Sommaire
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.
2. Mise au point au sujet d’un vote
demande de soutien de l’état pour le projet de modernisation de l’abattoir de quillan
Question n° 796 de M. Sebastien Pla. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Sebastien Pla.
mise en place des clauses miroirs aux frontières du marché intérieur
Question n° 906 de M. Guislain Cambier. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Guislain Cambier.
adapter la politique de concurrence sur les produits bois issus des forêts françaises en crise
Question n° 922 de M. Patrick Chaize. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Patrick Chaize.
mise en œuvre et sécurisation des financements des projets alimentaires territoriaux
Question n° 973 de M. Hervé Gillé. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Hervé Gillé.
accompagnement à l’installation-transmission des agriculteurs
Question n° 987 de M. Antoine Lefèvre. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Question n° 047 de Mme Frédérique Puissat. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; Mme Frédérique Puissat.
soutien aux entreprises françaises de fabrication de masques
Question n° 609 de Mme Véronique Guillotin. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; Mme Véronique Guillotin.
dépenses non éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
Question n° 125 de Mme Christine Herzog. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; Mme Christine Herzog.
guichet unique électronique des formalités d’entreprises (i)
Question n° 799 de Mme Nathalie Delattre. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
4. Modification de l’ordre du jour
suppression de la taxe communale sur les services funéraires
Question n° 124 de Mme Nadia Sollogoub. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; Mme Nadia Sollogoub.
fonds vert et dotations d’investissement
Question n° 968 de M. Laurent Somon. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
guichet unique électronique des formalités d’entreprises (ii)
Question n° 983 de M. Jean-Baptiste Blanc. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; M. Jean-Baptiste Blanc.
avenir du glacier de la girose dans les alpes
Question n° 952 de M. Guillaume Gontard. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Guillaume Gontard.
Question n° 569 de M. Michel Canévet. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Michel Canévet.
transfert financier et d’ingénierie aux epci de l’aide à la pierre
Question n° 812 de Mme Agnès Canayer. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; Mme Agnès Canayer.
financement des logements sociaux
Question n° 912 de M. Laurent Burgoa. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Laurent Burgoa.
dangers des munitions immergées
Question n° 982 de Mme Annick Billon. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; Mme Annick Billon.
Question n° 946 de M. Michaël Weber. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Michaël Weber.
Question n° 861 de Mme Céline Brulin. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; Mme Céline Brulin.
Question n° 934 de M. Guillaume Chevrollier. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Guillaume Chevrollier.
progressivité des tarifs de l’eau
Question n° 928 de M. Hervé Reynaud. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; M. Hervé Reynaud.
situation du collège rural de corlay
Question n° 882 de M. Ronan Dantec. – M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
élections dans les communes de moins de 1 000 habitants
Question n° 014 de M. Bruno Belin. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville.
transparence sur la délinquance et la hausse des attaques au couteau
Question n° 744 de Mme Valérie Boyer. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; Mme Valérie Boyer.
obligation d’information préventive des maires à la population
Question n° 871 de Mme Elsa Schalck. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville.
augmentation des campements de sans-abri à paris
Question n° 880 de Mme Catherine Dumas. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; Mme Catherine Dumas.
reconnaissance des cancers comme maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers
Question n° 960 de Mme Émilienne Poumirol. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; Mme Émilienne Poumirol.
Question n° 884 de Mme Sylviane Noël. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; Mme Sylviane Noël.
circulation des poids lourds dans les villages de l’oise
Question n° 984 de M. Édouard Courtial. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville.
décret relatif à la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires
Question n° 989 de M. Patrice Joly. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; M. Patrice Joly.
critères d’attribution du label « quartier prioritaire de la ville »
Question n° 976 de M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de Mme Dominique Vérien. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; M. Jean-Baptiste Lemoyne.
situation des écoles supérieures d’art territoriales
Question n° 870 de M. Max Brisson. – Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville ; M. Max Brisson.
pénuries du traitement beyfortus et de médicaments
Question n° 955 de M. Henri Cabanel. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées ; M. Henri Cabanel.
situation de la psychiatrie dans le loiret
Question n° 971 de Mme Pauline Martin. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées ; Mme Pauline Martin.
situation des maternités dans le département du cher
Question n° 972 de M. Rémy Pointereau. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées ; M. Rémy Pointereau.
effet de ciseaux pour les associations d’aide alimentaire
Question n° 914 de Mme Monique de Marco. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées.
expérimentation des antennes d’officines pharmaceutiques
Question n° 978 de M. Jean-Jacques Lozach. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées.
Question n° 988 de M. Philippe Tabarot. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées ; M. Philippe Tabarot.
transport d’urgence et zone géographique
Question n° 929 de Mme Marianne Margaté. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées.
désengagement de l’état du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée »
Question n° 844 de Mme Amel Gacquerre. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées.
subventions allouées au centre régional jeunesse et sports de petit-couronne
Question n° 951 de M. Didier Marie. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées.
situation de la maternité de guingamp
Question n° 963 de Mme Annie Le Houerou. – Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées ; Mme Annie Le Houerou.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
6. Loi de finances pour 2024. – Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
Discussion générale :
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
8. Erasmus de l’apprentissage. – Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission des affaires sociales
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
9. Respect du droit à l’image des enfants. – Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
10. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
11. Lutte contre les dérives sectaires. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
12. Immigration et intégration. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption, par scrutin public n° 109, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
13. Lutte contre les dérives sectaires. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 30 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié de M. Guy Benarroche. – Adoption.
Amendement n° 13 rectifié de M. Guy Benarroche. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 10 de M. Guy Benarroche. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Article 1er B (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 24 rectifié de M. Olivier Bitz. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 16 de Mme Nathalie Goulet. – Rectification.
Amendement n° 16 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles 2 bis et 3 ter (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 12 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. Olivier Bitz. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 17 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 23 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 27 de M. Olivier Bitz. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 22 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
14. Ordre du jour
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Monsieur le président, lors du scrutin n° 102 du 14 décembre 2023 sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations, je souhaitais voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
demande de soutien de l’état pour le projet de modernisation de l’abattoir de quillan
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la question n° 796, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Sebastien Pla. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’importance du concours de l’État pour la modernisation de l’abattoir de Quillan, propriété d’un syndicat mixte réunissant les communautés de communes du Limouxin et des Pyrénées audoises au sein du pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) de la haute vallée de l’Aude.
Cet outil est le seul qui reste dans le département après la fermeture des abattoirs de Castelnaudary et de Narbonne. Il est indispensable pour la filière d’élevage audoise, car il est implanté en zone de montagne au plus près des exploitations.
Ce site d’abattage collectif, cogéré par les éleveurs et les élus locaux, permet la commercialisation de bêtes élevées localement avec une traçabilité irréprochable, justifiant la création du label de qualité « Viandes des Pyrénées audoises » et favorisant de nombreux partenariats avec les artisans bouchers locaux.
Son positionnement géographique central permet aussi de limiter le transport des animaux vivants à moins d’une heure de distance, afin de garantir des conditions sanitaires et de bien-être animal optimales.
Enfin, il permet aux éleveurs des territoires voisins, tels que ceux de la plaine du Lauragais qui pratiquent l’enrichissement gras, de bénéficier d’une structure de proximité adaptée.
Or l’abattoir de Quillan doit faire face à de nombreux handicaps qui fragilisent sa pérennité économique, comme l’inflation des charges courantes, le coût de normes qui sont inadaptées pour des structures de cette taille, la baisse du tonnage traité et le coût élevé des investissements. Aujourd’hui, cet abattoir indispensable à la filière a besoin d’un nouveau souffle pour poursuivre sa modernisation et se diversifier.
Dans le cadre du plan de relance, l’État a permis de financer des études pour la mise en œuvre d’un modèle de gestion en phase avec les objectifs réglementaires et sanitaires qu’exige un tel site.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m’indiquer à quelle hauteur l’État envisage de financer les investissements nécessaires à la modernisation de l’abattoir de Quillan et quand il compte le faire ?
Plus globalement se pose la question de savoir si les petits abattoirs de proximité en zone de montagne ont un avenir ou s’ils sont voués à disparaître, disparition dont je ne préfère pas imaginer les conséquences. Quelle est votre doctrine sur ce sujet ? Prévoyez-vous de le traiter dans le cadre du futur projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Pla, comme vous le soulignez, les abattoirs jouent un rôle majeur dans les filières animales et dans la chaîne alimentaire, ainsi que pour les territoires.
Ainsi, 181 abattoirs ont bénéficié du plan de relance, à hauteur de 115 millions d’euros, ce qui représente un volume d’aide inédit. Cela a permis de moderniser et d’adapter les outils pour les mettre en conformité avec les exigences du secteur.
Je souscris à ce que vous dites sur les normes – il faut éviter d’en ajouter en permanence –, mais il arrive malheureusement souvent que, tout en faisant valoir ce principe, on en ajoute quand même… Faisons simplement avec les normes existantes !
Le contexte actuel crée une conjoncture difficile pour les filières d’élevage, qui subissent l’inflation et parfois des pertes de volume.
Le ministère de l’agriculture a engagé au mois de juillet dernier, sur mon initiative, une démarche associant l’ensemble des filières professionnelles et les collectivités territoriales pour préserver un maillage sur l’ensemble du territoire. Ce travail est en cours et doit aboutir au premier trimestre 2024. Il permettra de déterminer le maillage à privilégier, le type d’abattoirs dont nous avons besoin et ceux que nous devons accompagner.
En effet, j’ai pu constater que, dans certains cas, quatre, cinq ou six plans d’aide ne suffisent toujours pas à garantir la pérennité d’un abattoir. Certes, ce n’est pas forcément le cas de celui que vous citez, mais cela montre qu’il faut tenir compte du contexte. Je ne peux pas engager l’État à l’aveugle sur tel ou tel abattoir sans avoir analysé l’ensemble du maillage.
Nous devons définir clairement le réseau d’abattoirs dont nous avons besoin sur le territoire, en distinguant les établissements selon leur taille – il nous faut toute la panoplie. Pour cela, nous devons savoir quels animaux sont aujourd’hui traités dans tel ou tel abattoir et dans quels volumes. Nous devons aussi établir des prévisions de production. Nous pourrons ainsi déterminer si l’ensemble peut fonctionner.
Ensuite, l’État interviendra conformément à ce que prévoit le plan de reconquête de la souveraineté de l’élevage, c’est-à-dire grâce à des garanties d’emprunts à hauteur de 50 millions d’euros, pour accompagner les abattoirs dans leur modernisation.
Pour l’instant, nous avons surtout besoin d’un diagnostic et ce sera fait rapidement, puisque les travaux devraient se terminer durant le premier trimestre 2024.
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.
M. Sebastien Pla. Monsieur le ministre, j’entends ce que vous dites et je m’en réjouis. Vous avez raison de rappeler qu’il faut veiller à ne pas créer trop de normes.
Toutefois, il faut surtout donner des moyens aux territoires qui n’en ont pas, notamment ceux où l’on trouve des structures d’utilité publique comme l’abattoir de Quillan, où il est difficile de recruter du personnel doté d’un certain niveau de compétences.
mise en place des clauses miroirs aux frontières du marché intérieur
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 906, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, lors du premier conseil de l’Union européenne sous présidence française, le 17 janvier 2022, vous avez fait de la mise en place des clauses miroirs une priorité européenne.
Évoquées à plusieurs reprises par le Président de la République, ces mesures imposeraient aux partenaires commerciaux qui souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l’Union européenne de se conformer au préalable à ses normes sanitaires et environnementales.
Aujourd’hui, alors que les agriculteurs français respectent les nombreuses préconisations de la Commission européenne, tout particulièrement la réduction drastique de produits phytosanitaires, ces obligations ne sont pas imposées aux produits importés de l’extérieur de l’Union européenne. C’est ainsi que des pesticides et antibiotiques non autorisés en Europe peuvent l’être à l’étranger et se retrouver dans nos assiettes.
Par exemple, le consommateur français n’est pas informé que les lentilles produites au Canada le sont avec des pesticides formellement interdits en Europe.
Ces produits chimiques ont pour seul objectif d’augmenter les volumes de récolte, quoi qu’il en coûte, donc au détriment de la santé des consommateurs européens. Cette différence de traitement peut être assimilée à de la concurrence déloyale.
Les agriculteurs que j’ai rencontrés dans le département du Nord, en particulier dans l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe, vous ont soutenu dès 2022, alors que vous annonciez que ces clauses miroirs étaient une priorité. Mais, deux ans après cette annonce, rien.
Comme les agriculteurs de mon territoire, je souhaite connaître l’état d’avancement de la mise en œuvre des clauses miroirs, près de deux ans après l’annonce que vous avez faite à leur sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cambier, vous ne pouvez pas dire qu’il ne s’est rien passé !
Le Gouvernement a inscrit la question des clauses miroirs à l’agenda européen, alors qu’elle n’y figurait pas, et cela sous l’impulsion de mon prédécesseur, Julien Denormandie, en accord avec le Président de la République dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.
Oui, il faut introduire des clauses miroirs dans l’ensemble des accords internationaux. Nous avons d’ailleurs refusé certains accords, comme ceux avec l’Australie et le Mercosur. La France, parfois seule – sans doute trop seule… –, a refusé ces accords au motif que des clauses miroirs n’y figuraient pas, en particulier celles qui sont relatives à l’accord de Paris. Voilà un exemple d’action concrète que nous avons menée. L’absence de clauses miroirs dans ces deux accords a justifié notre refus de les entériner. Nous avons donc tenté, vous le voyez bien, de progresser sur ce sujet.
En outre, en matière de réciprocité des normes, nous avons défendu trois types de mesures miroirs : l’interdiction des importations de produits d’origine animale pour lesquels il a été fait usage d’antimicrobiens ; la suppression des tolérances à l’importation de produits contenant des résidus de pesticides interdits ; et la lutte contre la déforestation importée. Ces mesures s’appliquent désormais dans un certain nombre d’accords et des décisions européennes ont été prises dans ce sens.
L’initiative portée par la France a eu pour résultat l’introduction d’une conditionnalité tarifaire dans l’accord avec la Nouvelle-Zélande réservant le bénéfice de l’accès préférentiel aux produits issus de bovins nourris à l’herbe.
Pa ailleurs, la Commission européenne a présenté le 6 décembre 2022 le projet d’acte délégué permettant d’étendre aux importations de viande l’interdiction européenne d’utiliser des antibiotiques.
L’accord trouvé entre le Conseil européen et le Parlement européen le 6 décembre 2022 sur l’instrument de lutte contre la déforestation est un autre exemple de résultat concret que nous avons obtenu.
Enfin, la Commission européenne a également adopté, le 2 février dernier, au titre de la protection des pollinisateurs, la mise à zéro des limites maximales de résidus acceptables dans un certain nombre de produits.
Je ne dis pas que tout est résolu, mais nous essayons de progresser à chaque fois que c’est possible. Dans toutes les discussions que nous avons sur les questions commerciales, nous veillons à intégrer des clauses miroirs, car sans elles, nos agriculteurs subiraient une distorsion de concurrence.
Certes, il ne s’agit pas d’une équivalence absolue et ni l’agriculture brésilienne ni l’agriculture canadienne ne fonctionnent comme l’agriculture française. Toutefois, dès que l’on constate un risque de distorsion de concurrence, il faut travailler à inclure des clauses miroirs et c’est ce que nous faisons.
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.
M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, nos agriculteurs méritent une égalité de traitement, que leurs produits soient en concurrence avec d’autres qui proviennent de l’extérieur ou de l’intérieur de l’Union européenne.
C’est un enjeu essentiel pour nos villages et nos communes, ainsi que pour notre puissance agricole. L’agriculture ne doit pas être une variable d’ajustement des négociations commerciales.
Je prends acte de votre fermeté et je vous invite à tenir cette position tout au long des négociations à venir.
adapter la politique de concurrence sur les produits bois issus des forêts françaises en crise
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 922, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Patrick Chaize. Ma question porte sur l’impérieuse nécessité d’agir pour améliorer la balance commerciale française grâce à la filière forêt-bois.
Depuis 2017, nous faisons face à une crise sanitaire frappant une partie des forêts, dont celles les plus productives d’Auvergne-Rhône-Alpes. La conjoncture commerciale, peu dynamique, provoque un retrait de la demande. Un nombre croissant de propriétaires forestiers voient leurs recettes forestières ainsi que leur capital forestier sur pied littéralement amputés.
Tout porte à croire que les effets du changement climatique ne faibliront pas et que le modèle économique de la forêt française doit évoluer pour survivre : nous devons préserver ses emplois, qui représentent près de 375 000 salariés directs, approvisionner son industrie en matériaux de qualité et maintenir une gestion forestière durable.
Si le Gouvernement déploie des dispositifs d’accompagnement importants, ces mesures ne répondent que partiellement aux difficultés du premier maillon de la filière. Il faut prévenir une dévalorisation du matériau bois.
À la différence des bois de chêne pour lesquels il faut lutter contre l’export des grumes, l’enjeu est inversé pour les résineux dans les temps de crise que nous traversons : il s’agit de lutter contre l’importation de bois transformé. Cette dépendance à l’importation désavantage les propriétaires forestiers, en mettant à mal l’avenir du financement du modèle de gestion multifonctionnelle. De surcroît, elle met l’industrie nationale à rude épreuve, accroît le déficit de la balance commerciale et aggrave le mécanisme de déforestation importée.
Dans ce contexte, et en complément du dispositif France 2030, le Gouvernement envisage-t-il d’intervenir sur les politiques d’achat de bois et d’encadrer davantage les marchés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Chaize, je ne suis pas certain que l’on puisse fixer précisément à 2017 le moment où la crise de la forêt française et de la filière bois a commencé… Il me semble que cette crise est bien plus ancienne. Les forestiers vous diraient même que le sujet existe depuis dix, quinze ou vingt ans. Le dépérissement forestier n’est pas nouveau ; en revanche, il s’accélère – vous avez raison de le dire.
Tout d’abord, concernant le dépérissement des forêts, nous devons travailler à mieux accompagner les professionnels pour qu’ils fassent évoluer leurs exploitations de manière à affronter le dérèglement climatique. C’est tout le sens du volet « renouvellement forestier » du plan de relance, qui consacre 250 millions d’euros au financement du reboisement et du renouvellement selon des modalités de gestion durable qui prennent en compte le phénomène de grande migration que subissent les forêts, qu’il s’agisse des résineux ou des feuillus, et qui les fait évoluer de manière importante.
Ensuite, dans un certain nombre de cas, la surface des forêts dépérit à grande vitesse. Cela concerne des centaines de milliers d’hectares de bois, de sorte qu’il faut traiter le problème très rapidement. Sinon, la filière risque de subir une perte nette.
Nous devons donc penser nos outils de transformation non seulement pour l’avenir, mais aussi dans le cadre de la crise qui s’annonce : elle arrive dans nos forêts comme une tempête silencieuse qui se manifestera très rapidement.
Comme je l’ai dit, nous avons prévu une enveloppe de 250 millions d’euros pour financer des plantations et le renouvellement forestier – c’était une première étape en vue de la transformation de nos forêts – et nous ajoutons maintenant 200 millions d’euros.
Jamais des moyens aussi importants n’ont été dégagés et ils seront reconduits en 2024 – c’est inscrit dans le projet de loi de finances qui est en cours d’examen par le Parlement –, ainsi que les années suivantes. Il est important de le préciser, parce que cela donne de la visibilité aux différentes filières qui pourront ainsi s’organiser et lancer la modernisation de leurs outils pour transformer la forêt française.
Enfin, il faut poursuivre la logique mise en œuvre dans le cadre de l’accord de filière « chêne », en développant la contractualisation. J’ai confiance dans cette logique. Pendant des années, on n’a pas rémunéré la matière et elle est partie ailleurs. Désormais, la matière coûte parfois très cher et l’on peine à trouver un équilibre économique global. D’où la nécessité de contractualiser. Tel est le sens de l’accord de filière « chêne », qu’il faut élargir aux résineux et même plus largement à l’ensemble des feuillus.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, la forêt a fourni des recettes à certaines communes, mais elle est désormais source de déficit. Le risque est donc que les communes abandonnent les forêts, alors que celles-ci font partie de notre patrimoine.
À mon sens, nous devons rester vigilants sur la valorisation des bois dépérissants. (M. le ministre approuve.) En effet, ces bois sont achetés à prix très bas, alors que leur fonction mécanique est identique à celle du bois vert. Je vous invite à renforcer l’accompagnement de la filière pour faire en sorte de mieux valoriser les bois dépérissants.
mise en œuvre et sécurisation des financements des projets alimentaires territoriaux
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 973, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, l’examen du budget 2024 aurait pu être l’occasion de sécuriser le financement de la phase opérationnelle des projets alimentaires territoriaux (PAT). Or, à ce jour, cette proposition semble écartée par le Gouvernement.
Le 30 novembre dernier, vous avez lancé un nouvel appel à projets en lien avec la future stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat. En ce sens, vous avez fait parvenir un communiqué aux différents acteurs territoriaux par le biais des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf).
Il y est indiqué qu’une enveloppe budgétaire de 2,84 millions d’euros serait consacrée aux nouveaux PAT. Qu’en est-il pour accompagner les besoins en ingénierie des projets de niveau 2 existants pour leur mise en œuvre opérationnelle ?
En effet, pour que ces financements aient du sens et que la massification des PAT soit enclenchée, il nous faut consolider les projets territoriaux qui fonctionnent, en leur donnant de la visibilité. Les acteurs territoriaux ont principalement besoin de recruter un animateur dédié, et non de simples prestataires, et de financer des actions pour consolider l’entrée en phase opérationnelle.
En Gironde, plusieurs PAT sont concernés. Prenons l’exemple du pôle territorial du Cœur Entre-deux-Mers, dont les besoins sont évalués à 160 000 euros pour cinq ans, soit au moins le montant de ce qui a été versé pour la labellisation de niveau 1.
Une enveloppe supplémentaire prévoyant des financements pour les PAT existants a été annoncée. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer le montant et la durée de cette enveloppe supplémentaire ? Va-t-elle au-delà du seul financement du réseau national des PAT ? S’agira-t-il d’une enveloppe contractualisée pluriannuelle afin de donner de la visibilité aux acteurs territoriaux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Gillé, vous attirez mon attention sur les PAT.
Tout d’abord, je tiens à rappeler que ce dispositif est issu d’une initiative datant d’avant 2017, qui n’avait pas trouvé son financement avant la mise en œuvre du plan de relance. Depuis lors, le nombre de ces projets a été multiplié de façon exponentielle sur le territoire. Nous le devons à la politique que nous avons menée dans le cadre de France Relance. On peut toujours créer des dispositifs, mais mieux vaut avoir les moyens de les faire fonctionner…
Ensuite, vous m’interrogez à juste titre sur l’avenir des PAT. Nous avons décidé de prolonger la dynamique à la fois pour que de nouveaux projets voient le jour et pour soutenir l’animation des projets existants, en particulier dans le cadre de la labellisation.
Enfin, nous inscrirons cette dynamique dans le cadre de la planification écologique, qui constitue naturellement l’un des leviers de la transformation de notre agriculture. Or les PAT favorisent, à l’échelle d’un territoire, le dialogue avec les agriculteurs en matière d’alimentation. On a besoin de filières courtes et les PAT contribuent à les développer. Nous tenons donc à poursuivre cette dynamique.
Pour cela, nous avons décidé de consacrer 20 millions d’euros dès 2024 aux PAT. Des financements seront réservés à l’animation des projets en phase opérationnelle, en lien avec la labellisation de niveau 2. Des crédits seront affectés au financement du réseau – vous l’avez dit – aux niveaux national et régional pour assurer un accompagnement technique des projets, notamment dans la perspective de déployer des actions concrètes en prenant plus largement en compte l’ensemble des dimensions de l’alimentation, qu’il s’agisse de l’économie, de l’environnement ou de la justice sociale.
Nous poursuivrons également l’accompagnement des PAT émergents dans le cadre de l’édition 2023-2024 de l’appel à projets du programme national pour l’alimentation.
Vous me demandez combien de temps dureront ces mesures. Comme vous le savez, l’annualité budgétaire s’impose à nous, mais dans la mesure où il s’agit de planification, ces mesures sont prévues de manière au moins triennale. D’autres déferont peut-être ce que nous faisons. Quoi qu’il en soit, nous aurons ouvert une perspective pour permettre à tous les territoires de travailler sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, je suis tout à fait d’accord avec vous pour consolider la planification écologique et pour la transcrire dans un programme pluriannuel.
Je souhaite attirer votre attention sur le PAT du Cœur Entre-deux-Mers, en Gironde, et sur la reconversion de certaines terres en lien avec la crise viticole. Nous pouvons avoir intérêt à accompagner ce mouvement de reconversion des terres. Dans ce cas de figure, on pourrait envisager de prévoir, par exemple via le fonds vert, une enveloppe spécifique pour améliorer les dispositifs. Cela enverrait assurément, dans le cadre de la crise actuelle, un signal politique intéressant.
accompagnement à l’installation-transmission des agriculteurs
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 987, adressée M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, des inquiétudes planent sur la démographie agricole française. Près de 45 % des agriculteurs en activité seront partis à la retraite à l’horizon 2030, comme le rappelle, dans son introduction, le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, que vous avez présenté vendredi dernier à Yvetot. Or seulement deux tiers d’entre eux seront remplacés avec certitude par de nouveaux arrivants.
À peine dévoilé, ce pacte, publié quelques semaines avant la présentation du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, suscite déjà de l’incompréhension, voire, parfois, du mécontentement. Malgré un an et demi de concertations et plusieurs reports du texte, les éléments présentés la semaine dernière restent très insuffisants.
Parmi les trente-cinq mesures présentées dans le pacte, aucune ne fixe un objectif chiffré quant au nombre de nouvelles installations à atteindre chaque année.
L’avant-projet de loi demeure pour sa part très silencieux sur la question du foncier. Si le texte reprend notamment l’idée d’un groupement foncier agricole d’investissement (GFAI), un dispositif prévu dans la proposition de loi de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, il ne se montre, pour le reste, pas à la hauteur des enjeux.
Faute de leviers fiscaux plus contraignants, le dispositif, dans son état actuel, ne devrait concerner que quelques dizaines d’agriculteurs par an – tout au plus.
Le projet ne semble pas prendre la mesure du problème de l’accessibilité des terres agricoles : à l’heure actuelle, 40 % des exploitants sont locataires de leur terre, mais cela représente 75 % de la superficie agricole utilisée (SAU) totale. Le déséquilibre entre ces deux données est alarmant.
Il est urgent d’offrir des pistes stables et consolidées d’accessibilité au foncier pour garantir la diversité des modèles composant notre agriculture.
Des mesures fiscales performantes visant à ne pas dissocier le foncier de l’installation, un panel consolidé d’aides à l’installation tendant à faciliter l’accès au foncier ou encore une fiscalité plus avantageuse pour les nouveaux arrivants sont des pistes dont le pacte d’orientation aurait pu s’inspirer.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quelles garanties complémentaires entendez-vous apporter aux nouveaux agriculteurs dans le cadre de leur installation ? Il est en effet fondamental que le Gouvernement se saisisse de tous les dispositifs possibles pour remédier à la double crise qui nous attend, celle du foncier et celle du renouvellement générationnel.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, je vous trouve un peu dur, pardonnez-moi de le dire, avec le pacte et le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, dont nous débattrons dans cet hémicycle.
Nous soulevons, au travers de ce projet de loi, la question du foncier et nous le faisons d’une façon qui n’est ni pire ni meilleure que ne l’a fait le Sénat, puisque nous l’abordons à l’aune des groupements fonciers agricoles d’investissement. On ne peut pas saluer une proposition quand elle vient du Sénat et la regretter quand elle est avancée par le Gouvernement ! Selon moi, cela va plutôt dans le bon sens, et nous aurons des débats nourris.
Par ailleurs, je ne partage pas votre point de vue sur le foncier agricole. Qu’une partie des agriculteurs soient locataires, c’est aussi vieux que l’histoire agricole française ! Faut-il être forcément propriétaire de son foncier agricole ? Non !
En revanche, il ne faut pas que le statut de la propriété foncière empêche de jeunes agriculteurs de s’installer, parce que le foncier serait accaparé par des propriétaires souhaitant simplement agrandir leur exploitation. Voilà le véritable sujet !
Le fermage – un formidable outil – est sans doute ce qui a permis à la France d’atteindre son statut de puissance agricole, car il est l’un des plus performants. Il a permis un accès au foncier à des tarifs très faibles par rapport à d’autres pays. Sans aller très loin au nord – je pense à la Belgique ou aux Pays-Bas –, vous verrez que les tarifs du foncier, à la location comme à l’achat, sont incomparablement moins compétitifs que les nôtres.
Il faut donc préserver le fermage. Aussi je n’ai pas voulu ouvrir cette question. Je le répète, cet outil très puissant assure notre compétitivité agricole !
J’ajoute que, dans le pacte et le projet de loi, d’autres questions que le foncier sont ouvertes, qu’il s’agisse de la rémunération, des transitions ou encore du guichet unique.
Enfin, nous mettrons en place à partir du mois de janvier prochain le fonds Entrepreneurs du vivant, qui vise à donner les moyens aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ou à d’autres établissements publics fonciers de porter plus longtemps du foncier – d’une certaine façon, cela revient à retirer le foncier du marché – pour l’attribuer à des jeunes ou à des moins jeunes d’ailleurs, puisque les profils de ceux qui s’installent en tant qu’agriculteurs sont très variés. Au travers des GFAI, nous donnons aux établissements publics fonciers les moyens de mieux accompagner les jeunes pour leur installation.
C’est sur cette base que nous pourrons avancer, et nous en tenons compte dans le pacte et dans le projet de loi d’orientation à venir.
exonération de la taxe sur les salaires pour les groupements d’intérêt public des maisons de l’emploi
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 047, adressée M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la situation fiscale du groupement d’intérêt public (GIP) de la maison de l’emploi et de la formation des pays voironnais et sud Grésivaudan dans l’Isère, qui peut concerner bien d’autres cas.
Ce GIP, institué par un arrêté du préfet de région, associe les collectivités territoriales, le service public de l’emploi et des représentants d’entreprises. Sa vocation est de regrouper dans un seul ensemble plusieurs outils et dispositifs pour l’emploi, la formation, l’orientation et l’insertion, ce qui est un gage d’efficacité et d’économies d’échelle.
Le personnel de ce GIP se compose de trente-huit personnes mises à disposition de la maison de l’emploi par les collectivités locales, leur employeur.
Or, pendant plusieurs années, les collectivités ont mis à disposition du GIP des agents en contrat à durée déterminée (CDD), pour lesquels la réglementation ne prévoit pas cette disposition statutaire.
La maison de l’emploi s’est donc mise en conformité avec la réglementation le 1er janvier 2021, en employant directement quinze agents en contrat à durée déterminée.
Le GIP n’étant pas assujetti, du fait de son statut, à la taxe sur la valeur ajoutée, il se doit de régler, depuis cette date, la taxe sur les salaires pour ces agents en CDD. Jusqu’à présent, celle-ci s’élevait à 30 000 euros par an ; en 2024, elle s’élèvera à 53 000 euros.
Monsieur le ministre, bien qu’il n’y ait eu aucun changement effectif au sein de cette maison de l’emploi, une surcharge de 53 000 euros est donc apparue dans le budget !
Cette maison de l’emploi n’ayant pas de but lucratif, serait-il possible de la considérer comme une association, afin qu’elle bénéficie de l’abattement de la taxe sur les salaires prévue par l’article 1679 A du code général des impôts ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Puissat, la taxe sur les salaires s’applique aux rémunérations individuelles versées aux salariés par les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA ou qui ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année précédant celle du paiement desdites rémunérations.
Au regard de ce principe général, les groupements d’intérêt public entrent dans ce champ d’application, à l’instar des maisons de l’emploi qui ont choisi cette forme juridique, dès lors que leurs activités échappent à la TVA, qu’elles soient non imposables, qu’elles en soient exonérées ou encore qu’elles n’y soient que partiellement soumises.
Je vous confirme que seules les rémunérations versées par l’employeur à son personnel propre ou à celui qui lui est détaché – c’est le cas qui s’applique dans la situation que vous mentionnez – et pour lequel il a la qualité d’employeur entrent dans l’assiette de la taxe sur les salaires.
En revanche, les rémunérations versées au personnel simplement mis à sa disposition n’ont pas à être soumises à la taxe, dans la mesure où la simple mise à disposition ne confère pas au GIP la qualité d’employeur.
De la même manière, le GIP n’est pas redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations qui seraient financées directement par le budget général de l’État. En effet, ces rémunérations sont exonérées de la taxe de par la loi.
En outre, les GIP ne sont pas éligibles à l’abattement de cotisation annuelle de la taxe sur les salaires, dont bénéficient certains organismes sans but lucratif.
Toute extension du périmètre d’application de cet abattement entraînerait des conséquences financières potentiellement importantes sur le rendement de cette taxe qui, je le rappelle, est intégralement affectée au budget de la sécurité sociale. C’est pourquoi nous n’envisageons pas une telle piste de réforme.
Cela étant, je vous précise que l’État participe directement au financement des maisons de l’emploi. Ainsi, il peut prendre en charge, sous certaines conditions, jusqu’à 70 % de leur budget de fonctionnement : 5 millions d’euros sont ouverts à ce titre dans le projet de loi de finances initiale pour 2024. Peut-être est-ce une piste à suivre, madame la sénatrice, pour le GIP auquel vous faites référence.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, votre intervention est très technique et j’entends vos arguments.
Mais je vous rappelle que ce sont les parlementaires qui, chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, prennent l’initiative d’augmenter les crédits que l’État consacre au financement des maisons de l’emploi ! Certes, nous nous félicitons de n’avoir pas eu à le faire cette année, car l’État avait prévu ce qu’il fallait.
Dans le cas que j’évoque, les élus ont tout à coup vu apparaître dans leur budget une surcharge de 53 000 euros, ce qui freine nécessairement leur capacité d’action ! Ne serait-il pas possible d’affecter davantage de crédits provenant de l’État sur ce type de structure, pour compenser une telle surcharge ?
Voilà la piste à étudier, monsieur le ministre, et je souhaiterais que vous vous y engagiez, notamment pour soutenir le GIP de la maison de l’emploi et de la formation des pays voironnais et sud Grésivaudan dans l’Isère.
soutien aux entreprises françaises de fabrication de masques
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 609, adressée M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le ministre, ma question porte sur les difficultés rencontrées par les entreprises françaises de fabrication de masques chirurgicaux, dont certaines se sont implantées dans nos territoires durant la crise sanitaire.
Confronté à une pénurie de masques, jusqu’ici largement importés d’Asie, notamment de Chine, l’État a incité les entrepreneurs à investir dans la production de masques dès le début de la crise, et c’est ce qu’ils ont fait.
L’entreprise Family Concept implantée dans le nord du département de Meurthe-et-Moselle, dont le dirigeant est en tribunes, a répondu à cet appel à la souveraineté nationale et a participé à la fabrication de millions de masques 100 % français.
Or la production de cette entreprise est aujourd’hui à l’arrêt et son stock est deux fois supérieur à ses contrats annuels. Sont en cause les appels d’offres, dont certains sont toujours confiés à des revendeurs de masques asiatiques, et d’autres qui privilégient les grandes entreprises françaises, comme c’est le cas pour le stock stratégique de l’État.
Créateurs d’emplois dans des territoires qui connaissent souvent un sous-investissement, comme la Lorraine, nos entrepreneurs déplorent aujourd’hui un manque de soutien de l’État, alors même qu’ils ont répondu à son appel pour une plus grande indépendance quant aux produits stratégiques. Beaucoup de ces entreprises ne survivront pas.
Je rappelle également que la Commission européenne a récemment sanctionné les concurrents indiens de Saint-Gobain, autre belle entreprise de Meurthe-et-Moselle, pour leurs pratiques de dumping fiscal.
On sait que certains gouvernements asiatiques subventionnent les entreprises et que la frontière entre public et privé y est parfois ténue, ce qui fait évidemment baisser les tarifs. Ce sont des pratiques qui vont à l’encontre des règles de la concurrence et qui doivent être prises en compte dans le choix des fournisseurs, en plus des questions sociales et environnementales.
La sécurisation des approvisionnements des marchés publics par nos entreprises de fabrication de masques est donc indispensable, ce qui doit passer par l’établissement de critères tels que la fabrication et la provenance européennes des matières premières ou encore la durée de validité de cinq ans des masques.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire – et dire à cet entrepreneur – quelles sont les intentions du Gouvernement pour préserver les entreprises françaises de fabrication de masques dans un contexte post-covid ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice, monsieur le chef d’entreprise, que je salue, le marché du masque fait face à un double défi. D’une part, la demande a baissé, et c’est une bonne nouvelle, puisque cela vient du fait que la pandémie est terminée. Ainsi, les stocks accumulés pendant cette crise sont aujourd’hui disponibles. D’autre part, la forte baisse des prix des produits asiatiques augmente la concurrence.
Le Gouvernement s’est saisi de ce défi : je pense à des dispositions introduites dans le cadre de la loi relative à l’industrie verte, de la loi Climat et résilience, issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, puis de la loi de financement de la sécurité sociale.
Ainsi, les acheteurs publics sont dorénavant autorisés à diminuer l’importance du critère lié au prix dans leurs appels d’offres, afin de davantage prendre en compte des critères environnementaux, sociaux et de souveraineté.
Vous le savez, le risque de manque de stocks qui a plané pendant la crise – c’est le moins qu’on puisse dire – a mis en lumière l’importance de la souveraineté industrielle.
Les nouveaux critères fixés par la loi de financement de la sécurité sociale seront applicables dès janvier 2024 et pourront éventuellement être appliqués à des appels d’offres lancés précédemment. Un mécanisme de compensation des surcoûts éventuels supportés par les établissements de santé est également prévu dans cette loi.
Nous mettons en œuvre un certain nombre de dispositions qui, je l’espère, permettront de répondre aux défis que vous avez mentionnés, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Quelques avancées ont été réalisées, mais nous devons rester vigilants, parce que les marchés publics destinés à constituer le stock de masques dont nous avions besoin ont privilégié les grandes entreprises.
Un véritable travail doit être mené pour traiter cette question, car il y va de la réindustrialisation de nos territoires et de la souveraineté nationale.
dépenses non éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 125, adressée M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Christine Herzog. Monsieur le ministre, au 1er janvier 2021, les dépenses d’acquisition, d’aménagement et d’agencement de terrains ont perdu leur éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Beaucoup d’élus ayant engagé ce type de dépenses, sur lesquelles ils étaient habitués à récupérer la TVA en n+1, n’ont pas vu venir ce changement de règle ; ils s’en sont donc rendu compte après coup !
Aussi, ils n’ont pas pu récupérer la TVA sur les dépenses relatives aux comptes 211 et 212, car elles ont été exclues de celles qui sont éligibles au FCTVA, ce qui a eu des effets parfois désastreux sur leur budget.
Finalement, le Gouvernement est revenu en arrière. Il a autorisé de nouveau, à compter du 1er janvier 2024, l’intégration dans l’assiette du FCTVA des dépenses d’aménagement de terrains effectuées par les collectivités locales. Ainsi, ces dépenses, réalisées à compter du 1er janvier 2024, seront éligibles au FCTVA.
Personne n’a compris la justification de cette interruption pour les années 2021, 2022 et 2023.
Il s’agit maintenant de savoir si les dépenses effectuées pour des travaux d’aménagement de terrains par une commune entre 2021 et 2023 seront éligibles de manière rétroactive au FCTVA.
J’ai donc deux questions à vous poser, monsieur le ministre : pourquoi avoir supprimé la possibilité de récupérer le FCTVA pour la réinstaurer deux ans plus tard ? Le Gouvernement permet-il un rattrapage sur 2021, 2022 et 2023 pour ce type de travaux, qu’ils soient toujours en cours ou entièrement réalisés au 1er janvier 2024 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Herzog, je rappelle d’abord que la loi de finances pour 2021 a mis en œuvre la réforme de l’automatisation de la gestion du FCTVA et a amorcé la transmission automatique des dépenses éligibles. Cette baisse des charges administratives fait gagner en efficacité et, sans doute, en fiabilité.
Ce nouveau mode de gestion s’applique aux dépenses mandatées depuis le 1er janvier 2021. La réforme de l’automatisation n’a pas remis en cause le régime de versement du FCTVA. S’agissant des communes, les fonds attribués une année donnée correspondent bien au volume des dépenses éligibles réalisées au titre de la pénultième année. Une série de mesures d’assouplissement permet cependant un versement anticipé.
La réforme a conduit à redéfinir l’assiette des dépenses considérées comme éligibles. Dans le système déclaratif, l’assiette était définie par des critères juridiques. À la suite de cette réforme, l’éligibilité des dépenses se constate en fonction de leur imputation comptable sur un compte éligible.
Or le périmètre des comptes du plan comptable des collectivités ne permet pas de faire coïncider exactement l’assiette automatisée et l’assiette réglementaire. Des ajustements ont donc été opérés après une large concertation avec les associations d’élus engagée en 2016, dont l’objectif était la neutralité financière.
Le Gouvernement a décidé qu’à compter du 1er janvier 2024 les dépenses d’aménagement de terrains seront réintégrées dans l’assiette d’éligibilité. Cette mesure trouve sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2024. Elle majore d’ores et déjà de 250 millions d’euros le soutien apporté chaque année par l’État à l’investissement des collectivités territoriales. Cette hausse d’enveloppe s’ajoutera aux dépenses rendues éligibles depuis 2021 dans le cadre de la réforme.
Il s’agit d’une mesure tournée vers l’avenir, qui vise à renforcer le niveau de l’investissement public local futur et à accompagner encore davantage les projets locaux, notamment en faveur de la transition écologique.
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.
Mme Christine Herzog. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Le FCTVA est non pas un cadeau fait par l’État aux collectivités, mais un juste retour sur les investissements qu’elles mettent en œuvre.
Aussi, un petit coup de pouce via une hausse de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour les communes qui ont perdu au change serait bienvenu !
guichet unique électronique des formalités d’entreprises (i)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 799, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, en avril dernier, je vous ai sollicité par courrier sur les difficultés rencontrées par les organismes consulaires pour accompagner les chefs d’entreprise dans leurs déclarations sur le guichet électronique des formalités d’entreprises, dit guichet unique, opéré par l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi).
Votre réponse, très sommaire, m’a renvoyée vers les partenaires consulaires, qui ne sont pourtant pas les développeurs de la plateforme de télédéclaration.
Du reste, cette plateforme a connu, dès le début, de graves et nombreux dysfonctionnements, à tel point qu’il a fallu mettre en place des procédures de secours.
Force est de constater qu’après un an d’exploitation ce produit informatique ne fonctionne toujours pas de manière satisfaisante : incidents à répétition, formalités non accessibles sur la plateforme et, depuis quelques semaines, obligation pour les déclarants d’effectuer, en amont de leurs démarches, des mises à jour sur le registre national des entreprises.
En effet, ce dernier, mis en place récemment dans le cadre de l’article 2 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, ne récupère pas les données d’entreprises déclarées précédemment sur les autres registres.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des garanties sur le bon fonctionnement de ce guichet avec des données d’entreprises fiables ?
Pensez-vous mettre en place de nouvelles procédures de secours, si les problèmes informatiques persistent au 1er janvier 2024 ?
En accord avec votre plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises de 2019, qui devait poursuivre la simplification des démarches d’entreprises, pouvons-nous espérer pour 2024 une amélioration des procédures afin d’inciter les Français à entreprendre davantage ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Delattre, je reconnais volontiers que nous n’avons pas encore atteint le nirvana, mais le dispositif s’est nettement amélioré ! J’entends vos frustrations. Au reste, en tant qu’ancien rapporteur du projet de loi Pacte à l’Assemblée nationale, je partage votre volonté de disposer d’un guichet efficace.
Il faut tout de même reconnaître qu’après des débuts difficiles pour les entreprises, la situation s’est nettement améliorée. Ainsi, tous les types de formalités sont maintenant disponibles et près de 2 millions de déclarations ont été déposées depuis le début de l’année, qu’il s’agisse d’une création d’entreprise, d’un dépôt de compte, d’une modification de situation ou encore d’une cessation d’activité.
Au 30 novembre 2023, on a compté depuis l’ouverture du guichet un flux moyen de plus de 12 000 formalités par jour, mais nous souhaitons atteindre un niveau de 20 000. Le guichet unique reçoit 100 % des créations d’entreprises et plus de 80 % des autres formalités.
La situation de janvier 2024 est donc bien différente de celle de janvier 2023 : comme l’attestent les chiffres que je viens de vous donner, le guichet est monté en puissance et en qualité pour les formalités de création, de cessation ou de modification d’activité ou pour celles de dépôts des comptes.
L’enjeu est désormais de garantir la continuité et l’amélioration du service – comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, celui-ci est encore perfectible – pour tous les déclarants, notamment en ce qui concerne les modifications des sociétés, dont 20 % seulement sont aujourd’hui enregistrées sur le guichet unique.
Avec Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et l’ensemble des parties prenantes – greffiers, chambres consulaires, organismes compétents, que je remercie, car nous avons besoin de nous appuyer sur leur expertise –, je travaille à la définition d’une procédure de continuité de sorte qu’en cas de nouveau dysfonctionnement du guichet, les usagers puissent effectuer leur démarche.
J’espère que vous aurez l’occasion de me poser une nouvelle question d’ici à quelques mois et que celle-ci sera l’occasion de remercier et de féliciter le Gouvernement du travail accompli. (Sourires.)
4
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande que l’examen de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, prévu en premier point de l’ordre du jour de cet après-midi, soit inscrit à la fin de l’ordre du jour de cet après-midi, après le début de l’examen du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, nous examinerons ces conclusions à dix-neuf heures.
5
Questions orales (suite)
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
suppression de la taxe communale sur les services funéraires
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 124, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la suppression, par la loi de finances pour 2021, des taxes communales sur les services funéraires – convoyage, inhumation, crémation funéraire.
Le maire de Guérigny, dans la Nièvre, qui m’a alertée à ce sujet, a vu les recettes de sa commune de 2 500 habitants chuter de 4 000 euros.
La Cour des comptes estime que ces taxes étaient prélevées par seulement quatre cents communes jusqu’en 2020, ce nombre restreint s’expliquant par la faible proportion de collectivités disposant d’un funérarium.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, la suppression de ces taxes a été adoptée par l’Assemblée nationale à deux reprises, avec l’avis favorable du Gouvernement, au motif de leur « incidence fiscale sur les proches des défunts ». Le Sénat, lui, avait voté contre.
Alors que la Cour des comptes recommandait le remplacement de ces taxes, qui constituaient une source de recettes non négligeable pour les petites communes, par une augmentation du prix des concessions funéraires, elles n’ont de fait pas été compensées.
Avec la suppression de la taxe d’habitation, cette nouvelle suppression de recettes contribue à fragiliser encore davantage le budget des communes.
Monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il compenser cette perte de recettes pour les collectivités territoriales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Cela n’est pas prévu à ce stade, madame la sénatrice !
L’article 121 de la loi de finances pour 2021, issu d’un amendement parlementaire, a abrogé l’article du code général des collectivités territoriales qui autorisait la perception de taxes pour les convois, les inhumations et les crémations.
Cette mesure traduit les préconisations formulées par la Cour des comptes en faveur de la suppression et de la simplification des taxes dont le coût administratif pour l’État ou les collectivités est trop élevé au regard de leur faible rendement.
Dans son référé au Premier ministre daté du 3 décembre 2018, la Cour précisait ainsi que « ces taxes s’ajoutent, en pratique, pour les familles, au prix des concessions dans les cimetières, qui sont des redevances d’occupation du domaine public ».
Avant cette suppression, les comptes de gestion des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre faisaient état, pour l’année 2020, d’un produit de taxes funéraires dont le montant moyen s’établissait à 0,1 % des recettes réelles de fonctionnement pour l’ensemble des bénéficiaires.
Telle est la raison pour laquelle le législateur n’a pas assorti cette suppression d’une compensation des pertes subies, pas plus que le Gouvernement n’envisage, madame la sénatrice, d’introduire de disposition en ce sens.
En tout état cause, les ressources des communes ont été relevées sous l’effet de la revalorisation des bases de taxe foncière, ainsi que par l’abondement de la dotation générale de fonctionnement des communes de 320 millions d’euros en 2023, et de nouveau de 320 millions d’euros pour 2024.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Je cite les conclusions de la Cour des comptes, monsieur le ministre : « [Ces taxes] pourraient être remplacées par d’autres ressources, par exemple en augmentant le prix des concessions funéraires et cinéraires. Une telle solution présenterait le triple avantage de supprimer un prélèvement obligatoire, d’alléger la tâche des trésoriers communaux et de simplifier la législation. »
La suppression de ces taxes n’a par ailleurs absolument rien changé pour les familles, car comme l’indique la Cour des comptes, le prix des prestations funéraires a augmenté deux fois plus vite que celui de l’ensemble des prix à la consommation.
En revanche, si la moyenne des ressources tirées de ces taxes s’établit effectivement à 0,1 % des ressources totales des communes, leur suppression emporte une importante perte de recettes pour les quelques communes qui les percevaient.
fonds vert et dotations d’investissement
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question n° 968, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Laurent Somon. Ma question porte sur le financement du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit fonds vert. En 2023, le fonds vert a été annoncé à 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 500 millions d’euros en crédits de paiement, une partie de cette somme ayant du reste servi à compenser la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Pour 2024, le fonds vert est annoncé à 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 1,1 milliard d’euros en crédits de paiement. Toutefois, les montants du fonds ne figurent plus au tableau des concours financiers de l’État, si bien que la rubrique « Transferts financiers divers » est passée de 13,7 milliards d’euros en 2023 à 10,4 milliards d’euros en 2024.
Le rapport sur la situation des finances publiques locales n’évoque pas davantage le fonds vert.
La répartition des crédits au sein des différentes sous-actions du fonds vert n’étant pas détaillée dans les documents budgétaires, non plus que dans le projet annuel de performances pour 2024 de la mission « Écologie », le Parlement n’a pas disposé de ces informations essentielles lors de l’examen du projet de loi de finances.
Publierez-vous en toute transparence la répartition prévisionnelle des crédits de paiement et des autorisations d’engagement du fonds vert, qui aurait dû être précisée dans le projet de loi de finances pour 2024, monsieur le ministre ?
Pourriez-vous notamment préciser si, en 2024, les financements de projets alloués dans le cadre du fonds vert pourront de nouveau être versés à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou à la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) ? Pouvez-vous nous communiquer le bilan de ces transferts pour l’année 2023, le montant du verdissement de ces trois dotations étant fixé à 485 millions d’euros pour 2024 ?
De fait, la proximité de ces financements et des crédits alloués dans le cadre du fonds vert est source de confusion pour les parlementaires comme pour les élus locaux.
Est-il prévu que les dotations d’investissement participent en 2024 au financement des politiques du fonds vert ? Si oui, à quelle hauteur ?
Je vous remercie de nous apporter les réponses les plus éclairantes possible, monsieur le ministre. Il importe en effet de fournir aux responsables de nos collectivités et aux membres des commissions d’élus de la DETR une information précise et exhaustive sur les moyens alloués aux dotations d’investissement qui échappent à leurs décisions d’attribution et à tout débat contradictoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Somon, je m’efforcerai d’être clair et précis, car tout cela est effectivement complexe.
Le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires a été doté en 2023 de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 500 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hypothèse de décaissement de 25 % la première année. Cette hypothèse, qui est à ce stade conservée pour 2024, pourrait naturellement évoluer en fonction de la mise en œuvre et des décaissements effectifs du fonds.
Les crédits de paiement utilisés pour le fonds vert ne proviennent pas – ce point est important – du verdissement de la DETR, de la DSIL ou de la DSID. Du reste, ces crédits ne relèvent pas du même programme budgétaire que les dotations que je viens de citer.
Les montants des dotations d’investissement inscrites dans le programme 119 « Concours financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements », au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sont maintenus à hauteur de près de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances pour 2024.
Afin de soutenir les collectivités territoriales qui investissent dans la transition écologique, le Gouvernement a fait le choix de renforcer le verdissement de ces dotations sur la base de la cotation du budget vert de l’État.
Les projets d’investissement dits verts devront ainsi représenter 20 % de la DETR, 30 % de la DSIL et 25 % de la DSID. Il s’agit d’un objectif complémentaire à ce que nous faisons avec le fonds vert. Ces crédits ne sont pas fléchés vers le fonds vert et demeurent en intégralité portés par les dotations de soutien à l’investissement local au sein de cette mission.
guichet unique électronique des formalités d’entreprises (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 983, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Le compte à rebours est lancé, monsieur le ministre. Dans douze jours, la possibilité pour les entrepreneurs d’effectuer leurs formalités de modification et de cessation d’activité via le portail Infogreffe, ou sous format papier dans certains cas exceptionnels, prendra fin.
Cette procédure de secours, demandée par la présidente du Conseil national de l’ordre des experts-comptables dès les premiers dysfonctionnements du guichet unique et déjà prolongée par deux fois, ne sera bientôt plus disponible. Présenté comme le fer de lance de la simplification administrative lors de l’examen du projet de loi Pacte, ce guichet a connu des débuts tumultueux depuis son lancement le 1er janvier 2023.
Autrefois vantée, cette interface entre les entrepreneurs et l’administration, confiée à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi), semble encore en quête de stabilité, alimentant les préoccupations légitimes des entrepreneurs, des experts-comptables et des greffiers quant à sa pérennité et à sa performance en 2024.
À l’aube d’une nouvelle année, je forme le vœu que le guichet unique soit plus résilient et plus performant en 2024, monsieur le ministre. Je souhaite que les erreurs de 2023 deviennent des leçons apprises et que les bugs soient corrigés avec célérité. Puisse l’année 2024 être synonyme de stabilité et d’efficacité.
Puissent tous les entrepreneurs de mon département, le Vaucluse, et de toute la France aborder cette nouvelle étape de la transition numérique avec confiance. Puisse l’année 2024 être placée sous le signe de l’efficacité, de l’ergonomie et de la simplification administrative – la vraie, enfin !
Le glas de cette nouvelle année n’a toutefois pas encore sonné que les entrepreneurs, les experts-comptables et les greffiers sont dans l’attente de la décision du Gouvernement.
Il vous reste donc douze jours pour répondre aux inquiétudes des entrepreneurs, ainsi qu’à celles des greffiers, soucieux de maintenir, jusqu’à l’entière mise en œuvre du guichet unique en 2024, l’assistance qu’ils fournissent afin d’en compenser les failles. Je forme le vœu que vous saisissiez l’occasion qui vous est donnée de répondre à leurs inquiétudes, monsieur le ministre, car je puis vous assurer qu’ils vous écoutent.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, votre question me permet de compléter la réponse que j’ai précédemment donnée à la sénatrice Nathalie Delattre.
Comme je le disais, si tout n’est pas encore parfait, la situation s’améliore. Aujourd’hui, le guichet unique enregistre en moyenne 12 000 formalités par jour. Notre objectif est d’atteindre 20 000 formalités par jour et nous avons déjà fortement accéléré depuis le début de l’année, si bien que toutes les créations d’entreprises sont désormais enregistrées sur le guichet unique. Deux millions de déclarations ont été effectuées sur ce guichet.
Nous avons donc toutes les raisons d’être assez confiants dans le fait que tout se passera bien dès le début de l’année 2024.
Vous avez évoqué le rôle des chambres de commerce et d’industrie, monsieur le sénateur. Depuis la loi Pacte, qui a redéfini les rôles de chaque acteur, les réseaux consulaires ont été déchargés du rôle de collecte des dossiers qu’ils exerçaient en tant que centres de formalité des entreprises – ce rôle est désormais exclusivement dévolu au guichet unique – et sont devenus des acteurs majeurs de l’assistance.
Dans le cadre de cette mission d’assistance, l’accès des chambres de commerce et d’industrie au dossier des déclarants peut parfois se révéler utile pour aider ces derniers dans leurs démarches. Des solutions de partage d’écran sont disponibles et sont déjà utilisées par des acteurs comme les Urssaf. J’engage les chambres de commerce et d’industrie à se saisir de ces outils et à les utiliser dans leurs échanges avec les déclarants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Dont acte, monsieur le ministre. Je vous invite toutefois à prendre au sérieux la détresse des greffiers. Ils nous alertent sur des milliers de cas de burn-out au sein de leurs services, tandis que des milliers d’entreprises échouent à se faire inscrire.
J’espère donc vivement que le dialogue qui est engagé avec votre ministère aboutira.
avenir du glacier de la girose dans les alpes
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 952, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Guillaume Gontard. Bien que vous soyez originaire du plat pays, monsieur le ministre, je ne vous apprendrai rien en vous disant que les Alpes se réchauffent deux fois plus vite que le reste de l’hémisphère Nord. Les glaciers, véritables biens communs, subissent de plein fouet ce réchauffement exacerbé, avec de nombreuses conséquences sur le cycle de l’eau, le climat et les populations en aval.
Ce constat sans appel a été rappelé en novembre dernier par de nombreux scientifiques à l’occasion du One Planet – Polar Summit, premier sommet international consacré aux pôles et aux glaciers. En parallèle, un appel lancé par plus de cent scientifiques et personnalités pour préserver les glaciers a été largement soutenu par le grand public via une pétition qui a recueilli 30 000 signatures en quelques jours.
Désormais conscient de l’urgence, le Président de la République s’est exprimé ainsi lors du discours de clôture du sommet : « Je souhaite que nous puissions lancer la concertation qui nous permettra d’avoir la totalité de nos glaciers en protection forte. » Il s’agit d’un acte marquant.
Parmi les cent cinquante glaciers concernés par cette annonce, il en est un, le glacier de la Girose, pour lequel l’urgence de la protection se fait davantage sentir. Situé au pied de la Meije, dans les Hautes-Alpes, au sein d’un écosystème extraordinaire, il s’agit en effet du dernier glacier français accessible à tous.
Ce lieu unique fait pourtant l’objet d’un projet d’aménagement hors du temps visant à prolonger un téléphérique afin de permettre la pratique du ski sur ce glacier dont les jours sont comptés.
Ce projet implique de construire un pylône sur le glacier de la Girose et, partant, de détruire son équilibre fragile. Malgré son statut de site inscrit, sa situation dans l’aire d’adhésion du parc national des Écrins et la présence d’une espèce protégée au niveau national sur l’emprise du projet, cet aménagement en totale contradiction avec la protection du glacier suit son cours, à rebours de l’esprit « montagne » pourtant si cher à La Grave.
Pour toutes ces raisons, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que la protection forte du glacier de la Girose pourrait être le premier acte de la mise en œuvre de la volonté présidentielle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Guillaume Gontard, pour être certes originaire du plat pays, je n’en suis pas moins en total accord avec votre souci de la préservation des glaciers.
Les enjeux du changement climatique, de l’érosion de la biodiversité et de la modification du cycle de l’eau sont totalement interconnectés. Les glaciers, qui représentent environ 10 % de la surface des terres émergées, en sont un exemple criant. Ils remplissent en effet un rôle majeur dans le fonctionnement des différents cycles structurants, tels que la séquestration du carbone, le cycle de l’eau ou les habitats du vivant essentiels à la vie sur Terre.
Dans le contexte actuel, les glaciers disparaissent plus rapidement que ce qui était prévu dans nos hypothèses. Cela emporte sur les populations et les écosystèmes des conséquences nombreuses et majeures dont l’ampleur, la fréquence, la magnitude et la saisonnalité sont encore trop peu connues. L’urgence est donc à la mobilisation collective et au développement d’une connaissance systémique des glaciers.
En novembre dernier, à l’occasion du One Planet – Polar Summit que vous avez cité, monsieur le sénateur, le Président de la République a souhaité la mise sous protection forte, d’ici à 2030, de l’ensemble des glaciers et des écosystèmes postglaciaires français. À ce jour, près de 60 % des glaciers métropolitains et des écosystèmes postglaciaires sont en protection forte, 100 % outre-mer.
Pour atteindre l’objectif ambitieux fixé par le Président de la République, le Gouvernement lancera prochainement un chantier copiloté par les préfets de région et les présidents de région concernés dans le but d’accompagner les élus dans la coconstruction de la protection des glaciers avec l’ensemble des citoyens et des acteurs des territoires. Nous souhaitons en effet que ce travail soit ancré dans les territoires pour que chacun s’approprie les enjeux de ces nouveaux espaces à haute valeur ajoutée de biodiversité.
Ce travail, qui sera prochainement lancé au niveau local pour le glacier de la Girose, sera l’occasion d’interroger le modèle touristique proposé au regard de la protection forte qu’il convient d’instaurer et, le cas échéant, de faire évoluer le projet afin d’en réduire l’impact, voire de lui substituer un projet alternatif durable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Si celle-ci va dans le bon sens, je souhaite insister sur le fait qu’il y a urgence, car le projet est prêt. De fait, des pelles mécaniques étaient déjà présentes sur le site cet été.
D’autres solutions existent pourtant et permettraient de favoriser le développement touristique de cette région. Il suffit d’y travailler en liaison avec les élus locaux. En tout état de cause, il faut d’abord stopper ce projet dangereux.
procédures concernant les installations classées protection de l’environnement et insécurité juridique
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 569, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Michel Canévet. La France est un grand pays agricole. Nous ne pouvons que nous en réjouir, de même que nous nous réjouissons que le ministère de l’agriculture soit désormais aussi celui de la souveraineté alimentaire.
Il faut toutefois vous rendre compte, monsieur le ministre, des difficultés qu’entraînent, pour beaucoup d’éleveurs de notre pays, les procédures administratives particulièrement lourdes et contraignantes qu’emporte le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
Les dossiers sont si complexes que l’on a parfois l’impression qu’il s’agit, non pas d’exploitations agricoles, mais d’installations classées Seveso ! Il en résulte des coûts importants pour les agriculteurs, puisqu’une déclaration d’ICPE coûte entre 3 000 et 8 000 euros et qu’un dossier d’autorisation d’ICPE coûte entre 15 000 et 30 000 euros. De plus, les recours et contentieux sont si nombreux que l’on n’est jamais assuré de l’issue de ces démarches.
Pour assurer notre souveraineté alimentaire, ce que nous souhaitons, il est nécessaire d’accompagner les professionnels dans leurs projets. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre, monsieur le ministre, afin de simplifier la création de nouveaux outils de production, notamment de nouvelles installations classées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Michel Canévet, la réglementation des installations classées agricoles, constante depuis dix ans, transpose strictement le droit de l’Union européenne, notamment les directives relatives à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
Cette réglementation permet de distinguer les installations classées pour la protection de l’environnement devant faire l’objet d’une évaluation environnementale des autres installations. Elle prévoit ainsi que le préfet décide, au cas par cas, si la demande d’enregistrement d’une installation classée pour la protection de l’environnement, qu’il s’agisse d’une création ou d’une extension, doit ou non faire l’objet d’une évaluation environnementale.
Cet examen au cas par cas se fonde notamment sur la sensibilité environnementale du milieu et sur le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installation, ouvrages et travaux.
Des jugements récents annulant des arrêtés préfectoraux d’autorisation d’extension d’élevage ont éclairé la lecture de cette réglementation et interrogé les pratiques mises en œuvre jusqu’alors pour les installations relevant du régime de l’enregistrement. Ces jugements concernent la zone bretonne, marquée par des enjeux liés aux pollutions par les nitrates et par une concentration importante d’élevages.
Conscients de l’enjeu que représente la sécurisation des procédures et des projets, les services de l’État compétents pour ce qui relève des installations classées pour la protection de l’environnement ont donc engagé des travaux avec le corps préfectoral et la profession agricole afin d’identifier les mises à jour pertinentes à apporter aux pratiques existantes.
Ces travaux visent notamment à renforcer les capacités à justifier les choix effectués lors de l’examen au cas par cas par l’ajustement, sur certains aspects, du contenu des dossiers de demande d’enregistrement transmis par les exploitants à l’appui de leurs demandes.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éclaircissements. Néanmoins, nous devons veiller à ce que la législation européenne ne durcisse pas encore davantage les règles en vigueur, par exemple en abaissant les seuils au-delà desquels le régime d’autorisation est imposé. Ce serait particulièrement préjudiciable pour les éleveurs.
J’en veux pour preuve l’exemple de la volaille, qui est l’une des viandes les plus répandues dans le monde. Ayons à l’esprit que 50 % de la volaille consommée en France est importée, tout simplement parce que nous n’avons pas le droit de produire plus : ce n’est pas acceptable.
Il est temps d’autoriser de nouvelles installations, suivant le vœu de bien des producteurs de notre pays. Voilà pourquoi il faut assurer l’assouplissement que j’évoquais ; on limitera ainsi les contentieux.
transfert financier et d’ingénierie aux epci de l’aide à la pierre
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 812, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Agnès Canayer. La crise du logement que nous traversons touche tous les secteurs sans qu’un acteur compense les difficultés d’un autre.
Alors que le nombre de constructions de logements neufs n’est pas à la hauteur des besoins, l’aide à la pierre est une solution pour soutenir les programmes immobiliers des bailleurs sociaux. Or, dans le souci louable d’assurer une plus grande proximité, l’État a délégué la gestion des dossiers de demande aux acteurs territoriaux.
Les intercommunalités dotées d’un programme local de l’habitat (PLH) peuvent ainsi demander une délégation de compétence. C’est ce qu’ont fait, dans le département de la Seine-Maritime, la communauté urbaine du Havre, la métropole rouennaise, ainsi que les communautés d’agglomération de Dieppe et de Caux-Seine.
Néanmoins, ces délégations ne sont assorties d’aucun transfert de moyens. Le recrutement, l’instruction des dossiers, le coût du suivi et des assurances ne sont pas compensés en conséquence. Pour assumer ces tâches, de véritables moyens humains sont nécessaires, d’autant que les demandes vont croissant.
Monsieur le ministre, face à la crise du logement, le Gouvernement compte-t-il aider les collectivités territoriales dans la gestion des dossiers d’aide à la pierre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Agnès Canayer, vous interrogez le Gouvernement sur les délégations des aides à la pierre mises en œuvre dans le département de la Seine-Maritime, notamment dans ses principales intercommunalités, dont la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole.
Dans le cadre des telles délégations, les acteurs locaux se voient attribuer une dotation destinée au financement du parc locatif social ainsi qu’une dotation de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour octroyer les aides nécessaires à la rénovation énergétique et à l’amélioration du parc privé.
Au-delà des dotations du Fonds national des aides à la pierre (Fnap), diverses aides sont associées à l’agrément des opérations de logement social, notamment le taux réduit de TVA et les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties. Dorénavant, pour ce qui concerne les opérations agréées, ces exonérations sont intégralement compensées jusqu’en 2026.
D’autres mesures de soutien au développement du logement social ont été prises par le Gouvernement.
Le taux du livret A a été maintenu à 3 % : cette mesure représente environ 1,4 milliard d’euros d’économies pour les bailleurs sociaux.
Des enveloppes de prêts à taux bonifiés ont été créées pour les logements sociaux financés via les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et les prêts locatifs à usage social (Plus), à hauteur de 8 milliards d’euros.
Nous augmentons de 250 à 400 millions d’euros l’enveloppe des prêts participatifs proposés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), comme je l’ai annoncé lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat qui s’est tenu à Nantes.
En outre, la réhabilitation énergétique du parc locatif social bénéficiera de 1,2 milliard d’euros de subventions de l’État sur trois ans, en sus des écoprêts de la CDC.
Les délégataires seront pleinement associés pour mobiliser et engager ces nouveaux moyens financiers au service de la rénovation énergétique du parc social.
Je relève que la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole a atteint ses objectifs au cours des trois dernières années, ce qui témoigne d’une bonne dynamique de développement du logement dans ce territoire. Le mouvement a toutefois été porté par un nombre élevé de prêts locatifs sociaux (PLS), l’objectif au titre des Plus et des PLAI n’ayant été atteint qu’à 92 %.
Enfin, le projet de loi relatif au logement, qui est en préparation et devrait être présenté en conseil des ministres au printemps prochain, a vocation à poser la question de la décentralisation de la politique du logement, pour aller au-delà de la délégation.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de vos propos positifs au sujet de la politique du logement au Havre : c’est le fruit d’un important travail de l’intercommunalité, qui s’efforce de répondre aux besoins des habitants en matière de logement social.
Cela étant, la gestion des dossiers continue de reposer sur les acteurs territoriaux. (M. le ministre délégué le concède.) Or, vous le savez, les budgets locaux sont contraints, si bien que l’on doit faire face à un effet de ciseaux.
Aujourd’hui, pour la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, la seule gestion des aides à la pierre mobilise six équivalents temps plein (ETP), soit environ 200 000 euros par an. C’est un effort significatif et, sur ce sujet, une réflexion globale sera la bienvenue.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 912, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la situation de communes du Gard ayant délivré à des promoteurs des permis de construire pour des programmes comportant un quota de logements sociaux.
Du fait de la conjoncture économique, un certain nombre d’organismes finançant les logements sociaux se sont désengagés, de sorte que des promoteurs ont dû se tourner vers des financements classiques pour réaliser ou terminer leurs programmes.
Ainsi, ces logements ont été acquis principalement par des primo-accédants sous le régime des prêts immobiliers classiques. De ce fait, les candidats aux logements sociaux ont été évincés.
Certains des promoteurs concernés se tournent aujourd’hui vers les communes pour qu’elles leur délivrent des permis de construire modificatifs portant suppression des programmes de logements sociaux imposés initialement par les règles d’urbanisme.
Lesdites communes refusent de délivrer de tels permis de construire modificatifs, qui seraient nécessairement illégaux, mais elles sont parfois menacées de procès par ces promoteurs. Surtout, elles se trouvent en difficulté, car elles subissent un déficit de logements sociaux.
Quelles solutions le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour régler cette situation, qui pénalise au premier chef les communes concernées – ces dernières s’exposent en effet à des pénalités pour non-réalisation du quota de logements sociaux –, ainsi que les promoteurs engagés dans ces opérations, dont l’achèvement ou la vente sont compromis, et enfin les populations, qui attendent ces logements sociaux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Laurent Burgoa, le Gouvernement a pris des mesures fortes pour limiter les situations de désengagement. Il a notamment augmenté la capacité d’investissement des bailleurs sociaux dans le cadre d’un document d’engagement signé en septembre dernier avec l’ensemble du mouvement HLM. Je suis donc un peu surpris d’entendre que des bailleurs se désengagent quand même…
Cet accord prévoit 650 millions d’euros de bonifications d’intérêts pour 8 milliards d’euros de prêts – je l’évoquais précédemment – afin de financer des logements sociaux PLAI et Plus. S’y ajoute la limitation du taux du livret A.
Par ailleurs, nous avons veillé à préserver la capacité des bailleurs sociaux à orienter leurs investissements sur l’offre nouvelle, en accordant 1,2 milliard d’euros de subventions sur trois ans pour rénover près de 400 000 logements sociaux.
Pour ce qui concerne les opérations confrontées aux désengagements que vous évoquez, le Gouvernement rappelle aux promoteurs la nécessité de respecter les servitudes de mixité sociale inscrites dans la loi et dans les documents d’urbanisme.
De ce point de vue, les communes sont tenues de refuser les permis modificatifs qui emporteraient une atteinte à ces exigences.
Afin de parvenir à une commercialisation compatible avec ces servitudes, en cas de difficulté pour les bailleurs sociaux, les promoteurs sont invités à se tourner vers d’autres opérateurs, notamment ceux engagés dans des plans d’investissement en logements sociaux par achat de programmes en vente en l’état futur d’achèvement (Vefa).
Le Gouvernement tient aussi à le rappeler : les communes déficitaires en logements sociaux au regard de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) voient les pénalités financières associées à leur situation minorées à hauteur des dépenses qu’elles ont engagées en faveur du développement d’un parc social sur leur territoire. Je relève, au passage, que ces pénalités ne sont pas une amende, mais plutôt une contribution.
Il en va ainsi de toutes les subventions et moins-values permettant aux maîtres d’ouvrage d’équilibrer leurs opérations de logements sociaux.
Non seulement ces initiatives allègent la charge financière, mais elles constituent des leviers particulièrement efficaces à la main des communes pour garantir la réalisation effective des opérations en facilitant l’atteinte d’un équilibre économique.
Enfin, grâce au reliquat du Fnap pour 2023, nous finançons des actions supplémentaires pour assurer l’équilibre de certaines opérations de promotion. Il existe encore des moyens au titre de cette année.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse ; mais, à l’instar des élus, le monde du logement attend de votre part une vraie politique en la matière.
Nous attendons tous une loi de programmation dans le domaine du logement. Vous, l’ancien maire de Dunkerque, maîtrisez parfaitement ces problématiques ; mais malheureusement vous n’avez pas la vision que nous attendions de vous.
Vous nous dites ainsi que ces pénalités ne sont pas une amende, mais une contribution. Je pense que vous allez décevoir beaucoup de maires…
dangers des munitions immergées
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 982, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, selon une étude indépendante à paraître, menée en lien avec un laboratoire de recherche océanique, plus de cent zones de munitions conventionnelles et chimiques immergées ont été recensées sur l’ensemble du littoral français : 18 décharges d’explosifs immergées, 59 zones de dépôt et 29 épaves contenant des munitions.
Ces dernières sont issues, pour la plupart, de largages opérés au lendemain des deux conflits mondiaux dans l’océan et dans des lacs. S’y ajoutent des stockages opérés jusqu’au début des années 2000.
L’ensemble des échantillons d’eau et de sédiments prélevés sur sites ont été testés positifs aux explosifs, révélant des taux inédits de TNT et de ses dérivés, de tétryl, de RDX et d’autres substances nocives.
Le 22 octobre 2020, en réponse à une question que je lui avais adressée, le ministère de la transition écologique avait avancé que, faute d’étude scientifique précise, les risques étaient difficiles à évaluer, que les stocks étaient globalement moins dégradés qu’on ne pouvait le craindre et qu’aucune recommandation concrète ou engageante n’avait été prise. En d’autres termes, votre ministère estimait que la prise en charge de cette pollution potentielle n’était pas une priorité.
Preuve est faite aujourd’hui que les munitions immergées représentent une réelle menace écologique, lourde de conséquences humaines, environnementales, économiques et sanitaires. Quelles actions le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre, rapidement, pour débarrasser les fonds marins de ces bombes environnementales à retardement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Annick Billon, je suis particulièrement sensible à votre question, car le littoral dunkerquois est concerné au premier chef par ces problématiques. On y trouve notamment des munitions de la Première Guerre mondiale.
L’État est parfaitement conscient de l’enjeu lié aux munitions immergées. C’est précisément pourquoi il y consacre des travaux interministériels, échelonnés sur plusieurs années.
Ces travaux visent, d’une part, à nous doter d’une cartographie précise des zones concernées et de la nature des munitions immergées, d’autre part, à recueillir des informations scientifiques fiables, y compris auprès des autres pays qui sont confrontés aux mêmes problématiques, qu’il s’agisse de l’évolution des munitions dans l’eau de mer ou du comportement de leur contenu en cas de fuite. Je le répète, la France n’est pas le seul État concerné par ce problème.
Parallèlement, une réflexion sur la modélisation du vieillissement de ces objets a été engagée. Le cas échéant, elle sera corrélée aux observations qui pourront être pratiquées in situ. Puis, une fois les potentielles zones à risques identifiées, l’opportunité de mettre en place une surveillance environnementale ponctuelle sera étudiée afin de détecter d’éventuels indices de pollution.
En conséquence, l’État est intéressé par toute étude visant à améliorer la connaissance du comportement des munitions immergées dans le temps. Il pourra ainsi alimenter les travaux interministériels et, in fine, adapter les dispositifs de protection civile et environnementale existants.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
En tant que sénatrice de la Vendée et à titre personnel, je suis particulièrement engagée sur ces sujets – la question que je mentionnais date de 2020. Je serai donc très attentive aux travaux gouvernementaux que vous annoncez.
Au total, quatre sites ont été identifiés dans le département dont je suis l’élue. Vous envisagez d’établir une cartographie, mais un cabinet indépendant l’a déjà dressée. (Mme Annick Billon présente une carte.) Je vous conseille de vous inspirer de ces travaux : vous gagnerez ainsi du temps.
J’y insiste, nous sommes face à une urgence à la fois environnementale et sanitaire. (M. Michel Canévet acquiesce.) Ces épaves et ces munitions sont là depuis des années, voire des décennies. Les mesures effectuées par le cabinet indépendant que j’évoquais démontrent leur dangerosité.
M. le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Annick Billon. Merci de vous emparer très vite de ce sujet.
application de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 946, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la biodiversité.
M. Michaël Weber. Depuis 2016, année du vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité, j’ai l’honneur de présider la Fédération des parcs naturels régionaux (PNR) de France.
Les PNR, qui représentent 17 % du territoire français, sont engagés pour la préservation des patrimoines naturels et culturels.
Monsieur le ministre, dans le cadre de cette mission, j’ai constaté que de nombreux projets financés par l’État et l’Europe via le programme Life sont depuis des années totalement bloqués. Comment expliquer cet état de fait, qui va à l’encontre des engagements pris et même des lois votées ?
Ainsi, l’autorisation de défrichement sans compensation pour des projets écologiques prévue par la loi de 2016 n’a, à ce jour, pas reçu de décret d’application. Cette disposition est pourtant essentielle à la mise en œuvre de travaux écologiques.
Les milieux ouverts, tels que les landes, les tourbières, les prairies et les terres arbustives, ont une valeur écologique exceptionnelle. C’est peut-être contre-intuitif, mais le reboisement les condamne à s’appauvrir.
Pour maintenir ces espaces ouverts et sauvegarder la biodiversité inféodée à ces milieux, la dérogation à la compensation liée à la procédure de défrichement, prévue par la loi pour la reconquête de la biodiversité, est indispensable.
Comment expliquer l’absence de décret d’application, sept ans après le vote de la loi ? J’ai la conviction que cette paralysie administrative a pour origine une obstruction politique. À en croire une rumeur, c’est le ministère de l’agriculture qui bloquerait sciemment la publication de ce décret.
Aussi, je m’interroge. De fait, dans de nombreux cas, les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) refusent d’appliquer la loi pour la reconquête de la biodiversité, faute de décret.
