Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2024 confirme une tendance à l’augmentation des crédits pour l’audiovisuel public, amorcée l’an passé après plusieurs années de baisse.

Mais le rapporteur pour avis Cédric Vial a raison de souligner que cette hausse doit être relativisée. Au-delà de l’inflation, elle s’explique par la nécessité de compenser les effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.

L’exemple de Radio France souligne à quel point l’augmentation du budget est en trompe-l’œil. Hors remboursement des effets fiscaux et hors programme de transformation, la hausse de la dotation est inférieure à l’inflation.

La suppression de la CAP, intervenue dans les conditions que l’on sait, s’est fait en dépit des conclusions du rapport de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l’IGF, qui préconisait de modifier la Lolf pour sanctuariser les ressources de l’audiovisuel public.

À défaut, nous n’avons aucune perspective sur son mode de financement pour 2025, car l’affectation d’une fraction de TVA ne pourra plus être reconduite dans un an si la Lolf n’est pas modifiée. Le groupe Union Centriste le savait depuis le début. C’est la raison pour laquelle nous nous étions opposés à la suppression ex abrupto de la contribution à l’audiovisuel public, sans garantie pour la suite.

Le Gouvernement – j’ai envie de dire Bercy – optera-t-il, comme on peut le craindre, pour une budgétisation de l’audiovisuel public ? Comme cela a été dit, ce serait un contresens historique. La dotation de l’État, à laquelle notre groupe a toujours été opposé, revient à remettre en cause l’indépendance et la modernisation de notre audiovisuel public.

Tous ces éléments ayant été rappelés, nous ne pouvons que nous opposer à l’amendement du rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, qui vise à réduire de 210 millions d’euros les crédits accordés à l’audiovisuel public.

Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais cette proposition relève d’un raisonnement par l’absurde : le financement de l’audiovisuel public n’étant pas pérenne, il faudrait plomber la solution transitoire.

L’amendement procède aussi d’une logique punitive vis-à-vis de l’audiovisuel public, auquel il est reproché de ne pas se réformer. C’est sévère, car toutes les sociétés de l’audiovisuel public ont fait des efforts d’économies, enregistré des gains de productivité, et amorcé une mutation de leur modèle : numérisation, intégration transversale de leurs diverses composantes, début de synergies.

Certes, on peut aller beaucoup plus loin, mais il faut aussi de la visibilité. Or force est de constater que, depuis huit ans, la tutelle est changeante, voire contradictoire.

Souvenons-nous de France 4 : le cap affiché s’est souvent résumé aux économies à réaliser, sans que l’on songe à redonner du sens aux missions de la chaîne et, plus grave, à clarifier son modèle de financement et de gouvernance.

Dans un contexte où il existe un décalage notable entre le vote de la trajectoire financière et la présentation pour validation des COM au Parlement, on ne comprend pas bien certains sujets. Par exemple, la création disposera-t-elle toujours de moyens suffisants ? On ne comprend pas bien non plus pourquoi, si l’on décide de supprimer le journal national de France 3, concurrent de celui de France 2, on ne donne pas aux rédactions régionales les moyens de mettre en œuvre un véritable journal régional, très apprécié.

En conclusion, permettez-moi de dire un mot de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui est le grand oublié de ce budget, et de l’audiovisuel public extérieur, dont le rôle est capital dans la situation actuelle de tensions internationales et de remise en cause de nos démocraties.

Nous ne défendrons pas nos valeurs sans lutter contre la désinformation. Tel est le rôle de France Médias Monde – Roger Karoutchi l’a justement rappelé –, mais aussi d’Arte, qui, aujourd’hui, n’a pas les moyens de sa plateforme européenne.

Le budget de l’audiovisuel public est aussi le prix de notre liberté. Pour France Médias Monde, le financement affecté est vital, car nos partenaires européens opèrent une nette distinction entre les médias d’État, financés directement par les gouvernements et faisant valoir leur vision du monde, et les médias indépendants de service public, qui s’attachent à délivrer une information indépendante.

