M. Pascal Savoldelli. Il y a plusieurs façons d’enrichir un texte !
M. Emmanuel Capus. La commission des finances a également été force de proposition pour réaliser des économies importantes et améliorer les comptes publics.
Je constate que beaucoup de ces propositions, pour ne pas dire une large majorité d’entre elles, n’ont pas été retenues dans le texte adopté en nouvelle lecture. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. C’est un euphémisme !
M. Emmanuel Capus. Je pense notamment à la mission « Travail et emploi », dont j’ai eu l’honneur de rapporter les crédits avec ma collègue Ghislaine Senée. Nous avions proposé d’économiser 600 millions d’euros cette année,…
Mme Monique de Marco. Ce n’est pas rien !
M. Emmanuel Capus. … en révisant les critères d’attribution des aides exceptionnelles à l’apprentissage dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises pour les bac+3, ainsi que le rapporteur général l’a rappelé.
J’espère que cette proposition, qui n’a pas été retenue, pourra au moins déboucher sur une concertation, puis les années prochaines aboutir à un meilleur ciblage des aides, et donc à une meilleure pertinence de la dépense publique.
En conséquence, la situation de nos comptes publics demeure particulièrement dégradée. Le déficit est redescendu à 4,4 % du PIB ; c’est une bonne chose. Ce ratio est en phase avec la loi de programmation des finances publiques, comme le ministre l’a rappelé, mais il est encore loin de nos engagements européens.
Il ne s’agit pas de se soumettre à un supposé diktat bruxellois ; il s’agit de tenir la parole de la France vis-à-vis de nos partenaires européens. Il y va de notre crédibilité.
De même, la dette publique reste à un niveau trop élevé, à 110 % du PIB. Là encore, ce ratio est en phase avec la loi de programmation, mais non avec nos engagements européens. Réduire le poids de la dette est essentiel pour garantir la pérennité de notre modèle social. La croissance n’y suffira pas, il faudra également réduire les dépenses publiques. (MM. Pascal Savoldelli et Éric Bocquet soupirent.)
Notre groupe continuera de suivre cette même ligne : il faut réduire les dépenses publiques pour réduire la dette et préserver notre souveraineté économique.
Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait sans doute pu intégrer au texte définitif davantage de propositions du Sénat. Mais je reconnais aussi que vous avez su conserver quelques points intéressants. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous l’avez dit, vous avez conservé 120 amendements,…
M. André Reichardt. Il faut arrêter !
M. Emmanuel Capus. … notamment, comme l’a rappelé Christine Lavarde, au sujet du zonage du dispositif France Ruralités Revitalisation.
M. Olivier Paccaud. Encore heureux !
M. André Reichardt. Et après négociation !
M. Emmanuel Capus. Vous avez aussi conservé des amendements – j’y suis particulièrement sensible –, au sujet de la rénovation du patrimoine religieux, et de l’intégration des communes nouvelles à la souscription voulue par le Président de la République…
Mme Françoise Gatel. Quand même !
M. Emmanuel Capus. … et suggérée par nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, qui avaient rendu un rapport sur cette question.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Emmanuel Capus. Je m’étais mobilisé avec mes collègues sénateurs Stéphane Piednoir, Grégory Blanc et Corinne Bourcier pour avancer sur cette proposition.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : traditionnellement, notre groupe ne vote pas les questions préalables – ici, on ne parle pas de motion de rejet, madame Lavarde… -, parce que nous considérons qu’il ne faut pas se priver d’un débat.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Husson, au nom de la commission, d’une motion n° I-1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;
Considérant que les sous-jacents macroéconomiques sur lesquels repose le projet de loi de finances pour 2024 ne sont pas suffisamment réalistes, en particulier la prévision de croissance de 1,4 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2024, deux fois plus élevée que celle du consensus des économistes, et qui sous-estime fortement l’effet du relèvement historique des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) ;
Considérant qu’aucun effort de maîtrise de la dépense publique n’est proposé dans le texte renvoyé en nouvelle lecture, qui présente un déficit de l’État dégradé de 2,4 milliards d’euros supplémentaires par rapport au texte initial, maintenant la France à des niveaux de déficits historiques, proches ou au-delà de 150 milliards d’euros par an, contre en moyenne 90 milliards d’euros par an avant 2020 ;
Considérant que, dans ce contexte, le Gouvernement, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, n’a pourtant repris aucune des économies votées par le Sénat, qui totalisaient plus de sept milliards d’euros et permettaient d’engager le redressement des comptes publics de la France : ciblage des baisses d’impôt sur l’électricité, aides à l’apprentissage, réforme de l’audiovisuel public, aide au développement ou encore aide médicale d’État ;
