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Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – Huées sur des travées des groupes SER et GEST. – M. Thomas Dossus s’exclame.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Erasmus de l’apprentissage
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage » (proposition n° 598 [2022-2023], texte de la commission n° 197, rapport n° 196).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « erasmus de l’apprentissage »
Article 1er
(Conforme)
Le code du travail est ainsi modifié :
A. – L’article L. 6222-42 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni la moitié de la durée totale du contrat » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Par dérogation à l’article L. 6221-1 et au second alinéa de l’article L. 6222-4, les conditions de mise en œuvre de la mobilité de l’apprenti à l’étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d’apprentissage, le centre de formation d’apprentis en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d’accueil à l’étranger.
« La convention prévoit que la mobilité est réalisée dans les conditions suivantes :
« 1° Soit dans le cadre d’une mise en veille du contrat.
« Dans ce cas, la structure d’accueil à l’étranger est seule responsable des conditions d’exécution du travail de l’apprenti, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et les stipulations conventionnelles en vigueur dans l’État d’accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » ;
b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa du présent II, les conditions de mise en œuvre de la mobilité de l’apprenti à l’étranger, lorsqu’elle est effectuée en entreprise, peuvent être prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d’apprentissage et le centre de formation d’apprentis en France lorsqu’il est établi que l’apprenti bénéficie, conformément aux engagements pris par l’employeur de l’État d’accueil, de garanties, notamment en termes d’organisation de la mobilité et de conditions d’accueil, équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en application de la convention conclue sur le fondement du même premier alinéa. La liste de ces garanties est fixée par voie réglementaire ;
« 2° Soit dans le cadre d’une mise à disposition de l’apprenti auprès de la structure d’accueil à l’étranger. » ;
B. – L’article L. 6325-25 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni la moitié de la durée totale du contrat » ;
b) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Les conditions de mise en œuvre de la mobilité du bénéficiaire du contrat de professionnalisation à l’étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat de professionnalisation, l’organisme de formation en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d’accueil à l’étranger.
« La convention prévoit que la mobilité est réalisée dans les conditions suivantes :
« 1° Soit dans le cadre d’une mise en veille du contrat.
« Dans ce cas, la structure d’accueil à l’étranger est seule responsable des conditions d’exécution du travail du bénéficiaire du contrat de professionnalisation, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et les stipulations conventionnelles en vigueur dans l’État d’accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » ;
b) L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa du présent II, les conditions de mise en œuvre de la mobilité du bénéficiaire du contrat de professionnalisation à l’étranger, lorsqu’elle est effectuée en entreprise, peuvent être prévues par une convention conclue entre les parties au contrat de professionnalisation et l’organisme de formation en France lorsqu’il est établi que le bénéficiaire dudit contrat bénéficie, conformément aux engagements pris par l’employeur de l’État d’accueil, de garanties, notamment en termes d’organisation de la mobilité et de conditions d’accueil, équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en application de la convention conclue sur le fondement du même premier alinéa. La liste de ces garanties est fixée par voie réglementaire ;
« 2° Soit dans le cadre d’une mise à disposition du bénéficiaire du contrat de professionnalisation auprès de la structure d’accueil à l’étranger. »
Article 2
(Conforme)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le III de l’article L. 6222-42 est ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation au premier alinéa du II du présent article, lorsque la mobilité se déroule dans un organisme de formation d’accueil établi dans ou hors de l’Union européenne avec lequel le centre de formation d’apprentis français ou l’une des structures mentionnées aux articles L. 6232-1 ou L. 6233-1 a conclu une convention de partenariat, la convention organisant la mobilité peut être conclue entre l’apprenti, l’employeur en France et le centre de formation d’apprentis français. » ;
2° Le III de l’article L. 6325-25 est ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation au premier alinéa du II du présent article, lorsque la mobilité se déroule dans un organisme de formation d’accueil établi dans ou hors de l’Union européenne avec lequel l’organisme de formation français ou toute structure chargée de la mise en œuvre de tout ou partie des enseignements généraux professionnels et technologiques du contrat de professionnalisation a conclu une convention de partenariat, la convention organisant la mobilité peut être conclue entre le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, l’employeur en France et l’organisme de formation français. »
Article 2 bis
(Conforme)
L’article L. 6222-43 du code du travail est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Le premier alinéa de l’article L. 6222-1, relatif à la limite d’âge pour débuter un apprentissage. »
Article 3
(Conforme)
La sixième partie code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 6222-44 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6222-44. – Les modalités de mise en œuvre de la présente section, notamment le contenu des relations conventionnelles, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le dernier alinéa du II de l’article L. 6325-25 est supprimé ;
3° La section 7 du chapitre V du titre II du livre III est complétée par un article L. 6325-25-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6325-25-1. – Les modalités de mise en œuvre de l’article L. 6325-25, notamment le contenu des relations conventionnelles, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
4° L’article L. 6332-14 est ainsi modifié :
a) Au 3° du I, après le mot : « restauration, », sont insérés les mots : « ainsi que, le cas échéant, les frais correspondant aux cotisations sociales liées à une mobilité hors du territoire national, » ;
b) Au 3° du II, les mots : « y compris ceux correspondant aux cotisations sociales » sont supprimés.