Aussi, nos errements financiers actuels vont à l’encontre des engagements pris, par exemple, lors de la création d’Arte. De manière très concrète, je vous signale, mes chers collègues, que le choix d’un financement direct par le budget général de l’État serait de nature à compromettre la diffusion de RFI à Berlin.

En l’absence de sanctuarisation des crédits de la mission et de visibilité pérenne sur leur évolution, le groupe Union Centriste, suivant en cela le rapporteur pour avis de la commission de la culture, émettra un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après une forte hausse de ses crédits en 2023, la mission « Médias, livre et industries culturelles » verra son budget atteindre un niveau historiquement élevé l’an prochain.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 734 millions d’euros de crédits, en hausse de 4,1 % par rapport à l’année dernière.

En 2024, environ 4 milliards d’euros seront consacrés à l’audiovisuel public, ce qui représente une augmentation de 228 millions d’euros, soit 6 % de plus par rapport à 2023.

À ces crédits s’ajoutent – ne les oublions pas – 746 millions d’euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma et 1,7 milliard d’euros de dépenses fiscales pour la culture au sens large.

Pour les industries créatives, il faut mentionner le plan France 2030, un plan d’investissement sans précédent. Dans ce cadre, je citerai l’appel à projets La grande fabrique de l’image, qui permettra à l’horizon 2030 de doubler nos infrastructures de studios pour les tournages, ainsi que nos capacités de formation et de montée en compétences.

Le CNM, créé en 2020 – juste avant la crise sanitaire –, après dix ans d’attente, donne actuellement lieu à un riche débat. J’en profite pour vous remercier de votre mobilisation, mesdames, messieurs les sénateurs.

Aujourd’hui, la question de son financement dans les années à venir se pose. Évidemment, il nous semble légitime que les plateformes de streaming y contribuent, puisqu’il s’agit désormais du mode d’écoute majoritaire de la musique, que ce soit sur des plateformes payantes comme Spotify, Deezer, Apple et bien d’autres, ou gratuites comme YouTube ou TikTok.

Actuellement, nous sommes toujours en pleine concertation. Au cours des travaux que le Président de la République m’a demandé de mener le 21 juin dernier, la proposition d’une contribution volontaire de la part des plateformes a émergé. Elle mérite d’être étudiée, expertisée, poussée le plus loin possible, car il vaut toujours mieux une contribution souhaitée, désirée, pour une solidarité interprofessionnelle rénovée et une foi collective dans le Centre national de la musique plutôt qu’une taxe imposée.

Les discussions se poursuivent, et nous vous en donnerons des nouvelles dès que nous aurons progressé.

Je voudrais insister sur la priorité donnée dans ce budget à la lecture. Je vous en ai déjà parlé l’an dernier : vous savez que c’est l’une de mes principales obsessions et de mes priorités.

Ainsi, les politiques en faveur de la lecture pour tous les territoires bénéficient d’une hausse de crédits cette année encore. Je veux notamment saluer le rôle de toutes les bibliothèques, les 16 000 bibliothèques et points de lecture sur le territoire, ce véritable service public culturel de proximité pour nos habitants, toujours en première ligne, qui tisse le goût de la lecture chez tous les Français, à tous les âges.

Les crédits supplémentaires permettront de capitaliser sur les actions déjà engagées, comme l’extension des horaires des bibliothèques, et d’amplifier l’offre de service des médiathèques, notamment dans les territoires ruraux et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Les dispositifs de soutien à la lecture à destination des jeunes publics seront également renforcés. Je pense notamment à l’opération Premières pages, qui permet de faire découvrir les livres aux tout-petits, ou encore au programme Des livres à soi, qui permet de réunir autour de la lecture parents et enfants défavorisés. Nous mettons enfin en place une aide pour renforcer la lecture dans les centres de loisirs.