Considérant ainsi que le Gouvernement n’a pas pris la mesure de l’effort à faire et des priorités d’action à fixer malgré la hausse des taux directeurs et l’accroissement massif de la charge de la dette qu’elle entraîne et entraînera dans les années à venir ;
Considérant qu’à l’heure où les autres pays de l’Union européenne ont, dans leur très grande majorité, engagé le nécessaire rétablissement de leurs comptes publics après la période de crise qui s’est achevée, la France est désormais identifiée comme faisant partie des pays de l’Union qui se signalent par leur mauvaise gestion budgétaire, caractérisée par les déficits et la dette publics parmi les plus élevés des États membres ;
Considérant que le seul apport significatif du Sénat, conservé par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est l’article 7 du présent projet de loi, pour sa partie relative à la création des zones « France ruralités revitalisation » ;
Considérant que le Gouvernement est, à l’inverse, revenu sur la quasi-totalité des apports du Sénat, y compris ceux pour lesquels il avait rendu un avis favorable en séance publique et ceux qui ne faisaient que traduire les engagements pris par ce même Gouvernement et votés dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ;
Considérant en particulier que le Gouvernement ne retient aucun des dispositifs fiscaux votés par le Sénat en faveur de la transmission de patrimoine et du logement, qu’il ne maintient pas le prêt à taux zéro (PTZ) en l’état sur tout le territoire, qu’il ne cible pas les aides pour l’électricité, qu’il supprime le fonds d’urgence climatique pour les collectivités territoriales, qu’il ne prend pas en compte les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités territoriales, en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l’aide d’urgence aux départements, et que, enfin, aucune fraction du produit de la mise aux enchères des quotas carbone ne viendra financer les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province, dont le financement reste dans l’impasse ;
Considérant en conséquence, malgré la multiplication des déclarations du Gouvernement enjoignant les parlementaires à lui proposer des économies budgétaires, le peu de cas que celui-ci fait des plus de 150 heures de débat en séance publique au Sénat et des votes de notre assemblée, qui s’ajoute à l’absence quasi totale de discussion du présent projet de loi de finances par l’Assemblée nationale en séance publique ;
Considérant en particulier que cette procédure budgétaire dégradée conduit le Gouvernement à maintenir dans son texte, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, l’article 3 sexvicies, qui prévoit de très larges exonérations fiscales pour les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique, alors même que le Sénat, seule assemblée ayant été en mesure de se prononcer sur cet article, l’a supprimé à l’unanimité, et que l’Assemblée nationale n’a jamais pu en débattre, et qu’il apparaît extrêmement fragile au regard des impératifs constitutionnels d’égalité devant l’impôt, l’avantage ainsi procuré apparaissant injustifiable ;
Considérant, de manière générale, la mauvaise qualité du texte transmis, qui présentait déjà en première lecture un nombre important de scories, d’erreurs et de doublons et qui comporte en nouvelle lecture de nouvelles incohérences, sur lesquelles le Gouvernement annonce d’ores et déjà qu’il compte revenir alors que le texte est encore en discussion ;
Considérant la persistance de pratiques de mauvaise gestion budgétaire qui portent préjudice à l’autorisation parlementaire, notamment les surbudgétisations récurrentes, auxquelles il n’est pas mis fin, la pratique des reports de crédits, qui n’est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances, ou encore la multiplication des articles transférant au profit de l’exécutif le pouvoir fiscal dévolu au Parlement ;
Considérant, enfin, au regard de ce qui précède, que l’examen en nouvelle lecture par le Sénat de l’ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 ne conduirait vraisemblablement pas à faire évoluer le texte ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 219 (2023-2024).
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour l’essentiel, j’ai déjà développé le contenu de cette motion et dit quel était l’état d’esprit qui nous anime lors de ma prise de parole durant la discussion générale.
Dès lors, monsieur le ministre, je souhaite simplement rappeler quelques données, que certains de nos collègues ont parfois reprises.
Nous vous alertons : vous avez la responsabilité des finances de notre pays, en tandem avec un grand absent, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Stéphane Piednoir. C’est qui ?
M. André Reichardt. Il n’est venu qu’une fois !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous en avons une certaine habitude…
Les chiffres du Fonds monétaire international (FMI) prévoient qu’en matière de déficit public, la France sera classée au dix-neuvième rang sur vingt dans la zone euro. Nous ne pouvons ni nous en réjouir ni en tirer une gloire particulière.
En ce qui concerne la dette, monsieur le ministre, seuls deux pays de la zone euro sont derrière la France : la Grèce et l’Italie. Mais ces deux pays sont en train de remonter la pente, alors nos comptes continuent à se dégrader.
M. André Reichardt. Quelle chute !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, votre majorité est à ce jour la plus dépensière depuis bien longtemps.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais la crise, monsieur le ministre, concerne tous les pays ! Je vous réponds directement, afin d’aider les équipes rédigeant les comptes rendus, que je remercie. (Sourires.)
Les prévisions retenues par le Gouvernement tablent sur une croissance de 1,4 %, mais le consensus des économistes se rejoint autour d’une croissance pour moitié inférieure, autour de 0,7 %. La Banque de France, quant à elle, prévoit une croissance de 0,9 %. Je souhaite que le Gouvernement ait raison, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la dynamique s’émousse.
Monsieur le ministre, votre ministre de tutelle est donc absent, mais il nous a souvent invités à dialoguer. Lors des assises des finances publiques au mois de juin dernier, puis lors des dialogues de Bercy qui se tiennent depuis deux ans, les moyens de réaliser 1 milliard d’euros d’économies ont été proposés.
Ici, au Sénat, nous pensons que dialoguer à l’extérieur du Parlement peut servir à dessiner un fond de carte sympathique, mais reste quelque peu inutile. Je vous le dis, monsieur le ministre, il faut arrêter : que de temps perdu pour si peu de constructions !
Mme Frédérique Puissat. Exactement !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le débat doit avoir lieu avec les élus, au Parlement. Profitez du temps d’échange dont vous disposez à l’Assemblée nationale pour engager un dialogue ! Au Sénat, nous avons fait « carton plein » pour ce qui est de la durée des débats, mais le résultat nous semble bien décevant !
Monsieur le ministre, je me souviens que lors de ma première prise de parole dans l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024, je nous avais alertés en nous rappelant à notre responsabilité particulière, due au fait que nous serions la seule chambre à procéder à l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
Monsieur le ministre, je vous avais également rappelé cette responsabilité particulière lors des explications de vote sur l’ensemble du texte, renforcée eu égard à nos échanges sereins, constructifs, et à l’ambiance de travail que nous avons partagée.
Ce que je trouve éminemment regrettable, c’est le signal que le Gouvernement envoie. Notre collègue Christian Bilhac parlait d’une forme de mépris du Gouvernement envers la représentation nationale, mais il me semble qu’il y a aussi une forme de mépris à l’égard des Français.
M. Olivier Paccaud. Tout à fait !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Les Français commencent à considérer que vos manières de procéder sont relativement critiquables et dangereuses.
Enfin, monsieur le ministre, je conclurai en indiquant que, lors de cette séquence budgétaire, deux interventions que la Première ministre a faites en dehors du débat budgétaire devant le Parlement m’ont posé problème.
Tout d’abord, elle a annoncé que les départements allaient recevoir une dotation supplémentaire – une onction - de 53 millions d’euros, sans que l’on en connaisse précisément les détails, et sans que ces fonds soient repris dans le projet de loi de finances.
Ensuite, après avoir reçu les Jeunes Agriculteurs et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), elle a annoncé sur le parvis de Matignon la suppression de certains dispositifs, en renonçant notamment à la hausse de la redevance pour pollution diffuse.
Monsieur le ministre, cela me pose un problème : lorsque j’avais proposé de renoncer à cette hausse en supprimant l’article 16 du projet de loi, que n’avais-je entendu de votre part ? Pas d’écoute ; vous déclariez avoir des préoccupations écologiques ; que nenni !
J’avais tout de même insisté sur le manque de concertation avec les élus locaux. Vous avez tenu des propos relativement accusateurs, bien que sympathiques, à mon endroit. Vous demanderez à la Première ministre ce qu’elle en pense, puisque vos critiques peuvent s’appliquer à elle, comme elle a décidé, en dehors du Parlement, de renoncer à cette hausse. En tout cas, il me semble que cela témoigne d’une certaine forme de cacophonie au sein du Gouvernement.
Voilà, monsieur le ministre, les éléments que je souhaitais rappeler en complément de ceux que j’ai invoqués tout à l’heure, et qui nous conduisent à défendre cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…
Quel est l’avis du Gouvernement ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Naturellement, cela ne vous surprendra pas, l’avis sera défavorable.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je sais que cela engendre une grande déception dans ces travées… (Sourires.)
Sans refaire le débat, je voudrais vous demander comment, dans les délais auxquels nous sommes contraints, enrichir un texte. La veille de son examen, plus de 3 700 amendements avaient été déposés sur ce texte.
Je ne partage pas totalement votre avis, monsieur le rapporteur général, au sujet des dialogues de Bercy. J’aurais aimé vous y retrouver…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je menais ma campagne sénatoriale !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Aucun soupçon, monsieur le rapporteur général ! Nous aurions pu continuer à avancer comme nous l’avons fait.
Les dialogues de Bercy ont été utiles, car nous avons repris des amendements issus de propositions faites par des députés et des sénateurs.
La grande difficulté, monsieur le rapporteur général, c’est que l’on ne peut pas restreindre nos échanges à ces quelques jours passés dans l’hémicycle, alors que 3 700 amendements ont été déposés. C’est tout simplement impossible !
Je vous l’ai indiqué, y compris en aparté, monsieur le rapporteur général : je suis favorable à ce qu’un travail soit mené très en amont de la discussion budgétaire au Parlement, pour que l’on puisse, en fonction des propositions du président de la commission des finances et du rapporteur général, se concentrer sur certains sujets. Sinon, la discussion est matériellement impossible !
J’en suis convaincu, il y a parfois des dispositions utiles contenues dans les milliers d’amendements sur lesquels j’émets un avis défavorable, mais il est matériellement impossible de construire des solutions au moyen de ce flot d’amendements.
Mme Cécile Cukierman. C’est pourtant le travail de la démocratie !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous le redis, monsieur le rapporteur général, je suis favorable à ce que l’on se voie beaucoup plus tôt autour de sujets sur lesquels la commission des finances a travaillé, afin d’avancer.
Mme Christine Lavarde. Nous nous sommes vus au mois d’octobre !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. À l’inverse, avec ce nombre d’amendements, il est très compliqué de faire un travail de qualité qui ne soit pas frustrant.
Mme Cécile Cukierman. Ces propos sont inacceptables !
Mme Cécile Cukierman. Supprimez la démocratie alors !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Un contraste saisissant se fait jour. Le Gouvernement écrit le projet de loi sur l’immigration sous la dictée des membres du parti Les Républicains,…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Très bien !
M. Laurent Burgoa. Et alors ?
M. Pascal Savoldelli. … mais le groupe politique des Républicains au Sénat se fait balader.
Dans les considérants de la motion, je lis les mots « après la période qui s’est achevée ». Mais ce diagnostic ne parle pas aux gens ! Ils et elles le savent pour le vivre, la crise est installée, et elle est angoissante.
Cette motion tendant à opposer la question préalable marque une forme d’impuissance du Sénat à peser sur la procédure budgétaire, face, il est vrai, à l’aveuglement du Gouvernement.
Elle témoigne de l’incapacité de la majorité sénatoriale à construire un budget alternatif crédible. Brandir le totem du déficit est en totale contradiction avec votre comportement et avec les amendements que vous avez adoptés.
Toutes les mesures proposant des recettes nouvelles ont reçu un avis défavorable dans cet hémicycle.
Accroissement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ? Non ! Mise à contribution des profits indus ? Non ! Accroissement de la taxe sur les transactions financières ? Non ! Taxe sur les rachats d’actions ? Non !
L’ensemble des mesures d’économies adoptées ne compensent pas la hausse de vos dépenses. Vous prétendiez que, dans le budget issu du Sénat, le solde budgétaire serait amélioré de 0,2 point de PIB, soit 5,5 milliards d’euros. Mais non !
C’est l’adoption de votre amendement de suppression du programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 » qui a permis cette amélioration, pour 6,5 milliards d’euros. En gros, un jeu de passe-passe gouvernemental a débouché sur un jeu de dupes. (M. le rapporteur général agite le doigt en signe de dénégation.)
La prorogation des niches fiscales coûte très cher aux finances publiques. Une modeste restriction des aides à l’apprentissage mise à part, les profits des entreprises ne seront partagés en 2024 ni avec leurs salariés ni avec le reste de la population.
Nous nous abstiendrons sur cette motion, car il faut mettre fin au simulacre de la procédure budgétaire menée sous le joug du 49.3 !
Mes chers collègues, la droite sénatoriale ne résout rien en rejetant ce texte bien trop tard. Lorsque nous proposions une motion de rejet préalable au début de l’examen du texte, vous vous berciez d’illusions et feigniez d’oublier que le Gouvernement réglerait ce budget tout seul ! Le retour à la réalité est brutal : membres des Républicains et du Gouvernement, ensemble, vous aggravez la dette et le déficit.
Je vous le demande : qui en profitera ? Prêteurs et profiteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. - Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Je rappelle également que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 108 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 251 |
Contre | 55 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2024 est rejeté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)