M. Olivier Paccaud. Le populisme, il a deux jambes : une droite et une gauche !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission sont marqués par une certaine faiblesse dans la prise en compte de l’inflation et de la hausse du coût de l’énergie.
La crise de la presse écrite s’aggrave sous les effets dévastateurs de la hausse du prix du papier, passé de 400 euros la tonne en 2021 à plus de 800 euros en 2023.
S’y ajoute une vive préoccupation sur l’accélération spectaculaire de la concentration des médias. Trois des industriels qui les contrôlent sont des acteurs majeurs de la téléphonie, ce qui accroît encore la dimension globale de ces concentrations.
Pourtant, la majeure partie des aides directes à la presse est captée par ces groupes de médias, et le même problème se pose dans la presse quotidienne régionale, où un nombre restreint de groupes capte l’essentiel des aides. Le dernier exemple en date d’un journal en difficulté est celui du Quotidien de La Réunion.
L’accélération en cours de la mainmise des grands groupes industriels sur les médias doit nous alerter sur le contrôle politique de l’information. La course à l’info spectaculaire se fait souvent au détriment de la qualité, ce qui affecte aussi les métiers et le pluralisme de l’information.
Il devient donc urgent d’engager une réforme profonde, afin que les aides tiennent compte de la situation économique des groupes auxquels ces titres appartiennent. Elles doivent évoluer en fonction de critères, notamment de gouvernance des titres.
Cette concentration est aussi de mise dans l’audiovisuel privé, secteur où l’on a pu constater le traitement hasardeux que certaines chaînes ont réservé à des événements récents, sans parler des atteintes inacceptables portées contre certaines productions cinématographiques avant même leur sortie en salle.
Cette logique, que je qualifierai de « ségrégationniste » à l’égard d’une partie de la population de notre pays, ou encore contre la liberté de création et de diffusion des œuvres, nous montre à quel point il est absolument primordial d’avoir un audiovisuel public fort. C’est aussi le bon moyen pour contenir les offensives de la parole extrémiste que certains se complaisent parfois à relayer sur des plateaux privés.
J’en viens au cinéma. Il nous semble également pertinent d’envisager dès à présent la mise en œuvre de dispositions visant à lutter contre toutes les formes de piratage.
Si l’on peut reconnaître que la dotation à l’audiovisuel public ne se traduit pas par de nouvelles coupes claires, il faut tout de même remarquer que les moyens qui y sont consacrés ne compensent pas les coups de rabot des années précédentes.
En outre, on peut s’interroger sur l’absence de solution pérenne pour compenser la fin de la redevance, comme certains de mes collègues l’ont déjà rappelé avant moi.
Enfin, le CNM est l’autre grand oublié de cette mission, alors qu’il est nécessaire d’en consolider le budget, les besoins de financement supplémentaires étant évalués entre 30 millions d’euros et 40 millions d’euros.
Telles sont les raisons qui nous conduiront à soutenir la proposition d’instauration d’une taxe sur le streaming, destinée à financer le Centre national de la musique.
Au demeurant, en raison d’un budget bien trop fragile à nos yeux, pour des secteurs absolument essentiels, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles » du PLF 2024 revêt une importance cruciale. Elle est le reflet de notre engagement en faveur de la préservation et de la diffusion de la richesse culturelle qui façonne notre identité nationale.
La presse écrite en France connaît une crise depuis 2000. Le chiffre d’affaires du secteur a chuté de 60 %, passant de 10,6 milliards d’euros à 6 milliards d’euros en 2022, principalement en raison de la baisse des ventes et de l’effondrement des recettes publicitaires.
Et les aides, bien que maintenues en apparence, diminuent en valeur réelle. En 2023, le Sénat a partiellement comblé ce manque en accordant une aide exceptionnelle de 30 millions d’euros. Une réforme urgente des aides directes à la presse est nécessaire, avec une meilleure conditionnalité et une place prépondérante à la presse numérique.
La situation de la distribution de la presse en France est également préoccupante. L’année 2024 sera décisive, avec la fin prévue de la péréquation de 9 millions d’euros.