Je vous demande de faire toute la lumière sur cette inertie administrative, qui prive d’efficacité un texte salvateur pour nos écosystèmes.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Michaël Weber, la mosaïque paysagère de nos espaces naturels est une composante de la biodiversité. Vous l’avez souligné : en ouvrant des espaces dans des zones qui se boisent naturellement ou ont été boisées il y a longtemps, on offre des services écosystémiques importants. On participe même à la restauration des écosystèmes.
Aussi, la loi pour la reconquête de la biodiversité a prévu des dispositions pour articuler défrichement et protection de la forêt.
Il s’agit en effet de concilier deux approches : alors que nos forêts sont menacées par le changement climatique, la loi prévoyait de faciliter le défrichement. Ce paradoxe apparent a nécessité de longues discussions pour aboutir à un projet de décret équilibré qui sera soumis au Conseil d’État au tout début de l’année 2024. Vous voyez que je fais taire les rumeurs ! (Sourires.)
Ce décret s’inscrira dans un cadre renouvelé de la gestion forestière. Non seulement les seuils de gestion durable seront modifiés pour la forêt privée, mais les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS) seront intégralement renouvelés et un plan ambitieux de renouvellement forestier sera mis en œuvre.
Enfin, ce décret viendra renforcer les outils dont les acteurs des territoires disposent d’ores et déjà pour s’engager pleinement dans les projets de restauration des écosystèmes, dont la stratégie nationale pour la biodiversité a fixé l’ambition. À cet égard, les zones humides feront l’objet d’un effort particulier.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Monsieur le ministre, je me réjouis de cette annonce. Nous serons évidemment très attentifs à la rédaction de ce décret, qui, je le répète, est attendu avec impatience.
assurances des communes
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 861, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Céline Brulin. Une à une, nos communes voient leur contrat d’assurance résilié ; non seulement leurs cotisations augmentent brutalement, mais les conditions de prise en charge sont modifiées sans négociation, assorties de franchises hors de prix. Leurs appels d’offres ne trouvent plus de réponse et le quasi-monopole de deux compagnies permet aux assurances de proposer des tarifs exorbitants, que les communes ne peuvent plus refuser.
On le constate dans mon département de Seine-Maritime comme ailleurs. Les communes de Maromme, Saint-Étienne-du-Rouvray et Petit-Quevilly sont touchées, à l’instar de Bierville. Cette commune rurale de 300 habitants a vu son contrat résilié ; elle a dû batailler pour obtenir un nouveau contrat, dont les primes sont de 50 % plus élevées que celles du précédent.
Les compagnies d’assurances justifient ces augmentations par des risques de sinistralité trop élevés à la suite des émeutes, ou encore par les différentes catastrophes naturelles liées au changement climatique. L’assurance des collectivités territoriales ne pèse pourtant pas si lourd : elle ne représente que 1 % à 2 % du chiffre d’affaires des compagnies d’assurances.
Face à cette situation, les communes se trouvent totalement démunies. Certaines d’entre elles en sont réduites à s’auto-assurer, alors même que leurs obligations légales assurantielles se sont accrues depuis 2019.
La mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales doit remettre son rapport au printemps prochain. Mais, d’ici là, il me semble important d’apporter des solutions de court terme à toutes ces communes en difficulté.
De même, il est nécessaire de protéger nos communes face aux résiliations brutales, d’encadrer les tarifs des cotisations et de veiller à une prise en charge élargie des sinistres couverts au titre des catastrophes naturelles.
Enfin, l’assurabilité des collectivités territoriales doit faire l’objet d’une réflexion à part entière. Je rappelle que nos collectivités concourent au service public, tout en aménageant le territoire au bénéfice de tous.
Monsieur le ministre, une lourde responsabilité pèse sur les épaules de nos élus locaux : nous ne pouvons pas les laisser seuls face à ces difficultés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Céline Brulin, je ne puis que confirmer le constat que vous dressez.
Cette situation résulte notamment de l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements climatiques en France métropolitaine et dans les outre-mer ; nous en avons encore eu la preuve récemment, y compris dans ma région. Elle se traduit par une hausse importante et durable des coûts d’indemnisation des pertes matérielles des communes, laquelle pousse certains assureurs à se retirer du marché de l’assurance des collectivités territoriales.
Afin de contribuer à l’instauration d’un climat de confiance entre collectivités territoriales et assureurs, le Gouvernement a annoncé à la fin du mois de septembre dernier la conclusion d’un accord avec les assureurs. Le recours à la médiation de l’assurance, intervenant comme un médiateur conventionnel, doit ainsi être généralisé pour les litiges portant sur les contrats d’assurance des collectivités.
En outre, le Gouvernement vient d’annoncer le lancement d’une mission d’expertise afin de définir et de proposer des solutions concrètes et pérennes pour faciliter l’assurance des collectivités territoriales. Cette mission remettra ses conclusions au deuxième trimestre de 2024.
Par ailleurs, la mission sur l’assurabilité des risques climatiques, lancée en mai dernier par mes collègues Dominique Faure, Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Thomas Cazenave, s’inscrit pleinement dans le cadre de la recherche de solutions aux difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités.
Elle a pour rôle de dresser un état des lieux des recommandations sur l’évolution du système assurantiel français face aux enjeux posés par le dérèglement climatique, afin de garantir l’assurabilité des particuliers, des entreprises et des collectivités. La mission formulera ses recommandations d’ici décembre 2023.
Madame la sénatrice, soyez assurée que le Gouvernement restera extrêmement vigilant pour faciliter les modalités d’accès à l’assurance des collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je ne doute pas que ces missions aboutiront à des préconisations intéressantes, mais je vois que les compagnies d’assurances se font entendre dans ce débat et formulent un certain nombre d’exigences : je pense que la puissance publique, l’État notamment, devrait en faire autant, afin que le système soit beaucoup moins injuste qu’aujourd’hui.
éligibilité des dépenses de travaux dans les gîtes communaux au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 934, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur l’éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des dépenses de travaux réalisés dans les gîtes ruraux communaux.
La loi de finances pour 2021 a instauré l’automatisation du calcul du FCTVA, qui s’opère désormais à partir des imputations comptables des dépenses des collectivités locales. Cela a permis de réduire sensiblement les délais pour bénéficier du dispositif, mais a néanmoins exclu certaines dépenses jusque-là éligibles.
Dans mon département de la Mayenne, la commune de Saint-Pierre-sur-Erve, qui est au demeurant une petite cité de caractère, n’a pas pu disposer du FCTVA pour un projet de travaux dans son gîte : c’est particulièrement regrettable !
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, j’ai déposé un amendement tendant à revenir sur la liste des exceptions fixée par le code général des collectivités territoriales (CGCT), mais il n’a finalement pas été retenu.
La compensation financière qu’offre le FCTVA est essentielle au développement des collectivités locales, notamment dans le cadre de la promotion et de la préservation de leur patrimoine. En effet, les gîtes communaux permettent de faire vivre le tourisme et l’économie des communes rurales ; ils contribuent aussi à la redynamisation des centres-bourgs et des villages, auxquels nous sommes si attachés dans cette haute assemblée.
Le Gouvernement envisage-t-il de revenir par voie réglementaire sur la liste des exceptions fixée par le CGCT, en y ajoutant les dépenses liées aux travaux dans les gîtes communaux ? Si tel n’est pas le cas, je souhaite connaître les dispositifs qu’il compte mobiliser pour soutenir les communes rurales qui, j’y insiste, contribuent à l’économie touristique de nos territoires et renforcent leur attractivité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous l’avez rappelé au début de votre propos : la loi de finances pour 2021 a instauré l’automatisation du calcul du FCTVA, qui s’opère désormais à partir des imputations comptables des dépenses des collectivités. Cela a permis de réduire sensiblement les délais pour bénéficier du dispositif.
En matière de création et d’aménagement des gîtes ruraux, c’est un régime spécifique qui s’applique aux dépenses réalisées avant le 1er janvier 2021 : les communes pouvaient bénéficier d’attributions du FCTVA pour leurs dépenses d’investissement, sous réserve qu’elles ne puissent pas déduire la TVA par voie fiscale et que les gîtes ne soient pas loués plus de six mois par an.
Dorénavant, le FCTVA est automatisé et couvre toute dépense régulièrement enregistrée sur l’un des comptes éligibles, dont la liste est fixée par l’arrêté du 30 décembre 2020, sous réserve qu’elle ne soit pas assujettie à la TVA.
Les dépenses relatives à la construction ou à l’aménagement des gîtes ruraux doivent être enregistrées sur le compte n° 2132 « Immeubles de rapport », lequel n’a pas été retenu dans l’assiette d’éligibilité au FCTVA. Néanmoins, lorsque ces dépenses sont enregistrées sur le compte n° 2313 « Constructions », intégré aux immobilisations en cours, elles peuvent ouvrir au bénéfice du FCTVA, notamment lorsque le bien n’est pas achevé. Cela s’explique par le fait que ce compte n’est pas subdivisé entre bâtiments publics et immeubles de rapport.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Je vous remercie de ces précisions très techniques, monsieur le ministre. Il est vrai que nos élus ont besoin de soutiens financiers, qui se matérialisent par divers dispositifs. Il leur faut notamment un accompagnement adapté afin de pouvoir utiliser pleinement le FCTVA. Nous prônons la simplification et la stabilité des dispositifs pour améliorer leur maîtrise par nos élus et assurer l’efficacité des politiques publiques.
progressivité des tarifs de l’eau
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 928, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Hervé Reynaud. Monsieur le ministre, face aux sécheresses à répétition qui ont frappé mon département de la Loire, la finalisation du schéma directeur d’alimentation en eau potable de Loire Forez agglomération, assurée sous la gouvernance du maire de Montbrison, Christophe Bazile, a permis de mettre en œuvre les travaux les plus urgents dès 2023 afin de sécuriser la distribution de l’eau.
Les agriculteurs ne bénéficiant pas de l’eau du canal du Forez, qui est un très gros pourvoyeur, restent très tributaires du réseau public d’eau potable pour maintenir leur activité ; il en va de même des établissements médico-sociaux.
L’agence de l’eau Loire-Bretagne va conditionner l’attribution des subventions à la collectivité compétente à l’application d’une progressivité des tarifs. L’objectif est louable, puisqu’il s’agit de réduire les consommations d’eau, donc les prélèvements.
De ce fait, la dégressivité du tarif de l’eau pratiquée dans beaucoup de communes de montagne, afin de ne pas pénaliser les agriculteurs, ne peut être maintenue par Loire Forez agglomération au risque de perdre les subventions de l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Or ces subventions sont essentielles, voire vitales au financement du budget annexe « Eau potable ».
Cette décision va avoir pour conséquence une augmentation forte et généralisée du prix de l’eau pour l’ensemble des usagers. Le risque serait également de voir se multiplier les recherches en eau et les forages privés.
Face à ce constat, il serait souhaitable qu’un dispositif approprié puisse s’appliquer à ces usagers, certes gros consommateurs en eau, mais dont l’activité pourrait être menacée par ces fortes hausses. J’ajoute que les collectivités pourraient, elles aussi, être pénalisées.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Reynaud, le plan Eau annoncé par le Président de la République repose sur un objectif structurant de sobriété : moins 10 % d’eau prélevée d’ici à 2030.
L’atteinte de cet objectif suppose une contribution, voire une mobilisation de l’ensemble des usagers de l’eau, y compris des agriculteurs. L’agence de l’eau Loire-Bretagne a mis en place des accords de résilience, qui ont pour objet de décliner territorialement le plan Eau.
L’agence de l’eau accompagne de façon prioritaire, et à des taux majorés, les collectivités ayant rencontré des difficultés d’approvisionnement en eau en 2022 ou en 2023. En contrepartie, les contrats reposent sur des engagements en matière de transferts de compétences au 1er janvier 2026, de fin des tarifs dégressifs et d’actions de la collectivité pour accompagner les particuliers ou les entreprises du territoire dans leurs efforts pour économiser l’eau.
J’en viens à Loire Forez agglomération. La collectivité exerce la compétence relative à l’eau potable depuis le 1er janvier 2020 et a mis en place une convergence tarifaire sans dégressivité à l’horizon 2026. Ainsi, l’accord de résilience entre l’agence de l’eau et l’agglomération ne fait pas mention d’un engagement supplémentaire en matière de tarification de l’eau. L’application progressive d’un tarif unique de l’eau non dégressif sur le territoire de Loire Forez agglomération est une décision antérieure.
Les difficultés rencontrées lors de la sécheresse de l’étiage 2022 ont entraîné des obligations de citernage et des restrictions d’eau.
L’accord porte sur le remplacement des canalisations fuyardes, les économies d’eau, les travaux de sécurisation et d’interconnexion des réseaux et la protection de captages. Le montant des travaux est établi à 5 438 000 euros, avec un soutien financier de l’agence de l’eau à hauteur de 2 924 000 euros.
Au-delà des investissements nécessaires, la sobriété de la consommation est importante pour préserver la ressource en eau : la fin de la dégressivité tarifaire a justement vocation à y contribuer.
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.
M. Hervé Reynaud. Je vous remercie de la précision de votre réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que ces sujets appellent souvent la formulation d’injonctions dites contradictoires, venant pénaliser des démarches qui se veulent vertueuses entre les collectivités et les acteurs agricoles en particulier, mais aussi entre les collectivités et des établissements médico-sociaux.
situation du collège rural de corlay
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, auteur de la question n° 882, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Ronan Dantec. En mars dernier, lors d’un déplacement dans la Nièvre, Mme la Première ministre, Élisabeth Borne, a affirmé la volonté du Gouvernement de « changer de méthode » sur l’évolution de la carte scolaire en milieu rural et de généraliser les territoires éducatifs ruraux (TER) d’ici à trois ans.
La fabrique du territoire scolaire est un exercice complexe d’aménagement qui se révèle vital pour l’avenir des territoires, surtout en milieu rural. Elle doit assurer, par un maillage riche et dense d’établissements, un équitable accès au service public de l’éducation.
À Corlay, commune des Côtes-d’Armor située en zone de revitalisation rurale (ZRR), la décision de fermer le collège public Pier An Dall à la rentrée prochaine, votée hier par le conseil départemental, a suscité une très forte opposition.
En effet, cette décision prise sans concertation ne se justifie ni pour des raisons économiques, car le projet de reconstruction d’un collège dans la commune voisine, située dans un bassin de vie différent, aurait un coût très important pour un établissement qui continuera de fonctionner malgré les sous-effectifs, ni pour des raisons pédagogiques, puisque le collège de Corlay enregistre en moyenne 94 % de réussite au brevet ces quinze dernières années.
Ses résultats sont parmi les meilleurs du département. Soulignons-le, monsieur le ministre : ils sont d’autant plus remarquables que l’indice de position sociale (IPS) du collège se situe largement sous la moyenne départementale.
En outre, les effectifs sont en hausse continue, particulièrement sur la période 2022-2035, avec des prévisions de croissance de 18 %.
Ainsi, ni le calendrier, ni la méthode, ni les raisons invoquées ne justifient cette décision de fermeture. L’État doit encore confirmer ce vote du conseil départemental, le préfet annonçant la publication de son arrêté en mars prochain.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de soutenir la mise en place d’un moratoire sur la fermeture du collège public de Corlay et son inscription dans le réseau des TER.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Dantec, concernant l’enseignement public du second degré, l’article L. 213-1 du code de l’éducation précise : « [Le] conseil départemental arrête après avis du conseil départemental de l’éducation nationale, en tenant compte de critères d’équilibre démographique, économique et social, la localisation des établissements, leur capacité d’accueil, leur secteur de recrutement et le mode d’hébergement des élèves. »
En vertu du même code, le département a la charge des collèges : il en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement.
Le conseil départemental des Côtes-d’Armor est donc compétent pour décider de l’éventuelle fermeture du collège Pier An Dall à Corlay, qui scolarise environ soixante-dix élèves depuis plusieurs années, avec un maximum de quatre-vingts élèves en 2020.
Dans les Côtes-d’Armor, pour l’année scolaire 2022-2023, 17,8 % des collégiens relèvent de la ruralité, soit un taux deux fois plus élevé qu’à l’échelle nationale. Dans les collèges ruraux du département, le nombre moyen d’élèves par division est de 22,8, soit un taux d’encadrement beaucoup plus favorable que la moyenne des collèges ruraux à l’échelle nationale, établie à 24. Dans l’ensemble des collèges du département, le ratio d’élèves par division est de plus de 25.
Ce taux d’encadrement montre que les services de l’éducation nationale ont bien pris en compte les spécificités du milieu rural des Côtes-d’Armor.
La chambre régionale des comptes a mené une analyse du réseau des collèges et de sa gestion par le conseil départemental. Elle a conclu à la nécessité de fermer un ou deux collèges proches, ceux de Corlay et de Saint-Nicolas-du-Pélem, distants de 8 kilomètres, en raison de prévisions pessimistes concernant des effectifs déjà fragiles – ces derniers seront réduits de 30 % à moyen terme. (M. Ronan Dantec le conteste.)
En outre, l’analyse déplore des résultats en retrait, notamment aux épreuves écrites du diplôme national du brevet, un manque d’émulation, des écarts importants de parcours parmi les collégiens par rapport aux données départementales, de même qu’un mauvais état du bâti.
En conséquence, la chambre régionale des comptes propose d’orienter les élèves dans d’autres établissements situés à proximité, qui disposent de capacités d’accueil encore importantes.
Le conseil départemental a choisi de maintenir un des deux collèges, celui de Saint-Nicolas-du-Pélem, qui dispose d’une emprise foncière plus importante, permettant d’envisager une reconstruction en site occupé conformément à l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN). L’établissement qui a vocation à y être reconstruit est donc appelé à devenir le collège du territoire.
élections dans les communes de moins de 1 000 habitants
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 014, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on parle souvent de modernisation de la vie publique et politique. À vingt-sept mois des prochaines élections municipales – vingt-sept mois, déjà ! –, nous devrions travailler certaines pistes afin d’améliorer les choses en la matière pour les communes, échelon préféré des Français, d’autant que le calendrier le permet.
Je pense tout d’abord au panachage, qui s’applique dans les communes de moins de 1 000 habitants : est-il bien utile de maintenir ce système archaïque datant de la IIIe République, qui a parfois des conséquences délétères ? Sa suppression aurait l’avantage de généraliser le scrutin de liste, donc de faire progresser la parité dans les exécutifs municipaux et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Ce n’est là que l’une des pistes de cette modernisation dont on parle tant. On pourrait aussi réfléchir, au cas par cas, à diminuer le nombre de conseillers communaux, notamment dans les communes les plus rurales, là où des difficultés ne manqueront pas de se poser.
C’est un principe de réalité, madame la secrétaire d’État : il est certain que nous ferons face à une crise des vocations lors du renouvellement des communes en 2026. Comment susciter de nouveau des vocations ?
Nous sommes par exemple en train d’inventer des solutions permettant de comptabiliser des trimestres pour la retraite en cas de volontariat – nous avons d’ailleurs tous salué le volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers à l’occasion de la Sainte-Barbe.
Quelles pourraient être les pistes pour inciter nos concitoyens à siéger dans les conseils municipaux ? La revalorisation des indemnités est une bonne idée, mais elle doit être financée par l’État, car les budgets communaux sont aujourd’hui à sec et ne peuvent aller au-delà, faute de quoi les élus seront les premiers à se restreindre.
Oui à la modernisation, mais quand allons-nous sérieusement nous pencher sur le statut de l’élu ? C’est un débat que je souhaiterais que nous ayons dans les mois à venir, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Belin, en matière de parité, des progrès importants ont été accomplis ces dernières années au sein des assemblées des collectivités locales.
En effet, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 a introduit deux mesures majeures : d’une part, elle crée un scrutin majoritaire binominal paritaire pour l’élection des conseillers départementaux ; d’autre part, elle abaisse le seuil du scrutin de liste paritaire pour l’élection des conseillers municipaux, permettant d’étendre ce mode de scrutin aux communes comprises entre 1 000 et 3 500 habitants.
Au lendemain des élections municipales de 2020, la proportion des femmes siégeant dans les conseils municipaux est ainsi passée à 42,4 %, contre 39,9 % lors du renouvellement général de 2014.
La proportion des maires femmes a elle aussi progressé, passant de 16,9 % en 2014 à 19,8 % en 2020. En obligeant au dépôt de listes de candidats paritaires, le scrutin de liste a fortement contribué à la féminisation des conseils municipaux.
Je pense sincèrement que l’attention que vous portez aux communes de moins de 1 000 habitants est pertinente,…
M. Bruno Belin. Merci !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. … puisque celles-ci représentent 71 % des communes en France. Toutefois, une extension complète du scrutin de liste à ces communes ne va pas de soi et pose de réelles interrogations d’ordre constitutionnel.
En effet, le mode de scrutin uninominal majoritaire qui s’applique aux communes de moins de 1 000 habitants répond avant tout à un autre objectif, celui de l’expression pluraliste des opinions politiques. Si l’exigence de stricte parité n’a pas été étendue aux communes de moins de 1 000 habitants, c’est pour garantir la liberté de candidatures dans les communes dans lesquelles le nombre de candidats potentiels se trouve réduit.
Sachez que le Gouvernement poursuit avec beaucoup d’engagement sa réflexion sur l’évolution de la parité en matière électorale, en gardant à l’esprit la nécessité de préserver l’équilibre entre cet objectif de parité et le principe de pluralisme politique.
transparence sur la délinquance et la hausse des attaques au couteau
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 744, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Valérie Boyer. D’après l’Insee, 44 000 personnes ont été victimes d’agressions à l’arme blanche entre 2015 et 2017, soit 120 personnes par jour en moyenne. Depuis, plus aucune donnée n’a été transmise, et pour cause : les chiffres d’agressions étaient récoltés par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), supprimé en 2020 pour être remplacé par un autre observatoire au sein du ministère de l’intérieur.
Aujourd’hui, le Gouvernement prononce toujours les mêmes mots – « rixe », « déséquilibré », « acte isolé » –, comme s’il niait la réalité ; jusqu’au garde des sceaux, qui nous a répété plusieurs fois que « la France n’est pas un coupe-gorge ».
Aussi, comme je le demande depuis 2021, aux côtés notamment de plusieurs criminologues, je souhaite connaître précisément la cartographie, les chiffres et les profils de cette violence, pour en tirer les enseignements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Boyer, puisque nous sommes toutes deux élues de Marseille, je tiens à avoir une pensée émue pour Alban Gervaise, tué à l’arme blanche devant l’établissement Sévigné, ainsi que pour sa famille et ses enfants. Je me souviens que vous aviez largement évoqué ces faits à l’époque ; je veux aujourd’hui rendre mémoire à la victime.
Je connais votre engagement pour la sécurité des Marseillaises et des Marseillais. J’en ai fait, moi aussi, un combat de chaque instant.
Les attaques commises à l’arme blanche ou par toute autre arme sont un fléau pour notre société et sa cohésion. Au-delà des attaques dues au terrorisme ou liées à des pathologies psychiatriques, le phénomène est réel et ne doit pas être sous-estimé. Les attaques particulièrement barbares commises ces derniers mois, notamment à Annecy, Arras, Crépol ou Paris, nous ont rappelé cette terrible évidence.
Cette violence a aussi rappelé la réactivité et l’engagement de nos forces de l’ordre et de nos services publics – police nationale, police municipale, pompiers, soignants –, que je tiens à remercier pour leur dévouement au quotidien et à qui j’exprime mon soutien le plus sincère.
Même si les réponses à la violence ne sont pas toutes à chercher dans l’action de la police nationale ni même dans celle de l’État, notre détermination est totale. La politique menée par le Gouvernement en matière de sécurité, qui vise à accroître la présence visible, rassurante et dissuasive des forces de l’ordre sur la voie publique, constitue l’une des réponses à ce phénomène. Cette présence sur la voie publique et dans les transports en commun sera d’ailleurs doublée d’ici à 2030.
Lutter contre les violences à l’arme blanche passe aussi par une réponse pénale efficace, effective et sévère. Depuis 2017, nous renforçons, dans des proportions exceptionnelles, les moyens alloués à la justice.
Quant aux chiffres, madame la sénatrice, le phénomène n’est pas simple à quantifier : les statistiques institutionnelles, agrégées et analysées par les services de sécurité intérieure, ne recensent pas, en tant que telles, les attaques à l’arme blanche. En effet, la qualification des infractions, telle qu’elle résulte du code pénal, ne permet pas de distinguer l’usage des armes blanches du recours à d’autres armes.
Madame la sénatrice, je puis vous assurer que nos policiers et nos gendarmes continueront à agir sans relâche sur le terrain pour garantir la sécurité de tous les Français.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais ce phénomène était quantifiable par le passé et les chiffres étaient officiels. Pourquoi n’en dispose-t-on plus aujourd’hui ?
Si je vous pose cette question de vive voix, c’est parce que je n’ai obtenu aucune réponse à mes nombreuses questions écrites, alors même qu’il est absolument indispensable que nous ayons ces données.
Notre volonté de lutter contre la délinquance n’est pas à démontrer et les chiffres ne devraient pas être cachés. Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous le redemande : pourquoi de telles données, qui étaient disponibles autrefois, ne le sont-elles plus aujourd’hui ?
Je souhaiterais vraiment que vous apportiez des précisions sur ces attaques à l’arme blanche. Les homicides et les tentatives d’homicide explosent en France. Pourquoi ne donnez-vous plus ces informations ? Les cachez-vous ? Pour quelle raison ? Je n’arrive pas à comprendre…
Je veux bien croire en votre engagement, mais aujourd’hui, seule la presse quotidienne régionale relate ces violences. Il ne s’agit pourtant pas de faits divers, mais d’un véritable phénomène de société.
Aujourd’hui, la moindre des choses serait de pouvoir disposer de données précises. Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous le demande encore une fois : pourquoi ces données précises ne sont-elles plus collectées et transmises à la représentation nationale ?
Je le rappelle, je suis obligée de vous poser ma question dans cet hémicycle, ce matin, pour obtenir une réponse, dans la mesure où toutes mes questions écrites sont restées lettre morte. Il est anormal que l’on cache ces statistiques aux Français ! (Mme Sylviane Noël applaudit.)
obligation d’information préventive des maires à la population
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 871, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Elsa Schalck. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le décret du 15 septembre 2023, qui précise qu’il revient au maire de communiquer à la population les caractéristiques des risques majeurs, les mesures de prévention ou encore les modalités d’alerte et d’organisation des secours.
Si nous comprenons le principe de l’information préventive, laquelle est nécessaire pour informer la population, encore faut-il, avant de faire paraître un tel décret, s’assurer que les élus disposent des outils leur permettant de l’appliquer.
Je tiens à rappeler que les maires ne disposent même pas, à l’heure actuelle, d’une connaissance actualisée de la population résidant dans leur commune. Dans ces conditions, comment pourraient-ils lui faire parvenir des informations ?
J’interpelle régulièrement votre gouvernement ici, au Sénat, sur la nécessité pour les maires de pouvoir tenir un registre domiciliaire actualisé. Très concrètement, les nouveaux arrivants dans une commune auraient l’obligation de se déclarer en mairie.
Connaître les habitants de sa commune est indispensable pour un maire, d’autant que le nombre de personnes qui déménagent est en hausse constante.
Cette mesure est d’ailleurs en vigueur dans de nombreux États européens – où cela ne pose aucun problème –, notamment en Allemagne, en Italie, en Belgique et en Espagne, pour ne citer que ces pays.
Cette mesure de bon sens serait non seulement nécessaire dans le cadre de cette nouvelle obligation d’information, mais également indispensable aux maires si l’on veut qu’ils puissent exercer leurs missions au quotidien, anticiper les besoins de la population et les investissements à engager.
Madame la secrétaire d’État, vous rappelez constamment la nécessité d’un lien de confiance entre l’État et les élus locaux. Permettez donc aux maires de connaître leur population : ils le demandent pour exercer au mieux leurs missions et pour pouvoir mettre en application les décrets que vous publiez.
Ma question est donc simple : quand allez-vous enfin permettre aux maires de France de disposer d’un outil efficace pour connaître la population qui réside dans leur commune et, ainsi, mieux les informer ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Schalck, vous interrogez le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence et qui m’a chargé de vous répondre, sur le besoin qu’expriment les maires de connaître l’état actualisé de la population dans leur commune et les outils adaptés pour y répondre.
L’information préventive sur les risques majeurs auxquels peut être exposée la population constitue un enjeu important de la politique de prévention des risques. Cette obligation d’information de la population est aujourd’hui assez souple, puisque le maire est libre de choisir les moyens de communication les plus appropriés pour diffuser ces informations. Cette démarche peut prendre la forme de panneaux d’affichage, de réunions publiques, de sites web municipaux, de messages sur les réseaux sociaux, etc.
Je comprends le souhait que formulent les communes exposées à un risque majeur de pouvoir disposer d’un état des lieux détaillé de leur population, de telle sorte qu’elles puissent communiquer à leurs habitants les caractéristiques du ou des risques majeurs, les mesures de prévention, ainsi que les modalités d’alerte et d’organisation des secours.
Cependant, le Gouvernement n’est pas favorable à l’instauration d’une déclaration domiciliaire qui obligerait tout nouvel habitant d’une commune à déclarer son domicile à la mairie de ladite commune. Cette obligation générale de déclaration domiciliaire se traduirait par la constitution d’un fichier de données à caractère personnel, dont la conformité vis-à-vis des exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés individuelles, notamment les principes constitutionnels de liberté d’aller et venir et de respect de la vie privée, devrait être établie.
Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 mars 2014, la création d’un traitement de données à caractère personnel doit être justifiée par un motif d’intérêt général précis et d’une importance suffisante ; elle doit de surcroît aboutir à la conciliation équilibrée du principe d’obligation de résultat et de la nécessaire protection des libertés individuelles.
Enfin, une telle obligation ferait peser une charge très lourde sur les communes, problématique à laquelle le Sénat est, je le sais, particulièrement sensible. Les communes seraient en effet contraintes de s’organiser pour recueillir les déclarations de domicile, délivrer des récépissés et tenir un registre de la population communale.
Il existe aujourd’hui un certain nombre d’outils permettant au maire de disposer des informations nécessaires sur la population de sa commune, dont les opérations de recensement réalisées par l’Insee.
augmentation des campements de sans-abri à paris
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 880, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Catherine Dumas. Madame la secrétaire d’État, les Parisiens ont pu constater ces derniers mois une augmentation du nombre des campements de sans-abri dans les rues de la capitale.
Ce phénomène s’explique en partie par la fin de la convention entre les hôtels parisiens et l’État en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, une convention qui permettait jusqu’alors la mise à disposition de places d’hébergement d’urgence au profit des sans-abri.
Malheureusement, cette situation conduit à une pénurie d’hébergements d’urgence, à laquelle s’ajoute un manque de rotation des places. Actuellement, 4 358 personnes sont sur liste d’attente, rien qu’à Paris.
Dans la capitale, cette pénurie se cumule à l’engorgement du 115, seul numéro d’urgence pour les personnes à la rue, toutes conditions confondues.
Les sans-abri vivent dans des conditions indignes et inacceptables. Les Parisiens déplorent, quant à eux, les nuisances occasionnées par les campements.
À Paris, pour expulser légalement une personne de sa tente, le secrétariat général de la ville doit lui demander son accord préalable et établir une liste de « motifs aggravants ». Or les critères sont flous et les campements dans les arrondissements parisiens sont traités de manière inéquitable.
Les maires d’arrondissement, qui sont en première ligne pour prendre en charge les sans-abri, se trouvent ainsi dépourvus de moyens.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il définir une procédure plus rapide et plus efficace pour lutter contre ce phénomène, en faisant notamment en sorte de mettre les maires d’arrondissement au cœur des procédures de décision ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Dumas, depuis le début de l’année 2023, les services de la préfecture de police ont recensé 276 implantations à Paris, allant de la tente isolée à des campements plus importants comprenant des abris précaires regroupant des migrants ou des personnes de la communauté rom. Sur ces sites, occupés par 1 167 personnes, on a recensé 602 tentes et 180 abris.
Le dispositif d’hébergement d’urgence mis en place en région parisienne relève de la compétence de la préfecture de Paris, conformément à l’article L. 121-7 du code de l’action sociale et des familles. La préfecture de police intervient à la demande de l’autorité judiciaire, afin de prêter le concours de la force publique dans le cadre d’opérations d’évacuation de campements illicites.
Il convient de noter que les services de police restent systématiquement mobilisés et assurent la surveillance quotidienne des lieux évacués pour détecter toute nouvelle implantation.
Nous constatons aujourd’hui des situations dégradées, tant au regard des conditions de vie que des troubles à l’ordre public occasionnés dans le voisinage, ce qui a conduit les services de l’État à organiser des opérations de mise à l’abri. Ainsi, depuis le début de l’année 2023, 5 973 personnes, dont 4 251 hommes isolés et 1 271 personnes en famille, ont été prises en charge par les services de l’État lors de trente-deux opérations de mise à l’abri.
Le 20 juin dernier, le Gouvernement a lancé le deuxième plan Logement d’abord, qui vise à créer et à mettre à disposition des logements adaptés et abordables pour les ménages en grande précarité. Dans ce cadre, 25 000 nouveaux logements en résidence sociale et en foyer de jeunes travailleurs seront agréés. Par ailleurs, 30 000 nouvelles places louées par des associations ou des organismes agréés d’intermédiation locative et 10 000 nouvelles places en pension de famille seront ouvertes.
Le deuxième plan Logement d’abord a également pour but de conforter le maintien dans le logement, de prévenir les ruptures et d’éviter la dégradation des situations.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Merci pour cette réponse chiffrée et détaillée, madame la secrétaire d’État. Je tiens à avoir une pensée particulière pour les habitants de la rue Fructidor et de l’avenue de la Porte-de-Clichy, dans le XVIIe arrondissement de Paris, qui subissent des nuisances depuis de nombreux mois et qui attendent avec impatience une réaction de l’État.
Je vous le redis, madame la secrétaire d’État : appuyez-vous sur les maires d’arrondissement pour lutter contre ce phénomène.
reconnaissance des cancers comme maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, auteure de la question n° 960, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Émilienne Poumirol. Une équipe de journalistes d’investigation vient de démontrer, dans la série documentaire Vert de Rage, que tous les sapeurs-pompiers français étaient exposés aux retardateurs de flammes, ces substances reconnues comme reprotoxiques et cancérigènes, et ce à des niveaux tels qu’il est indispensable d’étudier le lien entre l’exposition professionnelle à ces substances et les maladies recensées.
Dès 2003, l’alerte avait pourtant été donnée. En effet, un rapport remis au ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, concluait à la nécessité de mettre en place une véritable veille sanitaire des sapeurs-pompiers, en vue d’élaborer une politique de prévention efficace. Mais, vingt ans plus tard, aucune étude épidémiologique, aucun effort de suivi médical coordonné n’a été mis en œuvre.
En juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a publié une étude précisant qu’il existait suffisamment de preuves chez l’homme pour établir la cancérogénicité de l’exposition professionnelle des pompiers. Cette étude a ainsi établi un lien entre l’exposition professionnelle des pompiers et le mésothéliome ou le cancer de la vessie.
Comme vous le voyez, les études et les alertes ne manquent pas.
Cela étant, aujourd’hui en France, seul un type de cancer, le carcinome du nasopharynx, est reconnu comme étant lié à l’exposition à la fumée des incendies. Aux États-Unis, jusqu’à vingt-huit cancers sont reconnus comme maladie professionnelle. Au Canada, il y en a dix-neuf, en Australie douze.
Comment expliquer une telle différence ? Les pompiers français ne sont-ils pas exposés aux mêmes risques ? Les considère-t-on dans notre pays comme des surhommes ?
Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, avait annoncé la révision du tableau des maladies professionnelles. Qui plus est, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est chroniquement excédentaire – j’imagine que, pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), il en est de même.
Alors, madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous adopter pour, enfin, favoriser la reconnaissance des maladies professionnelles, la prévention et le suivi de la santé de nos sapeurs-pompiers professionnels comme volontaires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Poumirol, dans le cadre de leur mission, les sapeurs-pompiers sont en effet exposés à de nombreux risques. S’agissant de la toxicité des fumées, composées à la fois de gaz et de particules, cette exposition est bien identifiée et prise en compte au travers de plusieurs dispositifs.
Les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, sont soumis à des conditions d’aptitude physique et médicale particulières et suivis par une médecine d’aptitude lors de leur entrée en fonction et tout au long de leur carrière ou engagement.
Le contrôle de l’aptitude des sapeurs-pompiers est défini par l’arrêté du 6 mai 2000, dont la refonte fait actuellement l’objet d’une réflexion. L’enjeu est que la pratique s’adapte aux évolutions de la médecine, notamment pour tenir compte, au travers de dépistages, des risques de cancer.
En fin de carrière, le décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015 ouvre droit à un suivi médical post-professionnel pour les agents de la fonction publique territoriale, incluant les sapeurs-pompiers professionnels, qui en bénéficient après la cessation définitive de leurs fonctions. Ce suivi est pris en charge par les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).
Par ailleurs, les Sdis ont mis en place différentes mesures de prévention collective et individuelle : d’une part, chaque procédure d’intervention peut donner lieu à un soutien en matière de santé ; d’autre part, les sapeurs-pompiers disposent d’équipements de protection individuelle, comme l’appareil respiratoire isolant pour la protection des voies respiratoires.
Au-delà des études menées par le Centre international de recherche sur le cancer, de nombreux travaux de recherche sont effectués à l’échelle nationale, notamment par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur. Ces travaux devraient permettre d’établir plus précisément le lien éventuel entre les risques professionnels auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers et l’apparition des maladies.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Merci, madame la secrétaire d’État. Je sais bien qu’il existe un suivi des sapeurs-pompiers par la médecine d’aptitude, qui se poursuit même à l’issue de leur carrière. Mais, en l’occurrence, je m’étonne qu’en France il n’y ait jamais eu de reconnaissance des maladies professionnelles des sapeurs-pompiers en raison de leur exposition professionnelle – c’est ce que nous demandons.
Vous avez évoqué les études du Centre international de recherche sur le cancer : celles-ci ont démontré qu’il existe un lien étroit entre les fumées et les maladies des pompiers ; pourquoi ce lien serait-il reconnu aux États-Unis, au Canada ou en Australie, mais pas en France ?
Il n’est plus temps de tergiverser : il faut désormais mettre en place cette reconnaissance pour les plus de 2 000 sapeurs-pompiers qui seraient concernés en France.
J’ai été moi-même confrontée, en tant que présidente de Sdis, mais aussi en tant que médecin, à un certain nombre de cas, dans lesquels il est impossible de faire jouer cette reconnaissance, parce que les pathologies ne sont pas inscrites au tableau des maladies professionnelles.
recrudescence d’occupations illicites de membres se revendiquant de la communauté des gens du voyage en haute-savoie
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 884, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Sylviane Noël. La localisation stratégique de la Haute-Savoie au carrefour de la Suisse et de l’Italie attire chaque année de nombreux groupes de la communauté des gens du voyage, dont une part non négligeable s’installe sur des terrains, privés comme publics, en toute illégalité.
Ces implantations entraînent systématiquement leur lot de nuisances et de dégradations à répétition et grèvent lourdement le budget des communes concernées. Les conséquences sont également catastrophiques pour de nombreuses entreprises, dont l’activité est entravée par l’occupation de leurs terrains et l’immobilisation de leur outil de travail.
Si la Haute-Savoie attire autant, c’est aussi parce qu’il semblerait que les membres de ces communautés parviennent facilement à se faire délivrer des patentes helvètes par les autorités genevoises, ce qui leur permet d’exercer leur activité sur le territoire suisse. En outre, il semblerait que ces autorisations leur permettent d’obtenir des plaques d’immatriculation suisses, qui rendent leur verbalisation et leur expulsion beaucoup plus difficiles.
L’étrange facilité avec laquelle les patentes leur sont délivrées crée un véritable appel d’air pour ces communautés, fortement attirées par l’eldorado suisse.
Le canton de Genève n’ayant aucune obligation légale de construire des aires d’accueil ou de grand passage, au contraire des communes de Haute-Savoie, ces communautés repassent chaque soir la frontière pour élire domicile, de façon régulière ou irrégulière, dans mon département.
Nous ne sommes évidemment pas contre le fait que le canton de Genève les autorise à travailler sur son territoire, mais nous appelons nos amis suisses à loger ces communautés en mettant à leur disposition des aires d’accueil, comme en France.
La pression exercée par cet afflux de gens du voyage devenant totalement ingérable en Haute-Savoie, je souhaiterais connaître les actions que le gouvernement français entend engager, en lien avec son homologue suisse, pour mettre un terme à ces pratiques.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Noël, en 2021, le préfet de la Haute-Savoie a procédé à 45 mises en demeure de quitter les lieux à l’endroit de groupes de gens du voyage installés de manière illicite. Il en a adressé 20 en 2022 et 74 depuis le début de l’année 2023.
Plus du tiers des arrêtés pris cette année concerne un seul et même groupe semi-sédentarisé bien connu des services de police et de gendarmerie. Ce groupe, souvent réparti sur plusieurs sites et constitué au total de près de 250 caravanes, va d’occupations illicites en occupations illicites le long de l’arc lémanique, leur parcours s’accompagnant d’incivilités, d’agressions, de dégradations et d’atteintes à la salubrité publique.
L’augmentation des mises en demeure prises par le préfet part d’une volonté assumée de s’appuyer sur toutes les dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour faire cesser les nuisances occasionnées par ce groupe familial.
C’est ainsi que, régulièrement, les forces de l’ordre effectuent des contrôles de véhicules et d’attelages, verbalisent et procèdent à des saisies.
Certains de ces véhicules sont immatriculés en Suisse. Lorsqu’ils sont verbalisés pour une infraction à la police de la route, ils font l’objet d’une identification partagée avec les services de police suisses, qui se joignent parfois aux contrôles réalisés par les forces de l’ordre françaises sur les installations illicites.
Le Gouvernement a pleinement conscience de la nécessité d’approfondir davantage la coopération avec les autorités genevoises. Il souhaite examiner avec elles les conditions de délivrance et de retrait des patentes.
Ce point a d’ailleurs été évoqué le jeudi 14 décembre 2023 lors du comité régional franco-genevois, coprésidé par la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes et le président du Conseil d’État du canton de Genève, et sera inscrit à l’ordre du jour du prochain comité prévu au printemps 2024.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse et je me réjouis que cette question soit à l’ordre du jour.
Vous avez rappelé la nature des difficultés que nous rencontrons avec un groupe précis, dont les membres ne doivent plus être considérés comme des gens du voyage, car ils n’en ont plus aucune caractéristique. Nous devons réellement sévir à leur encontre.
Je le rappelle, voilà un an, devant les maires des communes de Haute-Savoie, le ministre Darmanin a pris l’engagement, très fort, de faire évoluer la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi Besson, dont nous constatons chaque jour les limites et les failles.
Nous en avons grandement besoin pour éviter qu’un drame n’ait lieu.
circulation des poids lourds dans les villages de l’oise
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 984, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Édouard Courtial. Madame la secrétaire d’État, mille, c’est le nombre de camions qui défilent, chaque jour, dans certains villages de mon département de l’Oise.
Or nombre d’élus et de riverains ne supportent plus les nuisances liées aux passages incessants des poids lourds dans leurs communes et dénoncent cette situation devenue invivable qu’ils comparent au Grand Prix de Monaco ou à tout autre rallye automobile.
Ils se sentent souvent démunis et nombre d’entre eux me saisissent afin de demander le concours de l’État et des collectivités pour la mise en place de davantage de contrôles visant à faire respecter les arrêtés d’interdiction de circulation et les déviations ou encore pour l’installation d’un radar ou de ralentisseurs afin de briser la vitesse excessive des véhicules.
Certes, le conseil départemental de l’Oise publiera, dans les prochains mois, une charte de bonne conduite à destination des transporteurs, mais je doute que cette initiative résolve le problème.
En effet, ce trafic, qui s’explique notamment par la situation géographique centrale du territoire et l’installation de nombreuses plateformes logistiques, mais qui dépasse les limites du raisonnable, a trois principales conséquences.
La première d’entre elles a trait à la santé de nos administrés. Ces nuisances sonores ont un effet sur la qualité de vie dans nos communes et entraînent une augmentation de la pollution de l’air.
La deuxième conséquence concerne la sécurité routière. En effet, la hausse du nombre d’accidents de la route est manifeste. L’accident survenu le 12 décembre dernier, à Verberie, en est la preuve : un conducteur a percuté un poteau électrique, provoquant une coupure de courant, avant de tenter de s’enfuir.
Enfin, la troisième conséquence, et non la moindre, est la détérioration importante de nos infrastructures routières provoquée par le passage des poids lourds, alors que nous connaissons les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales.
Madame la secrétaire d’État, loin d’une image d’Épinal, les habitants de certaines communes de l’Oise entendent non plus les oiseaux chanter, mais uniquement les moteurs vrombir, parce que des entreprises, peu scrupuleuses, veulent économiser le prix du péage. Ces habitants doivent être entendus et leurs élus, davantage accompagnés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Courtial, le maire chargé de la police de la circulation se trouve souvent en position d’arbitre. Aux termes des articles L. 2213-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, le maire peut, par arrêté motivé, réglementer la circulation sur les voies de l’agglomération. Il peut notamment interdire l’accès aux poids lourds de voies, de portions de voies ou encore de secteurs de la commune.
Cela étant, le droit français posant comme principe que la liberté est la règle et la restriction de police l’exception, le juge administratif a fixé les conditions de légalité de tels arrêtés : un maire ne peut donc interdire, de manière permanente, la circulation des poids lourds dans l’ensemble de l’agglomération.
En revanche, il est fondé, sur la base de l’article L. 2213–2 du même code, à édicter des mesures restrictives motivées par des circonstances précises, dont il n’existe toutefois pas d’énumération exhaustive.
Dans ce cadre, la gendarmerie a relevé, dans le département de l’Oise, 301 infractions aux restrictions de circulation en 2021 et 349 en 2022, soit une hausse de 16 %, puis 598 infractions en 2023, soit une augmentation de 71 %.
L’activité de coordination des transports, à savoir le contrôle des poids lourds, représentait pour la gendarmerie de l’Oise 1 570 heures de service en 2021, avant d’atteindre 1 820 heures en 2022, soit une hausse de 16 %, et 2 670 heures en 2023, soit une augmentation de 47 %.
La vidéoverbalisation autorise aujourd’hui les policiers municipaux et les gardes champêtres à constater les infractions sans interception, après visionnage des images.
Le ministère de l’intérieur a d’ores et déjà engagé le processus pour opérer les modifications réglementaires nécessaires. Il s’agit, d’une part, d’étendre le périmètre des infractions constatables sans interception, recensées à l’article R. 121-6 du code de la route, aux interdictions et aux restrictions de circulation prévues par la réglementation sur le poids des véhicules ; d’autre part, d’élargir l’accès des policiers municipaux au système d’immatriculation des véhicules, afin que ces derniers puissent obtenir les données relatives à la catégorie des véhicules.
décret relatif à la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 989, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Patrice Joly. Madame la secrétaire d’État, à l’occasion de la réforme des retraites, le Sénat, dans son ensemble, il faut le souligner, a souhaité valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires dans le cadre de leurs droits à la retraite, grâce à l’octroi de trois trimestres supplémentaires à partir de dix années d’engagement, puis, au-delà, d’un trimestre supplémentaire tous les cinq ans.
Il s’agit de témoigner de notre reconnaissance envers les sapeurs-pompiers volontaires en raison de leur engagement citoyen au service de la collectivité. En effet, nous en sommes tous très conscients ici, nos sapeurs-pompiers exercent leurs missions dans des situations de grande tension et de risque, auxquelles s’ajoutent les contraintes professionnelles inhérentes à leur activité.
Cette mesure vise également à soutenir le recrutement des effectifs nécessaires à l’accomplissement des nouvelles missions ou activités liées aux événements climatiques ou encore aux carences sanitaires. Sans pompiers bénévoles, la sécurité de nos concitoyens ne pourrait être assurée de manière satisfaisante, alors que chaque année plusieurs millions de Français en bénéficient.
À l’occasion des fêtes de la Sainte-Barbe qui se déroulent en ce moment, les sapeurs-pompiers volontaires se posent des questions, voire s’en inquiètent, sur la non-parution du décret relatif à la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance qui leur est allouée.
En outre, selon certaines informations, le projet de décret distinguerait les sapeurs-pompiers volontaires selon qu’ils exercent ou non une activité professionnelle.
Ces hommes et ces femmes s’engagent avec courage et avec dévouement pour la sécurité de nos concitoyens et au service du public. Par conséquent, je souhaite savoir à quelle date le Gouvernement entend publier ce décret.
En outre, je souhaite obtenir de vous l’assurance que tous les sapeurs-pompiers volontaires, sans exception, bénéficieront de ces mesures, quelle que soit leur situation professionnelle, dans le respect de ce que nous avons voté.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Joly, issu de l’adoption d’un amendement transpartisan, l’article 24 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a créé un dispositif permettant aux sapeurs-pompiers volontaires, justifiant d’une durée minimum d’engagement, de valider des trimestres de retraite pour compléter, le cas échéant, leur carrière professionnelle au titre de la reconnaissance de leur engagement au service de nos concitoyens.
Élaboré sur le fondement des travaux parlementaires, le projet de décret en Conseil d’État vise, en application de cet article, à octroyer trois trimestres supplémentaires pour dix ans d’engagement, continus ou non, en tant que sapeur-pompier volontaire, puis d’un trimestre supplémentaire par tranche de cinq ans d’engagement, selon une logique d’attribution identique à celle des trimestres assimilés.
Le projet de décret fixe, tout d’abord, les règles d’affectation des trimestres à la carrière professionnelle, ainsi que les règles de détermination des régimes auxquels incombera la charge de valider ces trimestres.
Il vise également à adapter la mesure aux spécificités liées au régime des marins et à celui des fonctionnaires.
Il a été soumis, très récemment, à l’avis des différentes caisses de retraite. Il est actuellement devant le Conseil d’État, qui devrait rendre son avis demain.
Sa publication devrait donc intervenir d’ici à la fin de cette année et la mesure s’appliquera aux liquidations de pensions qui interviendront dès le lendemain de son entrée en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Madame la secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu sur la question de l’éventuelle distinction qui serait faite entre les sapeurs-pompiers volontaires en fonction de leur situation d’emploi.
Je vous le demande solennellement : levez les inquiétudes des sapeurs-pompiers, consultez-les ou continuez de le faire, rassurez-les ! Nous avons besoin d’eux !
critères d’attribution du label « quartier prioritaire de la ville »
M. le président. La parole est M. Jean-Baptiste Lemoyne en remplacement de Mme Dominique Vérien, auteure de la question n° 976, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la secrétaire d’État, la question que je pose en lieu et place de Dominique Vérien et qui nous préoccupe tous deux a trait aux critères d’attribution des subventions relatives aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), notamment celui du seuil de population.
Seules les unités urbaines comptant au moins 10 000 habitants peuvent bénéficier de ce dispositif. Or l’Insee évalue la population des aires urbaines selon des critères d’appréciation qui semblent parfois discutables aux yeux des élus.
Ces subventions sont très importantes pour la vie quotidienne des communes concernées. Ainsi en est-il de la ville de Joigny qui perçoit, à ce titre, 715 000 euros par an, ce qui permet de répondre aux besoins des habitants des quartiers concernés. En outre, le classement QPV a un effet d’entraînement, car il permet de mobiliser des dispositifs auprès d’autres financeurs, comme la région.
Or, selon le dernier recensement, la ville de Joigny est passée sous la barre des 10 000 habitants, non pas tant parce que ses résidents seraient partis, mais parce que certains habitants, notamment ceux du quartier en question, ne se sont pas fait recenser.
Aussi, madame la secrétaire d’État, le critère relatif au seuil de population pourrait-il être appliqué avec souplesse afin d’éviter d’exclure des QPV de la nouvelle carte en cours d’élaboration, notamment celui de la ville de Joigny sur lequel Dominique Vérien et moi-même attirons votre attention ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Lemoyne, votre question a trait à la redéfinition de la géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Vous le savez, les travaux visant à mettre à jour ce zonage, qui n’a pas été modifié depuis 2014, soit voilà dix ans, sont en train de s’achever.
Deux décrets seront ainsi publiés avant le 31 décembre prochain : un décret « méthode » qui tend à définir les modalités particulières de détermination des critères prévus par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de 2014, dite loi Lamy, et un décret « liste » qui vise à recenser les quartiers retenus.
Au cours de l’année 2023, les échanges étroits menés entre les élus et les préfets, que j’ai voulus, ont notamment permis d’identifier plusieurs situations similaires à celle que vous évoquez : le cas d’unités urbaines passant sous le seuil des 10 000 habitants en raison d’une déprise démographique liée au refus des habitants d’être recensés ou au relogement des résidents dans une commune voisine pendant la durée des travaux conduits dans le cadre d’un programme de renouvellement urbain.
Le projet de décret « méthode », dans sa version actuelle, vise à prendre en compte de telles situations. Il est actuellement soumis au Conseil d’État ; aussi dois-je attendre son avis pour vous répondre plus précisément sur le cas de Joigny.
Néanmoins, vous le savez, vous pouvez compter sur ma totale détermination, comme sur celle du Gouvernement, pour que ce nouveau zonage soit défini au plus près de chaque territoire et réponde aux besoins des plus fragiles.
Au travers d’une circulaire, j’avais d’ailleurs encouragé les préfets à travailler de manière très étroite avec les élus locaux, comme avec les habitants, et appelé de tous mes vœux les concertations citoyennes.
En tout cas, je vous adresserai une réponse écrite précise, lorsque nous connaîtrons l’avis du Conseil d’État sur le projet de décret.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions.
Votre prédécesseur s’était engagé à appliquer le critère de la population avec souplesse, ce que permettra le décret « méthode », d’après ce que je comprends.
Vous évoquiez le travail avec les préfets : au sujet du quartier de Joigny aujourd’hui classé en QPV, tant le préfet de département que celui de région se sont montrés ouverts au maintien de ce classement, ce qui, je l’espère, sera confirmé par les textes à venir.
situation des écoles supérieures d’art territoriales
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 870, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Max Brisson. Madame la secrétaire d’État, constituées en établissements publics de coopération culturelle (EPCC), les écoles supérieures d’art territoriales délivrent des diplômes nationaux, labellisés par le ministère de la culture et valant grade de licence et de master.
Pour autant, l’État ne les finance, en moyenne, qu’à hauteur de 10 %, avec de grandes variations selon les établissements considérés, l’essentiel de leur financement étant assuré par les collectivités territoriales.
Ainsi, si le financement moyen par étudiant est actuellement de 1 960 euros, il s’élève à moins de 1 000 euros dans certaines écoles qui rencontrent des difficultés de plus en plus criantes.
Or cette dotation n’a pas évolué depuis douze ans, ce qui représente une baisse de 14 % en euros constants, alors que ces écoles font face aux exigences, accrues d’année en année, de l’enseignement supérieur, à l’inflation qui affecte lourdement leur budget, ainsi qu’à la revalorisation nécessaire et indispensable des traitements des agents publics.
Résultat, les EPCC, sous-financés et exclus de tous les derniers dispositifs d’aide, ne parviennent plus à équilibrer leur budget et épuisent peu à peu leur fonds de roulement.
Certes, la ministre de la culture annonçait, en mars dernier, le déploiement d’une aide d’urgence de 2 millions d’euros répartie entre les trente-trois établissements, aide reconduite dans le dernier projet de loi de finances. Toutefois, ces aides ne répondent ni à la gravité de la situation ni à la question structurelle de la responsabilité de l’État.
Alors que le Gouvernement a émis au Sénat, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, un avis défavorable sur un amendement à ce sujet, pourtant défendu par les élus et les professionnels, quelle mesure envisage-t-il pour garantir la pérennité des écoles supérieures d’art territoriales ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Brisson, anciennes régies municipales et désormais EPCC, ces écoles relèvent des collectivités locales et bénéficient, vous le savez, d’un soutien financier du ministère de la culture à hauteur d’environ 11 % de leurs ressources.
Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, ce soutien a augmenté, passant de 16,2 millions d’euros en 2012 à 21 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 30 % en dix ans.
Afin de répondre aux importantes difficultés financières, notamment dues à l’inflation et, dans certains cas, à une baisse des contributions des collectivités locales, la ministre de la culture a décidé le 28 mars dernier de débloquer une aide d’urgence de 2 millions d’euros de crédits supplémentaires.
Pour prendre un exemple que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, l’École supérieure d’art et de design des Pyrénées, établie à Pau et à Tarbes, a bénéficié de la quatrième plus grosse enveloppe issue de cette aide, avec une augmentation du soutien de l’État de près de 42 %.
Consciente des difficultés plus structurelles, la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, a décidé de « socler » cette aide dans le budget, de fournir un effort d’investissement supplémentaire de 3 millions d’euros et de commander un rapport, rendu public depuis, dans lequel sont formulées quatre grandes préconisations.
Tout d’abord, il s’agit de « mieux fonctionner », en revoyant la gouvernance des EPCC au cas par cas et en impliquant davantage les régions et les intercommunalités.
Il s’agit ensuite de « mieux connaître pour mieux comprendre », en établissant la cartographie de l’ensemble de l’offre de formation artistique, publique et privée, mais aussi de « mieux financer » en objectivant la dépense publique de l’État, notamment par étudiant.
Il s’agit, enfin, de « mieux valoriser » ces écoles qui gagneraient à être mieux connues, je le concède.
À la suite de ce travail et des rapports de la Cour des comptes et du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), les services du ministère de la culture travaillent actuellement à l’élaboration d’un plan d’action en faveur de ces écoles, dans une logique de dialogue et de concertation.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la secrétaire d’État, à vous écouter, les états généraux de l’enseignement supérieur artistique devraient rapidement se réunir pour fixer de nouveaux équilibres financiers et garantir ainsi, dans la durée, l’avenir des EPCC.
Il est urgent de repenser le dispositif de financement, qui est source d’inégalités entre les établissements. Aussi, pourquoi ne pas mettre en place – c’est une idée – un forfait fixe par étudiant, en lieu et place du saupoudrage actuellement de mise ?
pénuries du traitement beyfortus et de médicaments
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 955, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Henri Cabanel. Madame la ministre, ma question a trait à la pénurie du traitement Beyfortus et, plus généralement, aux pénuries de médicaments.
Pendant l’hiver 2022-2023, 75 000 passages aux urgences ont été enregistrés pour des cas de bronchiolite. Depuis le 15 septembre 2023, il est possible d’administrer aux bébés un traitement préventif contre cette maladie.
Une commande de 200 000 doses a ainsi été passée, mais une semaine après le lancement d’une campagne de communication du Gouvernement en faveur de la vaccination, plus aucune dose n’était disponible. Cette campagne a donc été efficace, mais ses effets ont été sous-évalués.
Plus généralement, selon le baromètre France Assos Santé, le nombre de patients se déclarant confrontés à une pénurie de médicaments a bondi de 29 % à 37 % en une année.
L’hiver 2022-2023 a été marqué par des pénuries d’amoxicilline et de paracétamol. Cet été, les tensions se sont également accentuées, notamment pour ce qui concerne les médicaments liés à la cardiologie.
Cette situation inquiète légitimement les Français. Elle s’explique notamment par des délocalisations massives opérées par les laboratoires pharmaceutiques, qui ont externalisé les différentes étapes de la fabrication des produits, afin d’obtenir une meilleure rentabilité.
Une autre explication réside dans la concentration, quasi monopolistique, de la production. Ainsi certains médicaments sont-ils fournis par une seule entreprise.
Madame la ministre, quand les doses du traitement préventif Beyfortus seront-elles disponibles afin d’éviter les hospitalisations ? Plus généralement, quelle stratégie est mise en place pour disposer de stocks de médicaments suffisants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Cabanel, en juillet 2023, les autorités françaises ont réservé 200 000 doses de Beyfortus dans le cadre de la préparation aux épidémies de l’hiver. La France a été l’un des quatre premiers pays à en avoir commandé et le premier État à déployer de façon aussi large cet outil de prévention.
La campagne d’immunisation des nourrissons contre la bronchiolite a débuté le 15 septembre et a rencontré une forte adhésion de la part des professionnels, mais aussi des parents, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Dans un contexte de très forte demande, les discussions entre les autorités françaises et les laboratoires ont permis de sécuriser 50 000 doses additionnelles et de prolonger la campagne d’immunisation en cours.
Plus largement, une nouvelle feuille de route adoptée en 2023 a permis de poser les premiers jalons d’une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries.
Par ailleurs, trois mesures ont été adoptées dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour permettre d’améliorer l’accès de nos concitoyens aux médicaments en cas de pénurie.
La première mesure vise à prévenir les ruptures d’approvisionnement à la suite de l’arrêt de la commercialisation de médicaments matures d’intérêt thérapeutique majeur.
La deuxième mesure porte sur la distribution et la délivrance, avec, d’une part, la possibilité de limiter la vente directe entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines et, d’autre part, le renforcement des leviers d’épargne en cas de rupture d’approvisionnement.
La troisième mesure permet d’élargir les dispositifs permettant une production alternative pour certaines spécialités pharmaceutiques.
En parallèle de ces évolutions et à la demande du ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a formalisé, en lien avec l’ordre des pharmaciens, l’engagement des acteurs de la chaîne pharmaceutique : une charte destinée à fluidifier la chaîne de distribution des médicaments a ainsi été signée le 22 novembre dernier.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Il est vrai que des efforts ont été fournis, mais nous avons connu une pénurie, si bien qu’on peut considérer qu’ils n’ont pas été suffisants.
Les pharmaciens sont très ennuyés de ne pas pouvoir fournir certains médicaments à leurs patients. Dans mon département, ils mènent une action visant à faire envoyer par leurs patients un courrier au Président de la République. Nous espérons recevoir une réponse favorable !
situation de la psychiatrie dans le loiret
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, auteure de la question n° 971, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Pauline Martin. Madame la ministre, chacun le sait, en matière de désertification médicale, la psychiatrie est l’une des spécialités les plus touchées, ce qui laisse démunis les élus locaux, qui doivent désormais gérer en direct les errements de certains de leurs administrés.
À la lecture du rapport de l’Observatoire régional de la santé de la région Centre-Val de Loire, il apparaît que le Loiret est le moins bien doté, avec un taux 12,7 psychiatres pour 100 000 habitants, contre 15,4 au niveau régional.
Parallèlement, la dotation financière du Loiret en psychiatrie est la plus faible de l’ensemble des départements de la région, avec un ratio par habitant de 140 euros, contre 160 euros au niveau régional et même 170 euros au niveau national.
Une telle iniquité entre les territoires entraîne de graves conséquences pour notre département et ses habitants. À titre d’exemple, l’établissement public de santé mentale (EPSM) Georges-Daumézon, le plus important de la région Centre-Val de Loire, qui prend en charge plus de 17 000 patients se voit contraint de fermer des lits faute de personnels et de moyens, malgré les politiques volontaristes mises en place.
Mes questions sont donc les suivantes. Comment peut-on mettre fin à cette inégalité criante entre les territoires, en donnant les moyens indispensables à l’établissement Georges-Daumézon et, plus généralement, au Loiret ? Au-delà du problème de désertification que nous connaissons tous, quelles mesures sont envisagées afin de répondre à cette crise de la psychiatrie affectant bon nombre d’autres politiques publiques, tout particulièrement l’aide sociale à l’enfance ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, comme vous le soulignez à juste titre, la psychiatrie rencontre des difficultés en termes de ressources humaines et d’attractivité. C’est vrai partout en France, en particulier dans le Loiret. Je souhaite toutefois rappeler les avancées récentes, notamment l’augmentation, depuis 2018, du nombre de postes d’internes : +10 en 2017 et +13 en 2022, ce qui reste bien sûr largement perfectible.
Je pense également à la reconnaissance de la psychiatrie en tant que spécialité en tension en 2022 dans l’ensemble des établissements, ainsi qu’à l’augmentation du taux d’étudiants hospitaliers de deuxième cycle en service de psychiatrie.
Par ailleurs, des objectifs ambitieux sont désormais inscrits dans le projet régional de santé pour les cinq prochaines années : renforcer et améliorer la formation des professionnels de santé médicaux et non médicaux ; développer l’attractivité du secteur de la psychiatrie et de la santé mentale et fidéliser les professionnels – c’est un enjeu majeur – ; déployer l’usage de la télémédecine.
Pour ce faire, la mise en place d’une deuxième faculté de médecine à Orléans permettra de former davantage de médecins dans votre région, de renforcer l’offre de formation de troisième cycle et d’accroître le nombre d’internes en psychiatrie.
Concernant spécifiquement l’établissement public de santé mentale Georges-Daumézon, je tiens à saluer l’engagement au quotidien des professionnels.
Je rappelle que nous avons fermement soutenu l’établissement avec la mise en place d’une équipe mobile de précarité en psychiatrie et d’une équipe mobile d’intervention et de crise pour enfants et adolescents. Nous avons également renforcé les centres médicaux psychologiques pour enfants et adolescents, ainsi que les dispositifs mobiles d’intervention en addictologie.
Comme vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement et l’ARS sont pleinement mobilisés pour ce territoire, qui est aujourd’hui en difficulté.
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.
Mme Pauline Martin. Madame la ministre, une mobilisation générale est nécessaire. C’est un appel au secours !
situation des maternités dans le département du cher
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 972, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse au ministre de la santé et de la prévention et j’y associe l’ensemble des parlementaires du Cher, ainsi que les maires concernés par le sujet.
Nous avons récemment pris connaissance du projet régional de santé, qui est susceptible d’avoir de lourdes conséquences pour notre département en matière d’accès aux soins et plus précisément aux services obstétriques. Il fait en effet mention de suppressions de maternités dans le département, à Vierzon et à Saint-Amand-Montrond.
Cette décision potentielle n’est pas acceptable ! Supprimer ne serait-ce qu’une maternité, c’est prendre le risque d’engorger les autres et de mettre en péril la sécurité des femmes enceintes et de leurs bébés.
Inutile de vous le rappeler, notre territoire souffre déjà du phénomène de désertification médicale. Or, à l’heure où les initiatives parlementaires portant sur l’amélioration de l’accès aux soins se multiplient, une telle proposition de suppression est tout simplement incompréhensible.
Ainsi, je vous demande tout simplement de garantir le maintien des maternités dans un territoire où le désert médical, comme le Sahara, s’agrandit au fil des années.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les maternités françaises et leur personnel sont actuellement confrontés à de très fortes tensions et le Gouvernement y prête une attention toute particulière afin que les femmes enceintes bénéficient d’une prise en charge de qualité tout au long de leur grossesse, et ce jusqu’à l’accouchement, au plus près de leur domicile.
Toutefois, lorsqu’une fermeture ne peut être évitée, du fait, parfois, d’un manque de professionnels de santé, nous nous attachons à sécuriser le parcours des patientes concernées. Des hébergements non médicalisés sont déployés à cet effet à proximité des maternités de référence de ces territoires. Ils accueillent les femmes en amont de leur terme et limitent ainsi les accouchements inopinés susceptibles de survenir en dehors d’une structure hospitalière.
De même, nous soutenons la création des centres périnataux de proximité. Ces structures offrent un panel large de services en matière de périnatalité et évitent de longs déplacements aux femmes enceintes pour le suivi de leur grossesse.
Monsieur le sénateur, à ce jour, quatre maternités sont en activité dans votre département, trois dans les centres hospitaliers de Bourges, Vierzon et Saint-Amand-Montrond et une au sein d’une clinique à Bourges. L’offre médicale pour les femmes enceintes de votre département passe également par la présence d’équipes complètes – gynécologues et anesthésistes – sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je vous confirme, monsieur le sénateur, qu’à ce jour aucune maternité du Cher n’est remise en cause. Notre objectif demeure bien le maintien de l’offre existante dans le Cher et l’accompagnement des transformations, si elles devenaient nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Vous me rassurez, madame la ministre. Il est vrai que je ne compte plus le nombre d’interventions relatives à cette problématique d’accès aux soins, que je nomme d’ailleurs un accès au droit de vivre !
En l’occurrence, il s’agit de préserver un droit de naître, qui ne doit pas faire l’objet de logiques rentables. Je le sais bien, il existe des problèmes de personnel. Toutefois, il ne faut pas toucher au maillage actuel, qui est fondamental pour le département du Cher. C’est simplement une question d’égalité dans l’accès aux soins et à la santé.
effet de ciseaux pour les associations d’aide alimentaire
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 914, adressée à Mme la ministre des solidarités et des familles.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, je reprends une question écrite posée au début du mois de juin pour attirer l’attention du Gouvernement sur la situation dramatique des associations d’aide alimentaire.
Depuis lors, des mesures ont été prises, comme l’aide de 156 millions d’euros attribuée en septembre à ces associations et la rallonge exceptionnelle prévue dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
Néanmoins, en Gironde, le Secours populaire français a vu bondir de 10 % le nombre de personnes reçues au second semestre 2022 et de nouveau de 10 % au cours de l’année 2023. Les besoins augmentent dans chaque antenne du département et l’aide alimentaire reçue par les personnes bénéficiaires leur est indispensable. Par ailleurs, les publics concernés sont de plus en plus nombreux.
En France, les Restos du Cœur ont distribué 47 % de repas en plus. Par ailleurs, les personnes accueillies ont augmenté de 15 % à 20 %.
Dans le même temps, les associations ont constaté une baisse de 25 % en 2023 des dotations européennes de soutien à l’aide alimentaire. Ces dernières ont certes été revues à la hausse pour 2024, mais cela ne suffit pas à compenser l’inflation et la hausse du nombre de demandeurs.
En effet, en 2023, les produits alimentaires ont vu leur prix bondir de 15 %. Les aides reçues par ces associations ne sont toujours pas au niveau des besoins et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires.
Une telle conjoncture entraîne des conséquences dramatiques sur la situation budgétaire de ces associations. Les 1 500 bénévoles des antennes girondines du Secours populaire français se sentent démunis face au manque de moyens accordés et s’inquiètent de ne pas pouvoir répondre aux besoins de nouveaux arrivants dans les comités locaux.
Madame la ministre, je demande au Gouvernement d’agir pour que les dispositifs européens et nationaux d’aide alimentaire soient renforcés à la hauteur de la situation actuelle, marquée par l’inflation et l’augmentation du nombre de bénéficiaires.
Un renforcement significatif, hors appels à projets, garantirait aux associations les moyens financiers nécessaires pour leur mission d’aide alimentaire. Les associations seraient en mesure de faire mieux face à une situation d’urgence. Elles demandent également à bénéficier d’aides spécifiques.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, vous interrogez Mme la ministre des solidarités et des familles sur le soutien apporté aux associations d’aide alimentaire.
Afin de lutter contre la précarité, le Gouvernement a mis en place le pacte des solidarités, qui vise à garantir l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous, en particulier pour les personnes en situation de vulnérabilité. Ce programme se distingue par un engagement financier sans précédent et par la mise en œuvre de mesures concrètes pour soutenir les associations d’aide alimentaire et les familles en difficulté.
Pour l’année en cours, le Gouvernement a alloué un budget exceptionnel de 156 millions d’euros à l’aide alimentaire nationale, soit plus du double par rapport à l’année 2021. Cette enveloppe budgétaire sert à soutenir les grandes associations telles que les Restos du Cœur, les banques alimentaires, le Secours populaire français et la Croix-Rouge, dans le cadre du programme « Mieux manger pour tous ! ». J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail mené au quotidien par ces associations.
En outre, 66 millions d’euros sont dédiés aux associations locales, ce qui souligne l’importance de l’aide de proximité.
Le programme « Mieux manger pour tous ! » a été conçu pour être étendu et renforcé au cours du quinquennat, avec une projection de 100 millions d’euros par an d’ici à 2027. Une telle initiative montre la volonté du Gouvernement de s’engager sur le long terme pour lutter contre la précarité alimentaire.
Il a également sollicité la participation des grandes entreprises pour des dons en nature, doublant ainsi l’aide apportée. Permettez-moi de vous donner un exemple concret : grâce à cet appel, les Restos du Cœur pourront recevoir une aide équivalente à plus de 2,5 millions d’euros.
En août, le Gouvernement a réussi à obtenir des fonds européens supplémentaires pour l’aide alimentaire, à hauteur de 80 millions d’euros pour la période 2024-2027.
Pour conclure, le pacte des solidarités reflète la détermination du Gouvernement à soutenir les associations d’aide alimentaire et à garantir une assistance aux populations vulnérables, particulièrement au cours de la crise que nous connaissons, marquée par l’inflation.
expérimentation des antennes d’officines pharmaceutiques
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 978, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la ministre, sur l’initiative de la commission spéciale du Sénat, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, votée en 2020, a prévu la création d’antennes d’officines pour assurer l’accès aux produits de santé dans les communes à très faible population.
Force est de constater que le lancement de ce dispositif n’est toujours pas effectif, car le décret relatif aux territoires fragiles en matière d’offre pharmaceutique, attendu depuis de nombreux mois, n’a toujours pas été publié.
Il est regrettable que, trois ans après sa promulgation, ce dispositif n’ait trouvé aucune application effective. Les services du ministère de la santé ont récemment confirmé que seul un projet d’antenne de pharmacie avait été autorisé – c’était en octobre 2023 dans les Alpes-Maritimes –, mais face à plusieurs obstacles juridiques et à des difficultés de recrutement, il n’a pas été possible d’ouvrir l’antenne prévue.
Je souscris pleinement à l’objectif visé par cette expérimentation, qui permet de maintenir une offre pharmaceutique dans des communes très faiblement peuplées qui en seraient, sinon, dépourvues. Par ailleurs, j’ai pleinement conscience des enjeux attachés à la réorganisation du réseau officinal et au maintien de l’offre pharmaceutique dans nos territoires ruraux.
L’article 2 decies de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, qui a été définitivement adoptée hier par le Sénat, permettra-t-il enfin de lever les principaux obstacles identifiés ?
Le Gouvernement prévoit-il d’étendre le champ des dérogations et de clarifier le statut juridique des antennes et leur lien avec l’officine de rattachement ?
Outre la possibilité pour le pharmacien de dispenser des médicaments au sein de l’antenne, lui permettrez-vous d’y exercer les autres missions essentielles réalisées par les pharmaciens d’officine : éducation thérapeutique et accompagnement de patients, conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé, prescription et administration de certains vaccins ?
Enfin, la facturation dans les antennes sera-t-elle autorisée pour les pharmaciens adjoints ne disposant pas d’une carte professionnelle de santé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Lozach, la France compte en moyenne, pour 100 000 habitants, trente officines, dont plus d’un tiers sont installées dans des communes de moins de 5 000 habitants. Les règles relatives au maillage des officines ont donc permis d’assurer une bonne couverture pharmaceutique sur le territoire.
L’expérimentation relative aux antennes de pharmacie vise à permettre une adaptation locale pour répondre aux besoins de la population dans certaines zones moins desservies.
Dans le cas où la seule officine du village cesse son activité sans avoir trouvé de repreneur – en Côte-d’Or, où je vis, ce cas existe malheureusement –, l’agence régionale de santé (ARS) pourra autoriser une antenne de pharmacie qui sera rattachée à une pharmacie à proximité.
Toutefois, en raison de difficultés juridiques et techniques, l’expérimentation n’avait pas pu être mise en œuvre. C’est pourquoi elle a été réintroduite dans le cadre de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, que vous avez adoptée. Une mesure prévoit ainsi d’étendre le champ des dérogations permettant de mettre en œuvre les antennes et précise leur statut juridique.
Les antennes pourront ainsi proposer l’intégralité des missions qui sont habituellement réalisées dans les officines, facturation incluse. Les conditions seront donc très prochainement réunies pour lancer concrètement cette expérimentation dans les régions concernées.
Je le précise, l’expérimentation des antennes est à distinguer du décret sur l’identification des territoires fragiles. En effet, l’ordonnance du 3 janvier 2018 prévoit qu’un décret détermine les conditions dans lesquelles sont définis les territoires pour lesquels l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante. Les transferts et les regroupements de pharmacie y seront donc facilités. Au début de l’année 2024, une nouvelle version de ce décret sera présentée. Les ARS seront chargées de fixer par arrêté la liste des territoires concernés au sein de leurs régions.
situation difficile des infirmières libérales en milieu rural dans les vallées de la roya et de la bévéra dans le département des alpes-maritimes
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 988, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation des infirmières libérales dans les vallées de la Roya, de la Bévéra et de la Tinée-Vésubie de mon département des Alpes-Maritimes. Elles sont confrontées à un nœud de difficultés, symptôme du malaise des infirmières en milieu rural sur l’ensemble du territoire national.
Depuis le 1er septembre 2023, les infirmières de ces vallées ont cessé d’assurer les prises de sang de leurs patients. En effet, elles percevaient jusque-là 3 euros par prise de sang par le biais d’accords financiers avec des laboratoires d’analyse. Or l’État et la sécurité sociale ont mis un coup d’arrêt au système en place.
Leurs conditions de travail en milieu rural sont pourtant difficiles, eu égard au nombre de kilomètres effectués et à la hausse du prix du carburant.
Les habitants sont dorénavant contraints de se rendre dans des laboratoires plus proches du littoral et les patients qui sont dans l’incapacité de se déplacer subissent des retards.
À cela s’ajoute le nombre considérable de kilomètres parcourus en voiture par les infirmières pour les visites. Or le montant des indemnités kilométriques est profondément inégalitaire en montagne, si on le compare à celui d’autres professions, notamment les médecins.
Enfin, il faut considérer la non-prise en compte des indemnités kilométriques entre hameaux séparés à l’intérieur d’une même commune.
Aussi, madame la ministre, je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour répondre à cette situation intenable.
En particulier, quand allez-vous enfin revaloriser les indemnités kilométriques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Tabarot, vous l’avez dit, les infirmières et les infirmiers jouent un rôle essentiel dans notre système de soins, notamment auprès des populations les plus fragiles et en matière de prise en charge à domicile. Aussi, les indemnités relatives à leurs déplacements représentent en effet un enjeu majeur.
C’est pourquoi le ministère de la santé et de la prévention, en lien avec l’assurance maladie, a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d’adapter leurs modalités de facturation aux spécificités locales, et notamment aux différences d’accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d’accord national du 6 mai 2021, qui prévoit la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques.
Par ailleurs, les négociations engagées en mai dernier entre l’assurance maladie et les infirmiers ont abouti, le 16 juin 2023, à la signature d’un accord qui renforce la prise en charge des patients à domicile, donc le rôle des infirmiers.
