatifs à l’immigration, nous soulignions l’importance de ce volet.
Le deuxième volet du texte, également important, a trait à l’intégration. Il est désormais acquis, me semble-t-il, qu’une meilleure connaissance de la langue française sera demandée à ceux qui souhaitent vivre durablement en France, par le biais d’une carte de séjour pluriannuelle, mais aussi au titre du regroupement familial.
Il leur sera aussi demandé de réussir un examen civique – de la sorte, ceux qui veulent vivre chez nous pourront mieux comprendre quel est notre pays, donc mieux s’y intégrer et mieux s’y adapter –, ainsi que de s’engager par contrat à respecter les principes de la République.
Il me semble en effet nécessaire que les étrangers qui viennent vivre dans notre pays respectent la France, en parlent la langue, en connaissent l’histoire et en partagent l’esprit civique.
Le sujet de l’intégration par le travail avait été abordé ; nous en avons longuement discuté en examinant les articles 3 et 4 bis. Je n’y reviens que pour vous dire que l’article 4 bis a été maintenu : il n’y aura pas de prime à la fraude et la régularisation se fera dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour. Autrement dit, l’État conserve la maîtrise de la politique migratoire.
Quant au volet relatif à l’éloignement, il a été totalement maintenu : l’éloignement de ceux qui causent des troubles à l’ordre public sur le territoire français est facilité ; sur ce point, me semble-t-il, nous serons tous d’accord.
Enfin avait été ajouté par le Sénat un titre entier sur les outre-mer, pour lesquels notre assemblée a un intérêt tout particulier : la commission mixte paritaire l’a maintenu.
Voilà résumé sommairement, mes chers collègues, ce que nous avons fait – le temps me manque pour vous en dire plus. Je me contenterai, pour conclure, de noter que, par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes. Nous le faisons d’une façon qui me paraît extrêmement raisonnable et qui sera – je l’espère – efficace.
C’est pourquoi, dans la mesure où il s’agit peu ou prou du texte que nous avions adopté en première lecture, je demande à tous ceux qui l’avaient voté – nous étions deux cent dix – d’adopter les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – chère Sabrina Agresti-Roubache –, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer, je me réjouis qu’après plus d’un an de discussions parlementaires, qui ont mis ce texte important en pleine lumière, nous arrivions au but.
J’espère désormais que le Sénat et l’Assemblée nationale voteront ce projet de loi, afin que nous puissions protéger les Français, mieux intégrer les étrangers (Exclamations sur les travées du groupe SER.), simplifier la vie administrative de nos concitoyens, mais aussi, il faut le dire, améliorer des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial du Gouvernement. (Murmures ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)
Le texte du Sénat ne remplace pas le texte du Gouvernement : il le complète. (Oh ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Mickaël Vallet. Même à Sciences Po, je n’aurais pas osé !
M. Gérald Darmanin, ministre. Sur vingt-sept articles inscrits dans le projet de loi initial, un seul a été retiré : l’article 4, qui visait à autoriser les demandeurs d’asile à travailler dès l’introduction de leur demande au lieu du délai de six mois actuellement applicable. Tous les autres ont été maintenus, la plupart dans leur intégralité ; certains ont été assortis de modifications mineures, d’autres de modifications plus substantielles, mais l’esprit du texte initial a toujours été conservé.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. CQFD !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement et, me semble-t-il, la majorité de l’Assemblée nationale avec lui – je voudrais saluer également, dans votre assemblée, les groupes présidés par François Patriat et Claude Malhuret, qui nous ont soutenus dans cette action – tenaient à l’équilibre de son texte. (Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
Premier point d’équilibre : tout ce qui a trait à l’intégration des personnes étrangères.
Le texte contient à cet égard beaucoup de dispositions sur la langue – l’obtention d’un titre pluriannuel est notamment subordonnée à la réussite à un examen de français – ou sur le travail.
Ensuite, si le Sénat vote ce texte, ce qui laisse peu de doutes, et si l’Assemblée nationale le vote également,…
Plusieurs sénateurs des groupes SER et GEST. C’est déjà plus douteux !
M. Gérald Darmanin, ministre. … alors, pour la première fois de l’histoire de la République sera inscrite dans le droit une mesure législative de régularisation, qui, comme l’a souhaité le Gouvernement, coupe le lien entre employeur et employé.
Cette mesure touchera des milliers de personnes – d’après nos chiffres, entre 7 000 et 10 000 – qui, exerçant des métiers en tension, méritent de sortir de la situation d’hypocrisie dans laquelle nous les plongeons collectivement, au fil des gouvernements successifs, depuis tant d’années. Ainsi connaîtront-ils enfin le monde tel qu’il est classiquement : quand on paie des cotisations, quand on paie des impôts, il est normal de se voir reconnaître un titre de séjour sur le sol de la République.
Je m’étonne que la gauche, sans doute pleine de regrets de ne pas l’avoir fait elle-même, ne le voie pas. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Thomas Dossus. Relisez l’article !
Mme Corinne Féret. Scandaleux !