Nous comptons sur les états généraux de l’information, lancés en juillet 2023, qui offrent l’occasion d’une réflexion sur l’avenir de l’information à l’ère numérique. Parallèlement, les résultats de l’Agence France Presse sont encourageants, au-delà des polémiques, et les discussions sur son contrat d’objectifs et de moyens 2024-2028 auraient bien avancé.
La pandémie a été un défi sans précédent, mais le soutien des pouvoirs publics a permis de préserver et même de faire prospérer certaines de nos industries culturelles. Je ne reviendrai pas sur celle du cinéma.
Le marché du livre, bien qu’en baisse de 5,4 % en 2022 par rapport à l’année précédente, enregistre une croissance de 3,7 % par rapport à 2019. Les défis internes au secteur de l’édition, notamment les rapprochements entre les grandes maisons, nécessitent une vigilance particulière pour garantir la diversité et la concurrence.
Des tensions persistent aussi entre auteurs et éditeurs, notamment sur la question cruciale de la rémunération. Il pourrait être nécessaire d’envisager des solutions législatives en 2024 pour intégrer les conclusions de l’accord de décembre 2022.
La réouverture du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France a été un succès, avec l’accueil de 700 000 personnes par an. En plus de ce projet, le nouveau contrat d’objectifs et de performance de la BNF, approuvé en 2022, se concentre sur des projets transversaux tels que le dépôt légal numérique et le pôle de conservation à Amiens.
Le grand chantier d’Amiens, qui devrait être opérationnel d’ici à 2029, vise à résoudre la saturation des magasins de collections et nécessite un investissement de 96,2 millions d’euros. Pour l’année 2024, une ouverture de 4 millions d’euros en crédits de paiement est prévue. L’inauguration de ce chantier sera une étape cruciale dans notre quête pour préserver et partager les trésors de la presse francophone et, ainsi, notre mémoire vivante.
Pour continuer sur le sujet, je souhaite évoquer la politique publique d’accès à la lecture. Depuis 2015, la commission de la culture du Sénat s’investit dans cette cause, avec des avancées significatives. Ainsi, le rapport de notre collègue Sylvie Robert en 2015 et la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, que nous avons adoptée à l’unanimité en 202, ont contribué à reconfigurer cette politique publique, en soulignant la nécessité d’adapter les horaires d’ouverture des bibliothèques.
Les contrats territoire-lecture offrent un sursaut, mais nous devons à présent réfléchir à la sortie du dispositif de soutien financier de l’État pour les collectivités qui y sont entrées en 2016 et 2017. Il faut aussi garantir la continuité de ces projets d’extension d’horaires.
En ce qui concerne le Centre national de la musique, nous sommes à un moment charnière. Créé en 2019, le CNM a joué un rôle crucial pendant la crise pandémique, mais son financement reste précaire. Aussi, je salue l’adoption par le Sénat d’une contribution obligatoire pour les plateformes de streaming musical payantes et gratuites. Cette mesure offrira au CNM une plus grande sécurité pour son financement, ainsi qu’une réelle indépendance.
À titre personnel, je ne fais pas partie des nostalgiques de la redevance audiovisuelle, mais nous attendons tous une solution pérenne pour le financement du secteur audiovisuel, dont nous pouvons saluer les progrès d’audience constatés et les réformes réalisées, même si celles-ci ont parfois été imposées.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Fialaire. Nous voterons en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission contribue de manière significative à la vitalité de notre secteur culturel et médiatique. Les chiffres présentés démontrent un engagement financier important, en augmentation notable par rapport à l’année précédente. Ils témoignent d’une volonté de soutenir et de renforcer l’écosystème des médias, du livre et des industries culturelles dans un contexte de transition numérique et écologique.
Concernant le programme 180 « Presse et médias », nous saluons les efforts déployés en 2023 dans le cadre du plan de soutien à la filière presse. En 2024, nous continuerons sur cette lancée en maintenant un niveau d’aides directes quasi stable, tout en évaluant les actions entreprises pour garantir la continuité de la distribution de la presse dans l’ensemble du territoire. La modernisation et l’investissement dans la filière restent des priorités, comme le montre l’augmentation du budget du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).
Le soutien à l’Agence France Presse est également conforté grâce à une augmentation des crédits dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens 2024-2028. Cette mesure vise à renforcer le rôle de l’AFP dans le paysage médiatique, notamment après l’accord ambitieux conclu avec un géant du numérique en 2021.