Ce texte acte des évolutions importantes : augmentation de 10 % de l’indemnité forfaitaire de déplacement et généralisation, à partir d’octobre 2023 - c’est tout récent -, du déploiement du bilan de soins infirmiers pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l’infirmier à domicile. Il s’agit là de la dernière étape du déploiement de ce bilan, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile.
Concernant plus particulièrement les accords financiers entre les infirmiers libéraux et les laboratoires d’analyse, l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur (ARS Paca) et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes ont engagé un travail qui les a conduits, entre autres, à étudier la possibilité d’une adaptation des horaires de ramassage par coursier des échantillons ou encore d’une subvention institutionnelle pour prise en compte de la pénibilité et des contraintes spécifiques aux zones de montagne.
Le ministre ne manquera pas de vous informer des suites qui seront données à ce travail.
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, je vous entends, mais ce n’est pas suffisant. Ces problèmes et ces différences sans fondement alimentent la précarité des infirmiers libéraux, dont l’activité est pourtant essentielle au bon fonctionnement de notre système de soins, et portent un coup à des patients qui souffrent déjà très fortement.
transport d’urgence et zone géographique
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, auteure de la question n° 929, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Marianne Margaté. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le problème du transport d’urgence dans le secteur du nord-ouest seine-et-marnais, frontalier de trois départements.
Les communes de Mauregard, Compans, Marchémoret, Villeneuve-sous-Dammartin, Othis, Le Mesnil-Amelot, Dammartin-en-Goële, Villeparisis, Mitry-Mory, dont la population s’élève au total de plus de 60 000 habitants, se trouvent à proximité de l’hôpital Robert-Ballanger, en Seine-Saint-Denis, de celui de Senlis, dans l’Oise, et de celui de Gonesse, dans le Val-d’Oise.
Pourtant, les pompiers doivent acheminer les victimes vers les hôpitaux selon une sectorisation totalement inadaptée.
J’en veux pour exemple le cas de Mitry-Mory, dont la maire et les habitants sont fortement mobilisés à propos de cet enjeu depuis des années.
En cas d’intervention, les pompiers y sont contraints de faire appel au service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) de Meaux et de transporter la victime à l’hôpital de Jossigny, à plus de 30 kilomètres, alors que l’hôpital Robert-Ballanger, situé à Villepinte, en Seine-Saint-Denis, est à 10 kilomètres. Cela a des incidences lourdes.
Tout d’abord, les délais d’intervention du Smur de Meaux étant bien trop longs, la prise en charge de la victime se fait avec retard, ce qui accroît les risques que le pronostic vital soit engagé.
Ensuite, le choix de la victime n’est pas pris en considération ; son dossier médical est à l’hôpital Robert-Ballanger, lequel est par ailleurs desservi par les transports en commun, au contraire de celui de Jossigny.
Enfin, on déplore une incidence opérationnelle concrète sur la disponibilité des véhicules de secours mobilisés pour le transport de victimes sur les axes routiers les plus encombrés de Seine-et-Marne ; ainsi le centre de secours se trouve-t-il privé de ressources humaines et matérielles nécessaires à des interventions urgentes.
C’est pourquoi nombre d’élus, mais aussi des représentants des hôpitaux, de la délégation départementale de Seine-et-Marne de l’agence régionale de santé d’Île-de-France (ARS 77) et du service départemental d’incendie et de secours de Seine-et-Marne (Sdis 77), analysent avec une grande attention la demande qui s’exprime actuellement afin que les services de secours puissent acheminer les patients vers l’hôpital le plus proche, comme c’est d’ailleurs le cas à Paris. La seule préoccupation qui doit nous guider est de sauver des vies, et non de respecter des frontières qui résultent de l’absence de prise en compte des réalités territoriales et s’inscrivent dans le contexte d’une politique de regroupement d’hôpitaux éloignant toujours plus l’offre de soins des habitants.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il contribuer à ce que l’on avance dans cette direction ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Margaté, comme vous le soulignez, les patients de la commune de Mitry-Mory sont plus proches des établissements de la Seine-Saint-Denis que de Jossigny, en Seine-et-Marne. Mais les services d’accueil des urgences des hôpitaux publics et privés de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fermés aux patients du territoire Roissy Pays de France.
À titre d’exemple, 10 % de la patientèle du service d’accueil des urgences du centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger provient de communes de Seine-et-Marne. Les Seine-et-Marnais ont ainsi représenté plus de 7 200 passages aux urgences de Robert-Ballanger en 2022. De même, les patients de Seine-et-Marne représentent 34 % des passages – 13 600 passages en 2022 – aux urgences de l’hôpital du Vert-Galant, situé à Tremblay-en-France.
Quant aux urgences du groupe hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy-Montfermeil, elles font actuellement l’objet, vous le savez, de travaux de rénovation et d’agrandissement. Ces travaux sont réalisés en site occupé, ce qui a pour conséquence de réduire considérablement la superficie de ce service, dont les espaces étaient déjà très exigus. La limitation de l’accueil des transports sanitaires y est temporaire et sera revue à la fin des travaux.
Plus généralement, une réforme majeure a été engagée en 2022 en matière d’organisation de la garde et des transports sanitaires urgents afin d’améliorer la réponse des entreprises de transport sanitaire privé lorsqu’elles interviennent à la demande du service d’aide médicale urgente (Samu).
Cette réforme est déclinée dans chaque département, depuis l’été 2022, par un programme de travail.
L’organisation de la garde a évolué : d’un véhicule disponible par secteur de vingt heures à huit heures, on est passé à au moins un véhicule de garde disponible par secteur vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Certains secteurs – Jossigny, Meaux et Melun – bénéficient aussi d’un second moyen de garde pendant tout ou partie de la journée, en raison de la plus forte demande en transport sanitaire d’urgence dans ces zones démographiquement très denses.
Au total, ce sont entre neuf et onze ambulances de garde qui sont désormais à la disposition du Samu 77 pour répondre aux besoins de la population.
désengagement de l’état du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée »
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 844, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Mme Amel Gacquerre. C’est aujourd’hui acté : l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » se poursuivra – presque – normalement en 2024.
Il s’agit d’une nouvelle rassurante après quelques annonces déstabilisantes pour ce dispositif qui a fait ses preuves.
Aujourd’hui, 58 territoires sont habilités et enregistrent des résultats probants, des personnes éloignées de l’emploi qui sont au chômage en moyenne depuis cinq ans étant embauchées en contrat à durée indéterminée dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire. À ce jour, plus de 60 entreprises y emploient près de 2 200 personnes.
Créé en 2016, ce dispositif bénéficiait d’un réel soutien de l’État.
Or un premier coup a été asséné à cette expérimentation avec la réduction de la participation de l’État au financement de l’emploi des salariés embauchés, qui est passée le 1er octobre 2023 de 102 % à 95 % du Smic brut.
A été parallèlement annoncé en conseil des ministres, le 27 septembre 2023, un financement de l’État de 69 millions d’euros, montant insuffisant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024. Une telle dotation aurait eu pour conséquences l’arrêt net des embauches au sein des 58 territoires habilités et la remise en question de l’entrée de nouveaux territoires dans le dispositif.
Je salue le recul du Gouvernement, qui s’est engagé sur des crédits de 80 millions d’euros en faveur du dispositif – il est à souligner néanmoins que les acteurs du champ de l’insertion estimaient le besoin à 89 millions d’euros.
Compte tenu de l’enjeu en matière d’accès à l’emploi des publics les plus fragiles, sachant par ailleurs que l’évaluation du dispositif est prévue en 2026 et qu’il est donc nécessaire de permettre à cette expérimentation de se développer dans de bonnes conditions, j’ai deux questions à poser à Mme la ministre.
Premièrement, pouvez-vous vous engager dès maintenant à rouvrir la discussion courant 2024 si le budget prévu de 80 millions d’euros s’avère insuffisant ? Cette question se pose d’autant plus que de nouveaux territoires entreront dans le dispositif.
Deuxièmement, l’évaluation du dispositif en 2026 vise à décider de sa pérennisation. Pouvez-vous, jusqu’à cette échéance, garantir une visibilité aux territoires habilités via un engagement pérenne et stable de l’État ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Gacquerre, vous interrogez le Gouvernement sur le soutien à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » ; ce soutien est constant et les moyens que nous y consacrons sont encore renforcés en 2024.
Le Gouvernement a soutenu en 2020 la prolongation de cette expérimentation pour une durée de cinq ans - à l’époque, j’avais moi-même voté en faveur de cette mesure en tant que députée - afin d’habiliter 50 nouveaux territoires en plus des 10 territoires historiques. Ajoutons au tableau les 11 millions d’euros de crédits supplémentaires, enveloppe allouée après de nombreux échanges, actés lors de l’examen du PLF à l’Assemblée nationale.
Résultat : le budget de cette expérimentation est en nette augmentation en 2024. L’État lui consacrera près de 80 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 35 millions d’euros, la plus forte hausse dans le budget du ministère du travail.
Ce montant semble suffisant pour assurer une montée en charge de l’expérimentation à la fois ambitieuse et cohérente avec le nombre d’habilitations envisagées en 2024. Il n’y a pas de diminution du soutien financier de l’État ni aucun recul en la matière : je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice.
Par ailleurs, 2 nouveaux territoires ont été habilités par arrêté, ce qui porte le total à 60 territoires. L’objectif est d’atteindre les 85 territoires habilités d’ici à la fin de l’expérimentation.
L’évaluation du dispositif est en cours, vous le savez. Le comité scientifique constitué début juin a démarré ses travaux. Attendons son rapport définitif, qui nous éclairera sur l’utilité du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » et sur la durabilité de son modèle économique.
subventions allouées au centre régional jeunesse et sports de petit-couronne
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 951, adressée à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
M. Didier Marie. Le centre régional jeunesse et sports (CRJS) de Petit-Couronne, dans le département de la Seine-Maritime, fait face à une diminution de 28 000 euros des subventions annuelles qui lui sont accordées par la délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (Drajes) pour l’année 2023 et ses responsables craignent la suppression totale desdites subventions pour l’année 2024.
Le centre régional jeunesse et sports de Petit-Couronne est une structure majeure dans le domaine du sport sur le territoire de la métropole de Rouen, puisqu’il accueille 150 sportifs chaque année dans sept disciplines olympiques.
Il est par ailleurs pleinement engagé dans la dynamique des jeux Olympiques de Paris 2024 : il a été sélectionné en tant que centre de préparation aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris dans sept disciplines sportives différentes : athlétisme olympique et paralympique, badminton olympique, basketball, basketball fauteuil, judo olympique, tennis de table olympique.
Il est en outre, depuis plusieurs années, terre d’accueil de la solidarité olympique et permet à des sportifs venus du monde entier de s’entraîner en vue de la préparation des jeux Olympiques.
Toutefois, madame la ministre, malgré la qualité du centre, consacrée par le label Grand Insep de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance et le passage de grands champions tel que Teddy Riner, l’avenir de cette structure semble de plus en plus flou pour les dix-neuf personnes qui y travaillent.
L’Agence nationale du sport a annoncé une diminution, voire une suppression, des subventions allouées au CRJS de Petit-Couronne ; la concrétisation de cette annonce aura pour conséquence la dégradation des services du centre et la perte de son attractivité, ce qui affectera les fédérations sportives du département.
Ces décisions vont à rebours de la volonté affichée par le Gouvernement de faire du sport la grande cause nationale de 2024, année des jeux Olympiques en France. La mobilisation en faveur d’une telle cause devrait au contraire nous encourager à soutenir partout le sport pour toutes et pour tous.
Dans ce contexte, madame la ministre, pouvez-vous me rassurer, et rassurer les sportifs professionnels et amateurs qui fréquentent le CRJS de Petit-Couronne, quant au maintien pour l’année 2024 d’un niveau de subvention qui soit à la hauteur des besoins de la structure ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Marie, malgré la restructuration du centre de ressources, d’expertise et de performance sportives (Creps) d’Houlgate, en 2008, l’État a poursuivi son soutien au développement de la haute performance en Normandie, via notamment la mise à disposition de cadres d’État - trois postes de direction sur les sites de Petit-Couronne, Le Havre et Caen - et une subvention annuelle moyenne de 70 000 euros.
La nouvelle organisation territoriale de l’État, qui s’est traduite en 2020 par la création des Drajes et par un transfert des missions, a conduit à engager en 2022 la procédure d’installation en Normandie d’une mission régionale de la performance hébergée par le groupement d’intérêt public (GIP) Centre sportif de Normandie.
Afin d’asseoir sa montée en compétences, le ministère chargé des sports a financé trois postes : un poste de responsable régional de la haute performance et deux postes de conseiller haut niveau et haute performance, pour un montant total de 230 000 euros.
L’Agence nationale du sport octroie par ailleurs une subvention de 14 000 euros pour compléter le financement du poste de responsable régional de la haute performance. Elle participera également au financement des actions et des projets territoriaux de la maison régionale de la performance à destination des sportifs de haut niveau et de l’écosystème territorial : 150 000 euros, ce n’est pas rien.
Au total, ce sont donc près de 400 000 euros qui sont garantis annuellement au bénéfice du sport de haut niveau en Normandie.
L’Agence nationale du sport propose enfin un accompagnement des structures du territoire, notamment sur le volet des équipements ou sur celui de l’emploi. À cela s’ajoutent les moyens déjà alloués aux fédérations sportives au titre des programmes d’accession au sport de haut niveau via les projets sportifs fédéraux, soit plus de 700 000 euros versés au territoire normand en 2022.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, l’État est pleinement mobilisé sur le sujet.
situation de la maternité de guingamp
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 963, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Annie Le Houerou. Ma question concerne la situation préoccupante de la maternité de Guingamp, confrontée à une menace persistante de fermeture qui nuit à son attractivité. Ce sont 500 naissances annuelles qui sont ainsi fragilisées.
Depuis le mois d’avril 2023 et jusqu’au mois d’avril 2024, les accouchements sont suspendus.
Malgré les engagements du Président de la République et des ministres successifs en faveur du maintien à Guingamp d’un centre hospitalier de plein exercice, aucune perspective concrète n’est envisagée. Sans projet, il ne sera pas possible de rester attractif ; or la population, soutenue par les élus, n’accepte pas cette dégradation de l’offre de soins.
Cette suspension est une violence de plus faite aux femmes et aux enfants, créant un sentiment d’abandon au sein de la population la plus vulnérable de Bretagne et aggravant le renoncement aux soins, phénomène unanimement constaté.
Depuis la suspension de l’activité de la maternité, plusieurs femmes ont accouché en route. À la mi-novembre, faute de pouvoir rallier à temps la maternité référente, Nathalie, d’Yvias, a accouché d’une petite Margot entre une pizzeria et un garage.
Alors que la prise en charge des femmes se détériore, que la perspective d’accoucher est une angoisse pour ces femmes que j’ai rencontrées - elles refusent d’aller attendre l’arrivée de bébé à l’hôtel -, les discussions avec l’agence régionale de santé tournent au dialogue de sourds.
Elles sont sur le point de rompre ; il est donc urgent de trouver une issue à cette impasse en instaurant un dialogue entre les représentants locaux, les autorités sanitaires, les professionnels de santé, les élus et les représentants des usagers et en travaillant ensemble à une solution viable.
Dans ce contexte, madame la ministre, je souhaite savoir ce qu’envisage de faire le Gouvernement pour lever l’incertitude persistante autour du maintien de la maternité de Guingamp.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Le Houerou, la situation de la maternité de Guingamp est bien connue du ministère de la santé et de la prévention, qui, en lien avec les professionnels, les élus du territoire et l’agence régionale de santé, en assure le suivi régulier.
En effet, les accouchements ont été suspendus dans cette maternité à compter du 26 avril 2023, du fait de risques liés à un manque de professionnels de santé - car qui dit « risques » dit « danger pour la mère ».
Oui, certaines maternités font face, comme le reste du système de santé, à des tensions qui touchent notamment aux ressources humaines. Sont concernées plusieurs professions indispensables au fonctionnement d’une maternité : gynécologues, obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, sages-femmes. Ces tensions sont pour partie liées aux problèmes d’attractivité qui affectent ces professions et à la charge que représente la permanence des soins.
L’engagement du Gouvernement en la matière est constant et nous continuons d’apporter des réponses adaptées. Garantir partout sur le territoire la santé maternelle, néonatale et infantile est une des priorités du ministère de la santé et de la prévention, dont l’action consiste toujours, dans ce domaine, à trouver un équilibre entre proximité et sécurité.
Pour ce qui est de Guingamp, la suspension des accouchements, initialement prévue pour durer deux mois, a été en effet reconduite plusieurs fois. Pourquoi ? Pour des raisons de sécurité. Malgré l’engagement de l’ARS, qui est pleinement mobilisée et fait tout pour aider la maternité à retrouver les équipes professionnelles nécessaires à son fonctionnement, les difficultés persistent, je le reconnais.
Je sais que le cabinet du ministre, Aurélien Rousseau, a organisé pas plus tard qu’hier, madame la sénatrice, un temps d’échange auquel vous et de nombreux autres élus avez participé, toujours dans l’optique de trouver des solutions adaptées.
Mme Annie Le Houerou. C’est faux !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. C’est bien sûr dans cette voie qu’il faut poursuivre pour se redonner des perspectives partagées. (Mme Annie Le Houerou hoche la tête en signe de dénégation.)
Vous me répondez « non », madame la sénatrice ; voici en tout cas les échos et les informations que j’ai eus : une réunion s’est tenue hier sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.
Mme Annie Le Houerou. Si une réunion s’est tenue, elle s’est tenue sans les élus et sans les représentants des professionnels de santé et des usagers.
Il y a bel et bien un problème d’attractivité !
Nous demandons un engagement clair sur la reconstruction - promise - d’un hôpital de plein exercice.
Nous demandons un projet médico-soignant qui réponde aux besoins de santé du territoire.
Nous demandons une bonification des rémunérations des soignants, car nous sommes en déficit.
Des solutions existent : des postes d’internes doivent être ouverts aux futurs médecins, fussent-ils étudiants à l’étranger, afin qu’ils soient affectés en France dans les établissements en tension, comme à Guingamp, pour y soutenir les médecins seniors et maîtres de stage. Des médecins français étudiant à l’étranger demandent à faire leur internat ici : des solutions existent donc, j’y insiste !
Mme Annie Le Houerou. Une autre piste pourrait consister à former une équipe d’accompagnement des femmes, de la conception jusqu’aux premiers mois de l’enfant, en lien avec les sages-femmes libérales.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Annie Le Houerou. Une demande s’exprime en faveur de l’organisation d’une table ronde impliquant l’ensemble des parties prenantes ; je m’en fais ici le relais.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Loi de finances pour 2024
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 219, rapport n° 220).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2024 que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture s’inscrit dans la droite ligne des objectifs que nous avons fixés dans la loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027.
Nous sommes sur une ligne de crête. (Mme Christine Lavarde s’en amuse.) Nous devons continuer de financer les nécessaires investissements dans la transition écologique, nous devons poursuivre notre politique de l’offre favorable à l’emploi et à la croissance, nous devons continuer d’investir dans les services publics prioritaires que sont l’éducation, la justice et l’armée.
Nous devons atteindre ces objectifs sans dégrader notre trajectoire, en maîtrisant nos finances publiques et en poursuivant une politique de justice fiscale et de lutte contre la fraude.
En première lecture, ici, au Sénat, ces grandes orientations ont été confortées. En effet, malgré des points de désaccord sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, vous avez voté pour un budget qui confirme le chemin que nous souhaitons emprunter.
Sur la maîtrise de la dépense publique, d’abord, la trajectoire que nous nous sommes fixée établit un déficit public à 4,4 % pour 2024. C’est une nouvelle étape importante qui doit nous permettre de repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027. Nous avons ici un point d’accord : la maîtrise des finances publiques est une priorité.
Nous réaliserons cet objectif, car nous ferons des économies. Les dépenses de l’État baisseront en 2024 : 14 milliards d’euros seront économisés grâce à la sortie des dispositifs de crise.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce ne sont pas des économies, c’est de l’affichage !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Par ailleurs, 350 millions d’euros seront économisés sur la politique de l’emploi grâce à la réduction du chômage et 500 millions d’euros en améliorant l’efficience de la politique de formation professionnelle et de l’apprentissage.
Ces économies sont ciblées. Nous ne souhaitons pas faire de grands coups de rabot dans la dépense publique,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Allez !…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … qui auraient un effet contre-productif sur la croissance, l’emploi et qui pourrait finalement amoindrir nos recettes.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Baratin !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sera pour l’an prochain !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Hélas !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est notre ligne directrice depuis 2017. Cette politique fonctionne et nous permet d’atteindre les résultats économiques que nous avons aujourd’hui. Nous ne changerons pas de cap, car il produit des résultats. La réforme reste et restera le moteur de notre politique de maîtrise des finances publiques.
Nous nous sommes également accordés sur le financement de la transition écologique. Dans ce projet de loi de finances, 10 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés à la rénovation des logements et des bâtiments publics, à l’énergie décarbonée, au verdissement du parc automobile.
Vous avez également soutenu le principe des budgets verts pour les collectivités territoriales et les opérateurs, et inscrit la possibilité de calculer la part de dette dédiée à l’investissement dans la transition écologique. Je suis convaincu que nous ne parviendrons à respecter notre trajectoire en matière de réduction des émissions que si nous nous dotons de boussoles communes. Il s’agit d’une avancée majeure.
Vous avez été favorables à des choix politiques ambitieux pour accompagner la transition écologique : la sortie progressive du gazole non routier (GNR), la taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de transport les plus polluantes, le malus sur les véhicules polluants, l’accompagnement du nouveau modèle agricole.
En ce qui concerne la poursuite de notre politique de l’offre, vous avez aussi souhaité garder nos grandes orientations en faveur de l’emploi, de la production et de la croissance. En 2024, nous poursuivrons donc la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous créerons aussi un nouveau crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte.
Nous nous sommes également retrouvés sur le soutien dans nos services publics : l’augmentation du budget de l’éducation nationale, pour le porter à un niveau historique ; l’augmentation du budget de nos armées pour qu’elles puissent faire face aux défis stratégiques que nous connaissons ; l’augmentation du budget de la justice pour renforcer l’accès au droit et augmenter le nombre de places en prison.
Vous avez aussi souhaité valider les grandes orientations de justice fiscale comme le « pilier II », qui permettra une imposition minimale des sociétés à 15 % dès le 1er janvier 2024.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Et la Fifa, c’est de la justice fiscale ? Allô ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cette mesure, prise à l’échelle de l’OCDE, représente une avancée majeure dans la lutte contre le dumping fiscal.
La France a été leader dans cette initiative. Nous pouvons collectivement nous réjouir de cette mesure.
Vous avez aussi voté l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, qui est une mesure forte de soutien au pouvoir d’achat des ménages. Cette mesure représente un manque à gagner de 6 milliards d’euros pour l’État et bénéficiera directement à 18 millions de foyers dans notre pays.
La justice fiscale passe également par la lutte contre la fraude.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est un enjeu de cohésion sociale. Sur le sujet, vous avez adopté les très nombreuses mesures présentes dans ce texte visant à lutter contre toutes les fraudes.
Par le renforcement des moyens d’abord : ce sont 250 agents supplémentaires qui seront dédiés à la lutte contre la fraude à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Nous renforçons aussi les techniques d’enquête sur internet avec, notamment, la permission d’accéder aux contenus publics et d’enquêter sous pseudonyme. Nous renforçons la lutte contre les nouveaux types de fraudes en ligne.
Nous renforçons aussi les sanctions contre les fraudeurs avec une sanction administrative balai pour la fraude aux aides publiques et une nouvelle sanction d’indignité fiscale.
Ces grandes orientations ont donc fait l’objet d’accords avec vous, mais vous avez aussi fait de très nombreuses propositions, que nous avons débattues longuement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui, mais pour quel résultat ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le président de la commission des finances, le rapporteur général, les 49 rapporteurs spéciaux, les 76 rapporteurs pour avis et plus globalement l’ensemble des sénateurs ont proposé, en première lecture, 3 760 amendements que nous avons examinés pendant 150 heures de débats. Vous avez adopté au total 663 amendements.
Mme Frédérique Puissat. Pour rien !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ces amendements traduisent parfois des désaccords entre le Sénat et le Gouvernement. Ils traduisent aussi une volonté que le Sénat a eue d’enrichir le texte proposé par le Gouvernement.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous avons écouté et retenu les amendements qui représentaient des points d’accord importants. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus s’en amuse.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Que dalle ! Halte à la provocation !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est riche des débats qui ont eu lieu au Sénat.
Le Sénat a validé les grandes orientations du texte sur le financement de la transition écologique, la poursuite de la politique de l’offre, l’investissement dans les services publics prioritaires comme l’éducation nationale. Le Sénat a adopté 663 amendements. Le texte voté par le 49.3 en reprend plus de 120.
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas beaucoup !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est un record historique !
Nous avons retenu des amendements transpartisans défendus par la plupart des groupes, comme le prolongement de la garantie sur l’évolution de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux (DPEL) des communes nouvelles, mesure que je sais très chère à Françoise Gatel, ou le gel de la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en outre-mer en 2024.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est pour qui, tout ça ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je citerai également parmi les amendements transpartisans l’augmentation de l’objectif d’incorporation d’énergies renouvelables dans les gazoles pour le calcul de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert).
Nous avons également retenu des amendements de la majorité sénatoriale et du rapporteur général, comme le principe d’une taxe sur les plateformes de streaming,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. On en reparlera !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous appelez ça du dialogue ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je pense aussi à l’aménagement des conditions d’éligibilité des fonds de capital investissement au dispositif d’apport-cession, dispositif défendu par Christine Lavarde, ou à l’aide aux départements du Nord et du Pas-de-Calais,
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non, vous ne l’avez pas maintenu dans le texte !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons aussi retenu des amendements du groupe Socialiste, Écologiste et Républicains, comme l’ajustement soutenu par Thierry Cozic des règles de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) en cas de fusion d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou la suppression du critère de potentiel financier dans le DPEL pour le soutien aux élus locaux, mesure défendue notamment par Éric Kerrouche.
Du groupe Union Centriste, nous avons retenu le dégrèvement en faveur des logements ayant fait l’objet de travaux de réhabilitation « seconde vie », la mise en place d’un fonds de compensation perte de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), défendue par le sénateur Bonneau, la bonification de 20 % de la fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale (DSR) des communes classées France Ruralités Revitalisation (FRR) du sénateur Delcros.
Pour le groupe RDPI, nous avons retenu l’exonération des aides versées aux entreprises touchées par la crise de l’eau à Mayotte, et le soutien au Département de Mayotte et au syndicat de gestion de l’eau, défendus par le sénateur Soilihi.
Pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, nous avons retenu la suppression de la redevance d’eau dans le calcul du coefficient d’intégration fiscale des communautés de communes, proposition défendue par la présidente Cukierman.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À chacun une sucette !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, nous avons retenu le doublement du montant des amendes prononcées par l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), mesure proposée par la sénatrice Senée.
Pour le groupe Les Indépendants, nous avons retenu le renforcement de l’assouplissement des règles de lien des taux d’impôts locaux du sénateur Capus.
Je pourrais continuer (Vives exclamations.)…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Continuez, et vous allez vite être à sec !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne sais pas qui abuse ici !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … sur les dons de sommes d’argent en nue-propriété et sur la TVA pour les locations de biens meublés du groupe RDPI et du sénateur Rambaud.
Je citerai aussi les 2 millions d’euros au bénéfice des épiceries solidaires portés par le président Mouiller, la sénatrice Micouleau, la sénatrice Canalès et le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y aura bientôt plus assez de sénateurs !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je citerai également les 1 million d’euros pour la lutte contre les scolytes qui menacent nos forêts, demande de la sénatrice Loisier.
Parce que nous connaissons votre expertise sur le sujet des collectivités, nous avons aussi avancé sur les sujets suivants : l’ajustement des règles de la Tascom en cas de fusion d’EPCI ; la neutralisation à 100 % de la réforme de l’effort fiscal en 2024, demande des sénateurs Sautarel et Cukierman ; la création de 15 équivalents temps plein (ETP) pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) afin de soutenir les collectivités dans leurs projets d’investissement, notamment dans la transition écologique, demande du sénateur Capo-Canellas.
Ces avancées proviennent des travaux de tous les groupes du Sénat. Nous les avons étudiées avec sérieux et avons adopté celles qui contribuaient à la réussite des objectifs que nous avons fixés. Nous avons dialogué, écouté.
Malgré cela, force est de constater que nous avons eu des points de désaccord qui ont animé nos débats en première lecture. (Ah ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oh, si peu…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. D’abord, et ce n’est pas un petit différend, nous ne sommes pas d’accord avec la suppression de plusieurs missions dans la seconde partie du texte – « Cohésion des territoires », « Plan de relance », « Immigration, asile et intégration », « Administration générale et territoriale de l’État » – et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Le déficit ramené à 3 % à l’issue de la première lecture au Sénat était un trompe-l’œil.
Vous avez considéré comme insuffisants les efforts de ce gouvernement en faveur des collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Sur les recettes comme sur les dépenses, nous avons des désaccords.
Vous avez souhaité augmenter les recettes allouées aux collectivités de 3 milliards d’euros supplémentaires en première partie et de 200 millions d’euros lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette augmentation s’ajoute aux 1,15 milliard d’euros prévu dans le texte du Gouvernement.
Nous devons cibler le soutien aux collectivités. Il faut soutenir celles qui sont en difficulté et permettre à celles qui se portent bien de contribuer, à la hauteur de leurs moyens, à nos efforts de maîtrise de la dépense publique et aux besoins d’investissement.
M. Olivier Paccaud. Celles qui font des efforts !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Sur le bouclier énergétique, nous avons également souhaité modifier le texte du Sénat. Si la sortie des dispositifs exceptionnels sur l’électricité est légitime, un retour à la situation d’avant-crise, du jour au lendemain, serait trop brutal. Nous avons opté pour une sortie progressive des boucliers, je m’en suis expliqué.
Le dispositif que vous avez proposé a permis d’enrichir le texte pour aboutir à la version de compromis que nous vous proposons aujourd’hui. L’augmentation que nous prévoyons, plafonnée à 10 %, est déjà un effort important demandé aux Français.
Je souhaite que le texte qui vous est finalement présenté en nouvelle lecture, enrichi par le travail du Sénat, puisse vous convaincre que nous avons su écouter, dialoguer…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ça n’a pas vraiment été le cas !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … et enrichir le texte. Cette méthode est et restera la mienne.
M. Laurent Burgoa. Et la Fifa, monsieur le ministre ?
Mme Christine Lavarde. Oui, et la Fifa ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2024, après l’usage, une nouvelle fois, de la procédure de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale.
Comme vous le savez, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi dernier, n’a pas abouti. Au-delà de nos divergences sur de nombreux articles du projet de loi, c’est bien d’après moi notre opposition sur le fait d’engager - ce que vous ne voulez pas en l’espèce - le redressement des finances de notre pays qui a rendu impossible tout accord avec l’Assemblée nationale.
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Malheureusement, à l’issue de ce nouvel usage du 49.3, pour la vingt-deuxième fois, le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale ne fait qu’aggraver la situation.
Les dépenses nettes du budget général sont en hausse de 700 millions d’euros par rapport au texte initial de septembre.
M. André Reichardt. Ce n’est pas bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, où sont les économies supplémentaires annoncées par le Gouvernement ?
Au total, le déficit est de 146,9 milliards d’euros, aggravé de 2,4 milliards d’euros supplémentaires par rapport au texte initial.
Pas un centime des 7 milliards d’euros d’économies votées par notre assemblée, monsieur le ministre, n’a été repris par le Gouvernement !
La baisse d’impôt sur les tarifs de l’électricité reste non ciblée, elle bénéficiera donc prioritairement à ceux qui en ont le moins besoin.
Les aides à l’apprentissage sont conservées, y compris les aides exceptionnelles pour les grandes entreprises embauchant des apprentis hautement diplômés. Aucun effort n’est prévu pour l’audiovisuel public alors que vous-même, monsieur le ministre, annonciez dans La Tribune que ce secteur devrait faire des efforts. Vous réintégrez même toutes les surbudgétisations supprimées par le Sénat.
C’est donc ce même gouvernement qui demande à l’envi au Parlement de faire des économies, à défaut de savoir les proposer lui-même, qui ne les reprend pas quand le Parlement les vote !
C’est un jeu de dupes, monsieur le ministre, qui décrédibilise le monde politique en général et donc la démocratie, en plus de nuire gravement aux finances publiques de notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Vous n’avez finalement repris du Sénat que les quelques dispositifs que vous aviez vous-même transmis aux sénateurs pour les faire adopter avec avis favorable (M. le ministre délégué le conteste.), et qui ne reflètent aucunement les 150 heures de débats sérieux, constructifs et responsables que nous avons eues au sein de notre assemblée. À ce propos, qu’il me soit permis de remercier l’ensemble de mes collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Thomas Dossus applaudissent également.)
M. Michel Canévet. C’est vrai !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous nous dites, monsieur le ministre, que la « taxe streaming », qui figure dans le texte, est un apport du Sénat. Mais alors, pourquoi ne pas avoir repris le dispositif défendu dans les amendements identiques, qui rassemblaient largement le Sénat ?
Mme Frédérique Puissat. Exactement !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez poussé la provocation jusqu’à vouloir procéder à trois pages de réécriture d’un nouvel amendement, comme pour mieux appuyer sur un dispositif sur lequel vous aviez rendu un avis défavorable ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le peu qu’il reste des apports du Sénat ne relève même pas de la compétence du ministère de l’économie et des finances, mais relève de celui des collectivités territoriales. Ce sont, notamment, les aménagements au dispositif des zones France Ruralités Revitalisation, prévus à l’article 7 du projet de loi, sujet qui était piloté par la ministre Dominique Faure.
Je citerai tout de même deux autres apports importants de notre assemblée : à l’article 5 duodecies, dit niche Airbnb,…
M. Max Brisson. Ah oui !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … vous avez repris le texte du Sénat, qui résulte du vote de plusieurs amendements identiques réduisant à 30 % l’abattement fiscal pour les locaux meublés de tourisme, sous un plafond de revenus de 15 000 euros.
M. Loïc Hervé. Quelle folie !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La loi prévoira donc bien son application aux revenus perçus l’année prochaine. Rassurez-nous, monsieur le ministre : vous comptez bien appliquer la loi ?
M. Max Brisson. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À l’article 15, qui crée la taxe additionnelle sur les autoroutes et les aéroports, je me réjouis que vous conserviez l’amendement de la commission qui affecte 100 millions d’euros de son produit aux communes et aux départements. Je vous indique, d’ailleurs, officiellement que je souhaite que la commission des finances, à l’origine de cette disposition, soit associée au décret d’application prévu par la loi pour déterminer les modalités de ce reversement.
Vous l’aurez compris, pour moi, les quelques « accords » trouvés sont des écrans de fumée qui masquent le fait que l’exécutif choisit de s’exonérer de toute validation parlementaire.
Il s’exonère de toute validation à l’Assemblée nationale par l’usage du 49.3, je le rappelle, sans aucun débat en séance publique, ce qui est nouveau par rapport à la pratique historique du 49.3, et n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution. (M. André Reichardt renchérit.)
Il s’exonère aussi de toute validation au Sénat par l’absence de prise en compte de nos votes !
De fait, la réalité, c’est qu’aucun des principaux votes du Sénat n’est retenu ! On ne retrouve aucun des dispositifs fiscaux en faveur de la transmission de patrimoine et du logement. Le prêt à taux zéro (PTZ) n’est pas maintenu. Il n’y aura pas de ciblage des aides pour l’électricité – je l’ai évoqué –, pas de fonds d’urgence climatique pour les collectivités territoriales, pas de prise en compte des demandes du Sénat sur les dotations aux collectivités : la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) reste à 100 millions d’euros, et l’aide d’urgence aux départements ne sera pas de 100 millions d’euros.
Pas un centime de quota carbone ne sera mis au service des autorités organisatrices de la mobilité de province.
On décèle même, en examinant précisément le 49.3, une volonté du Gouvernement de ne pas être constructif. En effet, monsieur le ministre, par le 49.3, vous revenez sur des dizaines d’avis favorables que vous avez vous-même émis, à ce banc, devant nous !
M. Philippe Bas. Scandaleux !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Encore une fois, quelle est la crédibilité de la parole politique et du Gouvernement dans ces conditions ?
M. Michel Canévet. C’est une vraie question !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sont les propres engagements du Gouvernement qui sont reniés.
Je prends un exemple : la commission des finances, et le Sénat à sa suite, a appliqué la loi de programmation des finances publiques (LPFP), tout juste votée, pour borner à trois ans, soit jusqu’en 2026, les nouvelles niches fiscales. Pourtant, dans le 49.3, vous revenez sur la majorité de ces bornages, qui sont pourtant des engagements que vous avez vous-mêmes pris, à travers un autre 49.3 – sur la LPFP. C’est à n’y plus rien comprendre.
Ce non-respect des engagements pris est encore plus flagrant s’agissant de la trajectoire d’emplois du PLF, où l’objectif de stabilité de la LPFP est piétiné, autant que les amendements du Sénat qui visaient pourtant à produire un effort sur les emplois des opérateurs.
Enfin, et c’est un peu la cerise sur le gâteau, le texte du 49.3 pose d’importants problèmes constitutionnels.
En nouvelle lecture, le Gouvernement a introduit dans le texte des dispositions entières sans lien direct avec les dispositions encore en discussion, qui n’auront donc été examinées par aucune des assemblées : à l’article 5 quindecies, une réécriture globale du « dispositif Madelin » ; à l’article 16 quater A, une réforme de la taxe générale sur les activités polluantes d’une grande technicité, qui n’a rien à voir avec la TGAP en outre-mer, dont traitait l’article initialement ; à l’article 25 bis, une réforme jamais discutée de la compensation des compétences exercées par les régions en matière de formation professionnelle continue.
Par ailleurs, le Gouvernement se laisse de plus en plus de marges fiscales hors la vue du Parlement, en violation de la compétence fiscale du législateur. À l’article 11, vous vous autorisez à augmenter de 1,9 milliard d’euros les accises sur le gaz payées par les ménages français. À l’article 16 sexies, vous déplafonnez complètement les tarifs de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers.
Enfin, comme je l’ai déjà évoqué lors de l’examen des articles non rattachés, vous réintroduisez l’article 44 sur les reports de crédits, qui supprime, sans justification précise, tout plafond de report de crédits pour désormais non pas 12 programmes, comme le prévoyait le texte initial, ni 37 programmes, comme dans le texte issu du premier 49.3, mais pour 43 programmes budgétaires distincts !
Je rappelle, monsieur le ministre, que la Lolf impose, pour ces reports, un plafond par programme et une justification précise ! C’est le principe même de l’annualité budgétaire, donc le principe même de l’autorisation parlementaire, qui est piétiné ici.
Je ne saurais finir ma présentation de cette nouvelle lecture sans évoquer la caricature que constitue l’article visant les fédérations internationales olympiques (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui est un condensé de tous les défauts que je viens d’évoquer.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Tenez-vous bien, mes chers collègues : il est désormais acté que le Gouvernement réintroduit, dans le 49.3, le paradis fiscal pour la Fédération internationale de football association (Fifa). (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Du super bling-bling !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Excusez du peu : pas d’impôt sur les sociétés, pas de cotisation foncière des entreprises, pas d’impôt sur le revenu pour ses salariés… Tout cela au profit d’une organisation privée qui brasse des milliards d’euros !
M. Philippe Bas. Lamentable !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cette disposition, monsieur le ministre, n’a pas été votée à l’Assemblée nationale, ni en première ni en nouvelle lecture. Et je rappelle qu’elle a été supprimée ici, au Sénat, à l’unanimité.
Cette réintroduction par le Gouvernement n’est pas un manque de prise en compte du Parlement ; elle ne pose pas la question des éventuels apports du Sénat : c’est une véritable provocation, non seulement pour le Sénat, mais aussi pour les Français !
M. Olivier Paccaud. Quel mépris !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cette décision est particulièrement grave, tant elle manque de mesure, d’équité et de justice.
Je vous pose la question, monsieur le ministre : pourquoi cet aveuglement coupable et cet acharnement forcené ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guislain Cambier applaudit également.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En conclusion – il en faut bien une, monsieur le ministre -, vous ne serez pas étonné que la commission des finances ait proposé, ce matin, à une large majorité, d’opposer la question préalable, en nouvelle lecture, sur ce projet de loi de finances pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que dire après ce réquisitoire ?
Sans surprise, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 12 décembre dernier, n’a pu aboutir favorablement.
Comme l’a rappelé notre rapporteur général, un trop grand nombre d’articles restaient en discussion. Une nouvelle lecture n’a évidemment pas permis au Gouvernement d’avancer, et nous avons subi les conséquences d’une nouvelle mise en œuvre de l’article 49.3, qui a balayé d’un revers de main la quasi-totalité des apports du Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez, tout à l’heure, pratiqué le name dropping. Cela peut faire plaisir, mais ne règle pas du tout la question ! Avouez qu’un ratio de 120 amendements sur 3 800 n’est pas très favorable…
Pour l’année prochaine, la prévision de déficit public demeure inchangée par rapport à la version du texte adoptée à l’issue de la première lecture du budget à l’Assemblée nationale, à savoir 4,4 % du PIB. Malgré le retrait des mesures de crise, la dépense publique devrait, toutes sphères d’administration confondues, augmenter de plus de 100 milliards d’euros par rapport au niveau de 2022.
Nous aurions pourtant dû revenir à une plus juste appréciation des « ordres de grandeur ». Après le « quoi qu’il en coûte » et les montants astronomiques de concours publics déployés pour limiter l’impact des crises sanitaire et énergétique, les ajustements doivent, plus que jamais, être calibrés « au trébuchet », plutôt qu’au doigt mouillé.
Le Sénat vous a ainsi fait de nombreuses propositions d’économies, améliorant de 0,3 point le solde public, compte non tenu, évidemment, du rejet de différentes missions budgétaires – nous sommes d’accord.
À cet égard, nous sommes nombreux, au sein du groupe Union Centriste, à déplorer le rejet des crédits de cinq missions cette année.
La préservation de nos ressources publiques comme le respect du principe d’égalité devant l’impôt appellent, de notre part, une rationalisation accrue des niches fiscales. Or plus de 40 % des articles de la première partie concernent des niches !
Nous avons formulé des propositions en ce sens.
Je m’arrêterai évidemment quelques instants sur la giganiche fiscale de la Fifa, que M. le rapporteur général a évoquée.
Les sénateurs de toutes les travées de cet hémicycle se sont unis pour supprimer l’article correspondant, qui est malgré tout revenu.
M. Michel Canévet. C’est un scandale !
Mme Nathalie Goulet. Je rappelle tout de même que les recettes totales de la Fifa s’élevaient, en 2022, à 4,6 milliards de dollars !
Alors que nous venons de parler d’égalité devant l’impôt, comment allons-nous expliquer aux infirmiers, aux enseignants et aux autres salariés de ce pays qu’ils doivent payer l’impôt, quand les salariés de la Fifa en seront exonérés ?
Nous verrons comment se présente la partie non lucrative…
Très franchement, je me demande, d’ailleurs, monsieur le ministre, si cette mesure survivra au contrôle du Conseil constitutionnel, tant il est vrai que la rupture d’égalité devant l’impôt semble ici une évidence.
M. Olivier Paccaud. Nous avons affaire à des amateurs !
Mme Nathalie Goulet. D’autres mesures, adoptées elles aussi à la quasi-unanimité du Sénat, auraient mérité une plus grande attention de la part du Gouvernement.
Je pense, par exemple, au maintien du PTZ pour un logement neuf sur l’ensemble du territoire, ou encore, toujours à l’article 6 du PLF, à la transformation de l’exonération de taxe foncière pour les logements sociaux en dégrèvement, afin de préserver les ressources fiscales locales malmenées.
Quelques motifs de satisfaction méritent soulignés.
Je pense ainsi à quelques mesures contre la fraude fiscale, sans que l’on ait touché à l’arbitrage des dividendes ou aux conventions fiscales internationales ; à la préservation, à l’article 7 du PLF, des améliorations apportées au bon fonctionnement du nouveau régime zoné d’exonérations fiscales et sociales France Ruralités Revitalisation, sur l’initiative de notre collègue Bernard Delcros ; à la suppression de la hausse de la redevance pour pollutions diffuses ainsi qu’à la suppression des tarifs planchers de la redevance pour irrigation dite « non gravitaire », malgré le rétablissement de l’article 16 ; au relèvement, à l’article 28 – toujours au bénéfice de nos agriculteurs –, du montant de taxe affectée aux chambres d’agriculture, conformément au souhait exprimé sur l’ensemble de ces travées ; à la majoration de 100 millions d’euros de la hausse de la DGF, afin de soutenir les collectivités locales les plus fragiles ; ou encore, sur l’initiative de Laurent Lafon et des membres de la commission de la culture, à l’instauration d’une taxe streaming ou à la revalorisation, à hauteur de 3,7 millions d’euros, de la dotation versée par l’État aux scènes de musiques actuelles (Smac).
Comme je l’ai dit, compte tenu de l’échec de la CMP, nous voterons évidemment la motion.
Cependant, monsieur le ministre, je pense qu’il est très important de réfléchir aux conditions, absolument détestables, dans lesquelles nous travaillons sur le PLF. Certes, je comprends bien que nous soyons, comme toujours, contraints par le temps. Mais je rappelle que 3 800 amendements ont été déposés cette année ! Le Gouvernement n’y est pas pour grand-chose, mais je pense qu’il faudra vraiment travailler plus en amont pour l’année prochaine !
Mme Nathalie Goulet. Cela vaut pour le rapporteur général, pour le président de la commission des finances comme pour l’ensemble d’entre nous.
Je pense que nous pouvons progresser sur certains sujets. Je pense notamment à la fraude fiscale, sur laquelle vous avez montré beaucoup de bonne volonté et de bonnes intentions.
Compte tenu de l’état de notre situation budgétaire, je pense qu’il vaut mieux prendre l’argent dans la poche des voleurs que dans celle des contribuables. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’ouverture de nos débats budgétaires, il y a un mois, j’avais résumé l’approche parlementaire du Gouvernement ainsi : « À l’Assemblée : taisez-vous. Au Sénat : cause toujours. »
J’aurais pu emprunter une formule plus récente du président Larcher, mais nous avons pour coutume de laisser la vulgarité à la porte de notre hémicycle… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. La vulgarité est de tous les côtés !
M. Thomas Dossus. À la lecture du texte issu du 49.3, il nous apparaît que cet adage a prévalu une nouvelle fois. Compte tenu de l’investissement de chacun des sénateurs et de chacune des sénatrices dans nos débats, on peut dire, au regard de leurs résultats réels, tangibles dans le budget, que l’effort parlementaire ne paie pas, ou qu’il paie très peu.
Rembobinons le mauvais film qu’est devenu le débat budgétaire dans notre République, au parlementarisme dit « rationalisé », même si « piétiné » conviendrait mieux.
Nous avons commencé à échanger ensemble, monsieur le ministre, lors des « dialogues de Bercy ». Vous nous aviez alors annoncé un budget historique pour la transition, avec un cap : le verdissement de notre fiscalité.
Je vous avais déjà fait part de nos doutes, tant les ordres de grandeur annoncés étaient loin de ce qui est attendu pour être à la hauteur de nos engagements, de nos trajectoires climatiques et des générations futures.
Vous aviez ouvert la porte aux débats parlementaires pour enrichir éventuellement cette trajectoire budgétaire historiquement verte.
Malgré 150 heures de débats en séance publique dans cet hémicycle, aucune ouverture n’a semblé possible sur le verdissement de notre fiscalité, que ce soit les propositions de fiscalité incitative ou la mise à contribution des comportements les plus polluants ou des plus aisés : tout a été balayé avec le mépris habituel.
Cependant, sur d’autres sujets, des dizaines d’amendements ont été adoptées, parfois de façon très large et transpartisane, sur des points essentiels.
Mais ce n’est pas le Parlement qui tient le stylo, et ce n’est pas le respect du débat parlementaire qui guide ce gouvernement. Nous sommes donc amenés, après ces heures de débats, à statuer sur un texte qui a largement balayé le travail de notre Haute Assemblée. Et, quand il ne l’a pas fait, quand, par miracle, un amendement transpartisan a survécu, cela nous est présenté comme un oubli à corriger !
Vous avez refusé de maintenir le prêt à taux zéro. Vous avez refusé de mieux cibler les aides sur l’énergie. Vous avez refusé de retravailler la dotation globale de fonctionnement des collectivités. Même la recherche de financements pour les transports publics n’a pas trouvé grâce à vos yeux ! L’égalité territoriale a été bafouée : la seule autorité organisatrice de la mobilité qui a pu se doter de ressources supplémentaires reste, une nouvelle fois, l’Île-de-France.
Nous saluons tout de même un progrès, objet d’un combat historique de certains des sénateurs de notre groupe : nous nous félicitons de la création d’un fonds de soutien de 250 millions d’euros pour accompagner, dans leur fonctionnement, les collectivités dotées d’un plan climat.
Enfin, la persévérance de mon collègue Ronan Dantec a fini par payer. Ce combat de longue haleine permettra à de nombreuses collectivités d’accélérer leurs projets. C’est un pas dans la bonne direction. Ne doutons pas que les prochaines années amèneront à amplifier le mouvement.
Je vais conclure, monsieur le ministre, par un message de colère, cette colère qui monte dans un certain nombre de territoires et chez un certain nombre d’élus locaux.
Monsieur le ministre, le Gouvernement et l’État ne sont pas à la hauteur de leurs obligations en matière d’hébergement. Des milliers d’enfants – oui, des enfants ! – dorment toujours à la rue.
Nous avons voté ici, de manière transpartisane, 6 000 nouvelles places d’hébergement d’urgence. Mais, d’un trait de plume, en mauvais comptable, vous avez décidé de les annuler ! D’un trait de plume, vous avez décidé de laisser des gamins dormir dans des tentes.
Vous n’avez eu de cesse de rappeler à quel point la France renouait avec l’investissement et le retour de la richesse produite, à quel point les comptes se redressaient, à quel point nous sommes au rendez-vous de la compétition mondiale.
Mais que valent toutes ces paroles quand des gamins continuent de dormir à la rue ? Qui peut accepter cela ?
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, ce trait de plume pèsera lourd dans votre bilan. Nous saurons vous le rappeler ! Vous serez désormais le comptable qui aura préféré laisser dormir des gamins à la rue pour rassurer les banquiers.
Nous ne voterons donc pas ce budget. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire est un long chemin ! Le 49.3 en est le mur ultime.
Monsieur le ministre, par « solisme » budgétaire, vous vous employez à éliminer les volontés des parlementaires, jugés trop peu prompts à gérer les finances publiques – un comble quand la copie du Gouvernement prévoit 4,4 % de déficit par rapport au PIB et un endettement record !
Plus qu’un « solisme », c’est une méthode et des choix hors sols qui vous conduisent à persister, face à l’unanimité du Sénat, à vouloir faire de la France un paradis fiscal pour les grandes fédérations sportives lucratives. Ces articles sont profondément contraires à l’esprit de Coubertin, à l’image de celui sur le chronométreur des jeux Olympiques et sur ses filiales, qui ne paieront pas d’impôt. L’important, c’est de participer, mais surtout pas au financement des services publics !
M. André Reichardt. Très bien !
M. Éric Bocquet. Le « solisme » budgétaire expose également à des « erreurs matérielles », pour reprendre les termes du conseiller d’un ou d’une ministre cité dans la presse. En cause, l’amendement de notre groupe, porté par notre collègue Ian Brossat, qui visait à remédier à une injustice majeure : le taux d’imposition était plus favorable aux logements loués à un touriste étranger pour quelques jours sur Airbnb qu’aux logements loués à un travailleur ou une travailleuse pour quelques années. L’objectif était d’y mettre un terme.
Sauf que le Gouvernement voulait supprimer cet amendement, à en croire la presse, où, toujours anonymement, quelqu’un a annoncé que l’article « sera modifié à l’occasion d’un prochain vecteur législatif, au plus tard dans le budget 2025 » et que « la disposition n’a pas vocation à s’appliquer dans l’intervalle ».
Imaginez un gouvernement qui fait fuiter dans la presse que le budget – la loi donc ! – ne s’appliquera pas… Ouvrons les yeux ! Ce budget, c’est celui pour 2024. La loi, c’est l’imposition des loueurs sur Airbnb. Tous les élus locaux la réclament, mais le Gouvernement prétend avoir raison contre tout le monde. Les seuls moments où il a raison, c’est quand il se trompe…
Notre taxe sur les rachats d’actions modestes, avec son taux de 2 % – soit 400 millions d’euros selon les projections de recettes –, irait trop loin pour le rapporteur général de l’Assemblée nationale, M. Jean René Cazeneuve.
Peu importe que les rachats d’actions aient doublé depuis 2019, pour dépasser aujourd’hui les 20 milliards d’euros. Peu importe que les États-Unis aient institué une telle taxe à 1 %, à compter du 1er janvier 2023.
Le rapporteur général botte en touche, en renvoyant au partage de la valeur, comme si une prime Macron de quelques centaines d’euros pouvait contrebalancer l’enrichissement indu de milliards d’actionnaires. Le « solisme » budgétaire fait fi des comparaisons internationales, dans un aveuglement coupable au service des plus riches.
Notre taxe sur le streaming musical et vidéo, fruit de l’initiative de notre collègue Fabien Gay et, pour sa part, retenue – tout arrive ! –, a été dévitalisée, son taux ayant été abaissé de 1,75 % à 1,2 %. Les multinationales du streaming en sont quittes pour une juste imposition et la déstructuration du monde de la création musicale…
Les collectivités pâtissent également de ce « solisme » budgétaire.
Ainsi, il n’y aura pas de fonds exceptionnels pour les collectivités en proie aux catastrophes climatiques.
Le fonds de sauvegarde pour la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements est réduit à sa portion congrue – 53 millions d’euros supplémentaires. Il est déjà insuffisant en sortant du Sénat.
La DGF augmentera en dessous de l’inflation, conformément à la loi de programmation des finances publiques.
On le sait, les collectivités territoriales ne sont pas à la fête.
Nous continuerons de mener ces batailles, mais, en attendant la responsabilité démocratique, sur la méthode, et la responsabilité budgétaire, nous rejetterons ce budget pour 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive et l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024 est marqué du sceau du mépris : le mépris pour le travail du Sénat, pour ses 150 heures de débats calmes et respectueux, et pour l’examen de plus de 3 800 amendements qui ont été balayés d’un revers de la main.
Il revient à l’exécutif d’arbitrer, certes, mais il y a des limites…
L’exonération fiscale de la Fifa, rejetée à la quasi-unanimité des sénateurs, puis rétablie dans le texte, est emblématique de ce mépris. Lors de l’examen de l’amendement tendant à supprimer cette exonération, je vous avais dit, monsieur le ministre, que vous devriez vous demander, lorsque les groupes sont unanimes, si vous n’aviez pas tort…
Restent quelques amendements rescapés.
Pour ce qui concerne les recettes, le groupe RDSE doit se contenter du rehaussement du plafond de la taxe transférée aux chambres d’agriculture,…
M. Christian Bilhac. … ainsi que de l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de la réglementation en matière d’assujettissement des entreprises au titre des contributions de formation professionnelle et d’alternance.
En seconde partie, beaucoup de dispositions utiles ont disparu, comme celles qui sont relatives, par exemple, à l’amélioration du logement des gendarmes, à la santé scolaire ou à la création d’une banque de ressources biologiques.
Dans le domaine de l’écologie, il nous reste la protection des cétacés (Sourires.),…
M. Laurent Somon. C’est assez ! (Mêmes mouvements.)
M. Christian Bilhac. … à défaut des 100 millions d’euros pour rénover le réseau ferroviaire ou du bénéfice du chèque énergie pour les habitants des HLM.
Ont été rayées de la carte des autorisations d’engagement de quelques millions d’euros supplémentaires pour l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », ou encore pour l’Institut national du cancer (Inca), la prévention de la maladie de Lyme, la maladie de Charcot. Par ailleurs, 2 millions d’euros ont été refusés à la nouvelle commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, je me contenterai de rappeler que le texte proposé supprime 1,4 milliard d’euros par rapport à celui qu’a voté le Sénat.
Supprimés les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités locales !
Supprimé le rétablissement du prêt à taux zéro pour le logement neuf à tout le territoire !
Supprimée l’aide d’urgence aux départements !
Supprimée la fraction des produits des quotas carbone pour les autorités organisatrices de la mobilité en province !
Supprimé le fonds d’urgence climatique pour les collectivités locales !
Vous avez même supprimé lors de votre arbitrage, monsieur le ministre, des amendements sur lesquels vous aviez émis un avis favorable !
M. Christian Bilhac. Nous saluons, bien évidemment, le nouveau zonage France Ruralités Revitalisation, la prorogation de l’exonération fiscale et sociale sur les pourboires, la transposition de la directive européenne pour une imposition mondiale minimale des entreprises multinationales, ou encore l’amendement streaming visant à augmenter la taxe sur les services vidéo. Je n’oublie pas non plus le taux réduit de TVA sur les préservatifs ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mais ces quelques avancées sont autant de pièces jaunes jetées avec mépris à la représentation nationale.
Pour ne paraphraser personne, à l’Assemblée nationale, le recours à l’article 49.3 signifie : « Ferme ta gueule ! » ; au Sénat, on nous dit plutôt : « Cause toujours, mais je suis sourd ! » (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce texte aggrave le déficit de l’État de 2,4 milliards d’euros. Et vous n’hésitez pas à bafouer le grand principe budgétaire de l’annualité, avec le report massif de crédits d’une année sur l’autre.
Dans le droit fil de sa position de principe, le groupe RDSE ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable qui va nous être soumise. Cela ne signifie pas, tant s’en faut, que le présent projet de loi de finances nous satisfait. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Courage ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le bouclier ! Le ton ne sera pas le même…
M. Olivier Paccaud. Et avec le sourire !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Jusqu’ici, ça va ! (Sourires.)
M. Thani Mohamed Soilihi. … le Sénat a adopté la semaine dernière un texte dont notre groupe a déploré le déséquilibre. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs missions ont été supprimées par la majorité sénatoriale : plus de politique du logement ; plus de crédits pour le sport l’année même des jeux Olympiques et Paralympiques ; plus de crédits pour la politique migratoire, alors que la droite sénatoriale a fait de sa radicalité en la matière un symbole politique au cours des derniers jours.
De la même manière, le volet fiscal du budget, après son examen au Sénat, comportait des réformes de grande ampleur, adoptées sans cohérence ni évaluation préalable, parfois avec le soutien de la majorité sénatoriale, parfois contre elle.
Dans ces conditions, le sort de ce budget en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale était écrit : il fallait rétablir les crédits des politiques publiques essentielles, corriger les mesures fiscales adoptées lorsque leurs objectifs s’avéraient incohérents entre eux, revenir à un budget qui puisse être exécuté et financer notre service public, quand le texte qui sortait du Sénat se contentait d’afficher des messages politiques, dont je ne conteste d’ailleurs pas la légitimité.
C’est ce travail de réécriture que le Gouvernement a fait en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Je me félicite ainsi qu’ait été conservée dans ce texte l’exonération fiscale pour les entreprises mahoraises, que j’ai portée avec le soutien de mon groupe. Je pense également au soutien apporté aux chambres de commerce et d’industrie, amendement défendu par notre collègue Didier Rambaud.
Notre groupe déplore toutefois que nous ne puissions pas débattre de ce texte en nouvelle lecture. Aussi voterons-nous contre la motion de rejet qui nous sera soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Dommage ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sénatrice depuis 2020, j’ai bien compris que les marges de manœuvre des parlementaires étaient réduites sur les projets de loi, qui plus est sur ceux qui sont relatifs à nos finances publiques.
La révision constitutionnelle de 2008 n’a pas marqué la fin du parlementarisme rationalisé. L’initiative gouvernementale en matière de loi de finances demeure totale.
Pour autant, travailler sur le projet de loi de finances n’est jamais décevant. En passant des centaines d’heures en séance publique, en examinant des milliers d’amendements, je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps.
C’est le moment de l’année où les parlementaires débattent des orientations choisies par le Gouvernement pour notre pays. Monsieur le ministre, je ne vous cache pas que j’aurais préféré que celles-ci soient différentes…
Ce moment est donc aussi l’occasion pour nous, à gauche, de présenter nos propositions visant à rééquilibrer la fiscalité au bénéfice des classes populaires et moyennes, et à encourager, tant en recettes qu’en dépenses, la transition écologique.
Malgré ces conditions dégradées, le Sénat a constamment joué son rôle en permettant que se déroulent des débats qui n’avaient pas eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous avons apporté des évolutions notables au texte, avec notamment l’amélioration du nouveau zonage France Ruralités Revitalisation.
Avec mes collègues socialistes, nous avons tiré la sonnette d’alarme sur certains sujets, comme la mise en place de budgets verts pour les collectivités. Nous avons aussi pointé les incohérences de l’exécutif.
La France est « à l’euro près » quand il s’agit de transformer une réduction d’impôt en crédit d’impôt pour tous les résidents d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Mais elle ne l’est pas pour le transport de chevaux, qui voit sa TVA réduite ! (Mme Nathalie Goulet proteste.)
En fin de compte, cette dernière mouture reste foncièrement injuste et en décalage avec les enjeux d’aujourd’hui.
Après trois semaines de débats au Sénat, le texte a été remanié selon le bon vouloir du Gouvernement, via un énième 49.3 à l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, je voudrais rappeler que la fonction première du Parlement, c’est de voter l’impôt. Et les parlementaires doivent rester au cœur de l’adoption de la législation fiscale.
Prenons l’exemple de l’article relatif à la Fifa. Celui-ci promet de multiples exonérations fiscales et sociales en cas d’installation de fédérations sportives internationales, dont certaines – il faut bien le dire – n’ont pas fait preuve d’une grande exemplarité.
M. Olivier Paccaud. Pour elles, c’est Noël !
Mme Isabelle Briquet. Cette mesure est symptomatique de la vision qu’a le Gouvernement du Parlement : cet article, absent du projet de loi de finances, a été intégré via le 49.3 en première lecture, puis supprimé au Sénat. Même en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le rapporteur général n’a pas proposé de revenir sur sa suppression.
Pourtant, le Gouvernement a souhaité réintroduire cette mesure, qu’il juge certainement fondamentale…
Au-delà du fond, cette situation interroge sur le rôle du Parlement. L’exécutif va-t-il gouverner de cette manière jusqu’en 2027 ? La fiscalité n’est admissible que dans la mesure où elle est consentie par les parlementaires.
Cette attitude du Gouvernement à l’égard de la représentation nationale, reléguée au second plan, pose un problème démocratique. L’exécutif devrait donc faire plus attention à la place qu’il accorde au Parlement dans notre République.
La motion tendant à opposer la question préalable sera votée par le Sénat, et nous la voterons. Cette issue n’en est pas moins regrettable, mais elle relève de la seule et unique responsabilité du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en posant une question toute simple : qui sait, ici, qu’à partir du 1er janvier prochain toutes les communes devront envoyer leur budget douze jours avant la date de convocation du conseil municipal ?
M. Emmanuel Capus. Ceux qui ont suivi les débats !
Mme Christine Lavarde. Personne, sauf ceux qui étaient présents dans notre hémicycle ! Ce seul exemple illustre la différence entre une approche technocratique et une approche pragmatique.
Le Gouvernement a résolument choisi la première voie ; nous maintenons que la seconde est la seule qui peut réconcilier les citoyens avec la politique.
M. Olivier Paccaud. Le Nouveau Monde !
Mme Christine Lavarde. Telle est la philosophie qui nous a guidés dans la défense de nos amendements. C’est la raison pour laquelle le Sénat a rejeté à l’unanimité le « paradis fiscal » prévu pour la Fifa.
La semaine dernière, nous avons tous ici réfléchi à la façon d’améliorer le travail parlementaire. À cet égard, je vous soumets une idée toute simple : le Gouvernement n’a qu’à abandonner les soixante-dix jours de navette parlementaire ! En effet, deux jours pourraient suffire : l’un pour l’Assemblée nationale, et l’autre pour le Sénat !
Le Gouvernement pourrait ainsi utiliser à son profit la soixantaine de jours supplémentaires pour finaliser la rédaction de tous les articles et envoyer le tout au Conseil d’État afin qu’il donne son analyse. Pourquoi pas, après tout, puisque le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat se limite à une simple discussion générale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Même les amendements mettant en conformité le projet de loi de finances pour 2024 avec la loi de programmation des finances publiques ont été supprimés !
Ce projet de loi de finances s’affranchit d’une loi que la majorité a elle-même écrite, grâce au recours au 49.3 il y a quelques semaines. Ce texte foule aux pieds le Parlement ! J’ajoute même, et je regrette de devoir vous le dire, qu’il vous humilie, monsieur le ministre, puisque vous aviez donné un avis favorable sur certains de nos amendements. (M. Bruno Belin acquiesce.)
M. Olivier Paccaud. Circulez, il n’y a rien à voir !
Mme Christine Lavarde. Les mesures de bon sens ou de simplification ? Balayées, sans que les propos du ministre au banc aient vraiment permis d’en comprendre la raison ! Je considère, pour ma part, qu’elles avaient pour unique défaut de ne pas avoir été présentées par la majorité présidentielle.
M. Olivier Paccaud. Eh oui !
Mme Christine Lavarde. Je pense notamment ici au non-assujettissement des locaux d’enseignement privé sous contrat à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Le ministre de l’éducation nationale, ancien ministre chargé des comptes publics, y est pourtant favorable.
Rien n’a été repris de ce qu’a proposé le Sénat, ou bien uniquement des amendements puisés à bonne source, c’est-à-dire auprès du Gouvernement.
Une exception notable : la définition des zones FRR. Heureusement, d’ailleurs ! Car cette disposition préparée pendant dix-huit mois par la ministre Dominique Faure - on aurait pu en douter au vu du léger flottement auquel on a assisté pendant la discussion en séance (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) - a nécessité une nouvelle concertation entre tous les groupes du Sénat, jusqu’à la dernière minute, pour déboucher sur une rédaction adoptée à l’unanimité.
Des amendements de la commission des finances ou du groupe Les Républicains, on ne trouve que des traces.
L’article 5 vicies A instaurant une taxe sur le streaming, porté notamment par un amendement du rapporteur général et par un amendement identique du président de la commission de la culture,…
Mme Christine Lavarde. … a été supprimé au profit de l’article 5 vicies B, qui a été réécrit : ce n’est pas le texte du Sénat !
M. Michel Savin. Oh !
Mme Christine Lavarde. Le Gouvernement a partiellement entendu la demande d’application du principe « qui paie décide » en matière d’exonération de taxe foncière sur le foncier bâti.
L’exonération, introduite à l’article 27 sexies, portant sur les logements individuels sera à la discrétion des communes ; en revanche, celle qui est prévue par l’article 6, qui porte sur les logements sociaux, sera obligatoire.
Certes, l’État a bien introduit un prélèvement sur recettes (PSR) complémentaire pour dédommager les communes. Mais pour combien de temps ? Quelle est la garantie de ce PSR dans la durée ? Chat échaudé…
En effet, une exonération accordée en 2024 a une durée de quinze ans. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que les membres de l’association des maires du Val-de-Marne (AM 94) avaient justement défilé la semaine dernière pour protester contre cette disposition.
Sur l’exonération de TGAP dans les outre-mer, la rédaction finalement retenue est bien éloignée des ambitions sénatoriales : l’article devient une réforme complète de la taxe.
Il en est de même pour la résidence secondaire des Français résidant à l’étranger. Le Gouvernement a retenu, à l’occasion du recours à l’article 49.3, l’amendement du groupe RDPI relatif à une simple résidence de repli, là où le groupe LR visait une résidence d’attache.
En fait, le Gouvernement peut porter au crédit du groupe LR seulement trois mesures, qui sont certes importantes pour les secteurs concernés, mais qui ne vont pas révolutionner la fiscalité française.
Il s’agit de : l’aménagement des conditions d’éligibilité des fonds de capital investissement au dispositif d’apport-cession – un amendement également porté par le groupe Les Indépendants – ; la déduction de la TVA concernant les véhicules de transport de chevaux – un amendement défendu aussi par le groupe Union Centriste – ; enfin, des mesures d’ajustement de l’écotaxe alsacienne, via un amendement porté par tous les sénateurs alsaciens.
Je n’ai pas retenu dans cette courte liste la minirévolution de l’alignement du régime fiscal des locations de meublés de tourisme sur celui du régime du microfoncier pour locations nues. Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’une erreur, après les multiples doublons de la première navette.
C’est dommage, car c’est finalement la seule mesure de ce projet de loi de finances en faveur du logement. Toutes les autres dispositions votées sur l’initiative de la majorité sénatoriale ont, elles aussi, été supprimées : l’exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les dons pour l’acquisition et la construction d’une résidence principale, ou pour des travaux de rénovation énergétique ; le remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune improductive ; le rétablissement du recentrage du prêt à taux zéro dans le logement neuf.
Pourtant, monsieur le ministre, le secteur du logement va très mal : 150 000 emplois sont en jeu et la baisse annuelle des ventes n’a jamais été aussi forte en dix ans. Or vous ne faites rien !
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a jeté, hier, une nouvelle pierre dans la mare : il dénonce une fiscalité du logement incohérente et inégalitaire, et plaide pour une simplification radicale. Pour autant, il ne me semble pas que ces questions soient traitées dans la future loi relative au logement, tant le périmètre de celle-ci se réduit au fil des jours.
Des 7 milliards d’euros d’économies proposées par le Sénat, là encore, il ne reste rien. Pourtant, il ne s’agissait pas de coups de rabot à l’aveugle, contrairement à ce que vous avez dit, de façon caricaturale, monsieur le ministre ! (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)
Pis encore, le déficit de l’État est encore dégradé de 2,5 milliards d’euros, principalement du fait d’une augmentation de la dépense publique de près de 2 milliards. Dans le même temps, les recettes fiscales sont augmentées via le relèvement, par arrêté, des accises sur le gaz et l’électricité. Or vous l’avez caché aux Français.
Mme Christine Lavarde. Certes, vous l’avez dit dans notre hémicycle, monsieur le ministre, mais combien de personnes suivent nos débats ? Cette hausse pèsera de manière uniforme sur le budget de tous les ménages, là où le Sénat avait proposé une mesure différenciée pour soutenir les plus fragiles.
Encore tout à l’heure, vous avez osé, monsieur le ministre, évoquer la justice fiscale…
M. André Reichardt. Ce n’est pas bien !
M. Olivier Paccaud. La Fifa !
Mme Christine Lavarde. Mais vos mesures ne relèvent pas de la justice fiscale !
En 2022, nous étions le pays le plus taxé de l’OCDE, loin devant le deuxième : les recettes fiscales représentaient 46,1 % du PIB.
Je crains que cette révision à la hausse du déficit ne soit qu’une hypothèse basse, car le Gouvernement n’a pas modifié son hypothèse de croissance, alors même que les dernières estimations de l’OCDE ou de la Banque de France s’écartent de la cible.
Ce projet de loi de finances devait marquer le retour au sérieux budgétaire. C’est complètement raté !
Je ne peux manquer de rappeler que le ministre Bruno Le Maire…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est où ? (Sourires.)
Mme Christine Lavarde. … appelait, le 9 octobre dernier, les députés de la majorité à trouver 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires.
Pour conclure, je relève, monsieur le ministre, que vous vous donnez tous les moyens de ne pas revenir devant le Parlement. Le relèvement des reports de crédits de 43 programmes budgétaires, au-delà de ce que permet la Lolf, est un déni du parlementarisme. Un de plus…
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera pour la motion de rejet qui nous est présentée et se mettra dès demain au travail pour contrôler l’action du Gouvernement, seule prérogative encore à la main des sénateurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Christian Bilhac et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle ne souhaite priver l’État de son budget. C’est une évidence, mais il me semble nécessaire de la rappeler à ce stade du débat.
Le Gouvernement a engagé sa responsabilité pour faire adopter le projet de loi de finances pour 2024. C’était malheureusement la seule issue afin de doter l’État d’un budget. Notre groupe soutient évidemment cette volonté de faire adopter le projet de loi de finances pour cette année. À dire vrai, le contraire serait inquiétant…
Toutefois, cette volonté ne doit pas dévaloriser les débats parlementaires. On l’a vu avec le projet de loi sur l’immigration, c’est grâce au débat parlementaire que le texte a été enrichi. (Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. Yannick Jadot. Alors ça !
M. Emmanuel Capus. Au long de l’examen du projet de loi de finances, nous avons eu de nombreux débats, durant près de 150 heures, qui ont également permis d’enrichir le texte, à l’aide de plusieurs mesures fortes, notamment pour les collectivités.
M. Pascal Savoldelli. Il y a plusieurs façons d’enrichir un texte !
M. Emmanuel Capus. La commission des finances a également été force de proposition pour réaliser des économies importantes et améliorer les comptes publics.
Je constate que beaucoup de ces propositions, pour ne pas dire une large majorité d’entre elles, n’ont pas été retenues dans le texte adopté en nouvelle lecture. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. C’est un euphémisme !
M. Emmanuel Capus. Je pense notamment à la mission « Travail et emploi », dont j’ai eu l’honneur de rapporter les crédits avec ma collègue Ghislaine Senée. Nous avions proposé d’économiser 600 millions d’euros cette année,…
Mme Monique de Marco. Ce n’est pas rien !
M. Emmanuel Capus. … en révisant les critères d’attribution des aides exceptionnelles à l’apprentissage dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises pour les bac+3, ainsi que le rapporteur général l’a rappelé.
J’espère que cette proposition, qui n’a pas été retenue, pourra au moins déboucher sur une concertation, puis les années prochaines aboutir à un meilleur ciblage des aides, et donc à une meilleure pertinence de la dépense publique.
En conséquence, la situation de nos comptes publics demeure particulièrement dégradée. Le déficit est redescendu à 4,4 % du PIB ; c’est une bonne chose. Ce ratio est en phase avec la loi de programmation des finances publiques, comme le ministre l’a rappelé, mais il est encore loin de nos engagements européens.
Il ne s’agit pas de se soumettre à un supposé diktat bruxellois ; il s’agit de tenir la parole de la France vis-à-vis de nos partenaires européens. Il y va de notre crédibilité.
De même, la dette publique reste à un niveau trop élevé, à 110 % du PIB. Là encore, ce ratio est en phase avec la loi de programmation, mais non avec nos engagements européens. Réduire le poids de la dette est essentiel pour garantir la pérennité de notre modèle social. La croissance n’y suffira pas, il faudra également réduire les dépenses publiques. (MM. Pascal Savoldelli et Éric Bocquet soupirent.)
Notre groupe continuera de suivre cette même ligne : il faut réduire les dépenses publiques pour réduire la dette et préserver notre souveraineté économique.
Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait sans doute pu intégrer au texte définitif davantage de propositions du Sénat. Mais je reconnais aussi que vous avez su conserver quelques points intéressants. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous l’avez dit, vous avez conservé 120 amendements,…
M. André Reichardt. Il faut arrêter !
M. Emmanuel Capus. … notamment, comme l’a rappelé Christine Lavarde, au sujet du zonage du dispositif France Ruralités Revitalisation.
M. Olivier Paccaud. Encore heureux !
M. André Reichardt. Et après négociation !
M. Emmanuel Capus. Vous avez aussi conservé des amendements – j’y suis particulièrement sensible –, au sujet de la rénovation du patrimoine religieux, et de l’intégration des communes nouvelles à la souscription voulue par le Président de la République…
Mme Françoise Gatel. Quand même !
M. Emmanuel Capus. … et suggérée par nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, qui avaient rendu un rapport sur cette question.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Emmanuel Capus. Je m’étais mobilisé avec mes collègues sénateurs Stéphane Piednoir, Grégory Blanc et Corinne Bourcier pour avancer sur cette proposition.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : traditionnellement, notre groupe ne vote pas les questions préalables – ici, on ne parle pas de motion de rejet, madame Lavarde… -, parce que nous considérons qu’il ne faut pas se priver d’un débat.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Husson, au nom de la commission, d’une motion n° I-1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;
Considérant que les sous-jacents macroéconomiques sur lesquels repose le projet de loi de finances pour 2024 ne sont pas suffisamment réalistes, en particulier la prévision de croissance de 1,4 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2024, deux fois plus élevée que celle du consensus des économistes, et qui sous-estime fortement l’effet du relèvement historique des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) ;
Considérant qu’aucun effort de maîtrise de la dépense publique n’est proposé dans le texte renvoyé en nouvelle lecture, qui présente un déficit de l’État dégradé de 2,4 milliards d’euros supplémentaires par rapport au texte initial, maintenant la France à des niveaux de déficits historiques, proches ou au-delà de 150 milliards d’euros par an, contre en moyenne 90 milliards d’euros par an avant 2020 ;
Considérant que, dans ce contexte, le Gouvernement, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, n’a pourtant repris aucune des économies votées par le Sénat, qui totalisaient plus de sept milliards d’euros et permettaient d’engager le redressement des comptes publics de la France : ciblage des baisses d’impôt sur l’électricité, aides à l’apprentissage, réforme de l’audiovisuel public, aide au développement ou encore aide médicale d’État ;
Considérant ainsi que le Gouvernement n’a pas pris la mesure de l’effort à faire et des priorités d’action à fixer malgré la hausse des taux directeurs et l’accroissement massif de la charge de la dette qu’elle entraîne et entraînera dans les années à venir ;
Considérant qu’à l’heure où les autres pays de l’Union européenne ont, dans leur très grande majorité, engagé le nécessaire rétablissement de leurs comptes publics après la période de crise qui s’est achevée, la France est désormais identifiée comme faisant partie des pays de l’Union qui se signalent par leur mauvaise gestion budgétaire, caractérisée par les déficits et la dette publics parmi les plus élevés des États membres ;
Considérant que le seul apport significatif du Sénat, conservé par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est l’article 7 du présent projet de loi, pour sa partie relative à la création des zones « France ruralités revitalisation » ;
Considérant que le Gouvernement est, à l’inverse, revenu sur la quasi-totalité des apports du Sénat, y compris ceux pour lesquels il avait rendu un avis favorable en séance publique et ceux qui ne faisaient que traduire les engagements pris par ce même Gouvernement et votés dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ;
Considérant en particulier que le Gouvernement ne retient aucun des dispositifs fiscaux votés par le Sénat en faveur de la transmission de patrimoine et du logement, qu’il ne maintient pas le prêt à taux zéro (PTZ) en l’état sur tout le territoire, qu’il ne cible pas les aides pour l’électricité, qu’il supprime le fonds d’urgence climatique pour les collectivités territoriales, qu’il ne prend pas en compte les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités territoriales, en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l’aide d’urgence aux départements, et que, enfin, aucune fraction du produit de la mise aux enchères des quotas carbone ne viendra financer les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province, dont le financement reste dans l’impasse ;
Considérant en conséquence, malgré la multiplication des déclarations du Gouvernement enjoignant les parlementaires à lui proposer des économies budgétaires, le peu de cas que celui-ci fait des plus de 150 heures de débat en séance publique au Sénat et des votes de notre assemblée, qui s’ajoute à l’absence quasi totale de discussion du présent projet de loi de finances par l’Assemblée nationale en séance publique ;
Considérant en particulier que cette procédure budgétaire dégradée conduit le Gouvernement à maintenir dans son texte, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, l’article 3 sexvicies, qui prévoit de très larges exonérations fiscales pour les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique, alors même que le Sénat, seule assemblée ayant été en mesure de se prononcer sur cet article, l’a supprimé à l’unanimité, et que l’Assemblée nationale n’a jamais pu en débattre, et qu’il apparaît extrêmement fragile au regard des impératifs constitutionnels d’égalité devant l’impôt, l’avantage ainsi procuré apparaissant injustifiable ;
Considérant, de manière générale, la mauvaise qualité du texte transmis, qui présentait déjà en première lecture un nombre important de scories, d’erreurs et de doublons et qui comporte en nouvelle lecture de nouvelles incohérences, sur lesquelles le Gouvernement annonce d’ores et déjà qu’il compte revenir alors que le texte est encore en discussion ;
Considérant la persistance de pratiques de mauvaise gestion budgétaire qui portent préjudice à l’autorisation parlementaire, notamment les surbudgétisations récurrentes, auxquelles il n’est pas mis fin, la pratique des reports de crédits, qui n’est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances, ou encore la multiplication des articles transférant au profit de l’exécutif le pouvoir fiscal dévolu au Parlement ;
Considérant, enfin, au regard de ce qui précède, que l’examen en nouvelle lecture par le Sénat de l’ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 ne conduirait vraisemblablement pas à faire évoluer le texte ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 219 (2023-2024).