Article 3 bis A
(Conforme)
L’ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier est ratifiée.
Article 3 bis
(Conforme)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les bourses et les aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger. Ce rapport examine également les perspectives en matière d’harmonisation des dispositifs de soutien financier et d’augmentation des aides financières pour la mobilité des apprentis à l’étranger.
Article 3 ter
(Conforme)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la bonne désignation d’un référent mobilité au sein de chaque centre de formation d’apprentis.
Article 4
(Suppression conforme)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis à la rapporteure de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici au terme de l’examen d’un texte législatif très attendu, tant des acteurs de l’apprentissage que des jeunes, nombreux, qui se forment par la voie de l’alternance dans notre pays.
Cette proposition de loi est de celles qui offrent à nos concitoyens l’opportunité et la capacité de s’enrichir de cultures et de compétences diverses. Elle est de celles qui, de manière très concrète, au sein des États membres, réalisent pour notre jeunesse la promesse d’une Union européenne libre et fondée sur la découverte et le partage.
À l’heure où les nationalismes dangereux et des replis nationaux qui menacent l’essence même de l’Union et entraînent avec eux les espoirs de paix et de liberté de toute une génération, il est plus que jamais essentiel d’œuvrer pour multiplier les opportunités d’échanges entre nos pays.
Beaucoup a été fait depuis 2018 pour rendre concrète et accessible la promesse européenne de mobilité pour nos « apprenants ». Ainsi avons-nous pris deux décisions fortes, inscrites dans la loi, et qui ont permis d’enclencher une dynamique historique en matière de formation à l’étranger.
La première a consisté à obliger tous les centres de formation d’apprentis (CFA) à se doter d’un référent mobilité. Le rôle de ce dernier est clair : il s’agit d’accompagner les apprentis dans la définition et la réalisation de leur projet, aider à la constitution des dossiers, organiser les financements et multiplier les partenariats partout dans le monde.
La seconde a consisté à aider au financement des parcours de mobilité, en garantissant aux CFA le financement des référents mobilité, mais également en orientant les fonds dédiés à l’alternance des opérateurs de compétences vers les frais liés à la mobilité.
On a enregistré environ 25 000 mobilités l’an dernier, contre 7 800 observées chaque année auparavant ; ce sont autant de parcours favorisant l’employabilité de ces jeunes et renforçant leurs capacités linguistiques et leur chance de se créer un réseau international.
Nous devons néanmoins aller plus loin dans l’accès à la mobilité et le Président de la République a une ambition forte en la matière : faire en sorte que la moitié d’une classe d’âge puisse avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois à l’étranger.
Si le volet normatif est essentiel pour parvenir à simplifier et à mieux soutenir les périodes de formation à l’étranger, des efforts sont également faits en amont pour mieux promouvoir la mobilité auprès des jeunes, mais également des entreprises.
Nous professionnalisons le réseau des référents mobilité dans les CFA ; nous travaillons également avec un réseau d’acteurs engagés, comme Erasmus+ ou l’association Euro App Mobility, pour promouvoir la mobilité internationale et favoriser les échanges dans le cadre d’un espace européen de l’apprentissage en construction. Nous avons donc renouvelé cette année pour trois ans notre soutien à cette association de l’ancien ministre Jean Arthuis, afin de promouvoir auprès des jeunes et des entreprises la mobilité, de préfigurer un espace européen numérique de l’apprentissage, plateforme recensant les offres de formation et d’emploi en mobilité, et d’accompagner les CFA et leurs référents mobilité.