Je veux également dire un mot sur le soutien au pluralisme de la presse et des radios. Vous avez été plusieurs à défendre avec beaucoup d’éloquence la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse dans notre pays, notamment l’importance de la presse quotidienne régionale.

Nous consacrons 5,7 millions d’euros à la presse et à la radiophonie, notamment en vue de consolider la trajectoire financière de l’AFP, de soutenir davantage l’expression radiophonique locale et de continuer à garantir la diversité des médias, un pluralisme qui est essentiel à notre paysage médiatique.

Par ailleurs, 4,7 millions d’euros sont prévus pour le lancement d’un plan ambitieux de numérisation de la presse ancienne – il s’agit de la presse à partir du milieu du XIXsiècle, dont le support papier vieillit évidemment très mal –, qui concernera l’ensemble des collections conservées sur le territoire.

Notre objectif est de porter en cinq ans de 40 millions à 60 millions le nombre de pages de presse numérisées par la BNF et les collectivités territoriales. C’est un enjeu mémoriel et de transmission crucial pour les futures générations.

J’en viens maintenant au budget de l’audiovisuel public, pour lequel je m’étais engagée à donner une visibilité, à non plus trois ans, mais cinq ans. C’est ce que nous vous proposons avec cette trajectoire budgétaire 2024-2028, qui contribuera à amplifier la dynamique de transformation du secteur de l’audiovisuel public, amorcée en 2018.

D’ailleurs, je tiens à vous remercier, chère Catherine Morin-Desailly, d’avoir rappelé qu’effectivement, l’audiovisuel public s’était déjà profondément transformé et qu’il avait déjà mis en œuvre des plans d’économies. Sous le précédent quinquennat, 190 millions d’euros d’économies ont été réalisés, et une baisse de 6 % des effectifs a été consentie.

Ces réformes ont été accompagnées d’une dynamique d’innovation et d’une hausse des audiences. Je vous remercie de l’avoir également rappelé : 15,8 millions d’auditeurs écoutent chaque jour Radio France ; 82 % des Français regardent les programmes de France Télévisions, tous écrans confondus ; 260 millions de personnes à travers le monde sont en contact chaque semaine avec l’un des médias de France Médias Monde.

Bien d’autres chiffres ont été communiqués par le sénateur Martin Lévrier, que je remercie de ces clarifications bienvenues, notamment sur le développement numérique, le rajeunissement des audiences ou la poursuite de l’investissement dans la création. Cette dernière porte ses fruits. Elle est souvent couronnée de succès, du moins pour France Télévisions – qu’il s’agisse de documentaires, de séries ou de fictions –, et elle crée de l’emploi dans les territoires via des tournages qui contribuent à dynamiser la filière de l’industrie audiovisuelle.

La nouveauté dans ce budget tient au fait que nous proposons de cumuler une dotation de base pour les entreprises et une enveloppe complémentaire dédiée aux projets de transformation et aux coopérations renforcées, et ce autour de priorités que vous m’avez entendu énoncer à plusieurs reprises : l’information, la proximité, la place de la culture et de la création, la jeunesse, l’éducation aux médias, et le renforcement du déploiement de la stratégie numérique. Voilà le cap fixé en concertation avec les entreprises.

Le budget, qui est donc en hausse de 228 millions d’euros en 2024, tient compte non seulement de l’inflation et des conséquences de la fiscalité liées au changement du mode de financement, mais aussi de nouvelles mesures, qui représentent à peu près 70 millions d’euros sur l’exercice 2024.

Ces enveloppes sont fixées pour trois ans, afin d’accélérer la mise en œuvre de ces priorités et de ces coopérations. Elles s’accompagnent de la mise en place d’un système de conditionnement à leur réalisation effective, ce qui doit nous permettre de tenir ce cap ambitieux de transformation. Ce n’est ni Noël en avance, monsieur le rapporteur spécial (Sourires.), ni une ambition insuffisante, comme j’ai pu l’entendre, me semble-t-il, dans l’intervention de Mme Robert. Je pense vraiment que c’est un cap solide, reposant sur un pacte de confiance avec les entreprises.