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour l’essentiel, j’ai déjà développé le contenu de cette motion et dit quel était l’état d’esprit qui nous anime lors de ma prise de parole durant la discussion générale.
Dès lors, monsieur le ministre, je souhaite simplement rappeler quelques données, que certains de nos collègues ont parfois reprises.
Nous vous alertons : vous avez la responsabilité des finances de notre pays, en tandem avec un grand absent, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Stéphane Piednoir. C’est qui ?
M. André Reichardt. Il n’est venu qu’une fois !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous en avons une certaine habitude…
Les chiffres du Fonds monétaire international (FMI) prévoient qu’en matière de déficit public, la France sera classée au dix-neuvième rang sur vingt dans la zone euro. Nous ne pouvons ni nous en réjouir ni en tirer une gloire particulière.
En ce qui concerne la dette, monsieur le ministre, seuls deux pays de la zone euro sont derrière la France : la Grèce et l’Italie. Mais ces deux pays sont en train de remonter la pente, alors nos comptes continuent à se dégrader.
M. André Reichardt. Quelle chute !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, votre majorité est à ce jour la plus dépensière depuis bien longtemps.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais la crise, monsieur le ministre, concerne tous les pays ! Je vous réponds directement, afin d’aider les équipes rédigeant les comptes rendus, que je remercie. (Sourires.)
Les prévisions retenues par le Gouvernement tablent sur une croissance de 1,4 %, mais le consensus des économistes se rejoint autour d’une croissance pour moitié inférieure, autour de 0,7 %. La Banque de France, quant à elle, prévoit une croissance de 0,9 %. Je souhaite que le Gouvernement ait raison, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la dynamique s’émousse.
Monsieur le ministre, votre ministre de tutelle est donc absent, mais il nous a souvent invités à dialoguer. Lors des assises des finances publiques au mois de juin dernier, puis lors des dialogues de Bercy qui se tiennent depuis deux ans, les moyens de réaliser 1 milliard d’euros d’économies ont été proposés.
Ici, au Sénat, nous pensons que dialoguer à l’extérieur du Parlement peut servir à dessiner un fond de carte sympathique, mais reste quelque peu inutile. Je vous le dis, monsieur le ministre, il faut arrêter : que de temps perdu pour si peu de constructions !
Mme Frédérique Puissat. Exactement !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le débat doit avoir lieu avec les élus, au Parlement. Profitez du temps d’échange dont vous disposez à l’Assemblée nationale pour engager un dialogue ! Au Sénat, nous avons fait « carton plein » pour ce qui est de la durée des débats, mais le résultat nous semble bien décevant !
Monsieur le ministre, je me souviens que lors de ma première prise de parole dans l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024, je nous avais alertés en nous rappelant à notre responsabilité particulière, due au fait que nous serions la seule chambre à procéder à l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
Monsieur le ministre, je vous avais également rappelé cette responsabilité particulière lors des explications de vote sur l’ensemble du texte, renforcée eu égard à nos échanges sereins, constructifs, et à l’ambiance de travail que nous avons partagée.
Ce que je trouve éminemment regrettable, c’est le signal que le Gouvernement envoie. Notre collègue Christian Bilhac parlait d’une forme de mépris du Gouvernement envers la représentation nationale, mais il me semble qu’il y a aussi une forme de mépris à l’égard des Français.
M. Olivier Paccaud. Tout à fait !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Les Français commencent à considérer que vos manières de procéder sont relativement critiquables et dangereuses.
Enfin, monsieur le ministre, je conclurai en indiquant que, lors de cette séquence budgétaire, deux interventions que la Première ministre a faites en dehors du débat budgétaire devant le Parlement m’ont posé problème.
Tout d’abord, elle a annoncé que les départements allaient recevoir une dotation supplémentaire – une onction - de 53 millions d’euros, sans que l’on en connaisse précisément les détails, et sans que ces fonds soient repris dans le projet de loi de finances.
Ensuite, après avoir reçu les Jeunes Agriculteurs et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), elle a annoncé sur le parvis de Matignon la suppression de certains dispositifs, en renonçant notamment à la hausse de la redevance pour pollution diffuse.
Monsieur le ministre, cela me pose un problème : lorsque j’avais proposé de renoncer à cette hausse en supprimant l’article 16 du projet de loi, que n’avais-je entendu de votre part ? Pas d’écoute ; vous déclariez avoir des préoccupations écologiques ; que nenni !
J’avais tout de même insisté sur le manque de concertation avec les élus locaux. Vous avez tenu des propos relativement accusateurs, bien que sympathiques, à mon endroit. Vous demanderez à la Première ministre ce qu’elle en pense, puisque vos critiques peuvent s’appliquer à elle, comme elle a décidé, en dehors du Parlement, de renoncer à cette hausse. En tout cas, il me semble que cela témoigne d’une certaine forme de cacophonie au sein du Gouvernement.
Voilà, monsieur le ministre, les éléments que je souhaitais rappeler en complément de ceux que j’ai invoqués tout à l’heure, et qui nous conduisent à défendre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…
Quel est l’avis du Gouvernement ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Naturellement, cela ne vous surprendra pas, l’avis sera défavorable.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je sais que cela engendre une grande déception dans ces travées… (Sourires.)
Sans refaire le débat, je voudrais vous demander comment, dans les délais auxquels nous sommes contraints, enrichir un texte. La veille de son examen, plus de 3 700 amendements avaient été déposés sur ce texte.
Je ne partage pas totalement votre avis, monsieur le rapporteur général, au sujet des dialogues de Bercy. J’aurais aimé vous y retrouver…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je menais ma campagne sénatoriale !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Aucun soupçon, monsieur le rapporteur général ! Nous aurions pu continuer à avancer comme nous l’avons fait.
Les dialogues de Bercy ont été utiles, car nous avons repris des amendements issus de propositions faites par des députés et des sénateurs.
La grande difficulté, monsieur le rapporteur général, c’est que l’on ne peut pas restreindre nos échanges à ces quelques jours passés dans l’hémicycle, alors que 3 700 amendements ont été déposés. C’est tout simplement impossible !
Je vous l’ai indiqué, y compris en aparté, monsieur le rapporteur général : je suis favorable à ce qu’un travail soit mené très en amont de la discussion budgétaire au Parlement, pour que l’on puisse, en fonction des propositions du président de la commission des finances et du rapporteur général, se concentrer sur certains sujets. Sinon, la discussion est matériellement impossible !
J’en suis convaincu, il y a parfois des dispositions utiles contenues dans les milliers d’amendements sur lesquels j’émets un avis défavorable, mais il est matériellement impossible de construire des solutions au moyen de ce flot d’amendements.
Mme Cécile Cukierman. C’est pourtant le travail de la démocratie !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous le redis, monsieur le rapporteur général, je suis favorable à ce que l’on se voie beaucoup plus tôt autour de sujets sur lesquels la commission des finances a travaillé, afin d’avancer.
Mme Christine Lavarde. Nous nous sommes vus au mois d’octobre !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. À l’inverse, avec ce nombre d’amendements, il est très compliqué de faire un travail de qualité qui ne soit pas frustrant.
Mme Cécile Cukierman. Ces propos sont inacceptables !
Mme Cécile Cukierman. Supprimez la démocratie alors !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Un contraste saisissant se fait jour. Le Gouvernement écrit le projet de loi sur l’immigration sous la dictée des membres du parti Les Républicains,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Très bien !
M. Laurent Burgoa. Et alors ?
M. Pascal Savoldelli. … mais le groupe politique des Républicains au Sénat se fait balader.
Dans les considérants de la motion, je lis les mots « après la période qui s’est achevée ». Mais ce diagnostic ne parle pas aux gens ! Ils et elles le savent pour le vivre, la crise est installée, et elle est angoissante.
Cette motion tendant à opposer la question préalable marque une forme d’impuissance du Sénat à peser sur la procédure budgétaire, face, il est vrai, à l’aveuglement du Gouvernement.
Elle témoigne de l’incapacité de la majorité sénatoriale à construire un budget alternatif crédible. Brandir le totem du déficit est en totale contradiction avec votre comportement et avec les amendements que vous avez adoptés.
Toutes les mesures proposant des recettes nouvelles ont reçu un avis défavorable dans cet hémicycle.
Accroissement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ? Non ! Mise à contribution des profits indus ? Non ! Accroissement de la taxe sur les transactions financières ? Non ! Taxe sur les rachats d’actions ? Non !
L’ensemble des mesures d’économies adoptées ne compensent pas la hausse de vos dépenses. Vous prétendiez que, dans le budget issu du Sénat, le solde budgétaire serait amélioré de 0,2 point de PIB, soit 5,5 milliards d’euros. Mais non !
C’est l’adoption de votre amendement de suppression du programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 » qui a permis cette amélioration, pour 6,5 milliards d’euros. En gros, un jeu de passe-passe gouvernemental a débouché sur un jeu de dupes. (M. le rapporteur général agite le doigt en signe de dénégation.)
La prorogation des niches fiscales coûte très cher aux finances publiques. Une modeste restriction des aides à l’apprentissage mise à part, les profits des entreprises ne seront partagés en 2024 ni avec leurs salariés ni avec le reste de la population.
Nous nous abstiendrons sur cette motion, car il faut mettre fin au simulacre de la procédure budgétaire menée sous le joug du 49.3 !
Mes chers collègues, la droite sénatoriale ne résout rien en rejetant ce texte bien trop tard. Lorsque nous proposions une motion de rejet préalable au début de l’examen du texte, vous vous berciez d’illusions et feigniez d’oublier que le Gouvernement réglerait ce budget tout seul ! Le retour à la réalité est brutal : membres des Républicains et du Gouvernement, ensemble, vous aggravez la dette et le déficit.
Je vous le demande : qui en profitera ? Prêteurs et profiteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. - Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Je rappelle également que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 108 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 251 |
Contre | 55 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2024 est rejeté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – Huées sur des travées des groupes SER et GEST. – M. Thomas Dossus s’exclame.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Erasmus de l’apprentissage
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage » (proposition n° 598 [2022-2023], texte de la commission n° 197, rapport n° 196).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « erasmus de l’apprentissage »
Article 1er
(Conforme)
Le code du travail est ainsi modifié :
A. – L’article L. 6222-42 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni la moitié de la durée totale du contrat » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Par dérogation à l’article L. 6221-1 et au second alinéa de l’article L. 6222-4, les conditions de mise en œuvre de la mobilité de l’apprenti à l’étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d’apprentissage, le centre de formation d’apprentis en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d’accueil à l’étranger.
« La convention prévoit que la mobilité est réalisée dans les conditions suivantes :
« 1° Soit dans le cadre d’une mise en veille du contrat.
« Dans ce cas, la structure d’accueil à l’étranger est seule responsable des conditions d’exécution du travail de l’apprenti, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et les stipulations conventionnelles en vigueur dans l’État d’accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » ;
b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa du présent II, les conditions de mise en œuvre de la mobilité de l’apprenti à l’étranger, lorsqu’elle est effectuée en entreprise, peuvent être prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d’apprentissage et le centre de formation d’apprentis en France lorsqu’il est établi que l’apprenti bénéficie, conformément aux engagements pris par l’employeur de l’État d’accueil, de garanties, notamment en termes d’organisation de la mobilité et de conditions d’accueil, équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en application de la convention conclue sur le fondement du même premier alinéa. La liste de ces garanties est fixée par voie réglementaire ;
« 2° Soit dans le cadre d’une mise à disposition de l’apprenti auprès de la structure d’accueil à l’étranger. » ;
B. – L’article L. 6325-25 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni la moitié de la durée totale du contrat » ;
b) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Les conditions de mise en œuvre de la mobilité du bénéficiaire du contrat de professionnalisation à l’étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat de professionnalisation, l’organisme de formation en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d’accueil à l’étranger.
« La convention prévoit que la mobilité est réalisée dans les conditions suivantes :
« 1° Soit dans le cadre d’une mise en veille du contrat.
« Dans ce cas, la structure d’accueil à l’étranger est seule responsable des conditions d’exécution du travail du bénéficiaire du contrat de professionnalisation, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et les stipulations conventionnelles en vigueur dans l’État d’accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » ;
b) L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa du présent II, les conditions de mise en œuvre de la mobilité du bénéficiaire du contrat de professionnalisation à l’étranger, lorsqu’elle est effectuée en entreprise, peuvent être prévues par une convention conclue entre les parties au contrat de professionnalisation et l’organisme de formation en France lorsqu’il est établi que le bénéficiaire dudit contrat bénéficie, conformément aux engagements pris par l’employeur de l’État d’accueil, de garanties, notamment en termes d’organisation de la mobilité et de conditions d’accueil, équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en application de la convention conclue sur le fondement du même premier alinéa. La liste de ces garanties est fixée par voie réglementaire ;
« 2° Soit dans le cadre d’une mise à disposition du bénéficiaire du contrat de professionnalisation auprès de la structure d’accueil à l’étranger. »
Article 2
(Conforme)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le III de l’article L. 6222-42 est ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation au premier alinéa du II du présent article, lorsque la mobilité se déroule dans un organisme de formation d’accueil établi dans ou hors de l’Union européenne avec lequel le centre de formation d’apprentis français ou l’une des structures mentionnées aux articles L. 6232-1 ou L. 6233-1 a conclu une convention de partenariat, la convention organisant la mobilité peut être conclue entre l’apprenti, l’employeur en France et le centre de formation d’apprentis français. » ;
2° Le III de l’article L. 6325-25 est ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation au premier alinéa du II du présent article, lorsque la mobilité se déroule dans un organisme de formation d’accueil établi dans ou hors de l’Union européenne avec lequel l’organisme de formation français ou toute structure chargée de la mise en œuvre de tout ou partie des enseignements généraux professionnels et technologiques du contrat de professionnalisation a conclu une convention de partenariat, la convention organisant la mobilité peut être conclue entre le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, l’employeur en France et l’organisme de formation français. »
Article 2 bis
(Conforme)
L’article L. 6222-43 du code du travail est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Le premier alinéa de l’article L. 6222-1, relatif à la limite d’âge pour débuter un apprentissage. »
Article 3
(Conforme)
La sixième partie code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 6222-44 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6222-44. – Les modalités de mise en œuvre de la présente section, notamment le contenu des relations conventionnelles, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le dernier alinéa du II de l’article L. 6325-25 est supprimé ;
3° La section 7 du chapitre V du titre II du livre III est complétée par un article L. 6325-25-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6325-25-1. – Les modalités de mise en œuvre de l’article L. 6325-25, notamment le contenu des relations conventionnelles, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
4° L’article L. 6332-14 est ainsi modifié :
a) Au 3° du I, après le mot : « restauration, », sont insérés les mots : « ainsi que, le cas échéant, les frais correspondant aux cotisations sociales liées à une mobilité hors du territoire national, » ;
b) Au 3° du II, les mots : « y compris ceux correspondant aux cotisations sociales » sont supprimés.
Article 3 bis A
(Conforme)
L’ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier est ratifiée.
Article 3 bis
(Conforme)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les bourses et les aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger. Ce rapport examine également les perspectives en matière d’harmonisation des dispositifs de soutien financier et d’augmentation des aides financières pour la mobilité des apprentis à l’étranger.
Article 3 ter
(Conforme)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la bonne désignation d’un référent mobilité au sein de chaque centre de formation d’apprentis.
Article 4
(Suppression conforme)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis à la rapporteure de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici au terme de l’examen d’un texte législatif très attendu, tant des acteurs de l’apprentissage que des jeunes, nombreux, qui se forment par la voie de l’alternance dans notre pays.
Cette proposition de loi est de celles qui offrent à nos concitoyens l’opportunité et la capacité de s’enrichir de cultures et de compétences diverses. Elle est de celles qui, de manière très concrète, au sein des États membres, réalisent pour notre jeunesse la promesse d’une Union européenne libre et fondée sur la découverte et le partage.
À l’heure où les nationalismes dangereux et des replis nationaux qui menacent l’essence même de l’Union et entraînent avec eux les espoirs de paix et de liberté de toute une génération, il est plus que jamais essentiel d’œuvrer pour multiplier les opportunités d’échanges entre nos pays.
Beaucoup a été fait depuis 2018 pour rendre concrète et accessible la promesse européenne de mobilité pour nos « apprenants ». Ainsi avons-nous pris deux décisions fortes, inscrites dans la loi, et qui ont permis d’enclencher une dynamique historique en matière de formation à l’étranger.
La première a consisté à obliger tous les centres de formation d’apprentis (CFA) à se doter d’un référent mobilité. Le rôle de ce dernier est clair : il s’agit d’accompagner les apprentis dans la définition et la réalisation de leur projet, aider à la constitution des dossiers, organiser les financements et multiplier les partenariats partout dans le monde.
La seconde a consisté à aider au financement des parcours de mobilité, en garantissant aux CFA le financement des référents mobilité, mais également en orientant les fonds dédiés à l’alternance des opérateurs de compétences vers les frais liés à la mobilité.
On a enregistré environ 25 000 mobilités l’an dernier, contre 7 800 observées chaque année auparavant ; ce sont autant de parcours favorisant l’employabilité de ces jeunes et renforçant leurs capacités linguistiques et leur chance de se créer un réseau international.
Nous devons néanmoins aller plus loin dans l’accès à la mobilité et le Président de la République a une ambition forte en la matière : faire en sorte que la moitié d’une classe d’âge puisse avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois à l’étranger.
Si le volet normatif est essentiel pour parvenir à simplifier et à mieux soutenir les périodes de formation à l’étranger, des efforts sont également faits en amont pour mieux promouvoir la mobilité auprès des jeunes, mais également des entreprises.
Nous professionnalisons le réseau des référents mobilité dans les CFA ; nous travaillons également avec un réseau d’acteurs engagés, comme Erasmus+ ou l’association Euro App Mobility, pour promouvoir la mobilité internationale et favoriser les échanges dans le cadre d’un espace européen de l’apprentissage en construction. Nous avons donc renouvelé cette année pour trois ans notre soutien à cette association de l’ancien ministre Jean Arthuis, afin de promouvoir auprès des jeunes et des entreprises la mobilité, de préfigurer un espace européen numérique de l’apprentissage, plateforme recensant les offres de formation et d’emploi en mobilité, et d’accompagner les CFA et leurs référents mobilité.
Nous travaillons également en lien avec les opérateurs de compétences, interfaces privilégiées des entreprises auprès desquelles, dans le cadre des conventions d’objectifs et de moyens renouvelées cette année, nous allons promouvoir la mobilité.
Bref, vous l’aurez compris, cette proposition de loi s’inscrit dans un continuum de projets et d’initiatives portées par le Gouvernement et les acteurs de l’apprentissage, et qui doivent permettre de lever les derniers freins au développement de la mobilité internationale des apprentis.
L’article 1er du texte favorise les mobilités de plus de quatre semaines, tout en sécurisant le parcours à l’étranger des jeunes Français. Une des causes de non-recours au dispositif de mobilité réside dans la suspension du contrat de travail ; ce n’est jamais une chose anodine, puisque cela prive le jeune de sa rémunération et de la protection sociale attachée à son contrat d’apprentissage.
À cela s’ajoutent des lourdeurs administratives importantes, tant pour l’employeur que pour l’apprenti et son CFA. Ce manque de souplesse dans la gestion du contrat d’apprentissage doit être corrigé ; c’est ce que l’on fait au travers de ce texte, qui permet de mettre en veille le contrat d’apprentissage, y compris pour les mobilités longues. Il en résultera une meilleure sécurisation de la situation des apprentis, qui pourront conserver leur rémunération et leur protection sociale.
L’article 2 simplifie l’environnement conventionnel et administratif de la mobilité, qui est, nous le savons, une charge importante pour les référents mobilité des CFA ainsi qu’un frein au développement des partenariats. Le droit en vigueur fait obligation à l’école étrangère de signer une convention individuelle de mobilité pour chaque apprenti qu’elle accueille, alors même que, dans la très vaste majorité des cas, une convention-cadre de coopération existe.
Outre l’allongement des délais de constitution des dossiers, cela représente un frein évident pour les écoles étrangères, qui sont contraintes de signer des conventions en langue étrangère et assises sur un droit qui n’est pas le leur. Ainsi, de manière pragmatique, la présente proposition de loi tend à dispenser l’école étrangère de la conclusion de conventions individuelles lorsqu’une convention-cadre la lie déjà au CFA français.
Ensuite, si nous souhaitons développer les mobilités longues, nous devons également adopter le point de vue de l’employeur, pour qui il n’est jamais anodin de laisser partir son apprenti pendant une longue période. Afin de limiter l’effet que cela peut avoir pour l’entreprise, nous devons faciliter les échanges et la réciprocité, afin que, lorsqu’un employeur français autorise son apprenti à partir, il puisse en retour accueillir un apprenti étranger.
L’Union européenne est fondée sur le principe de réciprocité et c’est sur le fondement de ce principe que la présente proposition de loi affranchit les apprentis étrangers de la limite française de 29 ans. En effet, dans certains pays, l’apprentissage n’est pas réservé aux jeunes, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne, où il n’existe pas de limite d’âge pour bénéficier de cette voie de formation. Ainsi à tout âge, un apprenti allemand pourra être accueilli en mobilité dans nos entreprises.
L’article 3 garantit la prise en charge obligatoire par les opérateurs de compétences (Opco) des frais de sécurité sociale engagés par le CFA ou par l’apprenti, dans le cadre d’une mobilité. Il s’agit là de la correction d’une véritable inégalité entre les apprentis, qui sont trop nombreux à renoncer à partir en raison des coûts parfois très élevés de protection sociale à l’étranger. En rendant obligatoire la prise en charge de ces frais, vous libérerez les apprentis et leur famille du poids financier que peut constituer une telle protection et corrigerez ainsi une inégalité dans l’accès à la mobilité.
Cet article permettra en outre d’œuvrer, par voie réglementaire, en faveur d’une plus grande harmonisation des pratiques des Opco en matière de prise en charge des frais de transport, de restauration et d’hébergement à l’étranger.
La présente proposition permet enfin de ratifier l’ordonnance relative à l’apprentissage transfrontalier, qui est essentiel pour constituer autour de notre pays un espace privilégié européen de l’apprentissage, tout en créant de nouvelles possibilités de partenariats pour nos territoires ultramarins, avec les pays d’Amérique du Nord, de la façade orientale de l’Amérique du Sud, de l’Afrique australe ou des pays du pourtour de l’océan Indien.
Naturellement, le Gouvernement répondra avec diligence aux demandes de rapport exprimées par le texte.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient ce texte pragmatique, qui s’attache point par point à répondre aux freins constatés par les acteurs.
Je tiens à remercier chaleureusement les membres de la Haute Assemblée qui ont participé en commission à un débat utile autour de cette proposition de loi ; je salue en particulier votre rapporteure, Mme la sénatrice Demas, pour son travail important d’auditions, qui a permis d’éclairer et d’objectiver son travail.
Je le dis avec conviction : ce texte technique est avant tout une preuve d’attachement à l’Union européenne et à ses valeurs. Il traduit notre proposition pour l’Europe et pour ses jeunes citoyens. Il naît de la conviction que les voyages forment la jeunesse, mais également ses compétences et son autonomie. Il traduit notre ferme volonté d’encourager une nouvelle génération de Français à être mue, à rebours des nationalismes inutiles et des replis malheureux, par un esprit de partage et de liberté, fondé sur l’expérience professionnelle et les savoir-faire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur votre soutien, vous qui croyez en l’Europe et à ses vertus pour nos jeunes, pour voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, acquisition de compétences et de savoirs, découverte d’une nouvelle culture, apprentissage d’une langue étrangère : les apports d’une expérience à l’étranger dans le cadre d’un parcours de formation sont nombreux, tant pour l’employabilité que pour le développement personnel des jeunes.
Alors que 17 % des étudiants font un séjour à l’étranger au cours de leurs études, cela ne concerne que 2,1 % des apprentis. Développer la mobilité internationale des apprentis était pourtant l’un des objectifs de la réforme de 2018 : depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les alternants ont en effet la possibilité de réaliser une mobilité à l’étranger pour une durée ne pouvant excéder un an. Leur contrat est alors « mis en veille », l’entreprise ou le centre de formation d’accueil étant alors seul responsable des conditions d’exécution du travail. Pour les mobilités de moins de quatre semaines, l’alternant peut toutefois être mis à disposition de la structure d’accueil à l’étranger, son contrat de travail continuant alors d’être exécuté.
Pour favoriser ces mobilités, chaque centre de formation d’apprentis doit désigner un référent mobilité, financé par les opérateurs de compétences, qui peuvent aussi prendre en charge des frais annexes engendrés par le séjour à l’étranger.
Les alternants sont aussi soutenus par des aides de l’Union européenne, dans le cadre du programme Erasmus+, ou encore des collectivités territoriales.
Pour autant, le développement de la mobilité des alternants n’a pas suivi la progression significative du nombre de contrats d’apprentissage, qui a dépassé le seuil de 800 000 en 2022. Quant à la durée moyenne de la mobilité, elle est estimée à quarante et un jours, la durée médiane s’élevant à dix-huit jours seulement.
Certes, la mobilité à l’étranger des alternants a été freinée par l’épidémie de covid-19, mais elle rencontre aussi de nombreux obstacles d’ordre plus structurel.
Le départ de l’alternant pour un séjour à l’étranger peut être coûteux pour son employeur et source de perturbations au sein de son entreprise. Surtout, le statut de l’alternant lors de sa mobilité n’est pas adapté à toutes les situations. La mise en veille du contrat permet à l’entreprise de lever ses obligations en termes de rémunération, mais les coûts et les contraintes sont reportés sur le CFA et sur l’apprenti, ce qui peut faire obstacle à la réalisation de projets de mobilité.
Les démarches administratives sont complexes ; je pense notamment aux obligations liées à la signature d’une convention entre l’alternant et les différentes parties impliquées dans la mobilité.
Les apprentis sont aussi freinés par le coût de la mobilité. En 2023, l’agence Erasmus+ n’a pu satisfaire que 53 % des demandes de soutien financier pour des mobilités internationales relevant du champ de l’enseignement professionnel. En outre, le soutien financier des opérateurs de compétences est très hétérogène et souvent insuffisant.
L’alternant n’a que rarement connaissance de la possibilité d’effectuer une mobilité à l’étranger et cette mobilité n’est pas aisément reconnue dans le cadre des certifications professionnelles. À ces difficultés s’ajoutent des barrières linguistiques et psychologiques auxquelles tous les jeunes apprenants font face pour s’engager dans un projet de séjour à l’étranger.
Afin de lever certains de ces freins juridiques et financiers, notre collègue député Sylvain Maillard a déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
L’article 1er crée un droit d’option, laissant le choix entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. De plus, cette mise à disposition ne sera plus limitée aux séjours de moins de quatre semaines. Les alternants, employeurs et organismes de formation pourront ainsi retenir le régime le plus approprié à chaque situation.
Afin de simplifier les démarches lors de départs à l’étranger, l’article 2 supprime l’obligation pour les alternants de disposer d’une convention individuelle de mobilité avec l’organisme de formation qui les accueille, dans le cas où une convention de partenariat existerait déjà entre le CFA et ledit organisme.
L’article 2 bis a pour objet que les apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une mobilité en France puissent déroger à la limite d’âge applicable à l’apprentissage.
Avec l’article 3, les opérateurs de compétences devront obligatoirement prendre en charge les frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants.
L’article 3 bis A vise à procéder à la ratification de l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier.
La commission a considéré que la proposition de loi lèvera certains freins à la mobilité des alternants. Elle l’a donc adoptée sans modification. Toutefois, nous avons considéré que, pour insuffler une véritable dynamique en faveur de la mobilité internationale des alternants, le texte devrait être assorti de mesures complémentaires.
D’abord, le financement des référents mobilité dans les CFA doit être conforté afin de professionnaliser le personnel. Il faut harmoniser les financements des Opco par voie réglementaire, comme s’y est engagé le Gouvernement, pour rendre les aides plus lisibles et plus accessibles à tous les apprentis.
Ensuite, la mobilité doit être promue auprès des alternants et des employeurs. Les TPE-PME doivent être accompagnées par les Opco et les employeurs publics davantage incités à soutenir ces échanges.
Enfin, la mobilité doit être valorisée et reconnue dans les diplômes et dans les certifications professionnelles.
En somme, la mobilité internationale des alternants nécessite une large mobilisation des pouvoirs publics et l’accompagnement renforcé des acteurs de l’apprentissage. La proposition de loi contribue à enclencher cette dynamique en levant certains freins. Aussi, au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue député Sylvain Maillard pose le socle d’une grande ambition portée par le Président de la République : faire en sorte que la moitié d’une classe d’âge ait passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen.
D’une certaine manière, cet objectif est dans l’esprit même d’Erasmus, dont le nom provient du moine humaniste et théologien néerlandais Érasme, qui a voyagé à travers l’Europe pour s’enrichir des différentes cultures et pour développer l’Humanisme. Trente-six ans après sa création, ce programme a fait ses preuves avec plus de 600 000 étudiants français bénéficiaires entre 2014 et 2020.
Si Erasmus est bel et bien une réussite aux yeux d’une majorité de notre jeunesse, seule une certaine partie d’entre elle profite en réalité de ce succès. Malgré les évolutions et l’ouverture du programme à des publics variés, notamment aux alternants, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en décembre 2022, Le développement de la mobilité européenne des apprentis, a dressé un constat alarmant.
En effet, l’Igas estime à 7 820 le nombre d’apprentis ayant effectué une mobilité entre 2018 et 2019, soit 2,1 % d’entre eux, un total bien loin des autres catégories ; pour les étudiants, les chiffres avoisinent les 17 %. Et pour cause ! De nombreux obstacles juridiques, financiers ou académiques viennent freiner la mobilité européenne et internationale des apprentis de notre pays.
Face à ce constat, nous devons agir pour faciliter les échanges. Telle est l’ambition défendue au travers de cette proposition de loi. Celle-ci vise à lever un certain nombre d’obstacles.
Je pense à l’article 1er, qui crée un droit d’option entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant, lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. La mise à disposition de l’alternant ne sera par conséquent plus limitée à un séjour de moins de quatre semaines ; la condition de durée d’exécution du contrat en France d’au moins six mois sera supprimée. Cette mesure permettra aux alternants, aux employeurs et aux organismes de formation de retenir le régime le plus approprié à chaque situation.
Je pense également à l’article 2 qui permettra aux centres de formation d’apprentis de conclure une convention de partenariat avec l’organisme d’accueil à l’étranger.
Je n’oublie pas l’article 2 bis, qui supprime la limite d’âge fixée à 29 ans, ou l’article 3 bis A, qui vise à ratifier l’ordonnance relative à l’apprentissage transfrontalier.
Mes chers collègues, les voyages forment la jeunesse. Par conséquent, afin de permettre aux apprentis de notre pays d’accéder plus facilement à une formation européenne, le groupe RDPI votera avec enthousiasme ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage ». Son spectre est extrêmement large. En effet, elle a trait à toutes les formes d’alternance, qu’elles relèvent des contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. Elle s’applique aussi bien aux élèves qui ont obtenu le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou le bac qu’aux étudiants de niveau bac +5 ou au-delà.
D’abord, cette proposition de loi a pour objet de favoriser l’augmentation du nombre d’alternants engagés dans un projet de mobilité Erasmus+.
Ensuite, elle vise à augmenter la durée des séjours des alternants qui partent se former théoriquement ou pratiquement dans un pays de l’Union européenne.
Enfin, elle tend à faire converger les prises en charge financières par les opérateurs de compétences. À cet effet, elle rend obligatoire la compensation des coûts liés aux cotisations sociales pour les alternants dont une partie du contrat avec leur entreprise a été mise en veille. De fait, les intéressés ne bénéficient plus des avantages du salariat français.
Pour ce faire, les dispositifs proposés dans le texte adopté à l’Assemblée nationale tendent à lever des contraintes administratives dissuasives pour les parties prenantes, en France ou à l’étranger. Pragmatique, la proposition de loi s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus globale de la part du Gouvernement : promouvoir le développement de l’alternance en France en faisant le choix de la libéralisation.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a illustré cette démarche. Elle a par exemple supprimé la régulation par la région de la carte des formations et libéralisé l’ouverture des centres de formation des alternants.
Nous insistions à l’époque des débats sur le fait que le développement de l’apprentissage ne devait pas se faire au détriment de la qualité du contrôle ou de l’accompagnement des alternants, ce que laissait craindre une telle libéralisation. Comme nous le soulignions alors, confier aux branches la responsabilité de l’apprentissage à la place des régions, supprimer la régulation par la carte des formations et libéraliser l’ouverture des CFA représentaient autant de facteurs de fragilisation du système et de mise en concurrence des acteurs de l’alternance.
Le bilan que tire la Cour des comptes de ces efforts du Gouvernement, dans son rapport de juillet 2023 Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, est mitigé : « La libéralisation du cadre de la formation professionnelle des salariés et de l’alternance par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les incitations au recours à l’apprentissage et au compte personnel de formation et l’absence de limite posée au financement de ces deux dispositifs sont à l’origine d’une très forte dynamique de la dépense. »
La Cour des comptes précise également : « Cette dynamique n’est pas prioritairement orientée vers la réponse aux besoins des populations les moins qualifiées, qui sont pourtant celles qui en tireraient le plus grand bénéfice. »
Le rapport sénatorial du 29 juin 2022, France compétences face à une crise de croissance, pointe quant à lui la soutenabilité de la réforme. Dans une logique de guichet, cette dernière endette un établissement public à caractère administratif, France Compétences, pour que l’alternance soit développée indépendamment du niveau réel de financement par les entreprises.
Pour revenir au présent texte, nos craintes relatives à libéralisation de l’apprentissage valent aussi quand l’alternance s’inscrit dans un projet européen, ce qui est le cas ici.
Nous sommes par exemple inquiets à l’idée que les alternants soient laissés dans une relative solitude lorsque leur contrat est mis en veille par l’entreprise dès lors qu’ils sont impliqués dans un projet de mobilité de plus de quatre semaines. Le présent texte tend à corriger ce problème en offrant un autre choix aux alternants et à ceux qui les accompagnent.
Le développement des contrats de mise à disposition nous semble une solution bénéfique, même si elle se comprend tout particulièrement, voire surtout, pour les grands groupes. En effet, les filiales à l’étranger leur permettent déjà d’accueillir des alternants de manière simplifiée.
Indépendamment de ces considérations, nous reconnaissons la portée essentiellement technique de la présente proposition de loi, dont l’objet est de faciliter le déploiement de projets pour les parties prenantes de l’Erasmus de l’alternance. Les solutions mises en avant nous semblent cohérentes.
Nous espérons que la demande de « rapport sur les bourses et les aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger », figurant à l’article 3 bis, sera bien suivie d’effet. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
Comme Mme la ministre m’a bien écoutée, je pense que ce sera le cas…
Nous voterons donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi déjà de vous remercier, madame le rapporteur, pour cet excellent travail sur un sujet d’importance. Pour votre premier texte, vous vous inscrivez dans l’histoire de la mobilité internationale des alternants, ouverte - il faut le mettre en avant, même si vous l’avez cité - par notre collègue député européen Jean Arthuis. Le cadre juridique de cette politique a été créé dans la loi du 29 mars 2018 par Alain Milon, que nous saluons.
M. Philippe Bas. Très juste !
Mme Frédérique Puissat. En effet, l’intéressé avait permis à l’époque l’introduction d’un article additionnel, inspiré des recommandations formulées par Jean Arthuis dans son rapport Erasmus Pro : lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe. Cet article visait à définir un cadre incitatif pour que toutes les parties – apprentis, entreprises, centres de formation – profitent des opportunités offertes à l’échelle européenne par le programme Erasmus Pro. Il représentait la première pierre de tout un édifice !
Je remercie également Michel Forissier,…
M. Philippe Bas. Ah !
Mme Frédérique Puissat. … ancien sénateur du Rhône, pour lequel j’ai une pensée. Il avait aménagé le dispositif au travers de la loi du 5 septembre 2018 afin d’en étendre la portée et d’en faciliter le déploiement. Ce texte représentait la deuxième pierre de l’édifice !
Nous avons trouvé encourageantes de telles fondations : l’agence Erasmus+ a estimé que, en 2018-2019, 6 870 alternants ont été soutenus par le programme pour effectuer un séjour à l’étranger contre 5 300 en 2016-2017, soit une hausse de plus de 30 % en deux ans.
Cela étant, des progrès restaient à accomplir. L’Igas avait constaté que la mobilité des apprentis restait essentiellement une mobilité de court terme et qu’elle demeurait très au-dessous de la mobilité des apprenants de l’enseignement supérieur, estimée à 16 % ou 17 %.
Il ressort également de vos travaux, madame le rapporteur, que le développement des mobilités des alternants n’a pas suivi l’augmentation significative du nombre de contrats d’apprentissage, lesquels sont passés de 321 000 en 2018 à 842 000 à la fin de septembre 2023. Vos travaux permettront donc de lever d’autres freins : juridiques, administratifs et académiques. Vous apportez une troisième pierre à l’édifice, ce dont nous vous en remercions. Bien entendu, notre groupe ira dans le sens du développement de l’apprentissage, que vous proposez.
M. Philippe Bas. Bravo !
Mme Frédérique Puissat. Je profite néanmoins du temps qui m’est imparti pour vous interpeller, madame le ministre. Une fois les pierres posées et les freins levés, encore faut-il trouver comment financer l’apprentissage ! Nous rencontrons en la matière – vous le savez – plusieurs difficultés majeures.
Premièrement, l’équilibre financier de France Compétences nous préoccupe. Nous avons fait des propositions à ce sujet dans l’hémicycle lors de l’examen du projet de loi de finances. Elles n’ont pas été retenues par le Gouvernement dans le texte issu du 49.3. Nous souhaitons que le problème soit définitivement résolu.
Deuxièmement, Catherine Di Folco, avec qui je m’en suis entretenu tout à l’heure, a posé la question de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.
Troisièmement, l’équilibre de l’Unédic – nous en avons parlé – est un véritable sujet : une partie de sa dette est liée aux travailleurs frontaliers. L’article 3 bis, qui vise à ratifier l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier, creusera nécessairement, même si c’est de peu, cette dette. En tout état de cause, l’audition menée dans le cadre de la commission des affaires sociales ne nous a pas apporté d’informations pour disposer d’une appréciation financière. Nous attendons donc un certain nombre d’éclaircissements en la matière.
Il restera donc important, madame le ministre, d’éclairer le Parlement sur ces points. Nous serons ainsi véritablement satisfaits tout comme, dès lors que cette loi sera votée, nous serons tous fiers de soutenir l’apprentissage en France et hors de nos frontières, auquel nous croyons. Je remercie enfin notre rapporteur pour son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les expériences sont ce qui nous forge. À tout âge, peut-être encore davantage lorsque l’on est jeune, la découverte, l’inconnu et l’apprentissage au sens large façonnent notre esprit. Les expériences à l’étranger en sont le meilleur exemple. Nous connaissons tous un jeune qu’une mobilité Erasmus a changé et a contribué à faire grandir.
Ce programme est un succès. Il a permis aux 10 millions d’Européens qui en ont bénéficié depuis sa création de développer leurs compétences linguistiques, de découvrir une autre culture, de gagner en autonomie et d’apprendre d’autres savoir-faire professionnels. Tout cela favorise évidemment l’emploi des jeunes.
La réforme de l’apprentissage, issue de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, a été une première pierre en faveur de la mobilité internationale des alternants. Or les freins demeurent encore trop nombreux, si bien que seuls 2 % des apprentis auraient effectué une mobilité en 2019, contre plus de 17 % des étudiants de l’enseignement supérieur.
Pourtant, l’apprentissage a connu une évolution formidable durant le dernier quinquennat : le nombre de contrats est passé de 320 000 en 2018 à plus de 800 000 en 2022. Cette dynamique a largement contribué à la diminution du taux de chômage.
En effet, l’apprentissage est un atout fabuleux qui permet de concilier la découverte du monde professionnel avec la poursuite des enseignements. Terminer ses études en ayant déjà acquis une véritable expérience professionnelle est une force qui facilite indiscutablement l’insertion sur le marché du travail.
Il nous faut évidemment continuer à soutenir ce dispositif. Le soutien à l’apprentissage passe notamment par le développement de la mobilité, qui contribue à renforcer l’attractivité des formations. Dès lors, par cette proposition de loi, nous prenons acte d’un certain nombre de freins.
Le premier frein est la mise à disposition. Actuellement, lors d’une mobilité, qui ne peut excéder un an, le contrat d’alternance est mis en veille. Dans ce cas, l’employeur est alors libéré de toutes ses obligations, notamment en matière de rémunération, ce qui peut faire peser des incertitudes sur l’apprenti et sur son CFA. Une mise à disposition, qui permet le maintien de l’exécution du contrat de travail avec l’employeur français, est seulement possible pour une durée maximum de quatre semaines.
Le deuxième frein est d’ordre financier, car les opérateurs de compétences ne prennent pas tous en charge de la même façon les frais liés à une mobilité. Ce soutien demeure très souvent insuffisant.
Le troisième frein est la méconnaissance par les alternants eux-mêmes de la possibilité d’effectuer un séjour à l’étranger.
Cette proposition de loi lèvera ces difficultés. Premièrement, elle a pour objet d’offrir un droit d’option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition, en supprimant la limite de quatre semaines. Cette suppression accordera plus de flexibilité aux alternants. Le texte supprime également la condition de durée minimum de six mois pour effectuer une mobilité grâce à un contrat d’apprentissage.
Deuxièmement, la proposition de loi permet aux CFA de conclure des conventions de partenariat avec les organismes de formation étrangers et supprime ainsi l’obligation de conventions individuelles pour les apprentis. Cette mesure de simplification et d’allégement administratifs va évidemment dans le bon sens.
Enfin, le présent texte concourt à l’harmonisation de la prise en charge des frais par les opérateurs de compétences en rendant obligatoire la prise en charge des frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité.
Sans doute serait-il nécessaire de procéder à une véritable harmonisation entre les Opco. Avec cette proposition de loi, nous n’en franchissons pas moins un premier pas, qui a toute son importance.
L’apprentissage est une force ; Erasmus est une chance. Il est absolument indispensable de concilier les deux pour l’avenir professionnel de nos jeunes.
Cette proposition de loi contient des avancées pratiques et pertinentes, qui contribueront au développement de la mobilité internationale des alternants. Les élus du groupe Les Indépendants en soutiennent pleinement l’esprit. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Bernard Buis et Michel Masset applaudissent également.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de débattre de cette proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un Erasmus de l’apprentissage.
Comme vous le savez, Jean Arthuis n’y est pas étranger : je suis donc d’autant plus heureuse de m’exprimer à cette tribune ! (Sourires.) Notre ancien collègue a mené un combat acharné, non seulement pour la reconnaissance et le développement de l’alternance, mais aussi en faveur des idéaux européens, qui me sont chers également.
Je tiens à remercier le président de notre commission, Philippe Mouiller, et notre rapporteure, Patricia Demas, qui a travaillé avec rigueur et sensibilité.
En 2017, dans son discours à la Sorbonne, le Président de la République a affiché cette ambition : que, d’ici à 2024, la moitié d’une classe d’âge ait passé « au moins six mois dans un autre pays européen ».
À ce titre, les alternants ne doivent pas être oubliés. C’est indispensable de les prendre en compte pour atteindre l’objectif fixé : ces jeunes doivent eux aussi bénéficier des programmes de mobilité.
Le programme d’échanges européen Erasmus+ a évalué à 10 000 le nombre d’alternants en mobilité en 2022, quand la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dénombrait 837 000 nouveaux contrats d’apprentissage. Pis, selon le rapport de notre collègue député Sylvain Maillard, seuls 933 alternants sont partis plus d’un mois hors de France en six ans ; la marge de progression est donc immense.
Le présent texte a pour objectif de lever certains freins d’ordre juridique et financier au développement de la mobilité internationale des alternants. Il répond aux attentes de ces jeunes apprentis en suivant trois grands axes : le dynamisme, la flexibilité et la simplification des procédures.
Tout d’abord, cette proposition de loi mise sur le dynamisme.
Une formation à l’étranger permettra à ces jeunes de développer de nouvelles aptitudes, qu’ils pourront mettre en avant pour entrer plus facilement sur le marché du travail. Rappelons que 60 % des jeunes issus d’un lycée professionnel sont sans emploi six mois après la fin de leurs études. Ce chiffre m’a particulièrement émue.
Le dynamisme étudiant que propose ce texte répond pleinement aux prérogatives chères à l’Union européenne, autour de la mobilité. Permettons à ces jeunes d’en profiter ; ceux-là mêmes pour qui les institutions européennes semblent parfois si lointaines, voire dénuées d’intérêt. Notre responsabilité est de leur prouver que l’Europe appartient à tous. J’ajoute que les référents mobilité accompagneront opportunément les jeunes apprentis.
Ensuite, le présent texte est gage de flexibilité.
Facilitons pour les apprentis, leurs entreprises et les établissements de formation les modalités de séjour à l’étranger. Offrons-leur les outils administratifs et juridiques pour y parvenir.
Cette proposition de loi crée un droit d’option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l’alternant : si l’entreprise souhaite garder l’étudiant sous son égide, elle pourra signer une mise à disposition à cette fin.
Qu’elle soit financière, sociale ou même professionnelle, la sécurité qui en résultera poussera un peu plus ces jeunes à suivre un cursus à l’étranger. Nous favoriserons ainsi le sentiment d’un destin commun européen.
Enfin, la simplification est omniprésente dans ce texte et elle ne signifie pas « déconvention », loin de là.
Cette proposition de loi supprime l’obligation pour les alternants en mobilité internationale de conclure une convention individuelle de mobilité avec l’organisme de formation qui les accueille, dès lors qu’une convention de partenariat existe entre le CFA et ledit organisme.
Cette mesure aidera à réduire la charge administrative des CFA. En outre, elle les encouragera à nouer des partenariats avec des organismes de formation à l’étranger. En ce sens, le présent texte simplifie les modalités de conventionnement tout en assurant une véritable protection pour nos jeunes.
Mes chers collègues, cette proposition de loi rend prioritaires les enjeux de la démocratisation de la mobilité. Elle complète le texte de 2018 tout en levant certains freins.
Il s’agit là d’une véritable avancée politique en faveur de nos apprentis. Saisissons la chance qui nous est offerte ! Les membres du groupe Union Centriste voteront sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue cette proposition de loi, qui tend vers une meilleure application du principe fondateur de l’égalité républicaine.
Le programme Erasmus est l’un des plus grands succès de l’Union européenne. Il a déjà bénéficié à plus de 13 millions de jeunes ; mais, malheureusement, il reste inégalitaire.
Alors que les apprentis regroupent environ 28,5 % des étudiants et des étudiantes de France, ils et elles ne représentent que 10 % des jeunes bénéficiant d’Erasmus.
Le présent texte lève certains des freins administratifs qui nuisent au développement de la mobilité internationale des apprentis : c’est sans aucun doute une bonne chose.
Parce qu’ils croient en l’Europe et parce que le programme Erasmus permet aux jeunes de vivre ensemble au-delà de leurs cultures, les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires soutiennent le présent texte. Mais, si ce dernier va dans le bon sens, il doit s’accompagner d’un soutien financier renforcé aux étudiantes et aux étudiants.
Je l’ai dit hier et je le répète : nous avons défendu la semaine dernière une proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études.
Ce texte n’a pas eu le succès que nous attendions, avec son auteure Monique de Marco et les organisations étudiantes. Mais il nous a permis d’exprimer une préoccupation commune quant à l’augmentation de la précarité des jeunes, que ce soit au sein de la commission des affaires sociales ou encore – je le crois – de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et, maintenant, du sport.
Il est apparu clairement que le Sénat devait continuer à travailler sur ce sujet, je l’espère dans le cadre d’une mission d’information. Le Gouvernement doit lui aussi remettre l’ouvrage sur le métier ; j’en veux pour preuve le peu de réponses apportées sur ce sujet par Mme Retailleau.
La précarité touche les étudiantes et les étudiants, y compris au titre des mobilités internationales. De fait, les séjours longs à l’étranger s’adressent principalement aux plus favorisés.
Je salue la demande de rapport formulée à l’article 3 bis afin de dresser un état des lieux des bourses. Cette disposition a été introduite sur l’initiative du groupe écologiste de l’Assemblée ; et, faisant une exception à la règle, Mme la rapporteure, que je salue, l’a conservée dans le texte de la commission.
S’il nous parvient, comme je l’espère, ce rapport nous permettra d’y voir plus clair quant aux aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger.
Force est de le constater : pour que tous les étudiants et toutes les étudiantes puissent se former à l’étranger, il faut aussi augmenter les bourses de mobilité. Sinon, nous exclurons de facto les trois quarts d’entre eux.
Madame la ministre, j’espère que vous entendrez cet appel. Qui sait ? Peut-être le Gouvernement aura-t-il la bonne idée de transférer les 160 millions d’euros du service national universel (SNU) aux bourses de mobilité Erasmus+ ? Ces crédits seraient bien plus raisonnablement employés ainsi.
En résumé, si nous déplorons l’absence de mesures à même de déployer un fort soutien financier, le présent texte facilitera la mobilité internationale des alternants en levant un certain nombre de freins administratifs.
Le programme Erasmus est une chance ; nous devons faire en sorte que tous les jeunes puissent en bénéficier, quelles que soient leurs conditions socio-économiques.
Comme l’a dit Mme Doineau, la marge de progression est immense. Il serait bon que tous les étudiants et tous les apprentis français puissent passer au moins un an à l’étranger avant de commencer à travailler. C’est ce que pratiquent nombre de nos voisins européens. Par ces temps de repli où nous vivons, ce serait tout simplement salutaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de débattre avec vous d’un projet européen qui, selon moi, est des plus positifs, car il permet d’échapper à la logique de marché de l’Union européenne : il s’agit bien sûr du dispositif Erasmus.
Outil d’émancipation, de coopération et de brassage culturel, ce programme est aux antipodes des négociations menées aujourd’hui même par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’immigration.
Aussi cette proposition de loi pour un Erasmus de l’apprentissage, déposée par un membre de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, me met-elle profondément mal à l’aise.
Nous en débattons alors que, de l’aveu d’une députée du même groupe parlementaire que l’auteur de ce texte, l’exécutif s’emploierait à « offrir un plateau d’argent » à l’extrême droite.
Parmi ces mesures, citons l’exigence du dépôt préalable d’une « caution retour » pour les étudiants désireux de poursuivre leurs études en France.
Dénoncé fermement par France universités dans un communiqué paru il y a deux jours, le dépôt d’une telle caution condamnerait les étudiants hors de l’Union européenne à se détourner de la France pour poursuivre leurs projets de formation. L’accueil d’étudiants internationaux dans les cursus scientifiques ou d’ingénierie est pourtant indispensable au développement industriel de la France.
Le Gouvernement accroît pour nos apprentis les moyens de se former à l’étranger tout en restreignant pour les jeunes étrangers les possibilités d’étudier en France : ce « en même temps » est une contradiction profonde, qui nous éloigne de la tradition d’ouverture de la France en matière d’accueil d’étudiants internationaux. Il va à l’encontre de l’esprit de coopération culturelle et scientifique qui distingue le programme Erasmus lui-même.
En outre, le rôle que le Gouvernement attribue à l’apprentissage doit être examiné à l’aune des réformes à l’œuvre pour démanteler l’enseignement professionnel public.
Fruit d’un raisonnement utilitariste, ces réformes ont subordonné les enseignements généraux aux stricts besoins professionnels et, plus globalement, le lycée professionnel aux besoins des décideurs locaux et du patronat.
La réforme Attal de la voie professionnelle ne fait que calquer la filière professionnelle tout entière sur le modèle des CFA, qui sont au service des entreprises. Elle orchestre l’orientation de jeunes de 15 ans vers les métiers les plus pénibles et les moins valorisés de ce pays en les rémunérant 2,80 euros de l’heure…
Cette proposition de loi a bel et bien un mérite : favoriser l’égalité d’accès à Erasmus entre les alternants, d’une part, et, de l’autre, les étudiants de l’enseignement supérieur. Toutefois, nous ne sommes pas dupes.
Le présent texte ne saurait cacher la réforme de la voie professionnelle, qui cautionne la ségrégation sociale et accentue la polarisation de notre pays : on trouve, d’un côté, des exécutants souvent mal payés, aux conditions de travail difficiles ; et, de l’autre, des métiers exigeant des études supérieures toujours moins accessibles, lesquelles seraient même d’emblée réservées aux classes les plus aisées.
Enfin, je souhaite vous faire part des grandes réserves que m’inspire la logique du « tout-apprentissage », du CFA au bac+5.
Le coût de cette politique pour les finances publiques est proprement abyssal. On a ainsi mobilisé 5,9 milliards d’euros pour France Compétences en 2022.
Elle n’est que peu favorable aux jeunes, puisque près d’un tiers des contrats d’apprentissage se terminent avant leur terme et que près d’un quart desdits contrats se soldent par un abandon définitif sans diplôme.
J’ajoute qu’elle reproduit les inégalités du marché du travail. Comme le pointe le sociologue Gilles Moreau, l’apprentissage accueille toujours aussi peu de filles – ces dernières ne représentent que 30 % des effectifs d’apprentis – et ne concerne que très peu d’enfants issus de l’immigration.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.
Bien entendu, nous sommes totalement favorables à la mobilité de nos jeunes, en Europe ou ailleurs. Mais, à nos yeux, la véritable urgence est de renforcer les enseignements de la voie professionnelle, notamment les langues : un tel effort serait on ne peut plus pertinent avant d’envoyer nos jeunes en formation à l’étranger.
De plus, nous sommes favorables à une allocation d’autonomie pour les étudiants et apprentis. Proposé par nos collègues du groupe écologiste, ce dispositif sera plus efficace pour favoriser les séjours internationaux qu’un mécanisme complexe censé lever les freins à la mobilité des apprenants. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, infatigable défenseur de la mobilité longue des apprentis en Europe, Jean Arthuis aime à rappeler que les apprentis doivent, eux aussi, pouvoir parler une autre langue que leur langue maternelle, aller à la rencontre du monde, découvrir d’autres cultures et développer une capacité d’adaptation, ainsi qu’une plus grande indépendance.
Créé en 1987, le programme Erasmus est certainement l’un des grands symboles de la construction européenne. Depuis trente-six ans, il a permis à des millions de jeunes Européens de partir dans un autre pays d’Europe pour y effectuer des études ou un stage. Dans ce cadre, près de 600 000 étudiants partent à l’étranger chaque année : c’est indéniablement un succès.
En revanche, bien qu’ils puissent théoriquement accéder à ce programme depuis 1995, les apprentis sont bien trop peu nombreux à en bénéficier, et nous savons pourquoi.
Tout d’abord, la mobilité internationale des alternants se heurte à des obstacles juridiques : pour ce qui concerne les contrats d’apprentissage, il existe autant de législations que de pays européens.
Ensuite, les freins sont d’ordre financier : au-delà de quatre semaines, l’apprenti perd son salaire. Dans ces conditions, il peut difficilement assurer son autonomie.
Par ailleurs, ils sont académiques : on déplore un manque de reconnaissance des acquis dans les établissements d’accueil à l’étranger.
Enfin, ils sont psychologiques : les jeunes dont il s’agit sont souvent inquiets de partir dans un pays dont ils ne maîtrisent pas la langue.
Le présent texte vise à lever un certain nombre de ces obstacles pour favoriser les mobilités longues, qui sont sans aucun doute les plus bénéfiques. C’est une très bonne chose.
Grâce à une immersion de plusieurs mois, les apprentis découvrent d’autres cultures, se donnent la possibilité de maîtriser une autre langue, acquièrent une certaine maturité et prennent confiance en eux.
Pour reprendre les mots de Thierry Marx, la mobilité internationale « offre aux jeunes une clé sur le monde ». Au-delà de l’expérience humaine, elle leur permet de développer des compétences transversales, des savoir-faire et des savoir-être utiles dans de nombreux métiers.
Il n’y a pas si longtemps, l’apprentissage était encore considéré en France comme une voie de garage ; et, bien qu’il ait fait ses preuves, il pâtit encore trop souvent d’une mauvaise image, même s’il faut saluer une nette amélioration.
Cette filière a toujours été le chemin de l’excellence de l’art. Elle a toujours été un véritable tremplin vers l’emploi.
Donner à ces jeunes les moyens de partir à l’étranger, c’est leur permettre d’acquérir une valeur ajoutée indéniable.
Comme le rappelle l’inspection générale des affaires sociales dans son rapport de décembre 2022, le cadre juridique de la loi du 5 septembre 2018 a très fortement limité les mobilités supérieures à quatre semaines. En effet, au terme de cette période, l’apprenti cesse d’être rémunéré : il ne peut donc plus compter que sur ses propres ressources. À l’inverse, en Allemagne ou au Danemark, l’apprenti ne subit pas de perte de salaire. Cette situation est d’autant plus regrettable que les apprentis sont majoritairement issus de milieux modestes.
Aussi, je me félicite que cette proposition de loi rende optionnelle la mise en veille de certaines clauses du contrat d’apprentissage jusqu’à présent obligatoire pour les mobilités de plus de quatre semaines. Il fallait corriger ce point.
Par ailleurs, le présent texte assouplit l’obligation de signer une convention individuelle de mobilité dans le cas où une convention de partenariat préexiste entre les organismes de formation français et étranger.
Il permet également aux apprentis de bénéficier d’une couverture minimale gratuite, quel que soit le pays.
De surcroît, je me félicite que l’Assemblée nationale ait permis aux apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une mobilité en France de déroger à la limite d’âge de 29 ans.
Madame la ministre, vous l’avez rappelé : la mobilité internationale de nos apprentis ne peut être envisagée au seul prisme du droit national.
Je n’oublie pas que seul un faible nombre d’apprentis luxembourgeois effectuent une mobilité en France, notamment en zone frontalière. C’est là un sujet que vous connaissez parfaitement.
On peut regretter que le mouvement se fasse presque exclusivement de la France vers le Luxembourg.
Nombre d’employeurs français, comme Renault à Batilly, qui assure l’assemblage du master E-Tech, ou encore Le Bras Frères, entreprise d’exception qui réalise la charpente de Notre-Dame, auraient beaucoup à offrir aux apprentis luxembourgeois. Nous aurions tout à y gagner : nous pourrions valoriser nos entreprises et nos savoir-faire tout en garantissant des flux plus équilibrés entre nos deux pays.
Ce texte est une étape importante pour le développement de la mobilité internationale des apprentis. Il faudra poursuivre les efforts, notamment – je le souligne à mon tour – en améliorant le financement et en poursuivant la professionnalisation des référents mobilité, personnages clés pour atteindre l’objectif de mobilité.
Dans cet esprit, les élus du RDSE apporteront un soutien sans réserve à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage ».
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je remercie notre rapporteure, Patricia Demas, de la qualité de ses travaux et du souci de précision avec lequel elle a mené ses recherches et auditions ; un grand merci, ma chère collègue !
Je remercie également les services de notre assemblée, qui ont travaillé dans des conditions parfois difficiles ; merci de leur implication !
Madame la ministre, cette proposition de loi ayant désormais été votée conforme, il revient au Gouvernement et aux organisations professionnelles de la faire vivre !
Il s’agit de déployer les référents mobilité dans l’ensemble du territoire national, mais également d’informer partout en France les jeunes apprentis sur les possibilités offertes par les mobilités internationales, au moyen d’une véritable communication. C’est essentiel !
Nous avons adopté le texte, à vous d’en appliquer les dispositions, de sorte que dans un an ou deux la commission des affaires sociales puisse en évaluer les résultats.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-deux, est reprise à seize heures cinquante-quatre.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Respect du droit à l’image des enfants
Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (proposition n° 27, texte de la commission n° 199, rapport n° 198).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes de nouveau réunis pour débattre d’un sujet primordial : la protection et le respect du droit à l’image des enfants.
Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de préserver leur vie privée dans une société où l’image et les réseaux sociaux ont pris une place prépondérante. Nous faisons tous également le même constat, aujourd’hui, du tsunami que le développement du numérique a représenté, et dont nous n’avons pas mesuré toutes les implications.
Avant ses 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d’enfants de 0 à 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook et la moitié d’entre eux partagent des photos avec des amis virtuels, qu’ils ne connaissent pas vraiment.
En ce qui concerne le fléau de la pédocriminalité, je rappelle que, en 2020, 50 % des images qui s’échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.
Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents posent la question du droit à l’oubli et de l’identité numérique.
À la lumière de ces éléments, on comprend immédiatement l’urgence de voter enfin cette proposition de loi ; et je remercie de nouveau le député Bruno Studer d’en avoir pris l’initiative.
Nous avons tous saisi l’intérêt pédagogique du texte qu’il propose. Celui-ci vise non pas à bouleverser l’état du droit, mais à sensibiliser les parents sur les effets nocifs d’une mauvaise utilisation des images de leurs enfants déversées sur internet et sur leur rôle primordial de préservation de cette image, au même titre que la sécurité ou la santé.
Ce qui fait débat aujourd’hui est non pas l’objectif que l’on vise, mais les modalités qui doivent entourer la protection de la vie privée des enfants.
Après une lecture devant chaque chambre, et la commission mixte paritaire n’ayant pas abouti à un compromis au mois de mai dernier – cela arrive (Sourires.) –, la proposition de loi a été adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale de manière transpartisane le 10 octobre dernier. En dépit d’efforts des deux chambres pour parvenir à une rédaction commune, quelques points de discordance demeurent.
Permettez-moi un instant de saluer l’important travail de convergence menée par la rapporteure Isabelle Florennes, que je suis particulièrement heureux de retrouver sur les travées de votre Haute Assemblée après avoir eu la chance de travailler avec elle à l’Assemblée nationale.
Il s’agit de son premier rapport en tant que sénatrice et elle démontre d’emblée son attachement au dialogue parlementaire constructif dans le sérieux qu’impose le travail législatif. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée.
Mme Anne-Catherine Loisier. Bravo !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Venons-en à l’examen plus précis du texte.
Tout d’abord, l’article 1er avait un objet clair : rappeler qu’il appartient aux parents de s’assurer non seulement de la sécurité, de la santé et de la moralité de l’enfant, mais également de la protection de leur vie privée.
Être parent au XXIe siècle n’est pas la même chose qu’être parent au siècle dernier. À une époque où les contenus numériques peuvent être diffusés ou conservés facilement et indéfiniment, les adultes que nous sommes doivent avoir conscience que diffuser des images ou des vidéos de leurs enfants dès leur plus jeune âge expose leur vie privée, dès aujourd’hui et pour longtemps. Aussi, je regrette que votre commission ait fait le choix de supprimer cet article.
À l’article 2, votre commission des lois a retenu une partie de la nouvelle rédaction de l’article 372-1 du code civil, proposée par les députés, en ne gardant que le rappel du principe selon lequel les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant.
Si votre proposition permet d’introduire dans le code civil le droit à l’image comme les députés l’ont proposé, il me semble cependant dommage d’abandonner le renvoi à l’article 9 du code civil et au respect du droit à la vie privée.
Je retiens, par ailleurs, votre argument selon lequel il n’est pas inutile de rappeler que les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image selon son âge et son degré de maturité, car cela est déjà prévu à l’article 371-1 du code civil.
L’article 3 de la proposition de loi ne comporte plus qu’un II, puisque vous avez pris acte de la suppression par l’Assemblée nationale en deuxième lecture d’un dispositif inapplicable en pratique. Il s’agissait en effet de subordonner à l’accord des deux parents la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant. C’est un choix pragmatique qui permet d’éviter les difficultés auxquelles n’auraient pas manqué d’être confrontés les parents, mais aussi les écoles, associations sportives et autres lieux d’accueil des enfants chaque fois qu’ils auraient publié des images des enfants sur leur site.
La seconde partie de l’article 3 est en voie de stabilisation. Néanmoins, elle a été modifiée par la commission des lois pour permettre la saisine du juge aux affaires familiales même sans désaccord des deux parents sur la diffusion au public d’un contenu relatif à la vie privée de l’enfant. Cela aura pour conséquence de permettre une intervention du juge aux affaires familiales en dehors d’un conflit parental.
Or je vous alerte sur ce point : le juge aux affaires familiales n’est pas le juge des enfants. Certes, il veille à la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant ; toutefois il intervient non pas pour protéger l’enfant, mais pour résoudre un conflit sur l’exercice de l’autorité parentale. Il n’est donc pas opportun, à mon sens, d’apporter une confusion quant à l’office du juge aux affaires familiales.
Enfin, la commission des lois a de nouveau supprimé l’article 4, qui propose une nouvelle rédaction de l’article 377 du code civil. Il s’agissait pourtant de compléter les conditions dans lesquelles l’autorité parentale peut faire l’objet d’une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l’enfant, de crimes d’un parent sur l’autre parent ou d’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale.
Il serait aussi dorénavant prévu qu’une délégation partielle pourrait être prononcée lorsque la diffusion de l’image de l’enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale.
Ce nouveau dispositif, porté avec conviction par l’auteur de cette proposition de loi, apportait une protection concrète et proportionnée à l’enfant confronté aux risques d’atteintes graves à son image. Il constituait une avancée significative. Aussi, je regrette que cet article ne soit pas conservé par votre Haute Assemblée.
L’article 5 a également été modifié par votre commission des lois, afin d’étendre à l’outre-mer le champ d’application de cet article de la proposition de loi. Cela permettra d’uniformiser le nouveau régime visant à assouplir les conditions de saisine du juge des référés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Je suis réservé sur l’introduction de ce nouveau régime, mais s’il doit voir le jour, il faut bien entendu l’étendre à l’outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de ces quelques réserves, je ne doute pas que vos deux assemblées puissent trouver prochainement un compromis rédactionnel sur chacun de ces articles,…
Mme Audrey Linkenheld. C’est facile…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … car nous avons, mesdames, messieurs les sénateurs, une ambition commune : mieux protéger nos enfants en adaptant nos règles à la société, car c’est elle qui fait le droit et pas l’inverse ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, les droits de l’enfant ne sont pas toujours respectés dans le monde réel ; malheureusement, ils ne le sont pas plus dans le monde numérique, où ils sont trop souvent virtuels.
La surexposition des enfants sur les réseaux sociaux porte trop souvent atteinte à leur sécurité, à leur santé, à leur moralité ainsi qu’à leur vie privée. Parfois c’est de leur fait, d’autres fois, c’est parce que les parents n’ont pas adopté des usages raisonnés de ce monde numérique.
Pourtant, dans la vie réelle, dans chacune des activités de nos enfants mineurs, le lycée, le club de sport, ou le conservatoire nous demandent de signer une autorisation d’exploitation de leur droit à l’image.
Dans la vie réelle, aucun d’entre nous n’aurait l’idée de distribuer des photos de nos enfants à des inconnus dans la rue ni même de les présenter à de potentiels pédocriminels !
C’est pourtant de cela qu’il s’agit aujourd’hui.
Le monde numérique est une chance pour nos enfants, si, et seulement si, comme dans le monde physique, il est régi par le droit, en ce compris le droit des enfants et particulièrement le droit à l’image.
Parce qu’aujourd’hui, la question du droit à l’image des enfants est fondamentale, la responsabilité des parents doit être considérée comme primordiale sur ce point.
Vous avez la possibilité de répondre à cet enjeu de la meilleure des manières, en insérant au travers de cette proposition de loi dans le cœur de notre droit national, le code civil, le droit à l’image numérique des enfants, et en intégrant une des notions les plus essentielles de notre droit, l’autorité parentale, qui est « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », selon l’article 371-1 du code civil.
Des droits et des devoirs : voilà, en résumé, l’enjeu du texte que vous examinez aujourd’hui !
Le numérique, les réseaux sociaux donnent aux parents l’impression, l’illusion que leurs droits sont infinis : le droit d’être fiers de leurs enfants – c’est tout à fait positif –, mais aussi malheureusement le droit de se moquer ou de rire de ses enfants, de jouer avec l’image de ses enfants, ou encore le droit de gagner de l’argent avec l’image de ses enfants.
Or les parents ont aussi la responsabilité et le devoir d’éduquer et de protéger leurs enfants. En ligne, beaucoup sont encore trop imprudents, voire abusent !
Je suis effarée – et je sais que vous l’êtes - par le nombre de parents influenceurs qui utilisent l’image de leurs petits enfants pour obtenir toujours plus de likes, toujours plus d’abonnés.
Pourquoi ? M. le garde des sceaux l’a rappelé : en moyenne, plus de 1 300 images de chaque enfant de 13 ans circulent sur internet ! Ces photos sont publiées, partagées, repartagées dans une communauté de parents. Or 50 % des images d’enfants retrouvées sur les ordinateurs des personnes mises en cause pour pédocriminalité sont des images du quotidien, détournées ou utilisées en images pédopornographiques !
Cela signifie que l’image de nos enfants peut être utilisée à des fins illicites et très concrètement abominables.
Nous avons pu le mesurer le 20 novembre dernier avec la Première ministre et le ministre de l’intérieur, lors de la visite du nouvel Office mineurs (Ofmin). L’exposition des images issues des réseaux sociaux, détournées par les pédocriminels et diffusées sur des sites à caractère pédophile, est une prise de risque réelle que les parents ne mesurent pas.
Exposer son enfant lorsqu’il n’a pas l’âge de prendre des décisions de façon autonome contrevient parfois clairement à son intérêt ; bien que moins grave, ce problème demeure très important !
Aucun enfant devenu adolescent ne peut se réjouir de retrouver des photos de lui ridicules de son anniversaire de 4 ans. Aucun enfant n’est protégé, comme nous l’avons dit, de ces images détournées. Aucun enfant n’est à l’abri de négligence quand ses parents l’utilisent comme un objet de communication.
Grâce à l’adoption de cette proposition de loi, les abus pourront donc être sanctionnés, les différends entre les parents tranchés.
Face à l’évolution des usages numériques et des réseaux sociaux, nous devons encore renforcer notre entreprise en faveur de la protection des enfants, et je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous avons travaillé sur le contrôle parental par défaut, encadré le travail des enfants dits « influenceurs », fixé la majorité numérique à 15 ans et avancé sur le contrôle de l’âge à l’entrée des sites pornographiques.
Le Sénat est de tous les combats, soyez également de celui-ci, mesdames, messieurs les sénateurs !
Par cette proposition de loi, renforcez une nouvelle fois l’autorité parentale au sein d’une société qui a choisi de faire du numérique l’un des piliers de notre vie en communauté.
En cohérence avec les principes que vous avez soutenus depuis 2020, vous contribuerez à la défense d’une cause, qui plus que toute autre, rassemble dans cet hémicycle et même en dehors : la protection des enfants dans la vie réelle comme dans la vie virtuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Masset et Mme Olivia Richard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’avait relevé notre collègue Valérie Boyer, rapporteure de ce texte en première lecture, l’ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur, à la fois pour les familles et pour les institutions, en particulier en matière d’éducation et de santé publique.
Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse s’est d’ailleurs récemment inquiété de l’émergence d’une catastrophe sanitaire et éducative.
Dans ces conditions, nous regrettons l’absence d’une initiative gouvernementale d’envergure ; nous n’avons à examiner qu’une succession de propositions de loi cantonnées à diverses thématiques, le droit à l’image n’en étant qu’une parmi d’autres.
Cela étant rappelé, le Sénat a choisi d’adopter en première lecture une approche constructive vis-à-vis de la présente proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, approche que la commission des lois vous invite à conserver, mes chers collègues.
En commission mixte paritaire, comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat se sont cristallisées sur deux points principaux.
Le premier point de désaccord portait sur l’exigence d’un accord des deux parents pour toute diffusion de contenus relatifs à la vie privée de leur enfant sur internet. Par l’introduction de cette disposition, à l’article 3, Valérie Boyer avait souhaité inciter les parents à réfléchir ensemble avant de poster une photo de leur enfant sur un réseau social, compte tenu des risques de réutilisation ultérieure, que vous avez relevés, madame la secrétaire d’État.
Le second point de divergence concernait l’article 4, qui, dans le texte initial, instaurait une délégation forcée à un tiers de l’exercice du droit à l’image de l’enfant, en cas d’atteinte grave à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci. Le Sénat avait supprimé cet article, les députés souhaitant pour leur part son maintien.
Si l’Assemblée nationale a légèrement fait évoluer son texte en nouvelle lecture pour tenir compte, à la marge, de certaines remarques du Sénat, elle a toutefois maintenu sa position sur des dispositions problématiques à nos yeux.
En conséquence, la commission des lois a fait le choix, en nouvelle lecture, de prendre acte de ces désaccords de fond et de recentrer le texte sur la protection du droit à l’image des enfants.
Elle a tout d’abord supprimé l’article 1er, car elle ne souhaite pas ériger le respect de la vie privée de l’enfant au même niveau que la protection de sa sécurité, de sa santé et de sa moralité. Cette suppression paraît d’autant plus justifiée que l’article 9 du code civil consacre d’ores et déjà le droit de chacun au respect de sa vie privée.
À l’article 2, la commission a accepté de faire figurer dans le code civil, sous une formulation simple et pédagogique, l’obligation des parents de protéger en commun le droit à l’image de leur enfant, afin de les sensibiliser aux dangers qu’emporte l’exposition de leurs enfants sur les réseaux sociaux.
Je note que serait ainsi inscrite pour la première fois dans le code civil la notion de « droit à l’image », qui n’est aujourd’hui qu’une construction jurisprudentielle.
À l’article 3, la commission a renoncé à réintroduire l’exigence d’un accord des deux parents pour la diffusion publique d’un contenu relatif à la vie privée d’un enfant.
Il s’agit d’un choix cohérent avec la position exprimée par le Sénat lors de l’examen de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ce texte dispose en effet que l’accord d’un seul titulaire de l’autorité parentale suffit pour qu’un enfant de moins de 15 ans puisse s’inscrire sur un réseau social, cet acte étant considéré comme usuel. Il ne nous a pas semblé logique de créer une différence de traitement entre ces deux situations, sachant que l’inscription à un réseau social n’est souvent que le préalable à la diffusion de photos.
La commission a en revanche accepté de préciser les pouvoirs du juge aux affaires familiales, qui pourra interdire à un parent la diffusion d’un contenu relatif à l’enfant sans l’accord de l’autre parent ; nous avons inscrit dans le texte que ces pouvoirs devraient s’exercer dans le but d’assurer la protection du droit à l’image de l’enfant. En effet, le rôle des parents n’est pas tant d’exercer le droit à l’image de leur enfant que de le protéger.
La commission a supprimé l’article 4, maintenant ainsi la position adoptée par le Sénat en première lecture. Non seulement la délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant lorsque la diffusion de l’image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ne paraît pas opérante, mais elle soulève des difficultés juridiques.
Enfin, l’article 5, introduit en première lecture par le Sénat, a été conservé par la commission dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Cette nouvelle rédaction précise la disposition, adoptée par le Sénat, permettant à la Cnil d’agir en référé pour protéger plus efficacement les données personnelles des mineurs.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à adopter le texte issu des travaux de notre commission, qui expriment la préoccupation du Sénat à assurer la protection du droit à l’image des enfants sur internet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour la nouvelle lecture de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.
Nous sommes pleinement conscients que le recours toujours accru aux réseaux sociaux entraîne une numérisation exponentielle de notre société. Ainsi sommes-nous, toutes et tous, susceptibles de nous retrouver exposés numériquement, volontairement ou involontairement.
Lorsque l’exposition est consentie, elle ne soulève aucune difficulté de principe. En revanche, quand elle ne l’est pas, des mécanismes doivent protéger les victimes, en particulier les mineurs, qui, en raison de la vulnérabilité et de la fragilité de leur statut, méritent toute l’attention du législateur et l’engagement résolu des pouvoirs publics.