Nous travaillons également en lien avec les opérateurs de compétences, interfaces privilégiées des entreprises auprès desquelles, dans le cadre des conventions d’objectifs et de moyens renouvelées cette année, nous allons promouvoir la mobilité.
Bref, vous l’aurez compris, cette proposition de loi s’inscrit dans un continuum de projets et d’initiatives portées par le Gouvernement et les acteurs de l’apprentissage, et qui doivent permettre de lever les derniers freins au développement de la mobilité internationale des apprentis.
L’article 1er du texte favorise les mobilités de plus de quatre semaines, tout en sécurisant le parcours à l’étranger des jeunes Français. Une des causes de non-recours au dispositif de mobilité réside dans la suspension du contrat de travail ; ce n’est jamais une chose anodine, puisque cela prive le jeune de sa rémunération et de la protection sociale attachée à son contrat d’apprentissage.
À cela s’ajoutent des lourdeurs administratives importantes, tant pour l’employeur que pour l’apprenti et son CFA. Ce manque de souplesse dans la gestion du contrat d’apprentissage doit être corrigé ; c’est ce que l’on fait au travers de ce texte, qui permet de mettre en veille le contrat d’apprentissage, y compris pour les mobilités longues. Il en résultera une meilleure sécurisation de la situation des apprentis, qui pourront conserver leur rémunération et leur protection sociale.
L’article 2 simplifie l’environnement conventionnel et administratif de la mobilité, qui est, nous le savons, une charge importante pour les référents mobilité des CFA ainsi qu’un frein au développement des partenariats. Le droit en vigueur fait obligation à l’école étrangère de signer une convention individuelle de mobilité pour chaque apprenti qu’elle accueille, alors même que, dans la très vaste majorité des cas, une convention-cadre de coopération existe.
Outre l’allongement des délais de constitution des dossiers, cela représente un frein évident pour les écoles étrangères, qui sont contraintes de signer des conventions en langue étrangère et assises sur un droit qui n’est pas le leur. Ainsi, de manière pragmatique, la présente proposition de loi tend à dispenser l’école étrangère de la conclusion de conventions individuelles lorsqu’une convention-cadre la lie déjà au CFA français.
Ensuite, si nous souhaitons développer les mobilités longues, nous devons également adopter le point de vue de l’employeur, pour qui il n’est jamais anodin de laisser partir son apprenti pendant une longue période. Afin de limiter l’effet que cela peut avoir pour l’entreprise, nous devons faciliter les échanges et la réciprocité, afin que, lorsqu’un employeur français autorise son apprenti à partir, il puisse en retour accueillir un apprenti étranger.
L’Union européenne est fondée sur le principe de réciprocité et c’est sur le fondement de ce principe que la présente proposition de loi affranchit les apprentis étrangers de la limite française de 29 ans. En effet, dans certains pays, l’apprentissage n’est pas réservé aux jeunes, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne, où il n’existe pas de limite d’âge pour bénéficier de cette voie de formation. Ainsi à tout âge, un apprenti allemand pourra être accueilli en mobilité dans nos entreprises.
L’article 3 garantit la prise en charge obligatoire par les opérateurs de compétences (Opco) des frais de sécurité sociale engagés par le CFA ou par l’apprenti, dans le cadre d’une mobilité. Il s’agit là de la correction d’une véritable inégalité entre les apprentis, qui sont trop nombreux à renoncer à partir en raison des coûts parfois très élevés de protection sociale à l’étranger. En rendant obligatoire la prise en charge de ces frais, vous libérerez les apprentis et leur famille du poids financier que peut constituer une telle protection et corrigerez ainsi une inégalité dans l’accès à la mobilité.
Cet article permettra en outre d’œuvrer, par voie réglementaire, en faveur d’une plus grande harmonisation des pratiques des Opco en matière de prise en charge des frais de transport, de restauration et d’hébergement à l’étranger.
La présente proposition permet enfin de ratifier l’ordonnance relative à l’apprentissage transfrontalier, qui est essentiel pour constituer autour de notre pays un espace privilégié européen de l’apprentissage, tout en créant de nouvelles possibilités de partenariats pour nos territoires ultramarins, avec les pays d’Amérique du Nord, de la façade orientale de l’Amérique du Sud, de l’Afrique australe ou des pays du pourtour de l’océan Indien.
Naturellement, le Gouvernement répondra avec diligence aux demandes de rapport exprimées par le texte.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient ce texte pragmatique, qui s’attache point par point à répondre aux freins constatés par les acteurs.