Nous avons déjà débattu de la nécessité ou non de modifier le mode de gouvernance de l’audiovisuel public. À mes yeux, les transformations seront plus rapides, plus profondes et plus efficaces si elles s’inscrivent dans ce cadre. En tout cas, cela vaut mieux que de devoir attendre la mise en place d’une holding.

Ce n’est donc pas du bricolage, monsieur le rapporteur spécial ; c’est vraiment le choix de l’ambition et de l’efficacité.

Ce système d’enveloppes complémentaires permettra certainement de faire avancer les choses rapidement. Je vous donne rendez-vous dans trois ans pour en dresser le bilan. Cela étant, vous disposerez avant cette échéance des fameux COM, qui seront transmis au Parlement au premier trimestre 2024 ; le détail de nos priorités y sera précisé.

Je tiens à insister sur les enjeux liés à l’information, un sujet qui vous tient tous à cœur – je le sais –, dans un contexte où le chaos informationnel et la désinformation sont particulièrement préoccupants.

Il est évident que le service public audiovisuel est d’abord une offre d’information de référence et qu’il doit rester – il l’est aujourd’hui – indépendant des pouvoirs politiques et économiques. Plusieurs garanties constitutionnelles organisent l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public.

Celui-ci met l’accent sur le décryptage et l’investigation, et joue aussi un rôle particulier en matière d’éducation à l’information à destination des enfants et des jeunes.

Dans les COM 2024-2028, nous comptons véritablement renforcer l’étendue, la visibilité, la qualité de l’offre d’informations du service public, qui doit également jouer un rôle central en matière de lutte contre les fausses informations et d’éducation aux médias. La coopération doit être la plus étroite possible entre Radio France et France Télévisions, mais aussi avec l’INA.

Il conviendra que chaque entreprise renforce l’expertise de ses rédactions, adapte continuellement ses formats et ses modes de production à la réalité des usages numériques.

En matière de coopération entre entreprises, une gouvernance éditoriale davantage paritaire de France Info permettra de renforcer la coconstruction de l’offre éditoriale entre les rédactions télé, radio et numérique. Des moyens complémentaires seront par conséquent consacrés à l’amélioration de France Info. Les plateformes France Info et Ici pourront devenir des références garantissant une offre de qualité.

Je pourrais citer d’autres pistes de coopération permettant de mettre l’accent sur le numérique et la proximité, ces grands enjeux de transformation que nous encourageons en leur allouant des financements fléchés, mais je ne veux pas être trop longue…

Je vous répondrai sur le mode de financement de l’audiovisuel public. Dans le projet de loi de finances pour 2024, l’affectation d’une fraction de TVA est maintenue à l’identique par rapport au précédent projet de loi de finances, mais elle prendra fin en l’état à la fin de l’année 2025. Elle ne pourra pas perdurer sans une modification de la Lolf, qui nécessite un texte organique spécifique, distinct d’une loi de finances.

Il sera donc essentiel de se pencher sur cette question en 2024 – nous avons donc encore le temps –, afin de donner la visibilité nécessaire aux entreprises de l’audiovisuel public.

Vous le savez, j’ai exprimé ma préférence pour la solution consistant à pérenniser le financement par l’affectation d’une fraction de TVA, qui impliquerait, en tout état de cause, un débat au Parlement. Cette position rejoint celle que les députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ont exprimée dans leur proposition de loi organique relative au financement de l’audiovisuel public, déposée en juin 2023.

M. Cédric Vial. C’est le texte du Gouvernement !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cette incertitude relative à la modalité d’abondement du compte de concours financiers n’est de toute façon de nature ni à remettre en cause ou à fragiliser la trajectoire budgétaire que je vous présente aujourd’hui et qui est fixée jusqu’en 2028 ni à fragiliser l’indépendance de l’audiovisuel public, qui reste un principe absolument fondamental.