Dans ce domaine, le dernier texte porté par un exécutif date de 2016 ; il a été examiné sous la présidence de François Hollande, sur l’initiative d’Axelle Lemaire, alors secrétaire d’État chargée du numérique. Ces travaux avaient abouti à l’adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a permis la dernière grande avancée pour les enfants dans ce domaine, à savoir une amélioration substantielle du droit à l’oubli des mineurs sur internet.
Depuis 2016, le cyberenvironnement a beaucoup évolué, accompagnant, voire précédant les mutations de notre société. Dans un rapport de 2018, le commissaire à l’enfance pour l’Angleterre indiquait – c’est dire l’ampleur du phénomène – qu’un enfant apparaît en moyenne, avant l’âge de 13 ans, sur 1 300 photographies publiées en ligne sur ses propres comptes, sur ceux de ses parents ou sur ceux de ses proches.
Si poster des photos d’enfants sur les réseaux sociaux peut sembler anodin au premier abord, la situation devient plus grave lorsque ces images sont utilisées à des fins sordides.
Aux États-Unis, selon le Centre national des enfants disparus et exploités, la moitié des photographies d’enfants s’échangeant sur les réseaux pédophiles et pédopornographiques ont initialement été postées sur internet par leurs parents ou leurs proches.
Ces publications, innocentes dans leur intention, peuvent ainsi être détournées, mais aussi donner lieu à des pratiques de cyberharcèlement.
Face à ces dangers aux multiples facettes, nous devons nous interroger sur la pertinence, l’utilité et même l’efficacité du texte que nous étudions aujourd’hui en nouvelle lecture.
La portée normative de cette proposition de loi est somme toute limitée. Le texte, adopté par deux fois par l’Assemblée nationale, possède les atours d’une proposition de loi déclarative visant à sensibiliser l’opinion, notamment les parents, aux risques auxquels sont exposés les enfants faisant l’objet de publications sur internet.
Son auteur, le député Bruno Studer, l’a lui-même décrite comme un texte « de pédagogie à destination des parents ».
Au sein de mon groupe, nous avons noté les efforts de Mme la rapporteure – je salue au passage Valérie Boyer, qui fut rapporteure de cette proposition de loi lors de son examen en première lecture. Nous avons relevé et apprécié les apports de nos deux rapporteures successives pour amender le texte dans un esprit de consensus avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Aussi ne sommes-nous pas réfractaires aux nouvelles rédactions proposées pour les articles 2 et 3, visant tous deux à renforcer l’obligation des parents de protéger conjointement le droit à l’image de leur enfant.
La suppression de l’article 1er nous semble également aller dans la bonne direction, ses dispositions étant déjà incluses, implicitement, dans l’article 371–1 du code civil.
Nous demeurons en revanche plutôt défavorables à la suppression de l’article 4 de cette proposition de loi. Son dispositif ayant été encadré par l’Assemblée nationale, celui-ci n’aurait concerné que de rares affaires, et il aurait pu trouver sa place au sein de notre arsenal législatif.
Enfin, l’usage du référé dans le cadre de l’article 5 nous paraît toujours peu adapté à des situations ne présentant pas un caractère urgent et imminent. Nous notons toutefois que la rédaction de cette disposition a évolué à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle rédaction est davantage susceptible de nous convenir, même si nous restons vigilants quant à sa portée.
Ces réserves étant exprimées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi.
Oui, cette proposition de loi est parcellaire. Oui, elle est lacunaire. Oui, son champ d’application est extrêmement restreint dès lors que l’on considère la thématique qu’elle souhaite traiter dans sa globalité, son exhaustivité et sa transversalité.
Cette proposition de loi a toutefois le mérite de mettre en lumière les risques liés à l’univers numérique, en particulier pour les enfants, au XXIe siècle.
Formons le vœu qu’elle permette d’ouvrir de nouveaux débats en la matière et espérons que, cette fois, ce sera le Gouvernement qui en prendra l’initiative. Cela est d’autant plus nécessaire et urgent que – nous le savons toutes et tous – ce n’est pas parce que nous faisons évoluer notre législation pour doter les citoyens de nouveaux droits que ces derniers sont aisés à mettre en œuvre.
Convaincre les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) de modérer leurs contenus et de retirer ceux qui sont attentatoires à la dignité humaine, discriminent ou incitent à la haine ou à la violence, relève d’un véritable parcours du combattant.
Convaincre les Gafam de respecter et d’appliquer les droits des citoyens, tels que le droit à l’oubli, reste un immense chantier qu’aucun gouvernement, aucun État ne semble avoir sérieusement entrepris à ce jour.
Mais ce n’est pas parce que la tâche est difficile qu’il faut renoncer à s’y attaquer. Je vous engage à entreprendre sans tarder ce lourd et difficile chantier, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État. Vous nous trouverez naturellement à vos côtés.
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique omniprésent est un défi majeur pour notre société. Il concerne les enfants et leurs parents, mais aussi les institutions, tant par ses enjeux sociétaux que par un souci de santé publique.
Avec plus de 300 millions de photos diffusées chaque jour, la surexposition est une réalité aux multiples dangers. Ces derniers sont souvent méconnus par les parents, qui ont eux-mêmes assisté à l’avènement des réseaux sociaux.
Il convient de rappeler que diffuser une photo ou tout autre contenu sur la Toile, le rendre public, au vu et au su de tous, c’est s’exposer à un risque de détournement des images. Les conséquences, parfois dramatiques, peuvent malheureusement être nombreuses pour nos enfants, qu’il s’agisse du fléau du harcèlement scolaire, de l’exploitation commerciale, de l’usurpation d’identité ou encore de la pédocriminalité.
Je tiens une nouvelle fois à saluer Bruno Studer, député du Bas-Rhin, qui a pris l’initiative de déposer ce texte.
Il nous revient aujourd’hui, à l’occasion de cette nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire, de trouver une voie de passage pour protéger l’image des enfants.
Je tiens à remercier la rapporteure de son travail et de son souhait de recentrer le texte sur la notion de protection dans le cadre du droit à l’image de l’enfant.
La commission a décidé de supprimer l’article 1er, qui plaçait la vie privée de l’enfant au même rang que la sécurité, la santé et la moralité parmi les obligations des parents au titre de l’autorité parentale.
Tout en comprenant la vocation pédagogique qu’aurait une mention expresse de la vie privée à l’article 371-1 du code civil, je partage les réserves qui justifient aujourd’hui la suppression de cet article, notamment l’argument selon lequel, dans certains cas, protéger son enfant pourrait constituer une atteinte à sa vie privée.
L’article 2 a quant à lui fait l’objet de plusieurs évolutions dans le cadre de la navette. Il a désormais – je le crois – la vertu de rappeler aux parents leur obligation conjointe de protéger le droit à l’image de leur enfant. Il est en effet indispensable que les deux parents aient conscience de la responsabilité qui leur incombe.
La portée de cet article est peut-être davantage symbolique et pédagogique que purement juridique, mais elle souligne la notion primordiale en matière de parentalité qu’est celle de responsabilité collective des parents.
Par cet article, la notion de « droit à l’image » pourra être inscrite expressément dans le code civil, ce qui, dans un monde où le poids des images va croissant, me paraît constituer une avancée.
À l’article 3, la commission n’a pas réintroduit l’exigence d’un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à l’enfant. Il s’agit là d’un choix cohérent vis-à-vis du vote du Sénat lors de l’examen de la loi du 7 juillet 2023. Dans ce texte, nous avions en effet acté que l’accord d’un seul titulaire de l’autorité parentale suffirait pour inscrire un enfant sur un réseau social. Si nous ne pouvons que déplorer, une nouvelle fois, l’inflation législative, il nous incombe néanmoins, mes chers collègues, de rester cohérents pour ne pas nuire davantage à la lisibilité de la règle de droit.
La commission des lois a par ailleurs confirmé la suppression de l’article 4, visant à ouvrir une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant en cas d’atteinte grave à sa dignité, cette disposition ayant été jugée non efficiente au regard de ce que le juge peut d’ores et déjà décider, notamment dans le cadre des mesures d’assistance éducative.
Au sein de mon groupe, nous partageons le constat qui a présidé au dépôt de ce texte, ainsi que les objectifs qui lui ont été assignés. J’estime de plus que le travail mené par les deux assemblées tout au long de la navette s’est révélé non seulement constructif, mais bénéfique.
Je forme donc à mon tour le vœu que ce texte puisse prospérer.
Je conclurai toutefois en formulant le regret, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, qu’une véritable politique publique fasse défaut en la matière.
Durant ces derniers mois, le Parlement a été amené à se prononcer sur plusieurs textes abordant des questions aussi importantes que la majorité numérique et la lutte contre la haine en ligne, la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans et, maintenant, la question du droit à l’image des enfants.
Au regard des enjeux cruciaux que ces questions soulèvent, il serait pertinent et cohérent que notre pays se dote d’une véritable politique en la matière.
En tout état de cause, comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte ainsi modifié par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la numérisation progressive de la société est un phénomène inéluctable.
C’est un fait qui s’impose à tous, mais particulièrement aux enfants, qui sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, notamment sur les réseaux sociaux.
L’essor du numérique nous invite à repenser les moyens de protection des plus jeunes en raison de dérives nouvelles portant atteinte à la vie privée et à l’image des enfants.
Les données disponibles sont alarmantes, pour ne pas dire terrifiantes. Elles nous imposent d’agir. Plus de 300 millions d’images sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux. À 13 ans, âge à partir duquel l’enfant a le droit, avec l’autorisation de ses parents, de s’inscrire sur les réseaux sociaux, il apparaît déjà sur 1 300 photographies publiées en ligne sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou ceux de ses proches.
Du fait de la diffusion de l’échographie de leur mère, un tiers des enfants ont une existence numérique avant même d’être nés.
L’exposition massive des mineurs par leurs parents dans l’espace numérique comporte des risques inquiétants, tels que la violation de leur vie privée, le harcèlement scolaire, la cyberintimidation ou encore le détournement sur des sites pédocriminels, où près de 50 % des images échangées avaient été initialement publiées par des parents sans aucune mauvaise intention.
La surexposition croissante de l’image de l’enfant et l’usage malveillant qui peut en être fait par des tiers nous imposent d’adapter notre arsenal juridique afin de mieux appréhender l’exercice des droits des enfants dans l’environnement numérique.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi en nouvelle lecture, si elle rappelle que l’enfant est, non pas un objet, mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, tels que le droit à l’image, ne réglera toutefois pas tous les problèmes.
Pour nécessaire qu’elle soit, cette réponse législative ne suffit pas. Il apparaît urgent et primordial de faire appel à d’autres moyens, notamment l’éducation, la prévention, ou encore la sensibilisation.
Face à un enjeu aussi important, je regrette, comme vient de le faire Elsa Schalck, que le Gouvernement n’ait pas mobilisé tous les acteurs ayant pouvoir en la matière, comme les ministères de l’éducation nationale et de la santé, afin d’élaborer une véritable politique publique de l’espace numérique. Il est dommage que nous n’ayons pas, sur ce sujet, une vision plus globale.
Plusieurs initiatives parlementaires ont déjà vu le jour sur divers aspects de la protection des mineurs dans l’univers numérique. Toutefois, réagir au coup par coup, de façon dispersée, sur des sujets identiques ou très proches n’est pas forcément constructif. À cet égard, je regrette que notre travail législatif soit aussi fractionné.
Monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il apparaît nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant, afin de continuer à garantir à l’ensemble des mineurs une protection suffisante.
Très sensibles à la préservation des intérêts de l’enfant, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiennent toute démarche entreprise dans cet objectif.
C’est avec conviction que nous voterons en faveur de cette proposition de loi, tout en appelant de nos vœux une mobilisation plus forte pour alerter les parents sur les dangers de la diffusion, dans l’espace numérique, de contenus relatifs à la vie privée de leurs enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Olivia Richard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après une commission mixte paritaire non conclusive, nous devons examiner de nouveau cette proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.
Le chiffre a déjà été cité plusieurs fois : avant qu’un enfant atteigne l’âge de 13 ans, âge auquel, avec un accord parental, il pourra commencer sa vie sur les réseaux sociaux, quelque 1 300 images de lui ont déjà été publiées. Au vu de ce chiffre sidérant, on ne peut que s’interroger sur une éventuelle défaillance de la parentalité à l’heure du tout-numérique.
La surexposition des enfants et les usages malveillants qu’elle peut susciter imposent une réflexion sur ces nouveaux enjeux. Disons-le avec toute la gravité que le sujet mérite : l’enfant n’est pas l’objet de ses parents, mais un sujet, détenteur de droits, lesquels doivent être jalousement protégés. Bien évidemment, ils doivent l’être, en premier lieu, par les parents. Il ne peut pas être dans l’intérêt de l’enfant d’être ainsi surexposé. Pourtant, volontairement ou non, par ignorance ou non, certains parents font défaut lorsqu’il s’agit de protéger leurs enfants en ligne.
Comme se l’entend dire un oiseau célèbre, tout influenceur « vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Sans être pionniers, les influenceurs ont montré l’exemple : voir des photos et des vidéos d’enfants sur internet est devenu normal.
Je peux le comprendre, car nous sommes tous fiers de nos enfants. Chacun a envie de vanter leurs exploits, forcément inédits. Chacun a envie, surtout, de montrer le succès de l’éducation qu’il leur a prodiguée. À travers eux, c’est nous-mêmes que nous vantons. Hélas ! c’est de nous qu’il faut protéger nos enfants, quand nous les réduisons à des extensions narcissiques de nous-mêmes.
La confiance que les enfants doivent pouvoir avoir en leurs parents est un préalable indispensable à leur construction et à leur épanouissement. Sans elle, ils ne peuvent avoir confiance en eux-mêmes.
Mais comment un enfant pourrait-il avoir confiance dans ses parents lorsque un million de personnes like une vidéo de lui humiliante qu’ils auront publiée ? Comment pourrait-il avoir confiance lorsqu’il est mis en scène, exposé pour distraire une galerie invisible ? Quels comptes demandera-t-il à ses parents lorsque, une fois devenu grand, il constatera que ses amis et ses relations professionnelles auront eu accès à toute son enfance ?
L’utilisation de l’image des enfants est un défi pour notre société, et pas seulement lorsqu’elle est commerciale, comme plusieurs orateurs l’ont déjà dit.
Cette proposition de loi nous donne l’occasion d’appeler à une plus grande responsabilisation des parents.
Pour cela, il faudra, bien sûr, une meilleure information. Alors que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse déclarait, il y a quelques jours, que les enfants passaient peu ou prou autant d’heures, en moyenne, devant un écran que sur les bancs de l’école élémentaire, on mesure à quel point ce qui relève de l’intime et du privé doit être préservé du regard de l’autre, quand bien même ce regard serait bienveillant. Il est donc indispensable de faire œuvre de pédagogie auprès des parents, de les sensibiliser et de les informer sur les conséquences de la diffusion des images de leurs enfants.
Qui a conscience, lorsqu’il partage les premiers pas de son enfant à la plage, que la moitié des images utilisées par les pédocriminels ont été initialement publiées par des parents sur les réseaux sociaux ? Qui peut savoir, en annonçant la naissance de son enfant, que ces informations risquent d’être utilisées pour usurper son identité ? Qui se doute, en alimentant ses propres comptes sur les réseaux sociaux, que les vidéos ou les photos de ses enfants inspireront de potentiels harceleurs au collège ? Qui a conscience, lorsqu’il poursuit son enfant avec sa caméra, tout au long de sa vie, des ravages qu’il risque de provoquer sur l’équilibre de celui-ci ? Il faut une prise de conscience !
Pour prendre un exemple, les campagnes électorales peuvent donner lieu à un déchaînement de violence en ligne. Comme je me suis félicitée, l’été dernier, que mes enfants et ma vie privée soient restés à l’abri des réseaux sociaux ! Je n’ose imaginer ce qu’aurait été ma campagne électorale si des images de mes enfants avaient été utilisées pour me déstabiliser.
Je me demande comment ceux qui auront déjà été trop exposés par leurs parents pourront accepter de se montrer eux-mêmes.
Je suis trop âgée, bien sûr, pour que des photos de moi barbouillée, grimaçante ou trébuchante circulent sur internet. Si cela avait été le cas, j’aurais peut-être dû renoncer à me présenter aux élections. Dans une campagne difficile, tout peut être utilisé à charge contre les candidats.
De manière plus générale, quel avenir auront celles et ceux dont la vie est étalée par leurs parents sur internet ?
Le débat que nous avons est utile pour rappeler à chacun que les actes les plus anodins peuvent avoir des conséquences terribles. Aussi, je salue le travail de notre rapporteure, qui a su guider dans la bonne direction notre commission des lois. Elle s’est inscrite dans une démarche constructive, clarifiant et rendant plus efficaces les dispositions proposées.
Merci, madame la rapporteure, de faire de nouveau entendre la voix du Sénat grâce au sérieux de vos travaux !
Le député Bruno Studer, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, avait déjà déposé un texte louable il y a trois ans : la loi du 19 octobre 2020, que nous avions votée, visait à mieux lutter contre l’exploitation commerciale des enfants influenceurs par leurs parents. En effet, alors que l’économie de l’attention génère des revenus faramineux pour une minorité d’influenceurs, la compétition entre ces stars des réseaux les pousse à aller toujours plus loin dans des contenus surprenants, émouvants ou spectaculaires.
L’appât du gain n’est pas la seule motivation. La simple ambition de devenir visible sur internet peut pousser des parents à commettre des excès, au nom d’une éphémère lumière qui brûle l’enfance.
Le législateur a déjà pu affirmer la nécessité d’un encadrement du numérique dans la cellule familiale. Cette proposition de loi est un pas supplémentaire vers la protection de nos enfants et le respect de leurs droits.
À l’instar de notre rapporteure et de plusieurs des orateurs qui m’ont précédée à cette tribune, je regrette néanmoins l’absence d’une politique générale sur le rapport des familles au numérique. Nous regrettons que le Gouvernement n’expose pas une vision d’ensemble sur ce sujet. Si cette proposition de loi contribue à soulever des questions pertinentes, un voile trop pudique recouvre encore l’entièreté du problème.
Nous espérons donc que l’examen de ce texte sera l’occasion d’ouvrir une discussion plus large sur l’usage du numérique dans les familles.
Le groupe Union Centriste votera ce texte, tel que modifié par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de partager avec vous le point de vue du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sur ce texte et, en particulier, celui de mon collègue Guy Benarroche, retenu à l’Assemblée nationale où il participait à une autre réunion qui vient de se terminer.
Comme en première lecture, notre groupe salue l’initiative du député Bruno Studer, qui a souhaité renforcer le droit à l’image de l’enfant. Cette proposition de loi permettra d’adapter utilement notre législation à une situation qui a considérablement changé au regard de l’omniprésence des réseaux sociaux. En moyenne, nous passons plus de deux heures et quart par jour sur internet et le partage de photos et de vidéos se fait en une fraction de seconde.
Dans ce contexte, les parents partagent toujours plus d’images de leurs enfants sur la Toile. Un tiers des échographies sont ainsi publiées en ligne, ce qui laisse une trace numérique de l’enfant avant même sa naissance. Neuf parents sur dix publient des images de leur enfant sur les réseaux sociaux avant même qu’il n’atteigne l’âge de 5 ans. Chaque année, les parents ne diffusent en moyenne pas moins de 71 photos et 29 vidéos de leur enfant de moins de 13 ans.
Publier des photos sur le Net devient banal. Or, loin d’être ordinaire, cette décision peut avoir de lourdes conséquences. Chaque image laisse une trace sur internet et peut être détournée. Certaines d’entre elles servent à commettre une usurpation d’identité ou des actes de cyberharcèlement. Il a déjà été rappelé qu’on estime même que la moitié du contenu publié sur les plateformes de pédopornographie provient d’images d’enfants qui ont initialement été partagées par leurs parents.
De toute évidence, le cadre juridique actuel est inapproprié au regard du fait que le partage d’images est devenu si facile. C’est pourquoi nous considérons que, aujourd’hui, le droit à l’image des enfants, consacré par le droit à la vie privée, de valeur constitutionnelle, n’est pas suffisamment protégé.
Afin de renforcer sa protection, notre approche devrait être triple.
Premièrement, nous devrions responsabiliser les parents. C’est ce que plusieurs dispositions contenues dans cette proposition de loi permettent de faire. Nous pensons notamment à l’article 2, qui exprime le principe d’une protection du droit à l’image des enfants, en commun, par les parents.
À cet égard, nous saluons l’esprit de compromis de notre rapporteure, qui a permis de rétablir l’essentiel de ce principe en commission.
Ce principe serait complété par la possibilité donnée au juge d’interdire la diffusion d’images de l’enfant par un parent qui aurait manqué à son obligation de respect du droit à l’image de l’enfant.
Deuxièmement, au-delà de la responsabilisation des parents, nous devrions également renforcer la lutte contre le partage illicite de contenus.
C’est ce que permet l’article 5, aux termes duquel la Cnil pourra saisir la justice pour obtenir le blocage d’un site internet utilisé pour la diffusion d’un contenu illicite si une demande d’effacement des données reste sans réponse.
Cette disposition a pu être rétablie à l’Assemblée nationale grâce à l’adoption d’un amendement de notre collègue député Jérémie Iordanoff, que nous savons particulièrement engagé sur le sujet.
Enfin, si les deux premiers volets sont couverts par la présente proposition de loi, nous avons encore du travail à faire pour avancer sur le troisième volet.
En effet, pour responsabiliser les parents, il faut mieux les informer et fournir des réponses à leurs questions, dont nous savons qu’elles ne manquent pas. Cet accompagnement relève de la responsabilité des pouvoirs publics. Une première étape consisterait à compléter les informations disponibles sur le site jeprotegemonenfant.gouv.fr.
En attendant que le Gouvernement agisse en la matière, nous estimons que cette proposition de loi constitue une réponse législative bienvenue. Nous remercions Mme la rapporteure pour son travail constructif. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire.
Nous déplorons ce désaccord entre les deux chambres sur un sujet qui aurait pourtant dû faire consensus. Si tout le monde semble convenir de la nécessité de légiférer, notamment en raison d’une montée en puissance des écrans et des réseaux sociaux qui menacent la vie privée de nos enfants, les moyens d’atteindre les objectifs que nous partageons ont, quant à eux, divergé.
Nous le regrettons d’autant plus que la position de la commission des lois du Sénat sur l’article 3 a évolué depuis lors. C’est désormais l’article 4 qui constitue le principal obstacle à l’adoption de ce texte. Cet article permet une délégation forcée de l’autorité parentale dans des situations où l’intérêt des parents entre en conflit avec celui de l’enfant dans l’exercice du droit à l’image. Nous y sommes, pour notre part, favorables.
Plus globalement, même si nous avons soutenu ce texte en première lecture, nous aurions souhaité qu’il aille plus loin sur certains points, comme la sensibilisation des parents. C’est un sujet crucial à nos yeux.
Naturellement, cette sensibilisation ne passe pas uniquement par la loi, mais nous refusons toute inaction en la matière. En effet, même si les parents ne sont pas mal intentionnés, il est toujours utile de les aider dans la compréhension des risques inhérents à l’exposition de leur enfant. Il est utile également de les informer correctement du droit en vigueur et de son application. Je pense notamment au droit à l’oubli dont bénéficient les mineurs.
Cet important travail de sensibilisation s’inscrit par ailleurs dans un cercle vertueux. En effet, un parent capable d’identifier les dangers des réseaux sociaux, pour lui-même et pour ses enfants, sera mieux à même de sensibiliser ses connaissances et de les informer. Nous sommes convaincus que ce travail de sensibilisation doit s’effectuer le plus en amont possible.
Malgré ces réserves, en cohérence avec notre position en première lecture, nous soutiendrons ce texte.
La commission des lois a acté le désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale. En conséquence, il semble que nous nous dirigions, avec l’assentiment du Gouvernement, vers une lecture définitive par les députés.
Ces derniers ont d’ailleurs réintroduit l’article 5 en nouvelle lecture, afin de permettre à la Cnil de saisir la justice pour sauvegarder les droits des mineurs en cas d’absence de réponse à une demande d’effacement de données à caractère personnel.
Nous saluons cette préservation de l’article 5 contre l’avis du Gouvernement. Nous espérons le retrouver dans le texte qui sera définitivement adopté.
Monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si cette proposition de loi a pour objectif de combler un vide, nous la voyons aussi comme un texte d’appel en faveur d’une politique plus efficace en matière de sensibilisation, de prévention du cyberharcèlement et de la cyberintimidation, et de respect de la vie privée des plus jeunes. Il reste beaucoup à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, grâce à la dynamique volontariste du Parlement en matière de réglementation des réseaux sociaux, l’impunité qui régnait dans ce secteur s’amenuise progressivement. Mais le chemin est encore long : j’en veux pour preuve l’examen du texte qui nous occupe aujourd’hui.
Parmi des travaux plus anciens, je pense à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Le législateur avait jugé que le sujet des mineurs travaillant à des fins de promotion commerciale nécessitait une attention particulière. Il avait alors bien identifié l’importance d’établir des règles qui permettent, notamment, de sensibiliser nos concitoyens aux conséquences importantes qu’il peut y avoir à publier en ligne des données concernant les mineurs.
Cependant, lors de la première lecture de la présente proposition de loi, notre groupe du RDSE avait regretté que ce sujet n’ait pas été traité d’un seul tenant.
Après la loi que j’ai citée, puis celle du 9 juin 2023 sur les influenceurs et celle du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, voici ce texte relatif au droit à l’image des enfants. Ces initiatives fractionnées, en plus de nuire à notre objectif de clarification de la réglementation, empêchent de porter un regard d’ensemble sur un sujet majeur.
Mais ce regret ne saurait faire obstacle à ce que le groupe du RDSE salue la protection accrue de nos jeunes que permettra ce texte.
Le dévoilement de la vie des enfants par leurs parents sur les réseaux sociaux peut être source de multiples dangers, qui résultent souvent d’un manque de sensibilisation des parents.
Sur le fond, la suppression de l’article 1er par la commission ne semble pas emporter de conséquences juridiques importantes pour le texte, bien que cette mesure eût l’avantage de consacrer la protection de la vie privée de l’enfant comme composante de l’autorité parentale.
La commission des lois a également supprimé l’article 4, qui instaurait une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image des enfants, dans certaines conditions. Cette suppression ne semble pas davantage dévoyer l’objectif de protection par les parents du droit à l’image de leurs enfants.
Par ces deux suppressions, la commission nous invite à prendre acte des désaccords entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui donnent lieu à une nouvelle lecture du texte.
L’article 3, modifié, est un autre symptôme de ces désaccords. Nous ne nous déjugerons pas en abandonnant notre position en faveur d’un accord de chacun des parents pour la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant. Si nous regrettons le renoncement de la commission à réintroduire cette exigence, nous nous satisfaisons du rôle donné au juge aux affaires familiales dans la protection des enfants.
Enfin, nous saluons, à l’article 2, l’inscription du droit à l’image dans le code civil ; ce droit serait protégé conjointement par les parents. Cette disposition semble faire consensus entre nos deux chambres.
Nous saluons également l’accord trouvé sur l’article 5, introduit par le Sénat, qui donne à la Cnil un rôle dans la protection des droits et libertés des mineurs.
En dépit des quelques réserves que j’ai exprimées, nous voterons ce texte, car il met indéniablement la législation dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avions tenté, au début du mois de juin, de nous accorder avec l’Assemblée nationale sur un texte commun.
Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus ; la commission mixte paritaire a échoué faute de consensus sur deux points : d’une part, sur l’exigence d’un accord des deux parents pour toute diffusion d’une image de leur enfant sur internet, ajoutée par le Sénat à l’article 3, contre l’avis de mon groupe ; d’autre part, sur la création, à l’article 4, d’une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant à un tiers en cas d’atteinte grave à sa dignité ou à son intégrité morale, à laquelle tenaient nos collègues députés.
Nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture ce texte, dont l’objet – assurer le respect du droit à l’image des enfants – est devenu une préoccupation majeure dans notre société contemporaine.
Le travail réalisé ces dernières années par le Parlement, avec le soutien du Gouvernement, afin de renforcer la protection du droit à l’image des enfants sur internet, montre pourtant l’existence d’un véritable consensus sur l’importance de ce sujet et la nécessité d’adapter notre droit à ces nouveaux enjeux, notamment en matière de parentalité.
C’est pourquoi il serait regrettable de ne pouvoir nous accorder avec nos collègues députés sur un texte commun.
L’Assemblée nationale a fait évoluer sa position en modifiant l’article 2, que le Sénat avait choisi de supprimer, et en choisissant de conserver un apport important de notre chambre, l’article 5, qui permet à la Cnil d’agir en référé, tout en circonscrivant son intervention aux cas de non-exécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement des données.
Je remercie Mme la rapporteure d’avoir accepté de faire évoluer la position de la commission en renonçant à réintroduire, à l’article 3, l’exigence d’un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à la vie privée d’un enfant. Je rappelle d’ailleurs que, en première lecture, le groupe RDPI avait déposé un amendement en ce sens.
Nous sommes donc pleinement satisfaits de cette décision, d’autant qu’elle s’inscrit, comme il a été rappelé, dans la continuité de la position du Sénat exprimée lors du vote de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.
En conclusion, ce texte, ainsi que ceux qui l’ont précédé et lui succéderont sur cette matière, contribuera à façonner un socle solide, mais nécessairement évolutif, pour garantir la sécurité et le bien-être des générations futures dans un monde où les technologies évoluent rapidement.
À l’ère du numérique, où la diffusion d’images est omniprésente, il est impératif que les lois que nous adoptons tiennent compte des nouveaux défis auxquels nos enfants sont confrontés.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont fait un pas l’un vers l’autre ; le groupe RDPI, qui souhaite s’inscrire dans cette démarche constructive, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants
Article 1er
(Supprimé)
Article 2
I. – L’article 372-1 du code civil est ainsi rétabli :
« Art. 372-1. – Les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant. »
II. – (Supprimé)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – (Supprimé)
II. – Après le troisième alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également, pour assurer la protection du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. » – (Adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Article 5
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :
1° Au IV de l’article 21, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, en cas de non-exécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement des données à caractère personnel » ;
2° (nouveau) À la fin de l’article 125, les mots : « n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » sont remplacés par les mots : « n° … du … visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ». – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.
(La proposition de loi est adoptée.)
10
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
M. le président. La séance est reprise.
11
Lutte contre les dérives sectaires
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (projet n° 111, texte de la commission n° 201, rapport n° 200).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le 12 juin 2001 était promulguée la loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard.
Cette loi a défini notre régime juridique de lutte contre les dérives sectaires, en créant notamment le délit d’abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique : c’est un acquis important, que nous devons préserver.
Près de vingt-trois ans plus tard, l’État se doit d’adapter son organisation et sa réponse pénale pour tenir compte des transformations du phénomène des dérives sectaires – voilà un impératif auquel personne ne peut se soustraire !
C’est la raison de ma présence devant vous aujourd’hui, avec ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, pour l’examen de ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.
Aujourd’hui, il apparaît nécessaire d’adapter notre droit : sachez que le Gouvernement fera preuve d’une détermination sans faille pour mener ce combat et venir en aide aux victimes des mouvements sectaires.
C’est tout le sens de la stratégie nationale pluriannuelle de lutte contre les dérives sectaires, présentée en novembre dernier à l’issue d’une importante concertation interministérielle. Cette stratégie nationale compte treize objectifs et quarante mesures opérationnelles, parmi lesquelles on trouve le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite le dire avec clarté, car c’est ma conviction profonde : l’État lutte non pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires.
La République garantit la liberté de conscience. L’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame bien : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Nous y sommes profondément attachés.
En revanche, l’État protège ses citoyens contre le fléau des dérives sectaires, qui représente une menace pour notre cohésion sociale ; ces pratiques dangereuses font des milliers de victimes chaque année. Il s’agit d’ailleurs d’un fléau en constante évolution.
Je veux vous en donner un exemple : dans son dernier rapport d’activité, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre des pathologies cancéreuses : des injections de gui, du jus de citron, ou encore des interruptions de soins de médecine conventionnelle, qui peuvent se révéler particulièrement dangereuses. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce à quoi nos compatriotes les plus vulnérables peuvent être exposés aujourd’hui !
Face à ces charlatans, dont les méthodes d’embrigadement évoluent sans cesse, nous ne pouvons laisser les victimes seules : il nous faut les protéger.
Permettez-moi de vous rappeler les grandes tendances qui caractérisent les dérives sectaires aujourd’hui.
Premièrement, ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur depuis plusieurs années : les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010. Les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru les vulnérabilités de certains de nos concitoyens. Tout cela n’est certainement que la partie émergée de l’iceberg.
Deuxièmement, le phénomène s’est transformé en tirant profit du développement du numérique et des réseaux sociaux. Outre les groupes à prétention religieuse qui continuent de sévir, de plus en de plus de petits groupes et de « gourous 2.0 » fédèrent de véritables communautés d’adeptes en ligne.
Je veux également citer le développement préoccupant de la sphère complotiste, dont les thèses prospèrent sur la toile. La crise du covid-19 nous en a donné l’illustration, comme je viens de vous le rappeler.
Face à ce constat inquiétant, le Gouvernement a mené une large concertation afin de faire émerger des propositions constructives. L’ensemble des parties prenantes ont été réunies en mars dernier au ministère de l’intérieur et des outre-mer pour l’élaboration de la stratégie que j’ai citée. Je tiens d’ailleurs à remercier ma prédécesseure, Sonia Backès, pour son engagement dans cette cause qui, je le sais, lui tenait tant à cœur.
La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires pour la période 2024-2027 est le fruit de ce travail d’une ampleur inédite.
Cette stratégie se structure en trois axes : le premier a trait à la prévention des risques de dérives sectaires ; le deuxième est centré sur un meilleur accompagnement de proximité des victimes ; le troisième est consacré au renforcement de l’arsenal juridique, dont ce texte constitue l’outil principal.
Le présent projet de loi a effectivement pour objet d’engager une réforme majeure de notre dispositif juridique en matière de lutte contre les dérives sectaires ; il aura des effets importants tant sur la répression des auteurs d’infractions que sur l’indemnisation et l’accompagnement des victimes.
Vous le savez, le Gouvernement a notamment pour ambition de voir définis deux nouveaux délits : à l’article 1er, le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l’article 4, la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave pour sa santé.
La santé est en effet devenue un enjeu majeur de la lutte contre les dérives sectaires : 25 % des signalements à la Miviludes concernent désormais ce domaine ! Il est essentiel d’y répondre, notamment au travers de cette mesure.
Je laisserai à ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, que je remercie chaleureusement d’être présente à mon côté aujourd’hui, le soin de vous présenter ce second délit et la nécessité de rétablir, comme nous vous le proposerons par un amendement du Gouvernement, l’article 4.
Par ailleurs, en cohérence avec la création d’un nouveau délit de sujétion psychologique ou physique, prévue à l’article 1er, nous avons proposé qu’une circonstance aggravante soit instaurée pour plusieurs crimes et délits – meurtres, actes de torture et de barbarie, violences, ou encore escroqueries – quand ils sont commis dans un environnement sectaire.
Rappelons qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de circonstances aggravantes liées à l’emprise sectaire en matière pénale. Cette mesure doit donc permettre d’adapter la réponse pénale au phénomène sectaire en réprimant les agissements à la hauteur de ces méthodes d’emprise.
En complément, nous souhaitons que l’accompagnement des victimes soit renforcé, en donnant à plusieurs associations spécialisées la possibilité de se porter partie civile. Une procédure d’agrément par l’État sera mise en place pour établir la liste des associations autorisées à agir en défense des victimes.
Le projet de loi instaure par ailleurs une procédure de transmission obligatoire des condamnations et des décisions de contrôle judiciaire aux ordres professionnels de santé, qui permettra de faciliter la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre des praticiens déviants.
Enfin, une meilleure association des services de l’État, notamment ceux de la Miviludes, permettra d’améliorer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires. Ces services pourront être sollicités par les parquets ou les juridictions judiciaires, afin qu’ils leur fournissent des informations utiles, fondées sur leur expertise, qui seront de nature à les éclairer.
Je veux à présent vous présenter plus en détail les objectifs que nous cherchons à atteindre au travers de la création d’un nouveau délit d’assujettissement psychologique ou physique.
Nous souhaitons agir en amont de l’abus de faiblesse, en sanctionnant le fait même d’assujettir une personne par des pressions graves ou réitérées, ou par des techniques propres à altérer le jugement, lesquelles figurent déjà dans le droit pénal.
Ce nouveau délit permettra de cibler la mécanique néfaste de l’embrigadement sectaire, celle qui détruit des personnalités, isole des individus de leur environnement familial et ruine leur santé. Cette mécanique est bien la porte ouverte à tous les abus.
Nous visons deux objectifs.
Premièrement, nous voulons renforcer un cadre juridique désormais insuffisant pour appréhender les nouvelles formes de dérives sectaires, ainsi que je l’ai déjà évoqué.
La disproportion entre le faible nombre de procédures judiciaires engagées et la recrudescence des signalements à la Miviludes le prouve. Les statistiques judiciaires font état d’une proportion importante de classements sans suite pour caractérisation insuffisante de l’infraction. Nous constatons également un faible nombre de condamnations, plus précisément 95 condamnations sur 361 affaires instruites de 2017 à 2022. Tout cela n’est évidemment pas satisfaisant.
Deuxièmement, nous souhaitons améliorer l’indemnisation des victimes, par une meilleure reconnaissance du préjudice corporel qui résulte de l’altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire.
Assujettir une personne ne conduit pas forcément à un abus frauduleux ou à des atteintes sexuelles, mais cela aboutit fréquemment à une altération grave de la santé physique et, surtout, mentale de la victime. Les séquelles peuvent se manifester de multiples manières : syndrome post-traumatique, syndrome dépressif, perte d’autonomie, ou encore isolement social ou affectif extrême.
En l’état actuel du droit, la réparation par les tribunaux du préjudice sur la santé est plus qu’aléatoire. Cela n’est pas acceptable pour les victimes, qui doivent être bien mieux protégées.
C’est toute l’ambition de la disposition prévue à l’article 1er, que des membres de plusieurs groupes de votre assemblée proposent aujourd’hui de réintroduire dans le texte.
Madame la rapporteure, en commission des lois, vous avez souhaité enrichir le texte de dispositions nouvelles. Vous avez ainsi proposé de renforcer la protection des mineurs et de mieux lutter contre les dérives sectaires dans le domaine numérique. Vous proposez également de consacrer l’existence de la Miviludes dans la loi.
Vous savez combien je suis attachée à l’importance du travail parlementaire – j’étais moi-même commissaire aux lois à l’Assemblée nationale. Je salue ces évolutions, qui complètent utilement les propositions du Gouvernement, et je me réjouis qu’elles aillent dans le bon sens, celui de notre volonté commune de renforcer la lutte contre les dérives sectaires et de mieux protéger les victimes.
Au-delà de ces considérations, je souhaiterais également remercier toutes celles et tous ceux qui s’engagent publiquement en faveur de cette noble cause. Je pense bien sûr à l’ancien sénateur Nicolas About et à l’ancienne députée Catherine Picard, auteurs de la loi de 2001. Je pense aussi à Georges Fenech, ancien député et ancien président de la Miviludes, qui a été un acteur central de ce combat et dont la voix continue de porter.
Je remercie aussi l’ensemble des associations spécialisées qui agissent au quotidien pour venir en aide aux victimes et à leurs familles. Leur action est cruciale. Aussi, je vous le dis avec gravité : elles ont besoin de ce texte pour aider les victimes, toujours plus nombreuses, à sortir de cette spirale néfaste.
Ce sujet nous rassemble ; je m’en félicite.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement entend renforcer sensiblement la capacité de l’État à agir efficacement contre les dérives sectaires. Ce projet de loi marque une étape importante de ce combat dans notre pays.
Nous devons répondre présents, car il s’agit d’un fléau qui nous concerne tous. Chacune et chacun d’entre nous peut en être victime, dans la mesure où nous avons toutes et tous nos faiblesses et nos fragilités, quelle que soit notre histoire personnelle.
Je souhaiterais terminer mon propos en citant les sages paroles du philosophe Sénèque dans De la colère : « Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la menace que représentent les dérives thérapeutiques et sectaires se diversifie, notamment à la faveur d’évolutions profondes de notre société, de son approche vis-à-vis du soin, des difficultés auxquelles fait face notre système de santé, ou encore du développement des communications numériques.
En effet, on constate que les Français ont massivement adopté les pratiques dites « non conventionnelles » en santé, aussi désignées sous le terme de PNCS.
Ainsi, 70 % de nos concitoyens ont une image positive de ces pratiques selon un sondage Odoxa publié en mai dernier, alors qu’en parallèle le nombre de signalements et de demandes d’avis à la Miviludes concernant les médecines complémentaires et alternatives est passé de 214 en 2015 à 892 en 2021, comme l’indique l’étude d’impact du présent projet de loi.
C’est de ce constat que Sabrina Agresti-Roubache et moi-même sommes parties pour fixer un objectif que je pense partagé par un bon nombre d’entre vous : mieux encadrer ces pratiques et renforcer notre arsenal pour réprimer les dérives les plus dangereuses.
Pour mieux encadrer ces pratiques – c’est l’occasion pour moi de souligner que le Gouvernement ne s’est évidemment pas contenté de mobiliser des leviers de répression pénale –, j’ai mis en place, le 28 juin dernier, un comité d’appui à l’encadrement des PNCS.
Composé de tous les acteurs institutionnels de la santé, notamment des ordres et des fédérations d’établissement, et ouvert à la société civile, puisque y participent des associations de victimes et des universitaires, ce comité travaille depuis bientôt six mois et commence déjà à produire ce qui servira demain de fondement à une meilleure information des patients sur ces pratiques, à une meilleure évaluation et à une véritable formation des professionnels.
Ce matin même, à l’occasion d’une nouvelle session, ce comité a notamment élaboré tout un programme de travail pour l’année 2024 et a formulé des propositions en vue de la mise en place d’un outil d’information au public sur les comportements déviants de certains praticiens, ces comportements qui doivent les alerter et les pousser à faire un signalement.
Au-delà de ces travaux, nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat sur notre arsenal pénal pour lutter contre les dérives les plus dangereuses. En effet, trop souvent, des gourous continuent de tenir des discours qui sont autant de risques concrets pour celles et ceux qui les écoutent.
Tous les professionnels de santé l’affirment : ils sont trop nombreux à s’être sentis impuissants face à des patients ayant suivi les conseils irresponsables de charlatans, les entraînant vers le pire.
C’est cette logique qui a prévalu à l’élaboration du présent projet de loi et, en particulier, des articles 4 et 5 du texte initial.
L’article 4, supprimé par votre commission, visait à réprimer, dans certains cas bien précis sur lesquels je reviendrai, la provocation à s’abstenir de suivre un traitement. J’entends les critiques qui ont pu être formulées à ce sujet, mais laissez-moi exprimer de nouveau mon désaccord.
Certains ont expliqué que cet article n’était pas nécessaire au regard des incriminations existantes, notamment le délit d’exercice illégal de la médecine. Permettez-moi de rappeler que ce délit ne concerne que les cas de colloque singulier, c’est-à-dire de relation individualisée, et que la jurisprudence l’a qualifié de « délit d’habitude », imposant donc la réitération des faits pour qu’il soit caractérisé.
Ainsi, tous les discours tenus dans le cadre d’un collectif dirigé par un gourou ou diffusés en ligne se situent le plus souvent en dehors du champ de cette incrimination. De plus, certains médecins déviants échappent eux aussi à cette qualification en raison de leur situation régulière d’exercice.
L’article 4, tel que le Gouvernement l’avait rédigé, représentait donc une véritable plus-value.
Ensuite, nombreux sont ceux qui ont présenté cet article comme attentatoire à la liberté d’expression, ou qui l’ont résumé à une condamnation de tout propos qui s’éloignerait d’un prétendu discours scientifique officiel.
Je rappelle que la rédaction proposée introduit quatre critères cumulatifs pour la caractérisation de l’incrimination mentionnée au premier alinéa, veillant ainsi à ne pas porter atteinte de façon disproportionnée à la liberté d’expression : il faut que les personnes visées soient atteintes d’une pathologie, que l’abandon du traitement soit présenté comme bénéfique pour la santé, que les conséquences pour la santé soient graves et que le risque pour la santé soit avéré au regard des connaissances médicales.
La portée de cette nouvelle incrimination est donc circonscrite aux discours présentant un danger concret ; celle-ci ne saurait être considérée comme une interdiction, dans l’absolu, de toute critique envers des traitements recommandés ou comme un obstacle à la controverse scientifique.
En ce sens, le Gouvernement, encouragé dans sa démarche par l’ensemble des ordres professionnels de santé, présentera un amendement tendant à réintroduire l’article 4.
L’article 5 vise, quant à lui, à systématiser la transmission des informations aux ordres professionnels par les parquets lorsqu’un professionnel de santé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire pour des faits caractéristiques d’une dérive sectaire.
L’objectif de cette mesure est notamment de faciliter les procédures disciplinaires des ordres, et ce au bénéfice d’une meilleure protection des patients, alors que les ordres ne sont souvent informés qu’à l’issue des procédures en appel, après de longs mois au cours desquels la menace qui pesait sur des patients a continué de s’exercer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue qu’il est nécessaire de se doter de nouveaux outils de politique pénale pour faire face à une menace d’un genre nouveau, qui constitue un danger concret pour les patients.
Je vous prie de croire que le Gouvernement a travaillé dans un esprit de responsabilité à la rédaction de dispositions exigeantes, dans le souci de ne pas porter atteinte aux droits et libertés fondamentales de façon disproportionnée au regard de l’objectif de santé publique visé.
Je sais que nous partageons cette ambition : alors, travaillons ensemble dans l’intérêt des patients !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, issu des assises organisées au mois de mars dernier, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires procède d’une intention louable qui doit tous nous mobiliser : lutter efficacement contre les dérives sectaires, dont la multiplication et la diversité doivent nous interroger collectivement.
Ce projet de loi marque un regain d’intérêt bienvenu pour la lutte contre les dérives sectaires, après des années de relatif désengagement.
Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé a aujourd’hui dix ans, une période au cours de laquelle il n’a été suivi de presque aucun effet. Au contraire, ces dix années ont été celles d’une remise en cause de la Miviludes et de son fonctionnement.
Ce projet de loi est présenté comme une réponse aux nouveaux visages des dérives sectaires, que l’arsenal pénal existant peinerait à appréhender, en particulier dans le domaine de la santé.
En effet, l’ensemble des acteurs s’accordent à décrire deux évolutions majeures : d’une part, on assiste au développement des moyens électroniques de communication et des réseaux sociaux ; d’autre part, des polémiques ont éclaté autour de l’épidémie de covid-19, ce qui a provoqué une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé, ainsi que des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies, l’efficacité des traitements et leurs risques.
Toutefois, au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l’arsenal pénal existant et de s’interroger sur les causes de l’émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que les assises organisées au mois de mars dernier appelaient une réponse législative centrée, non pas sur un renforcement des moyens de la justice ou sur une meilleure formation des professionnels, ni même sur une véritable politique de prévention, d’éducation et de sensibilisation, mais sur la création de nouvelles dispositions répressives.
À l’issue des auditions de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte, ma conviction se trouve renforcée sur un point : il convient avant tout d’appliquer les lois existantes et de renforcer les moyens budgétaires et humains pour agir concrètement et pratiquement contre les dérives sectaires.
En conséquence, si nous ne pouvons qu’approuver les objectifs du Gouvernement, je vous propose, comme la commission des lois en est convenue, d’aborder l’examen de ses propositions avec pragmatisme, dans le souci de favoriser des solutions opérationnelles et inscrites dans la durée, plutôt que de nous contenter d’effets d’annonce et de solutions de façade pour affronter des problèmes malheureusement trop réels.
Juridiquement, le contenu de ce projet de loi n’apparaît pas à la hauteur des enjeux.
Je regrette en particulier que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit de l’avis négatif du Conseil d’État, qui a estimé, selon les cas, qu’il n’était pas nécessaire de légiférer ou que certaines dispositions pourraient être considérées comme inconstitutionnelles.
Il me semble que la gravité du sujet, ainsi que les difficultés que nous rencontrons pour combattre des acteurs parfois très organisés et disposant d’importants moyens, doit nous inciter à la plus grande responsabilité et, avant tout, à une vigilance particulière.
Depuis la loi About-Picard, le Sénat a toujours fait preuve de constance sur ce point : il n’est ni envisageable de proposer de fausses solutions aux victimes ni souhaitable de légiférer sans que la nécessité de le faire soit avérée, au risque de fragiliser tout l’arsenal pénal existant.
Il convient également de veiller aux effets de bord de règles que l’on nous dit destinées à lutter contre les dérives sectaires, mais qui auront en fait une portée générale.
La commission des lois a, en conséquence, décidé de supprimer les articles 1er, 2 et 4 du projet de loi.
L’article 1er doublait en effet les infractions existantes et risquait de créer une confusion dommageable dans l’application du droit pénal, notamment s’agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.
L’article 2 en tirait les conséquences en créant, en miroir de la circonstance aggravante d’abus de vulnérabilité, une circonstance aggravante de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.
L’article 4 visait enfin à réprimer les provocations à l’abstention ou à l’arrêt d’un traitement susceptibles de porter gravement atteinte à la santé d’une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d’effet.
Bien que restreint dans sa portée depuis les sévères critiques du Conseil d’État, cet article demeurait attentatoire aux libertés, sans pour autant garantir une grande efficacité contre l’essor du discours en faveur des dérives sectaires. Nous finirions paradoxalement par desservir la cause que nous prétendons défendre si nous laissions les tenants de ces dérives se draper dans le manteau des libertés.
D’autres dispositions proposées par le Gouvernement nous semblent en revanche aller dans le bon sens. C’est pourquoi nous nous sommes attachés, en commission des lois, à en renforcer la solidité juridique.
Je pense à l’article 3, qui vise à rendre plus aisée la faculté donnée aux associations de se porter partie civile, en substituant à la nécessité d’une reconnaissance d’utilité publique un nouveau mécanisme d’agrément plus souple. Cette mesure exprime une reconnaissance du rôle indispensable joué par les associations de défense de victimes aux côtés de la Miviludes.
De la même manière, l’article 5 renforce l’information des ordres professionnels, au premier rang desquels l’ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l’encontre de leurs membres pour des agissements impliquant des dérives sectaires en lien avec leur exercice professionnel. J’y vois une avancée qui éclairera les décisions ordinales dès lors qu’une condamnation ou un contrôle judiciaire en lien avec l’exercice médical aura été prononcé.
Enfin, l’article 6 prévoit de confier à la Miviludes le rôle nouveau d’amicus curiae, pour faciliter son intervention en tant qu’expert dans les procès.
Par ailleurs, la commission des lois a considéré que ce texte nous donnait l’occasion de mettre en œuvre les recommandations des rapports parlementaires ayant fait date, particulièrement celles du rapport de la commission d’enquête sénatoriale de 2013.
Nous avons tout d’abord voulu doter la Miviludes d’un statut législatif, ce qui permettra enfin d’inscrire cette mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, qui est actuellement très paradoxale pour un organisme rattaché à un service du ministère de l’intérieur. En outre, ce statut protégera son président, ainsi que les personnes qui lui adressent des signalements contre les procédures abusives.
Ensuite, je n’ai pu que m’étonner de l’absence, dans le texte du Gouvernement, de dispositions réprimant les nouveaux modes opératoires des auteurs d’infractions en lien avec les dérives sectaires, et ce malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.
En conséquence, nous avons introduit dans le texte de nouvelles mesures renforçant la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de pratique commerciale trompeuse et d’abus de faiblesse, dès lors qu’ils sont commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.
En outre, j’ai apporté un soin particulier à la prise en compte de la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne courra qu’à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au placement d’un enfant dans une situation d’isolement social. Je souhaite remercier sur ce point Nathalie Delattre avec qui j’ai travaillé sur ce sujet tristement d’actualité.
Enfin, il me semble que certains amendements déposés par nos collègues de toutes sensibilités politiques pourraient utilement compléter la version sénatoriale de ce projet de loi.
Je pense en particulier aux amendements de François Bonneau, Corinne Imbert et Martine Berthet relatifs à l’exercice illégal de la pharmacie et de la biologie en ligne, mais également aux amendements de Guy Benarroche sur le maillage territorial des acteurs de lutte contre les dérives sectaires. J’émettrai en conséquence un avis favorable sur ces amendements.
Pour conclure, il me semble que nous ferons œuvre utile si nous parvenons à ne pas donner l’illusion de créer ce qui existe déjà, si nous évitons par conséquent de faire moins bien et de contribuer à la confusion des normes et si, en revanche, nous conduisons un travail législatif réfléchi et transpartisan jusqu’à son terme.
Je vous propose en conséquence d’adopter ce texte, largement complété par la commission des lois et expurgé de ses principales fragilités juridiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité souligne la pertinence de nos travaux. En effet, l’exploitation de femmes par un mouvement sectaire, au travers de pratiques tantriques, et l’enlèvement d’un enfant caché au sein d’un groupe nomade ont mis au jour le rôle de deux structures sectaires transnationales qui avaient échappé aux radars pendant de nombreuses années.
Dans ces deux cas, des groupes ont instrumentalisé nos libertés au détriment des intérêts de leurs membres, alors qu’elles ont été conçues au service de l’individu avant tout. La loi de 2001 avait déjà permis de souligner que de tels mouvements portaient atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Dans le cadre de la République, l’individu doit rester un citoyen souverain ; aussi doit-il être protégé. Faut-il rappeler, à la suite de Lacordaire, que, « entre le faible et le fort, entre le riche et le pauvre, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ?
Nous espérions un projet de loi plus ambitieux. À l’occasion des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, qui se sont tenues au mois de mars dernier, le Gouvernement a présenté une feuille de route pour les dix ans à venir.
Ces assises avaient été précédées par de nombreux rapports rédigés par les membres de nos deux assemblées, qui avaient trait aussi bien à la situation financière de ces mouvements et aux mineurs victimes des sectes qu’à la santé. Je pense en particulier au rapport issu des travaux de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, présidée par mon collègue sénateur du Vaucluse, Alain Milon, rapport qui ne trouve aucun écho dans le présent projet de loi.
La feuille de route annoncée semble se réduire à la taille d’un confetti, même si j’ai bien conscience qu’il reste encore neuf ans pour la réaliser !
Cette déception est particulièrement marquée pour ce qui concerne le choix du Gouvernement de se concentrer sur la seule réponse pénale.
Faut-il lier cette approche à la décision gouvernementale, prise voilà quatre ans, de rattacher la Miviludes au ministère de l’intérieur ? Je le pense. Aussi souhaiterais-je que le Gouvernement prenne conscience de ce tropisme réducteur et rende à la Miviludes le caractère interministériel et l’indépendance nécessaires à l’exercice de ses missions. C’est pourquoi je souscris à la proposition de la commission des lois d’accorder un statut législatif à la Miviludes.
Renforcer les moyens humains et financiers de la Miviludes, comme l’a souligné notre rapporteure, est plus que jamais nécessaire pour prévenir efficacement la menace sectaire nationale et internationale, au sein de laquelle les réseaux sociaux, les outils informatiques, notamment l’intelligence artificielle, et les « gourous 2.0 », qui expriment souvent des thèses conspirationnistes, jouent un rôle prédominant.
Au lieu de renforcer la Miviludes, le Gouvernement abandonne pourtant l’accompagnement des victimes aux membres de la société civile, qui n’ont pas obligatoirement les compétences professionnelles requises, en dépit de leur engagement.
Disposer d’une législation spécifique contre les dérives sectaires est également nécessaire, malgré l’existence d’un arsenal législatif de portée générale. L’argument selon lequel la législation existante serait suffisante avait déjà été avancé lors de l’élaboration de la loi de 2001.
Toutefois, répéter aujourd’hui une telle antienne ne sert à rien. En effet, après une vingtaine d’années d’application timide, la loi de 2001 a montré ses limites ; aussi le volet pénal doit-il réellement être amélioré. Il est ainsi urgent d’attribuer un code spécifique aux affaires où une dérive sectaire est liée à une infraction dite « ordinaire », afin que la Miviludes en soit informée.
L’article 1er, qui visait à créer une infraction autonome d’abus frauduleux de la situation de faiblesse résultant de l’état de sujétion d’un individu, a été supprimé par la commission. Sa rédaction était certes problématique, mais cette suppression revient à vider de sa portée la défense des personnes ainsi mises en sujétion. L’article 223-15-2 du code pénal, à la rédaction souvent mal comprise, resterait difficile à appliquer. Les victimes pourraient en pâtir. Il faudra donc, à l’évidence, revenir sur ce sujet.
Pour comprendre cette difficulté d’application, il convient de revenir brièvement sur la genèse de l’article 223-15-2 du code pénal réprimant l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne. Selon cet article, plusieurs catégories de personnes sont considérées comme particulièrement vulnérables : le mineur, la personne âgée, la personne atteinte d’une maladie, d’une déficience physique ou psychique, ou encore la femme enceinte.
C’est la loi de 2001, votée à l’unanimité, qui a élargi la protection des personnes vulnérables à celles « en état de sujétion psychologique ou physique », cette protection ne se limitant pas à celle de leurs biens. En outre, l’alinéa 2 de l’article 223-15-2 du code pénal dispose que, si l’infraction est commise par le dirigeant d’un groupement créant, maintenant ou exploitant une telle sujétion, les peines sont alors aggravées. Cet alinéa introduit surtout l’idée que la sujétion peut être créée.
La difficulté de distinguer les personnes intrinsèquement vulnérables de celles dont la vulnérabilité est due aux pressions exercées par le dirigeant d’un groupe abusant de leur faiblesse a été mise en évidence par les différentes décisions de justice rendues depuis 2001.
Certaines décisions exigent, à tort, que soit démontrée l’existence d’une vulnérabilité préexistante, alors que la loi précisait clairement que cet état pouvait être créé. Cette confusion découle de la façon dont la sixième catégorie de personnes vulnérables a été inscrite dans le code pénal par le législateur, animé par la volonté de protéger les biens de ces personnes.
C’est le déplacement de cet article du code pénal depuis le titre relatif à la protection des biens vers celui concernant les atteintes aux personnes qui a entraîné cette confusion. On a ainsi occulté l’intention d’assujettissement des personnes par les groupements cités dans cet article du code pénal, à l’encontre de l’esprit de la loi de 2001, qui rappelait l’atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales commise par un tel groupement.
L’article 1er du projet de loi visait à préciser quelque peu la situation de la personne assujettie en instituant un délit autonome permettant de réprimer les agissements ayant pour effet de créer cet état, ce qui était réclamé par les praticiens défendant les victimes de tels abus.
Toutefois, la suppression de cet article, du fait de sa rédaction problématique, peut-être hâtive, fait qu’il s’agit, à ce stade, d’un rendez-vous manqué.
Les dossiers d’emprise sectaire que je souhaite évoquer impliquent l’existence de la dimension de groupe mentionnée à l’article 223-15-2 du code pénal.
La cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires définit cette dimension comme une forme archaïque de gouvernement, au sein de laquelle le manipulateur cumule les trois pouvoirs normatif, exécutif et judiciaire. Cela crée une forme de toute-puissance qui légitime la soumission de l’adepte, tout en masquant la coercition à l’œuvre.
Cette dimension de groupe évite la confusion avec les conflits intraconjugaux. La réflexion sur la gouvernance interne des groupes de nature sectaire montre que la rédaction de l’article 1er du projet de loi aurait pu être retravaillée pour que cet article soit adopté, car il touche au fondement du paradigme démocratique.
Il importe de ne pas édulcorer, dans le présent texte, le caractère spécifique de l’emprise exercée par le groupe ; je souhaite vous mettre en garde contre ce danger, mes chers collègues. La Cour de cassation a très justement qualifié le groupe sectaire d’« institution », ce qu’il est réellement aux yeux de l’adepte assujetti.
Si les apports de la commission au présent projet de loi vont dans le bon sens, l’instauration de l’infraction de mise en état de sujétion, ou d’assujettissement, constitue, à mon sens, un outil indispensable, même si ce n’est qu’une des multiples facettes du sujet.
Mesdames les ministres, ce projet de loi est un rendez-vous manqué, car il a été rédigé de manière précipitée et n’est pas à la hauteur des enjeux décrits.
Il est nécessaire d’adapter les outils de lutte contre les dérives sectaires qui ont trait à la santé, à l’alimentation ou au développement personnel, qui utilisent le numérique et qui touchent les mineurs. Dans ce dernier cas, l’histoire d’Alex, jeune Anglais retrouvé après six années d’errance, illustre cette nécessité.
Le Sénat a travaillé avec sérieux et a amendé le projet de loi – seize amendements ont été adoptés en commission et d’autres le seront, sans doute, au cours de cette séance. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail de notre rapporteure.
Toutefois, le sujet des dérives sectaires méritait mieux qu’une réaction précipitée. Il convient de protéger, selon les chiffres de la Miviludes, quelque 500 000 adeptes de mouvements sectaires et 80 000 enfants élevés dans un tel contexte, mais surtout de sensibiliser et de protéger tous ceux qui sont approchés par de tels mouvements chaque jour. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Vincent Louault. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en renforçant des dynamiques d’ores et déjà à l’œuvre, la crise sanitaire a considérablement accru la part du numérique dans nos vies. Les réseaux sociaux en ont massivement profité. Ainsi, TikTok est passé de 54 millions d’utilisateurs en 2018 à plus de 689 millions en juillet 2020.
Les algorithmes et les bulles de filtres fracturent nos sociétés et mettent en péril nos institutions. Sur ces plateformes, les individus sont de plus en plus seuls et la désinformation y circule de plus en plus vite. Alors qu’ils devaient nous lier les uns aux autres, les réseaux sociaux nous isolent.
Or les individus isolés sont des individus plus vulnérables. Le phénomène des dérives sectaires n’est pas nouveau, mais il s’adapte et tire avantage des évolutions technologiques.
L’arrestation de plusieurs responsables d’une secte de yoga sévissant en Europe nous rappelle la réalité des menaces qui pèsent sur les plus faibles de nos concitoyens : traite, séquestration, viol, ou encore abus de faiblesse.
Nous devons œuvrer davantage à leur protection. Aussi le Gouvernement entend-il, au travers du texte qui nous est soumis, renforcer la répression des mouvements qui exploitent la vulnérabilité des personnes.
La commission des lois a déploré, à juste titre, le manque de moyens de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. C’est d’autant plus regrettable que la Miviludes doit répondre à un nombre de signalements actuellement en forte augmentation, comme la commission a pu elle-même s’en convaincre.
La commission a également cherché à enrichir le projet de loi, notamment par l’introduction de circonstances aggravantes au délit d’abus de faiblesse relatives à l’utilisation de moyens de communication en ligne.
L’objectif de notre rapporteure a été, plutôt que d’ajouter de nouvelles dispositions au droit en vigueur, de mieux appliquer celles qui existent déjà.
Néanmoins, nous remarquons que le projet de loi n’a pas été réduit par la commission ; elle l’a enrichi, y compris pour transcrire dans la loi des dispositions aujourd’hui de valeur réglementaire. Nous craignons seulement que ces mesures soient insuffisantes.
La commission a, dans le même temps, supprimé l’article 1er, qui créait un délit de placement ou de maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Tout comme les associations d’aide aux victimes, nous regrettons cette suppression. En effet, ce nouveau délit aurait contribué à mieux protéger nos concitoyens, en donnant aux forces de l’ordre et aux magistrats les moyens de poursuivre et de condamner les personnes ayant commis des actes qui échappent encore à la justice.
L’article 4 visait, quant à lui, à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines alternatives. En la matière, la Miviludes indique faire face à une hausse très significative des signalements. La pandémie de covid a, semble-t-il, libéré la créativité des détracteurs de la science, et ce jusqu’au sein de notre assemblée !
La commission a choisi de supprimer l’article 4. Nous voulons croire que cette suppression a été motivée par les réserves exprimées par le Conseil d’État plutôt que par les centaines de courriels envoyés par les principaux intéressés. Reste qu’un moyen de mieux lutter contre les dérives sectaires en matière de santé devra être trouvé.
En l’espèce, l’article 5 constitue une avancée et nous nous félicitons qu’il ait échappé à la suppression. En effet, il nous semble important que les ordres professionnels soient informés des dérives de leurs membres et puissent prendre les mesures qui s’imposent à leur égard.
Dans un monde de plus en plus numérique, nous redoutons que les dérives sectaires continuent leur progression. La question des moyens financiers consacrés à la lutte contre de tels mouvements est assurément incontournable. Aussi devons-nous renforcer ceux de la Miviludes.
La prévention constitue également un aspect important de la lutte contre les dérives sectaires. Nous devons faire davantage en la matière si nous voulons éviter que nos concitoyens vulnérables en deviennent victimes.
Toutefois, notre arsenal répressif devra être adapté si nous voulons que la justice puisse agir avant que des drames ne se produisent.
Cela étant dit, notre groupe souscrit aux objectifs définis dans le projet de loi du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aujourd’hui, les dérives sectaires se multiplient, en partie à cause des réseaux sociaux, qui permettent à ces discours de toucher le plus grand nombre.
Cette menace a aussi grandement évolué. Aux groupes à prétention religieuse vient désormais s’ajouter une multitude d’individus qui investissent plus particulièrement les domaines de la santé, de l’alimentation et du bien-être.
Ainsi, en 2021, 4 020 signalements ont été enregistrés – un record ! Ce chiffre est en augmentation constante depuis plusieurs années : +33 % entre 2020 et 2021, +86 % depuis 2015.
Devons-nous lutter, ou considérer que, après tout, chacun est libre de penser et de se soigner comme il l’entend ?
Pour ma part, j’estime que notre mission est de protéger la société d’individus qui, sous couvert de bienveillance, placent les gens sous leur contrôle pour faire d’eux leur « chose » et, au passage, accaparer leurs biens.
En effet, ne nous y trompons pas, derrière l’ouverture des chakras, la transcendance interplanétaire ou le traitement de la calvitie par le jus de betterave se cache une réalité bien plus matérielle, faite d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les gourous recherchent, bien souvent, autant la soumission psychique que celle des comptes en banque…
Les Inconnus traduisaient bien cet état de fait, lorsqu’ils faisaient dire à Skippy, le grand gourou : « Tout bien que tu détiens est un souci qui te retient ! »
Il nous faut donc lutter contre de tels individus. Bien sûr, on pourra m’opposer que des sanctions pénales répriment d’ores et déjà les pratiques commerciales trompeuses, l’exercice illégal de la médecine, le harcèlement moral, ou encore l’abus de faiblesse. C’est vrai, mais est-ce suffisant ? Au regard des chiffres et des rapports publiés, il est probable que non. Après avoir entendu la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), assurément, cela ne l’est pas.
En effet, nous sommes confrontés à une menace particulièrement difficile à appréhender, protéiforme, discrète, dont les auteurs jouent souvent avec les limites de la légalité, en s’abritant derrière la liberté de conscience pour isoler petit à petit leurs victimes, qui n’ont pas conscience de l’être.
Par conséquent, il est de notre responsabilité de doter l’État – les magistrats, les policiers et les gendarmes – des outils juridiques les plus efficaces. Ce n’est pas simple !
En effet, le périmètre du projet de loi du Gouvernement était apparemment trop large, en particulier pour les articles 1er et 4. Pourtant, à mes yeux, une réécriture plus fine des articles en cause aurait été préférable à leur simple suppression.
L’enjeu le mérite. Il semblerait que la nouvelle rédaction du texte ne convienne pas non plus. Espérons que la navette parlementaire permette d’aboutir à une version du projet de loi pointant au plus juste les dérives que nous combattons.
En revanche, je salue le travail de la rapporteure visant à consacrer les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.
Les acteurs de cette lutte étaient très inquiets lorsque la Miviludes a changé de ministère de tutelle. Les remous qui s’ensuivirent autour de la figure du préfet Gravel ne firent qu’accentuer cette inquiétude.
Espérons donc que le présent projet de loi donne un nouveau souffle à la Miviludes, afin qu’elle puisse conduire les actions de prévention ambitieuses qui font aujourd’hui défaut à la réponse publique.
Notre groupe regrette également que la question des financements ne soit pas abordée par le Gouvernement dans ce projet de loi. Ma collègue Nathalie Goulet aura l’occasion de détailler nos préoccupations sur ce sujet.
En fin de compte, plus que louable, l’intention du Gouvernement est nécessaire. Ces menaces évoluent particulièrement vite. Or, en toute franchise, nous avons déjà pris du retard !
En ce sens, j’espère que nous aurons l’occasion d’enrichir le texte au cours de nos débats et de la navette parlementaire ; en attendant, le groupe Union Centriste votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité récente, notamment l’affaire de ce Britannique âgé de 17 ans retrouvé après une disparition de six ans, nous rappelle la réalité des dérives sectaires.
Emprise psychologique, destruction de la cellule familiale, isolement social, exploitation financière, voire sexuelle : il s’agit de bien plus que d’une pensée ou d’un mode de vie située à la marge de la société.
Pourtant, le danger lié aux dérives sectaires semble peu pris en considération par les pouvoirs publics, à tel point que la disparition de la Miviludes a même pu être évoquée en 2020.
Certes, des assises nationales se sont bien tenues au début de l’année, mais elles n’ont tenu compte d’aucune des recommandations émises par les auteurs des rapports parlementaires transpartisans publiés ces dernières années, comme l’a montré la commission des lois.
Le présent projet de loi n’est qu’une ébauche de réflexion sur de nouvelles dispositions pénales.
La version du texte proposée par le Gouvernement manquait de mesures ayant trait au numérique et comportait des risques d’inconstitutionnalité relevés par le Conseil d’État, dans son avis publié le 17 novembre 2023.
Nous aurons l’occasion de présenter des pistes d’amélioration fondées sur des travaux parlementaires, notamment en matière de formation des professionnels du droit.
Ces dernières années, nous assistons à une augmentation des phénomènes sectaires, qui prennent désormais des formes multiples : ces mouvements ne sont plus uniquement à vocation religieuse ou spirituelle, mais investissent aussi les domaines de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation.
En 2021, on comptait 4 020 saisines de la Miviludes, soit un bond de 33 % depuis l’année précédente et une augmentation de 86 % depuis 2015. Un quart des signalements faits à la Miviludes ont trait à la santé et au bien-être.
La commission des lois a pris la mesure de l’effet amplificateur qu’ont eu, en la matière, les réseaux sociaux ces dernières années. C’est pourquoi elle a introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d’abus de faiblesse, lorsque les infractions sont commises par le biais de ces réseaux.
Si l’aspect d’escroquerie financière est presque toujours au cœur de ces pratiques délétères, les conséquences psychiques et physiques sont aussi importantes.
La commission a tout autant pris la mesure des dangers que courent les mineurs en la matière et a ainsi modifié les règles ayant trait aux délais de prescription en cas d’abus de faiblesse.
Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du texte en commission, nous avons pu conférer un réel statut législatif à la Miviludes, afin de conforter son rôle face aux dérives sectaires, dont le nombre ne fait qu’augmenter, sous des formes toujours plus variées.
À ce titre, nous saluons la prise en compte du nouvel aspect numérique de tels phénomènes.
Nous le savons tous, un climat de défiance s’est diffusé dans tous les domaines et les discours antiscientifiques ont été amplifiés, notamment par l’usage accru des réseaux sociaux depuis l’épidémie de covid-19.
En la matière, les dérives sont rapides et leurs auteurs prompts à vanter des traitements qui n’ont été ni étudiés ni validés. Les situations d’incertitude médicale ou personnelle sont propices à la diffusion de prétendues réponses aussi simples que miraculeuses.
Il existe un risque pour la santé publique. Des personnes vulnérables peuvent se laisser convaincre par quelque margoulin de se soumettre à des soins délivrés par des non-professionnels et susceptibles d’être dangereux pour leur santé.
Le Gouvernement doit développer des politiques axées sur la prévention, afin de lutter réellement contre l’émergence de groupes isolés, dédiés à la santé et au bien-être, domaines qui donnent lieu à de nombreuses dérives et à bien du charlatanisme.
Au-delà du rôle conforté de la Miviludes, l’importance des associations est aussi mise en avant. Très au fait des méthodes de certains mouvements, elles restent un des piliers de la lutte contre les dérives sectaires. L’accompagnement qu’elles offrent aux victimes et à leurs proches est une des clés d’une meilleure approche judiciaire des faits délictueux, voire criminels.
Aussi la reconnaissance qui leur est apportée est-elle plus que juste. En effet, cela a déjà été dit, l’arsenal législatif destiné à réprimer les agissements de ces communautés existe déjà. C’est bien sa connaissance et sa mise en œuvre qu’il convient d’améliorer.
Sur ce sujet, nous défendrons des amendements issus des travaux menés au sein de notre assemblée, par Jacques Mézard et Alain Milon, en 2013. Leur enquête se concentrait sur les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires dans le domaine de la santé, mais leurs préconisations pleines de bon sens et de retours d’expérience mériteraient un soutien bien plus important.
Il ressortait de leurs travaux que les magistrats comme la protection maternelle et infantile (PMI) pourraient bénéficier d’un soutien de l’État dans leur formation afin que les mécanismes en jeu soient mieux connus et que des détections soient possibles, en particulier pour ce qui concerne les enfants.
Ce rapport de 2013 préconisait le déploiement d’une campagne d’information sur le sujet. Nous n’avons pas pu inscrire dans le présent texte une telle mesure, au vu des règles de recevabilité financière des amendements, mais nous invitons fortement le Gouvernement à s’engager en ce sens.
Ce rapport soulignait également une certaine libéralité des préfectures dans la mise en place de cellules consacrées aux dérives sectaires.
Le texte qui nous est soumis est très largement insuffisant ; il se compose de petites mesures, visant simplement à reconnaître au sein de notre arsenal pénal l’existence de ces phénomènes sectaires, sans agir sur les causes des phénomènes.
Je salue donc les travaux de notre commission, qui ont fortement modifié le projet initial, en complétant les dispositifs proposés par des mesures plus opérationnelles destinées à lutter plus efficacement contre le fléau sectaire.
Aussi notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sera-t-il attentif au sort réservé aux améliorations de bon sens qu’il proposera sur ce texte. Si l’équilibre trouvé par la commission est conservé dans le texte issu de nos débats, nous voterons pour son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le principal mérite du texte proposé par le Gouvernement est d’attirer notre attention sur la recrudescence des dérives sectaires.
Celles-ci sont en partie nourries par la montée de l’irrationalisme, par la contestation de la science, par la perte de légitimité des institutions politiques et scientifiques, par la propagation sur les réseaux dits « sociaux » de récits complotistes et par l’illusion que chacun pourrait se constituer sa vérité à partir d’informations glanées sans méthode, sans médiation et sans vérification.
À raison, le Gouvernement considère que ces processus de sujétion des individus sont particulièrement nocifs quand ils touchent à leur santé. Néanmoins, les dispositions législatives qu’il propose pour protéger la santé de nos concitoyens ne s’inscrivent que dans le code pénal et le code de procédure pénale, alors qu’il aurait fallu s’interroger sur leurs relations avec le code de la santé publique, surtout quand elles sont relatives à l’exercice illégal de la médecine.
Par ailleurs, mesdames les ministres, si ce n’est pas le Conseil d’État qui écrit la loi, il est en revanche tout à fait raisonnable d’écouter le Conseil d’État pour écrire la loi… En l’occurrence, vous auriez dû entendre ses critiques sévères à l’encontre, notamment, de la rédaction de l’article 4 de votre projet de loi, qui porterait atteinte, selon lui, aux principes constitutionnels de la liberté d’expression, des libertés académiques et de la liberté fondamentale d’accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales.
Il serait donc funeste que l’article 4 soit réintroduit, dans sa rédaction initiale, par l’Assemblée nationale, car il instaure un délit de publicité en faveur de pratiques à finalité thérapeutique récusées par la science médicale, mais ne précise pas si les professionnels de la médecine sont eux aussi concernés. En d’autres termes, comment cette disposition s’articule-t-elle avec la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet-Sérusclat ?
Il faut défendre la liberté de la recherche, la possibilité pour les savants de soumettre à une saine critique leurs résultats et ceux de leurs collègues, ainsi que la nécessité de nouvelles pratiques thérapeutiques. Mais ces travaux ne peuvent s’affranchir des règles déontologiques et éthiques propres à la médecine. Comme le rappelait le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des sciences, dans une tribune publiée le 28 mai dernier, il est impérieux que la démonstration des effets thérapeutiques des médicaments respecte les droits et la sécurité des personnes participant à la recherche.
Je regrette vivement que les graves méconduites scientifiques commises durant la pandémie de covid n’aient pas été plus rapidement et plus sévèrement sanctionnées. La liberté de la recherche impose un strict respect de l’intégrité scientifique.
Avec la rapporteure de la commission des lois, je déplore la précipitation avec laquelle ce projet a été élaboré, puis soumis à notre examen. Il eût été de bonne politique qu’il profitât des travaux importants réalisés par le Parlement et, notamment, du rapport rendu par notre ancien collègue Jacques Mézard en avril 2013. Je comprends donc l’impuissance de la commission à corriger un texte aussi peu abouti et sa décision d’en supprimer quatre articles.
Le texte ainsi remanié par la commission introduit quelques dispositions utiles dans le code pénal, mais son principal apport réside dans la reconnaissance législative de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La Miviludes voit ainsi sa mission renforcée, alors que son autonomie avait pu être menacée par le passé.
Une telle institutionnalisation de la Miviludes avait été préconisée par Georges Fenech dans son rapport remis en 2008. Cela doit maintenant s’accompagner d’un renforcement de ses moyens et de son budget, afin qu’elle puisse jouer un rôle efficace contre les dérives sectaires.
Aujourd’hui, nous voterons en faveur de ce texte, tel qu’il a été modifié par la commission.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en décembre 2000, l’émission d’investigation Envoyé spécial présentait un document édifiant, inédit à l’époque, sur la secte menée par Claude Vaurilhon, surnommé Raël. Après les drames de l’Ordre du temple solaire, le grand public découvrait comment s’installait l’emprise d’un gourou aussi fantasque que dangereux sur des adeptes fragilisés et bientôt dépouillés, humainement comme financièrement.
Aujourd’hui, chacun le sait, les dérives sectaires ne s’incarnent plus seulement dans ces groupes mimant des croyances religieuses : le phénomène s’est emparé d’internet, des réseaux sociaux et, plus généralement, de tous les outils du numérique.