En ce qui concerne le programme 334 « Livre et industries culturelles », nous notons une augmentation significative des crédits alloués à la politique du livre. Cette hausse soutient diverses initiatives, allant de la reconquête des publics par les bibliothèques jusqu’à la modernisation de l’édition des livres numériques accessibles aux personnes en situation de handicap.
Nous saluons également l’attention portée à la présence du livre français à l’international, ainsi que la mise en œuvre de la loi visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs.
J’en viens au compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». Nous saluons l’augmentation substantielle de la dotation, conformément à la trajectoire pluriannuelle de l’audiovisuel public pour la période 2024-2028.
Le remplacement de la contribution à l’audiovisuel public par l’affectation d’une part du produit de la TVA a suscité des craintes légitimes dans nos rangs. La question du financement de l’audiovisuel public après 2025 est réelle et très importante.
Dans un amendement, notre collègue et rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, fin connaisseur du sujet, propose de diminuer de près de 210 millions d’euros les crédits alloués à l’audiovisuel public. Compte tenu du contexte, nous ne pensons pas qu’une diminution des crédits à court terme serait opportune.
Les entreprises de l’audiovisuel public ont besoin de cet argent pour mener à bien leurs missions, au moment où elles connaissent des surcoûts liés à l’inflation, et pour compenser les effets fiscaux que produit la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).
Bien évidemment, il est important de poursuivre ce débat sur le financement de l’audiovisuel public. Toutefois, j’aimerais conclure en vous faisant part du constat optimiste qui figure dans le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, publié par la commission de la culture de l’Assemblée nationale, au printemps dernier.
Ce constat, c’est celui de la bonne santé des médias publics et de l’adhésion des Français à leur audiovisuel public, et ce malgré le bouleversement du paysage audiovisuel. En effet, près de 70 % des Français estiment que le service public de l’audiovisuel fonctionne bien, contre, par exemple, 55 % s’agissant des transports publics. (Sourires.)
En outre, les sociétés de l’audiovisuel public font de bonnes audiences. Pour ne prendre que cet exemple, si la radio n’en finit pas de perdre des auditeurs, les antennes de Radio France continuent de progresser, et l’une d’elles a même battu son record d’audience historique selon les résultats publiés voilà un mois.
En conclusion, dans ce contexte, les crédits reflètent selon nous la volonté du Gouvernement de s’engager en faveur de la culture, des médias et du livre. Notre groupe salue cet engagement et votera les crédits de la mission et du compte spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, l’examen de la mission se déroule à un moment que nous pressentons charnière, sans que nous puissions cerner avec certitude les implications des mutations que traversent les industries culturelles.
Naturellement, je pense à l’intelligence artificielle (IA), dont l’impact, très concret en 2023, s’est matérialisé dans la grève qui a touché Hollywood. Les scénaristes, les acteurs, les doubleurs craignent à juste titre que les studios n’utilisent l’IA générative pour les remplacer, tout en faisant fi du droit d’auteur. Encore aujourd’hui, malgré l’accord conclu au début du mois de novembre dernier, les inquiétudes ne se sont pas dissipées.
Le monde du cinéma n’est pas le seul à être révolutionné par la démocratisation de l’IA. La programmation et la scénarisation des jeux vidéo le sont tout autant, à l’instar de la presse, qui a vu le nombre d’images et d’illustrations générées par l’IA croître sensiblement. En outre, plusieurs géants du numérique expérimentent des logiciels qui aideraient les journalistes à produire des articles.
Ainsi, les industries culturelles et les médias sont en première ligne face au bouleversement industriel, économique et sociétal – certains iraient jusqu’à dire « civilisationnel » – que représente l’IA, qui n’en est qu’à ses prémices. Si les pouvoirs publics s’attachent à définir un équilibre entre la régulation des usages et la stimulation de l’innovation – on le constate dans le cadre des débats auxquels donne lieu l’Articifial Intelligence Act à l’échelon européen –, les modèles économiques sont d’ores et déjà en transition.
Quoi qu’il en soit, en matière culturelle, un principe doit rester intangible : le droit d’auteur doit être respecté, protégé et adapté pour prendre en considération les développements de l’IA.