Cette trajectoire nous permettra de développer une véritable stratégie sur cinq ans. Nous en débattrons au moment de la transmission des COM, dès le premier trimestre prochain. En parallèle cette proposition de loi organique poursuivra, je n’en doute pas, son parcours législatif.

Un dernier mot de l’audiovisuel extérieur, que vous êtes plusieurs à avoir mentionné dans vos interventions. Je ne peux pas entendre qu’il est maltraité, puisque, là encore, il bénéficie d’une hausse de 8 % de ses crédits, que ce soit France Médias Monde ou TV5 Monde.

Pour France Médias Monde, des moyens supplémentaires sont prévus via l’aide publique au développement, qui dépend du budget du Quai d’Orsay. Nous lui demandons de renforcer son action en matière de lutte contre la désinformation, et de consolider sa présence en Afrique. Ce sont évidemment des priorités que nous avons à cœur.

médias, livre et industries culturelles

Médias, livre et industries culturelles - Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Comptes de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public - État D (début)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Médias, livre et industries culturelles

741 875 375

735 947 922

Presse et médias

377 705 399

376 665 279

Livre et industries culturelles

364 169 976

359 282 643

Mme la présidente. L’amendement n° II-1078, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Aide à l’export de la presse vers les outre-mer

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

 

 

 

 

Livre et industries culturelles

 

5 000 000

 

5 000 000

Aide à l’export de la presse vers les outre-mer

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, voilà quelques jours, vous étiez en outre-mer, notamment à La Réunion, où vous avez pu mesurer concrètement les difficultés auxquelles sont confrontés les journaux locaux. Je pense notamment au Journal de lîle de La Réunion et au Quotidien de La Réunion, qui sont en effet en péril, au point que la presse écrite pourrait vraiment disparaître de ce territoire ultramarin.

Malheureusement, ce que l’on observe à La Réunion pourrait aussi se produire dans d’autres départements d’outre-mer, car les contraintes sont les mêmes partout dans ces territoires, particulièrement dans le secteur du livre.

Dans ce contexte, il se révèle essentiel de pallier ces problèmes structurels, au-delà de la seule aide au pluralisme des titres ultramarins, mise en place en 2021. En parallèle de ce soutien, nous proposons la création d’une aide à l’export de la presse vers les territoires ultramarins, pour limiter les effets conjugués du coût élevé du transport de la presse vers ces territoires, de la hausse significative des coûts de l’énergie et du papier et, enfin, des tensions très fortes en matière de distribution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Il est vrai que certains territoires d’outre-mer rencontrent des difficultés concernant la distribution et la diffusion de la presse papier. Le ministère de la culture a annoncé qu’il avait confié une mission d’inspection spécifique sur le sujet. Mais il semble qu’il soit davantage nécessaire de soutenir la presse ultramarine que d’accroître le montant des aides à la distribution, pourtant déjà très élevé, dont bénéficie la presse hexagonale.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Nous avons déjà créé une aide spécifique au pluralisme de la presse ultramarine. J’estime donc que cet amendement est déjà satisfait, et j’en demande également le retrait.

Mme la présidente. Madame Robert, l’amendement n° II-1078 est-il maintenu ?

Mme Sylvie Robert. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1078.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1192, présenté par MM. Bacchi, Lahellec, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

4 000 000

4 000 000

Livre et industries culturelles

4 000 000

4 000 000

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Cet amendement vise à revenir sur la baisse de l’aide aux exemplaires postés et, surtout, à alerter sur la dégradation importante du service de La Poste en matière de livraison de journaux, avec une incitation toujours plus forte au portage.

Le maillage territorial de La Poste se dégrade et les bureaux ferment. Une enquête du journal LHumanité, menée entre le 6 février et le 17 février de cette année, auprès de 4 000 lecteurs, monte parfaitement combien le service se dégrade : journaux livrés plusieurs jours après leur date de parution, voire pas livrés du tout.