Les gourous en ligne fleurissent, cachés derrière des pseudonymes et des discours aux allures de science alternative. Mais les conséquences sont toujours aussi dramatiques pour ceux qui adhèrent à leur parole.
Le groupe du RDSE se préoccupe depuis longtemps déjà des dérives sectaires. Nous avions pris l’initiative, en 2012, d’une commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, dont le rapporteur fut notre ancien collègue Jacques Mézard.
Le rapport qu’il rendit l’année suivante reste extrêmement pertinent ; notons en particulier que certaines de ses recommandations ont été reprises par notre commission des lois. Nous nous en réjouissons.
Toutefois, le fait qu’un rapport datant d’une dizaine d’années soit encore si actuel sonne comme un avertissement préoccupant : j’y vois le signe d’une décennie au cours de laquelle nous avons trop peu agi en la matière.
Vous l’aurez donc compris, notre groupe a accueilli avec enthousiasme ce projet de loi. Cependant, nous déplorons qu’il nous soit présenté en fin d’année, à la suite du marathon budgétaire, nous privant ainsi du temps suffisant pour engager un travail de fond d’ampleur, à la mesure de la problématique.
C’est d’ailleurs une difficulté que vous semblez avoir également rencontrée, mesdames les ministres, avec le Conseil d’État, qui en fait mention dans son avis. Ce texte dont des vies humaines dépendent a été préparé dans un délai contraint ; force est de constater que cela a produit une rédaction approximative. Le sujet méritait mieux !
Il n’en reste pas moins que le texte du Gouvernement comportait des mesures fortes. Je pense aux articles 1er et 2, qui créaient un dispositif répressif protégeant les victimes d’un état de sujétion psychologique ou physique, si cette situation aboutissait à une dégradation grave de leur santé.
Je pense ensuite à l’article 4, par lequel le Gouvernement proposait, certes maladroitement, de réprimer la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques pseudo-thérapeutiques, lorsque ces actions, présentées comme bénéfiques, exposaient les personnes concernées à des risques d’une particulière gravité pour leur santé.
Je regrette que notre commission ait fait le choix de supprimer ces trois articles, alors même que le Conseil d’État, tout en soulignant leurs imperfections rédactionnelles, avait néanmoins affirmé le caractère incontestable de la légitimité de l’objectif recherché.
Je vois cette suppression comme un pas de côté, que notre groupe regrette. Toutefois, je reconnais que la commission n’a pas disposé du temps nécessaire pour faire aboutir ses travaux. À cet égard, je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, d’autant que c’est son premier rapport !
Avec modestie, je vous proposerai de rétablir les articles 1er et 2. J’ai en outre cherché à réécrire l’article 4, en introduisant des garde-fous supplémentaires. Le Gouvernement a également déposé un amendement de rétablissement de cet article, dans lequel les contours de l’infraction semblent mieux dessinés.
Certes, ce texte comporte des imperfections. Toutefois, la navette parlementaire pourrait porter ses fruits ; c’est en tout cas ce que nous espérons vivement.
Pour le reste, les apports de la commission nous satisfont. Je pense en particulier à l’article 2 bis, issu d’un amendement que j’avais défendu en commission, aux côtés de Mme la rapporteure, et qui devrait permettre l’allongement du délai de prescription lorsque l’abus de faiblesse est commis sur une victime mineure.
Je pense également à l’inscription dans la loi du statut de la Miviludes, conformément à une recommandation du rapport Mézard. Il est impératif que cette instance soit protégée et renforcée statutairement. Jacqueline Eustache-Brinio et moi-même avions d’ailleurs été alertées sur ce sujet en 2020, dans le cadre de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, que je présidais. Nous avions donc fait de cette mesure notre première proposition.
Ces ajouts à notre droit sont les bienvenus. Par conséquent, même si aucune des dispositions supprimées n’était rétablie, nous voterions malgré tout le texte, mais non sans regret, au regard des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j’essaierai d’être le plus bref possible, car je sens qu’un autre débat est attendu ici !
Néanmoins, les dérives sectaires sont un sujet important. Elles font, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes en France. Deux décennies après l’adoption de la loi About-Picard, force est de constater que notre dispositif législatif ne correspond plus aux enjeux actuels, notamment en raison de l’évolution de la menace, qu’il s’agisse des nouvelles technologies ou de la médecine.
Nous avons donc besoin d’adapter notre droit. Telle est la vocation du texte présenté par le Gouvernement.
Je ne peux que regretter la suppression, par la commission, des articles 1er et 4, qui permettaient de mieux cerner, en matière pénale, les agissements auxquels nous souhaitons mettre fin. Il s’agissait de mieux prendre en compte la spécificité de l’emprise sectaire et d’agir en amont de l’abus de faiblesse. Cela aurait permis de répondre aux demandes non seulement des policiers spécialisés dans ce domaine et des magistrats, mais aussi des associations.
Nous aurons sans nul doute l’occasion de revenir sur ces points lors de l’examen des amendements déposés sur le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
12
Immigration et intégration
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (texte de la commission n° 224, rapport n° 223).
La parole est à Mme le rapporteur. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Huées sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue, hier et aujourd’hui, sur le projet de loi relatif à l’immigration.
M. Mickaël Vallet. À Matignon !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, la particularité de cette commission mixte paritaire : alors que nous travaillons normalement à partir de deux textes, celui du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, nous n’avons eu, en l’occurrence, qu’un seul document de travail, à savoir le texte qui émanait du Sénat, l’Assemblée nationale ayant rejeté le projet de loi.
Ces circonstances particulières impliquaient selon moi que le texte du Sénat, qui seul avait reçu l’onction démocratique, si je puis dire, constitue la base de notre travail. Cette onction avait d’ailleurs été assez large, puisque le texte avait reçu 210 suffrages au sein de notre assemblée.
Vous n’aurez donc pas un grand effort à faire pour comprendre à quel texte a abouti cette commission mixte paritaire, si ce n’est un effort de mémoire. En effet, il s’agit, dans sa quasi-intégralité, du texte que nous avions approuvé au Sénat en première lecture.
Nous avons maintenu l’architecture de notre texte, qui comprenait un titre totalement nouveau sur la maîtrise des voies d’accès au séjour, un deuxième volet sur l’intégration et un autre sur l’éloignement, ainsi que deux séries de dispositions plus techniques, l’une sur l’accueil des demandeurs d’asile et l’autre sur les procédures judiciaires.
C’était surtout le premier point qui nous intéressait, à savoir le titre Ier A relatif à l’entrée des étrangers sur notre territoire. Nous avons globalement conservé ce que j’estime être un apport du Sénat. Je pense tout d’abord au débat qui aura lieu au Parlement et permettra de fixer des quotas. Ce titre vise ensuite à raffermir les procédures d’obtention de divers titres de séjour, qu’il s’agisse du regroupement familial ou des titres destinés aux étrangers malades ou aux étudiants, qui feront l’objet d’un meilleur contrôle.
Nous avons aussi obtenu, me semble-t-il, une amélioration concernant l’aide médicale de l’État (AME). En la matière, Mme la Première ministre, dans un courrier envoyé au président du Sénat, a déclaré que ce débat reprendrait dans les mois qui viennent, à la lumière du rapport de MM. Évin et Stefanini – ce rapport n’est pas inintéressant, il faut le dire –, afin que nous puissions assurer un meilleur contrôle de cette aide.
Nous avons donc maintenu dans le texte le titre relatif à une meilleure maîtrise de l’entrée des étrangers sur notre territoire. Cela faisait quatre ans que, avec Philippe Bonnecarrère, en tant que rapporteurs pour avis de la commission des lois pour les budgets relatifs à l’immigration, nous soulignions l’importance de ce volet.
Le deuxième volet du texte, également important, a trait à l’intégration. Il est désormais acquis, me semble-t-il, qu’une meilleure connaissance de la langue française sera demandée à ceux qui souhaitent vivre durablement en France, par le biais d’une carte de séjour pluriannuelle, mais aussi au titre du regroupement familial.
Il leur sera aussi demandé de réussir un examen civique – de la sorte, ceux qui veulent vivre chez nous pourront mieux comprendre quel est notre pays, donc mieux s’y intégrer et mieux s’y adapter –, ainsi que de s’engager par contrat à respecter les principes de la République.
Il me semble en effet nécessaire que les étrangers qui viennent vivre dans notre pays respectent la France, en parlent la langue, en connaissent l’histoire et en partagent l’esprit civique.
Le sujet de l’intégration par le travail avait été abordé ; nous en avons longuement discuté en examinant les articles 3 et 4 bis. Je n’y reviens que pour vous dire que l’article 4 bis a été maintenu : il n’y aura pas de prime à la fraude et la régularisation se fera dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour. Autrement dit, l’État conserve la maîtrise de la politique migratoire.
Quant au volet relatif à l’éloignement, il a été totalement maintenu : l’éloignement de ceux qui causent des troubles à l’ordre public sur le territoire français est facilité ; sur ce point, me semble-t-il, nous serons tous d’accord.
Enfin avait été ajouté par le Sénat un titre entier sur les outre-mer, pour lesquels notre assemblée a un intérêt tout particulier : la commission mixte paritaire l’a maintenu.
Voilà résumé sommairement, mes chers collègues, ce que nous avons fait – le temps me manque pour vous en dire plus. Je me contenterai, pour conclure, de noter que, par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes. Nous le faisons d’une façon qui me paraît extrêmement raisonnable et qui sera – je l’espère – efficace.
C’est pourquoi, dans la mesure où il s’agit peu ou prou du texte que nous avions adopté en première lecture, je demande à tous ceux qui l’avaient voté – nous étions deux cent dix – d’adopter les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – chère Sabrina Agresti-Roubache –, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer, je me réjouis qu’après plus d’un an de discussions parlementaires, qui ont mis ce texte important en pleine lumière, nous arrivions au but.
J’espère désormais que le Sénat et l’Assemblée nationale voteront ce projet de loi, afin que nous puissions protéger les Français, mieux intégrer les étrangers (Exclamations sur les travées du groupe SER.), simplifier la vie administrative de nos concitoyens, mais aussi, il faut le dire, améliorer des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial du Gouvernement. (Murmures ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)
Le texte du Sénat ne remplace pas le texte du Gouvernement : il le complète. (Oh ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Mickaël Vallet. Même à Sciences Po, je n’aurais pas osé !
M. Gérald Darmanin, ministre. Sur vingt-sept articles inscrits dans le projet de loi initial, un seul a été retiré : l’article 4, qui visait à autoriser les demandeurs d’asile à travailler dès l’introduction de leur demande au lieu du délai de six mois actuellement applicable. Tous les autres ont été maintenus, la plupart dans leur intégralité ; certains ont été assortis de modifications mineures, d’autres de modifications plus substantielles, mais l’esprit du texte initial a toujours été conservé.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. CQFD !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement et, me semble-t-il, la majorité de l’Assemblée nationale avec lui – je voudrais saluer également, dans votre assemblée, les groupes présidés par François Patriat et Claude Malhuret, qui nous ont soutenus dans cette action – tenaient à l’équilibre de son texte. (Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
Premier point d’équilibre : tout ce qui a trait à l’intégration des personnes étrangères.
Le texte contient à cet égard beaucoup de dispositions sur la langue – l’obtention d’un titre pluriannuel est notamment subordonnée à la réussite à un examen de français – ou sur le travail.
Ensuite, si le Sénat vote ce texte, ce qui laisse peu de doutes, et si l’Assemblée nationale le vote également,…
Plusieurs sénateurs des groupes SER et GEST. C’est déjà plus douteux !
M. Gérald Darmanin, ministre. … alors, pour la première fois de l’histoire de la République sera inscrite dans le droit une mesure législative de régularisation, qui, comme l’a souhaité le Gouvernement, coupe le lien entre employeur et employé.
Cette mesure touchera des milliers de personnes – d’après nos chiffres, entre 7 000 et 10 000 – qui, exerçant des métiers en tension, méritent de sortir de la situation d’hypocrisie dans laquelle nous les plongeons collectivement, au fil des gouvernements successifs, depuis tant d’années. Ainsi connaîtront-ils enfin le monde tel qu’il est classiquement : quand on paie des cotisations, quand on paie des impôts, il est normal de se voir reconnaître un titre de séjour sur le sol de la République.
Je m’étonne que la gauche, sans doute pleine de regrets de ne pas l’avoir fait elle-même, ne le voie pas. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Thomas Dossus. Relisez l’article !
Mme Corinne Féret. Scandaleux !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’en viens à un deuxième point d’équilibre du texte du Gouvernement, à savoir le lien très fort que nous avons tâché de nouer entre deux exigences : il nous fallait être davantage à l’écoute des nécessités de l’intégration, d’une part, et nous montrer plus durs contre la délinquance étrangère et les criminels étrangers, d’autre part.
De ce point de vue, le travail parlementaire mené au Sénat et en commission mixte paritaire a permis d’améliorer les dispositifs proposés par le Gouvernement, dont l’objet est de revenir, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, sur des protections auxquelles on se référait jadis sous l’appellation de « fin de la double peine ». Ainsi entérinerons-nous des dispositions qui nous permettront, enfin, d’expulser les délinquants étrangers du sol national ou de leur retirer leur titre de séjour au motif qu’ils adhèrent à une idéologie radicale ou qu’ils rejettent les principes de la République.
En même temps, si j’ose dire,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Arrêtez avec ça : on est dans tout à fait autre chose désormais.
M. Gérald Darmanin, ministre. … que nous menons le nécessaire combat contre les délinquants étrangers, pour la première fois dans la loi de la République, et après cinquante ans de demandes d’à peu près tout le monde associatif et de tous les partis politiques de gauche – qui ne le font jamais lorsqu’ils sont aux responsabilités ! –, nous allons interdire le placement des enfants, des mineurs, dans les centres de rétention administrative, dans tous les lieux de rétention administrative.
Cette mesure, nous la devrons au Gouvernement, au Président de la République…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. À la CEDH !
M. Gérald Darmanin, ministre. … et à ceux qui voteront ce texte dans quelques instants. Il y a là une grande avancée qui devrait, me semble-t-il, attirer l’attention de quelques-uns d’entre vous…
Le troisième sujet est très important – c’est sans doute le plus important – et je regrette, monsieur le président de la commission des lois, qu’il n’ait pas fait florès dans les débats, médiatiques comme parlementaires : c’est la simplification de nos procédures administratives, directement inspirée de votre rapport, qui lui-même fait écho au rapport remis par M. Stahl au nom du Conseil d’État.
En simplifiant le contentieux des étrangers – on passe de douze à trois procédures –, nous armons profondément notre justice administrative. Ces dispositions font l’objet de deux titres très importants et de dizaines d’articles. Le droit s’en trouve complètement changé ; voilà qui, pour l’instant, n’a pas fait la une des journaux. J’espère que demain cela va changer, mais il est probable que je forme là un vœu pieux…
Quatrième et dernier sujet : le Gouvernement a pris acte du travail accompli par le Sénat. Je veux à cet égard remercier l’ensemble des sénateurs, car nous avons retenu des amendements émanant de tous les groupes, à commencer, bien sûr, de ceux de la majorité sénatoriale et de la majorité présidentielle. Nous n’étions pas d’accord sur tout, mais je crois pouvoir dire que le Gouvernement s’est montré à l’écoute des souhaits de la Haute Assemblée. Des groupes de la majorité présidentielle vous ont du reste soutenus, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, puisque MM. Patriat et Malhuret ont voté pour l’adoption du texte au Sénat.
La version du Sénat était plus dure que celle qui vous est soumise aujourd’hui : en commission mixte paritaire, nous avons modifié quinze articles.
Nous avons retiré du projet de loi la suppression de l’AME et – pour le dire vite – la fin de l’hébergement d’urgence.
Nous y avons réintroduit des mesures relatives aux travailleurs des métiers en tension et l’interdiction du placement des mineurs de 18 ans en centre de rétention administrative.
Pour ce qui est de la caution demandée aux étudiants étrangers, nous avons prévu une exception pour ceux dont le parcours particulièrement méritant le justifie.
Nous avons enfin largement raboté une mesure qui conditionnait le versement de certaines prestations sociales à cinq ans de résidence en France en ramenant ce délai à trois mois – au lieu de zéro actuellement – pour les étrangers qui travaillent.
Je fais malgré tout observer que les sénateurs du Rassemblement national ont voté contre ce texte,…
M. Didier Marie. Ça va bientôt changer, ça !
M. Gérald Darmanin, ministre. … qui leur a pourtant été soumis dans sa version dure.
Voilà donc un drôle de moment parlementaire, où un texte dur, plus dur que ce que propose le Gouvernement, plus dur aussi que la version présentée aujourd’hui – chacun doit faire un pas vers l’autre, c’est là le principe même d’un accord parlementaire –, est rejeté par les deux sénateurs du Rassemblement national…
MM. Christian Cambon et Bruno Retailleau. Trois !
M. Roger Karoutchi. C’est l’inflation… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Drôle de moment, disais-je : quand le texte est le plus dur, les sénateurs du Rassemblement national décident de ne pas le voter, considérant qu’il contient des mesures de régularisation, qu’il ne répond à rien, qu’il ne sert à rien, attaquant le groupe Les Républicains, les centristes, la majorité sénatoriale ; mais quand Mme Le Pen voit le jour se lever, comme le coq Chantecler, elle se dit qu’un petit coup politique ne serait pas de refus !
Cette manœuvre ne dupe personne (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) : grâce à l’action du Sénat et du Gouvernement, nous aurons bien un texte pour protéger les Français !
Il est vrai que, comme le disait le général de Gaulle… (Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.) Je sais que vous l’avez combattu toute votre vie : ce n’est pas la peine, maintenant qu’il n’est plus là, de vous en réclamer !
M. Mickaël Vallet. Fichez-lui la paix, les maastrichtiens !
M. Gérald Darmanin, ministre. Comme le disait donc le général de Gaulle, sur l’essentiel, nous pouvons nous retrouver.
Et je veux dire aux sénateurs de la Nupes… (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Plusieurs sénateurs des groupes SER et GEST. Il n’y a pas de Nupes ici !
MM. Thomas Dossus et Mickaël Vallet. On est au Sénat ici !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Gérald Darmanin, ministre. … Ce n’est pas non plus une insulte ! (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, chaque groupe aura l’occasion d’intervenir : laissez M. le ministre s’exprimer !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je veux leur dire, donc, que les partis qui adhèrent à la Nupes (Brouhaha sur les mêmes travées.) se sont déshonorés en demandant le vote du Rassemblement national sur la motion de rejet déposée à l’Assemblée nationale,…
Mme Silvana Silvani. Parlez comme un ministre…
M. Pascal Savoldelli. … et non comme un commentateur !
M. Vincent Éblé. Encore une provocation…
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a présenté, avec la Première ministre et le Gouvernement, un texte courageux et – chacun le constate – difficile.
Il a dit, dès le début, qu’il n’aurait pas recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, afin de permettre au débat d’avoir lieu, et il a tenu parole.
M. Mickaël Vallet. Monseigneur est trop bon !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il a dit, dès le début, qu’il chercherait dans la mesure du possible – en tenant compte de conditions dont il était évidemment difficile d’imaginer tout à fait l’évolution – à obtenir un accord avec tous ceux qui souhaitent travailler pour le bien et la protection des Français.
Mme Corinne Féret et M. Mickaël Vallet. Avec le RN ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous pouvez parler du Rassemblement national : le RN, ici, a voté contre !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pas en CMP !
M. Éric Kerrouche. Ce n’était pas la peine !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ils sont contre les quotas ;… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Audrey Linkenheld et M. Rachid Temal. Ils vont voter votre texte !
M. Ian Brossat et Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils ont voté pour en CMP !
M. Gérald Darmanin, ministre. … ils sont contre les régularisations ; ils sont contre l’interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative ; ils sont contre les passeports talent ; ils sont contre les mesures sur l’hébergement (Exclamations redoublées sur les mêmes travées.) et contre celles qui concernent les étudiants ; ils sont contre l’intégralité des dispositions, qu’à trois exceptions près ils ont rejetées en commission des lois de l’Assemblée nationale !
Mesdames, messieurs les sénateurs de la Nupes (Vives protestations sur les travées des groupes SER et GEST.), soyez beaux joueurs : nous avons obtenu un accord politique qui ne satisfait personne (Brouhaha sur les mêmes travées.) totalement, mais qui permet à chacune et à chacun de se retrouver sur l’essentiel, à savoir la protection des Français.
Je ne serai pas le ministre de l’intérieur qui, pour vous faire plaisir, fera la politique du pire et désarmera les policiers, les gendarmes et les magistrats ! (N’importe quoi ! sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Dans ce contexte, le Gouvernement, qui n’a pas utilisé le 49.3…
M. Rachid Temal. Et les retraites ?
M. Gérald Darmanin, ministre. … et a laissé le débat poursuivre son cours jusqu’à son terme – il a convoqué la commission mixte paritaire, sur la base du texte du Sénat, puisque l’Assemblée nationale a refusé d’en discuter, malgré le travail considérable accompli en commission des lois –, a tout fait, avec les groupes Union Centriste et Les Républicains du Sénat, ainsi qu’avec les groupes de MM. Patriat et Malhuret, pour trouver le meilleur accord possible.
Bien sûr, des questions continuent de se poser. Ce n’est pas faire injure au Sénat que de le rappeler ici, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs – nous en avons parlé librement dans cet hémicycle, le compte rendu des débats en fait foi : chacun sait qu’il y a dans ce texte des mesures qui sont manifestement et clairement contraires à la Constitution.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous les avez maintenues !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes : la politique, c’est élaborer des normes et apprécier si, d’après nous, elles sont conformes à nos règles fondamentales.
M. Max Brisson. Exact !
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, des questions se posent sur un certain nombre de dispositions, qui pourraient être soit inconventionnelles soit peu constitutionnelles ; mais laissons le Conseil constitutionnel en faire son affaire.
M. Rachid Temal. C’est de la monnaie de singe, tout ça, un marché de dupes !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je veux dire ici qu’en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer non seulement j’appliquerai la lettre de la loi qui sera promulguée par le Président de la République après déclaration de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel, mais je respecterai également l’esprit dans lequel nous avons travaillé tous ensemble.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est évident qu’être ministre de l’intérieur et présenter un texte alors que l’on ne dispose que d’une majorité relative, dans les conditions médiatiques et politiques que nous connaissons, n’est pas chose facile.
Je suis néanmoins certain que les Français, dans leur immense majorité, voient que nous avons pris nos responsabilités.
Issu de deux familles immigrées, élu moi-même dans un territoire que l’on peut juger être « de gauche » et dans une commune où M. Mélenchon et la Nupes récoltent 34 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, je n’ai aucune leçon à recevoir…
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Nous non plus !
M. Gérald Darmanin, ministre. … ni aucun brevet de morale. En la matière, les choses ne se font pas à Saint-Germain-des-Prés,…
M. Akli Mellouli. Ni à Matignon ni à l’Élysée !
M. Gérald Darmanin, ministre. … mais dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
TITRE Ier A
MAÎTRISER LES VOIES D’ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Article 1er A
Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 123-1. – Les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration font l’objet d’un débat annuel au Parlement.
« Le Gouvernement dépose devant le Parlement, avant le 1er juin de chaque année, un rapport qui indique et commente, pour les dix années précédentes, en métropole et dans les outre-mer :
« 1° Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées. Pour les visas de long séjour portant la mention “étudiant”, le rapport indique, par pays, le nombre de visas accordés et rejetés, en précisant si l’étudiant dispose d’un baccalauréat français ou d’un diplôme étranger, le délai moyen d’instruction des demandes, le nombre des avis, positifs et négatifs, émis par Campus France pour des demandes de départ vers la France et le nombre d’étudiants qui abandonnent leurs études en France en cours de cursus ;
« 2° Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
« 3° Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial ;
« 4° Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail ;
« 5° Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride ainsi que celui des demandes rejetées ;
« 6° Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et les conditions de leur prise en charge ;
« 7° Le nombre d’étrangers mineurs ayant fait l’objet d’un placement en rétention ou en zone d’attente et la durée de celui-ci ;
« 8° Le nombre d’autorisations de travail accordées ou refusées ;
« 9° Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
« 10° Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
« 11° Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
« 12° Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
« 13° Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement ;
« 14° Le nombre de contrats d’intégration républicaine souscrits en application de l’article L. 413-2 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière, en facilitant notamment leur accès à l’emploi, au logement et à la culture ;
« 15° Le nombre d’acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures ;
« 16° Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français ;
« 17° Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence, le nombre des mesures de placement en rétention et la durée globale moyenne de ces dernières ;
« 18° Une évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile ;
« 19° Une indication du nombre de demandes d’asile comparant, pour chaque nationalité, le nombre de demandes déposées depuis le pays d’origine et le nombre de demandes déposées depuis le territoire français ;
« 20° Une évaluation de l’application des accords internationaux conclus avec les pays d’émigration ainsi qu’avec leurs organismes de sécurité sociale.
« Le Gouvernement présente, en outre, les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration. Il précise les capacités d’accueil de la France. Il rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national ainsi que des actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration.
« Sont jointes au rapport du Gouvernement les observations de :
« a) L’Office français de l’immigration et de l’intégration ;
« b) L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui indique l’évolution de la situation dans les pays considérés comme des pays d’origine sûrs.
2° (nouveau) Il est ajouté un article L. 123-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-2. – Le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. L’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit. »
Article 1er BA
Le premier alinéa de l’article L. 333-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière sont compétentes pour l’y contraindre. »
Article 1er BB
(Supprimé)
Article 1er B
Le chapitre IV du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 434-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
b) Après le mot : « dernier », la fin du 1° est ainsi rédigée : « et l’étranger demandant à être rejoint sont âgés d’au moins vingt et un ans ; »
2° L’article L. 434-7 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « stables », il est inséré le mot : « , régulières » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Il dispose d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 434-8 est ainsi modifié :
a) L’avant-dernière occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation ».
Article 1er C
Après l’article L. 434-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 434-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 434-7-1. – L’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial est délivrée à l’étranger sous réserve qu’il justifie au préalable, auprès de l’autorité compétente, par tout moyen, d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes. »
Article 1er D
La section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 434-10, il est inséré un article L. 434-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 434-10-1. – Le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification des conditions de logement et de ressources dans un délai fixé par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 434-12.
« En l’absence d’avis rendu dans ce délai, il est réputé défavorable. » ;
2° Après l’article L. 434-11, il est inséré un article L. 434-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 434-11-1. – Lorsque les éléments recueillis au cours de l’instruction sont de nature à faire suspecter le caractère frauduleux de la demande ou l’existence de fausses déclarations, l’autorité compétente pour instruire la demande de regroupement familial peut demander au maire de la commune de résidence de l’étranger ou au maire de la commune où il envisage de s’établir de procéder à la vérification sur place des conditions de logement et de ressources. »
Article 1er EA
L’article L. 423-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 4° L’étranger justifie de ressources stables, régulières et suffisantes ;
« 5° L’étranger dispose ou disposera à la date de son arrivée en France d’un logement considéré comme normal pour un ménage sans enfant ou deux personnes vivant dans la même région géographique ;
« 6° L’étranger dispose d’une assurance maladie.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 1er EB
Le chapitre II du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 432-1, il est inséré un article L. 432-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 432-1-1. – La délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à tout étranger :
« 1° N’ayant pas satisfait à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français dans les formes et les délais prescrits par l’autorité administrative ;
« 2° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal ;
« 3° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 222-34 à 222-40, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-1, 225-12-2, 225-12-5 à 225-12-7, 225-13 à 225-15, au 7° de l’article 311-4 et aux articles 312-12-1 et 321-6-1 du même code ;
« 4° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II dudit code lorsqu’ils le sont sur le titulaire d’un mandat électif public ou sur toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 ou à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur. » ;
2° Après l’article L. 432-5, il est inséré un article L. 432-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 432-5-1. – Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal. » ;
3° Après l’article L. 432-6, il est inséré un article L. 432-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 432-6-1. – Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du code pénal lorsqu’ils le sont sur le titulaire d’un mandat électif public ou toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 ou à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur. »
Article 1er EC
Au premier alinéa de l’article L. 423-6, deux fois, et au premier alinéa des articles L. 423-10 et L. 423-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
Article 1er E
L’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, » sont supprimés et après le mot : « délivrer », sont insérés les mots : « , sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, » ;
1° bis (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les modalités de règlement du coût de la prise en charge médicale mentionnée au premier alinéa ne sont pas prévues par les stipulations d’une convention bilatérale de sécurité sociale, ce coût n’est pas supporté par l’assurance maladie si l’étranger dispose de ressources ou d’une couverture assurantielle suffisantes. » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Sous réserve de l’accord de l’étranger et » sont supprimés ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités de ces échanges d’informations. » ;
3° (nouveau) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État. »
Article 1er F
Après le deuxième alinéa de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les conséquences d’une exceptionnelle gravité, au sens du premier alinéa du présent article, s’apprécient compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l’étranger ou sur la détérioration significative de l’une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences. »
Article 1er GA
Le chapitre II du titre Ier du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Dépôt préalable d’une caution retour pour la délivrance d’un titre de séjour pour motifs d’études
« Art. L. 412-11. – La première délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention “étudiant” mentionnée à l’article L. 422-1 est subordonnée au dépôt par l’étranger d’une caution.
« La caution mentionnée au premier alinéa du présent article est restituée à l’étranger lorsqu’il quitte la France à l’expiration du titre de séjour mentionné au même premier alinéa, en cas de renouvellement de ce titre de séjour ou en cas d’obtention d’un autre titre de séjour avec changement de motif.
« Par exception au deuxième alinéa, la caution mentionnée au premier alinéa est définitivement retenue lorsque l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une décision d’éloignement.
« À titre exceptionnel, le ministre en charge de l’enseignement supérieur peut dispenser de l’exigence de caution prévue au premier alinéa lorsque la modicité des revenus et l’excellence du parcours scolaire ou universitaire de l’étudiant le justifient.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, en tenant notamment compte, pour la fixation du montant de la caution, des critères d’éligibilité des étudiants aux bourses. »
Article 1er G
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le 8° de l’article L. 411-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « réserve », sont insérés les mots : « qu’il justifie annuellement » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les modalités de justification du caractère réel et sérieux des études sont fixées par décret en Conseil d’État ; »
2° L’article L. 432-9 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La carte de séjour pluriannuelle portant la mention “étudiant” peut être retirée à l’étranger qui ne respecte pas l’obligation annuelle de justification du caractère réel et sérieux des études prévue au 8° de l’article L. 411-4. »
Article 1er HA
La troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 719-4 du code de l’éducation est complétée par les mots : « , qui sont majorés pour les étudiants étrangers en mobilité internationale ».
Article 1er H
I. – À titre expérimental, lorsque l’autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l’un des titres de séjour mentionnés aux chapitres Ier à III, aux sections 1 et 2 du chapitre V et au chapitre VI du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, elle examine tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de ces titres de séjour.
Cette expérimentation est mise en œuvre dans au moins cinq départements et au plus dix départements déterminés par arrêté du ministre chargé de l’immigration et pour une durée maximale de trois ans à compter du premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi.
II. – Pour l’application du I, le demandeur transmet, à l’appui de sa demande, l’ensemble des éléments justificatifs nécessaires à l’autorité administrative pour prendre une décision.
III. – À l’issue de la procédure d’examen, l’autorité administrative peut, parmi les titres de séjour mentionnés au premier alinéa du I, délivrer à l’intéressé, sous réserve de son accord, un titre de séjour différent de celui qui faisait l’objet de sa demande initiale.
IV. – Dans les cas où l’autorité administrative a opposé, moins d’un an auparavant, un refus d’admission au séjour examiné selon les modalités prévues aux I à III du présent article, elle déclare irrecevable toute nouvelle demande présentée par l’étranger. Le caractère abusif ou dilatoire de cette nouvelle demande est présumé, ce qui justifie le refus de l’enregistrer. Dans ces conditions, il appartient à l’étranger d’attester d’éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de permettre la délivrance d’un titre de séjour de plein droit.
L’élément est nouveau si son apparition est postérieure à la décision de refus ou s’il est avéré que l’étranger n’a pu en avoir connaissance qu’après cette décision.
V. – Six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à apprécier l’opportunité de sa généralisation. Ce rapport expose notamment les effets de l’expérimentation sur le nombre de demandes de titres de séjour et de recours contentieux introduits.
Article 1er İ
(Supprimé)
Article 1er J
L’article L. 1113-1 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 1113-1. – I. – Dans l’aire de compétence des autorités organisatrices de la mobilité et, dans la région Île-de-France, dans l’aire de compétence d’Île-de-France Mobilités, les personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond fixé en application de l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale bénéficient d’une réduction tarifaire d’au moins 50 % sur leurs titres de transport ou d’une aide équivalente. La réduction s’applique quel que soit le lieu de résidence de l’usager.
« II. – Les personnes ne résidant pas sur le territoire français de manière régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France ne peuvent bénéficier de la réduction tarifaire prévue au I du présent article. »
Article 1er K
La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 312-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-4-1. – Le visa de long séjour est délivré de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France. Ceux-ci sont à ce titre exemptés de souscrire une demande de visa de long séjour.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
Article 1er L
Au début du chapitre II du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est ajoutée une section 1 A ainsi rédigée :
« Section 1 A
« Manquement aux conditions de séjour
« Art. L. 822-1 A. – Est puni de 3 750 euros d’amende le fait pour tout étranger âgé de plus de dix-huit ans de séjourner en France au-delà de la durée autorisée par son visa ou en méconnaissance de l’article L. 411-1.
« L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français.
« Pour l’application du présent article, l’action publique ne peut être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés lors d’une procédure de retenue aux fins de vérification du droit à la circulation ou de séjour dans les conditions prévues aux articles L. 813-1 à L. 813-4. »
Article 1er M
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 75 000 euros ».
Article 1er N
I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 300-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier du droit mentionné au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2 du même code. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident. » ;
2° (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article L. 822-2, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre ».
II. – L’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « suisse », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « sous réserve qu’ils respectent les conditions suivantes : » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« – être titulaire d’un titre exigé d’eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France ;
« – pour le bénéfice des prestations mentionnées à l’article L. 511-1, à l’exception de ses 5° et 8°, résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident. Cette condition ne s’applique pas pour le bénéfice des aides personnelles au logement mentionnées à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation si l’étranger dispose d’un visa étudiant ou s’il justifie d’une durée d’affiliation d’au moins trois mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2. »
III. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 232-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’allocation mentionnée au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2 du même code. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident. » ;
2° (Supprimé)
IV (nouveau). – Les dispositions du présent article s’appliquent aux demandes de prestations ou allocations déposées à compter de la promulgation de la présente loi.
TITRE Ier
ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE
Chapitre Ier
Mieux intégrer par la langue
Article 1er
I. – Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° AA Le second alinéa de l’article L. 413-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « S’il est parent, l’étranger s’engage également à assurer à son enfant une éducation respectueuse des valeurs et des principes de la République et à l’accompagner dans sa démarche d’intégration à travers notamment l’acquisition de la langue française. » ;
1° A L’article L. 413-3 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « organisation », sont insérés les mots : « , l’histoire et la culture » ;
a bis) Le 3° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet accompagnement est subordonné à l’assiduité de l’étranger et au sérieux de sa participation aux formations mentionnées aux 1° et 2° du présent article ; »
b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation civique mentionnée au 1° donne lieu à un examen. L’étranger peut se représenter à cet examen, à sa demande et à tout moment, lorsqu’il a obtenu un résultat inférieur aux seuils mentionnés au premier alinéa de l’article L. 413-7 et au 2° de l’article L. 433-4. » ;
1° B L’article L. 413-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « regard », sont insérés les mots : « du résultat obtenu à l’examen mentionné au sixième alinéa de l’article L. 413-3, qui doit être supérieur à un seuil fixé par décret, » ;
– à la fin, les mots : « qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « de nature à lui permettre au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d’exposer succinctement une idée » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « tient compte, lorsqu’il a été souscrit, du respect, par l’étranger, de l’engagement défini à l’article L. 413-2 et » ;
1° Au dernier alinéa des articles L. 421-2 et L. 421-6 ainsi qu’au deuxième alinéa de l’article L. 433-6, les mots : « au 1° » sont remplacés par les mots : « aux 1° et 2° » ;
2° L’article L. 433-4 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, sont insérés des 2° à 4° ainsi rédigés :
« 2° Il a obtenu un résultat à l’examen mentionné au sixième alinéa de l’article L. 413-3 supérieur ou égal à un seuil fixé par décret ;
« 3° Il justifie d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d’évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats. Le présent 3° n’est pas applicable aux étrangers dispensés de la signature d’un contrat d’intégration républicaine mentionnés à l’article L. 413-5 ;
« 4° Il a bénéficié des conditions nécessaires à l’apprentissage de la langue française par l’accès à des cours gratuits dans son département de résidence ; »
b) Le 2° devient un 5°.
II. – Le premier alinéa de l’article 21-24 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’intéressé justifie d’un niveau de langue lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité, de s’exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets. »
Article 1er bis
Après l’article L. 433-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 433-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 433-1-1. – Par dérogation à l’article L. 433-1, il ne peut être procédé à plus de trois renouvellements consécutifs d’une carte de séjour temporaire portant une mention identique.
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux étrangers dispensés de la signature d’un contrat d’intégration républicaine mentionnés à l’article L. 413-5. »
Article 1er ter
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et des visas » ;
2° L’article L. 811-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 811-2. – Les actes et les décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux doivent être préalablement légalisés, au sens du II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. La présomption de validité des actes de l’état civil ainsi produits, prévue à l’article 47 du code civil, et l’opposabilité des jugements étrangers dont la régularité n’a pas été préalablement vérifiée par l’autorité judiciaire française sont subordonnées à l’accomplissement de cette formalité.
« Sous réserve du premier alinéa du présent article, la vérification de tout acte de l’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil. »
Article 2
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 6321-1 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. » ;
b) (nouveau) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 et ceux employés par les particuliers employeurs mentionnés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles, les modalités d’application du troisième alinéa du présent article sont fixées par décret. » ;
2° L’article L. 6321-3 est ainsi rétabli :
« Art. L. 6321-3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l’employeur pendant leur réalisation. » ;
2° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 6321-6, les mots : « à l’article L. 6321-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 6321-2 et L. 6321-3 » ;
3° L’article L. 6323-17 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l’autorisation d’absence est de droit, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État. »
« Pour les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du présent code et pour ceux employés par les particuliers employeurs mentionnés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles, les modalités d’application du deuxième alinéa du présent article sont fixées par décret. »
Article 2 bis A
L’article 25 du code civil est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° S’il est condamné à titre définitif pour un acte qualifié d’homicide volontaire commis sur toute personne dépositaire de l’autorité publique. »
Article 2 bis
Au premier alinéa de l’article 21-7 du code civil, après le mot : « majorité », sont insérés les mots : « , à la condition qu’il en manifeste la volonté ».
Articles 2 ter A à 2 ter C
(Supprimés)
Article 2 ter
Au dernier alinéa de l’article 21-27 du code civil, les références : « 21-7, 21-11, » sont remplacées par les mots : « 21-7 et 21-11 dès lors qu’il n’a pas été l’objet d’une condamnation définitive pour crime, ni à l’enfant mineur susceptible d’acquérir la nationalité française en application des articles ».
Articles 2 quater et 2 quinquies
(Supprimés)
Chapitre II
Favoriser le travail comme facteur d’intégration
Articles 3 et 4
(Supprimés)
Article 4 bis
I. – Le chapitre V du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 435-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 435-4. – À titre exceptionnel, et sans que les conditions ci-après définies ne soient opposables à l’autorité administrative, l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 durant au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié” d’une durée d’un an.
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 421-34, L. 422-1 et L. 521-7 ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié” mentionnée au premier alinéa du présent article.
« Dans l’exercice de sa faculté d’appréciation, l’autorité compétente prend en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7.
« L’étranger ne peut se voir délivrer la carte de séjour temporaire sur le fondement du premier alinéa s’il a fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
« Par dérogation à l’article L. 421-1, dès lors que la réalité de l’activité de l’étranger a été vérifiée conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, la délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par un document sécurisé.
« La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. »
II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un titre de séjour “salarié” ou “travailleur temporaire” est délivré à l’étranger sur le fondement de l’article L. 435-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative vérifie par tout moyen la réalité de l’activité alléguée. »
III. – Le présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2026.
Article 4 ter
Au second alinéa de l’article L. 414-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « établie », sont insérés les mots : « et actualisée au moins une fois par an ».
Article 5
Après le premier alinéa de l’article L. 526-22 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut. »
Article 6
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV, les mots : « du “passeport talent” » sont remplacés par les mots : « d’un titre de séjour portant la mention “talent” » ;
2° Dans l’ensemble des dispositions législatives, les mots : « passeport talent » sont remplacés par le mot : « talent » ;
2° bis L’article L. 421-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-9. – Sous réserve de justifier du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “talent-salarié qualifié” d’une durée maximale de quatre ans, l’étranger qui se trouve dans l’une des situations suivantes :
« 1° Exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret ;
« 2° Est recruté dans une jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement, définie à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec son développement économique, social, international et environnemental ;
« 3° Vient en France dans le cadre d’une mission entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe et qui justifie, outre une ancienneté professionnelle d’au moins trois mois dans le groupe ou l’entreprise établi hors de France, d’un contrat de travail conclu avec l’entreprise établie en France.
« Les critères permettant à un organisme public de reconnaître une entreprise innovante, mentionnée au 2° du présent article sont définis par décret et leur liste est publiée par voie réglementaire.
« Cette carte permet l’exercice de l’activité professionnelle salariée ayant justifié sa délivrance.
« Par dérogation à l’article L. 433-1, lorsque l’étranger bénéficiaire de cette carte dans les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article se trouve involontairement privé d’emploi à la date du renouvellement de sa carte, celle-ci est renouvelée pour une durée équivalente à celle des droits qu’il a acquis à l’allocation d’assurance mentionnée à l’article L. 5422-1 du code du travail. » ;
2° ter Les articles L. 421-10 et L. 421-13 sont abrogés ;
2° quater Au second alinéa de l’article L. 422-11 et au dernier alinéa de l’article L. 433-1, la référence : « , L. 421-10 » est supprimée ;
2° quinquies Au second alinéa de l’article L. 312-2, au a du 7° de l’article L. 364-2, au a du 6° des articles L. 365-2 et L. 366-2, au 2° des articles L. 411-1 et L. 411-4, aux articles L. 421-7 et L. 421-8, au premier alinéa de l’article L. 421-22 et au second alinéa des articles L. 432-2 et L. 432-5, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les références : « L. 421-9, L. 421-11 » ;
2° sexies À l’article L. 312-2, au 2° des articles L. 411-1 et L. 411-4, à l’article L. 421-7, à la première phrase de l’article L. 421-8, au premier alinéa de l’article L. 421-22 et au second alinéa des articles L. 432-2 et L. 432-5, la référence : « L. 421-13 » est remplacée par la référence : « L. 421-14 » ;
2° septies À l’article L. 412-4 et au 7° de l’article L. 413-5, les références : « , L. 421-10, L. 421-13 » sont supprimées ;
3° À l’article L. 421-8, les références : « L. 421-17, L. 421-18, » sont supprimées ;
3° bis À la fin des 8° et 9° de l’article L. 426-18, les mots : « à l’article L. 421-13 » sont remplacés par les mots : « au 3° de l’article L. 421-9 » ;
4° L’article L. 421-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 421-16. – Se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “talent-porteur de projet” d’une durée maximale de quatre ans, l’étranger qui se trouve dans l’une des situations suivantes :
« 1° Ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou pouvant attester d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable, justifie d’un projet économique réel et sérieux et crée une entreprise en France ;
« 2° Justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public ;
« 3° Procède à un investissement économique direct en France.
« Cette carte permet l’exercice d’une activité commerciale en lien avec le projet économique ayant justifié sa délivrance. » ;
5° Les articles L. 421-17 et L. 421-18 sont abrogés ;
6° Au 7° des articles L. 442-2 et L. 443-2, la référence : « L. 421-10 » est remplacée par la référence : « L. 421-9 » ;
7° La première colonne des tableaux du second alinéa des articles L. 444-1, L. 445-1 et L. 446-1 est ainsi modifiée :
a) À la douzième ligne, la référence : « L. 421-13 » est remplacée par les mots : « 3° de l’article L. 421-9 » ;
b) À la treizième ligne, la référence : « L. 421-17 » est remplacée par les mots : « 2° et 3° de l’article L. 421-16 et article L. 421-19 » ;
8° L’article L. 444-2 est ainsi modifié :
a) Aux 5°, 24°, 31°, 46° et 47°, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
b) Aux a du 8°, b du 12° et 35°, la référence : « , L. 421-10 » est supprimée ;
c) Au b du 50°, la référence : « , L. 421-10, » est remplacée par le mot : « et » ;
d) Le troisième alinéa du 23° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-13, » est supprimée ;
– la référence : « L. 421-17 » est remplacée par la référence : « L. 421-19 » ;
– après la référence : « L. 421-21 », sont insérés les mots : « et au 3° de l’article L. 421-9 ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
e) Le 26° est ainsi rédigé :
« 26° Le dernier alinéa de l’article L. 421-16 ne s’applique pas à l’étranger porteur d’un projet économique en France qui satisfait aux conditions prévues aux 2° et 3° du même article L. 421-16 ; »
f) Le 27° est ainsi modifié :
– au début, les mots : « À l’article L. 421-18 » sont remplacés par les mots : « Au 3° de l’article L. 421-16 » ;
– à la fin, les mots : « et le second alinéa est supprimé » sont supprimés ;
9° L’article L. 445-2 est ainsi modifié :
a) Aux 4°, 23°, 31°, 46° et 47°, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
b) Aux a du 7°, b du 11° et 35°, la référence : « , L. 421-10 » est supprimée ;
c) Au b du 51°, la référence : « , L. 421-10, » est remplacée par le mot : « et » ;
d) Le troisième alinéa du 22° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-13, » est supprimée ;
– la référence : « L. 421-17 » est remplacée par la référence : « L. 421-19 » ;
– après la référence : « L. 421-21 », sont insérés les mots : « et au 3° de l’article L. 421-9 ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
e) Le premier alinéa du 24° est ainsi rédigé :
« 24° Au premier alinéa de l’article L. 421-9 : « ;
f) Le 26° est ainsi rédigé :
« 26° Le dernier alinéa de l’article L. 421-16 ne s’applique pas à l’étranger porteur d’un projet économique en France qui satisfait aux conditions prévues aux 2° et 3° du même article L. 421-16 ; »
g) Le 27° est ainsi modifié :
– au début, les mots : « À l’article L. 421-18 » sont remplacés par les mots : « Au 3° de l’article L. 421-16 » ;
– à la fin, les mots : « et le second alinéa est supprimé » sont supprimés ;
10° L’article L. 446-2 est ainsi modifié :
a) Aux 4°, 23°, 31°, 46° et 47°, les mots : « L. 421-9 à L. 421-11 » sont remplacés par les mots : « L. 421-9 et L. 421-11 » ;
b) Aux a du 7°, b du 11° et 35°, la référence : « , L. 421-10 » est supprimée ;
c) Au b du 52°, la référence : « , L. 421-10, » est remplacée par le mot : « et » ;
d) Le troisième alinéa du 22° est ainsi modifié :
– la référence : « L. 421-13, » est supprimée ;
– la référence : « L. 421-17 » est remplacée par la référence : « L. 421-19 » ;
– après la référence : « L. 421-21 », sont insérés les mots : « et au 3° de l’article L. 421-9 ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 421-16 » ;
e) Au début du premier alinéa du 24°, la référence : « L. 421-13 » est remplacée par la référence : « L. 421-9 » ;
f) Le 26° est ainsi rédigé :
« 26° Le dernier alinéa de l’article L. 421-16 ne s’applique pas à l’étranger porteur d’un projet économique en France qui satisfait aux conditions prévues aux 2° et 3° du même article L. 421-16 ; »
g) Le 27° est ainsi modifié :
– au début, les mots : « À l’article L. 421-18 » sont remplacés par les mots : « Au 3° de l’article L. 421-16 » ;
– à la fin, les mots : « et le second alinéa est supprimé » sont supprimés.
II. – Au 3° de l’article L. 5523-2 du code du travail, les mots : « passeport talent » sont remplacés par le mot : « talent ».
III. – Au dernier alinéa du 1° du IV de l’article L. 542-6 du code de l’action sociale et des familles, le mot : « passeport » est supprimé.
Article 7
I. – La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 421-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-13-1. – L’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation, d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer mentionnées aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique, qui occupe un emploi au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-12-1 du même code, et qui justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État se voit délivrer une carte pluriannuelle portant la mention “talent-profession médicale et de la pharmacie” d’une durée maximale de quatre ans sous réserve de la signature de la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité.
« La carte mentionnée au premier alinéa du présent article permet l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance. »
II. – (Supprimé)
Article 7 bis
L’article 175-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder, soit de donner injonction de procéder au mariage. Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil et aux intéressés. À défaut de décision motivée dans le délai imparti, il est réputé avoir décidé un sursis de deux mois à la célébration du mariage. » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables ».
Article 7 ter
Au second alinéa de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « la nature des » sont remplacés par les mots : « l’absence avérée de ».
Chapitre III
(Division supprimée)
Article 8
I. – Le chapitre III du titre V du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Amende administrative » ;
2° L’article L. 8253-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8253-1. – Le ministre chargé de l’immigration prononce, au vu des procès-verbaux et des rapports qui lui sont transmis en application de l’article L. 8271-17, une amende administrative contre l’auteur d’un manquement aux articles L. 8251-1 et L. 8251-2, sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre.
« Lorsqu’il prononce l’amende, le ministre chargé de l’immigration prend en compte, pour déterminer le montant de cette dernière, les capacités financières de l’auteur d’un manquement, le degré d’intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière.
« Le montant de l’amende est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux.
« L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés.
« Lorsque sont prononcées, à l’encontre de la même personne, une amende administrative en application du présent article et une sanction pénale en application des articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 à raison des mêmes faits, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.
« L’État est ordonnateur de l’amende. À ce titre, il liquide et émet le titre de perception.
« Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette amende comme en matière de créances étrangères à l’impôt et aux domaines.
« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
II. – Dans la partie législative du code du travail, les mots : « la contribution spéciale » sont remplacés par les mots : « l’amende administrative ».
III. – Le chapitre IV du titre V du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 4° de l’article L. 8254-2 du code du travail, les mots : « la contribution spéciale » sont remplacés par les mots : « l’amende administrative » et, à la fin, les mots : « et de la contribution forfaitaire prévue à l’article L. 822-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 8254-2-1, le mot : « contributions » est remplacé par le mot : « amendes » ;
3° À l’article L. 8254-2-2, le mot : « contributions » est remplacé par le mot : « amendes » ;
4° À l’article L. 8254-4, les mots : « la contribution » sont remplacés par les mots : « l’amende administrative ».
IV. – L’article L. 8256-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « des dispositions du premier alinéa » sont supprimés et, à la fin, le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 euros » ;
2° Au troisième alinéa, le montant : « 100 000 euros » est remplacé par le montant : « 200 000 euros ».
V. – Le second alinéa de l’article L. 8271-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« Afin de permettre la liquidation de l’amende administrative mentionnée à l’article L. 8253-1, le ministre chargé de l’immigration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des rapports et des procès-verbaux relatifs à ces infractions. »
VI. – L’article L. 5221-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-17 peuvent obtenir tous renseignements et documents relatifs aux autorisations de travail. L’autorité administrative chargée d’instruire et de délivrer les autorisations de travail peut solliciter ces agents afin d’obtenir tous renseignements et documents nécessaires à l’instruction des demandes relatives à ces autorisations, dans des conditions définies par décret. »
VII. – La section 2 du chapitre II du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogée.
Chapitre IV
Distinguer les parcours d’intégration réussis
Article 8 bis
(Supprimé)
TITRE II
AMÉLIORER LE DISPOSITIF D’ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS REPRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE POUR L’ORDRE PUBLIC
Chapitre Ier
Rendre possible l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public
Article 9
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A Le second alinéa de l’article L. 252-2 est ainsi rédigé :
« Par dérogation au sixième alinéa de l’article L. 631-2, la circonstance qu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement n’a pas pour effet de le priver du bénéfice des dispositions du présent article. » ;
1° Le chapitre Ier du titre III du livre VI est ainsi modifié :
a) L’article L. 631-2 est ainsi modifié :
– l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement. » ;
– sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre de son conjoint, d’un ascendant ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l’autorité parentale.
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 du code pénal ainsi qu’à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou en raison de sa fonction.
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour, sauf si cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4 ou d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ou du 1° de l’article L. 432-3. » ;
b) L’article L. 631-3 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « État, », sont insérés les mots : « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République énoncés à l’article L. 412-7, » ;
– au sixième alinéa, après le mot : « bénéficier », le mot : « effectivement » est supprimé ;
– à l’avant-dernier alinéa, les mots : « 3° et 4° » sont remplacés par les mots : « 1° à 5° » et, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , d’un ascendant » ;
– le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement ou de trois ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine.
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 du code pénal ainsi qu’à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou en raison de sa fonction.
« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour, sauf si cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4 ou d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ou du 1° de l’article L. 432-3. » ;
2° À l’article L. 641-1, la référence : « , 131-30-1 » est supprimée.
II. – (Supprimé)
III. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° A L’article 131-30 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime, d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi. Sans préjudice de l’article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français ainsi que de la nature, de l’ancienneté et de l’intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l’interdiction du territoire français. » ;
b) À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « , pour la durée fixée par la décision de condamnation, » sont supprimés ;
c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La peine d’interdiction du territoire français cesse ses effets à l’expiration de la durée fixée par la décision de condamnation. Cette durée court à compter de la date à laquelle le condamné a quitté le territoire français, constatée selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
1° L’article 131-30-1 est abrogé ;
2° L’article 131-30-2 est ainsi modifié :
aa) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « au 3° et au 4° » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 5° du présent article » ;
– après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , d’un ascendant » ;
a) Le dernier alinéa est complété par les mots : « , ni aux délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ni aux crimes, ni aux délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ni aux délits commis en réitération et punis d’au moins trois ans d’emprisonnement » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La décision est spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger dans ces cas. » ;
2° bis Les articles 213-2, 215-2, 221-11, 221-16, 222-48, 222-64, 223-21, 224-11, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 431-8, 431-12, 431-19, 431-27, 433-21-2, 433-23-1, 434-46, 442-12, 443-7 et 462-4 sont abrogés ;
3° à 7° (Supprimés)
8° Le dernier alinéa de l’article 435-14 est supprimé ;
9° À la fin de l’article 441-11, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « aux articles 441-3 et 441-6 » ;
10° À la fin de l’article 444-8, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à l’article 444-5 ».
IV. – À la première phrase du sixième alinéa du I de l’article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, les mots : « visés au dernier » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’avant-dernier ».
V. – À l’avant-dernier alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale, les mots : « par les articles 131-30-1 ou 131-30-2 » sont remplacés par les mots : « à l’article 131-30-2 ».
Article 9 bis
L’article 720 du code de procédure pénale est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Lorsqu’un étranger condamné à une peine privative de liberté est l’objet d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’interdiction administrative du territoire français, d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, d’interdiction de circulation sur le territoire français, d’expulsion, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen, l’application du II du présent article est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée. Elle peut être décidée sans son consentement. »
Article 10
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 611-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-3. – L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 613-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. »
4° (nouveau) Au quatrième alinéa de l’article L. 742-5, les mots : « du 9° de l’article L. 611-3 ou » sont supprimés.
Article 10 bis
(Supprimé)
Article 11
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 331-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de refus caractérisé de se soumettre au relevé des empreintes digitales et à la prise de photographie prévus au 3° de l’article L. 142-1 par l’étranger contrôlé à l’occasion du franchissement d’une frontière extérieure sans remplir les conditions d’entrée prévues à l’article 6 du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 précité ou à l’article L. 311-1 du présent code, l’officier de police judiciaire ou, sous contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire peut, après information du procureur de la République, procéder à cette opération sans le consentement de l’intéressé. L’étranger doit avoir été dûment informé des conséquences de son refus. Le recours à la contrainte, qui ne peut concerner qu’un étranger manifestement âgé d’au moins dix-huit ans, poursuit les objectifs du présent article, est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne. L’opération prévue au présent alinéa fait l’objet d’un procès-verbal, qui mentionne le jour et l’heure auxquels il y est procédé. Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’étranger intéressé qui est informé de la possibilité de ne pas le signer. S’il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’intéressé. L’article L. 821-2 demeure applicable. » ;
2° Après la première phrase de l’article L. 813-10, sont insérées quatre phrases ainsi rédigées : « Lorsque le refus de l’étranger de se soumettre aux opérations de relevé des empreintes digitales et de prise de photographies est caractérisé, l’officier de police judiciaire ou, sous contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire peut, après information du procureur de la République, procéder à cette opération sans le consentement de l’intéressé. L’étranger doit avoir été dûment informé des conséquences de son refus. Le recours à la contrainte, qui ne peut concerner qu’un étranger manifestement âgé d’au moins dix-huit ans, poursuit les objectifs du présent article, est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne. Les articles L. 822-1 et L. 824-2 demeurent, selon le cas, applicables. »
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Article 11 ter
Après l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 142-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 142-3-1. – Afin de faciliter l’identification des mineurs se déclarant privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale ou l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions commises par un seul de ces mineurs, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie de ces derniers peuvent être relevées dans les conditions prévues aux articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs, être mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
« Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle. »
Article 12
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A Le second alinéa de l’article L. 741-1 est complété par les mots : « ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente » ;
1° L’article L. 741-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-5. – L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention. » ;
1° bis (nouveau) L’article L. 730-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision d’assignation à résidence peut être prise pour l’étranger accompagné d’un mineur. » ;
2° Au 1° de l’article L. 742-4, les mots : « d’une particulière gravité » sont supprimés ;
3° L’article L. 742-5 est ainsi modifié :
a) Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– Après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « ou au septième alinéa du présent article » ;
– Le mot : « huitième » est remplacé par le mot : « neuvième ».
Article 12 bis A
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 521-14 est abrogé ;
2° Le titre II du livre V est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Cas d’assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d’asile
« Art. L. 523-1. – L’autorité administrative peut assigner à résidence ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d’une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d’asile dont le comportement constitue une menace à l’ordre public.
« L’étranger en situation irrégulière qui présente une demande d’asile à une autorité administrative autre que celle mentionnée à l’article L. 521-1 peut faire l’objet des mesures prévues au premier alinéa du présent article afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d’asile. Son placement en rétention ne peut être justifié que lorsqu’il présente un risque de fuite.
« Art. L. 523-2. – Le risque de fuite mentionné à l’article L. 523-1 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
« 1° L’étranger qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ;
« 2° Le demandeur a déjà été débouté de sa demande d’asile en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne ou a renoncé explicitement ou implicitement à sa demande d’asile dans un autre État membre sans motif légitime ;
« 3° Le demandeur a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure d’éloignement en cas de rejet de sa demande d’asile ou s’est déjà soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
« 4° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un de ces États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ou sans y avoir déposé sa demande d’asile dans les délais les plus brefs ;
« 5° Le demandeur ne se présente pas aux convocations de l’autorité administrative, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure prévue au titre III du présent livre sans motif légitime.
« Art. L. 523-3. – En cas d’assignation à résidence sur le fondement de l’article L. 523-1, les articles L. 732-1, L. 732-3, L. 732-7, L. 733-1 et L. 733-3 sont applicables. Le manquement aux prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues aux articles L. 824-4 et L. 824-5.
« En cas de placement en rétention sur le fondement de l’article L. 523-1, les articles L. 741-4 à L. 741-10 ainsi que les chapitres II à IV du titre IV du livre VII sont applicables, à l’exception des sections 2 et 4 du chapitre II.
« Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé pour une durée de vingt-huit jours, dans les conditions prévues au présent chapitre, par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par l’autorité administrative.
« Art. L. 523-4. – Sans préjudice de l’article L. 754-2, la demande d’asile de l’étranger assigné à résidence ou placé en rétention sur le fondement de l’article L. 523-1 est examinée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure accélérée, conformément au 3° de l’article L. 531-24.
« Art. L. 523-5. – Si l’Office français de protection des réfugiés et apatrides considère qu’il ne peut examiner la demande selon la procédure accélérée mentionnée à l’article L. 523-4 ou s’il reconnaît à l’étranger la qualité de réfugié ou lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire, il est mis fin à la mesure prise sur le fondement de l’article L. 523-1.
« Art. L. 523-6. – En l’absence d’introduction de la demande d’asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision de placement en rétention ou en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile, la décision de placement en rétention prévue à l’article L. 523-1 peut se poursuivre pour le temps strictement nécessaire, qui ne peut excéder vingt-quatre heures, pour l’examen du droit de séjour de l’étranger et, le cas échéant, le prononcé, la notification et l’exécution d’une décision d’éloignement.
« La poursuite du placement en rétention fait l’objet d’une décision écrite et motivée. Elle s’effectue dans les conditions prévues au titre IV du livre VII en cas de décision de clôture consécutive à l’absence d’introduction de la demande d’asile ou dans les conditions prévues au chapitre II du titre V du même livre VII en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile.
« Art. L. 523-7. – Les modalités d’application du présent chapitre, notamment les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
3° Le 3° de l’article L. 531-24 est ainsi rédigé :
« 3° Le demandeur est assigné à résidence ou placé en rétention en application de l’article L. 523-1 ou maintenu en rétention en application de l’article L. 754-3. »
Article 12 bis B
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 732-4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » ;
b) À la première phrase du second alinéa, le mot : « une » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 732-5, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an ».
Article 12 bis C
La première phrase de l’article L. 741-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par les mots : « ou, en cas de circonstance nouvelle de fait ou de droit, d’un délai de quarante-huit heures ».
Article 12 bis
Le 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles est complété par les mots : « et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
Article 12 ter
Le deuxième alinéa du II de l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette évaluation est réalisée sur la base d’un cahier des charges national défini en concertation avec les départements. »
Chapitre II
Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour
Article 13
Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre Ier est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa de l’article L. 411-5 est supprimé ;
b) Le chapitre II est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Contrat d’engagement au respect des principes de la République
« Art. L. 412-7. – L’étranger qui sollicite un document de séjour s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 412-8. – Aucun document de séjour ne peut être délivré à un étranger qui refuse de souscrire le contrat d’engagement au respect des principes de la République ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations.
« Le manquement au contrat d’engagement au respect des principes de la République résulte d’agissements délibérés de l’étranger portant une atteinte grave à un ou plusieurs principes de ce contrat et constitutifs d’un trouble à l’ordre public.
« La condition de gravité est présumée constituée, sauf décision de l’autorité administrative, en cas d’atteinte à l’exercice par autrui des droits et libertés mentionnés à l’article L. 412-7.
« Art. L. 412-9. – Peut ne pas être renouvelé le document de séjour de l’étranger qui n’a pas respecté le contrat d’engagement au respect des principes de la République. Tout document de séjour détenu par un étranger dans une telle situation peut être retiré.
« Art. L. 412-10. – Lorsque la décision de refus de renouvellement ou de retrait concerne une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident, l’autorité administrative prend en compte la gravité ou la réitération des manquements au contrat d’engagement au respect des principes de la République ainsi que la durée du séjour effectuée sous le couvert d’un document de séjour en France. Cette décision ne peut être prise si l’étranger bénéficie des articles L. 424-1, L. 424-9, L. 424-13 ou L. 611-3.
« La décision de refus de renouvellement ou de retrait d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident est prise après avis de la commission du titre de séjour prévue à l’article L. 432-14. » ;
c) À la fin du second alinéa de l’article L. 413-2, les mots : « et à respecter les valeurs et principes de la République » sont supprimés ;
d) Au premier alinéa de l’article L. 413-7, les mots : « de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes » sont supprimés ;
2° Le titre II est ainsi modifié :
a) Au début du dernier alinéa de l’article L. 424-6, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de menace grave à l’ordre public ou que l’intéressé ne soit pas retourné volontairement dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d’être persécuté, » ;
b) Au début du dernier alinéa de l’article L. 424-15, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de menace à l’ordre public ou que l’intéressé a perdu le bénéfice de la protection subsidiaire du fait d’un changement de circonstances lié à un retour volontaire dans le pays où existait le risque réel mentionné à l’article L. 512-1, » ;
3° Le titre III est ainsi modifié :
aa) (Supprimé)
a) L’article L. 432-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’exception des cartes de séjour pluriannuelles prévues aux articles L. 421-9 à L. 421-24, L. 421-34, L. 422-6, L. 424-9, L. 424-11, L. 424-18 et L. 424-19, le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé si l’étranger ne peut prouver qu’il a établi en France sa résidence habituelle dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1. » ;
b) L’article L. 432-3 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le renouvellement de la carte de résident peut être refusé à tout étranger lorsque :
« 1° Sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Il ne peut prouver qu’il a établi en France sa résidence habituelle dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1, sauf pour les détenteurs d’une carte de résident en application des articles L. 424-1 et L. 424-3.
« La condition prévue au 1° du présent article s’applique au renouvellement de la carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE”. » ;
c) L’article L. 432-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une carte de résident ou la carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE” peut, par décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public. » ;
d) L’article L. 432-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 432-12. – L’article L. 611-1 n’est pas applicable lorsque l’étranger titulaire d’une carte de résident se voit :
« 1° Refuser le renouvellement de sa carte de résident en application du 1° de l’article L. 432-3 ;
« 2° Retirer sa carte de résident en application de l’article L. 432-4.
« Lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une mesure mentionnée aux 1° ou 2° du présent article ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3, une autorisation provisoire de séjour lui est délivrée de droit. » ;
e) L’article L. 432-13 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Lorsqu’elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l’article L. 412-10. » ;
f) Après le premier alinéa de l’article L. 433-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À l’exception des cartes de séjour pluriannuelles prévues aux articles L. 421-9 à L. 421-24, L. 421-34, L. 422-6, L. 424-9, L. 424-11, L. 424-18 et L. 424-19, le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle est soumis à la preuve par l’étranger de sa résidence habituelle en France dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1. » ;
g) L’article L. 433-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 433-2. – Sous réserve de l’absence de menace grave pour l’ordre public, de l’établissement de la résidence habituelle de l’étranger en France et des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit. » ;
h) La section 1 du chapitre III est complétée par un article L. 433-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 433-3-1. – Est considéré comme résidant en France de manière habituelle l’étranger :
« 1° Qui y a transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux ;
« 2° Et qui y séjourne pendant au moins six mois au cours de l’année civile, durant les trois dernières années précédant le dépôt de la demande ou, si la période du titre en cours de validité est inférieure à trois ans, pendant la durée totale de validité du titre. » ;
i) À la fin du 1° de l’article L. 433-4, les mots : « et n’a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République » sont supprimés.
Article 13 bis
(Supprimé)
TITRE II bis
AGIR POUR LA MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DES DÉCISIONS D’ÉLOIGNEMENT
Article 14 A
I A (nouveau). – La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 312-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-1. – Le visa de court séjour sollicité par le titulaire d’un passeport diplomatique ou d’un passeport de service peut être refusé au ressortissant d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »
I. – Après l’article L. 312-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 312-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-3-1. – Sans préjudice de l’article L. 312-3, le visa de long séjour peut être refusé au ressortissant d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »
II. – L’article 1er de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide au développement solidaire attribuée au titre de la lutte contre les inégalités mondiales prend en compte l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, notamment vis-à-vis des États coopérant insuffisamment en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas les stipulations d’un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »
III. – Le I de l’article L. 515-13 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’Agence française de développement prend en compte la qualité de la coopération des États en matière de lutte contre l’immigration irrégulière dans la répartition de l’ensemble des concours qu’elle attribue. »
Article 14 B
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 414-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 414-1-1. – Le représentant de l’État dans le département informe sans délai les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1-1 du code de la sécurité sociale ainsi que l’organisme mentionné à l’article L. 5312-1 du code du travail lorsqu’il prend une décision de refus de séjour, de retrait d’un titre ou d’un document de séjour ou d’expulsion.
« Les organismes mentionnés au premier alinéa du présent article ne peuvent procéder à la radiation des personnes qui ne sont pas ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse avant la fin du troisième mois qui suit la date d’expiration des titres ou des documents justifiant qu’elles remplissent les conditions de régularité de leur séjour ou avant la notification de la décision mentionnée au même premier alinéa mettant fin au droit au séjour. »
Article 14 C
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À l’article L. 732-2, après le mot : « résidence », sont insérés les mots : « à ses frais » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 732-3, le mot : « une » est remplacé par le mot : « deux ».
Article 14 D
Le dernier alinéa de l’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette aide au retour ne peut lui être attribuée qu’une seule fois. »
Article 14 E
L’article L. 751-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au 6°, après la première occurrence du mot : « identité », sont insérés les mots : « , de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile » ;
2° Il est ajouté un 12° ainsi rédigé :
« 12° L’étranger a refusé de se soumettre à l’opération de relevé d’empreintes digitales prévue au 3° de l’article L. 142-1 ou a altéré volontairement ses empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement. »
Article 14 F
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À l’article L. 824-4, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « et de 15 000 € d’amende » ;
2° Aux articles L. 824-5, L. 824-6 et L. 824-7, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « et de 3 750 € d’amende ».
Article 14 G
(Supprimé)
TITRE III
SANCTIONNER L’EXPLOITATION DES ÉTRANGERS ET CONTRÔLER LES FRONTIÈRES
Article 14
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 823-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et un million d’euros d’amende lorsque les infractions prévues aux mêmes articles L. 823-1 et L. 823-2 sont commises dans deux circonstances mentionnées au présent article, dont celle mentionnée au 1°. » ;
2° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre VIII est complétée par un article L. 823-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 823-3-1. – Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions définies aux articles L. 823-1 et L. 823-2 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende. » ;
3° Le 3° de l’article L. 823-9 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, des poursuites pénales sur le fondement de l’article L. 823-3-1 ne peuvent pas non plus être engagées. »
II. – Le 13° de l’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « Crimes et » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et crime de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces infractions prévu aux articles L. 823-3 et L. 823-3-1 du même code ».
Article 15
Le livre V du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 511-22 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent I lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent II lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
c) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende les infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent III lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
2° Le I de l’article L. 521-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende les faits prévus au présent I lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un occupant qui est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
Article 15 bis
Le chapitre V du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Étrangers victimes de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine
« Art. L. 425-11. – L’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre des faits constitutifs de l’infraction de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, mentionnée à l’article 225-14 du code pénal, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” d’une durée d’un an. La condition prévue à l’article L. 412-1 du présent code n’est pas opposable. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. »
Article 16
La sous-section 1 de la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Aux premier et second alinéas de l’article L. 821-6 et au second alinéa de l’article L. 821-7, après le mot : « visa », sont insérés les mots : « ou de l’autorisation de voyage » ;
2° L’article L. 821-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins du respect des obligations qui leur incombent au titre de l’article 26, paragraphe 1, point b, de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, les transporteurs utilisent le service internet mentionné à l’article 13 du règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées, aux sorties et aux refus d’entrée concernant les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres et portant détermination des conditions d’accès à l’EES à des fins répressives, et modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et les règlements (CE) n° 767/2008 et (UE) n° 1077/2011 et à l’article 45 du règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) n° 1077/2011, (UE) n° 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226, afin d’effectuer les vérifications nécessaires. »
Article 16 bis A
Le chapitre II du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 232-1, après le mot : « passagers », sont insérés les mots : « et aux membres d’équipage, aux personnels à bord d’un train ou aux gens de mer » ;
2° L’article L. 232-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , telles que les données relatives aux membres d’équipage » ;
b) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « , telles que les données relatives aux gens de mer » ;
3° À la fin du premier alinéa de l’article L. 232-5, les mots : « méconnaître les obligations fixées à l’article L. 232-4 » sont remplacés par les mots : « transmettre aux services du ministère de l’intérieur des données inexploitables en raison du non-respect du format requis fixé par décret en Conseil d’État ou incomplètes ou manifestement fausses ou de ne pas transmettre les données mentionnées à l’article L. 232-4 à ces mêmes services » ;
4° À la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 232-7, après le mot : « passagers », sont insérés les mots : « et aux membres d’équipage » ;
5° Les premier à quatrième alinéas du II de l’article L. 232-7-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Pour la mise en œuvre du traitement mentionné au I du présent article, les exploitants de navire recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers et aux gens de mer qui voyagent, à destination et en provenance du territoire national, à bord d’un navire effectuant des voyages internationaux, au sens du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires. »
Article 16 bis
Le livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 332-2 est supprimée ;
2° L’article L. 333-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « du même délai » sont remplacés par les mots : « d’un délai d’un jour franc » ;
3° La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 352-3 est supprimée ;
4° Au début du 2° de l’article L. 361-4, les mots : « La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 332-2 et l’article L. 333-2 ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « L’article L. 333-2 n’est pas applicable ».
Article 17
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 812-3, les mots : « , à l’exclusion des voitures particulières » sont supprimés ;
1° bis (nouveau) Après le 1° du même article L. 812-3, sont insérés un 1° bis et un 1° ter ainsi rédigés :
« 1° bis Dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, dans les départements désignés par arrêté ministériel en raison de la pression migratoire particulière qui s’y exerce ;
« 1° ter Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), désignés par arrêté du ministre de l’intérieur en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité ; » ;
1° ter (nouveau) Au 2° dudit article L. 812-3, les mots : « la zone mentionnée au 1° » sont remplacés par les mots : « les zones mentionnées aux 1° à 1° ter » ;
2° (Supprimé)
3° (nouveau) Sont ajoutés des articles L. 812-5 et L. 812-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 812-5. – En vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévus à l’article L. 812-1 ou de rechercher et constater les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France, les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peuvent procéder à la visite sommaire de tout navire ou tout autre engin flottant dans les eaux intérieures, la mer territoriale et la zone contigüe.
« L’officier de police judiciaire peut être assisté des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l’article 20 et au 1° de l’article 21 du code de procédure pénale.
« Art. L. 812-6. – Il ne peut être procédé à la visite sommaire prévue à l’article L. 812-5 qu’avec l’accord du capitaine du navire ou de son représentant ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République. Le représentant de l’État en mer est informé de la visite avant la montée à bord des officiers de police judiciaire. Dans l’attente des instructions du procureur de la République, le navire peut être immobilisé, lorsqu’il est situé dans les limites administratives des ports maritimes, pour une durée qui ne peut excéder quatre heures, et à défaut, ou lorsque l’accès à bord est matériellement impossible, dérouté vers une position ou un port approprié.
« La visite, dont la durée est limitée au temps strictement nécessaire, se déroule en présence du capitaine du navire ou de son représentant. Lorsque la visite concerne des locaux affectés à un usage privé ou d’habitation, la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux. En l’absence de l’occupant des lieux, il ne peut être procédé à la visite qu’en présence du capitaine du navire ou de son représentant.
« La visite donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et de la fin des opérations. Un exemplaire de ce procès-verbal est remis au capitaine du navire ou à son représentant et un autre transmis sans délai au procureur de la République. »
Article 18
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VI est ainsi modifiée :
a) Le second alinéa de l’article L. 612-6 est ainsi modifié :
– le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
– sont ajoutés les mots : « , et dix ans en cas de menace grave pour l’ordre public » ;
b) Au second alinéa des articles L. 612-7 et L. 612-8, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq » ;
3° (nouveau) La section 4 du chapitre III est complétée par un article L. 613-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-9. – Les motifs de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de sa date d’édiction. L’autorité compétente tient compte de l’évolution de la menace pour l’ordre public que constitue la présence de l’intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu’il présente, en vue de prononcer éventuellement l’abrogation de cette décision. L’étranger peut présenter des observations écrites.
« À défaut de notification à l’intéressé d’une décision explicite d’abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. »
Article 18 bis
Au début du chapitre II du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est ajouté un article L. 312-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1 A. – Sans préjudice des conditions mentionnées à l’article L. 311-2, les visas mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-4 ne sont pas délivrés à l’étranger qui a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français depuis moins de cinq ans et n’apporte pas la preuve qu’il a quitté le territoire français dans le délai qui lui a été accordé au titre de l’article L. 612-1 ou, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article L. 612-2.
« Dans le cas où des circonstances humanitaires de même nature que celles prises en compte pour l’application des articles L. 612-6 et L. 612-7 sont constatées à l’issue d’un examen individuel de la situation de l’étranger, le premier alinéa du présent article n’est pas applicable. »
TITRE IV
ENGAGER UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU SYSTÈME DE L’ASILE
Article 19
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le chapitre Ier du titre II du livre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« France asile
« Art. L. 121-17. – Des pôles territoriaux dénommés « France Asile » peuvent être progressivement déployés sur l’ensemble du territoire français après la mise en place de trois sites pilotes. Ces pôles territoriaux effectuent :
« 1° L’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité compétente, conformément au chapitre Ier du titre II du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
« 2° L’octroi des conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile prévues au titre V du même livre V ainsi que l’évaluation de sa vulnérabilité et de ses besoins particuliers par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, conformément aux articles L. 522-1 à L. 522-5 du même code ;
« 3° L’introduction de la demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dans les conditions prévues à l’article L. 531-2 dudit code sans préjudice de l’indépendance de ses agents garantie par l’article L. 121-7 du même code. Le délai prévu à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 531-2 du même code ne s’applique pas.
« Le demandeur d’asile peut compléter sa demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de tout élément ou pièce utile jusqu’à l’entretien personnel mentionné à l’article L. 531-12 du même code, qui ne peut intervenir avant un délai de vingt et un jours à compter de l’introduction de la demande d’asile, hormis les cas où l’office prend une décision d’irrecevabilité en application du 1° ou 2° de l’article L. 531-32 ou statue dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 531-24, L. 531-26 et L. 531-27 du même code ;
« 4° L’entretien personnel prévu aux articles L. 531-12 à L. 531-21 du même code, lorsque cet entretien est mené par un moyen de communication audiovisuelle dans les conditions prévues à l’article L. 531-21 du même code ou dans le cadre d’une mission déconcentrée prévue à l’article L. 121-11 du même code.
2° Le premier alinéa de l’article L. 521-6 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Après l’enregistrement de sa demande, l’étranger est informé, dans les meilleurs délais, des langues dans lesquelles il peut être entendu lors de l’entretien personnel prévu à l’article L. 531-12.