Je tiens à remercier chaleureusement les membres de la Haute Assemblée qui ont participé en commission à un débat utile autour de cette proposition de loi ; je salue en particulier votre rapporteure, Mme la sénatrice Demas, pour son travail important d’auditions, qui a permis d’éclairer et d’objectiver son travail.
Je le dis avec conviction : ce texte technique est avant tout une preuve d’attachement à l’Union européenne et à ses valeurs. Il traduit notre proposition pour l’Europe et pour ses jeunes citoyens. Il naît de la conviction que les voyages forment la jeunesse, mais également ses compétences et son autonomie. Il traduit notre ferme volonté d’encourager une nouvelle génération de Français à être mue, à rebours des nationalismes inutiles et des replis malheureux, par un esprit de partage et de liberté, fondé sur l’expérience professionnelle et les savoir-faire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur votre soutien, vous qui croyez en l’Europe et à ses vertus pour nos jeunes, pour voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, acquisition de compétences et de savoirs, découverte d’une nouvelle culture, apprentissage d’une langue étrangère : les apports d’une expérience à l’étranger dans le cadre d’un parcours de formation sont nombreux, tant pour l’employabilité que pour le développement personnel des jeunes.
Alors que 17 % des étudiants font un séjour à l’étranger au cours de leurs études, cela ne concerne que 2,1 % des apprentis. Développer la mobilité internationale des apprentis était pourtant l’un des objectifs de la réforme de 2018 : depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les alternants ont en effet la possibilité de réaliser une mobilité à l’étranger pour une durée ne pouvant excéder un an. Leur contrat est alors « mis en veille », l’entreprise ou le centre de formation d’accueil étant alors seul responsable des conditions d’exécution du travail. Pour les mobilités de moins de quatre semaines, l’alternant peut toutefois être mis à disposition de la structure d’accueil à l’étranger, son contrat de travail continuant alors d’être exécuté.
Pour favoriser ces mobilités, chaque centre de formation d’apprentis doit désigner un référent mobilité, financé par les opérateurs de compétences, qui peuvent aussi prendre en charge des frais annexes engendrés par le séjour à l’étranger.
Les alternants sont aussi soutenus par des aides de l’Union européenne, dans le cadre du programme Erasmus+, ou encore des collectivités territoriales.
Pour autant, le développement de la mobilité des alternants n’a pas suivi la progression significative du nombre de contrats d’apprentissage, qui a dépassé le seuil de 800 000 en 2022. Quant à la durée moyenne de la mobilité, elle est estimée à quarante et un jours, la durée médiane s’élevant à dix-huit jours seulement.
Certes, la mobilité à l’étranger des alternants a été freinée par l’épidémie de covid-19, mais elle rencontre aussi de nombreux obstacles d’ordre plus structurel.
Le départ de l’alternant pour un séjour à l’étranger peut être coûteux pour son employeur et source de perturbations au sein de son entreprise. Surtout, le statut de l’alternant lors de sa mobilité n’est pas adapté à toutes les situations. La mise en veille du contrat permet à l’entreprise de lever ses obligations en termes de rémunération, mais les coûts et les contraintes sont reportés sur le CFA et sur l’apprenti, ce qui peut faire obstacle à la réalisation de projets de mobilité.
Les démarches administratives sont complexes ; je pense notamment aux obligations liées à la signature d’une convention entre l’alternant et les différentes parties impliquées dans la mobilité.
Les apprentis sont aussi freinés par le coût de la mobilité. En 2023, l’agence Erasmus+ n’a pu satisfaire que 53 % des demandes de soutien financier pour des mobilités internationales relevant du champ de l’enseignement professionnel. En outre, le soutien financier des opérateurs de compétences est très hétérogène et souvent insuffisant.
L’alternant n’a que rarement connaissance de la possibilité d’effectuer une mobilité à l’étranger et cette mobilité n’est pas aisément reconnue dans le cadre des certifications professionnelles. À ces difficultés s’ajoutent des barrières linguistiques et psychologiques auxquelles tous les jeunes apprenants font face pour s’engager dans un projet de séjour à l’étranger.
Afin de lever certains de ces freins juridiques et financiers, notre collègue député Sylvain Maillard a déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
L’article 1er crée un droit d’option, laissant le choix entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. De plus, cette mise à disposition ne sera plus limitée aux séjours de moins de quatre semaines. Les alternants, employeurs et organismes de formation pourront ainsi retenir le régime le plus approprié à chaque situation.
Afin de simplifier les démarches lors de départs à l’étranger, l’article 2 supprime l’obligation pour les alternants de disposer d’une convention individuelle de mobilité avec l’organisme de formation qui les accueille, dans le cas où une convention de partenariat existerait déjà entre le CFA et ledit organisme.
L’article 2 bis a pour objet que les apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une mobilité en France puissent déroger à la limite d’âge applicable à l’apprentissage.
Avec l’article 3, les opérateurs de compétences devront obligatoirement prendre en charge les frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants.
L’article 3 bis A vise à procéder à la ratification de l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier.
La commission a considéré que la proposition de loi lèvera certains freins à la mobilité des alternants. Elle l’a donc adoptée sans modification. Toutefois, nous avons considéré que, pour insuffler une véritable dynamique en faveur de la mobilité internationale des alternants, le texte devrait être assorti de mesures complémentaires.
D’abord, le financement des référents mobilité dans les CFA doit être conforté afin de professionnaliser le personnel. Il faut harmoniser les financements des Opco par voie réglementaire, comme s’y est engagé le Gouvernement, pour rendre les aides plus lisibles et plus accessibles à tous les apprentis.
Ensuite, la mobilité doit être promue auprès des alternants et des employeurs. Les TPE-PME doivent être accompagnées par les Opco et les employeurs publics davantage incités à soutenir ces échanges.
Enfin, la mobilité doit être valorisée et reconnue dans les diplômes et dans les certifications professionnelles.
En somme, la mobilité internationale des alternants nécessite une large mobilisation des pouvoirs publics et l’accompagnement renforcé des acteurs de l’apprentissage. La proposition de loi contribue à enclencher cette dynamique en levant certains freins. Aussi, au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue député Sylvain Maillard pose le socle d’une grande ambition portée par le Président de la République : faire en sorte que la moitié d’une classe d’âge ait passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen.
D’une certaine manière, cet objectif est dans l’esprit même d’Erasmus, dont le nom provient du moine humaniste et théologien néerlandais Érasme, qui a voyagé à travers l’Europe pour s’enrichir des différentes cultures et pour développer l’Humanisme. Trente-six ans après sa création, ce programme a fait ses preuves avec plus de 600 000 étudiants français bénéficiaires entre 2014 et 2020.
Si Erasmus est bel et bien une réussite aux yeux d’une majorité de notre jeunesse, seule une certaine partie d’entre elle profite en réalité de ce succès. Malgré les évolutions et l’ouverture du programme à des publics variés, notamment aux alternants, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en décembre 2022, Le développement de la mobilité européenne des apprentis, a dressé un constat alarmant.
En effet, l’Igas estime à 7 820 le nombre d’apprentis ayant effectué une mobilité entre 2018 et 2019, soit 2,1 % d’entre eux, un total bien loin des autres catégories ; pour les étudiants, les chiffres avoisinent les 17 %. Et pour cause ! De nombreux obstacles juridiques, financiers ou académiques viennent freiner la mobilité européenne et internationale des apprentis de notre pays.
Face à ce constat, nous devons agir pour faciliter les échanges. Telle est l’ambition défendue au travers de cette proposition de loi. Celle-ci vise à lever un certain nombre d’obstacles.
Je pense à l’article 1er, qui crée un droit d’option entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant, lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. La mise à disposition de l’alternant ne sera par conséquent plus limitée à un séjour de moins de quatre semaines ; la condition de durée d’exécution du contrat en France d’au moins six mois sera supprimée. Cette mesure permettra aux alternants, aux employeurs et aux organismes de formation de retenir le régime le plus approprié à chaque situation.
Je pense également à l’article 2 qui permettra aux centres de formation d’apprentis de conclure une convention de partenariat avec l’organisme d’accueil à l’étranger.
Je n’oublie pas l’article 2 bis, qui supprime la limite d’âge fixée à 29 ans, ou l’article 3 bis A, qui vise à ratifier l’ordonnance relative à l’apprentissage transfrontalier.
Mes chers collègues, les voyages forment la jeunesse. Par conséquent, afin de permettre aux apprentis de notre pays d’accéder plus facilement à une formation européenne, le groupe RDPI votera avec enthousiasme ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)