Le service public de La Poste, financé par de l’argent public, doit répondre désormais à des exigences toujours plus grandes en termes de rentabilité, ce qui a malheureusement des conséquences sur l’accès à l’information et la démocratie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. La réforme des aides à la distribution est intervenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. La nouvelle aide à l’exemplaire fonctionne selon un double barème, l’un concernant les exemplaires postés, l’autre les exemplaires portés.

En 2024, le coût de l’aide à l’exemplaire posté est évalué à 68,2 millions d’euros, soit une diminution de 4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Cette baisse est cependant logique, puisque tout l’objectif de la réforme est de basculer vers un renforcement de l’exemplaire porté et une diminution de la presse postée. Afin d’encourager le portage, le montant de l’aide à l’exemplaire devra diminuer de 15 % à compter du 1er janvier 2024.

Par conséquent, vouloir augmenter de nouveau le montant de l’aide à l’exemplaire posté irait à contresens de la réforme.

J’ajoute que, dans un contexte où la digitalisation de la presse, la rapidité de la diffusion de l’information, comme le coût écologique de la distribution rendent cette diffusion pour une large part obsolète, la question de la pertinence du financement de l’aide à la distribution se pose.

La commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. L’argumentaire de M. le rapporteur spécial était absolument limpide. Ce sont effectivement les effets de la réforme qui nous conduisent à soutenir davantage le portage que le postage. Cette réforme résulte d’un rapport de M. Giannesini et d’une longue concertation. Cette diminution de 4 millions d’euros découle donc directement de la baisse des volumes postés. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1192.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1136, présenté par M. Fouassin, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

2 000 000

 

2 000 000

 

Livre et industries culturelles

 

2 000 000

 

2 000 000

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. La presse est un pilier incontestable de notre démocratie, une voix essentielle qui résonne à travers chaque territoire et un garant de la transparence, de la liberté et du pluralisme.

Aujourd’hui, je me tiens devant vous pour défendre un amendement crucial visant à augmenter le niveau de l’aide au pluralisme des titres ultramarins, car la presse papier dans les territoires d’outre-mer est bien plus qu’une simple entité médiatique. Elle est un socle de notre démocratie.

Regardons la réalité en face. Depuis plusieurs années, le secteur de la presse à La Réunion fait face à des défis de taille. La crise sanitaire a été un catalyseur de difficultés déjà préexistantes, exacerbant les pressions sur deux piliers de l’information réunionnaise, qui ont été cités : Le Quotidien de La Réunion et Le Journal de lîle de La Réunion. Ces journaux ancrés dans le tissu même de nos communautés ultramarines se retrouvent désormais dans une situation de grande précarité.

La presse papier dans nos territoires d’outre-mer est un contrepoint indispensable, une voix qui témoigne, qui informe et qui incite à la réflexion critique. C’est un pilier de notre démocratie locale, un gardien de l’équilibre des pouvoirs et des idées. Pour assurer sa vitalité et sa survie, nous devons agir maintenant.

C’est pourquoi cet amendement est crucial. Il a pour objet une augmentation de crédits de 2 millions d’euros à l’action n° 02 « Aides à la presse » du programme 180 « Presse et médias ».

Pour garantir cette allocation, il prévoit également une réduction équivalente des crédits de l’action n° 02 « Industries culturelles » au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles ».

Certains pourraient percevoir cette réaffectation comme un simple déplacement de fonds d’une catégorie à une autre, mais c’est bien plus que cela. C’est un investissement direct dans le maintien de la vitalité démocratique de nos territoires d’outre-mer.

En soutenant nos médias locaux, en préservant leur pluralité et en garantissant leur pérennité, nous préservons les fondements mêmes de notre démocratie. Je vous appelle donc à soutenir cet amendement vital et à agir pour préserver la richesse démocratique et pour garantir que nos territoires d’outre-mer puissent continuer à bénéficier d’une presse libre et forte.