« Lors de l’enregistrement de sa demande, l’étranger est informé de la possibilité d’être accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’homme, d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, d’une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle lors de l’entretien personnel prévu au même article L. 531-12. » ;
3° (Supprimé)
4° Le second alinéa de l’article L. 531-21 est ainsi modifié :
a) Les mots : « cas et les conditions dans lesquels » sont remplacés par les mots : « conditions dans lesquelles » ;
b) Après le mot : « demandeur », sont insérés les mots : « ou dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 531-32 » ;
5° Le 2° de l’article L. 531-32 est ainsi rédigé :
« 2° Lorsque le demandeur bénéficie dans un État tiers du statut de réfugié ou d’une protection équivalente, notamment en ce qui concerne le respect du principe de non-refoulement, à la condition, dans l’un et l’autre cas, que la protection soit effective et que le demandeur soit effectivement réadmissible dans cet État tiers ; ».
Article 19 bis A
La section 4 du chapitre Ier du titre III du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° À la première phrase de l’article L. 531-36, les mots : « peut clôturer » sont remplacés par le mot : « clôture » ;
2° L’article L. 531-38 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé en application de l’article L. 552-8. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 531-39, les mots : « le cas prévu au 3° » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux 3° et 4° ».
Article 19 bis B
Le chapitre II du titre IV du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 542-4 est ainsi modifié :
a) À la fin, les mots : « , sous peine de faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sous réserve des cas où l’autorité administrative envisage d’admettre l’étranger au séjour pour un autre motif, elle prend à son encontre, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, une obligation de quitter le territoire français sur le fondement et dans les conditions prévues au 4° de l’article L. 611-1. » ;
2° Il est ajouté un article L. 542-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 542-7. – La décision définitive de rejet prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, entraîne l’interruption immédiate de la prise en charge des frais de santé de l’étranger en application de l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale. »
Article 19 bis C
Le chapitre Ier du titre VI du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 561-2 est ainsi modifié :
a) À la fin du 3°, les mots : « dépassé leur dix-neuvième anniversaire » sont remplacés par les mots : « atteint leur dix-huitième anniversaire ; en cas d’adoption, seuls sont éligibles à la réunification familiale les enfants dont le lien de filiation avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire a été établi par un jugement antérieur à l’introduction de la demande d’asile » ;
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « non marié » sont remplacés par les mots : « non accompagné défini au f de l’article 2 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial » ;
– après le mot : « degré » ; la fin est supprimée ;
c) Après le mot : « date », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « de la demande de visa prévue à l’article L. 561-5. Par dérogation, les enfants du réfugié qui ont atteint l’âge de dix-huit ans après l’introduction de la demande d’asile peuvent présenter une demande de visa sur le fondement du présent article dans le délai de trois mois à compter de l’obtention du statut de réfugié par leur parent. » ;
2° L’article L. 561-3 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Au conjoint, au partenaire d’union civile, au concubin ou à l’enfant ayant cessé d’entretenir avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire des relations suffisamment stables et continues pour former avec lui une famille. Sont notamment exclus du bénéfice de la présente section les enfants ayant constitué leur propre cellule familiale. » ;
3° L’article L. 561-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent article, le droit du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire à être rejoint par les membres de sa famille est soumis au chapitre IV du titre III du livre IV du présent code si la demande de visa prévue à l’article L. 561-5 n’a pas été introduite dans le délai de dix-huit mois à compter de l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Le présent alinéa n’est pas applicable si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur. »
Article 19 bis
La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article L. 551-15 est ainsi modifié :
a) Les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
b) (nouveau) Après le mot : « demandeur » sont insérés les mots : « , dans le respect de l’article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 551-16 est ainsi modifié :
a) Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
b) (nouveau) Après le mot : « demandeur » sont insérés les mots : « , dans le respect de l’article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ».
Article 19 ter A
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 345-2-4, les mots : « une convention est conclue dans chaque département entre l’État et une personne morale pour assurer » sont remplacés par les mots : « l’État assure » ;
2° (nouveau) À l’article L. 345-2, les mots : « par la convention conclue avec le représentant de l’État dans le département prévue » sont supprimés ;
3° L’article L. 345-2-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger ne bénéficiant pas d’un droit au séjour en France et faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ou d’une mesure d’expulsion en application des articles L. 631-1 à L. 631-3 du même code, ne peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence que dans l’attente de son éloignement. »
Article 19 ter
Après la première occurrence du mot : « sociale », la fin de la première phrase du 4° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigée : « , des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, des centres provisoires d’hébergement mentionnés aux articles L. 345-1, L. 348-1 et L. 349-1 du code de l’action sociale et des familles, des centres d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et des structures d’accueil des étrangers qui ne disposent pas d’un hébergement stable et qui manifestent le souhait de déposer une demande d’asile. »
Article 19 quater
Le titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 551-12 est ainsi modifié :
a) Les mots : « et les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sauf décision motivée de l’office français de l’immigration et de l’intégration, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive de leur demande d’asile ne peuvent pas s’y maintenir. » ;
2° Les deux premiers alinéas de l’article L. 552-15 sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’autorité administrative compétente ou le gestionnaire du lieu d’hébergement saisit le juge, après mise en demeure restée infructueuse, afin qu’il soit enjoint à l’occupant d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile de l’évacuer :
« 1° Lorsqu’il est mis fin à l’hébergement dans les conditions prévues aux articles L. 551-11 à L. 551-14 ;
« 2° En cas de comportement violent ou de manquements graves au règlement du lieu d’hébergement. »
Article 20
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre unique du titre III du livre Ier est ainsi rédigée :
« Section 2
« Organisation et fonctionnement
« Art. L. 131-3. – Les formations de jugement de la Cour nationale du droit d’asile sont regroupées en chambres, elles-mêmes regroupées en sections. Le nombre de sections et de chambres est fixé par décret en Conseil d’État.
« La Cour peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres territoriales. Le siège et le ressort des chambres sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Le président de la Cour affecte les membres des formations de jugement dans les chambres.
« Il peut en outre spécialiser les chambres en fonction du pays d’origine et des langues utilisées.
« Art. L. 131-4. – Les membres de la Cour nationale du droit d’asile ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de l’âge de soixante-quinze ans.
« La durée du mandat des membres de la Cour nationale du droit d’asile est fixée par décret en Conseil d’État.
« Tous les membres des formations de jugement participent à plus de douze journées d’audience par an.
« Art. L. 131-5. – Chaque formation de jugement de la Cour nationale du droit d’asile est présidée par un magistrat permanent affecté dans la juridiction ou par un magistrat non permanent ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour, nommé :
« 1° Soit par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, en activité ou honoraires, ou parmi les membres du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile ;
« 2° Soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires, ou parmi les magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile ;
« 3° Soit par le ministre de la justice parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire, ou parmi les magistrats de l’ordre judiciaire à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile.
« Art. L. 131-6. – Lorsqu’elle siège en formation collégiale, la formation de jugement comprend, outre son président, les membres suivants :
« 1° Un deuxième membre choisi parmi les personnes mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 131-5 ou une personnalité qualifiée de nationalité française nommée par le vice-président du Conseil d’État en raison de ses compétences dans le domaine juridique ou géopolitique ;
« 2° Une personnalité qualifiée de nationalité française nommée par le vice-président du Conseil d’État, en raison de ses compétences dans les domaines juridique et géopolitique, sur proposition du représentant en France du haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
« Art. L. 131-7. – À moins que, de sa propre initiative ou à la demande du requérant, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement désigné à cette fin décide, à tout moment de la procédure, d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale ou de la lui renvoyer s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie, les décisions de la Cour nationale du droit d’asile sont rendues par le président de la formation de jugement statuant seul.
« Art. L. 131-8. – Le rapport d’activité de la Cour nationale du droit d’asile est rendu public. Il comprend notamment des données quantitatives et qualitatives présentées par sexe et les actions de formation des agents et des membres des formations de jugement, en particulier sur les persécutions en raison du sexe.
« Art. L. 131-9. – Les modalités d’application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 532-6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « en formation collégiale, » sont supprimés ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « le président de la cour ou le président de formation de jugement qu’il désigne à cette fin » sont remplacés par les mots : « la cour » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle statue en formation collégiale dans les conditions prévues à l’article L. 131-7, la Cour nationale du droit d’asile statue dans le délai mentionné à la première phrase du premier alinéa du présent article. » ;
3° L’article L. 532-7 est abrogé ;
4° À la fin du premier alinéa de l’article L. 532-8, les mots : « L. 532-6 et L. 532-7 » sont remplacés par les mots : « L. 131-6 et L. 131-7 ».
Article 20 bis
L’article L. 532-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de la formation de jugement peut, de sa propre initiative ou à la demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice. »
TITRE V
SIMPLIFIER LES RÈGLES DU CONTENTIEUX RELATIF À L’ENTRÉE, AU SÉJOUR ET À L’ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS
Chapitre Ier
Contentieux administratif
Article 21
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un livre IX ainsi rédigé :
« LIVRE IX
« PROCÉDURES CONTENTIEUSES DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF
« Art. L. 900-1. – Les recours ouverts devant la juridiction administrative contre les décisions prévues au présent code sont régis par le code de justice administrative, sous réserve des dispositions du présent code.
« Art. L. 900-2. – Conformément à l’article L. 271-1, le présent livre est applicable à l’étranger dont la situation est régie par le livre II.
« TITRE Ier
« PROCÉDURE COLLÉGIALE SPÉCIALE
« Art. L. 911-1. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. Sous réserve des troisième et avant-dernier alinéas du présent article, il statue dans un délai de six mois à compter de l’introduction du recours.
« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au plus tard lors de l’introduction de son recours.
« Si, en cours d’instance, l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« Si, en cours d’instance, l’étranger est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« Dans les cas prévus aux troisième et avant-dernier alinéas du présent article, l’affaire est jugée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du présent livre.
« TITRE II
« PROCÉDURES À JUGE UNIQUE
« CHAPITRE IER
« Délais de recours et de jugement
« Art. L. 921-1. – (Supprimé)
« Art. L. 921-2. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de sept jours à compter de la notification de la décision. Sous réserve de l’article L. 921-5, il statue dans un délai de quinze jours à compter de l’introduction du recours.
« Art. L. 921-3. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision. Sous réserve de l’article L. 921-4, il statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l’expiration du délai de recours.
« Art. L. 921-4. – Si, en cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours relevant de l’article L. 921-3 est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« Art. L. 921-5. – Si, en cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours relevant de l’article L. 921-2 est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« CHAPITRE II
« Règles de procédure
« Art. L. 922-1. – Lorsque le recours relève du chapitre Ier du présent titre, l’affaire est jugée dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Il en est de même lorsque le recours relève de l’article L. 911-1 et que le délai de jugement est abrégé en application des troisième ou avant-dernier alinéas du même article L. 911-1.
« Art. L. 922-2. – Le recours est jugé par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres du tribunal ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative.
« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné qu’il lui en soit désigné un d’office.
« Art. L. 922-3. – Lorsque l’étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente, afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut toutefois siéger dans les locaux du tribunal. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à disposition du requérant. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées en application du présent article.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut, de sa propre initiative ou sur demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle d’audience n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente ou en cas d’indisponibilité de cette salle, l’audience se tient soit au tribunal administratif compétent soit dans des locaux affectés à un usage juridictionnel judiciaire proches du lieu de rétention ou de la zone d’attente. »
II. – Le livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 251-7 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, les mots : « au chapitre IV du titre Ier du livre VI » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 614-1 à L. 614-3 » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
1° bis (nouveau) L’article L. 253-1 est ainsi modifié :
a) Après la référence : « L. 613-3, », sont insérés les mots : « de l’article L. 613-5-1, » ;
b) Les mots : « à l’exception de celles de l’article L. 614-5, » sont supprimés ;
2° Après le titre VII, il est inséré un titre VII bis ainsi rédigé :
« TITRE VII bis
« PROCÉDURE CONTENTIEUSE
« Art. L. 271-1. – Sont applicables aux étrangers dont la situation est régie par le présent livre les dispositions du livre IX. »
III. – Le chapitre II du titre V du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 352-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 352-4. – La décision de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile et la décision de transfert mentionnée à l’article L. 572-1 qui l’accompagne le cas échéant peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. » ;
2° Les articles L. 352-5 et L. 352-6 sont abrogés.
IV. – Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre V est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Procédure contentieuse
« Art. L. 555-1. – Les décisions qui refusent, totalement ou partiellement, au demandeur d’asile le bénéfice des conditions matérielles d’accueil ou qui y mettent fin, totalement ou partiellement, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2. » ;
2° L’article L. 572-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 572-4. – Sans préjudice de l’article L. 352-4, la décision de transfert mentionnée à l’article L. 572-1 peut être contestée devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 ou, lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. » ;
3° Les articles L. 572-5 et L. 572-6 sont abrogés.
V. – Le livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A (nouveau) L’article L. 610-1 est ainsi modifié :
a) Après la référence : « L. 613-3, », sont insérés les mots : « de l’article L. 613-5-1, » ;
b) Les mots : « , à l’exception de celles de l’article L. 614-5, » sont supprimés ;
1° La section 2 du chapitre III du titre Ier est complétée par un article L. 613-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-5-1. – En cas de détention de l’étranger, celui-ci est informé dans une langue qu’il comprend, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qu’il peut, avant même l’introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil. » ;
2° Le chapitre IV du même titre Ier est ainsi modifié :
a) La section 1 est ainsi rédigée :
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 614-1. – La décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 911-1.
« Art. L. 614-2. – Par dérogation à l’article L. 614-1, lorsque l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, ces décisions peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-3.
« Art. L. 614-3. – Par dérogation à l’article L. 614-1, lorsque l’étranger est détenu, la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Art. L. 614-4. – L’interdiction de retour sur le territoire français édictée en application de l’article L. 612-7 postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être contestée devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 ou, lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3.
« Lorsque le tribunal administratif est saisi de requêtes distinctes tendant l’une à l’annulation d’une décision portant obligation de quitter le territoire français et l’autre à l’annulation d’une interdiction de retour sur le territoire français édictée postérieurement en application de l’article L. 612-7, il statue par une seule décision, dans le délai prévu pour statuer sur l’obligation de quitter le territoire français. » ;
a bis) Les sections 2 à 4 sont abrogées ;
b) À la fin de l’article L. 614-19, les mots : « selon la procédure prévue aux articles L. 614-7 à L. 614-13 » sont supprimés ;
3° L’article L. 615-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 615-2. – Lorsque l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, la décision prévue à l’article L. 615-1 peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, cette décision peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. » ;
4° L’article L. 623-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-1. – Lorsque l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, la décision de remise et l’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagne, le cas échéant, peuvent être contestées selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, ces décisions peuvent être contestées selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. »
VI. – Le livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 721-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 721-5. – La décision fixant le pays de renvoi peut être contestée selon la même procédure que la décision portant obligation de quitter le territoire français, l’interdiction de retour sur le territoire français, la décision de mise en œuvre d’une décision prise par un autre État ou l’interdiction de circulation sur le territoire français qu’elle vise à exécuter.
« Lorsque la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter une peine d’interdiction du territoire français et que l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, elle peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2. Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, elle peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-3.
« La décision fixant le pays de renvoi peut être contestée dans le même recours que la décision d’éloignement qu’elle vise à exécuter. Lorsqu’elle a été notifiée après la décision d’éloignement, la décision fixant le pays de renvoi peut être contestée alors même que la légalité de la décision d’éloignement a déjà été confirmée par le juge administratif ou ne peut plus être contestée. » ;
1° bis Au 1° de l’article L. 731-1, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans » ;
2° L’article L. 732-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 732-8. – La décision d’assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l’article L. 731-1 peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d’éloignement qu’elle accompagne. Lorsqu’elle a été notifiée après la décision d’éloignement, elle peut être contestée alors même que la légalité de la décision d’éloignement a déjà été confirmée par le juge administratif ou ne peut plus être contestée. » ;
3° Le titre V est ainsi modifié :
a) À l’article L. 752-6, les mots : « de l’article L. 614-1 », sont remplacés par les mots : « des articles L. 614-1 ou L. 614-2 » ;
b) L’article L. 752-7 est ainsi modifié :
– les mots : « , dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision d’assignation à résidence ou de placement en rétention, » sont supprimés ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Cette demande est présentée et jugée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 en cas d’assignation à résidence ou selon la procédure prévue à l’article L. 921-3 en cas de rétention administrative. Les délais pour saisir le tribunal administratif fixés aux mêmes articles L. 921-2 et L. 921-3 courent à compter de la notification à l’étranger de la décision d’assignation à résidence ou de placement en rétention. » ;
c) À l’article L. 752-8, les mots : « de quarante-huit heures mentionné » sont remplacés par les mots : « imparti pour saisir le tribunal administratif de la demande prévue » ;
d) L’article L. 752-9 est abrogé ;
e) À l’article L. 752-10, les mots : « des articles L. 752-7 à L. 752-9 » sont remplacés par les mots : « de la présente sous-section » ;
f) L’article L. 753-7 est ainsi modifié :
– les mots : « , dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, » sont supprimés ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Cette demande est présentée et jugée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 ou, en cas de rétention administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. Les délais pour saisir le tribunal administratif fixés aux mêmes articles L. 921-2 et L. 921-3 courent à compter de la notification à l’étranger de la décision de l’office. » ;
g) À l’article L. 753-8, les mots : « de quarante-huit heures mentionné » sont remplacés par les mots : « imparti pour saisir le tribunal administratif de la demande prévue » ;
h) L’article L. 753-9 est abrogé ;
i) Les trois premiers alinéas de l’article L. 754-4 sont ainsi rédigés :
« L’étranger peut, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3, demander l’annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l’article L. 754-3 afin de contester les motifs retenus par l’autorité administrative pour estimer que sa demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue après la notification de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides relative au demandeur.
« Si l’étranger a formé un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet et que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné n’a pas encore statué sur ce premier recours, il statue sur les deux contestations par une seule décision. »
Article 22
Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 222-2-1, les mots : « dont le tribunal est saisi en application des articles L. 614-8, L. 614-15 ou L. 732-8 » sont remplacés par les mots : « jugés selon les modalités prévues au chapitre II du titre II du livre IX » ;
2° Le chapitre VI du titre VII du livre VII est ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Le contentieux des décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers
« Art. L. 776-1. – Les modalités selon lesquelles sont présentés et jugés les recours formés devant la juridiction administrative contre les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers obéissent, lorsque les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le prévoient, aux règles spéciales définies au livre IX du même code. » ;
3° Les chapitres VII à VII quater du même titre VII sont abrogés.
Article 23
I. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° Au quatrième alinéa de l’article 3, les mots : « L. 222-1 à L. 222-6, L. 312-2, L. 511-1, L. 511-3-1, L. 511-3-2, L. 512-1 à L. 512-4, L. 522-1, L. 522-2, L. 552-1 à L. 552-10 et L. 742-4 » sont remplacés par les mots : « L. 251-1 à L. 251-8, L. 342-5 à L. 342-15, L. 432-15, L. 572-4, L. 572-7, L. 611-1 à L. 612-12, L. 614-1 à L. 614-4, L. 632-1, L. 632-2 et L. 743-3 à L. 743-23 » et la seconde occurrence des mots : « L. 512-1 à L. 512-4 » est remplacée par les mots : « L. 614-1 à L. 614-4 » ;
2° À la troisième phrase de l’article 9-4, les mots : « premier alinéa de l’article L. 731-2 » sont remplacés par les mots : « second alinéa de l’article L. 532-1 » ;
3° Au quatrième alinéa de l’article 16, la référence : « L. 732-1 » est remplacée par la référence : « L. 131-3 ».
II. – Le chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un article L. 773-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 773-11. – I. – Le présent article est applicable au contentieux des décisions administratives prononcées sur le fondement des articles L. 212-1, L. 224-1, L. 225-1 à L. 225-8, L. 227-1 et L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier, des articles L. 222-1, L. 312-1 et L. 312-3, L. 321-1, L. 332-1, L. 432-1 et L. 432-4, L. 511-7, L. 512-2 à L. 512-4, L. 631-1 à L. 631-4, L. 731-3 et L. 731-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des articles 21-4 et 21-27 du code civil, dès lors qu’elles sont fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.
« II. – Lorsque des considérations relevant de la sûreté de l’État s’opposent à la communication d’informations ou d’éléments sur lesquels reposent les motifs de l’une des décisions mentionnées au I du présent article, soit parce que cette communication serait de nature à compromettre une opération de renseignement, soit parce qu’elle conduirait à dévoiler des méthodes opérationnelles des services mentionnés aux articles L. 811-2 ou L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, l’administration peut, lorsque la protection de ces informations ou de ces éléments ne peut être assurée par d’autres moyens, les transmettre à la juridiction par un mémoire séparé en exposant les raisons impérieuses qui s’opposent à ce qu’elles soient versées au débat contradictoire.
« Dans ce cas, la juridiction, qui peut alors relever d’office tout moyen et procéder à toute mesure d’instruction complémentaire en lien avec ces informations ou ces pièces, statue sur le litige sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni en révéler l’existence et la teneur dans sa décision. Lorsque les éléments ainsi communiqués sont sans lien avec les objectifs énoncés au premier alinéa du présent II, le juge informe l’administration qu’il ne peut en tenir compte sans qu’ils aient été versés au débat contradictoire. L’administration décide alors de les communiquer ou non. »
Article 23 bis
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 425-9, il est inséré un article L. 425-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 425-9-1. – Lorsque le juge administratif saisi, à l’appui de conclusions tendant à l’annulation d’une décision de refus du titre de séjour mentionné au premier alinéa de l’article L. 425-9, d’un moyen relatif à l’état de santé du demandeur, appelle l’Office français de l’immigration et de l’intégration à présenter des observations, celles-ci peuvent comporter toute information couverte par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique en lien avec cette décision. » ;
2° Après la dernière occurrence du mot : « la », la fin du second alinéa de l’article L. 542-1 est ainsi rédigée : « signature de celle-ci. Dans le cas où il statue par ordonnance, l’autorité administrative ne peut engager l’exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du demandeur d’asile dont le droit au maintien a pris fin qu’à compter de la date de notification de l’ordonnance. » ;
2° bis Le premier alinéa des articles L. 733-7 et L. 733-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sur demande motivée de l’autorité administrative, le juge des libertés et de la détention peut également autoriser, par la même décision, la visite du domicile de l’étranger aux fins de rechercher et de procéder à la retenue de tout document attestant de sa nationalité dans les conditions prévues à l’article L. 814-1. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 733-10, le mot : « quatre-vingt-seize » est remplacé par les mots : « cent quarante-quatre » ;
3° bis La première phrase du second alinéa de l’article L. 733-11 est complétée par les mots : « , les documents retenus et les modalités de leur restitution » ;
3° ter Au premier alinéa de l’article L. 741-1, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 741-2, au premier alinéa de l’article L. 741-10, aux articles L. 742-1 et L. 742-3 ainsi qu’au premier alinéa de l’article L. 751-9, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours » ;
3° quater À l’article L. 742-3, le mot : « vingt-huit » est remplacé par le mot : « vingt-six » ;
4° À la fin de l’article L. 743-4, les mots : « sa saisine » sont remplacés par les mots : « l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 ou sa saisine en application des articles L. 742-1 et L. 742-4 à L. 742-7 » ;
5° À la seconde phrase de l’article L. 743-19, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
6° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 743-22, les mots : « l’appel, » sont remplacés par les mots : « l’appel est » et les mots : « , est formé dans un délai de dix heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République » sont supprimés.
Chapitre II
Contentieux judiciaire
Article 24
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Les articles L. 342-6 et L. 342-7 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 342-6. – Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente.
« Le juge des libertés et de la détention peut toutefois siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition du requérant. Un procès-verbal attestant de la conformité des opérations effectuées au présent article est établi dans chacune des salles d’audience.
« Le juge des libertés et de la détention peut, de sa propre initiative ou à la demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate ou en cas d’indisponibilité de cette salle, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente.
« Art. L. 342-7. – Sauf exception prévue par décret en Conseil d’État, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 342-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience peut, par décision du premier président de la cour d’appel ou de son délégué, d’office ou à la demande d’une partie, se dérouler avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 342-6. » ;
3° Les articles L. 743-7 et L. 743-8 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 743-7. – Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention.
« Le juge des libertés et de la détention peut toutefois siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition du requérant. Un procès-verbal attestant de la conformité des opérations effectuées au présent article est établi dans chacune des salles d’audience.
« Le juge des libertés et de la détention peut, de sa propre initiative ou sur demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate ou en cas d’indisponibilité de la salle, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention.
« Par dérogation au présent article, lorsqu’est prévue une compétence territoriale dérogatoire à celle fixée par voie réglementaire, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire auquel appartient le juge des libertés et de la détention compétent. Le juge peut toutefois décider que l’audience se déroule avec l’utilisation de moyens de communication audiovisuelle, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas.
« Art. L. 743-8. – Sauf exception prévue par décret en Conseil d’État, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. »
II. – Le I de l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 est ainsi modifié :
1° Au 1°, après les références : « L. 342-7 » et « L. 743-8 », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, » ;
2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° À la première phrase du deuxième alinéa, à la quatrième phrase du troisième alinéa et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 342-6 ainsi qu’à la première phrase du deuxième alinéa, à la quatrième phrase du troisième alinéa, au quatrième alinéa et à la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 743-7, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, les mots : “des libertés et de la détention” sont supprimés ; ».
Article 25
I. – Le chapitre II du titre IV du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 342-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 342-5. – Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance dans les vingt-quatre heures de sa saisine.
« Le délai mentionné au premier alinéa peut être porté à quarante-huit heures lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent ou, par ordonnance du premier président, en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel.
« Le juge des libertés et de la détention statue après audition de l’intéressé, ou de son conseil s’il en a un, ou celui-ci dûment averti. » ;
2° Après l’article L. 342-7, il est inséré un article L. 342-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 342-7-1. – Le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de maintien en zone d’attente, rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure que celui-ci a été, dans les meilleurs délais, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir.
« Il tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information sur les droits et à leur prise d’effet. »
II. – Le I de l’article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 est ainsi modifié :
1° Au 1°, la référence : « L. 342-5 » est supprimée ;
2° Après le même 1°, sont insérés des 1° bis et 1° ter ainsi rédigés :
« 1° bis L’article L. 342-5, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, est ainsi modifié :
« a) Aux premier et dernier alinéas, les mots : “juge des libertés et de la détention” sont remplacés par les mots : “magistrat du siège du tribunal judiciaire” ;
« b) Le troisième alinéa est supprimé ;
« 1° ter Au premier alinéa de l’article L. 342-7-1, les mots : “juge des libertés et de la détention” sont remplacés par les mots : “magistrat du siège du tribunal judiciaire” ; ».
Article 25 bis
L’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le mot : « porter », il est inséré le mot : « substantiellement » ;
2° Sont ajoutés les mots : « dont l’effectivité n’a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats ».
Article 25 ter
L’article L. 743-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au présent article, l’appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention est suspensif lorsque l’intéressé a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus au titre II du livre IV du code pénal ou s’il fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste. L’intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond. »
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER ET ENTRÉE EN VIGUEUR
Article 26
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures relevant de la compétence de l’État nécessaires à l’application et, le cas échéant, à l’adaptation, des dispositions de la présente loi dans les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
II. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Après l’article L. 151-2, il est inséré un article L. 151-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-3. – Pour l’application du présent livre à Saint-Pierre-et-Miquelon, les références au règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données sont remplacées par la référence aux règles en vigueur en métropole en vertu du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016. »
1° Le 1° des articles L. 281-4 et L. 281-5 et le 2° de l’article L. 281-7 sont abrogés ;
2° L’article L. 361-2 est ainsi modifié :
a) Au 8°, les mots : « les mots : “au chapitre II du titre II du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016” » sont remplacés par les mots : « la référence au règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 » ;
b) Le 14° est ainsi rédigé :
« 14° Pour l’application de l’article L. 352-4 :
« a) En Martinique, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les mots : “et la décision de transfert mentionnée à l’article L. 572-1 qui l’accompagne le cas échéant peuvent être contestées” sont remplacés par les mots : “peut être contestée” ;
« b) Dans les collectivités territoriales de Guadeloupe et de Guyane et à Mayotte, il est abrogé ; »
2° bis (nouveau) L’article L. 441-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 441-6. – Pour l’application des dispositions du présent livre à Saint-Pierre-et-Miquelon :
« 1° Les références au département et au conseil départemental sont respectivement remplacées par les références à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et au conseil territorial ;
« 2° À l’article L. 414-1-1, les mots : “les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1-1 du code de la sécurité sociale” sont remplacés par les mots : “la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon” ;
2° ter (nouveau) L’article L. 441-7 est ainsi modifié :
a) Le 1° est complété par les mots : « ainsi qu’un volet sur l’appartenance de Mayotte à la République française, sur son intégrité territoriale et sur ses frontières ; »
b) après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis À l’article L. 414-1-1, les mots : “les organismes mentionnés à l’article L. 114-10-1-1 du code de la sécurité sociale” sont remplacés par les mots : “la caisse de sécurité sociale de Mayotte” ;
2° quater (nouveau) Avant le 1° de l’article L. 591-4, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :
« 1° A À l’article L. 542-7, la référence à l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale est remplacée par la référence à l’article 19 de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité, décès, autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte ;
2° quinquies (nouveau) L’article L. 591-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 591-5. – Pour l’application du présent livre à Saint-Pierre-et-Miquelon :
« 1° Aux articles L. 552-6 et L. 552-7, la référence au règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données est remplacée par la référence aux règles en vigueur en métropole en vertu du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ;
« 2° À l’article L. 542-7, la référence à l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale est remplacée par la référence à l’article 8-5 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales ; »
3° Le second alinéa des articles L. 651-3, L. 651-4 et L. 651-6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « L. 614-1 à L. 614-18, à l’exception de l’article L. 614-13, » sont remplacés par les mots : « L. 614-1 à L. 614-4 et les articles L. 614-16 à L. 614-18, » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « des deux premiers alinéas de l’article L. 614-11 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 922-3 » ;
3° bis (nouveau) La section 4 du chapitre Ier du titre V du livre VI est complétée par un article L. 651-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 651-7-1. – Dans le Département de Mayotte, par dérogation à l’article L. 631-2, l’étranger mentionné au 1° à 4° du même article peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 lorsqu’il a fait l’objet d’une condamnation définitive pour des faits de violence au sens du paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, et pour des faits de viol, inceste et agressions sexuelles au sens de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal.
« Dans le Département de Mayotte, par dérogation à l’article L. 631-3, l’étranger mentionné au 1° à 5° du même article peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 lorsqu’il a fait l’objet d’une condamnation définitive pour des faits de violence au sens du paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, pour des faits de viol, inceste et agressions sexuelles au sens de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal. »
4° L’article L. 831-2 est complété par des 4° et 5° ainsi rédigés :
« 4° L’article L. 821-6 est ainsi modifié :
« a) Aux premier et deuxième alinéas, les mots : “ou de l’autorisation de voyage” sont supprimés ;
« b) Le dernier alinéa est supprimé ;
« 5° Au second alinéa de l’article L. 821-7, les mots : “ou de l’autorisation de voyage” sont supprimés. » ;
5° Le livre IX, tel qu’il résulte de l’article 21 de la présente loi, est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
« CHAPITRE UNIQUE
« Dispositions particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon
« Art. L. 931-1. – Le présent livre est applicable de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre.
« Art. L. 931-2. – Les titres Ier et II du présent livre, à l’exception de l’article L. 922-3, ne sont pas applicables en Guadeloupe.
« Art. L. 931-3. – Les titres Ier et II du présent livre, à l’exception de l’article L. 922-3, ne sont pas applicables en Guyane.
« Art. L. 931-4. – Les titres Ier et II du présent livre, à l’exception de l’article L. 922-3, ne sont pas applicables à Mayotte. »
III (nouveau). – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 8323-2, est inséré un article L. 8323-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8323-2-1. – Pour l’application de l’article L. 8253-1 à Saint-Pierre-et-Miquelon, les mots : « aux articles L. 8251-1 et L. 8251-2 » sont remplacés par les mots « à l’article L. 8323-2 » ;
2° L’article L. 8323-3 est complété par les mots « et L. 8256-8 ».
Article 26 bis (nouveau)
Le code civil est ainsi modifié :
1° À l’article 2493 du code civil, les mots : « de trois mois » sont remplacés par les mots : « d’un an ».
2° Sont ajoutés des livres VI et VII ainsi rédigés :
« Livre VI
« Dispositions applicables à la collectivité territoriale de Guyane
« Art. 2535. – Le présent code est applicable à la collectivité territoriale de Guyane dans les conditions définies au présent livre.
« Art. 2536. – Pour un enfant né dans la collectivité territoriale de Guyane, les deux premiers alinéas de l’article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de neuf mois.
« Art. 2537. – L’article 2536 est applicable dans les conditions prévues à l’article 17-2.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né dans la collectivité territoriale de Guyane de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code.
« Livre VII
« Dispositions applicables à Saint-Martin
« Art. 2538. – Le présent code est applicable à Saint-Martin dans les conditions définies au présent livre.
« Art. 2539. – Pour un enfant né à Saint-Martin, les deux premiers alinéas de l’article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
« Art. 2540. – L’article 2539 est applicable dans les conditions prévues à l’article 17-2.
« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l’enfant né à Saint-Martin de parents étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, si l’un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code. »
Article 26 ter (nouveau)
Le chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 441-2 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis À l’article L. 414-13, les mots : “par l’autorité administrative après consultation” sont remplacés par les mots : “après avis consultatif d’une commission, sous l’autorité du préfet, composée des parlementaires de la circonscription, d’un représentant du conseil départemental et du conseil régional ou, le cas échéant, de la collectivité territoriale, de France Travail, de chaque chambre consulaire, du conseil économique et social régional, du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement et” ; »
c) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Pour l’application à Saint Pierre et Miquelon de l’article L. 435-4, l’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention “salarié” ou “travailleur temporaire” en application du même article L. 435-4 peut se voir délivrer, à l’expiration de ce titre, sous réserve de continuer à remplir les conditions prévues audit article L. 435-4, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention “salarié” » ;
2° Après le 2° de l’article L. 441-4, sont insérés des 2° bis et 2° ter ainsi rédigés :
« 2° bis À l’article L. 423-7, le mot : “deux” est remplacé par le mot “trois” ;
« 2° ter À l’article L. 423-8, après les mots : “371-2 du code civil,”, sont insérés les mots : “depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins trois ans” ; » ;
3° L’article L. 441-7 est ainsi modifié :
a) Après le 6°, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis À l’article L. 414-13, les mots : “par l’autorité administrative après consultation” sont remplacés par les mots : “après avis consultatif d’une commission, sous l’autorité du préfet, composée des parlementaires de la circonscription, du président du conseil départemental, de France Travail, de chaque chambre consulaire, du conseil économique et social régional, du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement et” ; »
b) Après le 8°, sont insérés des 8° bis et 8° ter ainsi rédigés :
« 8° bis À l’article L. 423-7, le mot : “deux” est remplacé par le mot : “trois” ;
« 8° ter À la première phrase de l’article L. 423-8, après la seconde occurrence du mot : “civil,”, sont insérés les mots : “depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins trois ans” ; »
4° La section 2 est complétée par un article L. 441-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-9. – L’étranger qui séjourne régulièrement à Mayotte depuis au moins trois ans, sous couvert d’un des titres d’une durée de validité d’au moins cinq ans prévus par le présent code ou par des conventions internationales peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial :
« 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins dix-huit ans ;
« 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. »
Article 26 quater (nouveau)
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 78-3 du code de procédure pénale, après le mot : « Mayotte », sont insérés les mots : « et dans la collectivité territoriale de Guyane ».
Article 26 quinquies (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les moyens technologiques et humains supplémentaires nécessaires pour assurer le contrôle des côtes de la Guadeloupe et de la Martinique afin de lutter contre l’immigration irrégulière.
Article 26 sexies (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant l’opportunité de permettre, en outre-mer, aux acteurs privés ou aux associations de la formation et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi d’organiser et de conduire des formations afin de renforcer l’intégration des publics éloignés de l’emploi à destination des étrangers titulaires d’un premier titre de séjour.
Article 27
I A. – Les articles 1er B, 1er C, 1er E, 1er F, 2 bis et 2 ter s’appliquent aux demandes déposées après la publication de la présente loi.
I B. – L’article 1er entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 1er janvier 2026.
I. – Les 1° et 1° bis de l’article 12 entrent en vigueur à Mayotte le 1er janvier 2027.
II. – L’article 21, à l’exception du 1° bis de son VI, l’article 22, le I de l’article 23, les 3° ter à 6° de l’article 23 bis, l’article 24 et les 1°, 3° et 5° du II de l’article 26 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le premier jour du septième mois suivant celui de la publication de la présente loi. Ces articles s’appliquent à la contestation des décisions prises à compter de leur entrée en vigueur.
III. – Dans les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, la présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le premier jour du dix-neuvième mois suivant celui de sa promulgation.
M. le président. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, deux questions requièrent notre attention aujourd’hui : tout d’abord, celle de la méthode d’élaboration de ce texte au cours de la navette ; ensuite, la question de fond, celle de la position de notre Parlement au sujet de l’immigration.
En premier lieu, concernant la méthode, les membres du groupe du RDSE s’interrogent. Nous aimons rappeler à cette tribune notre attachement au débat parlementaire comme essence de notre régime démocratique et républicain.
Priver nos hémicycles de délibération, d’échange, voire de controverse, c’est s’exposer au risque de dévoyer et de pervertir l’expression même de la volonté générale.
Renoncer aux débats, c’est faire un pas vers l’arbitraire, vers ce mode de décision si symptomatique des temps anciens et qui avait justifié différents bouleversements de notre histoire.
Il a donc été décidé que seul le Sénat examinerait, disposition par disposition, chacun des articles du projet de loi.
Le groupe du RDSE avait exprimé sa position à l’issue de l’examen en première lecture : nous étions majoritairement contre la rédaction sénatoriale. Mais nous acceptons les règles du jeu démocratique.
À l’Assemblée nationale, une majorité s’est prononcée contre le texte. Saura-t-on pourquoi ? Faut-il imputer ce rejet à la suppression de l’AME, ou à la mise en place d’un titre de séjour « métiers en tension » ? Pas de débats, pas de réponse !
Nous voici aujourd’hui face à un nouveau texte, débattu à huis clos et négocié en un laps de temps restreint, contraint. La réunion de la commission mixte paritaire aura réussi à durer plus longtemps que l’examen du texte par la chambre basse ! C’est là, j’imagine, une situation inédite dans notre histoire parlementaire… Il demeure que, comme jeune sénateur, je suis aussi étonné que préoccupé en découvrant cette manière de faire.
La Constitution le permet ; soit ! Les rouages du parlementarisme rationalisé prouvent leur efficacité jusqu’à des situations démocratiquement absurdes.
Nous gardons donc la liberté de ne pas nous satisfaire d’un tel cheminement.
Nous n’aurons finalement eu qu’à peine quelques minutes pour découvrir le détail de la nouvelle version du projet de loi : autant dire que la connaissance que nous en avons tient pour beaucoup aux articles de presse que nous pouvons lire – là encore, c’est insatisfaisant.
En second lieu, puisqu’un texte nous est présenté, il me faut malgré tout aborder le fond.
Le texte initial du Gouvernement avait plutôt tendance à nous satisfaire, monsieur le ministre.
M. Michel Masset. Nous voilà au moins deux ! (Sourires.)
En revanche, au Sénat, la tournure de nos débats avait fait pencher une majorité des membres de notre groupe du côté d’un vote contre, les autres s’abstenant.
Nous étions unanimement opposés à la suppression de l’AME. Elle ne figure pas dans le nouveau texte, c’est tant mieux :…
Mme Marie-Arlette Carlotti. Ça ne va pas tarder…
M. Michel Masset. … il s’agissait pour nous d’une ligne infranchissable.
Sur la question des titres de séjour pour les travailleurs sans-papiers, la version sénatoriale semble l’avoir emporté sur le dispositif proposé initialement par le Gouvernement ; nous le regrettons. Les articles 3 et 4 constituaient à nos yeux une avancée utile et efficace, certes à parfaire : un début.
Demeurent également dans le texte l’instauration de quotas migratoires ; le durcissement des règles du regroupement familial et de celles relatives à l’immigration étudiante ; le conditionnement du bénéfice de certaines prestations sociales non contributives à une durée minimale de séjour régulier ; le rétablissement du délit de séjour irrégulier ; la restriction du droit du sol pour l’accès à la nationalité.
Bien sûr, ce n’est pas tout. Le texte comprend également des mesures attendues en matière d’application des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Je pense aussi à la réforme du contentieux des étrangers, ou encore au durcissement des sanctions pénales pour l’exploitation des migrants.
Cela étant, malgré ces dispositions, la majorité des membres de notre groupe persistera à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, voulu par le Gouvernement, répondait à l’exigence d’adaptation de notre droit aux nouvelles réalités que notre pays connaît dans le domaine migratoire.
En effet, la situation actuelle exige que l’on régule mieux les flux, que l’on protège mieux les Français contre les délinquants étrangers et que l’on intègre mieux, grâce à l’affirmation de nos valeurs, au travail et à l’usage de notre langue, les étrangers ayant vocation à rester sur le territoire national.
Au sein de notre assemblée, saisie en première lecture, les débats ont été riches et constructifs. Ils ont permis l’adoption d’un texte que la majorité du groupe RDPI a voté, validant ainsi une démarche de coconstruction qui devait se poursuivre dans le cadre de la navette parlementaire.
Certes, comme je l’avais exprimé à cette tribune, certaines dispositions contenues dans le texte voté par notre assemblée ne nous convenaient pas, et notre vote positif ne valait pas quitus. Il en était ainsi tout particulièrement de la suppression de l’AME.
Le travail législatif était néanmoins bien lancé pour doter notre pays de la législation dont il a besoin. Malheureusement, une coalition aussi étrange qu’hétéroclite a vu le jour à l’Assemblée nationale pour mettre en difficulté le Gouvernement et, finalement, provoquer une brusque accélération des échanges qui auraient dû, en toute hypothèse, avoir lieu entre nos deux chambres.
Notre groupe a abordé cette commission mixte paritaire en gardant à l’esprit toujours la même priorité : aboutir à un texte équilibré qui apporte une réponse efficace aux besoins du pays et aux attentes des Français. Un accord était impératif, non pas seulement pour le Gouvernement et la majorité présidentielle, non pas seulement pour les membres du groupe Les Républicains, mais aussi pour le pays tout entier.
Ces échanges, nous les avons eus sous le regard attentif des Français : 67 % d’entre eux se sont déclarés favorables à ce texte sur l’immigration.
M. Didier Marie. Il y a eu un vote ?
M. Olivier Bitz. Chacun s’accordait cependant à dire que certaines des dispositions votées par le Sénat ou par la commission des lois de l’Assemblée nationale nécessitaient d’être réécrites.
S’agissant de l’AME, nous avons tenu compte en commission mixte paritaire des conclusions sans équivoque du rapport rédigé par MM. Stefanini et Évin, qui estiment que l’aide médicale de l’État est « utile et maîtrisée ». C’est ce qui nous a conduits à revenir sur la suppression de l’AME proposée dans le texte du Sénat, compte tenu de l’engagement pris par la Première ministre de lancer une réforme dans les meilleurs délais.
Concernant les prestations sociales, le texte du Sénat conditionnait toutes les aides non contributives à une résidence stable de cinq ans sur le territoire national. Ce délai a été réduit, ainsi que le périmètre des aides concernées.
S’agissant de la nationalité, nous avons supprimé cinq articles qui, à nos yeux, étaient problématiques. En revanche, et nous l’assumons, la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique est maintenue.
Pour l’hébergement d’urgence, là encore, le texte du Sénat n’était pas vraiment applicable en l’état – il faut le reconnaître –, car il risquait de mettre à la rue plus de 150 000 personnes du jour au lendemain.
Enfin, pour l’obtention du titre de séjour « étranger malade », nous en resterons à la rédaction de la commission des lois de l’Assemblée nationale, plus juste et plus équilibrée à nos yeux.
Compte tenu des débats constructifs et du texte auquel nous avons abouti en commission mixte paritaire, sous l’égide de nos rapporteurs et des présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, notre groupe votera, dans sa majorité, les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Mme Valérie Boyer et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier et aujourd’hui, nous avons eu, avec mes collègues Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin, la charge et l’honneur de porter dans cette commission mixte paritaire les propositions de notre groupe, mais surtout la défense d’une certaine idée des valeurs de notre pays.
Dans son histoire, la France s’est construite avec l’apport et la contribution des populations étrangères, parfois même au prix de leur sang. Monsieur le ministre, c’est un autre fils d’immigrés qui vous le dit ce soir !
Aujourd’hui encore, sans les travailleurs étrangers, les hôpitaux où vous vous faites soigner, les services d’aide à domicile qui prennent soin de vos parents, les maisons que vous faites construire, les supermarchés où vous faites vos courses, rien de tout cela ne pourrait fonctionner, et vous le savez ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est à eux que je pense ce soir, à chacune de ces personnes qui ont fait le choix, souvent contraint, de s’installer sur notre sol, d’y fonder leur famille et d’y construire une nouvelle vie. Car il s’agit bien de cela : de vies humaines, avant tout, qui méritent notre respect et notre considération.
Quand, le 11 janvier dernier, j’ai reçu au Sénat MM. Darmanin et Dussopt, ceux-ci avaient vanté l’équilibre de leur projet de loi. Il s’agissait alors de mieux contrôler l’immigration, mais aussi de faciliter l’intégration des étrangers dans notre pays.
Ce soir, je constate amèrement que cette promesse était un leurre. Pour dire les choses clairement, le texte sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui est un texte de police des étrangers.
Dans la quête d’un électorat perdu, le Gouvernement et la droite ont choisi de se fondre dans la rhétorique que seule l’extrême droite défendait jusqu’alors : « la France aux Français ! »
Mme Sophie Primas. Qui a fait monter le Front national ?
M. Patrick Kanner. Je vous le dis comme je le pense : la violence de ce texte nous heurte. Ce texte est une honte !
D’heure en heure, de recul en recul, de marchandage en marchandage, la droite a entraîné une majorité présidentielle complaisante dans un ravin populiste, sous l’œil gourmand de l’extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques Grosperrin. C’est ce qu’a fait Mitterrand !
M. Patrick Kanner. En toute logique, celle-ci votera ce projet de loi. Elle aurait même pu l’écrire !
Cette extrême droite rance, haineuse, se frotte les mains en contemplant ce spectacle. C’est une marée brune qui fait sauter toutes les digues, les unes après les autres. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mes chers collègues, je suis inquiet pour mon pays, pour son avenir. Que reste-t-il de nos valeurs et de nos idéaux ? Que reste-t-il de la France, pays des droits de l’homme ?
Par deux fois, Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir parce que nous étions nombreux à espérer qu’il fasse barrage à l’extrême droite. Aujourd’hui, le même Emmanuel Macron amène les idées d’extrême droite au pouvoir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Je m’adresse aux parlementaires qui, de bonne foi, ont cru au « en même temps » du Président de la République. Ouvrez les yeux ! En 2027, assumerez-vous d’avoir donné corps aux pires excès de l’extrême droite ? Assumerez-vous d’avoir gravé la préférence nationale dans le marbre de la loi ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est faux !
M. Patrick Kanner. Assumerez-vous d’avoir privé les étrangers en situation régulière, ainsi que leurs enfants, de moyens de subsistance pendant plusieurs années ?
Assumerez-vous d’avoir mis à terre les principes de la nationalité ? Assumerez-vous d’avoir imposé aux étudiants des conditions inatteignables pour rejoindre nos universités ? (M. Jean-Baptiste Lemoyne proteste.) Assumerez-vous d’avoir réduit les travailleurs des métiers en tension à de simples variables d’ajustement ? Assumerez-vous de n’avoir pas fermé la porte à la remise en cause de l’aide médicale de l’État ?
Les dispositions que vous avez votées depuis hier soir sont une insulte à nos Lumières. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Bitz. Rien que ça !
M. Patrick Kanner. Comment, d’ailleurs, nos collègues centristes, depuis la première lecture au Sénat, peuvent-ils accepter de prêter la main à une telle dérive extrémiste, à rebours de leur propre histoire ? (M. Loïc Hervé proteste.)
Non, mes chers collègues, un étranger n’est pas, par essence, un danger pour notre civilisation, notre mode de vie, notre activité économique. Vous vous êtes laissé submerger par des fantasmes d’un autre temps !
Non seulement vous renoncez à nos valeurs fondatrices, mais avec ce texte vous ajoutez du désordre au désordre. Le droit des étrangers s’empile, des enfants non accompagnés sont à la rue, les situations des étrangers sont examinées de manière partielle et partiale, les OQTF sont délivrées n’importe comment, elles ne sont pas appliquées !
Mes chers collègues, ce 19 décembre marque l’entrée de la droite et du centre dans la majorité présidentielle, au risque de leur propre disparition. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce 19 décembre sonne la rupture de la digue défendue pendant de nombreuses années par la droite française contre l’extrême droite.
Ce 19 décembre, le front républicain a fait long feu. Vous avez inventé la cohabitation d’opportunité, la coalition sans contrat, la collusion du renoncement !
Mais rappelez-vous, les Français préféreront toujours l’original à la copie. Vous êtes peut-être vainqueurs ce soir, mais serez-vous vraiment les bénéficiaires de cette victoire ?
Vous avez choisi de tourner le dos à cette belle formule de l’un des vôtres : « Mieux vaut perdre les élections que perdre son âme. »
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous faites les deux !
M. Patrick Kanner. Oui, un vent mauvais souffle sur notre territoire. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour notre part, en gardant la nuque raide, nous voterons contre ce projet de loi « immigration » ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les donneurs de leçons de ce soir, qu’ils soient de gauche ou d’extrême droite, ont oublié qu’il y a quelques années ils avaient fait preuve de connivence, sous la présidence de François Mitterrand, pour faire émerger le Front national. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – Mme Nicole Duranton applaudit également. – Huées sur les travées du groupe SER.)
M. Alain Marc. Et la Francisque !
M. François-Noël Buffet. Ils ont perdu la mémoire… Pourtant, ce soir, ils osent encore nous donner des leçons !
Le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration comptait initialement vingt-sept articles. La commission des lois et la majorité sénatoriale, ainsi que d’autres de nos collègues, ont travaillé sur ce texte et se sont attachées à le faire progresser. Nous sommes aujourd’hui parvenus à un texte qui comprend un peu plus de quatre-vingts articles.
Ce n’est certes pas la quantité qui fait la qualité,…
M. Didier Marie. Et ce n’est pas la majorité sénatoriale qui est gage de qualité !
M. François-Noël Buffet. … mais je tenais à rappeler, ici, quelle avait été notre stratégie.
Nous assumons totalement les choix qui ont été faits. Ils ne sont pas issus de nulle part, ils sont le résultat d’un travail de longue haleine réalisé au Sénat par notre mouvement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. Mickaël Vallet. On verra le résultat !
M. François-Noël Buffet. Ils sont le fruit de rapports de la commission des lois et de propositions venues d’autres horizons. Ils sont également le fruit d’un travail acharné et d’une vision.
Quelle est cette vision ? Tout d’abord, de manière cohérente, vouloir maîtriser l’immigration irrégulière sans rester passif vis-à-vis des événements ; lutter fermement contre celle-ci en considérant que la tolérance devait être de zéro, ni plus ni moins !
Nous avons ensuite eu pour objectif de protéger, contrairement à ce que l’on pense, la procédure d’asile, régulièrement détournée. Oui, nous avons voulu protéger la procédure d’asile, qui vit de sombres moments, car elle est utilisée par les réseaux mafieux à notre détriment, mais aussi au détriment de ceux qui méritent notre protection ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Enfin, nous avons voulu simplifier les procédures contentieuses afin que nos juridictions et nos administrations puissent fonctionner normalement.
Nous avons bien sûr travaillé sur d’autres sujets que l’on n’évoque plus aujourd’hui, car l’on se concentre sur quelques points seulement. Rappelez-vous, nous avons aussi réintroduit dans ce texte le débat annuel au Parlement sur l’immigration et les dispositions relatives au respect des valeurs de la République, ou encore à l’apprentissage de la langue.
M. Mickaël Vallet. Avec quels moyens ?
M. François-Noël Buffet. Vous ne parlez que de ce qui ne fonctionne pas ; moi, je vous parle de ce qui est positif, en faveur de l’intégration, qui doit être un objectif absolument partagé par tous !
Cette commission mixte paritaire a une spécificité : le texte issu de nos rangs, largement voté au Sénat, n’a finalement pas trouvé de contradicteur à l’Assemblée nationale, puisque celle-ci n’a pas adopté de texte.
Vous avez d’ailleurs allègrement mêlé vos voix à ceux que vous combattez aujourd’hui ! Vous n’avez pas hésité une seconde ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et RDPI. – Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Mickaël Vallet. On est au Sénat ici !
M. François-Noël Buffet. Alors les leçons de morale, ça suffit ! (Brouhaha sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. Veuillez laisser l’orateur poursuivre, mes chers collègues !
M. François-Noël Buffet. Nous nous sommes retrouvés à l’Assemblée nationale avec une case vide : pas de texte !
Le texte qui fait référence est donc le nôtre. Il est le fruit d’un travail et de discussions de fond avec nos homologues de l’Assemblée nationale. Nous avons fait évoluer les choses, en tenant compte des différentes demandes. In fine, nous sommes parvenus à un accord. Certes, les discussions ont été longues, mais que nous aurait-on reproché si nous avions bâclé les débats ?
M. Olivier Bitz. Exactement !
M. François-Noël Buffet. Qu’il me soit permis, puisque le temps m’est compté, de rappeler encore une chose seulement : les sénateurs du Rassemblement national n’ont pas voté le texte. Nous les avons entendus dire pendant des semaines que ce texte était abominable, qu’il n’était pas suffisamment dur ; or, ce soir, on essaye de faire un hold-up ! Ce texte n’est pas le vôtre, il ne défend pas vos idées : il défend les nôtres, uniquement les nôtres ! (M. Christopher Szczurek proteste. – Marques d’impatience sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Eh oui !
M. François-Noël Buffet. Le texte issu de la commission mixte paritaire résulte d’un accord avec la majorité de l’Assemblée nationale ; il est le fruit d’un travail de longue haleine.
Je remercie en conclusion mes collègues du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que tous ceux qui se sont associés à nos travaux. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes Les Républicains, UC et INDEP se lèvent et applaudissent longuement. – Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous y voilà donc. Nous le savions tous avant d’engager ce long chemin parlementaire : nos compatriotes attendent désespérément des mesures réelles pour arrêter la submersion migratoire qui assaille notre pays. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Les effets destructeurs de l’immigration dérégulée sur celui-ci ne sont plus à démontrer. Ce texte devait ainsi répondre à ce défi fondamental pour notre pays et pour nos compatriotes.
L’absence de prise de conscience réelle du problème migratoire, depuis cinquante ans, a entraîné une situation insupportable. Alors que nous constatons 500 000 entrées légales et illégales par an, la France souffre d’une immigration profondément inadaptée aux besoins de notre économie et aux vœux de nos compatriotes.
Loin d’être cette immigration de travail qui pourvoirait les emplois prétendument abandonnés par les Français, le phénomène migratoire actuel est une charge que nous ne pouvons plus assumer, ni d’un point de vue économique ni d’un point de vue politique, social, culturel, sécuritaire, démographique, voire moral. (M. Mickaël Vallet proteste.)
Ce projet de loi, accouché au forceps et passé sous les fourches caudines de l’hystérisation médiatique et parlementaire, était une belle promesse. Exigences culturelles, limitation de l’accès inconditionnel aux prestations sociales non contributives, simplification du contentieux des étrangers, création d’un délit de séjour irrégulier et réforme de l’accès à la nationalité : ces objectifs, le Rassemblement national les partage ; surtout, nos compatriotes les demandent !
Ce texte n’est certes pas parfait et il reste bien en deçà de ce que nous souhaitons, mais il a au moins permis de remettre au centre du débat la priorité nationale que nous appelons de nos vœux. (Voilà ! sur des travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Raciste !
M. Christopher Szczurek. Depuis quelques jours, la gauche monte au créneau pour dénoncer la priorité nationale, la qualifiant de mesure raciste, inhumaine et antirépublicaine. Avant d’être portée par le Front national et le Rassemblement national, la priorité nationale était une mesure…
M. Rachid Temal. Raciste !
M. Christopher Szczurek. … défendue par la gauche, contre le capitalisme qui souhaitait constituer son armée de réserve, exploitable à merci et à bas prix !
Le Front populaire lui-même prit des décrets pour limiter l’apport de main-d’œuvre étrangère et lutter contre l’immigration illégale. De Salengro à Marchais, cette priorité fut défendue.
M. Rachid Temal. Un peu de respect !
M. Mickaël Vallet. C’est le programme de Marine Le Pen !
M. Christopher Szczurek. Mes chers collègues, la priorité nationale n’est pas une exclusion : c’est faire le choix des nôtres avant les autres. C’est l’idée que nos compatriotes, d’où qu’ils viennent, sont au cœur de nos préoccupations et sont la priorité de nos combats. Nous ne laisserons personne salir ce qui devrait être le sacerdoce de tout élu de notre République !
Monsieur le ministre, j’ai bien conscience que vous essayez de faire croire que vous avez encore la main et que ce texte est bien le vôtre, mais aujourd’hui la représentation nationale l’emporte sur le Gouvernement, après des mois de mépris. À trop jouer, on perd parfois ! Cela servira peut-être de leçon à un exécutif qui a cru pouvoir malmener le pouvoir législatif.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, fidèles à l’engagement que nous avons pris de défendre nos compatriotes et de soutenir tous les projets qui iraient dans le sens de leurs intérêts, d’où qu’ils viennent, nous voterons ce texte, de concert avec nos collègues à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Plusieurs sénateurs des groupes SER et CRCE-K. Et voilà !
M. Christopher Szczurek. Pour le reste, ne nous payons pas de mots : seuls une réforme constitutionnelle et un référendum sur l’immigration répondront réellement aux aspirations des Français. Nous continuerons de les demander ! (Huées sur les travées du groupe SER. – MM. Joshua Hochart et Alain Duffourg ainsi que Mme Christine Herzog applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au même titre que le reste du continent européen, notre pays fait face aujourd’hui à un afflux migratoire majeur.
Nos partenaires européens ont pris diverses mesures pour y faire face. Ainsi, la Finlande a fermé sa frontière avec la Russie et le Danemark a envisagé de renvoyer ses migrants vers le Rwanda.
Il faut dire que la Turquie, la Biélorussie et la Russie n’hésitent pas à employer les flux migratoires comme une arme géopolitique contre l’Europe.
Nos concitoyens sont 71 % à considérer que l’immigration est trop importante en France. Dans ces conditions, nous devions légiférer.
Il fallait mettre un terme aux détournements manifestes de notre droit, comme l’a rappelé le président de la commission des lois, mettre en œuvre une immigration choisie, sur la base de quotas, et reconduire à la frontière ceux qui n’ont pas leur place dans notre pays.
Nous nous réjouissons, au sein du groupe Les Indépendants – République et Territoires, que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord.
L’équilibre général du texte issu du Sénat a été respecté. Il oriente notre pays vers une immigration choisie. Le Parlement a fait ce choix en précisant, d’abord, ce qu’il voulait : un flux d’immigration mieux contrôlé, notamment par l’instauration de quotas.
Le texte sur lequel nous allons voter rappelle également un principe fondamental : le communautarisme n’a pas sa place dans notre pays !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est vrai !
M. Louis Vogel. La finalité de l’immigration est l’intégration.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est vrai aussi !
M. Louis Vogel. Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, les deux clés d’une intégration réussie sont la maîtrise de la langue française et le travail.
La régularisation des étrangers employés dans les métiers en tension traduit notre attachement à la valeur travail. Il est important de sortir ces personnes de la vulnérabilité qu’ils subissent aujourd’hui, tout en évitant tout appel d’air.
Cette mesure ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux causes profondes de la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, qui est évidente, et d’y apporter des solutions.
Le texte de la commission mixte paritaire dit également ce que nous ne voulons pas : les étrangers ne respectant pas nos lois, nos droits, nos devoirs essentiels et nos valeurs ne doivent pas pouvoir rester dans notre pays.
De trop nombreuses dispositions empêchaient leur éloignement, tandis que des délits et des crimes continuaient d’être commis par ces mêmes personnes. Nos concitoyens ne peuvent plus l’accepter, et il était grand temps d’y remédier.
La maîtrise des flux migratoires ne pourra toutefois être complète qu’à la condition d’être accompagnée de règles européennes efficaces.
La liberté de circulation au sein de l’espace Schengen implique nécessairement un contrôle strict aux frontières de l’Union.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai !
M. Louis Vogel. L’ensemble des citoyens de l’Union européenne nourrissent de fortes attentes dans la perspective de l’adoption prochaine du pacte sur la migration et l’asile. L’Union européenne doit faire la preuve de son efficacité et ne pas prêter le flanc aux critiques. Comme tous les Européens, nos concitoyens ne peuvent plus accepter une immigration subie !
La politique doit relever le défi migratoire avec justice et fermeté. Sans attendre le nouveau paquet législatif européen, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, intervenant à la tribune au nom du groupe Union Centriste et non comme rapporteur, je veux commencer par offrir des remerciements à ma collègue rapporteur Muriel Jourda, au président de la commission François-Noël Buffet et à tous ceux qui, au sein des différents groupes, en particulier ceux de la majorité sénatoriale, nous ont accompagnés sur ce texte, que ce soit en séance en première lecture, lors des travaux préparatoires ou pour la commission mixte paritaire. Un grand merci, mes chers collègues, pour votre investissement sur ce temps long ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Je veux dire ensuite que le texte qui nous est soumis exprime une fermeté. Il incarne à nos yeux – nous le résumerions ainsi – une autorité régalienne forte, dans le respect de l’État de droit.
On l’évoque moins souvent, mais ce texte marque aussi un retour du Parlement dans la définition de la politique migratoire. C’est le sens de l’article 1er A.
Il marque également une volonté de compromis. De l’AME à l’article 4 bis et au travail d’intégration par l’atteinte d’un niveau linguistique, nous avons fait montre de notre capacité à trouver des compromis et à dégager des solutions.
Ce texte exprime également la solidité de la majorité sénatoriale. J’ai certes moins que d’autres vocation à m’exprimer à ce titre, mais je veux tout de même relever, mes chers collègues, que le travail qui a été mené en commun nous a permis de dégager un premier compromis qui n’était pas acquis au sein de notre majorité sénatoriale, en particulier – vous l’avez tous en tête – sur l’article 4 bis. Cela nous a permis d’adopter un texte que chacun s’est approprié. Il est assez remarquable de voir comment l’ensemble de la majorité a fini par s’approprier le texte issu de nos travaux ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Nous avons pu, ensemble – et je tiens à en remercier particulièrement M. Retailleau –, aboutir à un second compromis – qui était loin d’être évident – avec la majorité présidentielle. Cet exercice était difficile, mais je crois qu’il a été réussi, au service d’un Parlement qui fonctionne. Voilà l’élément essentiel ! Le Sénat, par les positions qu’il a construites, portées et adoptées, a permis d’éviter un vide institutionnel.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Philippe Bonnecarrère. Que se serait-il passé si nous n’avions pas pu voter de texte, si l’Assemblée nationale n’avait pas pu voter de texte ?
Cette situation aurait mis en cause la stabilité de nos institutions, ce que, me semble-t-il, nos concitoyens n’auraient pas accepté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. Mickaël Vallet. Chirac savait le faire !
M. Philippe Bonnecarrère. Vous avez fait ce que vous deviez faire, mes chers collègues, au service de l’intérêt général.
Je veux à présent aborder le débat politique sur ce texte, puisque, à l’évidence, ce n’est plus un sujet technique : c’est bien un sujet politique.
Je veux répondre, aux critiques qui ont été exprimées à gauche, que chacun sera jugé sur ses idées et sur ses résultats.
Nous vous avons observés, chers collègues, pendant une semaine dans cet hémicycle, mais aussi avant et après. Vous n’avez pas approuvé une seule mesure portant orientation, encadrement, régulation – que sais-je encore ? – des flux migratoires ! Vous n’avez en revanche pas manqué de soutenir toute mesure de nature à désarmer notre outil régalien dans la gestion des flux migratoires et la défense de nos frontières.
MM. Pascal Savoldelli et Mickaël Vallet. Désarmer ?
M. Philippe Bonnecarrère. Permettez-nous tout de même de vous dire qu’il est obligatoire de donner à un pays les moyens d’exercer sa souveraineté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
Pour conclure, j’évoquerai la question du Rassemblement national, qui obsède effectivement les esprits, en vous rappelant que les centristes sont les adversaires politiques du RN. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Exclamations dubitatives sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Nous l’affirmons ! Vous cherchez la paille dans nos yeux, mais regardez la poutre dans les vôtres ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Sur notre sujet de ce soir, au RN les peurs et leur exploitation, à nous l’efficacité et la recherche de solutions !
Ce qui fait aussi notre différence avec le RN, c’est que nous croyons à l’État de droit et que l’autorité régalienne va, selon nous, avec le respect de celui-ci ! (Mmes et MM. les sénateurs des groupes UC, INDEP et Les Républicains se lèvent et applaudissent vivement.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au bout du cheminement constitutionnel – ou peut-être anticonstitutionnel, nous verrons bien ! – de ce texte. Ne lui reste plus qu’à passer à l’Assemblée nationale tout à l’heure.
À tout seigneur tout honneur : ce texte est une victoire de la majorité sénatoriale, qui a fait plier le Gouvernement et a fait adopter son texte dans les grandes lignes.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Très bien !
M. Guy Benarroche. Cela marque l’officialisation de son intégration définitive à la majorité gouvernementale.
M. Jacques Grosperrin. Et la vôtre dans la Nupes !
M. Guy Benarroche. LR et LREM sont des alliés non de circonstance, mais de fait. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST et SER.) D’ailleurs, depuis le vote du RDPI en faveur du texte du Sénat, tout était dit.
Ce texte d’affichage est regrettable et dangereux. Nombre de ses mesures sont totalement étrangères au texte initial et tout l’aspect d’intégration a été sacrifié pour une victoire politicienne à la Pyrrhus.
Ce texte a échappé à ses auteurs, et ce depuis le mois de février dernier, monsieur le ministre de l’intérieur, quand notre commission des lois a pu l’étudier.
C’est bien un texte dicté par la majorité sénatoriale qui est sorti des discussions de la commission mixte paritaire. Je dis « discussions », mais les méthodes employées lors de cette réunion n’avaient rien de digne : suspension immédiate, suspensions répétées, réunions de couloirs, réunions avec l’exécutif, à Matignon, à l’Élysée, temps plus que restreint entre la conclusion de la commission mixte paritaire et la discussion de son texte dans notre assemblée – comme au bon vieux temps, oserais-je dire, des textes d’urgence sanitaire…
Surtout, nous sommes arrivés au bout de la logique présidentielle du « quoi qu’il en coûte » avec ce texte, tellement éloigné des premières annonces – mais il fallait bien un texte, puisque telle était l’incantation du Président de la République.
« L’enjeu est trop important pour la Nation pour faire de la politique politicienne », a dit le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à propos de ce projet de loi.
« Je suis favorable à ce qu’un compromis intelligent soit trouvé au service de l’intérêt général », a dit, vendredi dernier, le président Macron.
Quotas d’immigration, délit de solidarité, préférence nationale pour les allocations familiales, délit de séjour irrégulier, majoration des frais d’inscription universitaire et caution pour les étudiants étrangers qui ne sont pas originaires de l’Union européenne, restriction de l’accès à la nationalité par le droit du sol, limitation du regroupement familial… Le Gouvernement clame un équilibre avec d’autres mesures. Lesquelles ?
« La victoire idéologique du Rassemblement national est de plus en plus forte chaque jour » : c’est par ces mots que Jordan Bardella a qualifié les résultats des tractations de la commission mixte paritaire.
Notre groupe le constate et le déplore.
Ce texte est un pas de trop. C’est aussi celui qui a le plus de conséquences humaines et politiques. Ce n’est pas la peine de se cacher derrière des mesures dites « gentilles » !
L’aggravation des peines pour les marchands de sommeil ? Quel étranger prendra le risque de dénoncer le racket qu’il subit s’il risque l’expulsion ?
La mesure d’interdiction des mineurs dans les centres de rétention administrative ? Une demande répétée de notre groupe et d’autres, à la suite d’une dizaine de condamnations de notre pays par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) !
M. André Reichardt. Vous ne l’avez pas votée !
M. Guy Benarroche. Plus qu’une avancée à saluer, c’est un retour trop tardif à l’État de droit normal.
Quant à la mesure d’équilibre phare, la régularisation de droit pour les travailleurs des métiers en tension, elle n’existe plus. Elle a vite été oubliée, à l’instar du ministre du travail, Olivier Dussopt, disparu au champ d’honneur de cette loi. (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)
Cette régularisation de droit est la pièce manquante de l’intégration prônée dans le titre de ce texte : comment ne pas vouloir permettre à des personnes qui travaillent et veulent s’intégrer de s’extirper de la peur permanente du contrôle, de l’éloignement, d’un nouvel exode ? Personne ne peut être complètement intégré, même après des années, s’il est en proie à cette peur permanente ! Intégrer par le travail, c’est aussi régulariser par le travail !
Et que dire du discours culpabilisant qui réclame un texte et un vote pour obtenir les moyens de protéger les Français ? Outre son aspect nauséabond, assimilant l’immigration à un danger dont il faudrait protéger les Français, c’est une fable ! Rien – je dis bien « rien » ! – dans ce texte ne permet d’améliorer les OQTF, auquel le Gouvernement est si attaché, annonçant vouloir parvenir à 100 % d’exécution. Aucune diminution des droits et des protections ne garantit l’exécution d’une mesure d’éloignement. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez !
Cette hypocrisie cache mal votre vision de l’immigration : une vision selon laquelle l’étranger est dangereux, calculateur et profiteur.
La politisation outrancière de la question migratoire est un piège qui ne profite à personne ; sinon, à qui ?
Cette collusion entre le Gouvernement et la droite pour reprendre des idées et des slogans de la droite extrême et de l’extrême droite est inédite et indigne. « Nous sommes les seuls à avoir pu imposer ce texte », a déclaré Éric Ciotti. Dont acte !
Notre groupe dénonce tant les méthodes employées que le fond de ce texte.
Nous voterons donc contre le projet de loi, avec force et conviction, et nous appelons l’ensemble des parlementaires du centre et de la droite à peser la réalité du texte final qui nous est proposé, avec leurs convictions intimes et leur engagement politique, comme commencent à le faire de nombreux députés de ces partis et de nombreux ministres. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’étendrai pas sur les conditions pour le moins chaotiques dans lesquelles nous discutons de ce texte alors même que la commission mixte paritaire vient seulement de s’achever, alors même que plusieurs ministres annoncent l’intention de démissionner, alors même que plusieurs députés de la majorité annoncent qu’ils voteront contre ce texte et alors même, monsieur le ministre, que vous nous dites vous-même que plusieurs des mesures du projet de loi sont contraires à notre Constitution, ce qui n’est tout de même pas rien ! (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K, GEST et SER.)
Monsieur le ministre, souvenons-nous de ce que vous nous disiez il y a quelques mois : vous affirmiez vouloir être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants. Manifestement, il manquait une précision, un détail, un codicille qui avait pourtant son importance : c’est que, au fond, à vos yeux, aux yeux des Républicains, aux yeux de l’extrême droite, le seul fait d’être étranger vous range dans la catégorie des méchants. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous pouvez protester, mais telle est la réalité !
Sinon, comment comprendre qu’un texte qui nous était présenté, au départ, comme un moyen de lutter contre l’immigration irrégulière et contre les délinquants sans papiers finisse par s’attaquer aux prestations sociales des étrangers en situation régulière ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)
Comment justifier que, au travers d’un texte censé lutter contre l’immigration irrégulière, vous vous en preniez finalement aux allocations familiales, aux aides personnelles au logement (APL), à l’allocation de rentrée scolaire d’enfants, y compris français, qui ont pour seul tort d’être nés de parents étrangers ?
M. François-Noël Buffet. Ce n’est pas vrai !
Mme Françoise Gatel. C’est faux !
M. Ian Brossat. Voilà la réalité de votre texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, GEST et SER.)
Vous nous avez, au départ, vendu un texte « d’intégration ». Or c’est tout sauf un texte d’intégration ! C’est un texte de stigmatisation et d’exclusion. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Il radote !
M. Ian Brossat. C’est un texte de discrimination ; surtout, c’est un texte qui accroîtra la pauvreté sur le territoire français. De fait, priver d’allocations familiales et de prestations sociales des familles, c’est accroître la précarité dans ce pays, qui compte déjà – excusez du peu – 10 millions de pauvres, 4 millions de Français mal logés, 2 millions de Français qui fréquentent l’aide alimentaire ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Cela aussi, c’est votre bilan !
Mme Sophie Primas. Non, c’est le vôtre !
M. Ian Brossat. À croire que cela ne vous suffit pas, car vous allez encore aggraver cette situation !
Dans ces conditions, il n’est pas très surprenant – il n’y a que vous qui paraissez surpris – que l’extrême droite vote avec vous pour ce texte et que Renaissance, Les Républicains et le Rassemblement national se retrouvent aujourd’hui main dans la main, dans une nouvelle majorité ! Voilà la conséquence des concessions que vous faites depuis plusieurs semaines à la droite et à l’extrême droite. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Dans ces conditions, quel argument vous reste-t-il ? Celui que vous répétez matin, midi et soir : « C’est ce que veulent les Français. »
M. Ian Brossat. Curieusement, vous aviez oublié ce même argument lors du mouvement contre la réforme des retraites, alors que vous imposiez aux Français un texte qu’ils rejetaient par millions en manifestant et en se mettant en grève ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
De même, vous avez oublié un peu vite les propos lénifiants que vous teniez entre les deux tours de l’élection présidentielle, lorsque le Président de la République, Emmanuel Macron, mendiait les voix des électeurs de gauche, au nom de la défense des valeurs de la République, pour faire barrage à l’extrême droite !
Pour quel résultat ? Alors que nous n’avons pas voté pour l’extrême droite et que nous avons élu Emmanuel Macron, nous nous retrouvons avec le programme de l’extrême droite, avec la préférence nationale dans la loi de la République. (Mêmes mouvements.)
Il est bien évident que chacune et chacun, dans ce contexte-là, doit mesurer la responsabilité qui est la sienne.
La question posée la semaine dernière était : qui vote avec qui la fameuse motion de rejet à l’Assemblée nationale ?
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de savoir qui vote avec qui, mais qui vote quoi. Qui va prendre la responsabilité, notamment du côté des macronistes, de voter pour des mesures allant dans le sens de ce que proposait le Front national dans les années 1980 ?
Une chose est sûre : ne nous faites pas croire que vous avez des principes, que vous avez des valeurs (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Sophie Primas. Vous non plus !
M. Ian Brossat. … que vous avez une colonne vertébrale. Vous n’avez que l’opportunisme pour guide !
Nous voterons, par conséquent, contre ce texte. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Mme Raymonde Poncet Monge se lève pour applaudir.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et, la troisième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 109 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 214 |
Contre | 114 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
13
Lutte contre les dérives sectaires
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient le privilège d’intervenir le premier, juste après le moment si particulier que nous venons de vivre… L’exercice n’est pas des plus simples !
Le 28 novembre dernier ont été interpellées en France quarante et une personnes soupçonnées d’être liées à un réseau sectaire international accusé de nombreuses dérives, sous couvert de pratique du yoga tantrique. Ces arrestations démontrent l’étendue des phénomènes sectaires dans notre pays.
Cela démontre l’efficacité du cadre législatif français. Ce coup de filet est en partie dû au signalement que la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a adressé au procureur de la République fin juillet 2022. Le parquet de Paris a donc, en juillet 2023, ouvert une information judiciaire pour abus de faiblesse, viols, traite d’êtres humains et séquestration en bande organisée. Il aura ainsi fallu un peu plus d’un an et demi pour réussir à démanteler une section d’une secte internationale.
La législation française n’est pas en retard au regard d’autres législations en la matière. Différentes étapes ont conduit à la création de la mission interministérielle précitée, puis à l’adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Nous nous sommes ainsi progressivement dotés d’instruments destinés à lutter efficacement contre les dérives sectaires.
La loi About-Picard est devenue le socle de notre législation visant à réprimer les crimes liés aux dérives sectaires dans notre pays. Elle détermine les conditions dans lesquelles l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne en situation de sujétion psychologique est caractérisé et réprimé.
Cette loi autorise les associations reconnues d’utilité publique à exercer les droits reconnus à la partie civile « à l’occasion d’actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d’un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter une sujétion psychologique ou physique ».
Pourtant, la réalité est sans appel, comme l’ont rappelé les précédents orateurs. Entre 2020 et 2021, on constate une forte augmentation des signalements et demandes d’avis reçus par la Miviludes : plus de 33 %, notamment dans la catégorie des dérives liées à la « médecine complémentaire et alternative ».
On estimait voilà quelques années que quatre Français sur dix avaient recours aux médecines dites alternatives ou complémentaires, dont 60 % parmi les malades du cancer. On dénombre 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique et 1 800 structures d’enseignement ou de formation à risques : quelque 4 000 « psychothérapeutes » autoproclamés n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre et 3 000 médecins seraient en lien avec la mouvance sectaire.
Ces pratiques se sont notamment développées avec la montée en puissance des outils numériques, en particulier des réseaux sociaux, qui ont facilité une diffusion sans filtre et immédiate de pratiques non conventionnelles à des publics en grande vulnérabilité. On peut noter que le confinement a provoqué une réelle explosion du phénomène sectaire avec l’arrivée d’une multitude de petites structures diffuses, mouvantes, qui sont bien plus difficiles à identifier. Elles tirent leur force de la facilité de propagation des informations sur les réseaux sociaux.