Madame la ministre, j’espère que la France tiendra une position ferme sur le sujet dans les discussions européennes.
Mme Catherine Morin-Desailly. Bravo !
Mme Sylvie Robert. À l’aune de ce contexte, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » fait l’objet, à périmètre constant, d’une augmentation de 4,12 % par rapport à la loi de finances 2023. Si nous ne pouvons que saluer cette progression, les fortes incertitudes qui pèsent sur les différents secteurs et les turbulences à venir freinent nécessairement notre engouement.
En premier lieu, j’évoquerai sans surprise le financement du CNM. Bien qu’elle soit devenue incontournable pour l’écosystème musical et qu’elle ait fait ses preuves pendant la crise covid, la maison commune ne dispose toujours pas de gages financiers à moins d’un mois du début de l’exercice 2024.
Face au mutisme du Gouvernement, pourtant pressé de toutes parts, face à la promesse non tenue du Président de la République, le Sénat a pris ses responsabilités et a entériné la création d’une taxe sur le streaming, dans un consensus qui a contraint le Gouvernement à donner un avis de sagesse sur les amendements concernés.
Cependant, une question demeure. Cette taxe sera-t-elle conservée dans le budget final ? Madame la ministre, le Gouvernement souscrit-il enfin à sa création ou privilégie-t-il encore la position, que je qualifie d’injuste, d’une contribution volontaire des plateformes qui insécurisera et déstabilisera le CNM ?
Sans une taxe pérenne, au rendement certain, le CNM ne pourra plus remplir l’ensemble des missions qui ont été déployées et qui vont bien au-delà du seul soutien au secteur.
En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas accepter cette hypothèse, d’autant moins que nous avions alerté sur le risque d’impasse financière, dès que nous avions examiné la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique de notre collègue Hugonet.
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait.
Mme Sylvie Robert. Alors que le CNM est monté en puissance, ces dernières années, un retour en arrière qui fragiliserait les acteurs de la filière musicale n’est pas concevable.
Par ailleurs, dans le domaine de la presse, la relative stabilisation des crédits peut s’expliquer par l’organisation des états généraux de l’information.
Cependant, il est évident que le PLF 2025 servira de juge de paix, car le statu quo en matière d’aides à la presse n’est pas envisageable. Dès 2022, la commission d’enquête sur la concentration des médias appelait, dans son rapport, à réformer les aides à la presse et à « réviser les conditions d’octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés », et ce afin de mieux soutenir la presse indépendante.
Toujours dans le cadre du programme 180, la légère croissance des crédits alloués au fonds de soutien à l’expression radiophonique permettra de poursuivre l’accompagnement des radios diffusant en FM et en DAB+. J’ai quelques réserves sur le déploiement territorial du DAB+, qui ne m’apparaît pas toujours très équilibré. (Mme Sonia de La Provôté manifeste son approbation.)
En Bretagne, j’ai indiqué à l’Arcom qu’en l’état, le tissu des radios associatives risquait d’être appauvri parce que seulement 25 radios associatives sur 32 pourraient basculer en DAB+. La réduction de cette offre de proximité serait bien évidemment préjudiciable. Il convient donc de s’assurer que le DAB+ n’aboutira pas à délaisser certains pans de nos territoires, notamment les zones rurales.
En ce qui concerne le livre, je me réjouis que la part de la dotation générale de décentralisation (DGD) consacrée aux bibliothèques soit en hausse, à 95 millions d’euros, et comporte un volet spécifique consacré aux outre-mer.
Cependant, nous devrons rester vigilants.
D’une part, les collectivités territoriales ont mis en place des projets d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, dans le cadre des contrats territoire-lecture qui prennent le relais du dispositif de la DGD. Il faudra procéder à une évaluation pour s’assurer que les collectivités sont en mesure de maintenir le volume des horaires d’ouverture de leur bibliothèque.
D’autre part, si l’on a pu constater des progrès dans la relation entre les auteurs et les éditeurs, notamment à la suite de l’excellent travail réalisé par M. Sirinelli et Mme Dormont, dans le cadre de leur mission de médiation, la négociation à venir sur le partage de la valeur et la rémunération des auteurs reste épineuse, alors qu’il s’agit d’un sujet central.
J’en viens à présent au compte de concours financiers relatif à l’audiovisuel public.
À cet égard, mes chers collègues, je regrette que depuis plusieurs années le débat soit très dogmatique, voire caricatural dans notre hémicycle.
Monsieur le rapporteur spécial, je déplore certains jugements, notamment vos interrogations sur le nombre d’antennes de Radio France et vos critiques, qui visent singulièrement les radios Mouv’ et FIP, bien que celles-ci soient parfaitement identifiées par le public et que les audiences de FIP en fassent la huitième radio la plus écoutée en France.
De manière similaire, le supposé « abaissement de la qualité des programmes » de France Télévisions que vous dénoncez est démenti par la qualité de l’information qui est distillée sur ses antennes, par le « renforcement de l’offre de proximité » et par l’« offre plurielle » garantissant une « variété de contenus ciblant différents publics », selon le dernier rapport de l’Arcom sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Tout cela aux frais du contribuable !
Mme Sylvie Robert. Monsieur le rapporteur spécial, se focaliser sur la « production coûteuse d’un feuilleton quotidien assez peu ambitieux », qui ne représente en réalité que 3,1 % de la programmation totale de France 2, est une manière assez étonnante d’analyser les choix éditoriaux de la chaîne.
En 2022, France Télévisions a conforté sa place de premier financeur de la fiction audiovisuelle en France. Belle prestation quand on sait l’enjeu colossal que représente la fiction dans le paysage audiovisuel mondial !
Par conséquent, je ne comprends pas un tel acharnement – nous pourrons y revenir – que symbolise votre amendement visant à diminuer les crédits accordés à l’audiovisuel public de près de 210 millions d’euros. Pourtant, entre 2015 et 2022, les ressources publiques allouées à France Télévisions se sont taries de 3,3 %.
Comme le démontre l’inspection générale des finances (IGF) dans son rapport sur le financement de l’audiovisuel public, les dotations de France Télévisions auraient dû atteindre 4,2 milliards d’euros en 2022, si l’on avait tenu compte de l’inflation : on est loin des 3,6 milliards d’euros qui ont été versés.
C’est pourquoi notre groupe a déposé un amendement qui vise à transformer la nouvelle part conditionnelle octroyée à quatre des six sociétés de l’audiovisuel public, en crédits budgétaires sécurisés. En effet, non seulement cette part variable est conditionnée à des « projets de transformation et de modernisation » peu définis et critérisés, mais cette enveloppe ajoute surtout de l’incertitude à l’incertitude dans la mesure où les contrats d’objectifs et de moyens pour les années à venir ne sont pas encore connus.
L’audiovisuel public a besoin de visibilité pour mettre en œuvre sa vision stratégique. Or cela manque cruellement pour l’instant. Depuis la suppression de la CAP, le Gouvernement n’a annoncé aucun calendrier ni aucune piste d’évolution.
Madame la ministre, nous ne pouvons pas nous retrouver, comme en 2022, dans une situation d’improvisation alors que l’échéance arrive.
Au regard de cet horizon pour le moins brumeux, et sauf adoption de notre amendement, il est impossible pour notre groupe de voter les avances à l’audiovisuel public. En revanche, nous voterons les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Madame la ministre, pour 2024, les chantiers sont nombreux, les attentes sont fortes et vos décisions seront importantes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits que nous examinons sont aussi importants que le champ de la mission est vaste.
Celle-ci touche aux usagers, sans doute encore plus encore que la mission précédente, car il s’agit de la presse et des livres que nous lisons, de la télévision que nous regardons, de la musique que nous écoutons ou même des jeux vidéo auxquels nous jouons.
Nous abordons aussi un domaine qui engage la souveraineté de la France, car tous ces outils participent au rayonnement de notre pays. Les enjeux doivent être envisagés à ce niveau, d’où la nécessité d’avoir des politiques publiques, cohérentes, solides et ambitieuses.
Des améliorations ont été apportées par rapport à l’année dernière et la commission de la culture, dont je salue les membres, y a pris sa part. Elle a attiré l’attention sur certaines difficultés et le dialogue constant que nous avons pu mener avec le ministère de la culture a porté ses fruits.
Mais la situation reste préoccupante, malgré quelques lueurs et davantage de visibilité. Il existe encore des insuffisances, notamment en raison de l’absence de réforme d’ensemble dans certains domaines.
La lecture reste une priorité, pas seulement budgétaire, mais aussi humaine. En effet, l’accès à la vie, à la société et à la citoyenneté est conditionné par ce précieux apprentissage. Il s’agit non seulement d’une activité ludique, mais aussi d’un accès au monde des adultes.
S’il faut se réjouir de la hausse des crédits pour la stratégie nationale en faveur de la lecture, cette déclinaison territoriale doit être davantage soutenue. Pour encourager la lecture, il faut poursuivre l’effort d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, en particulier dans nos communes rurales, où les résultats ont été positifs, voire prometteurs.
Comment soutenir les initiatives locales en faveur de la lecture et, surtout, comment aider nos collectivités, qui sont de précieux appuis pour éviter le décrochage d’une partie de la jeunesse en matière de lecture ?
Le livre connaît une certaine embellie, qui se traduit par une hausse de 3,7 % du marché de l’édition par rapport à 2019, et c’est heureux.
Mais force est de constater que les relations entre auteurs et éditeurs restent compliquées et tendues, avec, notamment, de vives divergences entre eux sur le partage de la valeur. Nous avons évité une surconcentration, mais il faut tenir compte des inquiétudes et faire en sorte que le marché soit concurrentiel.
Comment continuer à développer une véritable politique du livre dans nos territoires, avec ce cri du cœur : « Comment faire aimer le livre ? »
Dans ce domaine, il faut saluer la place de la BNF, dont le budget, qui occupe une large part du présent programme, s’élève à 242,6 millions d’euros, en progression de 6,1 %.
Mais la BNF subit de plein fouet l’explosion des coûts, notamment ceux de l’énergie, et fait face à des charges incompressibles, comme celles de son personnel, qui augmentent de 14 millions d’euros.
Cela étant, la gestion de la BNF est sérieuse et, malgré les difficultés, je veux saluer ses efforts.
Outre l’accueil des lecteurs, je tiens à souligner l’existence de chantiers importants, comme celui du futur pôle de conservation des collections à Amiens, dont l’ouverture est prévue en 2029. Ce site, qui hébergera le Conservatoire national de la presse, doit accueillir la plus grande collection de la presse francophone.
Madame la ministre, comment garantir les missions de la BNF dans ce contexte de surcoût persistant, qui résume les difficultés que peuvent subir des établissements culturels ?
La situation de la presse, quant à elle, est préoccupante, malgré des aides aussi diversifiées que constantes. Les crédits sont au rendez-vous ; là encore, il faut s’en féliciter.
Nous sommes tous attachés à disposer d’une information objective, documentée, juste et vérifiée. Média classique par excellence, mais confrontée à une crise structurelle, bien antérieure à l’apparition d’internet, la presse fait l’objet de l’attention constante des pouvoirs publics.
Outre la concurrence des plateformes numériques, on constate un effondrement des recettes publicitaires depuis quinze ans. La récente problématique de la hausse des prix, par exemple du papier ou des carburants, aggrave – hélas ! – la situation. Aujourd’hui, la presse cumule les difficultés, dont certaines sont anciennes, d’autres moins. En tout cas, le constat est là : 60 % de recettes en moins ces vingt dernières années.
La question des aides à la presse reste d’actualité, même si l’on constate une faible hausse des crédits qui lui sont consacrés.
Au-delà de l’aide aux journaux, la presse doit surtout permettre un accès à l’information de tous les citoyens sur le territoire.
La question du portage et du colportage se pose aussi depuis la mise en œuvre récente de la nouvelle aide à l’exemplaire à double barème, sans oublier le soutien à France Messagerie, qui est la seule société à couvrir l’ensemble du territoire.
Se pose enfin la question de l’accès à la presse des différents publics, dont certains sont réputés être réticents. Je pense surtout aux jeunes, qui non seulement constituent le public qui lit le moins les journaux, mais sont aussi attirés par de vrais concurrents, de faux amis de la lecture et de l’information : les réseaux sociaux.
À cet égard, comment encourager les jeunes à se tourner vers la presse ? L’extension du pass Culture aux abonnements pour 2024 permettra-t-elle d’améliorer la situation ?
Enfin, la presse quotidienne régionale (PQR) doit être accompagnée dans sa transition numérique, puisque, pour compenser la perte d’un abonné papier, trois à quatre abonnés numériques sont nécessaires.
Madame la ministre, comment avoir une information fiable qui nourrit le citoyen et sa réflexion et qui renforce son esprit critique, et non une information biaisée qui désinforme et abaisse ? Une politique ne sera efficace que si elle est en mesure d’éclairer le citoyen.
Je veux aussi aborder la situation de l’Agence France Presse (AFP), vitrine de notre pays. On observe une hausse de ses crédits, qui accompagne le redressement financier de l’agence. Des économies ont même été réalisées, ce dont je me réjouis.
L’AFP a commencé à exercer de nouvelles missions, comme le fact checking – pardonnez-moi cet anglicisme –, mais encore faut-il que la réorganisation de ses services lui permette de mieux les mener.
Nous resterons vigilants à ce sujet, madame la ministre. Nous souhaiterions d’ailleurs que vous nous apportiez davantage de précisions, car l’AFP est un organisme sous le contrôle de l’État, et non un acteur privé. Sa parole engage, et toute polémique sur l’AFP prend toujours de l’ampleur.
La question de l’identité de l’audiovisuel public se pose également. Nous avons besoin d’un service public fort ayant sa propre identité, d’une véritable marque « France », capable de relever la concurrence des grands noms étrangers, et non d’un décalque des chaînes privées.
Pourquoi parle-t-on de la BBC, mais pas de France Télévisions à l’étranger ? Il y a comme un retard.
On peut aussi s’interroger sur les achats par France Télévisions de certaines productions. Peut-être faudra-t-il que la société se concentre sur ce qui atteste la spécificité d’un grand groupe public à dimension internationale capable de relever le défi de la concurrence étrangère.
Certes, on note aussi un certain nombre d’améliorations, comme le financement de l’audiovisuel public par un prélèvement sur les recettes de TVA. Mais cette ressource n’est pas pérenne. Il reste un an pour trouver une solution durable.
Je tiens à saluer les évolutions constatées sur le CNM, dont certaines sont nées d’initiatives sénatoriales.
Une solution sérieuse a émergé avec une éventuelle « taxe streaming ». À cet égard, je salue la démarche du président de notre commission, Laurent Lafon. C’est une forme d’aboutissement par rapport aux craintes que nous avions exprimées. Cela a porté ses fruits. Je me réjouis que nous passions enfin du brouillard à la clarté.
C’est bien la preuve que le Sénat, sur la délicate question du financement de nos établissements culturels, est force de proposition et qu’il sait prendre des décisions après avoir dressé un certain nombre de constats, comme l’échec des contributions volontaires.
Mais comment surmonter les réticences des plateformes, alors que le secteur est dynamique ? Un dialogue confiant devra s’engager pour rassurer les acteurs du streaming.
La levée des inquiétudes concernant le financement du Centre national de la musique doit aussi être l’occasion de nous interroger sur ses missions. Comment mieux mettre en œuvre la politique publique en faveur de la musique ?
La pluralité de nos créations musicales et de nos musiques est un véritable sujet. Je vous l’avoue, les attaques et les dénigrements malveillants contre les musiques classiques m’inquiètent, tout comme la fragilité des musiques de nos terroirs, qui risquent véritablement de disparaître.
En commission, nous avons fait part de notre attachement au patrimoine immatériel, dont les traditions musicales de nos territoires font partie. Leur défense s’impose.
Notre vigilance n’a d’égale que notre espérance, car nous croyons en l’avenir et au potentiel de la culture dans un pays dont la réputation n’est plus à faire.
Je veux être optimiste : je ne suis pas une adepte du déclin et de la déploration systématique et résignée. Et comme Joachim du Bellay, je veux rappeler que la France est « mère des arts, des armes et des lois ». Chez ce grand poète, c’est bien notre culture qui apparaît en premier.
Sous toutes ces réserves, nous émettons un avis favorable sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)