Devant l’ampleur du phénomène, le Gouvernement avait annoncé en 2022 des assises nationales de lutte contre les dérives sectaires, qui ont rassemblé, les 9 et 10 mars 2023, de nombreux acteurs de premier plan. L’objectif était d’appréhender le nouveau dynamisme de ces groupes sectaires, tout en recherchant des solutions.
Nous ne pouvons que saluer la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Nous aurions souhaité que le Gouvernement puisse répondre pleinement à l’ensemble des attentes exprimées au cours des assises. Or nous sommes un certain nombre à penser que ce projet de loi n’est pas satisfaisant à cet égard.
Le Gouvernement, dans le souci d’aller vite et de privilégier la communication, n’apporte pas une réponse qui soit complètement à la hauteur des enjeux. Il privilégie avant tout les sanctions pénales, ce qui donne le sentiment que l’on néglige l’essentiel, c’est-à-dire les moyens, notamment en termes de prévention, permettant de répondre au développement des phénomènes sectaires. Nous regrettons ainsi l’absence d’une véritable politique nationale de prévention, la seule, selon nous, à même de répondre à ces attentes.
L’approche essentiellement pénale du Gouvernement se traduisait dans ce texte par la création de deux nouveaux délits.
Le délit de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique nous semblait aller dans le bon sens et permettait, à la demande des associations et des acteurs sur le terrain, de tenir compte des spécificités de l’emprise sectaire, en plus du délit d’abus de faiblesse.
Cependant, la rédaction initiale de l’article 4, qui crée un délit de « provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé », ne pouvait être acceptée. Comme l’a souligné le Conseil d’État, l’article pose de graves difficultés, concernant notamment la liberté d’expression et certaines médecines non conventionnelles.
Cette volonté de légiférer et de créer de nouvelles infractions nous semble précipitée au regard de l’ensemble de la problématique et de la réalité sur le terrain. De nombreux professionnels du secteur ont d’ailleurs alerté sur le fait qu’un arsenal législatif existait d’ores et déjà et qu’il fallait mettre en œuvre des moyens importants pour appliquer la loi et mener une véritable politique de prévention.
Depuis dix ans, la Miviludes a vu ses crédits diminuer, de même que ses effectifs.
M. Christophe Chaillou. Certes, mais pas au niveau de 2014… Il faut comparer cette baisse des moyens humains à l’explosion des signalements, qui sont en augmentation de 86 % !
C’est aussi une question de confiance : le fait d’avoir envisagé à un moment de dissoudre la Miviludes n’a pas contribué à renforcer la sérénité au sein de cette institution. Quant à la décision, évoquée par plusieurs orateurs, de la rattacher au ministère de l’intérieur, elle nous semble incompréhensible eu égard à sa nature interministérielle. Tous ces éléments nous interpellent au regard de la volonté, louable, affichée par le Gouvernement.
Mes chers collègues, une grande partie des modifications proposées par Mme la rapporteure, dont je salue l’engagement, le travail et l’approche pragmatique, et adoptées en commission des lois vont dans la bonne direction.
Dans un premier temps, il nous semble essentiel de conforter la Miviludes, dans le respect de la séparation des pouvoirs. Nous nous interrogeons ainsi sur son statut.
La commission s’est également prononcée en faveur d’une augmentation de la répression des délits d’exercice illégal de la médecine et des pratiques commerciales trompeuses : cela va dans le bon sens.
Enfin, nous ne pouvons être qu’en accord avec Mme la rapporteure et notre collègue Nathalie Delattre sur les modifications apportées au texte en vue de mieux protéger les mineurs, car c’est indispensable.
Nous regrettons toutefois que la commission ait souhaité supprimer les articles 1er et 4, ce qui vide en grande partie le texte de sa substance. Nous regrettons également que la réécriture par le Gouvernement de l’article 4 ne corresponde pas aux avis du Conseil d’État.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Christophe Chaillou. Tout en rappelant notre engagement dans la lutte contre les phénomènes sectaires, nous considérons que ce texte, même amendé par la commission et la majorité sénatoriale, est par trop précipité et quelque peu bâclé. Surtout, il ne répond pas à un aspect essentiel, celui des moyens.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours seulement des fêtes de Noël, ce projet de loi relatif à la lutte contre les dérives sectaires aurait presque pu passer inaperçu, tant son titre et l’objectif qu’il prétend se donner peuvent paraître consensuels.
En effet, vous ne trouverez – je pense – personne dans cet hémicycle qui puisse s’opposer d’une quelconque manière à la lutte contre les véritables dérives sectaires, incarnées par les marabouts et manipulateurs en tout genre qui abusent de façon malveillante de la faiblesse ou de la détresse de certains.
La perversité de ce texte réside dans le fait qu’il mélange volontairement les genres, en traitant à la fois des dérives sectaires et du débat scientifique, au travers notamment de son article 4.
Ledit article prévoit que sera punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique ».
Que recouvre cette notion de « provocation à s’abstenir de suivre » ? Et que signifient les mots « en l’état des connaissances médicales » ? De quelles connaissances médicales s’agit-il ? Celles des laboratoires pharmaceutiques, alors même que la balance bénéfice-risque peut varier largement dans le temps ?
Rappelons-nous des péripéties du vaccin AstraZeneca, d’abord recommandé pour tous malgré les mises en garde de certaines voix dissonantes, avant d’être réservé à certaines catégories, puis finalement complètement retiré. On voit au travers de cet exemple toute la difficulté qu’il y a à demander au juge pénal de condamner les prises de position scientifiques : ce qui apparaît vrai scientifiquement aujourd’hui peut ne plus l’être demain !
Cette notion d’état des connaissances médicales est beaucoup trop vague et sujette à interprétation. Elle peut ainsi conduire à qualifier de dérive sectaire toute opposition personnelle à un traitement médical, quels que soient le contexte et les motivations personnelles.
Inversement, des pratiques médicales complémentaires, dont un grand nombre sont officiellement reconnues dans d’autres pays, pourraient être non seulement discréditées, mais aussi criminalisées. Le syndicat des médecins libéraux s’est d’ailleurs ému des risques de dérives graves que pourrait entraîner l’adoption de ce texte.
Et que dire de tous les lanceurs d’alerte, dont la vigilance et la ténacité ont pourtant permis de dénoncer des scandales sanitaires qui ont émaillé l’histoire de notre pays et de stopper des prescriptions thérapeutiques délétères pour la santé de nos concitoyens ?
Distilbène, Mediator, Vioxx, Dépakine, statines, Levothyrox, prothèses mammaires PIP : tous ces scandales ont été révélés par des patients victimes ou par leurs familles. Auraient-ils eu le courage de lancer l’alerte devant la menace d’un emprisonnement ou d’une peine d’amende ? Rien n’est moins sûr…
Qui, en dehors du médecin et de son patient, peut décider qu’un traitement est manifestement susceptible d’entraîner des conséquences graves pour la santé physique ou mentale des personnes concernées ? Quelle sera la prochaine étape ? Renoncer au secret médical ? Où placerez-vous la limite ?
Au travers de ce texte, c’est le retour en force de l’État « nounou », qui décide pour nous de ce qui est vrai ou faux, de ce qui est bon ou pas pour notre santé et même de ce qui peut ou ne peut pas être dit.
Les citoyens sont-ils trop stupides pour ne pas être capables de se forger une opinion par eux-mêmes, en étudiant les arguments avancés par des personnes de points de vue différents ?
Cela n’a pas échappé au Conseil d’État, qui considère que « ni la nécessité ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ». Je salue également la clairvoyance de notre rapporteure Lauriane Josende, que je tiens à féliciter pour la rigueur de son analyse, sur l’initiative de laquelle l’article 4 ainsi que d’autres dispositions plus que discutables ont été purement et simplement supprimés.
Madame la secrétaire d’État, est-ce une façon pour le Gouvernement de cadenasser le débat scientifique ? De quoi avez-vous peur ? (Mme la secrétaire d’État proteste. – M. Thomas Dossus s’exclame.)
M. Olivier Bitz. Ce n’est pas digne !
Mme Sylviane Noël. Vos propos outranciers tenus à l’égard de notre méritant collègue Alain Houpert dans l’hebdomadaire L’Express démontrent, s’il en était besoin, les véritables motivations que le Gouvernement poursuit au travers de ce texte : discréditer, museler et punir tous ceux qui osent émettre un avis différent du vôtre !
Durant la crise du covid-19, bon nombre de certitudes scientifiques sur lesquelles nos dirigeants se sont appuyés ont été démenties quelques mois plus tard. Certains médecins et scientifiques qui défendaient une voie différente de celle du Gouvernement ont été discrédités, censurés et persécutés afin de faire croire à un « consensus scientifique » qui n’a jamais existé.
Avant de s’engager dans de nouvelles lois visant à restreindre nos choix individuels de santé, le Gouvernement serait bien inspiré de tirer les leçons de toutes les atteintes aux droits fondamentaux qui ont été commises ces dernières années au nom du covid-19.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Sylviane Noël. Il est urgent de retrouver une pluralité d’opinions ainsi qu’une véritable liberté d’expression et de débat au sein de notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois minutes, c’est la durée d’un témoignage.
Limitées par l’article 45 du règlement du Sénat et par l’article 40 de la Constitution, les possibilités de compléter votre texte, madame la secrétaire d’État, étaient relativement réduites.
Ce projet de loi manque d’ambition. Il ne traite pas de l’indemnisation des victimes, ce qui est tout de même dommage.
J’avais déposé un amendement visant à compléter les missions de la Miviludes de façon que cet organisme puisse veiller à la juste indemnisation des victimes, mais on m’a rétorqué qu’il était irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Or il visait non pas à ce que la Miviludes indemnise elle-même, mais à ce qu’elle veille au bon fonctionnement des mécanismes d’indemnisation. Je pense que vous examinerez ce point dans le cadre de la navette. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)
La Miviludes ayant fusionné avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), un remarquable document de politique transversale, dit « orange budgétaire », a été publié. Malheureusement, celui-ci n’identifie ni les missions, ni les moyens, ni les résultats de la Miviludes. Vos services devraient se rapprocher de Bercy afin que ledit document précise quels sont et les moyens affectés à la Miviludes et les résultats de sa politique.
Par ailleurs, ce texte ne contient aucun dispositif de contrôle du financement des associations, sujet sur lequel beaucoup reste à faire. Encore une fois, en raison des conditions d’examen du texte et des limites que l’article 45 du règlement nous impose, je n’ai pas fait preuve de beaucoup de créativité afin d’éviter que mes amendements ne soient retoqués.
Madame la secrétaire d’État, il faudrait sérieusement coordonner votre texte avec la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, que Nathalie Delattre a évoquée et qui traite de sujets connexes. Certaines des dispositions que nous avons adoptées et qui ne sont pas encore évaluées mériteraient d’être confrontées aux mesures que nous sommes en train d’examiner.
Madame la secrétaire d’État, veillez à l’indemnisation des victimes, complétez les missions de la Miviludes ainsi que le document de politique transversale de façon que, lors de l’examen du prochain budget, le travail, les moyens et les objectifs de la Miviludes soient clairement identifiables et que son fonctionnement ne soit pas noyé dans celui du CIPDR, lequel a connu quelques défaillances.
Ces sujets sont extrêmement importants ; vous aurez probablement à cœur de les mettre en musique au cours de la navette et lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Olivier Bitz et André Reichardt applaudissent également.)
M. Olivier Bitz. Bravo !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires
Chapitre Ier A
Consacrer les pouvoirs et le rôle de la MIVILUDES dans la lutte contre les dérives sectaires
(Division nouvelle)
Article 1er A (nouveau)
Une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires est chargée :
1° D’observer et d’analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l’ordre public ou sont contraires aux lois et règlements ;
2° De favoriser, dans le respect des libertés publiques, la coordination de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre de ces agissements ;
3° De développer l’échange des informations entre les services publics sur les pratiques administratives dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires ;
4° De contribuer à l’information et à la formation des agents publics dans ce domaine ;
5° D’informer le public sur les risques et, le cas échéant, les dangers auxquels les dérives sectaires l’exposent et de faciliter la mise en œuvre d’actions d’aide aux victimes de ces dérives ;
6° De participer aux travaux relatifs aux questions relevant de sa compétence menés par le ministère des affaires étrangères dans le champ international.
Le président de la mission établit un rapport annuel d’activité remis au Premier ministre et rendu public. Il est publié sous la seule responsabilité du président qui ne peut être poursuivi à l’occasion des opinions qui y sont émises.
Elle reçoit les témoignages volontaires de personnes victimes de dérives sectaires, ou de tiers souhaitant témoigner de tels faits, des signalements individuels ou toute information sur l’existence ou le risque d’une dérive sectaire. Ces informations peuvent, sous réserve de l’accord de la personne déclarant avoir été victime, être publiées dans le rapport annuel. Les témoignages font l’objet de mesures adéquates de pseudonymisation ou d’occultation en vue d’assurer la confidentialité de l’identité des personnes concernées, en ce compris les personnes qui témoignent. Les informations émanant d’un témoin ou d’une personne tierce ayant connaissance de tels actes ne peuvent pas faire l’objet d’une communication.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je souhaite tout d’abord remercier notre rapporteure Lauriane Josende de son travail sur ce projet de loi. Elle a permis la suppression de dispositions très problématiques du point de vue du droit et dangereuses en termes de liberté d’expression, de liberté d’information et de liberté de choix individuel en santé.
Disons-le franchement, ce texte constitue l’exemple même des dérives législatives auxquelles nous avons été confrontés tout au long de la crise sanitaire : excessif, liberticide et imposé aux parlementaires en procédure d’urgence le soir ou la nuit, alors que rien ne le justifie. Mais nous sommes habitués à ces manières de faire et nous avons vite compris la nécessité de rejeter la version initiale du projet de loi.
Je ne reprendrai pas les nombreux arguments exposés durant la discussion générale, mais je tiens à revenir sur un point essentiel : les motivations du texte et son postulat de départ reposent sur des arguments flous, ambigus et anxiogènes. Vous décrivez une explosion des dérives sectaires depuis la crise sanitaire, qui se seraient multipliées avec le développement des pratiques de soins non conventionnelles.
M. Jacques Fernique. Non !
Mme Laurence Muller-Bronn. Or aucune de ces affirmations maintes fois répétées n’est validée par une étude ou un recueil statistique. On nous présente des chiffres où sont volontairement mélangés les saisines, les signalements et les autres indicateurs. Ce n’est pas sérieux !
Je rappelle qu’une commission d’enquête sénatoriale avait déjà dressé, en 2013, un constat approfondi sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, bien avant le covid-19. Nous disposons aujourd’hui de la législation nécessaire pour répondre à ces phénomènes, et ce de manière tout à fait rationnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, je voulais intervenir à ce moment du débat pour vous dire mon embarras concernant les bases choisies pour commencer cette discussion. La dénégation des dérives sectaires ne me semble pas la bonne perspective pour aborder ce texte.
Par ailleurs, je ne comprends pas comment, dans vos interventions de discussion générale, vous avez pu mélanger et considérer de la même façon, d’une part, la docteure Irène Frachon, qui a justement révélé les problèmes causés par le Mediator, sur la base d’une analyse clinique et scientifique parfaitement démontrée, ce qui a d’ailleurs permis à sa cause de gagner devant les tribunaux, et, d’autre part, les dénégations de quelques savants farfelus lors de la crise de la covid-19. (M. Thomas Dossus marque son approbation.)
Il n’y a pas plusieurs sciences. Il n’y en a qu’une seule, celle qui obéit à des règles déontologiques. C’est celle-là qu’il faut écouter.
Il faudrait recentrer notre débat sur le point essentiel, à savoir la prise en compte des dérives sectaires. Mes chers collègues, nous n’avons pas besoin de statistiques pour constater, en suivant les réseaux sociaux, que nous sommes face à une grande vague d’irrationalité extrêmement dangereuse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mmes Nathalie Delattre et Nathalie Goulet ainsi que M. Jean-Luc Brault applaudissent également.)
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Après l’article 21 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, il est inséré un article 21 bis ainsi rédigé :
« Art. 21 bis. - Une administration désignée par décret du Président de la République est chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Elle a notamment pour missions : »
II. – Alinéa 8
1° Première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Elle remet un rapport annuel d’activité au Premier ministre qui est rendu public.
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. L’article 1er A visant à conférer à la Miviludes un statut législatif fait partie des ajouts de la commission.
Cette mesure était proposée dans le rapport sénatorial du 4 avril 2013 sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Elle est également attendue par les associations d’aides aux victimes de dérives sectaires, qui ont construit des liens forts et un rapport de confiance avec la Miviludes.
Loin de remettre en cause cette disposition, cet amendement a pour objet de la sécuriser juridiquement en la toilettant des dispositions qui présentent un risque d’inconstitutionnalité, notamment le fait d’accorder une immunité au président de la Miviludes pour les opinions émises dans le rapport annuel d’activité de la mission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Cet amendement du Gouvernement ayant été déposé tardivement, la commission n’a pu l’examiner. À titre personnel, j’y suis défavorable.
Nous pourrions certes être d’accord avec certaines des dispositions de cet amendement, mais d’autres ne peuvent absolument pas nous convenir en l’état.
La commission a proposé de conférer un statut législatif à la Miviludes. L’insertion de cette précision dans la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales nous paraît être une bonne idée.
En revanche, nous ne sommes favorables ni à ce que son nom puisse être changé, alors qu’il rend cet organisme facilement identifiable et fait partie de son identité, ni à la suppression de l’immunité de son président.
Nous pouvons toutefois nous réjouir que le Gouvernement accepte le statut législatif de la Miviludes – il s’agit d’une demande ancienne et nécessaire. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)
Le Gouvernement invoque plusieurs obstacles constitutionnels qui imposeraient de modifier la rédaction proposée par la commission. Or l’article 34 de la Constitution n’empêche pas de créer des organismes dont le champ de compétences relève du domaine de la loi.
En ce qui concerne l’immunité du président pour les opinions émises dans le rapport annuel, il nous semble nécessaire de prémunir la Miviludes contre la multiplicité des procédures « baillons » intentées par les mouvements à tendance sectaire.
Il est ressorti des auditions que nous avons menées que la non-anonymisation des témoignages recueillis dans les avis de la Miviludes constituait l’un des principaux problèmes auxquels elle était confrontée lorsque des poursuites viennent à être engagées.
Il nous faut continuer de travailler avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale sur cette question. Peut-être la navette parlementaire permettra-t-elle d’aboutir à une rédaction convenable.
Par cet article 1er A, la commission a institué une mission qui pourrait, le cas échéant, être renommée par décret. Nous ne voyons là aucune difficulté.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°De coordonner l’action des acteurs associatifs impliqués dans la lutte contre les dérives sectaires et l’accompagnement des victimes et d’animer ce réseau associatif, y compris par le biais de formations.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à traduire l’objectif n° 10 de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires. Nous demandons de renforcer la coordination entre la Miviludes et les associations spécialisées, afin de mieux accueillir, soutenir et accompagner les personnes subissant ou ayant subi une expérience sectaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Cet amendement tend à conforter davantage le rôle de coordination et d’animation du tissu associatif impliqué dans la lutte contre les dérives sectaires.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l’implication bénévole quotidienne de nombreux acteurs dont il importe de consolider les liens avec la Miviludes. La commission est favorable à cet amendement, à la rédaction duquel elle a été associée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Je suis très reconnaissante au sénateur Benarroche d’avoir déposé cet amendement, qui constitue l’une des pierres de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires.
Néanmoins, je ne veux pas inscrire cette mesure, qui relève d’une circulaire, dans le marbre de la loi. (M. Thomas Dossus s’exclame.)
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement, qui me semble de bon sens.
Coordonner l’action et l’accompagnement des victimes correspond à l’objet d’un amendement que j’ai déposé, mais qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Le groupe écologiste a été plus attentif que moi à la rédaction de son dispositif… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Madame la ministre, vous parlez d’une pierre que l’on ne devrait pas graver dans le marbre : j’avoue que j’ai du mal à comprendre. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle est informée, à sa demande et après accord du maire, des travaux conduits au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance en matière de lutte contre les dérives sectaires.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à mettre en œuvre les conclusions du rapport sénatorial de 2013 rédigé par Alain Milon et Jacques Mézard.
La Miviludes n’a pas la faculté d’enjoindre aux préfets de mettre en place des groupes de travail spécifiques, alors qu’elle joue un rôle essentiel en matière d’animation du réseau de lutte contre les dérives sectaires. Elle devrait au moins pouvoir bénéficier de retours d’informations essentiels à la conduite de ses missions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Nous comprenons la volonté des auteurs de cet amendement, qui a pour objet de favoriser l’articulation entre la Miviludes et les actions menées localement par les élus, les préfectures ou les forces de l’ordre.
Comme les auditions l’ont souligné, le service central chargé d’enquêter sur les dérives sectaires n’est doté que de huit personnes. Il cherche à développer, sur le modèle de la lutte contre les violences intrafamiliales, un maillage territorial reposant sur des référents locaux en matière de lutte contre les dérives sectaires. Il me semble indispensable que le législateur puisse s’engager en ce sens.
Nous avons essayé de travailler à une nouvelle rédaction de cet amendement. Le sujet relève-t-il cependant du domaine de la loi ? Cela reste discutable…
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er A, modifié.
(L’article 1er A est adopté.)
Après l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « , à la prévention et à la lutte contre les phénomènes sectaires ».
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Le présent amendement a pour objet d’élargir les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance au traitement des faits relatifs aux phénomènes sectaires.
Les élus locaux se trouvent parfois bien démunis face à la recrudescence de phénomènes sectaires au sein de leur commune. Ils peinent, lorsqu’ils signalent ces faits aux préfets, à obtenir les réponses adéquates.
Il convient de ce fait d’améliorer le pilotage local et l’échange d’informations entre les élus locaux, les préfets, les institutions et les organismes publics comme privés autour de ce sujet. Les élus pourront proposer des orientations et des diagnostics, évoquer des événements particuliers ou urgents.
Cet amendement vise simplement à traduire l’objectif n° 7 de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Encore une fois, il s’agit d’améliorer le travail local en renforçant le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), qui se sont essentiellement consacrés à lutter contre le phénomène de radicalisation.
Pourquoi ne pas accepter la création de tels groupes de travail dans les CLSPD ? La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Je partage l’objectif de renforcer la coordination entre élus locaux et services de l’État en matière de lutte contre les dérives sectaires. Cependant, toutes les organisations sectaires n’ont pas le même rayonnement national ou régional : certaines vivent cachées et recluses dans de toutes petites communes.
Pour autant, la modification de l’article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure ne me semble pas être le bon vecteur.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A.
Chapitre Ier
Faciliter et renforcer les poursuites pénales
Avant l’article 1er B
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’organisation des cellules de vigilance départementales au niveau préfectoral. Ce rapport détaille le nombre de ces réunions, leurs formats et le traitement de ces données par le ministère de l’Intérieur ainsi que la coordination éventuelle avec d’autres administrations.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Je connais la jurisprudence de la commission en matière de demande de rapport, mais je vais tout de même défendre cet amendement.
Nombre de circulaires obligent les préfets à mettre en place un groupe de travail sur les dérives sectaires dans leur département. Or la commission d’enquête a observé que c’était trop peu fait. Elle estime qu’il est impératif qu’un groupe de travail se réunisse à l’échelon départemental au moins une fois par an pour évoquer la question des dérives sectaires. Elle s’est alarmée de l’absence d’un véritable pilotage gouvernemental de l’action publique.
Il faut donner plus de corps à cette politique, d’où cette demande d’un rapport préalable sur le sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. La commission est toujours défavorable aux demandes de rapport.
M. Thomas Dossus. Elle ne l’est pas toujours…
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Toujours est-il qu’elle l’est en l’espèce, monsieur Dossus. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Dossus. Ah !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er B (nouveau)
Après le deuxième alinéa de l’article 223-15-2 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction est commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende. » – (Adopté.)
Article 1er
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Bitz, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 6 bis du chapitre III du titre II du livre II est complété par les mots : « et de la sujétion psychologique ou physique » ;
2° L’article 223-15-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » sont supprimés ;
3° Les articles 223-15-3 et 223-15-4 deviennent respectivement les articles 223-15-4 et 223-15-5 et, au nouvel article 223-15-4, les mots : « du délit prévu » sont remplacés par les mots : « des délits prévus » ;
4° Après l’article 223-15-2, il est inséré un article 223-15-3 ainsi rédigé :
« Art. 223-15-3. – I. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende le fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
« Est puni des mêmes peines le fait d’abuser frauduleusement de l’état de sujétion psychologique ou physique d’une personne résultant de l’exercice des pressions ou techniques mentionnées à l’alinéa précédent pour la conduire à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
« II. – Ces faits sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende :
« 1° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur ;
« 2° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
« 3° Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.
« 4° Lorsque l’infraction est commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.
« III. – Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende lorsque les faits :
« 1° Sont commis dans deux des circonstances mentionnées au II ;
« 2° Lorsque l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article 704, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, » ;
2° Le 20° de l’article 706-73 est remplacé par les dispositions suivantes :
« 20° Délits mentionnés au dernier alinéa de l’article 223-15-2 et au 2° du III de l’article 223-15-3 du code pénal ; ».
III. – Au d de l’article L. 444-6 du code de l’éducation, après la référence : « 223-15-2 », sont insérés les mots : « et à l’article 223-15-3 ».
IV. – Au 1° de l’article 19 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, ».
La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er, qui a été supprimé par la commission des lois.
Cet article représente une avancée majeure dans la lutte contre les dérives sectaires, comme le fut la création, en 2001, du délit d’abus de faiblesse causée par un état de sujétion psychologique ou physique. On dénombre beaucoup de signalements, mais peu de poursuites, parce qu’il est difficile de démontrer les éléments constitutifs de l’infraction.
Ce nouveau délit que le Gouvernement propose de créer permet d’intervenir en amont de l’abus de faiblesse pour sanctionner le fait même de placer ou de maintenir une personne en état de sujétion psychologique ou physique. L’adoption de cet amendement représenterait une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires.
Cette disposition correspond à des demandes de certains professionnels, comme les forces de sécurité intérieure, policiers et gendarmes, qui ont besoin d’outils supplémentaires pour œuvrer dans ce domaine. Je regrette que la commission ait balayé, un peu rapidement, cette nouvelle possibilité de lutter contre ces phénomènes en amont, d’autant que ce délit ne remettrait pas en cause la liberté de conscience. En effet, il exige, pour être constitué, la commission de manœuvres, d’actes de pression graves ou réitérés ou de techniques propres à altérer le jugement d’autrui. Les processus d’embrigadement seraient désormais qualifiés dans la loi. L’objet même de ce texte est de donner à nos policiers, à nos gendarmes, à la justice des outils supplémentaires. Je trouverais dommage qu’on ne l’adopte pas.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj, Masset et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 6 bis du chapitre III du titre II du livre II est complété par les mots : « et de la sujétion psychologique ou physique » ;
2° L’article 223-15-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités » sont supprimés ;
3° Les articles 223-15-3 et 223-15-4 deviennent respectivement les articles 223-15-4 et 223-15-5 et, au nouvel article 223-15-4, les mots : « du délit prévu » sont remplacés par les mots : « des délits prévus » ;
4° Après l’article 223-15-2, est inséré un article 223-15-3 ainsi rédigé :
« Art. 223-15-3. – I. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende le fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
« Est puni des mêmes peines le fait d’abuser frauduleusement de l’état de sujétion psychologique ou physique d’une personne résultant de l’exercice des pressions ou techniques mentionnées à l’alinéa précédent pour la conduire à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
« II. – Ces faits sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende :
« 1° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur ;
« 2° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
« 3° Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.
« III. – Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende lorsque les faits :
« 1° Sont commis dans deux des circonstances mentionnées au II ;
« 2° Lorsque l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article 704, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, » ;
2° Le 20° de l’article 706-73 est remplacé par les dispositions suivantes :
« 20° Délits mentionnés au dernier alinéa de l’article 223-15-2 et au 2° du III de l’article 223-15-3 du code pénal ; ».
III. – Au d de l’article L. 444-6 du code de l’éducation, après la référence : « 223-15-2 », sont insérés les mots : « et à l’article 223-15-3 ».
IV. – Au 1° de l’article 19 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Comme je l’ai souligné en discussion générale, je regrette que l’on ait supprimé, en raison de leur rédaction maladroite, les articles 1er, 2 et 4.
Cet amendement vise donc à rétablir l’article 1er, qui contient des outils efficaces et légitimes dans la lutte contre les dérives sectaires.
Les professionnels chargés d’enquêter et de lutter contre les sectes nous ont fait part du manque d’outils juridiques à leur disposition. Nous avons donc intérêt à adopter ces nouvelles infractions, quitte à affiner la rédaction de l’article au cours de la navette.
Il faut donner à la police et à la justice les moyens juridiques nécessaires pour qualifier les emprises sectaires. Il s’agit d’emprises spécifiques, pour lesquelles la seule infraction d’abus de faiblesse est insuffisante, comme le démontre l’expérience. Les assises nationales des dérives sectaires de mars dernier ont établi que cette infraction était insuffisamment connue et exploitée par les juridictions et les professionnels de la justice en général. D’où notre volonté de rétablir l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. La commission a supprimé cet article, pour différentes raisons.
En ce qu’il réprime par une infraction autonome les agissements ayant pour but de créer un état de sujétion psychologique ou physique et non plus de réprimer les seuls effets négatifs qui en résultent pour la victime, cet article tend à proposer une évolution du droit pénal qui n’est ni souhaitable ni justifiée.
Tout d’abord, l’article 222-33-2-2 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 2 mars 2022 réprime déjà de manière particulièrement complète les comportements que la nouvelle infraction entend viser.
De plus, une telle évolution, contrairement à ce qu’annonce le Gouvernement dans sa présentation du texte, outrepasserait largement les cas pour lesquels cet état de sujétion résulterait d’organisations ou de personnes liées aux dérives sectaires. Le Conseil d’État avait soulevé cette fragilité.
Surtout, cela reviendrait à sanctionner tout type d’emprise de manière générique, quelle qu’en soit l’origine – religieuse, idéologique, conjugale ou même familiale –, car on ne sait pas définir les dérives sectaires, comme le Gouvernement le reconnaît. Cela n’est pas admissible.
Mieux vaut donc conserver le cadre pénal existant et ne pas fragiliser les infractions existantes, qui ont fait leurs preuves, même si elles présentent quelques faiblesses.
Il conviendra de prendre plus de temps pour discuter de ce sujet et trouver une rédaction adéquate avant d’adopter une réforme aussi importante du code pénal.
La commission est clairement défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Je ne puis qu’être très favorable à ces amendements tendant à rétablir l’article 1er, un pilier du projet de loi, dont la rédaction – je le rappelle – a été validée par le Conseil d’État.
Le phénomène sectaire a profondément changé de visage dans notre pays depuis l’adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
Il est donc indispensable de faire évoluer en conséquence notre législation, afin d’adapter notre arsenal juridique à ces transformations. Je le disais en discussion générale, les outils juridiques dont nous disposons ne nous permettent plus de lutter efficacement contre les dérives sectaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je comprends bien l’esprit de cet article et j’adhère globalement à son objectif.
Toutefois, la rédaction proposée ne répond pas à votre objectif de mieux définir l’article 223-15-2 du code pénal. Vous ajoutez simplement une mention des groupements ayant pour but de créer une sujétion psychologique. C’est tautologique : vous ne définissez pas la sujétion psychologique, mais vous indiquez qu’il faut poursuivre les groupements qui la pratiquent…
Il y a donc un problème de définition. Il faudrait revoir la formulation, car elle n’est pas opérante en l’état.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Certes, monsieur Ouzoulias, la rédaction n’est pas parfaite. Il me semble toutefois nécessaire de conserver cet article pour permettre d’en améliorer les termes au cours de la navette parlementaire.
Nous parlons tout de même de vies humaines. Il faut constituer un arsenal juridique adapté. Nous déplorons tous la piètre qualité de cette définition, mais il est important de caractériser la sujétion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens ces amendements. Cette rédaction peut être améliorée, ajustée. Nous parlons là de la loi About-Picard, qui date de vingt-deux ans, et du rapport de Jacques Mézard, vieux de dix ans. Les choses ont changé entre-temps et notre droit doit enfin s’adapter.
Je soutiendrai ces amendements, même s’ils ne sont pas parfaits ; je suis indulgente à ce sujet, étant moi-même auteur d’amendements imparfaits. Croyons aux vertus de la navette.
M. Olivier Bitz. Merci !
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par Mmes N. Goulet, Billon et Vérien, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2 » sont insérées les références : « 223-15-3, 223-15-4 ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Le présent amendement vise à modifier la loi About-Picard pour y ajouter les dispositifs issus du présent texte.
Il s’agit d’une sorte d’amendement de coordination, visant à garantir que les dispositifs de ladite loi s’appliquent aux dérives sectaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Il ne s’agit pas véritablement d’un amendement de coordination…
Notre collègue Goulet souhaite modifier l’article 1er de la loi About-Picard en ajoutant, à la liste des infractions pour lesquelles la dissolution d’une personne morale peut être prononcée, deux nouveaux articles du code pénal. Or ceux-ci n’ont pas pour objet de réprimer un comportement : ils portent sur les peines complémentaires encourues en cas de commission d’abus de faiblesse, qui est bien prévu dans l’article 1er précité.
Cet amendement ne lui semblant pas pertinent, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. L’adoption de votre amendement, madame Goulet, me semble très utile en ce qu’elle permettra de distinguer, parmi les condamnations susceptibles de conduire à la dissolution judiciaire d’une personne morale coupable d’agissements sectaires, celles qui sont relatives au nouveau délit de placement en état de sujétion, introduit à l’article 1er, qui a été supprimé, mais dont le Gouvernement souhaite le rétablissement.
Votre amendement tend à opérer une coordination opportune avec l’une des principales mesures de la loi About-Picard et à procéder à une correction tout aussi opportune de la référence à cette loi.
Toutefois, même si le Gouvernement soutient les amendements de rétablissement de l’article 1er, la coordination que vous proposez doit être légèrement remaniée. L’article 223-15-4, tel qu’il résultera du présent projet de loi et de son article 1er, si celui-ci est rétabli, contiendra non pas une incrimination en soi, mais une liste de peines complémentaires. Il convient donc de mentionner l’article 223-15-3 dans le dispositif proposé.
Je vous suggère de rectifier votre amendement en ce sens ; sous cette réserve, j’y serai favorable.
Mme Nathalie Goulet. Je rectifie mon amendement en ce sens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Nathalie Goulet, Annick Billon et Dominique Vérien et ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, après la référence : « 223-15-2 », est insérée la référence : « 223-15-3 ».
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj, Masset et Roux et Mme Pantel.
L’amendement n° 25 est présenté par M. Bitz, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 3° de l’article 221-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur ; »
2° Après le 2° de l’article 222-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur ; »
3° Le premier alinéa de l’article 222-4 est complété par les mots : « ou sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur. » ;
4° Après le 2° de l’article 222-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur ; »
5° Après le 2° de l’article 222-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur ; »
6° Après le 2° de l’article 222-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur ; »
7° Après le 2° de l’article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de leur auteur ; »
8° Au premier alinéa de l’article 222-14, après le mot : « auteur », sont insérés les mots : « ou sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de leur auteur » ;
9° Après le 4° de l’article 313-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Au préjudice d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique au sens de l’article 223-15-3 connue de son auteur ; ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement était lié à l’article 1er, que nous n’avons pas rétabli. Il s’agissait de prévoir une circonstance aggravante. Je le retire, avec regret.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 25.
M. Olivier Bitz. Je suis dans la même situation. Je regrette publiquement que la Haute Assemblée n’ait pas rétabli l’article 1er, privant ainsi la justice de moyens supplémentaires pour agir contre les phénomènes sectaires. J’espère que la navette y remédiera.
Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 est retiré.
En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.
Chapitre Ier bis
Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires
(Division nouvelle)
Article 2 bis (nouveau)
Après le premier alinéa de l’article 8 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique des délits mentionnés à l’article 223-15-2, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, se prescrit par six années révolues à compter de la majorité de la victime. » – (Adopté.)
Article 2 ter (nouveau)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 227-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa s’est rendue coupable sur le même mineur du délit prévu à l’article 433-18-1 du présent code, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende. » ;
2° L’article 227-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa s’est rendue coupable sur le même mineur du délit prévu à l’article 433-18-1 du présent code, les peines sont portées à quatre ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende. » – (Adopté.)
Après l’article 2 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le taux de recours à la formation continue des magistrats aux questions relatives aux dérives sectaires.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Au travers de cet amendement, nous demandons moins un rapport que le suivi d’un indicateur.
Nous voulons renforcer la formation continue des magistrats à la question des dérives sectaires, en les incitant à suivre une formation dispensée par l’École nationale de la magistrature.
Cet amendement vise donc à demander un rapport sur le taux de recours à cette formation par les magistrats.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. S’agissant d’une demande de rapport, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Renforcer l’accompagnement des victimes
Article 3
I. – L’article 2-17 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « reconnue d’utilité publique » sont remplacés par le mot : « agréée » ;
b) (Supprimé)
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa peuvent être agréées, après avis du ministère public, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Les associations reconnues d’utilité publique mentionnées à l’article 2-17 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de la présente loi, peuvent continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile dans les conditions prévues au même article 2-17, dans sa rédaction résultant de la présente loi, dans les instances introduites jusqu’à un an après l’entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa dudit article 2-17.
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par M. Bitz, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
b) Après la référence : « 223-15-2, », est insérée la référence : « 223-15-3, » ;
La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Il s’agissait d’étendre aux contentieux judiciaires le nouveau délit de placement en état de sujétion.
Compte tenu de la suppression de l’article 1er, cet amendement n’a plus de sens : je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par Mmes N. Goulet, Billon et Vérien, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de l’article 706-164 du code de procédure pénale sont applicables aux associations reconnues d’utilité publique dont l’objet est la lutte contre les dérives sectaires.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de précision vise à ce que les dispositions de l’article 706-164 du code de procédure pénale soient applicables aux associations reconnues d’utilité publique luttant contre les dérives sectaires.
Il s’agit de pouvoir accorder aux victimes le produit de la vente des biens des associations qui auraient été dissoutes. L’adoption d’un tel dispositif, qui ne figure pas explicitement dans le code, nous semble pertinente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Notre collègue Nathalie Goulet soulève une question très importante, celle de la juste indemnisation des victimes.
Certains organisent leur insolvabilité pour empêcher tout dédommagement de leurs victimes. Toutefois, même si je comprends votre intention, à laquelle je souscris pleinement, il me semble que la précision proposée n’est pas utile et qu’une évolution législative n’est pas souhaitable.
Permettez-moi d’insister encore sur l’importance des moyens consacrés à la justice et aux associations de victimes dans la lutte contre les dérives sectaires, qui sont indispensables pour que puissent être rapidement jugées les affaires mettant en cause des mouvements sectaires, en matière pénale comme en matière civile. Ce doit être notre priorité.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Cet amendement vise à inclure les associations reconnues d’utilité publique dont l’objet est de lutter contre les dérives sectaires dans le dispositif de l’article 706-164 du code de procédure pénale.
Ce dernier permet aux parties civiles qui n’ont pas bénéficié des mécanismes d’avance d’indemnisation, soit par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (Civi), soit par le service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (Sarvi), d’être payées. Elles le sont sur les fonds et valeurs dont la confiscation a fait l’objet d’une décision définitive et que détient l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). La seule condition est que de tels biens aient été confisqués à l’occasion de la procédure pénale dans laquelle les victimes étaient parties civiles.
À mon sens, votre proposition est donc déjà satisfaite par la rédaction de l’article 706-164 du code de procédure pénale. En effet, depuis la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, cet article est applicable à toute personne et non plus aux seules personnes physiques.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 17 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente. Comme je l’indiquais au cours de la discussion générale, le texte ne traite pas des indemnisations. Il a donc fallu, madame la ministre, accomplir quelques acrobaties pour conforter la protection des victimes.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 est retiré.
Chapitre III
Protéger la santé
Article 4 A (nouveau)
I. – L’article L. 4161-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’ils sont commis dans les circonstances mentionnées au deuxième alinéa du présent article, les faits mentionnés sont punis d’une peine complémentaire de suspension du ou des comptes d’accès à un ou plusieurs services en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction, y compris si ces services n’ont pas constitué le moyen unique ou principal de cette commission. Le présent alinéa s’applique aux comptes d’accès aux services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois. Cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.
« Le prononcé de la peine complémentaire mentionnée au neuvième alinéa du présent article et la dénomination du compte d’accès ayant été utilisé pour commettre l’infraction sont signifiés aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d’exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension et mettent en œuvre, dans les limites prévues à l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.
« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension est puni de 75 000 euros d’amende.
« Pour l’exécution de la peine complémentaire mentionnée au neuvième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l’issue d’un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 132-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende. » ;
2° L’article L. 132-3 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque qu’ils sont commis par une personne physique dans les circonstances mentionnées au dernier alinéa de l’article 132-2, les faits mentionnés sont punis d’une peine complémentaire de suspension du ou des comptes d’accès à un ou plusieurs services en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction, y compris si ces services n’ont pas constitué le moyen unique ou principal de cette commission. Le présent alinéa s’applique aux comptes d’accès aux services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois. Cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.
« Le prononcé de la peine complémentaire mentionnée au cinquième alinéa du présent article et la dénomination du compte d’accès ayant été utilisé pour commettre l’infraction sont signifiés aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d’exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension et mettent en œuvre, dans les limites prévues à l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.
« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension est puni de 75 000 euros d’amende.
« Pour l’exécution de la peine complémentaire mentionnée au cinquième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l’issue d’un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je reviens sur l’article 4, que le Gouvernement persiste à vouloir maintenir et dont la rédaction est extrêmement préoccupante pour l’avenir du débat scientifique, pour le droit à l’information et pour la santé.
Il est inquiétant que le Gouvernement veuille passer en force, au mépris des principes fondamentaux du droit et de la mise en garde du Conseil d’État. Ce dernier est pourtant explicite dans son avis sur le projet de loi : il s’agit ni plus ni moins de « remettre en cause […] la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte », le texte constituant « une atteinte portée à l’exercice de la liberté d’expression, protégée par l’article XI de la Déclaration de 1789 ».
En l’état de la rédaction de l’article, aucun lanceur d’alerte ne pourra dénoncer des scandales comme ceux de la Dépakine, des opioïdes, du Mediator et de bien d’autres traitements toxiques.
J’attire également l’attention sur un effet pervers de ce texte. Les médecines dites non conventionnelles, telles que l’acupuncture, l’ostéopathie ou l’hypnose, sont pratiquées par des médecins généralistes, en ville ou à l’hôpital, et prises en charge par la sécurité sociale. D’ailleurs, le principal syndicat des médecins libéraux s’est clairement positionné contre l’article 4 qui, selon lui, compromet directement la pratique de la médecine par des médecins disposant d’une expertise particulière.
J’ai échangé longuement sur ce texte avec le chef des services psychiatriques des hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui est également vice-président du collège universitaire de médecines intégratives et complémentaires (Cumic). Comme nombre de ses confrères, il regrette la position idéologique rétrograde de la France, isolée à l’échelle européenne et même internationale.
Ainsi, loin de protéger les Français en matière de dérives sectaires, cet article pourrait bien les priver de soins reconnus et accessibles partout ailleurs.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 6 rectifié bis est présenté par M. Bonneau, Mme Vérien, M. Burgoa, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Laménie et Laugier, Mmes N. Delattre, Billon et Sollogoub et MM. A. Marc, Kern, Hingray, Sautarel, Levi et P. Martin.
L’amendement n° 14 rectifié octies est présenté par Mme Imbert, M. Belin, Mmes Berthet et Puissat, MM. Perrin et Rietmann, Mmes Estrosi Sassone, Malet et M. Mercier, MM. Mouiller et J. B. Blanc, Mmes Dumont, Lassarade et Ventalon, MM. H. Leroy, Reynaud, Milon, D. Laurent, Duplomb, Anglars et Sol, Mme Micouleau et MM. Genet et Bruyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 8
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4223-1 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende. » ;
b) Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’ils sont commis dans les circonstances mentionnées au deuxième alinéa du présent article, les faits mentionnés sont punis d’une peine complémentaire de suspension du ou des comptes d’accès à un ou plusieurs services en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction, y compris si ces services n’ont pas constitué le moyen unique ou principal de cette commission. Le présent alinéa s’applique aux comptes d’accès aux services de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois ; cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.
« Le prononcé de la peine complémentaire mentionnée au septième alinéa du présent article et la dénomination du compte d’accès ayant été utilisé pour commettre l’infraction sont signifiés aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d’exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension et mettent en œuvre, dans les limites prévues à l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.
« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension est puni de 75 000 euros d’amende.
« Pour l’exécution de la peine complémentaire mentionnée au septième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l’issue d’un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation. » ;
2° L’article L. 6242-2 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l’infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende.
« Lorsqu’ils sont commis dans les circonstances mentionnées au deuxième alinéa du présent article, les faits mentionnés sont punis d’une peine complémentaire de suspension du ou des comptes d’accès à un ou plusieurs services en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction, y compris si ces services n’ont pas constitué le moyen unique ou principal de cette commission. Le présent alinéa s’applique aux comptes d’accès aux services de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation, aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois ; cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.
« Le prononcé de la peine complémentaire mentionnée au troisième alinéa du présent article et la dénomination du compte d’accès ayant été utilisé pour commettre l’infraction sont signifiés aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d’exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension et mettent en œuvre, dans les limites prévues à l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.
« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage du ou des comptes faisant l’objet d’une suspension est puni de 75 000 euros d’amende.
« Pour l’exécution de la peine complémentaire mentionnée au troisième alinéa du présent article et par dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l’issue d’un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation. »
La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié bis.
Mme Dominique Vérien. L’article 4 A renforce et actualise la répression des délits d’exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses dès lors qu’ils seraient commis en ligne.
Le présent amendement vise à étendre les dispositions de cet article à l’exercice illégal de la pharmacie et de la biologie médicale. Ainsi, son objet est double.
D’une part, il tend à instituer une nouvelle circonstance aggravante en cas de commission des infractions d’exercice illégal de la pharmacie et d’exercice illégal de la biologie médicale au moyen d’un support électronique ou numérique. La durée des peines encourues serait doublée.
D’autre part, en cas de commission de ces mêmes infractions par de tels moyens électroniques, l’amendement vise à introduire une peine complémentaire de bannissement numérique des personnes physiques s’en étant rendues coupables. Nous reprenons ainsi la rédaction adoptée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Plutôt que d’instituer de nouveaux délits, nous proposons d’adapter l’arsenal pénal existant aux nouveaux moyens de communication.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié octies.
Mme Corinne Imbert. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Nous avons introduit dans le texte la mention de circonstances aggravantes pour exercice illégal de la médecine. L’objectif est de pénaliser l’utilisation de moyens numériques pour commettre de telles infractions. Rien n’était prévu à cet effet dans la rédaction du Gouvernement.
Bien évidemment, nous acceptons volontiers une extension des circonstances aggravantes à l’exercice illégal de la pharmacie et de la biologie médicale en ligne dans la mesure où ce phénomène problématique tend à se répandre.
La commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Ces amendements identiques visent à alourdir les sanctions pénales en cas d’exercice illégal de la pharmacie et de la biologie médicale lorsque l’infraction est réalisée au moyen d’un support électronique ou numérique.
Je comprends votre demande d’étendre aux pharmaciens et aux biologistes les dispositions adoptées en commission à l’origine de l’article 4 A, lequel ne ciblait que les médecins. De fait, cet article renforce la répression des délits d’exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses dès lors qu’ils seraient commis en ligne.
Toutefois, l’objet de l’article 4 A n’est pas celui du présent projet de loi, qui vise à lutter contre les dérives sectaires. Il relève plutôt de la défense de l’exercice de certaines professions – médecin, pharmacien ou biologiste – face aux nouveaux vecteurs numériques. À cette fin, il étend à de nouvelles incriminations la peine complémentaire de bannissement numérique créée par le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Dans l’attente des évolutions qui seront apportées par cet autre projet de loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié bis et 14 rectifié octies.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 A, modifié.
(L’article 4 A est adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 223-1-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 223-1-2. – Est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la provocation de toute personne atteinte d’une pathologie à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour sa santé alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique.
« Est punie des mêmes peines la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique alors qu’il est manifeste, en l’état des connaissances médicales, que ces pratiques exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
« Lorsque la provocation prévue aux deux premiers alinéas a été suivie d’effets, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
« Les délits définis au présent article ne sont pas constitués lorsque la provocation s’accompagne d’une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé, susceptibles de survenir lorsqu’une telle provocation a été suivie d’effet.
« Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Dans une logique de santé publique, il est essentiel de renforcer la répression de comportements pouvant porter gravement atteinte aux personnes.
Le présent amendement a donc pour objet de réintroduire l’article 4 du projet de loi. Face aux discours particulièrement préoccupants qui prospèrent, notamment sur les réseaux sociaux, il est nécessaire d’affermir notre arsenal pénal pour poursuivre les individus les plus dangereux.
En effet, le délit d’exercice illégal de la médecine ne concerne que les cas de colloque singulier. La jurisprudence l’a qualifié de délit d’habitude ; il faut donc une réitération des faits pour qu’il soit caractérisé. Ainsi, les discours tenus dans le cadre d’un collectif ou en ligne se trouvent le plus souvent en dehors du champ de cette incrimination. De plus, certains médecins déviants échappent eux aussi à cette qualification en raison de leur situation régulière d’exercice.
Par ailleurs, la présente rédaction introduit quatre critères cumulatifs nécessaires à la caractérisation de l’incrimination mentionnée au premier alinéa. Nous veillons ainsi à ne pas porter atteinte à la liberté d’expression de façon disproportionnée : premièrement, les personnes visées doivent être atteintes d’une pathologie ; deuxièmement, l’abandon du traitement doit être présenté comme bénéfique pour la santé ; troisièmement, les conséquences pour la santé doivent être graves ; quatrièmement, le risque pour la santé doit être avéré au regard des connaissances médicales.
La portée de cette incrimination nouvelle est circonscrite aux discours présentant un danger concret. Dès lors, celle-ci ne saurait être considérée comme une interdiction dans l’absolu de toute critique envers des traitements recommandés ou comme un obstacle à la controverse scientifique.
Il ressort de ce qui précède qu’il est nécessaire de se doter d’une nouvelle incrimination pour condamner des discours d’un genre nouveau, présentant un danger concret. La rédaction proposée ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés fondamentales de façon disproportionnée au regard de l’objectif de santé publique recherché.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel.
L’amendement n° 29 est présenté par MM. Bitz et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 223-1-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 223-1-2. – Est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la provocation, résultant d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée, à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique.
« Est punie des mêmes peines la provocation, résultant d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée, à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique pour les personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifeste que ces pratiques les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
« Lorsque la provocation prévue aux deux premiers alinéas a été suivie d’effets, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
« Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Comme je l’indiquais lors de la discussion générale, cet amendement a pour objet de rétablir l’article 4 du projet de loi.
La suppression de cet article a été décidée en tenant notamment compte des remarques du Conseil d’État sur les risques d’atteinte excessive aux libertés et aux droits constitutionnels. Celui-ci avait également souligné que « la légitimité de l’objectif poursuivi par le projet de loi est incontestable ». Aussi, même si je comprends les contraintes de temps, je regrette le choix d’une simple suppression en lieu et place d’une réécriture de l’article.
Ce dispositif répond aux transformations qu’ont connues les mouvements sectaires ces dernières années au travers du numérique, notamment à la suite de la crise sanitaire. Chacun a observé la multiplication de petites structures et l’émergence de gourous dans le domaine de la santé et du bien-être, dont l’influence se propage via les réseaux sociaux sur lesquels ils recommandent des pratiques ou des comportements souvent gravement dommageables.
Il faut impérativement lutter contre ces nouvelles dérives. Dès l’examen en commission, nous avions déposé un amendement visant à aménager le dispositif de l’article 4 et à en limiter l’étendue. Il s’agissait ainsi de donner suite aux remarques du Conseil d’État.
De même, cet amendement vise à réintroduire l’article 4 dans une rédaction remaniée. Il ne serait tenu compte que des seuls cas où la provocation résulterait « d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée » et non d’un discours général. Cette formulation répondrait aux demandes des homéopathes et d’autres praticiens, qui nous ont largement interpellés ces dernières semaines.
Pour conclure, je rappelle que le Conseil national de l’ordre des médecins a exprimé un avis positif sur l’article 4.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Olivier Bitz. Une fois de plus, je fais cause commune avec Mme Delattre. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain !
Il convenait peut-être d’apporter des améliorations à la rédaction de cet article, supprimé en commission. Toutefois, il me semble totalement inopportun de ne pas doter notre arsenal législatif d’un nouvel outil afin de s’attaquer à des situations qui ne constituaient pas, sinon à la marge, un sujet au moment de l’adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
Ces phénomènes représentent désormais 25 % des saisines de la Miviludes en matière de santé et de pratique de soins non conventionnels.
Cet article a obtenu les faveurs non seulement – Mme Delattre l’a rappelé – des médecins, mais aussi des acteurs du mouvement associatif qui agissent tous les jours dans ce domaine ainsi que des policiers spécialisés. Je regrette que notre assemblée soit complètement en retrait d’évolutions de notre société dans le champ des mouvements sectaires. Pourtant, ces derniers frappent chaque année des dizaines de milliers de nos concitoyens.
À un moment donné, même si la rédaction de l’article peut être imparfaite, il faut avoir le courage de se saisir de la question. Avec l’état d’esprit qui préside aux débats sur ce texte, j’ai l’impression que la loi About-Picard elle-même n’aurait pas été adoptée…
Nous rencontrons actuellement de grandes difficultés, dans notre assemblée comme dans la société, à rendre des arbitrages. Une partie des responsables publics semblent éprouver de la peur. Il est pourtant essentiel de doter la justice des outils indispensables pour se saisir de ces nouveaux comportements.
Nous proposons une rédaction améliorée de l’article 4, qui tient compte des observations du Conseil d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Le courage, c’est aussi de ne pas légiférer pour légiférer.
M. Olivier Bitz. Il y a un sujet !
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Il faut être responsable et respecter l’État de droit.
M. Thomas Dossus. Vous entendre dire ça ce soir…
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Ces trois amendements visent à rétablir dans son économie générale l’article 4 du projet de loi. Nous ne pouvons que saluer la recherche par le Gouvernement, comme par les groupes RDPI et RDSE, de solutions pour améliorer le dispositif.
Toutefois, je suis au regret de dire que les rédactions retenues ne sauraient en l’état nous satisfaire.
Nous ne contestons pas la bonne volonté dont le Gouvernement fait preuve en proposant un nouvel alinéa. Celui-ci vise à restreindre le champ de l’incrimination, qui ne trouvait pas à s’appliquer « lorsque la provocation s’accompagne d’une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé ».
Pourtant, cette nouvelle rédaction présente des écueils majeurs en ce qu’elle aboutit à un dispositif à la fois trop large et inefficace.
D’une part, elle ne règle pas l’atteinte à la liberté d’expression que cet article crée, s’agissant de discours généraux comme de discours tenus dans un cadre privé, voire familial. Il faut reconnaître cette lacune, sauf à rendre le remède pire que le mal.
D’autre part, la rédaction réduit très largement la portée de cette nouvelle incrimination. Elle permet paradoxalement aux gourous de se couvrir en manipulant l’information ainsi communiquée pour obtenir le libre consentement des personnes. Dès lors, il est évident que de simples précautions de formulation prémuniront de l’infraction les promoteurs de dérives sectaires, en général bien informés de l’état du droit et recevant de bons conseils. À l’inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial, et ce indépendamment du niveau de connaissance médicale de l’auteur du propos, pourrait être sanctionnée, qu’elle soit suivie d’effets ou non.
Comme nous l’ont indiqué systématiquement les enquêteurs, les différents services du parquet et les magistrats du siège, il paraît particulièrement difficile – nous devons l’entendre – de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, selon les conditions définies par cet article. De même, il semble compliqué de caractériser « l’information claire et complète » accompagnant la provocation à l’arrêt de soins.
Cette rédaction pose donc davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Une réécriture à la hâte ne saurait être satisfaisante. Même si nous comprenons vos objectifs et soutenons le souhait d’améliorer l’article, l’adoption de cet amendement ne permettrait pas de répondre aux conditions de constitutionnalité.
De fait, la rédaction n’atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant entre, d’une part, l’exercice de la liberté d’expression comme de la liberté de choisir et de refuser des soins, et, d’autre part, la protection de la santé publique. Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d’autres incriminations moins attentatoires aux droits et aux libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre ce dernier objectif.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 1 rectifié et 29 ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Nous partageons bien évidemment la volonté de rétablir l’article 4, véritable pilier du projet de loi permettant d’appréhender directement le phénomène des dérives sectaires dans le champ de la santé. Il s’agit non pas de légiférer pour légiférer, mais de tenir compte du fait que 25 % des dérives sectaires touchent à ce domaine.
Quitte à citer les propos des magistrats et des différents services de la justice, citez aussi ceux des ordres des professions de santé ! D’après eux, cet article leur permettrait de résoudre une partie des problématiques auxquelles leurs membres sont confrontés.
La rédaction proposée dans ces deux amendements identiques restreint le champ du texte, précisant que la provocation doit résulter « d’une recommandation, consultation ou injonction individuellement adressée ». Je salue le souci de précision, notamment par un meilleur ciblage, mais cette restriction aurait pour effet de faire tomber l’infraction dans le champ de l’exercice illégal de la médecine. Or ce délit se limite aux cas de colloque singulier, c’est-à-dire de relation individualisée et répétée. L’amendement que je vous ai présenté va bien au-delà.
Je demande le retrait de ces amendements identiques au profit de celui que le Gouvernement a déposé ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. La comparaison avec le Mediator – je le répète – n’est pas recevable.
Dans cette affaire, un médecin avait constaté que le médicament en question non seulement n’avait pas l’effet thérapeutique escompté, mais causait la mort des patients ! Malgré vos critiques, le présent article n’a rien à voir : il concerne les personnes qui dissuaderaient les malades de poursuivre des traitements dont le résultat thérapeutique est avéré au profit d’autres, dont tout le monde sait qu’ils ne fonctionnent pas. Cette dissuasion relève plutôt – je suis désolé d’être cynique – du suicide assisté et donc du texte sur la fin de vie…
J’ai lu ces nouveaux amendements. Je comprends leur objet, mais le paragraphe ajouté neutralise le dispositif. En effet, vous considérez qu’apporter une information claire au patient suffirait pour éviter l’infraction.
En revanche, il serait intéressant de poursuivre la piste d’une réécriture de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, relatif à l’exercice illégal de la médecine. Ce dernier – vous l’avez dit très justement – ne concerne que le colloque singulier. Pourquoi ne pas élargir la définition ?
J’ajoute que cet article vient d’un texte de 2017. Or les réseaux sociaux n’avaient pas alors atteint le niveau de développement que nous connaissons aujourd’hui.
Mieux vaut modifier le code de la santé publique que le code pénal : ce serait de meilleure politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. À mon sens, la commission a fait preuve de sagesse en supprimant l’article 4.
Les dispositions dont il s’agit ont été vivement critiquées par le Conseil d’État : selon lui, la nouvelle incrimination prévue n’était ni nécessaire ni proportionnée. Cet article est même liberticide.
Pierre Ouzoulias a cité une lanceuse d’alerte, pour un médicament dont je tairai le nom. Il estime, à tort selon moi, que son cas ne serait pas recevable.
Cette lanceuse d’alerte a mené un combat contre l’inertie des autorités sanitaires ; l’antidiabétique dont il s’agit, et dont le principe actif s’appelait le benfluorex, était alors utilisé comme coupe-faim. Nombre de médecins l’ont prescrit pour cet usage. Pour ce qui concerne le laboratoire en question, le jugement du tribunal sera rendu demain matin, mercredi.
À mon sens, cette lanceuse d’alerte a joué un rôle très important. Or, si un tel texte avait existé à l’époque, on l’aurait accusée de dissuader les médecins de prescrire ce médicament, qui a pourtant fait des milliers de victimes, dont des centaines de morts.
Mes chers collègues, nous délibérons sous le regard de Portalis, qui disait : « Si vous voulez faire du bien au monde, votez de bonnes lois. » La science évolue ; la science est vivante ; la science n’est jamais figée et la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain.
M. Pierre Ouzoulias. Le charlatanisme n’est pas la science !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Bien sûr, nous sommes pour ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Bien sûr, il faut contenir certains excès, qui peuvent entraîner des souffrances. Toutefois, en adoptant l’article 4, nous ferions véritablement preuve d’ingérence dans le domaine de la santé.
De telles dispositions ne peuvent que nous interpeller. Les mêmes termes, « augmentation », « essor » ou « explosion », reviennent depuis près de vingt ans à propos des pratiques de soins non conventionnelles. On refuse volontairement de distinguer les dérives en santé, que nous devons combattre, et les dérives liées à des pratiques de soins non conventionnelles permettant une appréciation longitudinale fiable des évolutions dans le temps.
Ces constats ont conduit le collège universitaire des médecines intégratives et complémentaires à se tourner vers Mme Firmin Le Bodo, qui pilote, en sa qualité de ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, le comité d’appui technique à l’encadrement des pratiques de soins non conventionnelles.
Mme Laurence Muller-Bronn. Il lui a demandé qu’une expertise scientifique indépendante des données collectées et analysées par la Miviludes soit réalisée. On pourra ainsi garantir une information transparente et lisible, que ce soit par le public, les professionnels ou les politiques.
Devant une commission d’enquête sénatoriale dont le rapport a été publié en avril 2013 sous le titre Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger, Mme Marie-Suzanne Le Quéau, alors directrice des affaires criminelles et des grâces, a confirmé la difficulté de disposer de statistiques fiables quant au risque de dérives sectaires en santé.
En effet, les termes « secte » et « dérives sectaires » ne figurent pas dans le code pénal. Mme Le Quéau suggérait avec force qu’un réel travail universitaire soit mené à ce titre afin que nous disposions d’une évaluation digne de ce nom.
Telles sont les difficultés auxquelles nous nous heurtons aujourd’hui…
Mme la présidente. Merci, chère collègue.
Mme Laurence Muller-Bronn. L’« explosion » dont on nous parle n’est pas confirmée ; voilà pourquoi nous attendons des chiffres fiables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, il se trouve que j’étais vice-présidente de la commission d’enquête que la Haute Assemblée a consacrée au Mediator, sous la présidence de François Autain. Nous avons abouti à une conclusion sans appel : ce médicament a fait l’objet d’un mésusage.
Madame la ministre, nos débats de ce soir nous prouvent à quel point ce sujet est important et combien il est dommage que ce texte soit frappé de la procédure accélérée.
Une véritable navette parlementaire, en nous épargnant de tels bricolages,…
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
Mme Nathalie Goulet. … nous permettrait d’aboutir à un texte construit. Pareil sujet l’exige : je demande au Gouvernement de revenir à la procédure normale.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Pour ce qui concerne les dérives sectaires en santé, l’étude d’impact est très claire : au total, 214 signalements ont été adressés à la Miviludes en 2015, contre 892 en 2021. On ne peut prétendre que l’augmentation n’est pas établie ni mesurée.
En outre, je tiens à formuler une mise au point. Certains influenceurs déconseillent telle ou telle prescription ; en parallèle, des professionnels de santé, ou non, d’ailleurs, demandent à des patients de ne pas prendre leur traitement. Ces incriminations ne sont pas sur le même plan ni de même gravité.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
Mme la présidente. Monsieur Bitz, l’amendement n° 29 est-il maintenu ?
M. Olivier Bitz. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 29 est retiré.
Madame Delattre, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. L’amendement du Gouvernement a été déposé tardivement et, pour ma part, je n’ai pas vraiment eu le temps de l’étudier. Aussi, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 demeure supprimé.
Article 5
Après l’article 11-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-3 ainsi rédigé :
« Art. 11-3. – Par dérogation au dernier alinéa du I de l’article 11-2, le ministère public informe sans délai par écrit les ordres professionnels nationaux mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique d’une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées à l’article 2-17 du présent code, prononcée à l’encontre d’une personne relevant de ces ordres, hors les cas où cette information est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire. Les II à V de l’article 11-2 sont alors applicables.
« Il informe également par écrit les ordres professionnels susmentionnés lorsqu’une personne est placée sous contrôle judiciaire pour une de ces infractions et qu’elle est soumise à une des obligations prévues aux 12° et 12° bis de l’article 138, hors les cas où cette information est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire. Les II à V de l’article 11-2 sont alors applicables. »
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Mes chers collègues, j’ai proposé en commission la suppression de cet article, mais mon amendement a été rejeté. Je me contenterai donc d’expliquer pourquoi je voterai contre l’article 5.
Le procureur a normalement le choix en opportunité de prévenir les administrations des poursuites qu’il engage. Il apprécie le bien-fondé de cette information. Or, en l’occurrence, la dénonciation est imposée sans que l’on mette en balance les intérêts de la personne poursuivie, à savoir le médecin, et la nécessité d’informer l’ordre.
Ces dénonciations pures et simples – c’est bien de cela qu’il s’agit – rappellent les tristes heures de la Terreur.
En sa qualité d’historien, Pierre Ouzoulias le confirmera : votée le 12 août 1793 sur l’initiative de Robespierre, la loi des suspects permettait l’arrestation immédiate, sans motif et sans preuve, de tous ceux qui n’avaient pas « constamment manifesté leur attachement à la Révolution » ou de ceux qui, « n’ayant rien fait contre la Liberté, n’[avaient] rien fait pour elle ».
La loi des suspects est un référentiel historique. Quant à ce projet de loi, qui – je le déplore à la suite de Nathalie Goulet – est soumis à la procédure accélérée, c’est un pur bricolage.
Cet article ne sert à rien : le procureur informera les ordres s’il le juge nécessaire. Nous n’avons pas besoin de le lui imposer.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La promotion et la vente de biens et de services liés à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles doivent faire l’objet d’un renvoi explicite vers une notice informative sur ces pratiques, élaborée par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
II. – La violation des dispositions prévues au I du présent article est punie d’un an d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.
III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement vise à renforcer l’information sur des dérives liées aux pratiques thérapeutiques non conventionnelles, suivant l’une des recommandations émises par notre ancien collègue Jacques Mézard dans son rapport du 3 avril 2013.
Nous avons fortement insisté sur ce point : depuis plusieurs décennies, on observe un décalage entre la gravité de la menace que certaines dérives sectaires font peser sur la santé et la réponse, globalement insuffisante, apportée par les pouvoirs publics.
Ces dérives prennent notamment la forme de pratiques thérapeutiques non conventionnelles, lesquelles suscitent un engouement croissant dans la population française. Aussi, nous proposons que la promotion et la vente de biens et de services liés à ces pratiques fassent l’objet d’un renvoi explicite vers une notice informative.
Ce document devrait être élaboré par la Miviludes. Il renforcerait la vigilance de nos concitoyens face à ces pratiques thérapeutiques, qui, dans certains cas, font courir de véritables risques pour la santé. De surcroît, il permettrait de mieux faire connaître cette mission interministérielle au grand public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Ma chère collègue, ces dispositions soulèvent une vraie difficulté et se heurtent à plusieurs obstacles.
Tout d’abord, lors de nos auditions, les représentants du ministère de la santé nous l’ont certifié : non seulement il n’existe pas de liste de thérapies non conventionnelles, mais ces dernières ne comportent pas nécessairement, en elles-mêmes, des risques pour la santé.
Ensuite, la Miviludes ne dispose pas des moyens d’établir les fiches demandées. Un tel travail suppose, à tout le moins, un travail préalable avec les ordres médicaux ainsi qu’avec le ministère.
En outre, l’infraction pénale, telle que vous la définissez, ne permet pas de déterminer avec certitude qui sera sanctionné. On ne sait même pas s’il s’agira d’une personne physique ou d’une personne morale.
Les représentants du ministère de la santé nous ont fait savoir que le groupe d’études sur les thérapies non conventionnelles était désormais réactivé. Nous attendons impatiemment les résultats de ses travaux. Peut-être sera-t-il conduit à répondre en partie au problème que vous soulevez ; peut-être même pourrons-nous tenir compte de ses conclusions dans la suite de la navette parlementaire.
En l’état, il ne nous paraît pas possible d’adopter cet amendement. Voilà pourquoi nous en demandons le retrait. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous proposez de renforcer l’information des consommateurs pour mieux les alerter quant aux risques de dérives thérapeutiques.
Tout d’abord, cette question se trouve hors du champ de compétence de la Miviludes. En effet, les dérives thérapeutiques ne mènent pas nécessairement aux dérives sectaires, auxquelles cette mission est dédiée.
Ensuite, l’obligation que vous suggérez d’instaurer entrerait en contradiction avec l’objet même de ce projet de loi, à savoir faciliter et renforcer les poursuites pénales. En effet, elle pourrait légitimer telle pratique ou tel produit, dès lors que l’information aurait été bien délivrée.
Enfin, au regard du grand nombre de pratiques concernées, et face à l’émergence perpétuelle de nouvelles techniques, les notices établies auraient tôt fait de devenir obsolètes.
En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Delattre, l’amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Masset et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dressant un suivi statistique du recours de la population aux pratiques thérapeutiques non conventionnelles.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Je n’ai guère d’illusions quant au sort de cet amendement…
En règle générale, je fais mienne la position de notre assemblée au sujet des demandes de rapport. Mais il y a rapport et rapport et, en l’occurrence, il s’agit d’un vrai sujet.
Le danger des dérives sectaires est démultiplié par le développement des pratiques thérapeutiques non conventionnelles, ainsi que par la diffusion incontrôlée d’une offre de soins non maîtrisée sur internet.
Or nous manquons actuellement de données fiables quant au recours à ces méthodes. De telles informations nous permettraient d’ajuster les moyens de lutter contre d’éventuelles dérives.
Cet amendement vise donc à organiser un recueil annuel de statistiques sur ces usages en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Ma chère collègue, le ministère lui-même vous le confirmera : il ne dispose pas, à ce jour, des statistiques permettant de produire un tel rapport.
La commission émet, dès lors, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Cette mesure est intéressante, mais elle n’entre pas dans le champ de ce projet de loi, qui vise à faciliter et à renforcer les poursuites pénales contre les dérives thérapeutiques.
De plus, il n’existe pas d’outil permettant le recueil de ces statistiques, puisque les pratiques concernées ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie. Les données récoltées seraient donc parcellaires ; elles dépendraient des réponses fournies par les populations elles-mêmes.
Enfin, il existe un grand nombre de pratiques thérapeutiques non conventionnelles, dont certaines peuvent être exercées par des professionnels de santé – je pense, par exemple, à l’acuponcture ou encore à l’ostéopathie, que pratiquent certains kinésithérapeutes. Ces cas de figure peuvent laisser à penser qu’il s’agit de médecine conventionnelle ; les informations transmises par les personnes y ayant recours s’en trouveraient faussées.
Cela étant, le ministère de la santé et de la prévention mène un vaste travail visant à mieux connaître les pratiques non conventionnelles. À cette fin, il a organisé un groupe d’appui constitué des parties prenantes, qui se réunit chaque mois et contribue notamment à concevoir un outil aidant les patients et les consommateurs à mieux appréhender les pratiques en question.
Sur la base de ces observations, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre IV
Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires
Article 6
Après l’article 157-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 157-3 ainsi rédigé :
« Art. 157-3. – En cas de poursuites exercées sur le fondement de l’article 223-15-2 du code pénal, le ministère public ou la juridiction peut solliciter par écrit tout service de l’État, figurant sur une liste établie par arrêté du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la cohésion sociale, dont la compétence serait de nature à l’éclairer utilement. Ce service ne porte pas d’appréciation sur les faits reprochés à la personne poursuivie. Les éléments produits par ce service sont soumis au débat contradictoire. »
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par M. Bitz, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de l’article 223-15-2
par les mots :
des articles 223-15-2 et 223-15-3
La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 27 est retiré.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Chapitre V
Dispositions diverses
Article 7
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – À l’article 711-1 du code pénal, la référence : « loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 » est remplacée par la référence : « loi n° ….. du ….. visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ».
II. – Au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, la référence : « loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 » est remplacée par la référence : « loi n° … du … visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi présenté par le Gouvernement comportait un article 7 permettant l’application du texte dans les territoires ultramarins régis par le principe de spécialité législative, à savoir la Polynésie française, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
Cet article a été supprimé par votre commission, alors même que les lois et règlements de la République ne s’appliquent dans ces territoires que sur mention expresse.
Or les outre-mer français ne sont pas épargnés par les phénomènes sectaires : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la stratégie de lutte nationale contre les dérives sectaires, que je viens de publier, leur dédie des mesures spécifiques.
Cet amendement vise donc à rétablir l’article 7, afin que les dispositions pénales et de procédure pénale du présent texte puissent s’appliquer dans les collectivités d’outre-mer de l’article 74 de la Constitution, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Avis favorable !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 7 est rétabli dans cette rédaction.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, je voterai pour ce projet de loi, et ce malgré les retraits d’articles.
Le Gouvernement a rédigé ce texte à la hâte, et l’exemple du dernier amendement que vous avez déposé l’illustre parfaitement : vous êtes obligée de modifier le texte sur les bancs des ministres, dans l’hémicycle, madame la secrétaire d’État !
Aussi, je me joins aux demandes de mes collègues sur la procédure d’urgence. Il faut revoir ce texte dans de bonnes conditions ; le sujet le mérite. Des vies humaines sont en jeu.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.
M. Olivier Bitz. Cette journée a été une grande journée dans mon apprentissage en tant que jeune sénateur.
Ce soir, j’ai appris comment la Haute Assemblée pouvait détricoter un projet de loi à l’ambition légitime – mieux lutter contre les dérives sectaires – en supprimant ses articles fondamentaux.
M. André Reichardt. Cela vous arrivera souvent !
M. Olivier Bitz. Bien sûr, un texte sera officiellement adopté ce soir. Pour ma part, je m’abstiendrai, car je ne l’approuve pas.
Je suis triste des débats que nous venons de tenir. J’ai l’impression d’avoir entendu des arguments vieux de vingt ans, avancés au moment où il s’agissait d’engager le combat contre les dérives sectaires.
Nous nous heurtons toujours à la même difficulté : conjuguer le combat pour les libertés individuelles avec la nécessité de protéger les plus fragiles.
La majorité sénatoriale choisit la liberté plutôt que la protection des plus fragiles, voilà comment je comprends sa position.
Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit, pour reprendre la formule de Lacordaire. Je regrette que nous n’ayons pas adopté de dispositions législatives protégeant justement les plus fragiles.
J’aurais également apprécié que nous nous donnions collectivement les moyens de franchir un nouveau cap dans la lutte contre les dérives sectaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Je suis contre les phénomènes sectaires, contre les sectes, contre les charlatans, contre les gourous. Je soutiens les victimes. En tant que médecin, je suis aux côtés des patients qui souffrent.
Ce projet de loi, mal travaillé, est un salmigondis d’articles ; comme l’a dit Nathalie Goulet, c’est du bricolage.
Je voterai donc contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. L’usage de la peur et du risque est-il une stratégie pour justifier une politique sécuritaire ?
L’usage de la peur, voire le recours à un discours aux accents apocalyptiques, on vient de l’entendre, est-il nécessaire pour justifier une action d’encadrement, de limitation, voire de répression ?
Il nous semble que l’ensemble de ces stratégies contribue à « essentialiser » les pratiques non conventionnelles comme des pratiques à risques, qui seraient opposées à une médecine conventionnelle, prétendument sans risque.
Par ailleurs, on relève des analogies douteuses entre déviance sectaire et déviance tout court de certains thérapeutes non conventionnels.
On le sait aussi, 80 % des Français ont, au moins une fois dans leur vie, eu recours à des pratiques de soins non conventionnelles, lesquelles ne sont pas des pratiques sectaires.
Près de 80 % des patients suivis pour un cancer recourent aussi, de façon complémentaire, à des pratiques de soins non conventionnelles.
Quelque 40 % de la population générale ont eu recours à des soins non conventionnels au moins une fois dans l’année. Les patients concernés sont satisfaits de ces pratiques et ne sont souvent que partiellement satisfaits de la médecine conventionnelle.
Partout dans le monde, et spécialement en France, le discours des autorités est particulièrement réservé à leur égard.
En Alsace, à proximité de l’Allemagne et de la Suisse, nous savons très bien que nombre de nos compatriotes vont de l’autre côté de la frontière pour recourir à des pratiques de soins non conventionnelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Nous entendons dire sur toutes les travées de cet hémicycle que ce texte mériterait d’être mieux travaillé et moins bricolé.
M. Alain Joyandet. Je le dis sans polémiquer.
Madame la secrétaire d’État, j’ai été un peu choqué par l’interview que vous avez donnée : vous avez fait des amalgames et ce n’est pas bien !
M. Thomas Dossus. Pas ce soir !
M. Alain Joyandet. Vous avez pris à partie un honnête médecin, qui plus est parlementaire, ce n’est pas bien !
M. Alain Joyandet. Il faut éviter ce genre de remarques, madame la secrétaire d’État.
Lorsqu’on est membre du Gouvernement, on n’est pas obligé d’attaquer un parlementaire, qui se trouve être aussi médecin.
M. Alain Joyandet. En ce qui concerne les procédures, il faut être très indulgent ; jusqu’à preuve du contraire, ça va, ça vient !
Par ailleurs, le médecin en question n’est pas suspendu ; il travaille, il est face à ses patients. Comme chaque soignant, il souhaite faire de son mieux et ne mérite pas l’opprobre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.
(Le projet de loi est adopté.)
14
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 20 décembre 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, l’Association internationale de développement, la Société financière internationale, l’Agence multilatérale de garantie des investissements et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (texte de la commission n° 211, 2023-2024) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d’accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d’aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables (texte de la commission n° 209, 2023-2024) ;
Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (procédure accélérée ; texte de la commission n° 214, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi précité a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Pascal Allizard, Cyril Pellevat, Daniel Fargeot, Mme Christine Lavarde, M. Lucien Stanzione, Mme Audrey Linkenheld et M. Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mme Nadine Bellurot, Pascale Gruny, MM. Vincent Capo-Canellas, Michaël Weber, Pierre Barros, Jean-Luc Brault et Yannick Jadot.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER