Sommaire
Présidence de M. Dominique Théophile
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Loi de finances pour 2024. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Demande de priorité de l’article 55 et des amendements portant articles additionnels après l’article 55. – Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances ; M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. – Adoption.
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
M. Georges Patient, rapporteur spécial
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
6. Loi de finances pour 2024. – Suite de la discussion d’un projet de loi
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Amendement n° II-1112 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1110 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1111 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1117 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° II-1119 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1118 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1162 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1164 rectifié de M. Teva Rohfritsch. – Rejet.
Amendement n° II-1109 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1172 rectifié de M. Teva Rohfritsch. – Rejet.
Amendement n° II-1115 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1116 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° II-1153 rectifié de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1108 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° II-1133 de Mme Micheline Jacques. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-1202 rectifié de M. Stéphane Fouassin. – Rejet.
Amendement n° II-1173 rectifié de M. Teva Rohfritsch. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-1152 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1114 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° II-1215 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-1134 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-1145 rectifié de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1146 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1103 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° II-1104 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° II-1149 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1174 rectifié de Mme Audrey Bélim. – Rejet.
Amendement n° II-1082 de M. Akli Mellouli. – Rejet.
Amendement n° II-1147 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-125 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° II-1126 de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° II-1122 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Amendement n° II-1181 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Adoption.
Amendement n° II-121 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.
Amendement n° II-1150 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1135 rectifié de M. Stéphane Fouassin. – Adoption.
Amendement n° II-35 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-1176 rectifié de Mme Audrey Bélim. – Rejet.
Amendement n° II-1163 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Adoption.
Amendement n° II-1148 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° II-1175 rectifié de Mme Audrey Bélim. – Rejet.
Amendement n° II-1138 rectifié de M. Frédéric Buval. – Adoption.
Amendement n° II-37 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-1159 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Rejet.
Amendement n° II-1083 de M. Akli Mellouli. – Adoption.
Amendement n° II-128 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.
Amendement n° II-127 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.
Amendement n° II-36 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-1182 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
Suspension et reprise de la séance
Transformation et fonction publiques
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Gestion des finances publiques
Régimes sociaux et de retraite
Compte d’affectation spéciale : Pensions
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques
transformation et fonction publiques
Amendement n° II-4 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-741 rectifié bis de M. Patrice Joly. – Rejet.
Amendement n° II-1198 rectifié de Mme Audrey Linkenheld. – Rejet.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », figurant à l’état B, modifiés.
compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.
gestion des finances publiques
Amendement n° II-21 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-1184 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° II-1185 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », figurant à l’état B, modifiés.
Amendement n° II-2 rectifié de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-3 de la commission. – Adoption.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B, modifiés.
régimes sociaux et de retraite
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.
compte d’affectation spéciale : pensions
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.
Articles 55 ter et 55 quater (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° II-1212 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
Amendement n° II-1445 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-1080 de Mme Colombe Brossel. – Rejet.
Amendement n° II-549 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Rejet.
Amendement n° II-550 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
Amendement n° II-1200 de Mme Mathilde Ollivier. – Retrait.
Amendement n° II-1201 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° II-43 de Mme Nathalie Goulet. – Non soutenu.
Amendement n° II-1073 rectifié de M. Michel Savin. – Retrait.
Amendement n° II-1086 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-1085 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° II-1187 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° II-1196 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° II-1079 de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° II-500 rectifié ter de M. Jean-Baptiste Blanc. – Adoption par scrutin public n° 91.
Amendement n° II-538 rectifié bis de M. François Patriat. – Adoption par scrutin public n° 91.
Amendement n° II-1199 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° II-1072 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° II-1204 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° II-1189 de M. Pierre Ouzoulias. – Retrait.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B, modifiés.
Médias, livre et industries culturelles
Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Jean-Noël Guérini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture
médias, livre et industries culturelles
Amendement n° II-1078 de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° II-1192 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° II-1136 de M. Stéphane Fouassin. – Rejet.
Amendement n° II-1203 rectifié de Mme Monique de Marco. – Retrait.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
Amendement n° II-5 de la commission. – Rejet par scrutin public n° 92.
Amendement n° II-1197 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Vote sur les crédits du compte spécial
Rejet des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Loi de finances pour 2024
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
seconde partie (suite)
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales
Outre-mer
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 55 et 55 bis).
Demande de priorité
Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, je demande l’examen en priorité de l’article 55, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s’y rapportent.
M. le président. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je suis donc saisi par Mme Micheline Jacques d’une demande de priorité sur l’article 55 ainsi que sur les amendements portant article additionnel qui s’y rapportent, afin qu’ils soient examinés avant les crédits de la mission.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Favorable !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la demande de priorité.
(La demande de priorité est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le principal objectif des crédits de la mission « Outre-mer » est le rattrapage des écarts existant entre les territoires d’outre-mer et la métropole. Ces écarts, déjà forts et persistants, ont de surcroît tendance à s’accroître, et ce dans nombre de domaines : PIB, chômage, illettrisme, illectronisme ou encore espérance de vie.
En outre, de nouveaux enjeux se font jour pour les territoires d’outre-mer, dont les crédits de la mission devront tenir compte à l’avenir.
En effet, la crise sanitaire a souligné la très grande dépendance des territoires ultramarins aux importations alimentaires, tandis que la crise économique et l’inflation ont mis en exergue leur dépendance énergétique. Aussi l’autonomie alimentaire et la transition écologique constituent-elles, pour les outre-mer, deux défis majeurs de plus à relever dans les années à venir.
À cet égard, les annonces faites à l’issue du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023 représentent une avancée notable, sans répondre néanmoins à toutes les attentes. Reste surtout à les concrétiser par des moyens budgétaires et par un réel suivi, régulier et exhaustif.
La question d’une réforme institutionnelle, ou d’une évolution statutaire, demande prégnante dans certains territoires d’outre-mer, n’a pas été abordée dans le cadre du Ciom, alors même que le Président de la République s’était déclaré ouvert à la discussion.
Par ailleurs, les enjeux sécuritaires, qui sont pourtant au cœur des préoccupations ultramarines, n’ont pas non plus été traités.
La tenue d’un « Oudinot du pouvoir d’achat » avait aussi été évoquée en septembre 2022. Force est cependant de constater que, si des annonces ont été faites en ce sens lors du Ciom, aucune mesure d’ensemble sur le pouvoir d’achat n’a été actée.
Ces remarques étant faites, je salue la hausse des crédits budgétaires de la mission : c’est un pas important qui est franchi en vue de la mise en œuvre des annonces du Ciom.
Pour ce qui est du programme 123, qui recense les crédits des politiques publiques en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer, cette hausse porte sur trois domaines fondamentaux pour nos territoires.
Tout d’abord, un effort notable de près de 50 millions d’euros est consenti afin de poursuivre la dynamique lancée par le plan Logement outre-mer en développant et en rénovant l’habitat, mais aussi en résorbant l’habitat indigne.
Ensuite, les moyens alloués à la continuité territoriale sont renforcés de 22 millions d’euros.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2024 maintient et renforce l’aide ciblée en direction de certains territoires au travers des contrats de redressement en outre-mer (Corom), pour 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16 millions d’euros en crédits de paiement.
Toutefois, il me semble nécessaire de renforcer encore ce dispositif, au regard du nombre de communes en difficulté. En effet, sur les cent vingt-neuf communes que comptent les départements et régions d’outre-mer (Drom), trente sont inscrites dans le réseau d’alerte sur les finances locales de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
C’est pourquoi nous vous proposerons, mes chers collègues, d’augmenter par amendement les crédits alloués aux Corom de 18 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement, en sus de la hausse déjà votée par l’Assemblée nationale de 9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 millions d’euros en crédits de paiement.
Il convient également de souligner que le soutien exceptionnel de l’État à la collectivité de Guyane est prolongé en 2024, à hauteur de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
En revanche, les crédits alloués à l’appui à l’accès aux financements bancaires et au soutien en ingénierie diminuent, alors même que le besoin de financement des acteurs économiques locaux pourrait augmenter en 2024, dans un contexte de crise économique.
C’est pourquoi nous vous soumettrons, sur l’initiative de mon collègue Teva Rohfritsch, deux amendements visant à augmenter de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1 million d’euros en crédits de paiement, d’une part, les crédits alloués à la société de gestion des fonds de garantie d’outre-mer (Sogefom), qui garantit les crédits en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités du Pacifique, d’autre part, les crédits alloués au fonds outre-mer aux fins de développer le soutien à l’ingénierie des communes et intercommunalités de Polynésie.
Ce second point comptait du reste au nombre des préconisations de notre rapport sur les Corom.
Quant au programme 138 « Emploi outre-mer », qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l’amélioration de l’employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins, il enregistre également une hausse substantielle. Cette hausse résulte essentiellement de celle des crédits consacrés aux exonérations de charges sociales, dans un contexte où la masse salariale en outre-mer augmente régulièrement depuis 2022 et la fin de la crise sanitaire.
Ces exonérations sont un outil indispensable au maintien et à la création des emplois.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposerons d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».
Pour ce qui concerne l’article 55 rattaché, qui a suscité ces derniers jours de nombreuses réactions, nous nous montrerons ouverts à la discussion s’agissant de rechercher et de trouver des voies d’amélioration consensuelles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue bien entendu, comme mon collègue Georges Patient, la hausse des crédits de la mission « Outre-mer ».
Il convient également de rappeler que ces crédits ont, de surcroît, été augmentés par plusieurs modifications apportées par l’Assemblée nationale.
Je pense notamment à la hausse du fonds exceptionnel d’investissement de 50 millions d’euros, dont 10 millions pour les investissements liés à la distribution de l’eau à Mayotte, mais aussi à l’abondement de 5 millions d’euros du fonds de secours pour l’outre-mer, qui prend partiellement en charge l’indemnisation des dégâts causés par les catastrophes naturelles, à l’ouverture de 10 millions d’euros de crédits destinés à l’Agence française de développement ou encore de plus de 2 millions d’euros destinés à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom).
L’impact total de ces mouvements de crédits s’établit à 89 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 34 millions d’euros en crédits de paiement.
En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l’économie, à l’attractivité des territoires et à l’effort général de rattrapage de l’écart de niveau socioéconomique entre l’outre-mer et la métropole.
Les dépenses fiscales associées aux deux programmes de la mission devraient s’établir, en 2024, à plus de 5 milliards d’euros, soit deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission elle-même.
Dans la loi de finances pour 2023, plusieurs modifications bienvenues étaient intervenues pour prolonger, jusqu’en 2029, des dépenses fiscales dont le fait générateur allait s’éteindre. Je me souviens également d’un amendement adopté par le Sénat qui étendait le bénéfice de ces dispositions aux collectivités du Pacifique.
Nous estimons que ces dépenses fiscales sont un outil indispensable pour l’économie ultramarine, tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de mieux les évaluer et, au besoin, de les modifier.
Dans ce contexte, les démarches entreprises ces dernières années vont dans le bon sens et doivent être poursuivies. Les évolutions envisagées devront néanmoins s’effectuer en concertation avec les acteurs et avec les élus locaux, mais aussi sur la base de consultations et à la lumière d’une évaluation préalable, et non à l’aveugle.
L’acceptabilité et la pertinence de ces réformes dépendront du dialogue qui sera mis en place. Les débats intervenus dans notre assemblée en première partie, notamment sur l’article 7 ter, témoignent de la nécessité d’adapter la méthode.
De surcroît, en complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales associées, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général. Ainsi le montant total des contributions budgétaires s’élève-t-il, dans le projet de loi de finances pour 2024, à 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 29 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 195 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 648 millions d’euros en crédits de paiement.
Ces crédits pluriministériels permettent, notamment, le financement de plusieurs plans thématiques importants pour nos territoires d’outre-mer : le plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement, le plan Séisme Antilles, le plan Sargasses, le plan Logement outre-mer et le plan Chlordécone. Nous saluons donc leur augmentation.
Enfin, les territoires d’outre-mer bénéficient des crédits du plan de relance et du fonds vert. Pour ce qui concerne le plan de relance, 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement environ avaient été consommés en outre-mer à la fin de 2022, soit 500 millions d’euros de moins que le montant d’ouverture initialement annoncé.
Cette sous-consommation, en deçà des attentes et en deçà des besoins, s’explique pour partie par la faiblesse de l’ingénierie en outre-mer et par d’autres contraintes locales, comme la difficulté à trouver du foncier disponible.
À titre d’exemple, en Polynésie française, certains dispositifs se sont révélés inadaptés au statut d’autonomie du pays. Faute de satisfaction de certains prérequis, comme la couverture du territoire par le système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements (Sirene), il n’a pas été possible d’y mettre en place le dispositif, pourtant très attendu localement, des conseillers numériques.
S’il en était besoin, la mise en œuvre du plan de relance, comme celle d’autres dispositifs auparavant, met en exergue l’absolue nécessité de tenir compte des spécificités territoriales et de développer des approches différenciées entre la métropole et les territoires d’outre-mer, mais également entre les territoires d’outre-mer eux-mêmes.
En d’autres termes, mes chers collègues, il s’agit tout simplement de tenir compte des lois organiques portant statut de nos territoires respectifs votées par le Parlement national.
Le fonds vert, pour sa part, a été fortement sollicité en outre-mer. Ainsi, 403 dossiers ont été déposés au 20 septembre 2023, le montant total des aides demandées s’élevant à plus de 220 millions d’euros ; 160 dossiers ont été sélectionnés, pour un montant total de 93 millions d’euros.
Au regard de ces chiffres, l’enveloppe budgétaire allouée pour 2023 ne permettra pas l’instruction de tous les dossiers déposés. Les porteurs de projet ont naturellement été invités à présenter leurs dossiers non retenus en 2023 à l’appel à candidatures pour 2024. Vous conviendrez que nous obérons, par ce biais, la mobilisation de nouveaux projets au cours de cette période.
Certes, une telle situation n’est pas propre aux territoires ultramarins : elle atteste l’ampleur des besoins d’investissement en faveur de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique – je sais que vous y êtes sensible, monsieur le ministre.
Les outre-mer sont aux avant-postes de ces bouleversements et méritent un soutien accru sur ces questions.
Ce succès du fonds vert démontre que nos territoires d’outre-mer savent se montrer dynamiques face aux impératifs, dont la résonance est pour eux quotidienne, de transition écologique et de protection de l’environnement.
Comme mon collègue Georges Patient l’a indiqué, nous appelons à voter en faveur des crédits de la mission tout en restant bien entendu attentifs au débat que nous aurons sur l’article 55. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin et MM. Bernard Buis et Frédéric Buval applaudissent également.)
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a choisi de rendre un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024.
Les crédits dédiés aux territoires ultramarins étant répartis au sein de trente-deux missions budgétaires, c’est peu dire qu’il n’est pas aisé d’apprécier dans sa globalité l’effort consenti par l’État en faveur du rattrapage de nos territoires ultramarins. Pour ce qui est des crédits du très restreint périmètre de la mission « Outre-mer », nous notons avec satisfaction que nombre des recommandations de notre assemblée, portant notamment sur le logement ou sur la continuité territoriale, ont été suivies dans le cadre de ce budget, ainsi que dans celui des annonces issues du comité interministériel des outre-mer.
Naturellement, beaucoup reste à faire ; mais, lorsque le Gouvernement reprend à son compte des propositions qui lui sont faites, il convient de le noter.
Cela dit, pour ce qui concerne la question du logement social, sur laquelle je souhaite insister, les résultats en matière de construction, de réhabilitation et de lutte contre l’habitat indigne demeurent très en deçà des ambitions affichées, année après année, par le Gouvernement.
Avec 2 729 logements livrés en 2022, nous avons atteint un point bas historique de la construction, alors que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social.
Le rythme des réhabilitations, environ 2 000 par an, n’est pas non plus satisfaisant, au regard des besoins observés et du vieillissement de certaines populations que l’on entend maintenir à domicile.
Enfin, que dire de la lutte contre l’habitat indigne ? Près de 150 000 logements indignes sont recensés par la Fondation Abbé Pierre et près de trois Ultramarins sur dix seraient en situation de mal-logement ou confrontés à l’absence de logement personnel, ce qui témoigne, monsieur le ministre, de l’insuffisance de votre politique.
Face à ce constat, la commission note avec satisfaction que les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) augmentent assez substantiellement pour toutes les sous-actions. Il demeure toutefois indispensable d’accroître les moyens qui sont consacrés à la politique du logement.
Nous tenons par ailleurs à souligner l’existence d’un autre puissant frein à cette politique, celui de la mauvaise – pour ne pas dire inexistante – acclimatation des normes hexagonales aux territoires ultramarins.
Je citerai brièvement deux exemples : le sujet du marquage régions ultrapériphériques (RUP), pourtant identifié de très longue date, n’est toujours pas sérieusement traité ; quant au diagnostic de performance énergétique des logements, il se révèle inadapté aux territoires ultramarins, ce qui a pour conséquence très concrète d’exclure nos compatriotes du bénéfice de l’essentiel des aides du dispositif MaPrimeRénov’, dont les montants sont pourtant autrement plus importants que ceux des aides financées par les crédits LBU.
Il y a là deux exemples parmi tant d’autres de tout ce qui, en outre-mer, freine la construction et la réhabilitation des logements en augmentant les coûts que doivent supporter les bailleurs, les locataires et les propriétaires.
En conclusion, monsieur le ministre, je dis « oui » aux crédits, ils sont indispensables – et les montants alloués restent probablement insuffisants ; mais il est absolument nécessaire de s’attaquer dans le même temps à la question des normes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour l’année 2024 sont en forte hausse par rapport à l’année précédente. Après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le présent projet de loi de finances, l’augmentation s’élève à 9 % en autorisations d’engagement et à 5 % en crédits de paiement.
Nous nous félicitons de cette augmentation notable des crédits, qui intervient dans un contexte encore incertain pour les territoires ultramarins, marqué par une inflation persistante, une aggravation des inégalités et une multiplication des tensions sociales.
Ces crédits supplémentaires permettront, tout d’abord, de financer la construction de logements et la lutte contre l’habitat indigne, qui constituent un enjeu majeur. Vous le savez, les logements insalubres représentent en moyenne 18 % des logements en outre-mer.
Ces crédits permettront, ensuite, le renforcement de la continuité territoriale, notamment grâce à l’élargissement des publics éligibles à l’aide à la continuité territoriale.
Les ouvertures de crédits ont également vocation à renforcer l’insertion professionnelle, via par exemple la poursuite du déploiement du plan SMA 2025+, qui vise à améliorer le service militaire adapté, dont l’efficacité n’est plus à prouver.
Quant au soutien aux collectivités territoriales, il sera renforcé : en témoignent la pérennisation des contrats de redressement en outre-mer et le financement de nouveaux contrats de convergence et de transformation.
Si cette hausse des crédits est bienvenue, je souhaiterais toutefois insister sur deux points.
Tout d’abord, il est indispensable de poursuivre cet effort budgétaire dans la durée, notamment dans le domaine du logement, afin de fournir un habitat décent à chaque citoyen ultramarin.
Ensuite, le pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer » apparaît largement perfectible. Depuis plusieurs années, plusieurs ajustements ont été mis en œuvre pour améliorer ledit pilotage. Toutefois, la gestion de la mission reste marquée par une sous-consommation des crédits, qui concerne notamment la ligne budgétaire unique.
Compte tenu de l’ampleur des enjeux relatifs à l’habitat insalubre en outre-mer, il n’est pas acceptable que les crédits votés par le législateur ne soient pas exécutés en totalité pour améliorer la situation. A contrario, j’ai constaté une importante surexécution des crédits concernant la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines.
Enfin, le volume de restes à payer, qui est très élevé, représente un risque avéré pour la soutenabilité de la mission budgétaire.
La commission des lois appelle donc le Gouvernement à poursuivre l’amélioration du pilotage budgétaire de la mission.
En dépit de ces quelques faiblesses, et compte tenu des éléments positifs qui ont été relevés, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2024, les moyens financiers déployés en faveur de la mission « Outre-mer » s’élèvent à 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,6 milliards d’euros en crédits de paiement à périmètre constant, soit des hausses respectives de 6,8 % et de 4,5 % par rapport à 2023.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants salue cette augmentation des moyens au service de nos concitoyens.
La mission « Outre-mer » répond à quatre grandes orientations budgétaires de la politique du Gouvernement.
La première a trait aux préoccupations quotidiennes des habitants de ces territoires et s’organise elle-même autour de trois grands axes : le logement, l’accès à l’eau et la lutte contre les sargasses.
Tout d’abord, pour ce qui concerne le logement, l’augmentation de la ligne budgétaire unique permettra de financer les grands défis de nos territoires, à savoir la construction de logements locatifs sociaux, la réhabilitation et l’adaptation au vieillissement du parc locatif privé et du parc locatif social, sans oublier la lutte contre l’habitat indigne.
Concernant ensuite l’accès à l’eau, nous saluons la pérennisation du soutien apporté au syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, à hauteur de 20 millions d’euros. Nous saluons également tous les efforts qui sont accomplis pour Mayotte.
Un mot, enfin, de la lutte contre les sargasses, phénomène dont pâtissent nos concitoyens antillo-guyanais et qui met à mal certains secteurs de l’économie de ces territoires. Au sein de mon territoire, la Guadeloupe, les îles du sud de l’archipel sont particulièrement touchées.
Les moyens des groupements d’intérêt public dits GIP « sargasses » seront renforcés, l’enveloppe atteignant 1,4 million d’euros. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier personnellement de votre présence à Dubaï où, en marge de la COP28, vous avez lancé une initiative visant à faire reconnaître cette catastrophe sur le plan international. (M. le ministre délégué hoche la tête en signe de remerciement.)
La deuxième orientation du budget vise à accompagner la mobilité des Ultramarins.
Rappelons le contexte : les Ultramarins pâtissent d’une hausse substantielle et continue du prix des billets d’avion depuis deux ans. En effet, l’analyse de l’indice des prix du transport aérien de passagers révèle qu’au cours des dix premiers mois de l’année 2023 le coût des trajets depuis l’Hexagone vers l’outre-mer a augmenté de 22,3 %, tandis que celui des liaisons entre l’outre-mer et l’Hexagone a progressé de 18,3 %.
Une augmentation de 57,5 % du tarif des billets d’avion a même été enregistrée au départ de la Martinique en mars 2023, selon la direction générale de l’aviation civile (DGAC).
C’est pourquoi le Gouvernement propose une augmentation historique de 22 millions d’euros des moyens consacrés à la continuité territoriale. Merci !
Ces moyens supplémentaires permettront de relever le seuil d’éligibilité aux aides de Ladom – merci pour les étudiants et merci pour tous ceux qui partent en formation !
Il nous reviendra également d’examiner l’évolution des dispositifs d’accompagnement des professionnels à la mobilité. Or je sais pouvoir compter sur l’engagement et la mesure de la Haute Assemblée pour aboutir à la meilleure solution pour nos outre-mer.
La troisième orientation fixée par le Gouvernement pour la mission « Outre-mer » consiste à favoriser le développement économique et la création d’emplois dans chaque territoire. Là encore, l’effort budgétaire consenti par l’État doit être relevé : les moyens alloués aux contrats de convergence et de transformation passent de 1,9 milliard d’euros pour la génération de contrats conclus entre 2019 et 2022 à 2,3 milliards d’euros pour ceux qui seront signés entre 2024 et 2027, tous ministères confondus.
Les préoccupations des Ultramarins dans le Pacifique trouvent également un écho dans le présent projet de loi de finances, grâce – par exemple – au financement de dispositifs comme les chantiers de développement local, qui favorisent l’insertion professionnelle en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
Pour ce qui concerne le soutien aux entreprises, les rapporteurs spéciaux Teva Rohfritsch et Georges Patient présenteront, au nom de la commission des finances, un amendement qui vise à renforcer la dotation de la Sogefom, seul instrument de garantie des crédits des TPE et des PME dans les trois collectivités territoriales du Pacifique, amendement que je vous invite à soutenir, mes chers collègues.
J’en viens à la dernière orientation de cette mission, à savoir le soutien aux collectivités territoriales.
Les contrats Corom, qui ont donné entière satisfaction, seront pérennisés via le lancement d’un nouvel appel à candidatures pour la période 2024-2026.
Je note toutefois que ce dispositif n’est pas accessible aux communes dans le Pacifique. C’est pourquoi je salue l’amendement déposé par Teva Rohfritsch pour soutenir les communes polynésiennes.
En outre, dans la continuité de ses efforts budgétaires, l’État poursuit son accompagnement à la collectivité territoriale de Guyane.
Pour ce qui est des moyens du fonds outre-mer, ils sont également augmentés pour financer l’ingénierie nécessaire aux collectivités ultramarines, ce poste de dépenses leur coûtant très cher.
L’État se doit d’être à la hauteur des défis auxquels nos territoires sont confrontés ; dans certains d’entre eux, la situation est tout simplement alarmante.
Aussi, j’appelle à une rapide mise en œuvre des mesures annoncées dans le cadre du Ciom : il faut des résultats – et il faut un contrôle !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K. – M. Akli Mellouli applaudit également.)
Mme Audrey Bélim. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ayant déjà présenté les crédits de la présente mission et puisqu’ils seront examinés en détail au cours des prochaines heures, je me limiterai, pour ouvrir mon propos, à regretter qu’entre le texte déposé à l’Assemblée nationale et la version transmise au Sénat nos territoires ultramarins aient – fait très rare – perdu des ressources.
En effet, monsieur le ministre, si le Gouvernement a bel et bien retenu, dans le texte issu du 49.3, quelques crédits supplémentaires proposés par nos collègues députés, ces sommes ne suffisent pas à compenser les quelque 150 millions d’euros disparus à la suite de l’adoption de l’amendement du rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, rédigé sur le fondement d’un rapport peu probant, car on ne sait qui, du rapport ou de l’amendement, justifie l’autre.
Quoi qu’il en soit, ce rapport et cet amendement sont malheureusement symptomatiques de la façon dont Bercy considère nos territoires, nos élus et nos acteurs économiques. La réforme des aides économiques engagée dans le PLF pour 2019 était pourtant un cas d’école. Mais la leçon n’a manifestement pas été complètement retenue, et la généralisation du « réflexe outre-mer », évoquée depuis 2017, se fait attendre.
Il importe, monsieur le ministre, de prendre en compte la structure géographique de nos pays, mais aussi d’adapter les normes et les lois à chacun d’entre eux. Le « réflexe outre-mer », c’est considérer l’outre-mer dans sa singularité ; c’est aussi admettre que cette singularité s’apprécie territoire par territoire et non selon une logique globale.
L’éloignement et l’insularité restent des facteurs si aggravants des problèmes structurels de nos territoires que, pour les traiter, la transversalité s’avère primordiale.
Nous devons vous le rappeler, monsieur le ministre, pour qu’inlassablement vous le marteliez auprès de vos collègues du Gouvernement et qu’ainsi s’automatise le réflexe outre-mer.
Comment ne pas être désarçonné à la lecture de l’article 50, qui fait reposer le dispositif MaPrimeRénov’ sur un diagnostic de performance énergétique (DPE) strictement hexagonal, quand le Ciom, l’été dernier, a acté la mise en application des DPE ultramarins en 2028 ?
Procéder de la sorte, c’est priver quelque 2 millions de Français d’une aide bénéfique tant pour la transition écologique que pour le logement. MaPrimeRénov’ permet en effet de lutter contre la vacance dans le parc locatif privé, contre l’habitat indigne et, in fine, contre la crise du logement. C’est un levier évident ; et pourtant nous ne pouvons en bénéficier.
Les exemples de ce type ne manquent pas. Trop de lois et de décrets sont source de blocages qui entravent le travail de nos collectivités.
Le bâti est souvent vétuste, mais il est impossible de le rénover, car les normes hexagonales résistent mal au climat tropical.
Outre-mer, la loi Littoral s’applique parfois à plus de 2 000 mètres d’altitude, où elle doit donc se conjuguer avec la loi Montagne, quand elle ne la contredit pas.
De même, pour ce qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zonages ultramarins sont bien souvent inadaptés, qu’il s’agisse du logement, de l’enseignement, du sport ou de la santé. C’est l’île de La Réunion tout entière, et même les cinq départements d’outre-mer, qui devraient être classés en QPV, voire bénéficier d’un soutien renforcé.
Le temps me manque pour évoquer les difficultés récurrentes de notre tissu économique. Je songe notamment à nos TPE et à nos PME, qui manquent de trésorerie et sont entravées par les délais de paiement ou par l’absence de capitaux.
En parallèle, nos outre-mer font face aux problématiques liées au choc démographique du grand âge : pour les Antilles ou pour La Réunion, ces bouleversements sont déjà là !
Enfin, il faut aborder avec sagacité et volontarisme la question centrale de la coopération à l’échelle du bassin régional. L’enjeu, à cet égard, est de libéraliser certaines activités et certains marchés pour favoriser la création d’emplois locaux. Il s’agit aussi, à titre expérimental, d’activer de nouveaux leviers pour lutter contre la vie chère.
L’examen des amendements nous donnera l’occasion de revenir plus en détail sur ces sujets et sur bien d’autres encore, je l’espère, comme la protection de la biodiversité.
Mes chers collègues, je sais pouvoir compter sur votre implication et sur votre absence de parti-pris pour lutter contre chaque menace et pour défendre chaque atout ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.)
Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder les crédits de la mission « Outre-mer », je tiens à saluer la réévaluation du coefficient géographique pour les établissements de santé réunionnais.
Ledit coefficient est porté de 31 % à 34 % : pour notre centre hospitalier universitaire (CHU), cette mesure compensera les surcoûts subis par rapport à l’Hexagone.
Ce geste fort de l’État doit accompagner le CHU de La Réunion dans son redressement budgétaire, mais il ne sera pas suffisant face aux missions complémentaires qu’assume cet établissement. Je rappelle que notre CHU doit assurer un nombre croissant d’évacuations sanitaires (Evasan) et qu’il abrite diverses spécialités particulièrement exigeantes, comme l’oncologie pédiatrique.
Je note avec satisfaction que le Gouvernement a augmenté le budget initial de la mission « Outre-mer » en reprenant un certain nombre d’amendements discutés en première lecture à l’Assemblée nationale.
Les crédits supplémentaires soutiendront les communes en difficulté – les fonds alloués aux Corom sont ainsi relevés de 10 millions d’euros – et renforceront la continuité territoriale – le budget de Ladom progresse, pour sa part, de 8 millions d’euros.
Je centrerai mon intervention sur les sujets primordiaux pour les populations ultramarines que sont le financement du grand âge et le logement, avant de dire un mot des amendements que je soutiendrai.
Pour ce qui est de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), les particularités démographiques des territoires ultramarins exigent une adaptation de ses paramètres, notamment à La Réunion.
Contrairement à une idée reçue, les collectivités territoriales ultramarines ne sont plus « jeunes » : en moyenne, leur population sera même bientôt la plus âgée de France. À La Réunion, en 2050, un quart de la population aura plus de 60 ans et le taux de dépendance atteindra 12 %, contre 8 % en métropole. De surcroît, dans ce territoire, on entre en dépendance aux alentours de 65 ans, contre 85 ans en métropole, et la plupart des personnes dépendantes souhaitent rester à domicile.
La Réunion s’est fortement impliquée dans la conférence des financeurs associant l’État et les départements, dont les travaux doivent aboutir à une réforme de fond dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Nous espérons un soutien du ministère pour abaisser à 15 % la clause de sauvegarde des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Monsieur le ministre, le PLFSS pour 2024 octroie 150 millions d’euros aux départements au titre de l’APA : il faudra veiller à ce que les collectivités ultramarines bénéficient de ces crédits, compte tenu de leurs difficultés financières. À cet égard, nous sollicitions votre appui immédiat. De même, nous comptons sur vous au sujet du fonds de sauvegarde des départements.
En matière de logement, les crédits accordés augmentent de 50 millions d’euros, portant l’effort total à 292 millions d’euros. Mais, en 2023 comme lors des années précédentes, on constate une sous-consommation des budgets.
Je préconise une gestion locale plus efficiente pour répondre aux besoins des populations : une gestion locale plus responsable et réactive, sous l’égide du conseil départemental, associant l’État, les intercommunalités et les communes.
La vingt-deuxième des soixante-douze mesures du Ciom engage l’État à conclure, avec le département de La Réunion, une convention pluriannuelle pour le logement des personnes vulnérables. Cette convention doit notamment inclure une révision des modalités d’attribution financière et d’allocation des fonds de la LBU.
C’est un premier pas, que nous saluons. Toutefois, le déficit de constructions est tel qu’une révision générale de la politique du logement doit être entreprise à l’échelle de notre territoire. Ce travail, lui aussi mené en concertation, devra répondre aux besoins de construction et de réhabilitation de logements.
Comme chaque année depuis six ans, je déplore que les propriétaires occupants soient moins bien traités dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone. Les délais d’instruction des dossiers sont trop longs et certaines aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) n’existent toujours pas outre-mer.
Au cours de ce débat, je défendrai un amendement visant à allouer 250 000 euros à la réalisation d’enquêtes locales et au soutien aux associations luttant contre les violences faites aux enfants dans les outre-mer.
Pour ce qui est de l’article 55, il importe de garantir la sélection des projets professionnels en fonction des besoins réels des territoires ; monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir une ébauche d’éléments méthodologiques à ce sujet ?
Concernant la définition du public cible de cette aide à la continuité, je souhaite, comme nombre de mes collègues, que des éléments d’identification de l’attachement à un territoire ultramarin soient inscrits dans la loi : en procédant ainsi, nous ne ferons que suivre l’intention du dispositif.
À cet égard, je salue la méthode consultative retenue par la présidente de notre délégation aux outre-mer : cette démarche a abouti au dépôt de trois amendements, que je voterai.
Enfin, le Gouvernement a prévu de créer des zones franches portuaires combinées à des exonérations fiscales et sociales spécifiques. J’espère être informée de l’avancement de ce projet, qui est susceptible de dynamiser l’industrie dans les DOM. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos outre-mer sont la clé de la France de demain. Grâce à eux, à nos 2 millions de compatriotes qui y vivent, à la formidable diversité de leurs ressources et de leurs talents, la France dispose du deuxième espace maritime mondial et d’une présence globale à même d’asseoir son rôle de partenaire incontournable dans un monde changeant.
Nos compatriotes ultramarins devraient bénéficier, de la part de l’État, du même secours et du même engagement que ceux que reçoivent les Français de métropole. Ils subissent les mêmes maux qu’eux, dans des proportions quadruplées ; mais, qu’il s’agisse de l’inflation et de la vie chère ou de l’immigration incontrôlée et de l’insécurité, du manque de services ou de l’abandon par l’État des collectivités territoriales, l’outre-mer appelle au secours et le Gouvernement reste sourd.
Quelle vision l’exécutif nous présente-t-il avec la mission « Outre-mer » ? Aucune. Il persiste dans la voie fatale empruntée depuis maintenant six ans.
Cette mission ne répond pas aux enjeux d’autonomie économique, de développement et de durabilité.
Mes chers collègues, songez à Mayotte : l’île est en proie à la submersion migratoire, laquelle entraîne une pénurie généralisée d’eau.
À La Réunion, la crise du logement est telle que les services de l’État estiment à 40 000 le nombre de logements nouveaux manquants pour nos compatriotes.
En Guyane, l’immigration irrégulière et l’orpaillage illégal terrifient les habitants.
Profitant de l’inflation, le Gouvernement annonce une augmentation minime du budget de la mission « Outre-mer » : dont acte. Mais ces quelques millions d’euros saupoudrés ne permettront en rien d’atténuer le sous-développement structurel de nos territoires ultramarins.
Ainsi, monsieur le ministre, vous ne revenez pas sur le régime de l’octroi de mer, imposition anachronique qui renchérit de 20 % le coût de la vie. Vos efforts en faveur de l’autonomie alimentaire et énergétique de ces territoires ne sont que de vagues promesses. Face à la décrépitude des services publics les plus élémentaires, votre ministre de tutelle invite les Mahorais à faire bouillir l’eau du robinet avant de la boire. Vous faites maintenant rimer incompétence avec indécence.
Un tel budget n’assure ni l’ordre, ni le développement, ni le respect de la dignité de nos départements et territoires d’outre-mer. Les élus du Rassemblement national voteront donc contre les crédits de cette mission.
Nous nous inclinons devant l’infinie patience de nos compatriotes ultramarins devant cette situation indigne cultivée depuis trop longtemps. L’injustice devra un jour être réparée, mais elle ne le sera qu’au prix de l’alternance !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dresse parfois un tableau excessivement négatif de nos outre-mer ; cela me dérange.
Bien sûr, ces territoires ont leurs difficultés ; les taux de chômage et de pauvreté y sont plus élevés que dans l’Hexagone ; l’insularité, voire la double insularité, entraîne un certain nombre de problèmes et, de manière générale, l’accès à l’eau y est compliqué.
Je ne nie en rien ces difficultés : elles sont bien réelles. Mais elles ne sauraient, à elles seules, résumer les outre-mer. Ces derniers recèlent aussi de formidables exemples d’initiative citoyenne. Dans certains domaines, ils sont même des modèles d’innovation économique et écologique.
On ne le rappellera jamais assez : les outre-mer se caractérisent par leur diversité ; d’une collectivité à l’autre, les situations sont loin d’être identiques. Cela étant, ils ont aussi des points communs.
L’emploi est l’un des enjeux cruciaux qu’ils ont en partage.
Créer de l’emploi dans les outre-mer : tel est l’objectif que nous devons viser pour endiguer la pauvreté et dynamiser ces territoires économiquement.
À cette fin, le programme « Emploi outre-mer » est doté de 1,86 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,85 milliard d’euros en crédits de paiement. Ces montants permettent notamment de soutenir les entreprises via des exonérations sociales et d’améliorer l’insertion professionnelle des Ultramarins. Ils progressent de 5 % par rapport à 2023 : c’est une bonne nouvelle.
Nous saluons l’augmentation des crédits du dispositif Cadres d’avenir, qui accorde aux étudiants une aide financière en contrepartie d’un engagement à revenir travailler dans leur territoire d’origine.
Au sein du programme 123, il est prévu que 21,6 millions d’euros servent à financer trois nouvelles aides sous forme de passeports : le premier pour l’installation professionnelle en outre-mer ; le deuxième pour la mobilité des actifs salariés ; le troisième pour la mobilité des entreprises innovantes. Nous soutenons évidemment ces dispositifs, qui contribueront très concrètement au renforcement de la continuité territoriale et au développement de l’emploi.
Je tiens d’ailleurs à saluer l’effort global consacré à la continuité territoriale, qui voit ses crédits augmenter de plus de 41 %. C’est un message fort envoyé à nos concitoyens ultramarins, qu’ils soient étudiants ou actifs.
Je l’ai dit, l’emploi est un enjeu majeur ; la lutte contre la vie chère en est un autre. Non seulement les prix sont historiquement plus élevés outre-mer que dans le reste de la France, mais les écarts avec l’Hexagone ne cessent de se creuser, ce qui doit nous inquiéter davantage encore.
L’inflation des dernières années a sûrement aggravé les choses ; mais, en réalité, ce phénomène s’observe depuis longtemps.
C’est en matière d’alimentation que l’écart est le plus flagrant. En Guadeloupe, par exemple, les prix des comestibles sont supérieurs de 40 % à la moyenne française. Si l’on prend comme point de comparaison le panier alimentaire hexagonal, l’écart monte même à 50 %. Et de telles différences se constatent dans d’autres domaines, qu’il s’agisse des soins – l’écart de prix va jusqu’à 17 % –, des communications – il atteint 35 % – ou encore des loyers.
Plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre pour combattre l’inflation, comme le bouclier qualité-prix, dont le panier a été élargi cette année, ou le filet de sécurité, qui vise à lutter contre la hausse des prix de l’énergie. Ils ont évidemment le mérite d’exister, mais, au regard des chiffres que je viens de citer, on peut regretter leur manque d’efficacité.
La lutte contre l’habitat indigne est renforcée de 16 millions d’euros. Cet effort est absolument nécessaire : les logements insalubres représentent 18 % des habitations dans les outre-mer, contre 1,2 % dans l’Hexagone. Je rappelle qu’à Mamoudzou 15 000 personnes vivent dans un bidonville.
Mme Corinne Bourcier. En parallèle, le fonds exceptionnel d’investissement est doté de 160 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 87 millions d’euros en crédits de paiement.
Il est indispensable d’aider les collectivités territoriales à développer et à adapter leurs équipements publics, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, du traitement des déchets ou encore du développement durable.
Plus largement, l’aménagement du territoire est un enjeu central dans ces régions, d’autant que certaines d’entre elles sont régulièrement touchées par des catastrophes naturelles, comme les cyclones ou les sargasses. Ces phénomènes, qui transforment des territoires entiers, exigent des aménagements permanents.
Enfin, à l’instar de la Cour des comptes, nous insistons sur l’importance d’un meilleur calibrage budgétaire de cette mission, dont les crédits sont tantôt sous-consommés, tantôt surexécutés. Leur vote n’aura de valeur qu’à la condition d’un déploiement fidèle et concret dans les territoires ultramarins.
Mes chers collègues, en résumé, nous saluons la hausse globale du budget de cette mission, mais rappelons que les crédits ici recensés ne représentent qu’une partie des moyens que l’État alloue aux départements, régions et collectivités d’outre-mer (Drom-COM).
Les élus du groupe Les Indépendants soulignent l’orientation positive de la mission « Outre-mer », dont ils voteront les crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Annick Girardin et Viviane Malet et MM. Marc Laménie et Akli Mellouli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Viviane Malet, Solanges Nadille et Annick Girardin applaudissent également.)
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues présents, merci pour nous !
Le rituel annuel que constitue l’examen du PLF a au moins cet avantage qu’il nous permet de dresser un état des lieux des politiques publiques engagées par l’État en faveur de nos outre-mer.
On peut évidemment se réjouir de la hausse des moyens accordés au titre de la mission « Outre-mer » pour 2024. En autorisations d’engagement, ce budget augmente de 7 % par rapport à 2023, pour atteindre 2,9 milliards d’euros. En crédits de paiement, il progresse plus faiblement, de 4,5 %, pour s’établir à 2,66 milliards d’euros.
Je le répète, cette augmentation de crédits mérite d’être saluée ; mais on ne peut que la juger insuffisante quand on connaît les urgences en outre-mer et la forte inflation qui y règne actuellement.
Les efforts de ce budget 2024 portent essentiellement sur le logement – l’habitat insalubre reste bien sûr une priorité, tant le retard est grand dans nos outre-mer – et sur l’accompagnement financier de Mayotte, lequel est bien compréhensible, étant donné la situation sociale alarmante dans laquelle se trouve ce département. Aujourd’hui, les habitants de Mayotte sont contraints de recourir à des bouteilles d’eau en plastique pour leurs usages du quotidien, en l’absence de réhabilitation et d’accord local pour l’implantation d’un réseau rénové et sans fuite ; de tels expédients sont inacceptables.
En dehors de ces situations lourdes et complexes, qui supposent des investissements considérables, nous nous réjouissons du renforcement des crédits dédiés à la continuité territoriale.
On peut remercier les parlementaires associés au ministère des outre-mer, qui, par leurs actions et leurs nombreux rapports, ont permis cette évolution de crédits en faveur des Ultramarins via l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité.
Les crédits affectés au service militaire adapté (SMA) progressent également chaque année. Ce dispositif d’insertion professionnelle de nos jeunes en décrochage scolaire est une belle réussite : à preuve, ses taux d’intégration à un emploi durable restent élevés.
Toutefois, monsieur le ministre, l’appui aux financements bancaires et à l’ingénierie recule de 7 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cette diminution n’est, à mon sens, pas opportune, alors que les besoins de financement des acteurs publics pourraient s’accroître en 2024, dans un contexte économique plus difficile.
De même, vous proposez une mesure d’économie de 10 millions d’euros au détriment de la collectivité territoriale de Guyane – les crédits dont il s’agit passent de 40 millions à 30 millions d’euros –, alors que cette dernière doit faire face à la liquidation d’Air Guyane. Or, compte tenu de son enclavement, ce territoire mérite une meilleure desserte aérienne.
Je ne m’attarderai pas sur les mesures de défiscalisation introduites dans ce budget à la hussarde, sans aucune consultation des collectivités concernées. M. le rapporteur général a déposé, à cet égard, un amendement plein de sagesse : merci pour nos outre-mer.
De manière plus générale, monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que la vie outre-mer est de plus en plus chère. Le foncier y est de plus en plus rare et, dans certains territoires, comme le mien, la spéculation va croissant. Cette situation doit s’imposer à notre attention, notamment pour nos jeunes, qui ne peuvent plus investir.
Permettez-moi de m’attarder un instant sur les crédits affectés à ma collectivité d’origine : la Polynésie française.
Au titre de la politique de santé, les engagements de l’État demeurent inchangés, alors que le renouvellement de notre convention solidarité-santé est toujours en attente. À ce sujet, une promesse m’avait pourtant été faite l’an dernier dans cet hémicycle par votre prédécesseur, M. Carenco.
Notre protection sociale est en difficulté : il est à souhaiter que toutes les dépenses liées aux soins des victimes du nucléaire, engagées depuis de nombreuses années, soient un jour remboursées. Les comptes de notre caisse locale s’en trouveraient allégés.
Au titre des aides à la reconversion de l’économie polynésienne, on note une stabilité des moyens délégués, dont les dépenses retenues portent sur le désenclavement des îles et sur la prévention des risques.
La dotation globale d’autonomie (DGA), dite dette nucléaire, est financée depuis 2020 par un prélèvement sur recettes de l’État. On évite ainsi toute désindexation : l’engagement pris est bien respecté – merci !
La dotation globale de fonctionnement (DGF) progresse…
Mme Lana Tetuanui. … de 1,96 %. Cette légère augmentation ne compense pas les effets, bien connus, de l’inflation ; je vous dis merci quand même ! (Sourires. – Mme Annick Girardin rit.)
Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) voit ses crédits augmenter chaque année pour faire face au traitement des dossiers, de plus en plus nombreux, déposés par les victimes ou par leurs ayants droit. Il est très rassurant de voir l’État assumer ces réparations à un rythme soutenu depuis la mise en place du « 1 millisievert » – les chiffres le prouvent.
Je tiens également à mentionner le fonds intercommunal de péréquation (FIP), dont les ressources sont versées par l’État aux communes : voilà un sujet qui mériterait d’être approfondi pour que la part de l’État progresse. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens ; nous y reviendrons.
Mes chers collègues, hors du cadre de cette mission, le Gouvernement a introduit dans le présent texte, par voie d’amendement, une réforme de l’indemnité temporaire de retraite qui ne m’a pas convaincue.
Comme les organisations syndicales de salariés, je croyais sincèrement que, fidèle à ses promesses d’origine, le Gouvernement déploierait un dispositif correcteur garantissant une réelle compensation. Or il persiste à vouloir supprimer l’indexation sans tenir compte des situations sociales à venir, qu’il s’agisse des fonctionnaires d’État polynésiens ou de nos militaires, qui ont tant servi la Nation. De tels procédés sont on ne peut plus irrespectueux.
Voilà une réforme qui, localement, n’apportera que des déconvenues. Elle amputera le pouvoir d’achat des retraités concernés, entraînant de graves pertes pour l’économie locale. J’ai aussi déposé un amendement tendant à revenir sur cette mesure, en parfaite concertation avec les syndicats.
Louer la stratégie de l’Indo-Pacifique, dire et répéter que nos outre-mer nous permettront d’affronter les grands défis du XXIe siècle, c’est bien ; mais il faudrait leur témoigner un peu plus de considération…
Cela étant, tout en soutenant les amendements de mon collègue de Polynésie Teva Rohfritsch, les élus du groupe Union Centriste voteront sans hésiter les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Akli Mellouli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ferai grâce des chiffres – un certain nombre ont déjà été cités et d’autres le seront lors de l’examen des amendements. Je vous rappelle simplement que, depuis de nombreuses années, la vie chère est la préoccupation majeure de nos compatriotes d’outre-mer. Elle est le principal sujet de mécontentement, qui nourrit les tensions et les mouvements sociaux émaillant la vie politique et sociale de ces territoires.
Nous nous rappelons tous la grève générale de 2009 aux Antilles – le souvenir de ces événements reste vif – ou encore, à La Réunion, de la crise des « gilets jaunes » (M. le ministre délégué le confirme.), qui y fut particulièrement rude, car nourrie par un profond sentiment d’exclusion des populations les plus précaires.
À chacun des nombreux mouvements sociaux qui touchent les territoires d’outre-mer, on retrouve les mêmes revendications en faveur d’une augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite. L’augmentation des prix provoque en effet un véritable ras-le-bol, comme l’illustrent les mobilisations de collectifs d’associations devant les supermarchés en Guyane.
Monsieur le ministre, malgré la récurrence et la dureté de ces mouvements sociaux, malgré les alertes des élus locaux et des parlementaires des Drom et des COM, malgré le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese), malgré les conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le coût de la vie outre-mer et malgré l’Oudinot du pouvoir d’achat, organisé par votre ministère, le mal-être est là. Le mal-être perdure, le mal-être s’aggrave, à l’heure où l’inflation frappe tout particulièrement les produits alimentaires et de consommation courante.
Non seulement les prix sont de plus en plus élevés, mais l’écart avec l’Hexagone s’est encore creusé en 2022 : les prix sont 10 % à 15 % plus élevés dans les départements et régions d’outre-mer, 30 % à 40 % plus élevés en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.
Les écarts sont plus grands encore si l’on ne considère que les produits alimentaires, qui sont vendus environ 30 % plus cher dans les Drom. Or l’alimentation est l’un des premiers postes de consommation des familles. D’après le Cese, 55 % des Ultramarins avouent même renoncer régulièrement à des dépenses du quotidien afin de pouvoir assurer l’essentiel. Au total, 900 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté en outre-mer. Voilà qui n’est pas digne de notre pays.
Répondre rapidement et efficacement aux difficultés de pouvoir d’achat que rencontrent nos compatriotes d’outre-mer est bien sûr un enjeu de cohésion sociale. Mais, au-delà, la réduction des fractures systémiques entre la métropole et les territoires d’outre-mer est au cœur de la promesse républicaine d’égalité.
L’égalité n’est pas un supplément d’âme, elle n’est pas de l’ordre des bons sentiments : elle est une garantie de l’État. Nous devons garantir aux outre-mer l’égalité sociale et territoriale : c’est notre devoir !
J’y insiste, il s’agit là d’un enjeu de cohésion nationale ; et, pour maintenir la cohésion entre l’Hexagone et l’outre-mer, il faut enrayer les mécanismes de ce fort et légitime sentiment d’injustice.
Des dispositions pragmatiques, non partisanes, peuvent d’ores et déjà être adoptées au titre du projet de loi de finances pour 2024.
Face aux situations de rente et de quasi-monopole dans certains secteurs, le Gouvernement a créé en 2007 des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Ces établissements ont pour mission d’analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.
Les OPMR donnent notamment un avis consultatif préalable à la phase de négociation des prix des produits composant le bouclier qualité-prix. Mais ils sont contraints par le faible niveau de leur dotation, qui est d’environ 100 000 euros par an, et par la grande variété de leurs missions.
Monsieur le ministre, dans l’intérêt du pouvoir d’achat de nos compatriotes d’outre-mer, je vous propose d’augmenter significativement la dotation des OPMR. La diminution des inégalités et la maîtrise des prix doivent en effet compter parmi les piliers de notre politique d’outre-mer.
En parallèle, il faut œuvrer au développement économique local et faciliter l’accès à l’emploi de qualité. Ces efforts sont seuls à même d’enclencher une dynamique vertueuse pour les outre-mer.
Monsieur le ministre, il faut travailler au développement d’une économie plus dynamique et durable, véritablement ancrée dans les territoires et plus respectueuse de son environnement, permettant une hausse du pouvoir d’achat des Ultramarins.
Par leurs amendements – je n’en doute pas –, mes collègues de tous bords politiques mettront en lumière l’ensemble des facteurs concourant à la crise du pouvoir d’achat outre-mer, parmi lesquels les surcoûts liés aux importations ; la concentration des principaux importateurs et distributeurs ; la taille des marchés locaux ; la fiscalité locale assise sur les importations ; le manque d’emplois locaux et la faiblesse des revenus ; ou encore l’insuffisance des productions locales, y compris pour les produits frais.
Au regard de ces différents facteurs, du contexte de tension sociale et de l’urgence de la situation, les soixante-douze mesures annoncées par le comité interministériel des outre-mer le 18 juillet 2023 ont cruellement déçu les élus. Ces derniers déplorent le manque d’ambition du Gouvernement en matière de résorption de la fracture sociale et de réduction des inégalités.
Ni la réforme de l’octroi de mer, qui pèse sur le prix des biens, ni la régulation des prix n’ont fait l’objet de la moindre annonce concrète.
M. Akli Mellouli. Aucune mesure d’ensemble n’a été actée en faveur du pouvoir d’achat.
Nous comprenons la déception de nos compatriotes. La crise du pouvoir d’achat est celle d’un modèle économique tout entier, qui nécessite une plus grande considération de la part du Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure.
M. Akli Mellouli. S’il augmente de 6,9 % en autorisations d’engagement et de 4,6 % en crédits de paiement, ce budget est très loin d’être à la hauteur des besoins, des enjeux et surtout de l’urgence…
M. le président. Il faut conclure.
M. Akli Mellouli. … sociale et environnementale à laquelle sont confrontés nos compatriotes ultramarins ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Frédéric Buval et Stéphane Fouassin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite ouvrir mon propos en paraphrasant notre Président de la République : les aéroports sont les lieux où se croisent les gens qui sont tout et ceux qui ne sont rien.
Ceux qui sont tout bénéficient, entre autres, du privilège d’être nés au bon endroit. Ceux qui ne sont rien, nés à des milliers de kilomètres du continent, sont condamnés au chômage, à la vie chère, à la précarité, à l’eau boueuse et à l’exil.
Réussir pour soi, chez soi, est de plus en plus difficile pour nous, chez nous, au nom du fallacieux argument de la rupture d’égalité, que l’on nous ressort à chaque fois que nous tentons d’obtenir une adaptation.
Comme l’année dernière, le budget de la mission « Outre-mer » a fait l’unanimité à l’Assemblée nationale avant de disparaître par la magie d’un 49.3. Le réflexe outre-mer, vague projet, vague ambition que nous avons, ressemble surtout, traduit par vous, monsieur le ministre, à un réflexe paternaliste.
À l’Assemblée nationale, l’examen de l’article 55 de ce PLF a provoqué beaucoup d’animation. Malgré l’annonce de sa suppression, nous nous retrouvons aujourd’hui au Sénat pour continuer d’en débattre.
N’avons-nous donc rien appris de notre histoire ? Votre politique doit-elle constamment être celle du grand bond en arrière ? Alors que l’outre-mer souffre d’un taux de chômage qui est toujours au moins deux fois plus élevé qu’en Hexagone, vous avez eu l’idée – quelle révélation, quelle révolution ! – d’envoyer des travailleurs hexagonaux abonder nos entreprises et nos services publics.
Qui peut croire qu’avec plus de 150 000 chômeurs nous manquons encore de main-d’œuvre à La Réunion ?
Alors que nos fonctionnaires et nos talents peinent à rentrer chez eux, trouvez-vous vraiment nécessaire que les Hexagonaux bénéficient, eux, d’une aide à l’installation sur nos côtes et sur nos terres ?
S’il y a un dossier de mobilité à propos duquel nous avions des attentes, c’est bien celui de la continuité territoriale. Las ! une nouvelle fois, l’enveloppe allouée à l’ensemble des territoires ultramarins reste bien en deçà desdites attentes ! Elle est du reste bien inférieure à l’enveloppe allouée à la Corse, territoire de seulement 340 000 habitants, qui se situe, de surcroît, à moins de 400 kilomètres du continent. Or la France d’outre-mer, elle, est forte de 2,7 millions d’habitants, qui doivent parcourir des distances allant de 6 000 à 15 000 kilomètres pour rejoindre le continent français.
Pourtant, avec nos 93 millions d’euros, nous faisons bien pâle figure à côté de la dotation annuelle de 187 millions d’euros allouée à l’île de Beauté.
Les dispositifs mis en œuvre sous l’égide de Ladom ne sauraient suffire, puisque l’aide y reste conditionnée. Le Gouvernement doit engager des mesures fortes pour répondre aux problèmes des dessertes aériennes, maritimes et terrestres.
Au-delà de la question traitée à l’article 55, au-delà, donc, de la discontinuité territoriale, ce budget est décevant à bien des égards.
L’investissement de l’État dans nos infrastructures – je pense en particulier à nos réseaux d’eau – reste insuffisant. Vous pourrez toujours nous dire, monsieur le ministre, que cette compétence relève des collectivités ; nous pourrons toujours vous répondre qu’à Mayotte, où vous assurez la gestion partagée de cette même compétence, votre responsabilité a été pointée du doigt par l’Union européenne dans la crise que traverse le département.
Nous pourrions aussi vous répondre qu’en raison des contraintes imposées par les normes nationales chaque chantier que nous engageons outre-mer est soumis à des coûts exorbitants.
Monsieur le ministre, faire des ajustements budgétaires, c’est faire des choix. Comme le disait Thomas Sankara, « il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ».
Or le Gouvernement a fait son choix : le choix d’accepter qu’en France, pays des droits de l’homme, 2,7 millions de personnes, habitant trop loin du continent, soient susceptibles de manquer d’eau potable.
La France est donc ce pays de la civilisation et de l’innovation qui ne respecterait pas la résolution du 28 juillet 2010 de l’Assemblée générale de l’ONU, laquelle reconnaît « l’importance que revêt l’accès équitable à une eau potable salubre et propre et à des services d’assainissement, qui fait partie intégrante de la réalisation de tous les droits de l’homme ».
L’outre-mer représente 80 % de la biodiversité française. L’outre-mer est notre puissance maritime. L’outre-mer est la porte d’entrée de la France vers l’espace. L’outre-mer est un berceau du multiculturalisme et de la laïcité. L’outre-mer est un incubateur de nouveaux talents et d’innovation. L’outre-mer porte en partie la jeunesse et le renouveau du pays.
Mais l’outre-mer, ce sont aussi des hôpitaux laissés à l’abandon ; des populations empoisonnées par la pollution des sols et des nappes phréatiques ; des descendants d’esclavagistes s’octroyant le privilège et les bénéfices d’un monopole sur nos économies.
Dans les débats qui vont suivre, nous verrons que l’outre-mer, c’est aussi la France des inégalités.
La Réunion souffre d’une fracture sociale qui se répercute dans tous les pans de notre vie…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Sans solution nouvelle pour le logement, sans contrôle ni des prix, ni des monopoles, ni des marges, ce sont des centaines de milliers d’Ultramarins que vous abandonnez à la misère !
M. le président. Je vous prie de conclure.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Lucien Stanzione applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Annick Girardin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Outre-mer » bénéficie cette année d’une augmentation de 6,92 % en autorisations d’engagement et de 4,65 % en crédits de paiement. L’effort réalisé était nécessaire, il est à saluer.
Pour ce qui concerne le programme 138 « Emploi outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à la hausse de 123 millions d’euros des crédits de l’action n° 01 « Soutien aux entreprises », qui atteignent désormais 1,54 milliard d’euros. Cet effort résulte de la réforme issue, en 2018, des Assises des outre-mer et de la publication du Livre bleu outre-mer.
Il fallait donner de la stabilité et de la visibilité aux entreprises ; c’est aujourd’hui chose faite, monsieur le ministre.
Pour ce qui concerne le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », la progression budgétaire est notamment liée à l’accroissement considérable – +49 millions d’euros – des aides au logement, financées via la ligne budgétaire unique, la LBU. S’il s’agit d’une bonne nouvelle en vue de relever le commensurable défi du logement dans les territoires ultramarins, Saint-Pierre-et-Miquelon n’est malheureusement pas concernée, puisque la LBU n’y finance plus d’opérations depuis quelques années.
Beaucoup a déjà été dit sur cette mission « Outre-mer », monsieur le ministre, et je partage pour l’essentiel les propos de mes collègues. Aussi, pour mon premier PLF en tant que sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai fait le choix de vous parler de mon territoire, car je sais qu’il y a non pas l’outre-mer, mais bien des outre-mer.
Mon territoire est confronté à un triple défi, démographique, économique et climatique. Compte tenu de sa position géographique, il s’agit de l’unique territoire français soumis à un climat subarctique.
Ces grands défis se conjuguent au coût explosif de la vie : en 2022, c’est à Saint-Pierre-et-Miquelon que l’inflation a été la plus élevée en France. Les problèmes de logement y amplifient de surcroît le déclin démographique, limitant d’autant les ressources disponibles pour assurer l’avenir de l’archipel et son adaptation au changement climatique.
Pour 2024, le document de politique transversale relatif au budget de l’archipel affiche une augmentation de 1,522 million d’euros en autorisations d’engagement, soit +2,63 %. Les crédits de paiement, en baisse, reviennent à leur niveau de 2022, après avoir augmenté en loi de finances pour 2023.
Bien qu’en augmentation, ces moyens devront être complétés pour répondre aux nouvelles difficultés qui se font jour. La négociation du contrat de convergence et de transformation (CCT) vous en offrira sans doute l’occasion, monsieur le ministre. Du reste, je sais pouvoir compter sur vous et sur vos équipes, puisqu’en quelques semaines nous sommes parvenus à trouver des solutions interministérielles sur les dossiers que j’ai portés à votre connaissance.
Il s’agit tout d’abord de l’intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon – qui en avait été dans un premier temps écartée – au nouveau dispositif qui remplace l’indemnité temporaire de retraite ; je précise qu’il nous faut encore améliorer cette mesure.
Il s’agit ensuite de la sauvegarde de l’antenne saint-pierraise de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), un temps mise sur la sellette.
Il s’agit encore de décorréler le dossier de la démolition de l’ancien hôpital de Saint-Pierre d’avec le projet de construction d’un nouvel Ehpad, afin d’agir immédiatement – et intelligemment – sur un bâtiment qui pose des problèmes de sécurité.
Il s’agit également d’obtenir une réponse définitive de l’État sur le dossier de l’avenir du village de Miquelon ; la réunion de travail qui s’est tenue à l’Élysée le 27 novembre dernier a permis à cet égard d’acter des avancées particulièrement encourageantes.
Il s’agit enfin de l’instruction par les services du ministre chargé du logement de ma demande de rehaussement des seuils des allocations de logement sociales (ALS) et des allocations de logement familiales (ALF), afin de les rendre conformes aux engagements initiaux du Gouvernement.
Au cours des présents débats budgétaires, j’ai eu aussi l’occasion d’aborder les questions de l’extension à l’archipel du dispositif MaPrimeRénov’ géré par l’Anah ou de l’autorisation donnée à Action Logement, à la demande du ministre des outre-mer, d’épauler les projets engagés sur le territoire.
La mise en œuvre des dispositifs exigera en tout état de cause des adaptations au contexte statutaire, climatique et météorologique local ainsi qu’aux particularités des conditions de ressources du territoire.
Reste en particulier à rédiger, en redoublant de vigilance, les décrets d’application nécessaires, mais surtout la loi organique que requiert, ainsi que le Ciom l’a établi, l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon du périmètre d’intervention d’Action Logement.
Cette vision long-termiste est à mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Mais les projets en cours des collectivités ou des structures locales doivent pouvoir être financés à court terme, dès 2024 !
Le Gouvernement devra mobiliser les crédits du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), du fonds vert ou de la LBU pour mener à bien notamment des opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI) ; il lui faudra certainement, dans ce cadre, pallier de prévisibles retards techniques et législatifs.
Monsieur le ministre, votre déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les prochains jours, sera l’occasion d’aborder de nouveau ces sujets avec les élus et avec les acteurs du monde économique.
L’allusion que je viens de faire à votre déplacement dans l’archipel m’offre une parfaite transition pour aborder un dernier sujet, celui du transport aérien. Monsieur le ministre, au point de vue logistique, votre venue relève de la haute voltige ! Un avant-goût vous est ainsi donné de ce qu’est réellement l’accessibilité de ce territoire.
Si les crédits prévus dans le cadre de l’actuelle délégation de service public (DSP) sont en hausse, le service et l’offre régressent malgré tout fortement !
Il y va non seulement, je le rappelle, d’enjeux économiques et sanitaires, mais également de la souveraineté et de la cohésion du territoire national.
« Mon ennemi, c’est l’assignation à résidence », aime à répéter le Président de la République. À Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sentiment d’assignation est quotidien ! Le président-candidat s’était d’ailleurs engagé à augmenter le nombre de vols directs entre Paris et Saint-Pierre.
Monsieur le ministre, vous avez choisi de lancer une étude de marché pour modifier cette DSP. Si je partage avec vous la volonté d’engager un tel travail, qui est au demeurant nécessaire, l’urgence m’oblige à vous dire qu’il faut déverrouiller la situation sans délai,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Annick Girardin. … en ajoutant, depuis Saint-Pierre, un vol hebdomadaire vers Montréal et deux vols directs vers Paris.
M. le président. Et l’on s’arrêtera là !
Mme Annick Girardin. Non, je ne vous parlerai pas de l’article 55 ; oui, le groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord souligner que le ministère est parvenu à maintenir ses liens de travail et d’écoute avec les élus de nos territoires, ce dont je me réjouis.
Bien sûr, ces rapports sont parfois tumultueux, mais je sais que nous parviendrons à avancer sur les chantiers qui nous attendent, dans l’intérêt de nos populations.
Je salue évidemment les efforts réalisés sur ce budget. Les crédits de la mission de ladite outre-mer sont en hausse de 6,9 % en autorisations d’engagement et de 4,6 % en crédits de paiement. Si certaines interrogations demeurent quant à la répartition de ces crédits, le message envoyé – il faut le reconnaître – est globalement positif. Mes chers collègues, vous le savez, j’essaie toujours d’être juste : quand c’est bien, je le dis ! (Sourires.)
Ces efforts étaient attendus dans nos territoires, monsieur le ministre, car tous les indicateurs sociaux sont dans le rouge, et les indicateurs démographiques ne le sont pas moins, qui attestent un incontestable déclin. Nous vous soumettrons des propositions sur ces sujets lors de l’examen des crédits, car, au Sénat, nous avons la chance de pouvoir débattre !
La première urgence est d’agir pour changer le quotidien des habitants des territoires ultramarins.
Comme vous le savez, indépendamment du contexte économique actuel, le problème du coût de la vie est structurel et persistant dans nos pays.
C’est pourquoi je m’étonne de constater que, derrière la hausse globale des budgets des programmes, les crédits de l’aide au fret baissent de près d’un tiers. Cette trajectoire s’inscrit à rebours de nos dynamiques locales de développement économique.
Afin d’engager une action résolue contre la vie chère, nous vous proposerons au contraire, lors du débat d’amendements, de renforcer l’aide au fret en la complétant d’un nouveau volet fléché en direction des produits de première nécessité. Ainsi garantirait-on à nos concitoyens des coûts accessibles, à l’heure où les écarts s’accentuent avec l’Hexagone, tirés en premier lieu par les prix de l’alimentation.
Au chapitre des urgences, toujours, je souhaite appeler votre attention sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Plus encore que dans l’Hexagone, des familles rencontrent les plus grandes difficultés pour trouver un accompagnement. C’est pourquoi nous vous proposerons d’adopter un amendement visant à soutenir les associations œuvrant dans le domaine de la santé mentale et à améliorer l’accompagnement et la formation des aidants.
Le deuxième enjeu majeur de cette mission, c’est bien sûr le déploiement des nouveaux dispositifs relatifs à la continuité territoriale – vous m’en voyez ravie.
Comme vous le savez, je suis particulièrement investie sur ce sujet, puisque Guillaume Chevrollier et moi-même appelions déjà de nos vœux des mesures volontaristes en la matière dans notre rapport de mars dernier.
Je constate que, parmi nos douze préconisations, sept sont déjà appliquées ou en train d’être mises en œuvre, et je m’en félicite.
Mais l’occasion nous est donnée aujourd’hui d’aller plus loin, mes chers collègues, en soutenant, premièrement, ma proposition de doubler le montant du fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif (Fébecs), qui a vocation à accompagner les mobilités de nos jeunes talents artistiques, sportifs et culturels ; en inscrivant dans ce budget, deuxièmement, une réforme ambitieuse de Ladom, ce à quoi le Gouvernement a tâché de pourvoir.
Il n’aura toutefois échappé à personne que la rédaction actuelle de l’article 55 a soulevé partout des inquiétudes profondes. Il convient de les entendre, monsieur le ministre, et d’y répondre par des garanties concrètes.
C’est la proposition que je veux vous faire, mes chers collègues, par mon amendement de compromis – c’est ainsi que je me suis efforcée de le rédiger –, qui tend à transformer le dispositif de « passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer » en une expérimentation d’une durée de trois ans. Ainsi ce dispositif ferait-il l’objet, à l’issue de la deuxième année, d’une évaluation intermédiaire, dont l’objet serait en particulier de déterminer s’il a bien permis de tenir les engagements du Ciom et de répondre aux aspirations de nos concitoyens sur la question du retour au pays.
Vous le savez, je suis particulièrement investie sur cette question. Les dispositifs que j’ai pu contribuer à mettre en place ont déjà permis à un millier de Martiniquais d’être accompagnés au retour chez eux. Voilà la philosophie qui doit guider notre action !
C’est la raison pour laquelle nous réaffirmons que la vocation de ces crédits est de soutenir les mobilités de nos concitoyens, qui sont parfois tenus éloignés de leur territoire et de leurs attaches du seul fait de leur condition sociale. Il y a là une violence que notre République ne saurait tolérer !
Ces 22 millions d’euros de crédits supplémentaires sont une première victoire pour nos populations, qu’il convient de préserver. Si je partage certains des points de vigilance qui ont été évoqués par nos collègues, notre responsabilité, dans pareille situation, est de mobiliser tous les leviers qui sont à notre disposition pour faciliter le retour au pays des Ultramarins qui en ont le plus besoin.
Vous l’avez compris, monsieur le ministre, je défends, avec les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un certain nombre de propositions utiles, qui vont vous permettre de répondre à certaines situations d’urgence.
Par ailleurs, pour ce qui est de l’article 55, c’est – j’en suis convaincue – dans un esprit de responsabilité partagée que nous parviendrons à un compromis, dans le seul intérêt de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Solanges Nadille et M. Frédéric Buval applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gouverner c’est choisir ses combats et c’est établir ses priorités.
La mission « Outre-mer » bénéficie, au sein du projet de loi de finances pour 2024, d’une hausse de ses crédits, dont je me félicite.
Cependant, si cette hausse reflète certains besoins de financement de nos territoires ainsi que les engagements pris dans le cadre du comité interministériel des outre-mer, elle ne constitue qu’une réponse partielle aux retards de développement de nos collectivités ultramarines. Rattraper ce retard doit demeurer une priorité pour la France. Mais, nous le savons, tout ne peut pas se faire en un an.
Le territoire de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter à la Haute Assemblée, a besoin de cette solidarité nationale.
Collectivité d’outre-mer de 32 000 habitants et de 53 kilomètres carrés, frappée par deux crises majeures, l’une climatique, en 2017, l’autre sanitaire, en 2020 et 2021, Saint-Martin continue de souffrir d’un trouble post-traumatique !
À cela s’ajoutent des handicaps structurels : une immigration importante, un chômage de masse – plus de 30 % –, une pauvreté endémique. Notre PIB par habitant, qui équivaut à 45 % du PIB par habitant hexagonal, fait de Saint-Martin la troisième collectivité la plus pauvre de France !
Ces réalités sont peu connues, faute de statistiques fiables et actualisées : Saint-Martin se trouve donc trop souvent dans un angle mort de nos politiques publiques – je sais, monsieur le ministre, que vous en avez pleinement conscience.
Mon territoire s’inscrit pleinement dans la logique de rattrapage que j’ai évoquée, qu’il s’agisse des équipements structurants, construits à une époque où notre population était quatre fois moins importante qu’aujourd’hui, ou des politiques de cohésion sociale, c’est-à-dire de l’accès au logement et à l’ensemble des services publics.
De surcroît, les charges transférées n’ont été que peu ou pas compensées par l’État, comme l’a remarqué dans un rapport de mai 2018 la chambre territoriale des comptes, qui a évalué le préjudice financier cumulé sur seize ans à plus de 100 millions d’euros.
Saint-Martin pâtit d’un déficit de logement social comme de logement intermédiaire. Songez qu’aucun logement social n’y a été construit depuis 2016 !
À Saint-Martin, le logement social représente seulement un peu plus de 10 % du parc de logement total, proportion qui reste très inférieure à la moyenne nationale.
Il en résulte que la collectivité reste sous-dotée en matière de logements sociaux : le ratio y est de 5,2 logements pour 100 habitants, contre 7,6 logements pour 100 habitants en Hexagone et plus de 10 logements pour 100 habitants chez nos voisins guadeloupéens.
Cette situation n’est pas tolérable pour la population saint-martinoise.
Il est donc nécessaire, j’en suis convaincue, de refonder les cadres d’action de la politique du logement à Saint-Martin, avec l’aide de l’État, par le biais de conventionnements sur des programmes spécifiques.
C’est pourquoi je suis plus que favorable à l’adoption de l’article 55 bis de ce projet de loi de finances, qui permettra l’extension du périmètre d’intervention d’Action Logement à Saint-Martin, conformément aux dispositions de la convention quinquennale 2023-2027 signée le 16 juin dernier entre l’État et Action Logement.
Nous devons également proroger la convention entre la collectivité de Saint-Martin, l’État et l’Anah. En ce domaine, nous aurons besoin de l’ingénierie administrative de l’État, mais aussi de votre appui, monsieur le ministre, pour avancer.
Enfin, notre collectivité pourrait être attributaire, à l’instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle aussi régie par l’article 74 de la Constitution, de crédits d’État au titre de la RHI. Le problème du logement insalubre à Saint-Martin justifierait cet effort supplémentaire, les besoins étant évalués par la collectivité à 2,5 millions d’euros par an. Plus de 5 400 résidences principales n’y sont pas raccordées au réseau de tout-à-l’égout, et seulement 39 % des ménages saint-martinois disposent de l’eau chaude.
En outre, afin de garantir un accès à l’eau potable et un traitement des eaux usées dans les normes pour tous les usagers ultramarins, il a été annoncé une révision et un renforcement du plan Eau-DOM d’ici à six mois. Cette nouvelle mouture doit intégrer les nouvelles mesures du plan Eau annoncées par le Président de la République le 30 mars dernier, notamment l’augmentation des moyens dévolus à l’Office français de la biodiversité (OFB), un soutien de 35 millions d’euros par an aux réseaux d’eau outre-mer et le renforcement des aides à l’ingénierie.
Saint-Martin continue de s’inscrire dans une logique de rattrapage et l’établissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin (EEASM) reste dépendant des subventions publiques pour le financement de ses investissements, lesquels devront être amplifiés durant la prochaine décennie. Certes, dans un contexte très difficile, l’EEASM est parvenue à investir en moyenne 9,3 millions d’euros par an au cours de la période 2016-2020, mais cet effort devra être renforcé : dans les dix prochaines années, il faudra à tout le moins investir plus de 15 millions d’euros par an. Nous espérons donc la confirmation de l’inclusion de Saint-Martin dans le plan Eau-DOM.
Je ne dis qu’un mot, pour conclure, de l’extension outre-mer du crédit d’impôt de rénovation des logements sociaux hors des QPV.
Monsieur le ministre, votre gouvernement a bien saisi les enjeux auxquels est confrontée la collectivité de Saint-Martin, et commence à y apporter des réponses. Nous comptons sur vous !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous pour vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2024 – c’est une première pour moi au Sénat.
En préambule, je reprendrai les mots de Mme Girardin : il y a non pas un, mais des outre-mer, tous dotés de leurs spécificités – vous les connaissez parfaitement.
Je veux vous adresser un premier message : le Gouvernement est extrêmement attentif à tous les territoires ultramarins. Les outre-mer sont une chance pour la France ; aussi exigent-ils un regard et un soutien particuliers.
Vous avez été très nombreux à souligner, à cette même tribune, que les efforts financiers étaient au rendez-vous de ce PLF – les anciens ministres des outre-mer qui siègent dans cet hémicycle sauront le confirmer, et je leur laisse le loisir de la comparaison des budgets… –, même si l’on est toujours tenté de demander beaucoup plus, car nous ne devons pas nous arrêter là.
Les crédits de cette mission augmentent de 7 %, ou, hors inflation, de 4,4 %, pour un total de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Tous périmètres ministériels confondus, le total des crédits mobilisés pour les outre-mer s’élève à 22 milliards d’euros.
Je donne sans attendre un exemple parlant de cet engagement : le soutien aux collectivités territoriales, via le fameux FEI – sujet auquel le Sénat est naturellement très attentif –, passe de 110 millions d’euros en 2023 à 160 millions d’euros en 2024, contre 40 millions voilà cinq ans ; d’un simple calcul, chacun peut constater l’effort financier que nous consentons.
Le Ciom n’est pas un catalogue de bonnes intentions : c’est un grand rendez-vous et une feuille de route interministérielle exigeante, qui lie chaque acteur et l’oblige à répondre présent. Auditionné par votre délégation aux outre-mer, j’ai pris l’engagement de conduire avec vous ce travail de coconstruction. Nous serons au rendez-vous : nous l’avons été les 23 et 24 novembre dernier et nous le serons au printemps prochain, lorsque se réunira le prochain comité.
Pour ce qui est du logement, le sénateur Patient en a parlé, les difficultés sont bien sûr immenses en outre-mer. Mais l’effort que j’ai évoqué est visible sur la LBU, qui se voit dotée de 50 millions d’euros supplémentaires. Reste à mobiliser des opérateurs, car le Gouvernement, lui, ne construit pas : il donne les moyens ; à charge ensuite pour Action Logement et pour les autres opérateurs de concrétiser le signe très fort que ces 50 millions supplémentaires permettent d’envoyer. Dans le même sens, 20 millions d’euros supplémentaires sont alloués à la construction de logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, et le taux de prise en charge par l’Anah des dépenses de travaux du parc locatif privé passe, sous conditions, de 35 % à 50 %. Il devient par là même possible pour les collectivités de cofinancer ces travaux, et je les y encourage.
Les questions du logement précaire ou indigne ne sont pas réglées pour autant, je le sais, mais l’augmentation des crédits marque une belle inflexion ; et nous irons plus loin.
J’en viens au sujet de l’eau.
Concernant Mayotte, j’ai été un peu surpris de la position adoptée par la Commission européenne ; j’imagine qu’elle rendra un avis favorable à l’utilisation du Fonds européen d’aide aux plus démunis (Fead) pour apporter une aide d’urgence. La Commission doit être au rendez-vous !
Au 31 décembre 2023, mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons mis sur la table 100 millions d’euros pour aider Mayotte, alors que par définition – vous le savez mieux que moi, en tant que sénateurs – la compétence de l’eau est exercée par les élus locaux. Nous n’abandonnons donc pas Mayotte, tant s’en faut !
Nous prenons nos responsabilités, comme nous l’avons fait en Guadeloupe, où nous avons signé un contrat de 320 millions d’euros avec le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). La région se mobilise puissamment, à hauteur de 80 millions d’euros, tout comme le conseil départemental, qui alloue 20 millions d’euros. Outre sa participation financière directe, le ministère, quant à lui, fournit des cadres et des bras : ses crédits financent 11 emplois directement affectés au SMGEAG. Quant à l’OFB, il augmente significativement sa participation au titre des cinq prochaines années.
Je vous remercie, madame la sénatrice Nadille, d’avoir rappelé que je m’étais rendu à Dubaï pour y lancer une initiative internationale de lutte contre les sargasses, avec le soutien de la République dominicaine et du Costa Rica notamment. Sur ce sujet important, nous allons plus loin et plus fort ; l’argent mobilisé doit servir à mieux comprendre les causes de la prolifération, à trouver des solutions de valorisation des algues et à tenter d’éradiquer ce fléau.
Personne n’a évoqué le volet outre-mer du pacte des solidarités, qui est un bel engagement du Ciom. Près de 50 millions d’euros financeront des choses simples – manuels scolaires, petits-déjeuners servis gratuitement à l’école. La contractualisation est en cours entre l’État et les collectivités ; je rappelle que, derechef, il s’agit de compétences exercées par les collectivités. Sur ces sujets aussi, nous répondrons présents.
Comment accompagnons-nous les collectivités territoriales ? À l’instar du sénateur Patient, vous êtes nombreux à avoir parlé des Corom, qui sont, me semble-t-il, une belle création : ces contrats nourrissent une relation « gagnant-gagnant » entre l’État et les collectivités – en contrepartie de leurs efforts de redressement budgétaire, nous leur octroyons davantage de moyens. Quarante-deux communes sont d’ores et déjà éligibles ; nous augmentons les financements.
Monsieur le sénateur Patient, vous souhaitez que nous allions plus loin dans l’effort, et c’est précisément ce que nous allons faire, car il faut aider les collectivités territoriales ultramarines, qui ne disposent pas toujours des mêmes compétences techniques que leurs homologues hexagonales. Encore faut-il rester très prudent : nombre de collectivités de l’Hexagone, partout sur le territoire, manquent aussi de ces compétences. Quoi qu’il en soit, je poursuivrai cette politique.
Le soutien à l’investissement des collectivités, je l’ai dit en préambule, passe par le fameux FEI, le fonds exceptionnel d’investissement, qui est un outil à la main de l’État pour aider les communes et toutes les collectivités. Ce fonds augmente très significativement.
Le soutien à l’ingénierie passe de 10 millions d’euros à 20 millions d’euros, ce qui me permet de rectifier les chiffres que certains d’entre vous ont avancés. Nous allons innover en installant au sein de chaque préfecture des pools qui seront spécifiquement chargés d’accompagner les collectivités territoriales dans l’élaboration et la finalisation de leurs dossiers, qu’il s’agisse d’analyse financière, de montage des projets ou encore de suivi des travaux.
La continuité territoriale a fait l’objet de beaucoup de discussions, et je salue l’engagement de tous à ce sujet. Mme la présidente de la délégation aux outre-mer, je le sais, y est très sensible, de même que Mme la sénatrice Conconne, qui a écrit un rapport sur cette question absolument majeure, ou que M. le sénateur Théophile.
Vous avez tous relevé que nous mettions 40 % de plus sur la table : nous élargissons les publics concernés et nous y consacrons une enveloppe globale de 93 millions d’euros.
Nous allons débattre de l’article 55, qui introduit de nouveaux dispositifs. Je remercie les uns et les autres de leur participation. Gérald Darmanin et moi-même avons la volonté de trouver une solution, dans la mesure où la rédaction initiale du Gouvernement n’a pas été comprise. Je salue vos propositions, grâce auxquelles nous pourrons dégager une synthèse répondant aux attentes de tous.
Ainsi, une expérimentation présenterait un avantage : si l’option choisie ne convenait pas, nous pourrions rectifier la ligne.
Ensuite, nous devons mieux cibler les bénéficiaires, car la mesure, dans sa rédaction actuelle, n’a pas la portée que nous souhaitons lui donner. À ce titre, la prise en compte des centres d’intérêt matériels et moraux paraît essentielle.
Fort de mon expérience de député, je me permets toutefois de vous avertir des risques d’inconstitutionnalité ; je ne voudrais pas que votre analyse s’en trouve mise à mal et que nous nous soyons privés de cet outil. Nous lui avons consacré des crédits que, faute de véhicule législatif alternatif, je ne pourrais dès lors pas restaurer. Or ce dispositif répond à une forte attente sur le terrain.
Une synthèse à caractère expérimental issue de vos propositions serait donc pertinente ; le Gouvernement, après que j’ai rencontré les députés concernés avec Gérald Darmanin, après que mon équipe et moi-même avons échangé avec nombre d’entre vous, vous suivra sur un chemin tracé par une écoute réciproque.
Concernant le développement économique et la création d’emplois en outre-mer, les puissants dispositifs d’aide fiscale créés par la ministre Annick Girardin, ici présente, sont maintenus. Pour autant, les productions locales restent insuffisantes, entraînant une trop grande dépendance. C’est une des raisons de la cherté de la vie : les importations sont soumises à des taxations diverses – je reviendrai sur la question de l’octroi de mer.
Nous avons travaillé sur les niches fiscales. Un sénateur évoquait trois niches pour lesquelles l’harmonisation a été difficile, mais le travail de coconstruction mené avec le Gouvernement et la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) a permis de rassurer les acteurs. Nous avons fait en sorte de favoriser l’efficacité économique en révisant ces dispositions, de manière à apporter les meilleures réponses possible.
Une nouvelle méthode sera privilégiée dès 2024, avec une évaluation opérée plus en amont, afin que les propositions que nous aurons construites soient plus solides.
Les contrats de convergence et de transformation voient leurs moyens augmenter de 400 millions d’euros par rapport à la période précédente, nous sommes donc bien au rendez-vous en la matière.
Un mot sur la sécurité, au-delà de la seule question de l’immigration : les effectifs de police et de gendarmerie ont augmenté de 17 % durant les trois dernières années. Des efforts considérables ont été faits, sous l’impulsion de Gérald Darmanin. Pour autant, l’insécurité reste un sujet important, je le déplore, mais nous n’abandonnerons pas : notre effort se poursuivra.
Concernant le domaine de la santé, qui fait partie de nos préoccupations, le coefficient géographique a été revalorisé à La Réunion et nous avons répondu aux attentes s’agissant du centre hospitalier universitaire (CHU) en Guadeloupe. Des projets émergent partout et, ainsi que je l’annonçais hier avec Agnès Firmin Le Bodo, un plan santé important visera l’outre-mer. Soyez assuré qu’il n’y a pas deux France, mais bien une seule et que nous saurons répondre avec exigence aux besoins.
La coopération régionale mérite d’être renforcée, tant il est vrai que nous ne travaillons pas suffisamment avec les régions qui nous entourent. Relevons tout de même de belles avancées, comme la norme RUP (régions ultrapériphériques) qui s’appliquera dès le printemps prochain, permettant de baisser les prix des matériaux et ainsi d’accroître la compétitivité.
Vous l’indiquiez, les différences de normes au sein des bassins de vie interrogent, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada, par exemple, mais aussi dans l’océan Indien ou dans les Antilles.
Je n’oublie pas Saint-Martin : Action Logement pourra y intervenir rapidement.
Le rapporteur spécial Georges Patient a abordé la question des quorums, je lui ai répondu ; sur les normes, Micheline Jacques a pu constater que nous avancions ; concernant le logement, j’ai rappelé que nous avions fait un effort particulier.
Audrey Bélim a évoqué la singularité des territoires, les problèmes de développement économique, ainsi que l’habitat indigne et l’insularité. Sachez que ces questions sont centrales à nos yeux. S’agissant, par exemple, de l’habitat indigne, nous irons plus loin en 2024, afin de préparer une nouvelle étape.
Solanges Nadille est intervenue fortement sur l’eau en Guadeloupe. Le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe a été aidé à hauteur de 20 millions d’euros en 2023, il recevra 27 millions d’euros en 2024, au-delà du plan pluriannuel d’investissement (PPI) de 320 millions d’euros. J’ai, en outre, déjà répondu concernant les sargasses.
Monsieur Thani Mohamed Soilihi, merci d’avoir rappelé le rôle majeur du service militaire adapté (SMA) et de la continuité territoriale. Vous connaissez notre investissement à Mayotte, où nous nous rendrons ensemble en fin d’après-midi. Je vous l’assure : ce rattrapage pour Mayotte s’inscrira dans la durée. Nous bâtirons ensemble la loi consacrée à ce territoire, je sais pouvoir compter sur vous et sur votre collègue sénateur.
Viviane Malet a évoqué le vieillissement en outre-mer, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et le plan handicap. Ma collègue chargée de ce dernier dossier s’est rendue à La Réunion il y a quelques semaines et a mis sur la table 47 millions d’euros dans ce cadre.
Mme Malet a également attiré notre attention sur les violences intrafamiliales et a déposé un amendement très important à ce sujet : il s’agit d’une avancée que le Gouvernement soutiendra.
Le sénateur Christopher Szczurek a parlé d’immigration. Je l’ai dit : le débat a eu lieu ici, il se poursuivra à l’Assemblée nationale, chacun prendra ses responsabilités, nous verrons quelles mesures seront adoptées à la faveur des nouvelles lectures et d’une commission mixte paritaire que je souhaite conclusive. Il s’agit, à nos yeux, d’une avancée, nos propositions sont sur la table et je sais pouvoir compter sur l’engagement des sénateurs.
Corinne Bourcier a évoqué la biodiversité, la création d’activités, la continuité territoriale et le coût de la vie, beaucoup plus élevé en outre-mer, c’est vrai.
Je dirais un mot à ce sujet sur la réforme de l’octroi de mer, qui est devant nous. Il ne s’agira pas d’un texte que le Gouvernement aurait écrit et que vous découvririez un jour sur le coin d’une table. La méthode que nous avons définie durant le Ciom sera respectée et des courriers partiront après que nous en aurons terminé avec cette séance, car je souhaite respecter le temps sénatorial. Ils seront adressés aux élus – parlementaires, grands élus, présidents de collectivités, maires –, aux acteurs économiques et aux consommateurs concernés.
Lana Tetuanui a abordé le sujet de l’indemnité temporaire de retraite, dispositif dont nous avons, pour ainsi dire, sauvé le stock : le contrat, tel qu’il était rédigé à sa signature, sera respecté, grâce à ce que l’on appelle la clause du grand-père. Un dispositif incitatif s’adresse aux nouveaux entrants ; vous souhaitez qu’il soit plus efficace, mais il garantit tout de même 4 000 euros à vie.
Monsieur Akli Mellouli, merci de ce propos vibrant ; je fais en sorte de porter une réponse républicaine, avec beaucoup d’ambition, même si elle est insuffisante aux yeux de certains d’entre vous, comme l’a dit Evelyne Corbière Naminzo. Soyez assurée, madame la sénatrice, que nous évoquerons bien le sujet de la continuité territoriale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat à l’occasion de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Mes chers collègues, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à trois heures quarante-cinq, ce qui nous amènera à quinze heures quarante-cinq.
Toutefois, compte tenu de l’organisation de la journée, ainsi que du nombre d’amendements déposés, nous pourrions au maximum allonger cette durée de trente minutes pour terminer aux alentours de seize heures quinze.
À la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’a été ordonné précédemment l’examen en priorité de l’article 55, ainsi que des amendements portant article additionnel qui s’y rapportent.
Outre-mer
Article 55 (priorité)
Le code des transports est ainsi modifié :
A. – L’article L. 1803-1 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « outre-mer, au profit de l’ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies » sont remplacés par les mots : « , au profit des personnes physiques régulièrement établies en France et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer » ;
b) Sont ajoutés les mots : « au départ ou à destination de l’outre-mer » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, après le mot : « éloignement », sont insérés les mots : « , notamment en matière d’installation professionnelle, » ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
B. – Le premier alinéa de l’article L. 1803-2 est ainsi modifié :
1° Après le mot : « finance », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « les aides prévues au présent chapitre. » ;
2° La seconde phrase est supprimée ;
C. – Après l’article L. 1803-6, il est inséré un article L. 1803-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1803-6-1. – L’aide destinée à accompagner les projets individuels d’installation professionnelle dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2 est dénommée “passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer”. Cette aide a pour objet le financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par cette installation ainsi que le versement d’une allocation d’installation.
« L’aide est attribuée, à leur demande, aux personnes résidant en France métropolitaine justifiant d’un projet d’installation professionnelle durable dans l’une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2. Son octroi est subordonné à la conclusion d’une convention entre son bénéficiaire et l’établissement mentionné à l’article L. 1803-10, qui prévoit notamment les conditions de remboursement en cas de non-respect de ses engagements par le bénéficiaire.
« Les modalités d’application du présent article, notamment les critères d’éligibilité à l’aide, la procédure d’instruction des demandes et les règles de calcul du montant de l’aide, sont fixées par décret.
« Toute personne morale de droit public ou privé peut s’associer au financement de cette aide, par convention. » ;
D. – L’article L. 1803-7 devient l’article L. 1803-8 et la référence : « L. 1803-6 » est remplacée par la référence : « L. 1803-7-1 » ;
E. – L’article L. 1803-7 est ainsi rétabli :
« Art. L. 1803-7. – L’aide destinée aux personnes morales de droit privé implantées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2 et accordée au titre de la formation professionnelle de leurs salariés, est dénommée “passeport pour la mobilité des actifs salariés”. Elle est attribuée lorsque la formation professionnelle est assurée en dehors de la collectivité de résidence du salarié, faute qu’existe dans celle-ci la filière de formation correspondant au projet de formation.
« L’aide concourt au financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par cette formation, en complément, pour les collectivités concernées, de la participation financière des opérateurs mentionnés à l’article L. 6332-1 du code du travail. » ;
F. – Après le même article L. 1803-7, sont insérés des articles L. 1803-7-1 et L. 1803-7-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1803-7-1. – L’aide destinée aux personnes morales de droit privé implantées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2 au titre du caractère innovant de l’entreprise est dénommée “passeport pour la mobilité des entreprises innovantes”. Elle a pour objet le financement au profit d’une entreprise innovante, au sens de l’article L. 421-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de tout ou partie du coût des titres de transport liés à certains déplacements professionnels nécessaires au développement de son activité.
« Art. L. 1803-7-2. – Le bénéfice des aides mentionnées aux articles L. 1803-7 et L. 1803-7-1 est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. » ;
G. – Au 3° de l’article L. 1803-10, la référence : « L. 1803-6 » est remplacée par la référence : « L. 1803-7-1 ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. L’article 55 prévoit la création de trois nouveaux dispositifs d’aide à la continuité territoriale pour financer les déplacements des salariés en vue d’une formation professionnelle, pour prendre en charge tout ou partie des dépenses de déplacements professionnels nécessaires au développement de l’activité d’une entreprise innovante ultramarine et pour accompagner les projets individuels d’installation professionnelle en outre-mer.
Alors que les deux premiers sont plutôt bien accueillis, le troisième, l’aide à l’installation professionnelle, a suscité beaucoup de réactions de la part des élus ultramarins des deux assemblées, quel que soit leur groupe politique.
Si nous considérons qu’il convient de ne pas supprimer l’article 55, car celui-ci contribue à améliorer la continuité territoriale, nous avons conscience qu’il faut en modifier, à tout le moins, la partie concernant l’aide à l’installation professionnelle.
De nombreux amendements ont été déposés à cette fin ; ils témoignent des craintes et des attentes qui s’attachent à certaines évolutions.
À ce stade, il nous semble que certains d’entre eux seraient à même de répondre aux inquiétudes des élus ultramarins, en mettant en place, dans un premier temps, une expérimentation de l’aide à l’installation professionnelle, avant d’en tirer un bilan et de décider ensuite de sa pérennisation éventuelle. De même, la prise en compte, dans la définition de cette mesure, du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) de ses bénéficiaires nous paraît être indispensable.
Nous alertons, en revanche, sur le risque sérieux d’inconstitutionnalité que présentent bon nombre de ces amendements.
Mes chers collègues, pour parvenir à une solution consensuelle – à mon sens, c’est possible –, nous devrons faire preuve d’ouverture et de raison durant le débat.
C’est pourquoi nous demanderons le retrait de quelques amendements de manière à focaliser la discussion sur ceux qui sont le plus à même de recueillir l’adhésion. Je forme le vœu que nous soyons entendus et suivis.
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, sur l’article.
Mme Annick Petrus. Vous connaissez le combat que je mène, avec mes collègues ultramarins, particulièrement ceux de la Guadeloupe et de la Martinique – j’ai à l’esprit Catherine Conconne et son association Alé Viré – pour le retour au pays de nos nombreux compatriotes qui se sont rendu dans l’Hexagone pour étudier, se former ou passer des concours.
Ce combat, nous le menons pour lutter contre le déclin démographique de nos territoires et contre la pénurie de personnels ultramarins, en raison d’une offre locale de formation insuffisante et pas toujours adaptée à nos besoins.
Il concerne plusieurs domaines : l’administration, pour que l’État local puisse être davantage administré par des agents originaires de nos territoires, comme le secteur privé, pour que des personnels diplômés ultramarins intègrent l’encadrement des entreprises locales ou créent leurs propres entreprises.
Aussi ai-je été surprise lorsque j’ai pris connaissance de cet article 55, lequel semblait proposer une aide à l’installation dans les territoires ultramarins pour les résidents de l’Hexagone, comme de nombreux collègues députés l’ont souligné. Or nous ne souhaitons pas la mise en place d’une aide à l’installation généralisée, mais bien d’une aide au retour, dans la droite ligne de la continuité territoriale, pour nos territoires ultramarins.
Je ne voterai donc pas cet article en l’état ni aucun amendement qui ne tiendrait pas compte des intérêts des territoires ultramarins, car c’est de cela qu’il s’agit, avant toute autre considération.
M. Georges Naturel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. S’il y a un sujet qui devrait nous rassembler et créer de la cohérence, c’est bien celui-là.
Quel habitant de nos pays, dans cet hémicycle, s’opposerait à une aide pour compenser les dégâts de certains procédés, tels que le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer (Bumidom), que nous avons tous critiqué ?
Aujourd’hui, nous sommes face à une forme de réparation de la part de l’État, même si 2 millions d’euros paraissent être loin du compte. Personne ici ne saurait y faire obstacle.
Nos divergences porteront malheureusement sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif. Il convient cependant de mesurer les risques que l’on peut faire courir à une décision qui semble si vertueuse. L’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ?
J’en appelle à la sagesse et à la raison du Sénat. Nous avons assisté à une levée de boucliers à l’Assemblée nationale, en raison de peurs dont les racines m’ont échappé ; j’ai eu le sentiment de revivre le débat qui a accompagné l’élargissement de l’Union européenne. Souvenez-vous : une chanson avait alors été écrite, qui était devenue un tube, Voici le loup. On craignait alors que des populations entières de Polonais viennent submerger nos territoires. « Le loup » allait « nous manger », disait la chanson.
Il n’en fut rien. Force est de constater que chacun est maintenant favorable aux aides européennes et se mobilise dès que l’on cherche à diminuer ces enveloppes, ne serait-ce que d’un centime.
Préservons l’essentiel : 2 millions d’euros sont prévus pour faciliter les retours. Je sais de quoi je parle : l’association que j’anime a accompagné près de 1 000 Martiniquais dans leur retour au pays et tous m’ont dit qu’un soutien financier aurait été le bienvenu, car rentrer a un coût.
Encore une fois, tenons « le pas gagné ». J’en appelle à la sagesse de tous mes collègues pour que nous ne perdions pas l’essentiel.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Je m’exprime peu sur la mission « Outre-mer ». J’ai été ministre chargé de ce dossier et je reste un homme responsable : je suis rarement monté à la tribune pour critiquer les budgets présentés par mes successeurs.
Pour autant, cet article 55 n’a pas été annoncé lors du Ciom, il ne répond pas à une demande des élus, il n’a pas fait l’objet de concertations non plus que de débats à l’Assemblée nationale et il a suscité un certain émoi dans tous les outre-mer.
Le Gouvernement est, certes, fondé à faire des propositions, mais à mon sens, il fait preuve en la matière de maladresse politique.
Il s’agit, après la mise en place du Bumidom dans les années 1960, qui faisait venir des Antillais, comme les habitants des colonies, pour travailler dans l’Hexagone, d’une sorte de réciprocité, visant à aider les métropolitains et les jeunes portant un projet à financer leur billet d’avion et leur installation. Mieux, les entreprises privées seraient même éligibles, alors qu’il existe déjà un financement spécifique pour la formation des actifs et des salariés.
Or la continuité territoriale concerne les déplacements, les allées et venues ; il s’agit d’un droit constitutionnel, dont on ferait désormais bénéficier les salariés, au nom de la lutte contre la déprise démographique et du financement des entreprises innovantes.
Le Gouvernement a pris des engagements par texto et en rencontrant les députés, que la présidente de notre délégation a elle-même reçus, et un accord a été trouvé sur trois critères pour ces aides au retour : la naissance, la résidence et l’ascendance.
M. le président. Il faut conclure.
M. Victorin Lurel. En conséquence, je vous propose de supprimer cet article 55 et d’inviter le Gouvernement à nous soumettre une politique plus cohérente.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, sur l’article.
M. Laurent Somon. Monsieur le président, monsieur le ministre, si la France possède le deuxième domaine maritime au monde, elle le doit à ses territoires d’outre-mer, qui lui ouvrent le monde et l’espace et participent énormément à la protection de la biodiversité. Ils sont notre force, notre grandeur, mais ils révèlent aussi leurs faiblesses.
L’attention que nous leur portons est illustrée, au niveau gouvernemental, par l’augmentation des crédits de la mission « Outre-mer » dans ce PLF pour 2024, que nous voterons, bien entendu, mais également, au Sénat, par nos travaux. Ainsi, le 27 novembre dernier, nous avons échangé avec les maires ultramarins, sous la houlette de la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par notre collègue Micheline Jacques.
Les spécificités démographiques, historiques et sociales de ces territoires sont nombreuses et leurs problèmes sont souvent évoqués : l’eau, le logement, la précarité, l’inflation, la sécurité, la santé.
Des propositions sont régulièrement avancées, comme en témoigne la multiplication des amendements que nous défendons aujourd’hui, notamment ceux qui visent à augmenter l’attractivité de ces territoires pour ceux qui y résident, afin de favoriser l’expression de leurs forces vives, comme pour ceux qui souhaitent y développer une activité ou un projet de vie. La continuité territoriale reste une priorité.
Aussi, au-delà du vote des crédits de la mission, le groupe Les Républicains vous invite à soutenir en particulier l’amendement n° II-1131 de Micheline Jacques, dont la rédaction trouve un équilibre, dans le cadre de la politique de continuité territoriale, afin de faciliter les déplacements depuis et vers les territoires ultramarins et d’élargir les aides déjà existantes à l’installation professionnelle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1107 rectifié est présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda.
L’amendement n° II-1151 est présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° II-1107 rectifié.
M. Victorin Lurel. Conformément à ce que je viens d’exposer, nous plaidons pour la suppression de cet article, qui nous semble être un choix de sagesse pour notre assemblée.
Je le répète, ce dispositif n’a fait l’objet d’aucune discussion avec les députés et n’a pas été annoncé lors du Ciom – la mesure 27 n’en fait pas mention. Il est, certes, innovant, mais pour le moins étonnant.
Je tiens, par ailleurs, à préciser qu’il ne s’agit nullement pour nous d’empêcher un Français, quelle que soit son origine, sa couleur de peau ou sa confession, de se rendre dans les outre-mer. Comment, cependant, peut-on annoncer une telle évolution politique sans aucune concertation ?
Nous, sénateurs, n’avons jamais été invités autour d’une table pour nous présenter ce qui était proposé. Les députés, eux, ont au moins été reçus par M. Darmanin et M. le ministre chargé des outre-mer.
Nous avons toutefois reçu un texto, le 22 novembre, nous indiquant que l’article serait supprimé. J’attendais donc, nous attendions donc un amendement de suppression du Gouvernement.
Des rumeurs ont ensuite circulé, selon lesquelles vous aviez demandé aux députés de proposer une réécriture de cet article, monsieur le ministre. Quid des sénateurs ? Le Parlement compte bien deux chambres. Pour autant, l’engagement pris avec les députés aurait dû être respecté.
À titre personnel, je m’alignerai sur la position de la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Micheline Jacques, et je voterai son amendement. Il serait toutefois plus simple, plus logique et plus respectueux des compétences du Parlement de supprimer cet article, charge au Gouvernement de nous proposer un dispositif cohérent.
M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour présenter l’amendement n° II-1151.
M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le ministre, vous vous décidez, enfin, à agir pour les plus précaires, mais vous aidez ceux qui sont en manque de vitamine D, d’aventure ou d’exotisme.
Vous voulez améliorer le droit du travail, mais vous faites des cadeaux aux actionnaires et aux patrons.
Vous voulez agir pour le climat, mais vous protégez les gros industriels et les gros pollueurs.
Vous voulez faciliter le retour en outre-mer pour créer une nouvelle continuité, ou discontinuité territoriale, mais ceux qui n’ont jamais posé les pieds outre-mer en bénéficieront.
L’article 55 est une aberration qui n’a sa place dans le grand livre de la République que dans les méandres de son histoire coloniale. Cette histoire étant ce qu’elle est, qu’elle reste où elle est, dans le passé. Cette époque est révolue, monsieur le ministre, n’y revenons pas !
Nos territoires connaissent un véritable exode de leurs jeunes diplômés. Chaque année, ils sont plus de 42 % à quitter leur terre.
Chaque année, en raison du manque d’opportunités locales, nos cerveaux et nos forces vives viennent abonder les institutions et les organismes de la grande métropole, au détriment du développement de nos territoires.
Chaque année, nos enseignants sont poussés à quitter leur terre natale pour rejoindre les académies de l’Hexagone. Nous ne souffrons pourtant pas, outre-mer, de la pénurie de vocations que connaît la métropole. Les postes, nous les avons. Les enseignants volontaires, nous les avons. Mais les places sont prises par ceux qui viennent de l’extérieur.
Il semblerait que la misère de vivre sous votre gouvernement, monsieur le ministre, puisse paraître moins pénible au soleil. Nous pouvons le concevoir.
Il reste que l’article 55 n’a pas sa place dans ce PLF. Alors que vous avez annoncé sa suppression, monsieur le ministre, nous nous retrouvons aujourd’hui pour en débattre. Mettez vos promesses à exécution ! Oleti !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Ces deux amendements identiques visent à supprimer le présent article, qui prévoit l’instauration de passeports pour la mobilité professionnelle et pour les entreprises innovantes.
J’estime qu’il serait dommage de priver nos territoires de ces nouvelles opportunités.
Je crois par ailleurs que nous pourrons trouver une solution de compromis sur le volet non consensuel de cet article, en adoptant un ou plusieurs des amendements qui ont été déposés.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. L’avis est défavorable, mais je souhaite dire quelques mots sur cet article, dont il est normal qu’il suscite un débat.
Je ne puis tout d’abord vous laisser dire que les sénateurs n’ont pas eu l’occasion de débattre du dispositif prévu à cet article avec Gérald Darmanin et moi-même, monsieur le sénateur Lurel. J’ai reçu au ministère l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, dans le cadre de la préparation de ce budget. Nous avons eu cette discussion et toutes les questions ont été abordées. Vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur le sénateur. Je peux du reste communiquer à vos collègues la date et l’heure exactes de cette réunion.
Les députés ont ensuite effectivement demandé à nous rencontrer, Gérald Darmanin et moi-même. Nous les avons reçus et – compte tenu des interrogations que suscite l’article 55, je tiens à l’indiquer clairement devant le Sénat – nous leur avons proposé, comme nous vous le proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, de se saisir de la question et de se mettre d’accord sur une nouvelle rédaction.
Le président de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale nous a indiqué par courrier que les députés n’étaient pas parvenus à s’entendre sur une rédaction commune. À partir de là, députés et sénateurs ont continué leurs travaux, ce qui est tout à fait normal.
Je souhaite toutefois souligner que la suppression de l’article 55 emporterait la suppression de l’intégralité du dispositif, y compris le soutien à la formation des salariés et des entreprises au travers de la prise en charge du coût de la mobilité qui peut être induite par cette formation. Il faut que chacun ait conscience que serait ainsi supprimée une mesure visant au développement des compétences.
Le dispositif de soutien aux besoins de mobilité des entreprises innovantes, que ceux-ci découlent de la nécessité de se faire connaître ou de trouver des investisseurs, serait lui aussi supprimé.
Compte tenu de l’émoi suscité par l’article 55 et des difficultés rencontrées par les parlementaires à trouver un accord, il eût été facile, pour le Gouvernement, de supprimer cet article. Si nous avions fait cela, les financements mobilisés dans ce cadre, notamment pour les deux dispositifs que je viens de mentionner, auraient également été supprimés.
Vous avez enfin indiqué, monsieur Lurel, que ce dispositif n’avait jamais été évoqué dans le cadre du Ciom.
Sur ce point, je vous renvoie à la proposition 47, « Faciliter l’installation en outre-mer des porteurs de projets professionnels » validée lors du Ciom du 18 juillet 2023 : « Dans le cadre de la nouvelle stratégie de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), l’État accompagnera les porteurs d’un projet professionnel, résidant dans l’Hexagone, et qui les conduit à s’installer en outre-mer. Les critères de sélection permettront de prioriser les candidats justifiant d’un centre d’intérêts matériels et moraux. Cette mesure sera déclinée dans le cadre d’un partenariat proposé aux collectivités locales. »
Vous ne pouvez donc pas nier que ce débat a eu lieu, monsieur le sénateur, puisque ses résultats sont sanctuarisés parmi les propositions du Ciom qui ont été validées sous l’autorité de la Première ministre le 18 juillet 2023. Le sujet a bien été abordé et le débat a abouti à la proposition susvisée, dont l’article 55 est la traduction.
Les propositions de rédaction qui ont été formulées nous ont amenés à introduire la prise en compte des centres d’intérêts matériels et moraux. Vous souhaitez aller plus loin, madame Micheline Jacques, en conditionnant cette aide à des critères relatifs à l’origine géographique des bénéficiaires. Je ne suis pas – tant s’en faut – membre du Conseil constitutionnel, mais une telle disposition ne me paraît pas compatible avec le principe d’égalité. Le droit sera dit le moment venu, mais j’attire votre attention sur le fait qu’il pourrait en résulter l’annulation pure et simple du dispositif.
Mon objectif est que nous nous dotions de dispositifs efficaces. Lorsque la belle responsabilité de ministre délégué chargé des outre-mer m’a été confiée, je me suis replongé dans l’histoire des territoires ultramarins. J’ai notamment lu que comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice Conconne, certaines années, des financements ont été mis sur la table pour favoriser le départ des jeunes en direction de l’Hexagone.
Nous nous efforçons d’inverser cette logique et d’affirmer que l’on n’a pas le droit de faire cela. J’estime qu’il s’agit d’un acte fondateur républicain. Et nous y allons puissamment, que ce soit en faveur du dispositif « Cadres d’avenir », du soutien à l’ingénierie ou d’un certain nombre d’autres mesures efficaces.
Établissez donc une rédaction consensuelle, mesdames, messieurs les sénateurs : le Gouvernement vous accompagnera. Mais ne prenons pas le risque que, demain, cet article soit supprimé ou amputé. Si tel était le cas, il nous faudrait expliquer à nos concitoyens ultramarins pourquoi nous n’avons pas été au rendez-vous. Pour ma part, je souhaite que nous répondions présent.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Vous nous vendez l’article 55, qui comporte effectivement deux dispositifs intéressants, monsieur le ministre, tout en nous « collant » une mesure qui irait dans le sens inverse, et en nous menaçant de tout perdre si nous ne la votons pas.
Notre objectif, mes chers collègues, ne doit pas seulement tourner autour de ce que nous perdrions en ne votant pas cet article ; nous devons aussi prendre en compte la manière dont ce dispositif sera reçu et perçu par nos compatriotes ultramarins.
Je partage par ailleurs votre préoccupation relative au respect du principe d’égalité, monsieur le ministre.
Si cela doit nous conduire à nous interroger sur la forme, j’estime toutefois que le fond interroge davantage, car les Ultramarins ont aujourd’hui un sentiment d’injustice, que ce soit pour l’accès à l’emploi ou la possibilité de créer des entreprises.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera l’amendement de Victorin Lurel.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je ne prétends pas que vous ne nous avez pas invités, monsieur le ministre. Vous m’avez d’ailleurs invité deux fois, la première fois pour une réunion en visioconférence, mais l’acoustique étant mauvaise, nous avons dû raccrocher rapidement, et la seconde fois à une réunion à laquelle je n’ai pas pu me rendre.
En revanche, aucune de ces deux réunions ne portait sur l’article 55 que nous examinons.
La proposition n° 47 relative à la stratégie de Ladom pour 2024, dont nous avions effectivement connaissance, est purement administrative et réglementaire. Par cet article, vous engagez une autre politique, monsieur le ministre.
Les dispositifs d’aide à la continuité territoriale existent déjà. Vous y greffez une politique d’installation, d’aide à la formation des salariés, de financement d’entreprises innovantes et de start-up, monsieur le ministre. Mais, telle qu’elle est consignée dans les textes, y compris dans la loi 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Égalité réelle outre-mer, que j’ai eu l’honneur, en tant que rapporteur à l’Assemblée nationale, de faire adopter à l’unanimité, la politique de continuité territoriale s’adresse non pas aux personnes morales de droit privé, mais aux personnes physiques.
Je ne comprends pas la politique que vous proposez d’instaurer, monsieur le ministre.
Par ailleurs, votre petit chantage ne prend pas : il est faux de dire qu’il n’y aura plus ni crédits ni dispositif si nous ne votons pas l’article 55, car le dispositif existe.
En supprimant l’article, nous vous donnerions toutefois la possibilité de nous soumettre une politique plus cohérente, par exemple en matière de lutte contre la déprise démographique et le vieillissement de la population outre-mer que vous citez dans votre exposé des motifs, monsieur le ministre.
En tout état de cause, vous proposez de faire venir nos compatriotes de métropole, en imaginant, peut-être, que cette action sera la réciproque de celle que le Bumidom a menée par le passé. Mais lorsqu’un Antillais, un Réunionnais, un Mahorais ou un Polynésien déménagent dans l’Hexagone, on ne leur offre pas le billet et on ne leur alloue pas une prime d’installation.
Tout en comprenant l’idée qui préside à ce dispositif, j’estime que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Victorin Lurel. Je vous remercie de m’accorder quelques secondes, monsieur le président, car je souhaite répondre au ministre, qui a défendu sa politique pendant cinq minutes.
La suppression de cet article me paraissant logique, je vous invite à voter mon amendement, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.
Mme Annick Girardin. Je crois que nous ne parviendrons pas à être tous d’accord, mes chers collègues, tout simplement parce que, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons des outre-mer.
Je suis pour ma part favorable à l’article 55 tel qu’il a été rédigé par le Gouvernement, parce que le dispositif proposé permettra de lutter contre la perte démographique catastrophique que connaît mon territoire et qu’il contribuera à satisfaire notre besoin en ressources humaines.
Mon territoire, Saint-Pierre-et-Miquelon, compte en effet moins de 7 000 habitants. Telle est la réalité avec laquelle je dois composer. Or pour se développer, mon territoire a besoin de cette aide.
Par ailleurs, depuis combien d’années demandons-nous le retour de nos étudiants, mes chers collègues ? Catherine Conconne mène ce combat avec Alé Viré Martinique Terre d’avenir depuis quelques années, et je suis heureuse de l’accompagner, mais elle n’est pas la seule ! (Catherine Conconne le confirme.) Nous demandons le retour de nos étudiants depuis toujours, car après plusieurs années passées en métropole, l’attractivité des territoires ultramarins n’est pas toujours au rendez-vous.
Il conviendrait peut-être du reste d’intituler ce dispositif, de manière plus directe, « dispositif d’aide au retour ». Tel n’est toutefois pas le dispositif que je souhaite, car j’estime qu’il doit être plus global, ouvert à tous.
Je n’entends absolument pas rapprocher ce dispositif du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, mais de fait, les préfets pourraient établir la liste des secteurs dans lesquels les entreprises ont besoin de ressources humaines, de manière à cibler cette aide.
Je suis également favorable à une expérimentation, si cela peut rassurer, mais il faudrait que celle-ci dure au minimum trois ans, car il faut une année pour mettre le dispositif en place et une autre année pour qu’il soit compris. Nous ne pourrons donc en tirer les conclusions qu’au bout de trois ans.
Prenons garde, mes chers collègues, à la tentation d’arranger un « truc » de manière que nous soyons tous d’accord. Ou alors, soyons très clairs, et votons un dispositif qui tienne en deux phrases, à charge ensuite pour les préfets et les présidents de région d’en définir les modalités d’application dans chaque territoire.
Ayant été élue en septembre, je n’ai pas contribué à la rédaction de ce dispositif et je ne sais pas si l’on a suffisamment travaillé à l’élaboration de celui-ci, mes chers collègues. Je sais toutefois que cela fait des années que nous soulevons ces difficultés, et personnellement, je n’ai jamais réussi à obtenir les crédits nécessaires pour y remédier. Puisque l’argent est là, utilisons-le !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Que ce soit clair et net : je ne voterai pas cet amendement de suppression, car nous avons besoin de cette aide au retour et que nous la réclamons depuis des années.
À mes collègues qui prétendent que les élus ne l’ont pas réclamée, je rappellerai la quatrième préconisation formulée, en mars dernier, c’est-à-dire très en amont du débat budgétaire, dans le rapport d’information intitulé La continuité territoriale outre-mer, réalisé au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer : « Soutenir et amplifier, en partenariat avec les collectivités ultramarines, les dispositifs accompagnant ou encourageant le retour des jeunes actifs sur les territoires et placer cette priorité au cœur de Ladom 2024. »
Dans le cadre des travaux de cette mission d’information, nous avons réalisé plus d’une centaine d’auditions, si bien que nous avons fait le tour des élus : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Pierre-et-Miquelon, tout le monde y est passé, et tout le monde a réclamé cette aide !
Nous avons aujourd’hui une proposition concrète, mes chers collègues. Essayons de trouver un consensus ! En tout état de cause, j’ai besoin de cette aide.
Je pense en effet à Marie-Claude, que j’ai rencontrée sur le salon Paris pour l’emploi. Marie-Claude veut rentrer au pays, mais elle a quatre enfants qu’elle élève seule. N’ayant pas les moyens de payer les billets, qui sont chers, elle est contrainte de reporter son retour.
Je pense aussi à Joël, qui vient de trouver un emploi de logisticien chez Carrefour, en Martinique, mais qui a lui aussi des difficultés pour payer son billet et celui de ses trois enfants.
De fait, le coût de la vie, des transports et du déménagement est prohibitif.
C’est pour Marie-Claude et pour Joël que je suis ici, mes chers collègues, rien que pour eux et toujours pour eux !
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Le sujet est assez explosif, mes chers collègues.
La presse locale polynésienne titrait récemment : « Eureka ! Le Gouvernement retire l’article 55. » C’était écrit noir sur blanc. Malheureusement, nous y sommes.
Comme l’indiquait Annick Girardin, il y a des outre-mer.
Je tiens à témoigner des difficultés que nous rencontrons, dans mon territoire, à ramener nos enfants diplômés de métropole pour occuper des postes dans nos collectivités. (Mme Catherine Conconne applaudit.) La loi Égalité réelle outre-mer avait établi le caractère prioritaire de l’objectif d’égalité, en vain.
Si nous souhaitons que l’on aide nos enfants à rentrer, encore faut-il que nos collectivités soient en mesure de s’organiser. Telle est bien la difficulté !
Je vous rappelle, mes chers collègues, que j’avais déposé une proposition de loi visant à supprimer l’indemnité d’éloignement des fonctionnaires de l’État affectés en Polynésie française, qui existe tout de même depuis 1958 – elle a donc l’âge de la Constitution ! En effet, une telle indemnité n’est pas prévue pour les fonctionnaires ultramarins qui viennent travailler en métropole.
Je ne veux pas mettre le feu aux poudres, mais j’estime que certaines dispositions peuvent être valables pour certains territoires et pas pour d’autres. Ma crainte est donc de voter un dispositif général qui risque de ne pas du tout nous aider.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour explication de vote.
M. Frédéric Buval. L’article 55 a déjà suscité de nombreux débats à l’Assemblée nationale comme sur nos territoires, car il pose une question cruciale et politique sur l’avenir de nos territoires.
Si les dispositifs prévus à cet article ne concernent au sens strict que la continuité territoriale, c’est en fait la problématique plus transversale de l’attractivité de nos territoires qui doit guider nos votes, mes chers collègues.
J’avais d’ailleurs déposé un amendement, malheureusement déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, dont l’objet était de changer notre angle de réflexion, afin de passer d’une logique nationale uniforme à une vision plus différenciée et plus ciblée et, partant, de tenir compte des réalités différentes de chaque territoire et des populations qui, sur place, ont déjà du mal à s’insérer économiquement.
Chaque territoire a sa propre dynamique en matière d’emploi, d’aménagement du territoire, mais aussi en matière de logement, de transport, de santé, de qualité de vie, de sécurité ou d’éducation. Tels sont les éléments fondamentaux qui participent de l’attractivité d’un territoire, et qui, au-delà des souhaits de rapprochement familial, constituent les véritables critères dans les choix d’installation de chacun.
Je m’inscrirai donc pour ma part, en cohérence avec cette approche différenciée, dans la continuité des efforts effectués pour renforcer l’attractivité de la Martinique au regard de l’emploi par les exécutifs locaux, notamment la collectivité territoriale de Martinique, par les acteurs socioprofessionnels et les associations telles que l’association Alé Viré de ma collègue Catherine Conconne.
Je soutiendrai donc l’amendement de Catherine Conconne tendant à instaurer une approche décentralisée.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Si l’on en croit toutes les déclarations, l’article 55 vise à favoriser le retour au pays. Les dispositions dont nous discutons ne sont toutefois pas formulées ainsi, mes chers collègues.
Comme cela a été dit, le véritable sujet est l’attractivité de nos territoires. Un territoire attractif est un territoire dynamique, qui a des offres d’emploi et un équilibre économique correct.
Favoriser l’aide au retour suppose dans un premier temps de veiller à ce que les centres d’intérêts matériels et moraux soient en effet pris en compte et respectés, dès lors que nos compatriotes demandent une mutation afin de revenir dans un territoire d’outre-mer.
Cela suppose aussi, comme les élus le demandent depuis longtemps, que les zonages de gendarmerie et de police nationale soient revus, car cela aurait une incidence directe pour nos compatriotes qui travaillent dans les services publics de l’Hexagone.
Cela suppose enfin de prendre en compte – ce que l’article 55 ne fait pas – le taux de chômage de nos territoires ultramarins, celui-ci atteignant 18 % à La Réunion. La plupart de nos jeunes qui viennent dans l’Hexagone y sont poussés par la pauvreté, par l’injustice sociale et par le manque de possibilités d’études et de formations dans nos territoires.
Ce « deux poids, deux mesures » a fait partir les plus pauvres d’entre nous, et il fait revenir on ne sait pas qui.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-Kanaky votera la suppression de l’article 55.
M. Victorin Lurel. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais vous avez déjà expliqué votre vote. (M. Victorin Lurel proteste.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1107 rectifié et II-1151.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de finances pour 2024 ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Loi de finances pour 2024
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie, des crédits de la mission « Outre-mer ».
Outre-mer (suite)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » s’inscrit dans un temps programmé, de sorte que nous devrions normalement le terminer à quinze heures quarante-cinq. Dans la mesure où nous avons siégé lors d’une séance supplémentaire, samedi dernier, nous disposons d’une marge de manœuvre d’une demi-heure pour prolonger cet examen, comme le président Théophile l’a rappelé avant la suspension de séance. Nous devrons donc passer à l’examen de la mission suivante à seize heures quinze, de sorte qu’il nous reste une heure quarante-cinq pour finir l’examen de celle-ci.
Par conséquent, nous devons considérer que le débat sur l’article 55 est clos, si je puis le dire ainsi, et passer au vote dès à présent, si tout le monde en est d’accord, madame la présidente. Il nous restera ensuite un temps très limité pour terminer l’examen de la mission.
Si nous ne parvenions pas à tenir les délais – je le redis pour que ce soit bien clair – nous ne pourrions pas prolonger le débat sur la mission « Outre-mer » au-delà de seize heures quinze. Il faudrait donc que nous nous retrouvions, vendredi soir, après l’examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », vers une heure du matin, pour terminer notre débat.
Mais, alors, le ministre délégué chargé des outre-mer ne pouvant pas être présent au banc, il devra être remplacé par un de ses collègues – peut-être le ministre de l’agriculture ou bien le ministre chargé des relations avec le Parlement –, qui ne pourra faire autrement que de s’appuyer sur des fiches, les outre-mer ne faisant pas partie de la compétence liée à son ministère.
Je vous encourage donc, mes chers collègues, à bien gérer votre temps de parole.
Article 55 (priorité) (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’amendement n° II-1112 rectifié bis, au sein de l’article 55.
Je suis saisie de vingt-cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1112 rectifié bis, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer
II. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
L’aide
par les mots :
À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2024, est instituée une aide
III. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités. »
IV. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
V. – Alinéa 17 à 24
Supprimer ces alinéas.
VI. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue par cet article au plus tard le 1er juin 2026.
Monsieur Lurel, puis-je vous suggérer de défendre l’ensemble des amendements que vous avez déposés ?
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, j’ai l’intention de retirer plusieurs de ces amendements.
Toutefois, l’amendement n° II-1117 rectifié vise à supprimer les aides destinées aux personnes morales de droit privé qui pourraient en bénéficier par ailleurs au titre de la formation professionnelle de leurs salariés ou au titre du développement de leur activité.
Quant aux autres amendements, j’attendrai que la commission et le Gouvernement aient rendu leur avis et je me réserverai la liberté de les retirer ou non.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1110 rectifié bis, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer
II.- Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités. »
III. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
IV.- Alinéas 17 à 24
Supprimer ces alinéas
V.- Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer prévu au présent article fait l’objet d’une mission de suivi et d’évaluation visant à mesurer ses impacts économiques et sociaux pour les territoires concernés. Une attention particulière est portée à ses modalités d’application, à la procédure d’instruction des demandes et singulièrement aux critères d’éligibilité à l’aide.
Cette mission débute dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi.
Cette mission peut notamment associer les parlementaires des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de Nouvelle-Calédonie.
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° II-1111 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer
II. – Alinéa 14
Après les mots :
France métropolitaine
insérer les mots :
dont le centre des intérêts matériels et moraux est en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie et
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer prévu au présent article fait l’objet d’une mission de suivi et d’évaluation visant à mesurer ses impacts économiques et sociaux pour les territoires concernés. Une attention particulière est portée à ses modalités d’application, à la procédure d’instruction des demandes et singulièrement aux critères d’éligibilité à l’aide.
Cette mission débute dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi.
Cette mission peut notamment associer les parlementaires des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de Nouvelle-Calédonie. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° II-1117 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et des personnes morales de droit privé domiciliées outre-mer
II. – Alinéas 17 à 24
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° II-1161, présenté par Mme Conconne, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 12 à 16
Supprimer ces alinéas
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
H. – Pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, une expérimentation est mise en place dans les territoires régis par l’article 73 et 74 de la constitution et la Nouvelle-Calédonie concernant la mise en place d’un “passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer”.
L’expérimentation porte sur la mise en place d’un financement de tout ou partie du coût des titres de transport nécessités par cette installation ainsi que le versement d’une allocation d’installation.
L’aide est attribuée, à leur demande, aux personnes résidant en France métropolitaine justifiant d’un projet d’installation professionnelle durable dans l’une des collectivités concernées par cette expérimentation. Son octroi est subordonné à la conclusion d’une convention entre son bénéficiaire et l’établissement mentionné à l’article L. 1803-10, qui prévoit notamment les conditions de son remboursement en cas de non-respect de ses engagements par le bénéficiaire.
Les modalités d’application de cette expérimentation, notamment les critères d’éligibilité à l’aide, la prise en compte des centres d’intérêts matériels et moraux dans son attribution, la procédure d’instruction des demandes et les règles de calcul du montant de l’aide, sont fixées par décret.
Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, une commission composée de représentants du ministre chargé de l’outre-mer et du représentant de l’État dans la collectivité, des collectivités participantes et de l’établissement mentionné à l’article 1803-10 du code du Transport, réalise une évaluation du dispositif.
Cette évaluation s’attache notamment à constater le bilan de cette expérimentation sur dans les territoires participants, notamment sur les profils professionnels des bénéficiaires retenus et leurs projets, la consommation de ces fonds et le bénéfice aux dynamiques migratoires de retour au pays. Sur la base de cette évaluation, le comité réalise un rapport qu’il remet au Parlement, et au ministre chargé de l’outre-mer.
…. – Les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue au H sont définies par décret.
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Il s’agit, en toute transparence, d’établir les modalités de la mise en œuvre de l’article 55, qui prévoit tout simplement une aide au retour au pays.
J’ai voulu que le dispositif de mon amendement soit neutre et ne fasse pas de distinction parmi les Français, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres amendements dont les auteurs semblent ne pas faire cas de l’humanité que nous avons en partage.
Au contraire, je veux formuler une proposition extrêmement sereine. Certains de nos concitoyens nourrissent des a priori sur le retour au pays, ou bien même des peurs, qui sont légitimes et que nous entendons. Je leur dis tout simplement : « Chiche, essayons ! » Prenons le temps de l’expérimentation et voyons ce qu’elle donne. Je suis prête à parier qu’elle évoluera dans le bon sens, mais je tais cela, car je veux rester dans une certaine neutralité.
J’aimerais que cet amendement soit adopté, non pas à l’issue d’un combat qui serait celui du pot de terre contre le pot de fer, où une majorité de sénateurs absents s’opposerait à la minorité de ceux qui sont présents à coups de scrutin public. Ce serait dommage. Qu’est-ce que cela coûterait que nous votions les deux amendements, le mien et celui que Mme Jacques présentera dans un instant ? Absolument rien, car il n’existe pas, jusqu’à nouvel ordre, de taxe sur les amendements. Si l’un est rejeté au nom de je ne sais quel motif – ce sera peut-être le cas du mien –, il restera l’autre et inversement. Au moins, l’on ne perdra pas l’avantage de cette attribution budgétaire que tout le monde appelle de ses vœux et attend depuis longtemps.
Mes chers collègues, je vous appelle à jouer la concorde. Essayons de trouver un compromis sur ces deux amendements qui sont l’un et l’autre valables.
Si je suis ici, c’est pour faire valoir non pas des intérêts privilégiés, mais l’intérêt du peuple et l’avantage de mon amendement, c’est celui de la neutralité.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-1415, présenté par M. Fouassin, est ainsi libellé :
Amendement II-1161
I.- Après l’alinéa 6
Insérer quatorze alinéas ainsi rédigés :
Cette aide est attribuée après avis d’un comité d’attribution de la collectivité.
En Guadeloupe et à La Réunion, le comité d’attribution est composé :
1° d’un représentant de l’État ;
2° de deux représentants du Conseil régional (un titulaire et un suppléant) ;
3° de deux représentants du Conseil départemental (un titulaire et un suppléant) ;
4° de quatre parlementaires : deux sénateurs, dont un titulaire et un suppléant, et deux députés, dont un titulaire et un suppléant.
À la Martinique, en Guyane et à Mayotte, le comité d’attribution est composé :
1° d’un représentant de l’État ;
2° de quatre représentants de la collectivité territoriale ;
3° de quatre parlementaires : deux sénateurs, dont un titulaire et un suppléant, et deux députés, dont un titulaire et un suppléant.
Dans le Pacifique (Polynésie Française et Nouvelle-Calédonie) le comité d’attribution est composé :
1° d’un représentant de l’État ;
2° d’un représentant de l’exécutif local ;
3° de quatre parlementaires : deux sénateurs, dont un titulaire et un suppléant, et deux députés, dont un titulaire et un suppléant.
II. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
les critères d’éligibilité à l’aide
par les mots :
l’organisation du comité d’attribution
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Je défends la même ligne que certains des collègues qui viennent de s’exprimer. Comment aurions-nous pu voter la suppression de cet article ? Comment aurions-nous expliqué à nos concitoyens que plusieurs millions d’euros d’aides aient été supprimés ? Ce serait un pied de nez au combat que nombre d’entre nous mènent depuis des années.
Ce sous-amendement vise à défendre un principe simple, mais fondamental, en instaurant une représentation plus complète et plus juste au sein du comité d’attribution. Il s’agit de permettre aux élus locaux, aux représentants de l’État et aux parlementaires de jouer un rôle plus actif et décisif dans ce processus crucial.
Cette modification incarne la volonté de donner la possibilité à ceux qui connaissent le mieux les territoires ultramarins de partager avec l’État les priorités de ces territoires. C’est une question non seulement d’équité ou de représentativité, mais aussi de responsabilité envers les communautés locales, qui sont en symbiose avec les besoins et les aspirations de ceux qui habitent et travaillent sur ces territoires.
De plus, ce comité, dans la mesure où il sera composé de représentants de l’État, des collectivités – ou de la collectivité – et des parlementaires, s’inscrit parfaitement dans la logique de l’expérimentation proposée dans l’amendement de Mme Conconne. Il s’agit là d’une synergie vertueuse qui vise à tester une approche innovante et inclusive pour stimuler le développement des territoires ultramarins, dont je rappelle qu’il doit être en faveur de nos concitoyens.
En conclusion, mes chers collègues, ce sous-amendement n’est pas simplement une réforme administrative, il représente un engagement en matière de justice, d’équité et de développement local. Je vous invite à soutenir cette mesure qui incarne nos valeurs de solidarité et d’engagement envers l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire national.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1119 rectifié bis, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
L’aide
par les mots :
À titre expérimental, pour une durée de 3 ans à compter du 1er janvier 2024, est instituée une aide
II. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités.
III. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à prévoir une expérimentation sur trois ans selon les trois critères que nous avons déjà évoqués, même si j’ai bien entendu qu’il était possible que nous nous exposions à un risque d’inconstitutionnalité.
Prenons le temps d’une expérimentation qui pourra s’étendre sur deux ou trois ans.
L’amendement n° II-1118 rectifié vise à prévoir une évaluation du dispositif avant la fin de l’expérimentation.
Madame la présidente, pour alléger la discussion et rester en congruence avec les recommandations du président de la commission des finances, je retire les amendements nos II-1112 rectifié bis, II-1110 rectifié bis, II-1111 rectifié, II-1119 rectifié bis et II-1118 rectifié.
J’indique également que je retirerai dans la suite de la discussion l’amendement n° II-1162 rectifié, le sous-amendement n° II-1355 rectifié, ainsi que les amendements nos II-1109 rectifié et II-1108 rectifié bis, et cela au profit des amendements identiques nos II-1113 rectifié et II-1131.
Pour résumer, je souhaite que nous votions les amendements portés par notre collègue Conconne, par Micheline Jacques et par moi-même.
Mme la présidente. Les amendements nos II-1112 rectifié bis, II-1110 rectifié bis, II-1111 rectifié, II-1119 rectifié bis, II-1118 rectifié et II-1162 rectifié sont retirés.
L’amendement n° II-1132, présenté par Mme Jacques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
L’aide
par les mots :
À titre expérimental, pour une durée de deux années, à compter du 1er janvier 2024, il est créé une aide
II. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités.
III. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Je le retire au profit de l’amendement n° II-1131.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1131 est retiré.
Le sous-amendement n° II-1355 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Amendement n° II-1132, alinéa 8
Remplacer les mots :
soit d’avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2
par les mots :
soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives,
Ce sous-amendement a été retiré.
L’amendement n° II-1164 rectifié, présenté par MM. Rohfritsch et Buval et Mme Havet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14, première phrase
1° Après le mot :
métropolitaine
insérer les mots :
et ayant le centre de leurs intérêts matériels et moraux tels que définis par l’article L. 1803-6-2 du code des transports dans au moins l’un des territoires relevant de l’article 73 ou 74 ou du titre XIII de la Constitution et
2° Remplacer les mots :
mentionnées au même article L. 1803-2
par le mot :
précitées
II. – Après l’alinéa 16
Insérer dix-sept alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1803-6-2. – La localisation du centre des intérêts matériels et moraux s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices et à partir la liste des critères non exhaustive suivante :
« 1° Le lieu de naissance du demandeur ;
« 2° Le lieu de naissance des enfants ;
« 3° Le lieu de résidence dans les vingt ans précédant la demande ;
« 4° Le lieu de résidence des père et mère ou, à défaut, des parents les plus proches (grands-parents, frères, sœurs, enfants) ;
« 5° Le lieu de résidence des membres de la famille du demandeur (notamment grands-parents, frères, sœurs, enfants), leur degré de parenté avec l’agent, leur âge, leurs activités, et le cas échéant leur état de santé ;
« 6° Le cas échéant, le lieu de sépulture des parents les plus proches ;
« 7° Le lieu d’implantation des biens fonciers dont le demandeur est propriétaire ou locataire ;
« 8° Le lieu où le demandeur est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
« 9° La commune où l’agent s’acquitte de certains impôts, en particulier l’impôt foncier ou l’impôt sur le revenu ;
« 10° Le lieu d’inscription du demandeur sur les listes électorales ;
« 11° Les études effectuées sur le territoire considéré par le demandeur et/ ou ses enfants ;
« 12° Les affectations professionnelles ou administratives des vingt dernières années ;
« 13° La fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
« 14° La durée des séjours dans le territoire considéré ;
« 15° Le bénéfice antérieur d’un congé bonifié pour les agents de la fonction publique ou les ayants droit d’agents de la fonction publique ;
« Ces critères n’ont pas de caractère exhaustif ni nécessairement cumulatif et plusieurs d’entre eux, qui ne seraient pas à eux seuls déterminants, peuvent se combiner. » ;
III. - En conséquence, alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
C. Après l’article L. 1803-6, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
La parole est à M. Teva Rohfritsch.
M. Teva Rohfritsch. Je défends cet amendement à titre personnel et non pas au nom de la commission. Il vise à ce que le dispositif bénéficie aux personnes dont le centre des intérêts matériels et moraux est en outre-mer, donc dans l’ensemble des départements et régions d’outre-mer (Drom) et des collectivités d’outre-mer (COM).
L’amendement n° II-1172 rectifié vise à prévoir la même démarche, mais seulement dans les collectivités du Pacifique, donc dans les COM, car j’ai bien compris qu’il existait des différences d’appréciation sur les Drom.
Quant à l’amendement n° II-1173 rectifié, il vise à faire évoluer le dispositif du CIMM, conformément aux arguments que défend également Mme Jacques, pour cibler les personnes nées ou ayant vécu pendant au moins quinze ans dans l’une des collectivités du Pacifique.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1109 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Après les mots :
France métropolitaine
insérer les mots :
dont le centre des intérêts matériels et moraux est en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie et
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le passeport pour l’installation professionnelle en outre-mer prévu au présent article fait l’objet d’une mission de suivi et d’évaluation visant à mesurer ses impacts économiques et sociaux pour les territoires concernés. Une attention particulière est portée à ses modalités d’application, à la procédure d’instruction des demandes et singulièrement aux critères d’éligibilité à l’aide.
Cette mission débute dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi.
Cette mission peut notamment associer les parlementaires des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de Nouvelle-Calédonie.
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° II-1172 rectifié, présenté par M. Rohfritsch, Mme Havet et M. Buval, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le projet d’installation concerne l’une des collectivités relevant de l’article 74 ou du titre XII de la Constitution, le demandeur doit justifier de la localisation du centre de ses intérêts matériels et moraux tels que définis par l’article L. 1803-6-2 du code des transports, dans au moins l’une des collectivités précitées.
II. – Après l’alinéa 16
Insérer dix-sept alinéas ainsi rédigés :
« Art. L 1803-6-2. – La localisation du centre des intérêts matériels et moraux s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices et à partir la liste des critères non exhaustive suivante :
« 1° Le lieu de naissance du demandeur ;
« 2° Le lieu de naissance des enfants ;
« 3° Le lieu de résidence dans les vingt ans précédant la demande ;
« 4° Le lieu de résidence des père et mère ou, à défaut, des parents les plus proches (grands-parents, frères, sœurs, enfants) ;
« 5° Le lieu de résidence des membres de la famille du demandeur (notamment grands-parents, frères, sœurs, enfants), leur degré de parenté avec l’agent, leur âge, leurs activités, et le cas échéant leur état de santé ;
« 6° Le cas échéant, le lieu de sépulture des parents les plus proches ;
« 7° Le lieu d’implantation des biens fonciers dont le demandeur est propriétaire ou locataire ;
« 8° Le lieu où le demandeur est titulaire de comptes bancaires, d’épargne ou postaux ;
« 9° La commune où l’agent s’acquitte de certains impôts, en particulier l’impôt foncier ou l’impôt sur le revenu ;
« 10° Le lieu d’inscription du demandeur sur les listes électorales ;
« 11° Les études effectuées sur le territoire considéré par le demandeur et/ ou ses enfants ;
« 12° Les affectations professionnelles ou administratives des vingt dernières années ;
« 13° La fréquence des voyages que l’agent a pu effectuer vers le territoire considéré ;
« 14° La durée des séjours dans le territoire considéré ;
« 15° Le bénéfice antérieur d’un congé bonifié pour les agents de la fonction publique ou les ayants droit d’agents de la fonction publique ;
« Ces critères n’ont pas de caractère exhaustif ni nécessairement cumulatif et plusieurs d’entre eux, qui ne seraient pas à eux seuls déterminants, peuvent se combiner. » ;
III. - En conséquence, alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
C. - Après l’article L. 1803-6, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° II-1115 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Après les mots :
France métropolitaine
insérer les mots :
dont le centre des intérêts matériels et moraux est en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie et
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1116 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Après les mots :
France métropolitaine :
insérer les mots suivants :
qui justifient soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé au moins cinq années consécutives, soit de la résidence d’au moins un ascendant, dont le centre des intérêts matériels et moraux est en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie et
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Également défendu !
Mme la présidente. L’amendement n° II-1153 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Après la référence :
L. 1803-2
insérer les mots :
et dont les ressources n’excèdent pas la moitié du montant du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement de repli vise à revenir sur le dispositif de cette aide qui ne prend pas du tout en considération le niveau de chômage bien plus élevé dans nos territoires que dans l’Hexagone. L’attribution de cette aide se décide en dépit de toute considération pour les milliers d’Ultramarins qui sont contraints de rester dans le péi la fré, comme on dit chez nous.
Monsieur le ministre, notre demande de suppression de l’article 55 n’a pas été entendue. Mon amendement vise donc à ce que la nouvelle aide créée par cet article soit au moins conditionnée.
Pour rappel, le dispositif de continuité territoriale de Ladom, dans le sens allant de l’outre-mer vers l’Hexagone, est prévu sous conditions de ressources. Le bénéfice de cet article doit être limité aux personnes dont les ressources ne dépassent pas la moitié du plafond de la sécurité sociale.
Je vous fais pleinement confiance sur ce sujet. Vous et vos collègues savez faire et avez l’habitude de conditionner des aides.
Mme la présidente. Les amendements nos II-1113 rectifié et II-1131 sont identiques.
L’amendement n° II-1113 rectifié est présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda.
L’amendement n° II-1131 est présenté par Mme Jacques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités.
II. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° II-1113 rectifié.
M. Victorin Lurel. Défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1131, présenté par Mme Jacques, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’être nées dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit d’y avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités.
II. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° II-1131.
Mme Micheline Jacques. Dans la mesure où Saint-Barthélemy connaît une situation de saturation et est déjà dans l’impossibilité de loger sa population résidente, ce dispositif y serait inopérant. L’île a besoin de professionnels hospitaliers et d’enseignants.
En ma qualité de présidente de la délégation aux outre-mer, j’ai lancé une consultation à laquelle mon homologue de l’Assemblée nationale a répondu afin de tenter de trouver un point d’équilibre.
Le premier écueil est constitutionnel. En effet, comment cibler sans exclure ni catégoriser, tout en restant conforme aux principes républicains ? Ce n’est pas si simple, surtout lorsque l’on se rappelle la nomination de délégués interministériels à l’égalité des chances des Français d’outre-mer.
Le deuxième point de vigilance porte sur les attentes des populations, telles que les expriment leurs représentants. En effet, l’éloignement géographique est un obstacle matériel à un projet de retour, eu égard au coût que cela peut représenter.
Enfin, on peut s’inquiéter de ce que le dispositif encourage le retour dans des territoires où le taux de chômage est préoccupant.
C’est pourtant le lien avec le territoire qui justifie ce retour et qui m’a semblé être le critère répondant le mieux à la demande majoritairement exprimée par mes collègues.
Cet amendement vise à fixer trois critères alternatifs de résidence. Un séjour d’une durée de cinq années suffit pour créer un lien avec un territoire et ce critère a l’avantage de ne pas exclure des personnes qui ne seraient pas originaires des outre-mer.
En fixant ces critères dans la loi, nous pourrions savoir, s’il arrivait que le texte doive cheminer jusqu’aux sages de la rue de Montpensier, quel périmètre ceux-ci entendent établir pour les outre-mer dans un droit qui devient de plus en plus positivement discriminant.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1133, présenté par Mme Jacques, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour bénéficier de l’aide, les personnes doivent justifier soit d’avoir résidé pendant au moins cinq années consécutives dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803-2, soit de la résidence d’au moins un ascendant dans l’une de ces collectivités.
II. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
notamment les critères d’éligibilité à l’aide,
La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. C’est un amendement de repli. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1202 rectifié, présenté par M. Fouassin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
« Cette aide est attribuée après avis d’un comité d’attribution de la collectivité.
« En Guadeloupe, à La Réunion le comité d’attribution est composé comme suit :
« - 1 représentant de l’État ;
« - 2 représentants du Conseil Régional (1 titulaire et 1 suppléant) ;
« - 2 représentants du Conseil Départemental (1 titulaire et 1 suppléant) ;
« - 4 parlementaires, soit 2 sénateurs, dont 1 titulaire et 1 suppléant. Et 2 députés, dont 1 titulaire et 1 suppléant.
« À la Martinique, en Guyane, et à Mayotte, le comité d’attribution est composé comme suit :
« - 1 représentant de l’État ;
« - 4 représentants de la collectivité territoriale ;
« - 4 parlementaires, soit 2 sénateurs, dont 1 titulaire et 1 suppléant. Et 2 députés, dont 1 titulaire et 1 suppléant.
« Dans le Pacifique (Polynésie Française et Nouvelle-Calédonie) le comité d’attribution est composé :
« - 1 représentant de l’État ;
« - 1 représentant de l’exécutif local ;
« - 4 parlementaires : deux sénateurs, dont un titulaire et un suppléant, et deux députés, dont un titulaire et un suppléant.
« Les modalités d’application du présent article, notamment l’organisation du comité d’attribution, la procédure d’instruction des demandes, la prise en compte des Centres d’Intérêts Matériels et Moraux des candidats et les règles de calcul du montant de l’aide, sont fixées par décret.
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Cet amendement vise à reprendre le sous-amendement n° II-1415. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1173 rectifié, présenté par MM. Rohfritsch et Buval et Mme Havet, est ainsi libellé :
Alinéa 15, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque le projet d’installation concerne l’une des collectivités relevant de l’article 74 ou du titre XII de la Constitution, le dispositif est réservé aux demandeurs nés dans l’une des collectivités précitées ou justifier d’une résidence continue dans l’un de ces territoires durant au moins quinze ans.
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° II-1152, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 18 à 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Il s’agit d’un amendement de repli.
Alors que le droit à une continuité territoriale cohérente et complète pour tous les ressortissants des territoires d’outre-mer semble encore trop difficile à garantir, nous proposons de limiter les dispositions de cet article 55 aux personnes physiques. Notre collègue Lurel a fait la même proposition. Il s’agit, en réalité, d’écarter la notion de personne morale.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1114 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Compléter l’article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le “passeport pour l’installation professionnelle” en outre-mer prévu au présent article fait l’objet d’une mission de suivi et d’évaluation visant à mesurer ses impacts économiques et sociaux pour les territoires concernés. Une attention particulière est portée à ses modalités d’application, à la procédure d’instruction des demandes et singulièrement aux critères d’éligibilité à l’aide.
Cette mission débute dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi.
Cette mission peut notamment associer les parlementaires des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de Nouvelle-Calédonie.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Je vais être concis sans pour autant faire économie d’arguments.
J’ai entendu ceux des collègues qui m’ont précédé, en particulier Mme Jacques, dont l’amendement est identique à celui que je défends. J’espère qu’il sera voté sur toutes les travées.
En effet, il s’agit de dire que la méthode est contestable. Nous sommes ouverts au compromis, mais comment faire si l’on nous dit que notre proposition est inconstitutionnelle ?
En l’occurrence, l’amendement que nous examinons porte sur les entreprises. Certes, il faudra évaluer le dispositif plus tard, mais pourquoi inclure les entreprises et les personnes morales de droit privé, alors qu’elles bénéficient déjà de mécanismes spécifiques ? Chacun trouve, tous les mois, sur sa fiche de paie, un montant de cotisation pour la formation des salariés. Pourquoi donc financer les entreprises par l’argent public, au motif qu’elles seraient innovantes et qu’elles seraient des start-up ?
Certes, il arrive que, au moment de sa création, une entreprise se résume à une seule personne, mais des dispositifs existent déjà pour ce cas.
Contrairement à ce que le ministre a pu soutenir, la suppression de l’article, même si elle n’a pas été votée, n’aurait pas fait disparaître les crédits. En revanche, l’économie générale du système perdure. Désormais, il faut attendre quatre ans pour avoir droit à un billet et ce n’est pas bon. Alors que, auparavant, quelque 100 000 Ultramarins « voyageaient » – le mot est sans doute très mal choisi –, à partir de 2012, ils n’étaient plus que 22 000 parce que l’on a restreint l’aide.
On nous dit que la dotation est portée à 73 000 euros pour financer le dispositif d’installation et de passeport professionnel. Mais il faudrait la porter au moins à 187 000 euros ! J’ai d’ailleurs déposé un amendement pour augmenter les crédits de 27 000 euros supplémentaires.
Monsieur le ministre, il faut de la raison et de la logique. Je ne fais pas d’effets de manche pour vous convaincre. (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) Je suis ouvert au compromis. Par conséquent, nous proposons un dispositif simple et logique qui vise à tenir compte des intérêts matériels et moraux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Eu égard au temps qui nous reste et aux longs échanges que nous avons déjà pu avoir sur l’article 55, je me bornerai à donner purement et simplement l’avis de la commission.
La commission a donc rendu un avis défavorable sur l’amendement n° II-1117 rectifié.
Elle s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° II-1161 et a émis un avis favorable sur le sous-amendement n° II-1415.
Elle s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements nos II-1164 rectifié et II-1172 rectifié.
Elle demande le retrait de l’amendement n° II-1115 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos II-1116 rectifié et II-1153 rectifié.
Elle s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos II-1113 rectifié et II-1131.
Elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos II-1133, II-1202 rectifié, II-1173 rectifié et II-1152.
Enfin, elle demande le retrait de l’amendement n° II-1114 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Ce débat est important et il a été très animé, ce matin, ce qui est normal. Comme je l’ai dit précédemment, il y a eu une incompréhension sur la rédaction de cet article, de sorte que le Gouvernement s’en remet à la sagesse des deux assemblées pour faire des propositions. L’Assemblée nationale n’a pas trouvé d’accord et nous sommes conscients de l’important travail qui a été réalisé au Sénat, comme je vous l’ai déjà dit.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements de M. Lurel nos II-1117 rectifié, II-1115 rectifié, II-1116 rectifié et II-1114 rectifié. Il émet un avis favorable sur l’amendement n° II-1161 de Mme Conconne et sur le sous-amendement n° II-1415 de M. Fouassin, qui intègre les propositions du sénateur Rohfritsch. Enfin, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° II-1113 rectifié et sur l’amendement identique n° II-1131 de Micheline Jacques.
En effet, tout d’abord, l’amendement que propose la sénatrice Conconne présente l’avantage de prendre en compte les fameux CIMM dans l’ensemble du dispositif, alors que celui de Mme Jacques défend une vision plus restrictive puisqu’elle se centre exclusivement sur les CIMM.
Ensuite, madame la présidente Jacques, dans la rédaction de votre amendement, vous faites référence à l’origine du demandeur. Je suis surpris qu’une sénatrice du groupe Les Républicains reprenne ainsi à son compte cette notion d’origine, qui représente tout de même un élément de discrimination. Il est assez certain que votre amendement tombera pour fragilité constitutionnelle.
Par conséquent, l’amendement de Mme Conconne est plus équilibré et plus solide, et devrait permettre d’apporter une réponse issue de la sagesse la plus large.
Enfin, autre avantage, il prévoit de mettre en place une expérimentation de trois années et M. Fouassin, dans son sous-amendement, propose qu’une commission suive les dossiers. Toutes les garanties sont donc réunies pour que l’on ne perde pas le bénéfice de cette mesure, tout en prévoyant un cadre qui soit le plus large possible, qui soit centré sur le CIMM et qui n’exclue personne, ce qui évitera toute fragilité constitutionnelle.
Mme la présidente. Mes chers collègues, si l’amendement n° II-1161 est voté, les autres amendements deviendront sans objet, hormis l’amendement n° II-1152.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’ai bien entendu ce qu’a dit le ministre sur le risque d’inconstitutionnalité que présente mon amendement, ainsi que celui de Mme Jacques.
Toutefois, j’ai cru comprendre que l’analyse du ministère, prenant le contrepied des arrêts du Conseil d’État, des décisions du Conseil constitutionnel et même de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans le fameux arrêt Corbeau, selon lesquels on ne peut traiter de manière différente que des situations différentes, consistait à dire qu’il s’agissait de traiter de manière identique des situations différentes. Je conteste donc l’analyse du ministère.
Ensuite, vous nous reprochez de nous appuyer sur l’origine du demandeur. Je rappelle à M. le ministre qu’il a signé, le 2 août dernier, une circulaire – certes, ce n’est pas une loi –, qui a également été validée par le cabinet de M. Darmanin, et que le rapporteur spécial M. Rohfritsch a mentionnée. Cette circulaire comporte seize critères, parmi lesquels – tenez-vous bien – le lieu de naissance du demandeur, le lieu de naissance des enfants, le lieu de résidence durant les vingt ans précédant la demande, le lieu de résidence du père et de la mère ou, à défaut, des parents les plus proches, le lieu de résidence des membres de la famille et ainsi de suite.
Avec un député de La Réunion, Patrick Lebreton, j’ai tenté d’harmoniser la doctrine administrative. En effet, de quoi parle-t-on quand on mentionne l’acronyme CIMM, pour « centre des intérêts matériels et moraux » ? Depuis vingt ans, les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont toujours refusé d’harmoniser la doctrine. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et les ministères ont tous des interprétations différentes.
Or, voilà que le Gouvernement nous dit de lui laisser le soin d’interpréter, et qu’il le fera par décret.
Nous voulons inscrire dans le marbre du texte au moins trois éléments fondamentaux : la naissance, la résidence et l’ascendance. Pour le reste, on peut tout à fait envisager un faisceau d’indices.
Tel est l’objet des amendements que nous vous demandons de voter.
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.
M. Victorin Lurel. Le Conseil constitutionnel peut toujours nous censurer, nous en avons l’habitude…
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Les choses sont claires. Ce matin, nous avons eu un débat assez fourni sur l’article 55. Il est vrai que nous pourrions en reparler encore et encore, mais je considère que le débat est épuisé, car nous avons voté contre la suppression de cet article.
Pour le reste, après les explications que l’on vient de nous donner, il me semble que l’amendement de Mme Conconne, tel qu’il est sous-amendé, est le moins mauvais. Il vise à mettre en place un dispositif nouveau qui vient en complément de ceux qui existent déjà. Nous n’avons pas le droit de « cracher dessus », si vous me permettez l’expression.
J’ai examiné ces amendements au fur et à mesure qu’ils étaient déposés. Lorsque nous en sommes arrivés à celui de Mme Jacques, je l’ai trouvé assez séduisant et je voulais le voter. Force est de constater que celui de Catherine Conconne est plus équilibré et, surtout, qu’il nous préserve du risque d’inconstitutionnalité.
En effet, si nous acceptions ce risque, nous serions dans la même situation que si nous avions voté la suppression de l’article 55.
Il me semble que nous nous sommes suffisamment exprimés sur ce sujet et je vous invite, mes chers collègues, à voter l’amendement n° II-1161 en conformité avec l’avis de sagesse de la commission et l’avis favorable du Gouvernement pour que nous puissions avancer. Il s’agit d’une expérimentation et le dispositif pourra être amélioré dans les années à venir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas du tout convaincue, mais alors pas du tout ! Un flou total entoure les CIMM ; je parlerai même d’une certaine hypocrisie.
Monsieur le ministre, qui décide de l’attribution du CIMM ? Pour les fonctionnaires polynésiens, la décision est prise à 20 000 kilomètres de leur territoire d’origine. Aucun Polynésien ne siège au sein des commissions qui statuent.
Pour cette raison, mais aussi par principe – j’y insiste ! –, et parce que cette mesure mettra le feu aux poudres en Polynésie française, je voterai contre tous les amendements !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Une fois de plus, j’en appelle au compromis, dans la mesure où plusieurs amendements peuvent cohabiter. Sans compter que, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure sous forme de boutade, il n’y a pas de taxe sur les amendements. Alors, où est le problème ?
Évitons simplement de perdre 2 millions d’euros, mes chers collègues, car cette somme est nécessaire.
Je vous rappelle que, dans mon territoire, j’ai lancé un dispositif similaire qui a profité à près d’un millier de personnes. Toutes les demandes étaient semblables : « Nous voulons une aide ! »
En tant que membre de la collectivité territoriale de Martinique depuis les dernières élections de 2021, je peux également témoigner que cette collectivité a mis en place le même dispositif ; celui-ci pourrait venir compléter utilement celui de l’État et permettre aux Martiniquais – en l’occurrence – de rentrer chez eux.
Mme Catherine Conconne. À l’époque de sa mise en œuvre, nous nous sommes heurtés au même écueil qu’aujourd’hui, tout simplement parce qu’un certain nombre de personnes ont tenu des propos que je qualifierai d’ignobles – je parle d’une autre assemblée que la nôtre. Ces individus ont tenu les mêmes discours et opposé les mêmes arguments que ceux que j’ai entendus tout à l’heure.
Résultat : le président de la collectivité leur a répondu que l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen interdisait de faire une distinction entre individus. En réalité, c’est à nous qu’il revient de faire le nécessaire pour cibler les publics que l’on considère comme prioritaires. Mais, au niveau de nos collectivités, nous ne pouvons pas appliquer un dispositif qui distingue les Français les uns des autres. C’est hors de question !
Si le travail se poursuit correctement, si la fameuse commission d’évaluation du dispositif que je propose et si le comité d’attribution des aides, dont mon collègue Stéphane Fouassin veut la création, voient le jour, on aura le temps de voir venir.
La première année sera celle de la mise en place du dispositif, la deuxième celle de l’évaluation ; ensuite, on verra.
Si nous nous sommes trompés – après tout errare humanum est ! –, nous rectifierons, annulerons ou abrogerons, selon les cas. Toute loi est faite pour être abrogée, mes chers collègues !
Aussi, je ne vois pas de quel risque nous devrions avoir peur. Personnellement, je n’ai peur de rien, et surtout pas de quelconques députés !
Mme la présidente. Personne n’en doute, madame Conconne. (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Permettez-moi simplement de rappeler l’existence du sous-amendement de M. Fouassin, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Son dispositif prévoit que l’aide « est attribuée après avis d’un comité d’attribution de la collectivité » et précise la composition dudit comité.
Je le dis pour ma collègue Tetuanui : dans chaque collectivité ultramarine, il y aura bien un comité qui décidera de l’aide à attribuer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1117 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1161, modifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1164 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1172 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° II-1115 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1115 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-1116 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1153 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1113 rectifié et II-1131.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 090 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 238 |
Contre | 40 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos II-1133 et II-1173 rectifié n’ont plus d’objet.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1202 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° II-1114 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1114 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 55, modifié.
(L’article 55 est adopté.)
Après l’article 55 (priorité)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1183 rectifié est présenté par M. Théophile, Mme Nadille, MM. Mohamed Soilihi, Fouassin, Buval et Buis, Mme Duranton et M. Patient.
L’amendement n° II-1221 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 1803-5-1 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 1803-5-1. – I. – L’aide destinée aux personnes effectuant dans leur collectivité de résidence mentionnée à l’article L. 1803-2 une formation initiale ou professionnelle dont une partie doit être effectuée en mobilité est appelée “passeport pour la mobilité de la formation en sites partagés”. Elle concourt au financement des titres de transport pour se rendre sur le site où se déroule la partie de formation en mobilité. Elle peut concourir au financement des frais d’installation et d’une indemnité mensuelle.
« II. – Elle est accordée aux élèves inscrits en terminale professionnelle ou technologique et aux étudiants de l’enseignement supérieur pour se rendre au stage prévu par la formation lorsque le référentiel de formation impose une mobilité hors du territoire de la collectivité de résidence ou que le tissu économique local n’offre pas le stage recherché dans le champ d’activité et le niveau de responsabilité correspondant à la formation.
« III. – Elle est accordée aux élèves préparant un diplôme professionnel ou technologique et aux étudiants de l’enseignement supérieur en alternance lorsque les modalités du contrat d’apprentissage ou de professionnalisation imposent une mobilité hors du territoire de la collectivité de résidence, que le tissu économique local n’offre pas le site recherché en entreprise dans le champ d’activité et le niveau correspondant à la formation ou que le plateau technique nécessaire à la formation est inexistant dans la collectivité de résidence.
« IV. – Elle est accordée aux élèves qui, inscrits en études à distance, se présentent aux examens ou soutenances hors de leur collectivité. »
II. – Le présent article entre en vigueur au 1er septembre 2024.
La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° II-1183 rectifié.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à modifier les contours du passeport pour la mobilité en stage professionnel, afin de mieux accompagner les élèves et les étudiants ultramarins devant effectuer, dans le cadre de leur cursus, un stage, une alternance ou un déplacement hors de leur collectivité d’origine.
Actuellement, l’aide ne peut être attribuée qu’aux étudiants inscrits jusqu’au niveau master, ce qui exclut de fait les étudiants de certaines filières. Je pense notamment aux étudiants en médecine qui disposent souvent de faibles revenus et qui doivent effectuer de nombreux stages de spécialisation.
Cet amendement vise donc à élargir le public cible du passeport, afin de permettre à tout étudiant inscrit dans l’enseignement supérieur et suivant une formation initiale de bénéficier de la prise en charge de son titre de transport.
Il tend également à étendre le bénéfice de cette aide aux élèves et étudiants ultramarins en alternance, pour tenir compte du développement de l’apprentissage dans nos territoires et dans l’Hexagone.
Afin de couvrir tout le spectre des formations à distance, cet amendement a enfin pour objet de permettre la prise en charge des mobilités qu’induisent les études à distance pour les examens en soutenance hors de la collectivité de résidence des étudiants.
Cet amendement va de pair avec l’amendement de crédit n° II-1179 rectifié, qui vise à abonder de 500 000 euros les crédits alloués à l’action n° 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° II-1221.
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Cet amendement est identique à celui de M. Théophile, dont je salue la volonté d’avancer.
L’amélioration du passeport pour la mobilité en stage professionnel vise avant tout à combler les trous dans la raquette que M. le sénateur a parfaitement identifiés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. La commission est d’autant plus favorable à ces amendements que l’un d’entre eux émane du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1183 rectifié et II-1221.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Outre-mer |
2 956 426 717 |
2 663 563 991 |
Emploi outre-mer |
1 854 552 874 |
1 846 790 019 |
Dont titre 2 |
210 822 902 |
210 822 902 |
Conditions de vie outre-mer |
1 101 873 843 |
816 773 972 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-1215, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
|
|
|
Conditions de vie outre-mer |
100 000 000 |
|
60 000 000 |
|
TOTAL |
100 000 000 |
|
60 000 000 |
|
SOLDE |
+ 100 000 000 |
+ 60 000 000 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Cet amendement vise à accorder 100 millions d’euros au conseil départemental de Mayotte. Ce soutien est conditionné à la signature d’une convention, qui a d’ailleurs fait l’objet aujourd’hui même d’une délibération dudit conseil départemental.
Cet accord définira un certain nombre d’engagements de la collectivité, en contrepartie desquels elle se verra attribuer une aide qui devra cibler prioritairement des politiques essentielles à nos yeux : l’aide sociale à l’enfance, la protection maternelle et infantile (PMI), et nombre de missions régaliennes qu’il exerce.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes pleinement mobilisés.
Pour l’année 2023, je le répète, le Gouvernement a déjà versé 100 millions d’euros. Pour 2024, ce sont de nouveau 100 millions d’euros que nous octroyons à Mayotte – je parle sous le contrôle des sénateurs mahorais. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1134, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
34 400 000 |
|
27 400 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
2 500 000 |
|
1 050 000 |
|
TOTAL |
36 900 000 |
|
28 450 000 |
|
SOLDE |
36 900 000 |
28 450 000 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué. L’importance de cet amendement n’a sûrement échappé à personne : il vise à lever les gages sur les amendements adoptés sur les crédits de la mission « Outre-mer » à l’Assemblée nationale.
En l’occurrence, nous proposons le rétablissement de plus de 34 millions d’euros en autorisations d’engagement au sein du programme 138 « Emploi outre-mer », et de 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement dans le programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».
En levant ces gages, le Gouvernement soutient financièrement les propositions des députés ; j’espère qu’il en sera de même pour un certain nombre d’amendements dont nous discuterons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1145 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
200 000 000 |
|
200 000 000 |
|
TOTAL |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Parler de continuité territoriale implique que l’on évoque aussi les transports, les marchandises et l’envoi des colis postaux. Pour les territoires en situation d’insularité, ce n’est vraiment pas un sujet mineur, bien au contraire.
En effet, le coût de l’envoi de ces colis a explosé. L’ancien ministre des outre-mer, Jean-François Carenco, avait lui-même reconnu que les frais de port étaient parfois supérieurs à la valeur du bien transporté.
Le rehaussement de la franchise de 205 euros à 400 euros ne vise que les envois entre particuliers depuis l’Hexagone : ce dispositif est donc aussi incomplet qu’inefficace.
Or le désenclavement de nos territoires d’outre-mer appelle des mesures fortes.
Du fait de leurs études ou de mutations dans la fonction publique d’État, les Réunionnais sont toujours contraints à se rendre dans l’Hexagone. Dès lors, l’envoi de colis depuis La Réunion constitue un moyen, essentiel pour ses habitants, de pallier un éloignement qui se mue souvent en solitude.
C’est pourquoi nous demandons, par cet amendement de crédit, la mise en place de tarifs postaux en outre-mer équivalents à ceux qui sont en vigueur dans l’Hexagone. Il s’agit pour nous d’assurer le bon fonctionnement de la continuité territoriale entre les différents territoires français, en particulier les plus éloignés.
Notre intention initiale était de prévoir un transfert de crédits bien plus élevé au vu des enjeux actuels dans l’ensemble des territoires d’outre-mer. Hélas ! il en a été décidé autrement, puisque notre proposition a été jugée irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution, ce que nous regrettons vivement.
Comme le sujet nous tient à cœur, nous tenions tout de même à en parler et à exposer cette facette de la continuité territoriale qui semble totalement oubliée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, une mesure a été adoptée pour relever le seuil de la franchise de 205 à 400 euros, ce qui est déjà une réponse partielle à la problématique que vous soulevez, ma chère collègue.
De nouvelles discussions pourront s’engager, notamment dans le cadre de la prochaine réunion de bilan du Ciom. Cependant, il faut savoir que, si nous votions une telle hausse de crédits, tous les autres amendements deviendraient sans objet, car le coût de cette mesure excéderait le gage possible sur le programme 138.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je rappelle qu’un débat a déjà eu lieu l’an dernier sur le même sujet. C’est le sénateur Théophile, qui avait soulevé cette question très importante dans votre hémicycle.
En réalité, le surcoût est surtout dû à l’octroi de mer, et non aux frais de douane, car il s’agit de services qui sont malheureusement grevés par cette taxe. Grâce à l’intervention de M. Théophile l’an passé – je le redis – et à la suite du vote de votre assemblée, le montant de la franchise avait en effet été porté à 400 euros.
Madame la sénatrice, j’ai bien écouté ce que vous venez de dire, mais accordez-moi que, si l’octroi de mer s’applique bien aux colis envoyés en outre-mer, ce n’est pas le cas pour les colis à destination de l’Hexagone. Il ne s’agit pas d’une taxe supplémentaire spécifique, puisqu’elle ne s’applique pas en métropole.
J’estime pour ma part que le bouclier mis en place est efficace. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je rappelle que, pour l’application de la TVA, les départements et régions d’outre-mer (Drom) sont considérés comme des territoires d’exportation par rapport à la France métropolitaine et par rapport aux autres États membres de l’Union européenne ou aux pays tiers.
Par ailleurs, depuis une directive européenne de 1967 – c’est donc la loi –, une exonération de TVA est prévue en matière d’exportation de biens en cas d’expédition ou de transport d’un bien de la métropole à destination d’un département ou une région d’outre-mer, mais aussi en cas d’expédition ou de transport d’un bien de la Guadeloupe, de la Martinique ou de La Réunion à destination de la métropole. Il ne s’agit donc pas d’une exonération totale ou d’une exclusion.
Je précise en outre que la TVA n’est provisoirement pas applicable dans les seuls départements de la Guyane et de Mayotte.
Ensuite, je rappelle que les taxes ne sont pas le seul facteur d’enchérissement. La continuité postale devrait être applicable depuis 2009. Or ce n’est pas le cas – personne ne peut dire le contraire.
Enfin, il faut reconnaître que cet amendement traduit une certaine réalité : les habitants des Drom bénéficient d’un accompagnement budgétaire à la continuité territoriale de 16 euros par habitant, alors que nos compatriotes corses bénéficient, eux, de 256 euros par habitant – et c’est tant mieux.
C’est la raison pour laquelle – je présente ainsi mon amendement n° II-1103 rectifié – je propose d’augmenter de 27 millions d’euros les crédits prévus au titre de la continuité territoriale pour les porter à 100 millions d’euros. Et, malgré tout, nous serons encore très loin du compte et, si j’ose dire, de l’égalité républicaine !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1145 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1146, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
113 403 515 |
|
113 403 515 |
Conditions de vie outre-mer |
113 403 515 |
|
113 403 515 |
|
TOTAL |
113 403 515 |
113 403 515 |
113 403 515 |
113 403 515 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. En matière de continuité territoriale, la Corse perçoit une dotation de 187 millions d’euros, tandis qu’elle ne s’élève qu’à 93 millions d’euros pour les Drom. Nous proposons par conséquent de rehausser le montant de cette aide.
En plus de la vie chère, les Ultramarins font face à l’explosion du prix des billets d’avion, par rapport à laquelle on ne peut pas faire grand-chose pour le moment.
Ces billets sont excessivement coûteux pour les familles ultramarines. Or, il faut le rappeler, les Ultramarins ne se rendent pas dans l’Hexagone que pour les vacances. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) Le plus souvent, ils le font pour poursuivre leurs études, accéder à des soins qui n’existent pas dans leur territoire ou, plus encore, trouver un emploi.
C’est donc très cher payé pour des territoires qui sont structurellement déjà en difficulté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement tend à prévoir une hausse de 113 millions d’euros des crédits alloués à l’action n° 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». Or, pour rappel, les crédits de cette action ont augmenté de plus de 20 millions d’euros dans ce projet de loi de finances pour 2024.
Par ailleurs, une partie de ces crédits sont portés par Ladom, qui a vu sa dotation augmenter de 2,5 millions d’euros dans le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
J’invite le Gouvernement à poursuivre ses efforts dans ce domaine, mais je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. C’est un sujet très important. Je tiens à ce titre à rendre hommage aux travaux réalisés par M. Chevrollier et Mme Conconne sur la continuité territoriale. Si les crédits ont augmenté de 23 millions d’euros dans le cadre du présent projet de loi de finances, on le leur doit pour une large part.
Comme vous l’avez dit tout à l’heure, nous avons en effet élargi les publics auxquels cette continuité territoriale s’appliquera : ainsi, dès Noël prochain, les jeunes étudiants ultramarins pourront bénéficier de cette prise en charge et rentrer dans leur territoire d’origine.
Par ailleurs, le fait d’avoir porté le quotient familial à 18 000 euros a eu pour effet de permettre à 77 % des Ultramarins d’y être éligible.
Madame la sénatrice, vous me demandez d’aller encore plus loin, en établissant une comparaison entre les Drom et la Corse. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, quand on compare, il faut tout comparer. Autrement dit, il faut également tenir compte des dépenses fiscales et des efforts budgétaires de l’État. Or quand on fait les comptes, on voit bien que les chiffres ne sont pas du tout en défaveur des territoires ultramarins.
Même s’il est pertinent de déplorer les difficultés actuelles des Drom et même si je salue votre volonté, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, car il n’est pas possible d’aller plus loin aujourd’hui.
Mme la présidente. Madame Corbière Naminzo, l’amendement n° II-1146 est-il maintenu ?
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1103 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
27 000 000 |
|
27 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
27 000 000 |
|
27 000 000 |
|
TOTAL |
27 000 000 |
27 000 000 |
27 000 000 |
27 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Je l’ai préalablement défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° II-1103 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1103 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1104 rectifié, présenté par MM. Lurel et Pla et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s’agit d’augmenter les crédits en faveur de la continuité territoriale dans le domaine funéraire.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Monsieur le ministre Lurel, vous vous souvenez sans doute que, lorsque vous étiez en fonctions, les crédits en faveur des territoires ultramarins étaient très loin du niveau qu’ils atteignent aujourd’hui.
Je rappelle que nous avons déjà fait un effort considérable cette année en relevant de 50 millions d’euros les crédits de l’action n° 01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », aussi appelée « ligne budgétaire unique » (LBU).
M. Victorin Lurel. C’est nous qui l’avons inventée !
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Tout comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, si jamais la consommation était au rendez-vous, si jamais nous allions plus loin avec les opérateurs, nous y reviendrons, car nous savons parfaitement qu’il existe une crise du logement en outre-mer.
J’en profite d’ailleurs pour vous informer que je vais prochainement confier une mission à deux parlementaires, un sénateur et un député, sur le logement en outre-mer, pour tenter d’identifier les leviers les plus efficaces, afin de répondre à cette crise.
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° II-1104 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Oui, je le maintiens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1104 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1149, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
200 000 000 |
|
200 000 000 |
|
TOTAL |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Dans la continuité de mon intervention en discussion générale, je souhaite, par cet amendement, évoquer la crise du logement.
À La Réunion, quatre personnes sur dix sont touchées par cette crise, et on dénombre environ 140 000 mal-logés : des familles, des hommes, des femmes, des enfants. Près de 40 000 demandes de logements sociaux, dont la moitié émane de personnes résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville, sont enregistrées chaque année à La Réunion. En outre, seuls 60 % des dossiers déclarés prioritaires au titre du droit au logement opposable trouvent une issue favorable.
Un rapport d’information sénatorial de juillet 2021 estimait que le phénomène de l’habitat indigne et insalubre concernait 110 000 logements, soit 13 % de l’ensemble du parc, dans les Drom.
Il s’agit donc d’un enjeu significatif présentant de multiples facettes. Il y a urgence à agir, d’autant que les ménages ultramarins ont un niveau de vie bien inférieur à celui des habitants de l’Hexagone.
L’accès au logement en outre-mer est d’autant plus inabordable que 80 % des Ultramarins sont éligibles au logement social, mais que seuls 15 % d’entre eux y ont accès.
Le premier plan Logement outre-mer, dit Plom 1, prévoyait la rénovation de 10 000 nouveaux logements, mais cela n’a pas abouti. Le deuxième plan Logement outre-mer 2019-2022, dit Plom 2, en prévoyait davantage. Mais, pour le moment, nous ne disposons pas de bilan détaillé.
Vous l’avez compris, nous demandons des réponses à une crise qui empire. Nous proposons, par cet amendement, une profonde relance de la construction et de la rénovation des logements en outre-mer. Tel est aussi le sens d’un amendement adopté il y a tout juste un mois à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1174 rectifié, présenté par Mme Bélim et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
30 000 000 |
|
30 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
30 000 000 |
|
30 000 000 |
|
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Avec cet amendement, je veux mettre en exergue la stagnation des crédits de la LBU consacrés à la construction, un secteur dont on ne résout pas les difficultés dans ce projet de loi de finances – sans parler des normes ni du foncier.
S’il faut bien sûr saluer la hausse de 49 millions d’euros de la LBU pour 2024, il faut aussi reconnaître que cet effort ne profitera pas à la construction, ce qui signifie que les demandes de logements continueront à progresser. Or on ne peut pas élaborer un projet de vie sans parcours résidentiel : il faut construire, et c’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. L’amendement n° II-1149 tend à relever de 200 millions d’euros les crédits de la LBU. Au vu de son montant, s’il était adopté, tous les autres amendements deviendraient sans objet.
Dès lors que les crédits de la LBU enregistrent une hausse de 49 millions d’euros pour l’année prochaine et que la consommation de ces crédits s’élève, depuis plusieurs années, à environ 80 %, il me semble qu’il est nécessaire de consommer les crédits ouverts avant d’en ouvrir de nouveaux. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons, elle émet également un avis défavorable sur l’amendement n° II-1174 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Pour 2024, le Gouvernement renforce la LBU à hauteur de 293 millions d’euros. Je rappelle aussi que, hors quartier prioritaire de la politique de la ville, 20 millions d’euros de crédits du plan de relance lui ont été alloués dans le cadre du présent projet de loi de finances.
Madame la sénatrice, j’ajoute que les collectivités territoriales de La Réunion peuvent également compléter les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui permettent une prise en charge de 35 % à 50 % du montant des travaux.
Par ailleurs, je vous l’ai annoncé, j’ai lancé une mission sur le logement en outre-mer qui nous permettra d’avancer sur le sujet.
Je pense sincèrement que, avec l’ensemble de ces mesures, nous avons les moyens de répondre à la crise – et vous avez raison de le dire, ces moyens doivent être très importants.
Dernière remarque, l’adoption des normes « RUP » (régions ultrapériphériques) en lieu et place des normes « CE » contribuera à réduire le coût des matériaux, ce qui est loin d’être négligeable.
Je suis défavorable aux deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1174 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-704, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à abonder de 5 millions d’euros les crédits de l’action n° 01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », pour permettre la mise en place d’une aide forfaitaire au désamiantage des bâtiments financée par la LBU.
Cette aide figurait parmi les propositions initiales du Ciom avant d’en disparaître ; elle n’a finalement pas été retenue par le ministère. Pourtant, le coût des opérations de désamiantage en outre-mer est considérable et pèse sur l’équilibre souvent fragile des opérations de destruction, destruction-reconstruction ou encore de réhabilitation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. À notre sens, ces crédits devraient plutôt dépendre de l’Agence nationale de l’habitat ou de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). En outre, les montants seront sans doute beaucoup plus importants que ceux qui sont indiqués dans cet amendement.
Pour mémoire, la présence d’amiante a renchéri les coûts de démolition des tours Gabarre, à Pointe-à-Pitre, qui sont passés de 12,7 millions à 30,37 millions d’euros.
Si nous sommes convaincus de la nécessité d’ouvrir des crédits pour les travaux de désamiantage, ceux-ci ne doivent pas nécessairement ou uniquement provenir de la mission « Outre-mer ».
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Madame Jacques, votre demande de financement du désamiantage est satisfaite grâce à la ligne budgétaire unique.
Les opérations en question sont comprises dans les travaux menés au titre de cet outil en 2024. Comme vous le voyez, nous vous écoutons !
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Au regard de ces éléments, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-704 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1082, présenté par MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Plan d’urgence sur l’eau dans les territoires d’outre-mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
|
|
|
|
Plan d’urgence sur l’eau dans les territoires d’outre-mer |
100 000 000 |
|
100 000 000 |
|
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise à la création d’un plan d’urgence sur l’eau dans les territoires d’outre-mer. Il a été adopté à l’Assemblée nationale, mais n’a pas été retenu après l’utilisation du 49.3 par le Gouvernement.
Nous le proposons de nouveau aujourd’hui, afin de lancer le plus rapidement possible un grand plan d’investissement pour les infrastructures de distribution d’eau potable dans lesdits territoires.
L’enquête de la Cour des comptes La gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique. Exercices 2016-2022 est sans appel : « La situation est alarmante dans les territoires ultramarins. » Les difficultés auxquelles y font face nos compatriotes sont nombreuses. L’assainissement manque : 80 % des systèmes d’assainissement sont défectueux en Guadeloupe. Le réseau de distribution est vétuste et défaillant : 30 % de l’eau est perdue par les fuites à Mayotte et 38 % à La Réunion. L’eau est contaminée.
De plus, les nombreuses coupures d’eau ont des conséquences pour les familles. En dehors des restrictions, l’accès à l’eau potable n’existe toujours pas ou n’est que partiel pour une part encore très importante des populations ultramarines. En Guyane, près de 20 % de la population n’a pas du tout accès à l’eau potable à son domicile et 32 % à Mayotte.
Cette situation n’est pas acceptable. Il nous faut anticiper les investissements titanesques qui seront nécessaires pour garantir l’accès à l’eau potable pour tous et pour toutes dans les territoires ultramarins.
C’est pourquoi nous proposons ce plan d’urgence sur l’eau dans les territoires d’outre-mer. Il vise à financer prioritairement le renouvellement et l’amélioration des réseaux de distribution d’eau pour mettre fin aux fuites et pour adapter les territoires aux aléas climatiques. Il vise également à financer la mise en place de systèmes d’assainissement efficients dans tous les territoires et l’établissement de plans de dépollution et de prévention des pollutions pour protéger la ressource.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1147, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
50 000 000 |
|
50 000 000 |
|
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Il est anormal que la question de l’eau vienne s’ajouter aux trop nombreux problèmes que subissent déjà les outre-mer.
Le cas de Mayotte est malheureusement emblématique. Depuis des années, ce territoire subit au quotidien des coupures d’eau. Depuis le mois de juillet dernier, la crise est plus aiguë que jamais. Les mesures prises en réponse témoignent d’une prise de conscience beaucoup trop tardive.
Nous tenons à alerter à nouveau sur le manque d’entretien des réseaux et des infrastructures d’eau dans les outre-mer, une situation qui ne pourra que s’aggraver – si rien n’est fait – sous l’effet du réchauffement climatique. Le problème que connaît Mayotte peut très bien s’étendre aux autres territoires d’outre-mer, notamment à la Guadeloupe, où l’eau est déjà de manière récurrente impropre à la consommation.
L’État ne peut tenir les collectivités pour seules responsables. Il doit au contraire investir de manière massive, par exemple au travers d’un fonds de solidarité, afin de financer les infrastructures, de restaurer les conduits ou encore d’investir dans les systèmes de filtrage.
Nous proposons donc de rénover le réseau de distribution dans les territoires d’outre-mer, où il demeure fragile. Si un département ou une région de l’Hexagone connaissait une situation similaire à celle de Mayotte, cela aurait fait grand bruit et davantage de moyens auraient été mis sur la table. Le problème aurait déjà été réglé, même partiellement, par la puissance publique ! Il faut à tout prix faire démentir ceux de nos compatriotes mahorais qui ont ce sentiment.
Sans normes adaptées aux régions ultrapériphériques et sans investissements, le coût des crises de l’eau successives explose. La vraie économie consiste à investir dans un plan Eau.
Mme la présidente. L’amendement n° II-125, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
50 000 000 |
|
50 000 000 |
|
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Je ne reviendrai pas sur l’exposé des motifs : les arguments sont exactement les mêmes que ceux qui viennent d’être exprimés par mes deux collègues.
Pour ma part, je formalise simplement l’amendement de la manière suivante : abonder à hauteur de 50 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement l’action n° 08 « Fonds exceptionnel d’investissement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».
Bien évidemment, je voterai les deux amendements qui précèdent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Ces amendements sont satisfaits par les nombreux crédits déjà fléchés vers les problèmes d’eau dans les territoires d’outre-mer : plan Eau, fonds exceptionnel d’investissement (FEI)…
La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Madame, messieurs les sénateurs, malheureusement, avec vos amendements, le compte n’y est pas !
Monsieur le sénateur Mellouli, à Mayotte, 410 millions d’euros sont investis. Nous paierons 80 % des travaux nécessaires. Si votre amendement était adopté, nous n’en ferions que le dixième !
À la Guadeloupe, l’investissement s’élève à 320 millions d’euros. Quelque 27 millions ont été apportés en 2023 au syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) et nous apporterons encore 20 millions d’euros l’année prochaine.
Le Gouvernement prend ce sujet à bras-le-corps. Par exemple, les crédits de l’Office français de la biodiversité (OFB) sont portés à 120 millions d’euros. Nous sommes très largement aux côtés des collectivités territoriales. Je vous invite à regarder ce qui a été fait les années précédentes et vous verrez la différence.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Nous parlons de personnes, non de chiffres ! Les Ultramarins de nos communes, ceux qui vivent sur place, mais aussi ceux qui partent là-bas en vacances nous font toujours part de difficultés concernant l’eau. C’est un enjeu majeur.
Bien sûr que le montant n’y est pas ! Ces 100 millions d’euros supplémentaires, grâce à l’effet levier, nous permettraient déjà de nous atteler à la tâche. C’est une urgence.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Une fois n’est pas coutume, j’interviens pour demander solennellement à mes collègues de bien vouloir retirer leurs amendements.
Je leur sais gré et les remercie de leur préoccupation de tous les instants pour Mayotte. Je sais qu’ils se tiennent aux côtés du territoire pour l’aider à sortir de cette crise de l’eau.
Toutefois, des mesures ont été prises. Ce n’est pas que le compte n’y soit pas, mes chers collègues, mais ce qui a été engagé va déjà au-delà de vos propositions.
Tout à l’heure, je présenterai un amendement pour apporter de la clarté au syndicat mixte Les eaux de Mayotte, chargé de la gestion de l’eau. Nous ne pouvons pas reprocher au Gouvernement de ne pas avoir été présent pour aider à sortir de la crise.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Il n’est pas question de « chiffres », monsieur le sénateur. J’ai lancé un premier forage, le 2 septembre dernier ; nous en sommes depuis au quatrième. Nous avons mis en place un schéma d’interconnexion d’eau potable, ce qui n’avait pas été fait auparavant. Nous sommes en train de colmater 12 000 fuites qui ne l’avaient pas été et d’installer une nouvelle usine de dessalement, pour produire 1 500 mètres cubes d’eau potable complémentaires. La réalisation de cette usine a été accélérée : elle est opérationnelle. Enfin, à l’heure où je vous parle, 350 000 litres d’eau en bouteille ont été distribués.
Nous avons fait tout cela ! En tant que sénateur, vous représentez les élus locaux ; je me permets de vous rappeler que la compétence eau relève de ces derniers ! Nous sommes présents et nous nous substituons en quelque sorte aux élus par solidarité avec les populations, comme l’a très bien souligné le sénateur Mohamed Soilihi. (M. Stéphane Fouassin applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Mellouli, l’amendement n° II-1082 est-il maintenu ?
M. Akli Mellouli. Je maintiens mon amendement, par solidarité avec la planète !
Mme la présidente. Madame Evelyne Corbière Naminzo, l’amendement n° II-1147 est-il maintenu ?
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Szczurek, l’amendement n° II-125 est-il maintenu ?
M. Christopher Szczurek. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1126, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim, Conconne, Artigalas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
40 000 000 |
|
40 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
|
|
|
|
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe |
40 000 000 |
|
40 000 000 |
|
TOTAL |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. J’ai régulièrement entendu le ministre ces dernières semaines et je reconnais les efforts. Toutefois, j’ai demandé ce matin quelques précisions, qui sont l’objet de cet amendement.
Le ministre prétend avoir apporté 320 millions d’euros. Je pense qu’il a raison, mais je serais encore plus convaincu s’il m’indiquait les imputations comptables. J’ai cru comprendre que cette somme valait pour une période allant de 2024 à 2028 ou à 2030. Peut-on me donner les missions et les actions concernées ?
La préfecture de Guadeloupe nous a donné quelques informations. Malgré toutes les déclarations, l’investissement n’est que de 10 millions d’euros depuis de longues années.
Pour ma part, je plaide depuis déjà cinq ou six ans pour investir 40 millions d’euros chaque année pendant cinq ans, pour un total de 200 millions. Le syndicat mixte ne pourrait absorber de grosses sommes, mais il pourrait utiliser ces 40 millions.
Je plaide également pour que l’État accepte de garantir sur trente ans 500 millions d’euros de prêts. Il faut – je le répète – entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros pour réparer les canalisations.
Cet amendement vise donc à apporter 40 millions d’euros de financement au réseau d’eau de la Guadeloupe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je rappelle à M. Lurel que le président du conseil régional de la Guadeloupe, M. Chalus, investit 80 millions d’euros pour cette opération. Je n’ai pas vu trace d’une participation de la région dans les programmes d’investissement sur l’eau au cours des longues années où M. Lurel était aux affaires…
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° II-1126 est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. J’avoue que le côté cavalier de la réponse du ministre m’étonne ! En tant que président de région, j’ai assumé mes compétences, dont l’eau ne relève toujours pas. Nous avions financé et garanti tous les emprunts du syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG). L’affaire a certes fait faillite, mais l’État est coresponsable de cet échec.
Je m’étonne de votre attitude qui consiste à me reprocher de n’avoir rien fait et à vous féliciter de tout faire. Je vous demande simplement de quoi sont faits ces 320 millions d’euros. Comment sont-ils hiérarchisés ? Sur quel budget sont-ils inscrits ? Quand je regarde les crédits de la mission, je ne les vois pas. Quand je regarde la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je ne les vois pas non plus. Quand je regarde la mission « Écologie, développement et mobilité durables », je ne les vois toujours pas.
Je persiste à demander 40 millions d’euros, ce qui permettrait déjà d’aider. Je n’affirme pas que le Gouvernement ne fait rien, je considère seulement que l’effort n’est pas suffisant.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Monsieur Lurel, lorsque je suis venu sur l’île et que nous avons signé cet accord, malheureusement vous n’étiez pas là… (M. Yannick Jadot proteste vivement.)
M. Victorin Lurel. Arrêtez !
M. Patrick Kanner. Il faut arrêter, monsieur le ministre ! Respectez les sénateurs !
M. Philippe Vigier, ministre délégué. En voici les éléments : quelque 80 millions d’euros seront fournis par la région et 20 millions d’euros par le département, en plus des financements de l’OFB et du syndicat.
Si vous voulez la clé de répartition du financement, j’aurai grand plaisir à vous la communiquer. Vous verrez que nous avons été à la hauteur des enjeux.
M. Victorin Lurel. Ce sont des effets d’annonce !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1120 est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Omar Oili.
L’amendement n° II-1171 est présenté par Mme Aeschlimann.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
20 000 000 |
|
20 000 000 |
|
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° II-1120.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement concerne également le soutien au syndicat mixte que je mentionnais lors de ma précédente intervention, chargé de gérer la crise de l’eau.
Des mesures urgentes ont été prises. Maintenant, il faut penser à l’avenir. Même si j’ai déposé l’amendement n° II-1120, transmis par mon collègue député Mansour Kamardine, le syndicat qui s’occupe de l’eau à Mayotte a surtout besoin d’accompagnement.
L’amendement n° II-1122 tend justement à prévoir une mesure d’accompagnement au travers des contrats de redressement outre-mer (Corom). Ce dispositif fonctionne si bien que tout le monde souhaite qu’il soit abondé.
Aussi, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° II-1122, qui est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1120 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° II-1171.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je me rallie à la sagesse de la commission en demandant le retrait de cet amendement.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je retire également mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1171 est retiré.
L’amendement n° II-1122, présenté par M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, dont l’adoption permettra d’apporter des moyens au syndicat.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1122 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1181 rectifié, présenté par M. Théophile, Mme Nadille, MM. Mohamed Soilihi, Fouassin, Buval et Buis, Mme Duranton et M. Patient, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Emploi outre-mer dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
10 000 000 |
10 000 0000 |
||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
0 |
0 |
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à financer à hauteur de 10 millions d’euros un dispositif de soutien aux investissements des entreprises en matière d’usage durable de l’eau dans les processus de production. Ce dispositif s’appliquerait à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer.
De nombreuses mesures ont été mises en place ces dernières années pour renforcer la capacité de certains territoires, notamment Mayotte, la Martinique et la Guadeloupe, à gérer la ressource au travers d’un appui aux syndicats mixtes de gestion des eaux et d’investissements dans les infrastructures.
En complément de ces mesures prises en direction des collectivités, il importe de travailler sur les usages de l’eau. De ce point de vue, les entreprises sont des usagers de premier rang. Le présent amendement vise à les soutenir dans l’optimisation de leurs processus industriels en matière de consommation de la ressource.
Le dispositif proposé pourrait être confié à l’Office français de la biodiversité et prendrait la forme d’un appel à projets simplifié à destination des entreprises souhaitant moderniser ou adapter leur appareil de production et dont l’investissement apportera un bénéfice en matière de consommation d’eau.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est étonnant ! (Sourires.)
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Nous avons été sensibilisés, ces dernières semaines, à la fragilité de certaines entreprises. Il me paraît essentiel que l’État réponde présent, comme il l’a fait en urgence à Mayotte, en accompagnant les entreprises avec un filet de sécurité.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1181 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-121, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Société minière nationale
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
|
|
|
|
Société minière nationale |
50 000 000 |
|
50 000 000 |
|
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Christopher Szczurek.
Mme la présidente. L’amendement n° II-121 est retiré.
n° II-1150, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
30 000 000 |
|
30 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
30 000 000 |
|
30 000 000 |
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Dans la lignée de l’amendement défendu mardi dernier lors de l’examen de la mission « Travail et emploi », il sera ici question des contrats parcours emploi compétences (PEC) à La Réunion.
Je rappelle que l’île représente à elle seule un quart des contrats PEC du pays et que le taux de chômage y dépasse 18 %, les jeunes étant deux fois et demie plus touchés que dans l’Hexagone.
Ce dispositif représente une solution pour l’emploi indispensable à des territoires éloignés comme La Réunion, qui compte environ 12 000 PEC, dont les trois quarts sont conclus dans le secteur non marchand pour faire fonctionner les écoles et les cantines scolaires.
Nous demandons d’abonder les crédits en faveur de l’insertion professionnelle outre-mer en vue de favoriser les PEC. Mardi, le rapporteur spécial a répondu que la baisse du nombre de ces contrats concerne principalement le secteur marchand et que leur taux de prise en charge par l’État dans les territoires ultramarins est 10 % plus élevé qu’en métropole. Toutefois, ces propos ne constituent en rien une réponse.
Le nombre de contrats PEC dans le secteur marchand baisse, parce que les entreprises ne s’en saisissent pas.
Pour ce qui concerne le secteur non marchand, nous voulons intensifier le recours aux PEC précisément parce que nous ne nous satisfaisons pas du statu quo.
Il me semble qu’une plus grande prise en charge de ces contrats par l’État dans les outre-mer est un peu la moindre des choses eu égard aux chiffres du chômage dans ces territoires. Ce n’est pas un cadeau que vous nous feriez, monsieur le ministre, loin de là !
En somme, le dispositif PEC est à la fois un levier d’insertion professionnelle pour les personnes éloignées de l’emploi et, de fait, un élément indispensable au bon fonctionnement des collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Le parcours emploi compétences dispose déjà, en outre-mer, de taux d’aide plus élevés que dans l’Hexagone.
On peut estimer que ce dispositif doit être renforcé dans les territoires ultramarins ; toutefois les crédits y afférents relèvent de la mission « Travail et emploi » et non de la mission « Outre-mer ».
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. En 2019, la ministre des outre-mer, Mme Girardin, avait su mettre en place un dispositif ambitieux, qui fonctionne toujours, qui soulage les charges sociales de nos entreprises et qui est vraiment indispensable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais qui coûte un peu cher !
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je suis très sensible au parcours emploi compétences. Ce dispositif ne dépend pas de la mission « Outre-mer », mais de la mission « Travail et emploi ».
Je reste vigilant, madame la sénatrice, à ce que les outre-mer – c’est important – ne soient pas « alignés » sur l’Hexagone, tant s’en faut. D’ailleurs, la Première ministre a donné des consignes en la matière aux ministères concernés.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1135, présenté par M. Fouassin, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
20 000 000 |
|
10 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
20 000 000 |
|
10 000 000 |
|
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Nous sommes à un tournant crucial pour l’avenir de nos territoires ultramarins.
Je prends la parole pour défendre un amendement vital visant à accroître les crédits alloués aux contrats de convergence et de transformation (CCT) ainsi qu’aux contrats de développement (CDEV) du programme « Conditions de vie outre-mer ».
Bien plus que de simples documents administratifs, ces contrats sont une opportunité pour nos territoires ultramarins de s’engager dans des projets structurants, de répondre aux enjeux écologiques et environnementaux cruciaux et de façonner un avenir durable pour nos communautés.
Les échanges entre les préfets, les hauts-commissaires et les collectivités locales signataires ont révélé des besoins qui n’ont pas été anticipés lors de la conception initiale des contrats et qui exigent une adaptation rapide et efficace.
Pour accompagner au mieux la mise en œuvre de ces contrats et pour permettre à un plus grand nombre de projets structurants de voir le jour dans nos territoires d’outre-mer, le programme « Conditions de vie outre-mer » doit impérativement bénéficier de crédits supplémentaires. Cette injection financière offrira une souplesse indispensable pour mener à bien ces contrats et pour répondre aux besoins évolutifs de nos communautés ultramarines.
Ainsi, je propose que l’action n° 02 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » soit abondée de 20 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros en crédits de paiement.
Je suggère également de réduire dans les mêmes proportions les moyens de l’action n° 02 du programme 138 « Emploi outre-mer ». Cette réaffectation budgétaire n’est pas simplement un déplacement de fonds d’une catégorie à une autre, elle est un investissement ciblé qui garantira le développement durable et la prospérité de nos territoires ultramarins.
En renforçant les CCT et les CDEV, nous donnons aux collectivités locales les moyens nécessaires pour bâtir un avenir meilleur, où développements écologique et économique vont de pair. Je vous appelle donc à soutenir cet amendement crucial en investissant dans nos territoires d’outre-mer. Nous semons aujourd’hui les graines d’une croissance durable et inclusive pour demain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Monsieur le sénateur Fouassin, les crédits consacrés aux CCT, sur la période qui s’ouvre, augmentent de 400 millions d’euros, passant de 1,9 milliard à 2,3 milliards d’euros.
Ces 20 millions d’euros permettront toutefois d’apporter la souplesse qu’il manquait : avis favorable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Jolie justification !
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1135 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-35, présenté par MM. Patient et Rohfritsch, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
18 000 000 |
|
6 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
18 000 000 |
|
6 000 000 |
|
TOTAL |
18 000 000 |
18 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise seulement à augmenter le niveau du Corom, eu égard aux attentes des collectivités d’outre-mer. L’augmentation en autorisations d’engagement serait de 18 millions d’euros et en crédits de paiement de 6 millions d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, le Gouvernement est favorable à cet amendement, dont l’adoption permettra de soutenir les collectivités, comme M. le sénateur l’a souligné précédemment.
J’avoue avoir été un peu surpris des votes négatifs sur les 20 millions d’euros complémentaires proposés au travers des CCT pour les territoires. J’en prends acte et je salue l’adoption de l’amendement.
Bravo, monsieur le sénateur, nous allons vous aider.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-35 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1176 rectifié, présenté par Mme Bélim et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Je reviens sur le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion.
J’ai rencontré hier l’ensemble des acteurs impliqués dans le traitement du cancer dans les outre-mer. Il était important d’entendre l’expression de la singularité de chacun de nos territoires. En partageant ce que nous vivions, nous avons bien vu que certains sujets nécessitent de la convergence, de la solidarité et la réalisation d’efforts en direction des bassins régionaux.
Les acteurs de Mayotte nous parlaient de leurs graves difficultés et donc de leurs faibles résultats. La hausse de trois points du coefficient géographique n’est pas suffisante au regard des préconisations du rapport indépendant de 2019 de la Fédération hospitalière de France océan Indien (FHF-OI). Il reste un déficit de 15 millions d’euros, imputable à l’État.
Il est nécessaire d’améliorer l’accompagnement financier pour soutenir le personnel, pour améliorer l’accès aux soins et leur continuité, et pour la population du bassin régional qui vient au CHU de La Réunion, établissement que nous essayons de faire émerger comme une référence au sein de l’océan Indien. Cette vitrine du savoir-faire français nécessite un effort particulier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Cette aide ne relevant pas des crédits de la mission « Outre-mer », la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Madame la sénatrice Bélim, vous savez que le coefficient géographique a été revu, comme l’a annoncé la ministre Fadila Khattabi : un point et demi pour 2024, puis un point et demi pour 2025. Vous avez été entendue.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1176 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1163 rectifié, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Il s’agit d’ouvrir le très sérieux sujet de l’aide au fret.
La continuité territoriale, ce sont les personnes, qui traversent l’Atlantique, le plus souvent pour réaliser un aller-retour vers l’Hexagone, mais ce sont aussi les marchandises.
La question de la vie chère est la problématique majeure de nos pays. Un produit qui coûte 1 euro en France coûtera 3 euros chez nous. Je vous laisse imaginer les tarifs auxquels nous avons droit avec les mêmes revenus !
Dans le privé, nous sommes alignés sur les mêmes montants de Smic, alors que la vie chère est une réalité. La différence des prix est estimée actuellement à quelque 38 %.
Je demande que l’on ouvre enfin la question de l’aide au fret sur les marchandises importées. Celles-ci sont nécessaires puisque nous ne cultivons pas de riz ni ne produisons d’huile. Nous ne pouvons pas être en autosuffisance alimentaire.
Je propose d’affecter une ligne d’engagement de 15 millions d’euros dès cette année à une aide au fret, plus que symbolique et nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Madame la sénatrice, nous avons eu l’occasion d’aborder ce sujet. Nous avons pris un certain nombre de mesures, parmi lesquelles, par exemple, l’élargissement du bouclier qualité prix.
Si nous arrivons tous ensemble à réformer l’octroi de mer de manière efficace et juste, pour garantir les finances des collectivités locales et pour mettre fin aux distorsions d’application en fonction des territoires, nous aurons fait œuvre utile. Toujours est-il qu’il faut avoir ce débat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1163 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1148, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Depuis plusieurs années, le prix de la production locale de viande, d’œufs et de lait a augmenté de 10 % à La Réunion.
Cette hausse, qui correspond à un montant de 5 millions d’euros d’aide au fret qui aurait dû être octroyé à la filière, mais que les acteurs locaux ont dû assumer eux-mêmes, met en péril l’autonomie alimentaire de l’île, alors qu’elle dépend déjà beaucoup des importations.
Les éleveurs réunionnais, tout comme l’ensemble des filières, nous rappellent la nécessité de contenir les prix en soutenant la productivité locale et de participer plus largement à la lutte contre le coût de la vie.
Un soutien à la production locale de fruits et de légumes de 10 millions d’euros a été mis en place pour compenser les surcoûts liés à la guerre en Ukraine, mais son caractère conditionnel se révèle trop contraignant.
La plupart des agriculteurs locaux en ont donc été privés en raison de leur instabilité financière, elle-même causée et entretenue par les crises successives, ce qui est assez paradoxal. En effet, seules les structures importantes ont pu en bénéficier et être aidées.
Depuis peu, il n’est plus possible de poser sa candidature pour cette aide ponctuelle et l’absence de trésorerie pèse sur la production locale.
Dès lors, il faut revoir le conditionnement de ce soutien et – surtout – l’ouvrir au plus grand nombre afin de venir vraiment en aide aux agriculteurs ultramarins. C’est ce que nous proposons.
La moitié des fruits et légumes consommés à La Réunion sont issus de la production locale : c’est un bon résultat comparé à d’autres territoires, mais – comme je l’ai souligné – la situation est fragile. Il faut s’assurer qu’elle ne se dégrade pas et aller plus loin pour que l’autonomie alimentaire soit une réalité outre-mer.
Il s’agit, au travers de cet amendement, de reconduire le dispositif de soutien à la production locale pour 2024.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Il s’agit d’un dispositif d’aide exceptionnelle. S’il devait être pérennisé, ce sont les crédits du programme 149 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qu’il aurait fallu augmenter. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Cet amendement est satisfait : une aide de 10 millions d’euros a été créée pour les agriculteurs, qui est tout à fait mobilisable. Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1175 rectifié, présenté par Mme Bélim et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
8 000 000 |
|
8 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
8 000 000 |
|
8 000 000 |
TOTAL |
8 000 000 |
8 000 000 |
8 000 000 |
8 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Il s’agit d’un amendement d’appel en faveur du régime spécifique d’approvisionnement (RSA). L’abondement prévu de 8 millions d’euros correspond au soutien promis par le Gouvernement aux filières agricoles ultramarines.
Le RSA est un dispositif de continuité territoriale vertueux, qui vise à compenser les surcoûts des intrants dont les prix ont explosé.
Je tiens tout de même à rappeler que l’écart de prix sur les produits alimentaires avec l’Hexagone va de 30 % à Mayotte jusqu’à 42 % à la Martinique, en passant par 37 % à La Réunion. Ces écarts sont, bien sûr, en hausse par rapport à 2015.
Ce dispositif permet donc de compenser les surcoûts, mais également de développer la production locale en permettant la création d’emplois, de favoriser les circuits courts et de réduire les importations, ce qui a aussi un effet positif sur la planète.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous le savez, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei) est reconduit à hauteur de 320 millions d’euros. Dans le budget pour 2024, les aides complémentaires versées par l’État passent de 45 millions à 60 millions d’euros.
En ce qui concerne le RSA, vous avez raison, il existe une difficulté. Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, et moi-même sommes convenus de trouver un financement à parité entre les collectivités – certaines d’entre elles ont déjà répondu – et le Gouvernement. Tout est prêt pour que le plafond du RSA, bloqué depuis 2013, puisse enfin redécoller en 2024.
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1175 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1138, présenté par M. Buval, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
10 000 000 |
|
700 000 |
Conditions de vie outre-mer |
10 000 000 |
|
700 000 |
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
700 000 |
700 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Frédéric Buval.
M. Frédéric Buval. Depuis sa création en 1941, l’Agence française de développement (AFD) est un acteur indispensable au financement des économies ultramarines, particulièrement pour les collectivités locales.
En 2022, l’AFD a accordé 906 millions d’euros de prêts au secteur public ultramarin, dont 365 millions d’euros concernaient des prêts bonifiés par l’État.
Les bonifications de prêt de l’AFD permettent donc aux collectivités et aux établissements publics ultramarins de jouir d’un accès aux financements à des taux très avantageux pour leurs projets de développement durable dans les territoires qui en ont le plus besoin. Nous constatons que 1 euro de bonification permet d’engendrer 10,50 euros de financements.
Cependant, dans un contexte de remontée des taux d’intérêt, les collectivités locales rencontrent des difficultés pour financer leurs projets structurants. Cette dotation supplémentaire aidera les acteurs publics des outre-mer à poursuivre leurs engagements en faveur des projets essentiels pour leurs territoires, en particulier pour les enjeux écologiques et environnementaux.
Le présent amendement vise à renforcer les capacités de bonifications de prêts proposés au secteur public par l’AFD à hauteur de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 700 000 euros en crédits de paiement.
Ainsi, l’enveloppe de bonifications allouée à l’AFD pour 2024 serait portée à 44,185 millions d’euros, contre 34,185 millions d’euros notifiés en loi de finances initiale pour 2023.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Les collectivités doivent emprunter, mais les taux d’intérêt sont en hausse. Il convient donc d’augmenter les capacités de financement. L’AFD est, selon moi, la bonne interface : avis favorable.
Mme la présidente. La commission maintient-elle sa demande de retrait ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Non, elle émet finalement un avis de sagesse.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1138 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-37, présenté par MM. Rohfritsch et Patient, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
3 000 000 |
|
1 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
3 000 000 |
|
1 000 000 |
|
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Les dotations initiales de la Société de gestion des fonds outre-mer (Sogefom) étant épuisées, des mesures de relance ont permis la poursuite de l’octroi des garanties, mais pas de restaurer le potentiel d’engagement. Nous proposons de redoter la Sogefom pour les collectivités du Pacifique. Il s’agit d’augmenter les ressources budgétaires de la Sogefom de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1 million d’euros en crédits de paiement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. À côté des départements et régions d’outre-mer (Drom), il y a aussi la Polynésie française, Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie. Il importe de donner des signes à l’ensemble des collectivités d’outre-mer et des territoires ultramarins, raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-37 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1159 rectifié, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Conditions de vie outre-mer |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Il existe un débat sur la collecte des déchets, dispositif assez nouveau ayant entraîné des investissements très lourds pour nos collectivités. Or ces dernières ne sont pas « très musclées », financièrement parlant.
De nombreuses discussions sont en cours sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), comme peut en attester ma collègue Viviane Malet. Nous nous battons pour préserver nos collectivités d’une TGAP extrêmement dure à supporter en raison du caractère récent de ces investissements. Il s’agit ici d’allouer 5 millions d’euros à cette collecte de déchets.
Nos îles sont des îles à déchets. Nous avons des problèmes pour exporter les produits recyclables, nous croulons sous les déchets, nous creusons toujours plus, mais nous sommes parfois hors la loi tant les investissements ne suivent pas. Les discussions en cours sur la TGAP doivent se poursuivre, monsieur le ministre, nous comptons sur vous. Quoi qu’il en soit, un effort symbolique en faveur des investissements pour la collecte et le traitement des déchets en outre-mer serait le bienvenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. C’est un avis défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Défavorable, même si ce sujet mérite toute notre attention, madame la sénatrice.
Depuis dix ans, plus de 70 millions d’euros ont été investis. Nous essayons de conduire une vraie réforme, celle de la TGAP, car il faut distinguer ce qui se passe dans l’Hexagone de ce qui se passe dans les territoires ultramarins. C’est un combat que nous mènerons ensemble.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1159 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1083, présenté par MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. J’en appelle à la sagesse du ministre, conformément à la jurisprudence du « quoi qu’il en coûte », puisqu’il s’agit ici de faire un chèque alimentaire d’urgence de 5 millions d’euros.
Selon l’agence régionale de santé de Mayotte, un foyer sur deux est en insécurité alimentaire. D’après le rapport de la Cour des comptes de juin 2022, Quel développement pour Mayotte ?, 84 % de la population de Mayotte vit sous le seuil de pauvreté.
Alors que le territoire de Mayotte est confronté à une situation d’extrême pauvreté, les dispositifs de lutte contre la précarité alimentaire constituent souvent un filet de sécurité pour les publics les plus précaires. Cette logique a eu tendance à s’accroître avec la crise sanitaire et ses conséquences sociales induites.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons d’augmenter de 5 millions d’euros les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » au profit d’un chèque alimentaire d’urgence pour Mayotte.
Ce chèque alimentaire est une mesure d’urgence, mais aussi une mesure sanitaire et un impératif social et économique puisque la nourriture, à Mayotte, coûte bien plus cher que dans l’Hexagone.
L’objectif est de pouvoir réduire le poids de l’insécurité alimentaire sur le territoire, d’augmenter les réponses à destination de l’ensemble de la population en faveur d’une alimentation de qualité et en quantité suffisante.
En attendant la mise en place de mesures structurelles de long terme que nous appelons de nos vœux, nous proposons la création temporaire d’un chèque alimentaire pour répondre à une situation devenue insoutenable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-128 a été précédemment retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-1083 ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Le Gouvernement a déposé un amendement de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 60 millions d’euros en crédits de paiement pour aider le Département de Mayotte à financer les politiques sociales.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Monsieur le sénateur, nous partageons l’un et l’autre la même volonté de venir en aide aux habitants de Mayotte. Le fonds social européen (FSE) est mobilisé. Une enveloppe plus importante encore que les 5 millions d’euros que vous demandez sera débloquée pour les trois années qui viennent.
Par ailleurs, dans le cadre du paquet sur le pouvoir d’achat adopté en 2022, 19,5 millions d’euros ont été versés pour aider les plus démunis à s’alimenter. Je l’ai dit dans mon propos liminaire, 50 millions d’euros seront aussi mobilisés en 2024-2027 pour aider les plus pauvres et les plus fragilisés à acheter des repas, des fournitures scolaires, etc.
Votre amendement, dont je comprends le bien-fondé, étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Mellouli, l’amendement n° II-1083 est-il maintenu ?
M. Akli Mellouli. Oui, madame la présidente. Je me rends d’ailleurs compte que je n’ai peut-être pas demandé assez…
Quoi qu’il en soit, ces 5 millions d’euros de plus dans l’enveloppe globale ne seront pas de trop compte tenu de la crise que traversent nos compatriotes de Mayotte. Pour eux, ce ne sera pas du luxe…
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1127 est présenté par M. Lurel, Mmes Bélim, Conconne, Artigalas et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° II-1193 rectifié bis est présenté par MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
417 086 |
|
417 086 |
Conditions de vie outre-mer |
417 086 |
|
417 086 |
|
TOTAL |
417 086 |
417 086 |
417 086 |
417 086 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° II-1127.
M. Victorin Lurel. Il s’agit de mieux aider les observatoires des prix, des marges et des revenus en revalorisant le budget qui leur est alloué de 417 000 euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli, pour présenter l’amendement n° II-1193 rectifié bis.
M. Akli Mellouli. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Lurel sait qu’en 2019 nous avions déjà fait un effort particulier en passant cette enveloppe de 300 000 euros à 600 000 euros. Si le besoin s’en faisait sentir, je serais tout à fait disposé à intervenir en cours d’exercice 2024, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1127 et II-1193 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-127 a été précédemment retiré.
L’amendement n° II-36, présenté par MM. Rohfritsch et Patient, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
3 000 000 |
|
1 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
3 000 000 |
|
1 000 000 |
|
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Cet amendement vise à mettre en place une aide en ingénierie financière pour améliorer les outils de gestion et de pilotage financier des communes et des intercommunalités de Polynésie française. Il s’agit de faire suite aux préconisations du rapport de la commission des finances du Sénat relatif aux contrats de redressement outre-mer.
Nous n’avons pas souhaité leur étendre entièrement le dispositif des Corom, mais nous estimons qu’il est nécessaire de doter les collectivités du Pacifique, en particulier la Polynésie française, d’un soutien spécifique afin d’aider les communes et leurs intercommunalités en matière d’ingénierie financière. Il s’agit d’éviter de tomber dans des situations d’alerte qui nous contraindraient, à l’avenir, à étendre le dispositif des Corom dans cette région du monde et de France.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. Il s’agit une fois de plus d’un nouveau signal envoyé aux territoires ultramarins qui ne sont pas des Drom. Il faut les soutenir et nous serons à leur côté : avis favorable.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-36 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1182 rectifié, présenté par M. Théophile, Mme Nadille, MM. Mohamed Soilihi, Fouassin, Buval et Buis, Mme Duranton et M. Patient, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Conditions de vie outre-mer |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Pour favoriser la mise en place de zones de stockage concernant les sargasses et le renforcement des barrages pour lutter contre ces algues, nous proposons d’abonder de 2 millions d’euros supplémentaires les crédits de l’action 02, « Aménagement du territoire », du programme « Conditions de vie outre-mer ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Il est défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué. J’ai lancé l’Initiative internationale de lutte contre les sargasses, à Dubaï, le week-end dernier, en marge de la COP28. C’est un enjeu absolument considérable.
Certes, la France est en tête de pont, mais nous ne sommes pas les seuls. Nous devons emmener avec nous les autres pays. Le Costa Rica, la République dominicaine, le Mexique en sont. L’Union européenne vient d’entrer dans la lutte. À nous maintenant de trouver les valorisations et les moyens, notamment après la mise en place du groupement d’intérêt public (GIP), pour aider les communes exposées à cet envahissement, qui emporte des conséquences pour les habitants et pour les infrastructures, en particulier touristiques. C’est tous ensemble que nous devons mener ce combat : avis favorable.
Mme la présidente. Monsieur le ministre délégué, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1182 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, malgré nos efforts, nous arrivons au terme du temps imparti pour l’examen de la mission « Outre-mer ». Il nous reste vingt-quatre amendements à examiner.
Dès lors, conformément à l’organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l’examen de cette mission est reportée à demain, vendredi 8 décembre, en dernier point de l’ordre du jour, à l’issue de l’examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures dix-huit.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Transformation et fonction publiques
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Gestion des finances publiques
Crédits non répartis
Régimes sociaux et de retraite
Compte d’affectation spéciale : Pensions
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », des missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis », « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions » (et articles 55 ter et 55 quater).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me revient de vous présenter, en quelques minutes, la position de la commission des finances sur les trois missions et le compte d’affectation spéciale qui couvrent le périmètre de Bercy.
La commission vous proposera d’adopter l’ensemble de ces crédits, sous réserve de leurs modifications par quelques amendements.
Je commencerai par la mission « Gestion des finances publiques ». Elle porte les crédits d’administrations cruciales pour la gestion des dépenses et des recettes de l’État ainsi que pour nos concitoyens, puisqu’il s’agit de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).
Pour vous donner l’appréciation de la commission sur les crédits demandés sur cette mission, je dirai qu’il s’agit d’un budget de reconduction, mais d’une reconduction à un niveau élevé.
L’année 2023 avait en effet interrompu dix ans de baisse par une hausse inédite des crédits. L’année 2024 s’inscrit dans cette dynamique, avec quasiment 11 milliards d’euros. On est donc loin, monsieur le ministre, du retour à une trajectoire de stabilisation annoncée l’an dernier.
Bien sûr, certaines évolutions sont tout à fait positives. Je pense, par exemple, à l’achat de matériels de détection pour la douane, à la sécurisation des conditions d’exercice des contrôleurs fiscaux, au renforcement du renseignement douanier ou encore à l’octroi de moyens supplémentaires pour Tracfin afin de lutter contre les flux de financement illicites.
Sur le temps long, toutefois, c’est-à-dire depuis dix ans, il convient de noter que les crédits n’ont augmenté que de 1,16 %. De fait, la mission « Gestion des finances publiques » a souvent été la seule à s’inscrire dans une logique de rationalisation des dépenses. C’est un effort qu’il convient de saluer. De même, sur ces deux dernières années, les crédits ont augmenté moins vite que l’inflation.
Je dirai quelques mots à présent sur la mission « Crédits non répartis ». La provision relative aux rémunérations publiques fait l’objet cette année d’une ouverture de crédits à hauteur de 285,5 millions d’euros. Ils seront essentiellement consacrés au volet « Prévoyance » de la réforme de la protection sociale complémentaire des agents publics de l’État. Je regrette, monsieur le ministre, de constater chaque année la dégradation de la qualité des informations transmises par le Gouvernement sur les mesures financées par cette dotation.
En ce qui concerne la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, son examen annuel ne peut que provoquer une certaine lassitude. Le Gouvernement a pris l’habitude, depuis la crise sanitaire, de proposer des ouvertures excessives sur ce programme.
Si l’on peut donc se féliciter de la baisse des crédits demandés en 2024, crédits qui s’élèveraient à 225 millions d’euros, contre plus de 1 milliard d’euros en 2023 – ce qui prouve que nous avions raison l’an dernier –, cette baisse n’est pas suffisante. Les montants demandés demeurent en effet très largement supérieurs aux montants exécutés ces dernières années. La commission présentera donc, dans un souci de « sincérisation » budgétaire, un amendement de minoration des crédits de cette dotation.
Je passe maintenant à la mission « Transformation et fonction publiques », sur laquelle je souhaiterais partager deux observations.
En premier lieu, je voudrais souligner l’augmentation de près de 50 % des autorisations d’engagement prévues en 2024, qui atteindraient le niveau inédit de 1,2 milliard d’euros. Les crédits de paiement se stabiliseraient à un niveau élevé de 1,1 milliard d’euros. M. le ministre nous dira peut-être que c’est le signe que la mission présente enfin la montée en charge tant attendue.
Pour une mission créée en 2018 et qui avait vocation à s’éteindre en 2022, on n’aurait finalement que deux à trois ans de retard… J’en veux pour exemple les cités administratives : leur rénovation devait s’achever en 2022, mais l’enveloppe de crédits la plus importante serait débloquée en 2024.
En second lieu, je note que la mission continue d’être affectée par des défauts structurels, en dépit de quelques progrès. J’ai parlé du programme 348 en évoquant les cités administratives. J’ajouterai juste que le retard constaté s’est mécaniquement accompagné d’une augmentation des coûts sous l’effet de l’inflation.
Sur trente-neuf chantiers prévus en 2018, trois ont été abandonnés et seules cinq cités ont été livrées à ce jour. De même, les crédits consacrés au programme « Transformation publique » continuent de connaître une sous-consommation récurrente, qui se manifeste par la faible proportion des projets financés par le fonds pour la transformation de l’action publique qui se concrétisent: seulement 32 % des projets étaient finalisés en 2022, alors que le fonds a été lancé en 2018. C’est pourquoi la commission présentera un amendement de sincérisation budgétaire des crédits de la mission.
Enfin, je conclurai brièvement sur le compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », dont les crédits s’élèveraient à 340 millions d’euros en 2024.
La diminution de près de 30 % par rapport à 2023 s’explique principalement par l’évolution des recettes, marquée par une chute de 40 % des produits de cession. Ainsi, au regard de la valeur totale du patrimoine de l’État, estimé à 73 milliards d’euros, le CAS constitue actuellement un outil marginal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales a examiné conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
En premier lieu, nous notons que la progression de 1,5 % des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » est directement liée à la dynamique inflationniste et à la revalorisation des pensions qu’elle induit, à hauteur de 5,3 % au 1er janvier 2024.
Les subventions d’équilibre versées aux régimes de la SNCF et de la RATP représentent encore, malgré la fermeture respective de ces régimes en 2020 et en 2023, 70 % des crédits de la mission. Les deux tiers des charges de pensions de ces régimes seront ainsi financés par le contribuable en 2024.
La commission se félicite que la mise en œuvre de la réforme des retraites permettra de faire contribuer davantage les affiliés des régimes spéciaux à leur financement.
Néanmoins, dans le cadre du transfert au régime général de la responsabilité d’équilibrer les régimes spéciaux inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, nous déplorons que rien ne garantisse au Parlement que le contribuable disposera toujours d’une information claire et précise sur la compensation versée par l’État à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) au titre de chaque régime, ni que l’État ne se désengagera pas progressivement.
À ce propos, le Gouvernement a soumis à l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, un texte expurgé de l’amendement voté par le Sénat sur ma proposition, et qui tendait précisément à garantir la compensation intégrale, chaque année, de la charge induite pour le régime général.
Concernant le compte d’affectation spéciale « Pensions », il est désormais certain que son solde cumulé deviendra déficitaire d’ici à 2026 et que le relèvement de la contribution employeur de l’État sera nécessaire pour assurer la continuité du versement des pensions des fonctionnaires.
La commission considère que ce relèvement doit intervenir au plus vite et de manière progressive afin de lisser son effet sur les budgets des ministères. Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas pu ou voulu m’apporter les précisions demandées sur le calendrier de mise en œuvre et sur son ampleur. (M. Jean-François Husson renchérit.)
De même, il est difficilement compréhensible que le projet de loi de financement de la sécurité sociale transfère 200 millions d’euros au régime général au titre des gains tirés de la réforme des retraites par le régime de la fonction publique.
La réforme devrait justement permettre de limiter le niveau du relèvement nécessaire de la contribution employeur de l’État en réduisant le déficit du régime de 300 millions d’euros en 2025 et de 1,2 milliard d’euros d’ici à 2035.
En tout état de cause, compte tenu de la nécessité de permettre le versement sans interruption des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires de l’État, la commission s’est déclarée, sous ces réserves, favorable à l’adoption des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits du programme « Fonction publique », de la mission « Transformation et fonction publiques », qui financent le volet interministériel de la politique de ressources humaines de l’État, sont, à périmètre constant, en légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2023, avec 275,8 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Je souhaiterais attirer votre attention sur trois points.
Je m’interroge tout d’abord sur le respect, par ce programme, de la démarche de performance et d’évaluation introduite par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).
D’une part, la pertinence de certains indicateurs choisis paraît contestable en ce qu’ils sont peu significatifs, insuffisamment rigoureux et en partie subjectifs. Je vous proposerai tout à l’heure deux amendements visant à préciser les indicateurs relatifs aux prestations d’action sociale et au recrutement dans la fonction publique.
D’autre part, je ne peux que déplorer les conséquences de la suppression, en loi de finances initiale pour 2023, du rapport sur l’état de la fonction publique et des rémunérations, jusqu’alors annexé au projet de loi de finances.
Monsieur le ministre, le Gouvernement avait argué, l’an dernier, que ce rapport faisait doublon avec le rapport annuel publié par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Or, comme je l’avais souligné alors, la date de parution de ce rapport est très aléatoire : j’en veux pour preuve qu’il n’est toujours pas paru, alors que nous sommes le 7 décembre.
Cette situation ne permet pas au Parlement d’exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes. Je pense que vous en conviendrez.
Sur le fond, ensuite, les modalités de financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale me semblent très préoccupantes.
Vous le savez, la loi de finances pour 2023 a acté le désengagement financier de l’État à ce sujet. Certes, la participation de l’État à hauteur de 15 millions d’euros, qui avait fait l’objet, en février 2022, d’un accord entre l’État et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), est reconduite dans ce PLF. Nous en prenons acte.
Mais cette apparente stabilité ne doit pas nous tromper : dès 2024, la contribution versée par France Compétences diminuera, et nous ne disposons à l’heure actuelle d’aucune garantie concernant le montant qui sera versé par l’État au-delà de 2025. À moyen terme, c’est bien l’équilibre du système de financement, donc le développement de l’apprentissage public, qui est menacé.
À l’heure où l’apprentissage dans la fonction publique territoriale constitue une composante à part entière de la politique des ressources humaines des collectivités territoriales, ainsi qu’une voie majeure d’insertion professionnelle des jeunes, cette situation est plus que regrettable. J’en reparlerai lundi soir, en proposant des amendements.
Enfin, j’invite à ne pas ouvrir plus de classes préparatoires Talents du service public qu’il n’est nécessaire. Les chiffres de la rentrée 2023 pourraient, à cet égard, témoigner d’un certain ajustement entre l’offre et la demande.
Sous réserve de l’adoption des deux amendements que je présenterai en son nom, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, 2024 est une année particulière, puisqu’elle est la première année de pleine application de la réforme paramétrique des retraites de 2023, votée dans les conditions que nous avons tous à l’esprit au printemps dernier et entrée en vigueur à compter du 1er septembre 2023.
Avant d’entrer dans le détail des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale, je souhaite rappeler que cette réforme ne suffira pas à équilibrer, à moyen terme, notre système de retraite.
Les projections actualisées publiées par le Conseil d’orientation des retraites (COR) en juin dernier sont très claires : si le recul de l’âge de départ doit permettre, à moyen terme, de limiter le flux des départs à la retraite, il ne suffira pas à compenser la hausse des dépenses de retraite, qui devrait induire, selon les projections du COR, un déficit égal à 0,3 % du PIB du système de retraite à l’horizon de 2027.
En ce qui concerne la mission « Régimes sociaux et de retraite », les crédits proposés atteindront, en 2024, 6,2 milliards d’euros, fléchés à plus de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.
Il convient de rappeler que la réforme paramétrique n’a pas d’effet significatif sur les dépenses des régimes de la SNCF et de la RATP, dès lors que le Gouvernement a prévu qu’elle n’entrerait pas en vigueur avant le 1er janvier 2025 pour ces deux régimes.
La réforme de 2023 a néanmoins eu pour effet de fermer aux nouveaux entrants le régime de la RATP à compter du 1er septembre 2023. Depuis cette date, les nouveaux agents de la RATP sont affiliés au régime général. Cependant, la caisse de retraite de la RATP reste responsable du paiement et de la liquidation des cotisants qui étaient affiliés au régime avant sa fermeture, et la date d’extinction effective du régime devrait intervenir aux alentours de 2116.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a engagé une remise en cause du schéma de financement actuel des régimes spéciaux, par l’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, considérée comme définitivement adopté en application de l’article 49.3 de la Constitution depuis ce lundi 4 décembre.
Dans le schéma proposé, l’ensemble des régimes spéciaux fermés seront intégrés financièrement à la Cnav. Par conséquent, l’État ne versera plus de subvention d’équilibre annuelle pour ces régimes, mais affectera au régime général une fraction de TVA visant à compenser globalement les charges associées à ces compensations d’équilibre.
Cette nouvelle architecture de financement aura pour conséquence de vider la mission « Régimes sociaux et de retraite » de 87 % de ses crédits.
Elle soulève deux préoccupations majeures.
Premièrement, l’architecture proposée réduit la lisibilité du financement par la solidarité nationale des régimes spéciaux.
Deuxièmement, elle a pour effet de dessaisir le Parlement de sa mission de vote annuel et de contrôle sur ces subventions d’équilibre.
Je me félicite cependant que le Gouvernement ait conservé, dans le texte définitif, l’amendement de la commission des affaires sociales du Sénat tendant à la remise d’un rapport au Parlement sur ce nouveau schéma de financement, défendu par ma collègue Pascale Gruny.
Au-delà de cette information ponctuelle, pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à continuer d’informer le Parlement régulièrement et de manière exhaustive sur le financement des régimes spéciaux qui ont été fermés ? Cette exigence est essentielle, non seulement pour la clarté du débat parlementaire, mais également pour la transparence du financement du système de retraite à l’égard de nos concitoyens.
Pour finir, je souhaite évoquer les crédits proposés pour le CAS « Pensions », qui s’élèvent à 67,7 milliards d’euros.
Comme l’ensemble des régimes de retraite, le régime de la fonction publique se trouve dans une conjoncture particulièrement délicate, en raison de la hausse dynamique de ses dépenses, liée à l’indexation des pensions sur l’inflation, et de la hausse plus modérée de ses recettes.
Le résultat de ces deux tendances est un déficit croissant du CAS « Pensions », qui atteindra 2,5 milliards d’euros en 2024 et qui est estimé à 4,6 milliards d’euros en 2026.
Par conséquent, le Gouvernement sera forcé de réagir pour augmenter les recettes du régime. Cela se traduira sans doute par une hausse du taux de contribution de l’État employeur, c’est-à-dire de la part des crédits prise sur les dépenses de personnels dans chacun des ministères pour alimenter le CAS « Pensions ».
Nous souhaitons de la lisibilité sur l’évolution des paramètres qui aura pour conséquence de réintégrer, à moyen terme, plus de 4 milliards d’euros dans les crédits des missions du budget général. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, récemment, le collectif Nos services publics dénonçait « le sentiment croissant d’urgence et de dégradation des services publics », qui « s’exprime essentiellement à travers un discours déplorant des services publics qui s’effondrent ».
Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont très attachés aux services publics, qui sont un rempart contre les inégalités sociales. Ils sont notre patrimoine commun et le seul capital de ceux qui n’en ont pas.
C’est pourquoi nous portons une attention particulière aux fonctionnaires, à ces hommes et ces femmes qui œuvrent tous les jours pour accueillir au mieux le public dans nos administrations locales, nationales, sociales, nos écoles, nos commissariats, nos agences des finances publiques.
Au travers de ce débat budgétaire, c’est aussi notre vision du service public, de l’organisation de l’État et de la fonction publique qui se dessine.
Or force est de constater que le service public ne suscite plus vraiment l’admiration ni les vocations, comme en attestent les pénuries de profs, d’infirmiers, d’assistants maternels, de policiers municipaux… De l’État aux collectivités, en passant par les hôpitaux, toutes les catégories de la fonction publique sont malheureusement touchées.
La stigmatisation des fonctionnaires – ils seraient trop nombreux, trop coûteux, trop revendicatifs, pas assez productifs… – a sans nul doute été une arme puissante pour affaiblir leur statut et éroder peu à peu l’attractivité des emplois publics, aujourd’hui en tension.
Nous souhaitons qu’il soit remédié à cette situation. À cette fin, il nous semble nécessaire d’activer tous les leviers : temps et conditions de travail, rémunérations et protection sociale, formation…
Nous nous réjouissons évidemment de la création des 8 301 postes dans ce PLF 2024.
Malgré tout, les missions budgétaires que nous examinons aujourd’hui comportent plusieurs faiblesses, que nous ne pouvons passer sous silence.
Il s’agit d’abord du temps de travail.
En 2019, la loi de transformation publique imposait une harmonisation des temps de travail aux collectivités, avec les fameuses « 1 607 heures ». Aujourd’hui, nous savons, grâce au PLF 2024, que 83 % des communes ont appliqué cette réforme.
Cependant, le rapport que cette loi impose de remettre au Parlement sur le temps de travail des agents de l’État n’a, je crois, toujours pas été remis. Curieuse manière de montrer l’exemple ou de démontrer, s’il le fallait, la pertinence de cette loi.
Ce n’est pas très différent en matière de rémunérations.
Bien sûr, les récentes hausses du point d’indice sont tout à fait nécessaires face à l’inflation, plus encore que cette prime de pouvoir d’achat exceptionnelle rendue possible pour tous les agents, dont les agents territoriaux.
À cet égard, comment ne pas regretter qu’il y ait eu un aussi long délai entre les annonces et la publication du décret d’application, intervenue seulement le 31 octobre 2023 ? Dans ces conditions, il est difficile, pour les collectivités, de répondre rapidement aux revendications légitimes de leurs agents territoriaux, mais aussi de prévoir sereinement les impacts sur les budgets locaux 2023 ou 2024.
Quant à la protection sociale dans la fonction publique, elle n’est pas non plus sans poser quelques problèmes.
Alors que le Gouvernement affichait la réforme des retraites comme une garantie pour l’avenir des pensions, les données du PLF 2024 soulignent que, pour la troisième année consécutive, la régime de retraite des fonctionnaires devrait être déficitaire et que cela ne devrait pas s’améliorer, puisque le solde est estimé à –4,6 % en 2026.
Faute d’encourager suffisamment l’emploi des fonctionnaires pour équilibrer entrées et sorties, il reviendra encore à l’État d’assurer le paiement des pensions de ses anciens agents, en augmentant significativement sa contribution employeur, donc le budget afférent.
On le voit, le système de retraite des fonctionnaires est peu rassurant, alors qu’il faudrait qu’il le soit pour attirer de nouvelles vocations et de nouveaux talents.
Le signal que veut envoyer la majorité sénatoriale en matière de maladie ne nous semble pas positif. Nous nous opposerons à l’amendement du rapporteur spécial Claude Nougein visant à l’instauration de deux jours de carence supplémentaires pour les fonctionnaires. Le progrès social et la santé publique doivent conduire, pour les travailleurs des secteurs publics et privés, à un alignement par le haut plutôt que par le bas.
J’en viens enfin aux conditions de travail de nos agents liées notamment au parc immobilier de l’État et aux cités administratives, question abordée dans la mission « Transformation et fonction publiques ».
Comme le rapporteur spécial a pu le souligner, on note un délai important entre les annonces et la rénovation énergétique des bâtiments concernés. Au-delà des enjeux de pilotage opérationnel auxquels ils renvoient, ces délais reflètent les difficultés intrinsèques des rénovations lourdes qui touchent le patrimoine immobilier de l’État, comme celui des collectivités et des particuliers.
J’attire l’attention du Gouvernement sur les leçons à tirer de ces difficultés dans la manière dont il accompagne et finance les rénovations. Peut-être les montants sont-ils insuffisants face à l’urgence climatique ? Peut-être les démarches opérationnelles devraient-elles être simplifiées ?
Pour conclure sur la fonction publique et la manière de la rendre à nouveau intéressante et valorisante aux yeux de nos concitoyens, je veux dire un mot sur la formation, et précisément sur l’apprentissage.
Les collectivités se sont pleinement investies dans le développement de l’apprentissage, qui permet de favoriser l’emploi local à destination des jeunes et de donner le goût du service public de proximité.
Malheureusement, si l’apprentissage public local est un succès, on sait que le CNFPT a été contraint de limiter le nombre de contrats aidés, en raison du désengagement soudain de France Compétences, qui vient s’ajouter à l’incertitude qui pesait déjà sur la pérennité du soutien de l’État.
Cette situation est d’autant plus injuste qu’elle crée un décalage entre employeurs privés et publics.
Aussi proposerons-nous un amendement de 5 millions d’euros à destination du CNFPT visant à compenser la baisse de participation de France Compétences. Nous soutiendrons les autres initiatives permettant de pérenniser la participation de l’État en la matière.
En conclusion, et sur le fondement de ces quelques commentaires, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur des crédits de la mission « Régimes sociaux et retraites ». Il s’abstiendra sur la mission « Transformation et fonction publiques » et votera contre les crédits des missions « Crédits non répartis » et « Gestion des finances publiques ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a participé fortement à la hausse moindre des effectifs de la fonction publique. Cela s’est fait en ayant recours à la dématérialisation, à la simplification ou encore à la rationalisation des procédures de déclaration ou de contrôle.
Il sera malheureusement difficile d’aller beaucoup plus loin, car la présence territoriale des services des impôts ou des douanes est indispensable pour les citoyens, les acteurs économiques et les collectivités locales.
Depuis plusieurs années, le groupe Les Républicains et le rapporteur spécial appellent à un alignement des jours de carence entre secteur public et secteur privé – vous l’aurez compris, plutôt dans le sens opposé à celui que ma collègue Audrey Linkenheld vient de promouvoir. (Sourires.)
Au-delà de cette mesure, c’est la procédure de contrôle des arrêts maladie qui doit être réétudiée. En effet, à la différence du secteur privé, l’employeur public est également assureur. Dans quelle mesure un suivi des absences ne serait-il pas jugé discriminatoire ou attentatoire au secret médical ?
L’alignement du jour de carence est une étape. Pour le rendre pleinement effectif, il faudra aussi, à terme, distinguer les fonctions d’assureur et d’employeur dans la fonction publique.
Concernant les effectifs, le rapporteur spécial soulève avec justesse la question de la réserve opérationnelle des douanes. Cette dernière n’est pas prête, alors qu’elle devait apporter un renfort utile dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Au-delà des douanes, la question de la gestion des ressources humaines va se poser dans plusieurs pans de la fonction publique, à l’occasion de cet événement planétaire. J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de la soulever. J’attends toujours que l’on me réponde…
La diminution des effectifs a été permise par la numérisation. De fait, l’informatique est au cœur de la transformation de l’action publique ; elle est le socle des missions de la direction générale des finances publiques et des douanes. D’ailleurs, près de 590 millions d’euros de crédits sont ouverts à ce titre pour 2024.
Malheureusement, Bercy n’échappe pas à la malédiction des projets informatiques publics. Les coûts de tous les projets sont révisés à la hausse et les dates de livraison sont décalées.
Ce projet de loi de finances reporte d’ailleurs une seconde fois l’ouverture du portail pour la facturation électronique au 1er janvier 2026, réforme annoncée depuis 2020…
Je ne peux manquer de revenir sur les difficultés rencontrées par le service en ligne Gérer mes biens immobiliers et sur leurs conséquences visibles, ces derniers jours, avec l’envoi d’avis de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Certaines communes ont vu leurs rôles augmenter de 200 % ! Comment les services de Bercy ont-ils pu ne pas être alertés avant l’envoi des avis ? Quel sera le coût, pour les finances publiques, des dégrèvements à accorder ?
De l’immobilier des particuliers à l’immobilier de l’État, il n’y a qu’un pas.
Comme le rappelait Albéric de Montgolfier l’année dernière, la politique immobilière de l’État est éclatée et peu lisible, une soixantaine de programmes budgétaires concourant à cette politique.
Le ministère de l’économie, qui abrite la direction de l’immobilier de l’État, devrait être le fer de lance des politiques ministérielles.
Mme Christine Lavarde. Je relève avec malice que le retard pris pour la rénovation des cités administratives a permis de tenir compte des évolutions des modes de travail à la suite de la crise de la covid-19 et du recours accru au télétravail, avec un impact notable sur la gestion des surfaces des bâtiments.
Cela ne vous a d’ailleurs pas échappé, monsieur le ministre. Vos annonces du 21 novembre dernier en témoignent : pour faire des économies, dans le cadre des revues de dépenses que vous menez avec le ministre Bruno Le Maire, vous souhaitez diminuer les surfaces utilisées, qui passeraient de vingt-cinq à seize mètres carrés par fonctionnaire, vendre une partie de l’immobilier de l’État et louer le reste, via la création d’une foncière. Chaque ministère paierait ainsi un loyer correspondant aux surfaces occupées par ses services.
Je comprends que l’État ait envie de se débarrasser de quelques passoires thermiques : il n’y a pas de temps à perdre pour respecter le calendrier exigé par le décret tertiaire de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la loi Élan.
Il s’agit là d’un chantier énorme, pour lequel l’État a déjà dépensé 3,9 milliards d’euros sur les trois dernières années. C’est un chantier « pharaonique », considéré comme « le chantier du siècle » par le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. Mais c’est aussi un chantier que l’État n’a pas les moyens de financer, ainsi que le directeur de l’immobilier de l’État l’a lui-même reconnu.
Par conséquent, je partage le constat que le parc public doit être rationalisé. Je ferai cependant une triple mise en garde.
L’État n’a, pour l’instant, pas démontré de compétences particulières en tant qu’agent immobilier, comme on l’a vu lors de ses dernières cessions immobilières. La Cour des comptes l’a d’ailleurs relevé. Je ne citerai qu’un exemple : alors que l’Imprimerie nationale avait déjà réussi à vendre un immeuble situé rue de la Convention au plus bas, le ministère des affaires étrangères l’a racheté quelques années plus tard, au prix fort ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet !
Mme Christine Lavarde. Par ailleurs, les prix de l’immobilier baissent depuis plusieurs mois : la période actuelle n’est donc peut-être pas la meilleure pour vendre les bijoux de famille.
Enfin, l’idée de créer une foncière et d’instaurer des loyers pour chaque ministère n’est pas nouvelle : cette foncière avait vu le jour en 2006, avant d’être supprimée, en 2019, par le Président de la République, du fait « de la lourdeur et de l’inutilité des opérations comptables auxquelles donnait lieu sa mise en œuvre », pour reprendre les termes d’un rapport du député Jean-Paul Mattei sur le projet de loi de finances pour 2020. (M. le rapporteur général le confirme.)
Avant de conclure, je ne peux manquer de partager l’inquiétude de la rapporteure spéciale Sylvie Vermeillet quant à la croissance inéluctable du déficit du régime de retraite des fonctionnaires d’État. En effet, celui-ci atteindra 2,5 milliards d’euros en 2024 et certainement 4,6 milliards d’euros en 2026.
Du fait du gel du point d’indice pendant de nombreuses années et de la revalorisation limitée de ces deux dernières années, les salaires des fonctionnaires augmentent moins vite que les pensions, qui vont connaître une hausse de 5,2 %, pour la retraite de base, en janvier 2024. Le déficit ne peut donc que se creuser,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
Mme Christine Lavarde. … alors même que les effets de la réforme des retraites seront très limités : ils s’élèveront à 1,2 milliard d’euros au maximum en 2034.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Christine Lavarde. Une note très intéressante de Jean-Pascal Beaufret, présentée lors de la réunion du Conseil d’orientation des retraites qui s’est tenue le 21 septembre dernier, dénonce l’absence d’identification du solde des caisses de retraite dans l’ensemble des administrations de sécurité sociale. Ces calculs auraient d’ailleurs pu être réalisés par l’Insee au moment où le Parlement a débattu de la réforme des retraites…
La même note relève que le traitement des pensions de l’État, compte tenu de l’absence de caisses de retraite juridiquement séparées, transforme profondément les comptes nationaux. La majoration de 33 % des rémunérations des personnels de l’État par une importante subvention d’équilibre augmente le PIB en conséquence. Dans le même temps, les prélèvements obligatoires sont réduits par rapport à des cotisations effectives.
Pour conclure, je ne saurais dire mieux que M. Beaufret : « Pour les comptes de la Nation comme pour les comptes de l’État, des méthodes légales, fondées sur le choix de taux de cotisation exorbitants du droit commun et non pas sur celui “d’un pourcentage raisonnable des salaires versés aux personnels en activité”, ne vont donc pas dans le sens d’une transparence des comptes publics. »
Ainsi, ce sont près de 74 milliards d’euros de transferts réels qui doivent être déduits du système de retraite en 2022, ce qui conduira à un solde des caisses de retraite de –68 milliards d’euros.
Au regard des enjeux financiers, il pourra être utile, dans les prochaines années, de se pencher sur la question de la comptabilisation des différents engagements financiers, sujet sur lequel notre rapporteur spécial alerte régulièrement la commission des finances.
Malgré ces réserves, le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de deux missions et des comptes spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme des retraites a marqué le débat public en 2023. Elle déploie désormais ses premiers effets. C’était une réforme courageuse, que le Sénat a votée en responsabilité.
Ce qui n’est pas responsable, c’est de laisser croire aux Français que la retraite à 60 ans ou 62 ans serait un acquis social ou un droit inaliénable, alors que les évolutions démographiques ébranlent l’équilibre de notre régime de retraite – nous l’avons entendu et compris.
Le relèvement à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite est un effort important pour nombre de nos concitoyens. Mais les scénarios du COR sont clairs : ces efforts ne seront pas suffisants pour assurer le financement du régime à long terme.
Ainsi, dès 2027, le système de retraite présentera un déficit à hauteur de 0,3 % du PIB, déficit qui ne cessera de se creuser au cours des prochaines décennies.
Or ces chiffres n’intègrent pas le régime de retraite des fonctionnaires. En effet, les dépenses liées au versement des pensions sont comptabilisées non pas dans le budget de la sécurité sociale, mais dans le budget général, et précisément dans la mission « Régimes sociaux et de retraite », que nous examinons aujourd’hui.
Le chiffre est pourtant colossal : en y ajoutant le compte d’affectation spéciale « Pensions », le montant global de ces crédits atteint 74 milliards d’euros. C’est plus d’un quart des pensions de retraite versées par les régimes de base.
Ces pensions sont financées non par les cotisations des assurés, mais par l’impôt. On pourrait dire que c’est du pareil au même, puisque les impôts, comme les cotisations, sont des prélèvements obligatoires. Mais cette différence pose un problème de fond, qui tient à la lisibilité de notre système de retraite. Il faut dire les choses clairement : l’équilibre de notre régime dépend de la solidarité nationale.
Cela vaut tout particulièrement pour les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Tous deux ont été fermés, mais, en vertu de la clause dite du « grand-père », ils continuent d’être financés par la solidarité nationale pour tous les salariés qui étaient employés avant la réforme.
Ces deux régimes représentent plus de 70 % des subventions d’équilibre des régimes spéciaux. Au total, cette dépense représente plus de 6,2 milliards d’euros.
Il nous semble plus pertinent de conserver le schéma de financement actuel, afin de garder un suivi précis du coût de ces régimes pour nos finances publiques.
Avant de terminer, je souhaite évoquer la mission « Gestion des finances publiques », qui regroupe les crédits alloués à Bercy.
En 2024, le schéma d’emplois serait stabilisé, après plusieurs années de réduction des effectifs. Notre groupe tient à saluer les efforts qui ont été réalisés pour rationaliser ces effectifs.
Bercy a prouvé que l’on pouvait faire mieux avec moins. Ses services sont largement reconnus comme particulièrement performants et efficaces au sein de notre administration. Pourtant, cette qualité de service n’implique pas une hausse continue des effectifs. C’est peut-être un exemple à suivre.
Vous le savez, mes chers collègues, notre groupe avait proposé une réduction globale du schéma d’emplois des effectifs de l’État, à hauteur de 5 % sur l’ensemble du quinquennat. Le Sénat avait adopté cette proposition.
Le Gouvernement n’a intégré cet objectif ni dans la loi de programmation ni dans le projet de loi de finances. Il s’agit pourtant d’une étape indispensable pour engager le désendettement de l’État.
Malgré cette réserve, notre groupe soutient l’orientation de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le programme 156 est un programme bien excitant (Sourires.) : c’est celui qui porte la lutte contre la fraude fiscale. Cependant, afin d’éviter les doublons, je laisserai Éric Bocquet évoquer ce sujet, sur lequel nous sommes tous deux engagés.
Je tiens d’abord à saluer la création de la cellule de lutte contre la fraude aux aides publiques, que vous avez annoncée récemment. C’est une bonne nouvelle.
À l’examen des différents documents budgétaires, on ne compte plus l’emploi des termes « transformation », « numérique », « rationalisation »… Je veux, à cet égard, vous soumettre une proposition.
Il n’existe pas de lien, aujourd’hui, entre les services destinés aux étrangers, qu’il s’agisse de l’Administration numérique pour les étrangers en France (Anef) ou de l’Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref), et les organismes de sécurité sociale.
Prenons le cas d’un individu qui serait, par exemple, grand, blond, de nationalité américaine, canadienne ou suédoise, et viendrait travailler en France. Il aura, et c’est bien normal, un contrat de travail, une carte de séjour et une carte Vitale. Or l’expiration de son titre de séjour ne désactive pas ses droits.
Il suffirait pourtant de peu de chose pour pouvoir coordonner les systèmes ! Cela permettrait de réaliser quelques économies. Ne pouvant déposer un amendement au projet de loi de finances en ce sens – il tomberait sous le coup de l’article 40 de la Constitution –, je soumets cette idée à votre sagacité, monsieur le ministre. En matière de gestion des aides, ce serait assez cohérent.
Votre prédécesseur, M. Attal, avait été séduit par le système de la Banque-carrefour de la sécurité sociale qui existe en Belgique. Je pense que nous pourrions essayer de travailler sur une carte de séjour qui serait aussi une carte de soins. C’est un vrai sujet, sur lequel le Gouvernement peut avancer à la fois sur le plan de la rationalisation des aides et sur celui de la numérisation. Ce serait aussi un gain écologique, puisqu’une seule carte plastique en remplacerait deux.
Je veux aussi attirer votre attention sur les douanes. Le rapporteur spécial en parle longuement dans son rapport, notamment à la page 44, s’agissant des effectifs lors des jeux Olympiques : « La mobilisation des agents des douanes concernera la quasi-totalité des effectifs douaniers. »
Je vous propose, monsieur le ministre, d’organiser, au moment des jeux Olympiques, une campagne très importante contre la contrefaçon. Puisque vous gérez les deniers publics et que les douaniers gèrent les questions de contrefaçon, vous savez que la contrefaçon est un sujet extrêmement important au sein de la délinquance financière : elle représente 25 milliards d’euros par an.
J’y insiste, les jeux Olympiques seraient probablement le moment de mener une grande campagne, de façon à éviter le déferlement de fausses chemises Lacoste, de faux sacs de marque…
La contrefaçon nourrit non seulement la délinquance financière, mais aussi le terrorisme et le trafic d’êtres humains. Elle séduit, parce que ces activités criminelles rapportent beaucoup d’argent aux organisations terroristes : là où le trafic de produits stupéfiants rapporte 200 %, un contrefacteur de médicaments ou de biens de luxe retire un bénéfice net de 2 000 %.
Dois-je vous rappeler le cas des frères Kouachi, qui avaient été coincés pour une affaire de contrefaçon de chaussures de sport avant d’être relâchés et de commettre les actes que l’on connaît ?
Je pense donc que les douaniers mobilisés pourraient mener une opération assez importante à cette occasion. Voilà qui serait conforme aux objectifs de lutte contre la fraude que Bercy s’est donnés.
Il est d’autant plus important de s’attaquer à la contrefaçon que celle-ci nourrit – je me permets d’en parler – des organisations terroristes comme le Hezbollah, ou encore le Hamas, aujourd’hui au cœur d’une actualité dramatique. Il existe des preuves évidentes de trafics – cigarettes, médicaments, etc. – servant aux organisations terroristes.
Il me semble que l’action menée par le Gouvernement en matière de lutte contre la fraude doit être amplifiée au travers des moyens humains à disposition et de nouveaux moyens, notamment numériques – c’est très important.
Profitons de l’organisation mise en œuvre autour de la douane à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques pour prévenir ces pratiques de contrefaçon qui non seulement ruinent nos entreprises, mais font aussi courir des risques très importants aux acheteurs, notamment lorsqu’il s’agit de médicaments. Il y a là, messieurs les ministres, une action à entreprendre.
Nous adopterons bien évidemment les crédits des missions et articles rattachés et serons à vos côtés dans cette lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. C’est un sujet de première importance pour la République. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme la rapporteure spéciale et M. Bernard Buis applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous attelons aujourd’hui à un exercice particulier. Cette séquence de la deuxième partie du projet de loi de finances constitue effectivement un invraisemblable fourre-tout, peu lisible, flirtant avec les limites de ce qui est acceptable, voire sincère lors d’un examen budgétaire.
Quatre missions différentes, deux comptes spéciaux, quatre rapporteurs, deux ministres au banc pour un total cumulé de 87 milliards d’euros en crédits de paiement, soit davantage que le budget de l’éducation nationale !
Les sujets traités ne sont pas des moindres : immobilier de l’État, administration fiscale, pensions de retraite. Pour tout cela, nous avons droit à quarante-cinq minutes de discussion générale et deux heures quinze minutes d’examen au total.
Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner du décalage entre l’importance de nos travaux en séance publique et l’intérêt de nos concitoyens. Ce que nous nous apprêtons à faire cet après-midi y contribue grandement !
Sur le fond, trois grands sujets se détachent de cette séquence.
Tout d’abord, l’immobilier de l’État.
Ne nous y trompons pas, le compte d’affectation spéciale du même nom ne représente qu’une petite partie de l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État : il fait état d’un montant de 340 millions d’euros sur une valeur comptable estimée à 73,3 milliards d’euros, donc seulement 13 % des dépenses d’investissement de l’État en la matière.
Ce compte, destiné à abonder les entités et ministères qui auraient mutualisé leurs produits de cession, n’est manifestement qu’un gadget comptable à l’intérêt plus que limité. La question de son maintien se pose dès lors clairement et j’aimerais que l’on m’explique ce qu’il apporte en lisibilité et en efficacité à une discussion budgétaire déjà bien complexe.
Ce n’est pas à travers lui, en effet, que se joue la question pourtant centrale et cruciale de la rénovation énergétique des bâtiments. Les montants correspondants se retrouvent principalement dans la mission « Transformation et fonction publiques » et présentent une croissance de 300 millions d’euros en crédits de paiement. Si cette augmentation est à saluer, le retard, lui, est à déplorer : il a effectivement fallu attendre cinq ans après la création du programme 348 pour que tous les travaux des cités administratives débutent, ceux-ci ne devant s’achever qu’en 2025.
Ensuite, l’administration fiscale, au travers de la mission « Gestion des finances publiques ».
La DGFiP, selon les propres termes du Gouvernement, bénéficie d’un « budget de reconduction », après un budget 2023 qui avait interrompu une série noire de dix années successives de baisses de crédits. Le Gouvernement fait preuve d’une ambition qu’il faut saluer : 1 500 postes seront créés pour le contrôle fiscal d’ici à 2027, dont 350 pour 2024. Mais, quand on regarde dans le détail, 250 découlent en fait de moindres suppressions de postes et 100 de redéploiements.
Pourtant, comme cela a déjà été souligné, il y a là un véritable enjeu. Les montants encaissés au titre du contrôle fiscal s’élèvent à 10,6 milliards d’euros pour 2022, un chiffre rigoureusement identique à celui de 2021. Ce n’est pas satisfaisant au regard de l’évasion fiscale en France, qui est évaluée à près de 80 milliards d’euros. Seul un renforcement des moyens humains et techniques nous permettra de récupérer ces sommes importantes dont nous avons bien besoin.
Ce n’est visiblement pas la direction que compte prendre la majorité sénatoriale. En effet, au sein de la mission « Transformation et fonction publiques », qui traite aussi de tous les emplois de l’État et de ses opérateurs, le rapporteur général va proposer une baisse indifférenciée de 2,5 % des emplois des opérateurs de l’État, soit 10 000 équivalents temps plein (ETP) pour la seule année 2024. Dans quels services ? Avec quelle finalité ? Pour quelle incidence sur le service public ? Tout cela, nous ne le saurons pas. Il s’agit d’un pur affichage comptable pour une vraie vision dogmatique de l’action publique !
Enfin, les pensions de retraite – le gros morceau de cette séquence budgétaire, la première depuis la réforme des retraites. Elles représentent 60 milliards d’euros, soit la plus grande part des 87 milliards d’euros évoqués précédemment.
La réforme des retraites a eu peu d’impact sur ces comptes. Si l’on élargit le spectre, le constat reste le même : le solde de l’ensemble du système de retraite atteindra un déficit équivalent à 0,3 % du PIB en 2027, ce qui vient confirmer que cette réforme n’était ni de justice ni de rigueur budgétaire.
En conclusion, nous nous abstiendrons ou voterons contre les crédits de chacun des éléments de cette « méta-mission » ou « super-mission ». Que ce soit sur la forme ou sur le fond, ces crédits ne sont pas à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Audrey Linkenheld applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2024 devait concrétiser les annonces de l’ancien ministre du budget, M. Gabriel Attal, en matière de lutte contre la fraude fiscale. Mais ce plan Fraude se traduit par la poursuite des baisses de moyens humains au sein de la direction générale des finances publiques et des douanes, respectivement pour 219 millions d’euros et 26 millions d’euros.
Cette diminution n’est certes en rien comparable avec les 43 000 emplois perdus par la DGFiP depuis les années 1999, mais la trajectoire est continue – à défaut d’être soutenue –, maintenue et, surtout, inexorable.
Nous récusons l’idée selon laquelle, à l’heure de l’intelligence artificielle, nous aurions besoin de moins de contrôleurs fiscaux.
Notre collègue députée Charlotte Leduc, dans son rapport documenté sur les moyens de la lutte contre l’évasion fiscale, fait état d’une diminution de 16,67 % des effectifs alloués aux contrôles fiscaux en dix ans. On invoque le ciblage grâce à l’exploitation des données – j’emploie délibérément l’expression française – et aux nouvelles technologies, qui accroissent l’efficience des contrôles. Ce budget prévoit d’ailleurs de renforcer les moyens technologiques au détriment des moyens humains.
Les contrôles sur place s’effondrent depuis 2013, et c’est la lutte contre la fraude fiscale qui en pâtit, car elle représente 30 % de cette modalité de contrôle.
Le fait que les droits mis en recouvrement augmentent de 1,2 milliard d’euros en 2022 signifie, non pas que la méthode est bonne, mais que la fraude est plus importante. D’ailleurs, en dépit de cette augmentation, les montants recouvrés diminuent de 20 millions d’euros en 2022. Difficile, dans ces conditions, de se féliciter de droits recouvrés inférieurs de 1,15 milliard d’euros à ceux de 2015.
Dans un rapport de 2019 sur la fraude, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) expliquait que cette stratégie de baisse des moyens « aurait dû se traduire par un meilleur ciblage des contrôles et une réduction du nombre d’affaires à faible rendement et d’affaires conformes ». Le Gouvernement dispose-t-il de données plus actualisées que celles de 2018 – dernières en date – sur ce point ?
L’efficacité du recours à l’intelligence artificielle, en substitution des agents publics, dans le domaine du contrôle fiscal peut tout de même être mise en question. Nous attendions avec impatience ce débat pour dévoiler la supercherie qui consistait à annoncer, lors de la présentation du plan Fraude, un renforcement sans précédent des moyens, à hauteur de 1 500 équivalents temps plein supplémentaires, pour le contrôle et la lutte contre la fraude fiscale d’ici à 2027, quand il ne s’agissait en réalité que de redéploiements.
Les moyens de la DGFiP vont diminuer et il n’y a aucune création nette de postes. Nous défendrons donc un amendement visant à engager un vaste plan de recrutement de contrôleurs fiscaux : 500 cette année, 500 l’année prochaine et 500 l’année suivante. Pas de tour de passe-passe ! Les personnels méritent mieux que des annonces tronquées !
Malgré la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, ses effectifs ne seront aucunement renforcés. On nous disait que ce n’était pas le moment à l’été 2023, que les moyens seraient dégagés dans le PLF pour 2024. Nous y sommes, et nul moyen supplémentaire !
La douane subit encore, à l’article 18 du présent texte, des transferts de ses missions fiscales vers la DGFiP, laquelle ne sait plus qu’en faire. Nous ne cesserons de le répéter, celle-ci n’a ni l’expertise ni les moyens de sécuriser des bases d’imposition complexes, nécessitant des contrôles importants sur le terrain.
Nous sommes, par exemple, le deuxième domaine maritime mondial après les États-Unis. Le contrôle et la surveillance d’espaces maritimes de plus de 10 millions de kilomètres carrés mériteraient au moins une flotte sérieuse, afin de permettre aux quelques agents des douanes disséminés aux quatre coins du monde d’assumer réellement leurs fonctions.
La lutte contre la fraude ne trouve pas de réponse satisfaisante dans une mission censée concrétiser les annonces de votre prédécesseur, monsieur le ministre Cazenave, annonces elles-mêmes insuffisantes. Cela nous contraint à voter contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dispose de quatre petites minutes pour aborder les défis que doit relever l’État au travers de quatre missions substantielles et de deux comptes spéciaux non moins déterminants. C’est bien peu !
Vous me pardonnerez donc d’avance de ne pas être exhaustif. Au nom du groupe RDSE, je m’autoriserai à effectuer des choix et, comme nous le disons à Marseille, à aller droit au but. (Sourires.)
Tout d’abord, je veux évoquer la mission « Gestion des finances publiques », dotée d’une enveloppe proche de 11 milliards d’euros.
Très sommairement, je m’attellerai à rappeler les moyens alloués pour poursuivre et finaliser la modernisation de la DGFiP. L’intelligence artificielle, le big data, les capacités cyber, les drones permettent de parfaire la qualité du service rendu tant aux usagers qu’aux agents, tout cela sans oublier, évidemment, la sécurisation des échanges.
Je pense notamment à la technique de la fouille de données que l’on nomme plus communément – utilisant un affreux anglicisme – datamining, et au programme de mobilité Télémac pour cibler avec efficience les contrôles, dont le produit est évalué à près de 10 milliards d’euros.
J’ai aussi à l’esprit le portail Chorus factures, qui s’adresse aux entreprises pour une meilleure facturation interentreprises.
Ensuite, comment ne pas parler ici des collectivités territoriales, en se félicitant de la poursuite de l’expérimentation du compte financier unique ? Celui-ci a pour objectif de rendre lisible la production des états comptables et devrait être pérenne d’ici à 2027.
Je veux aussi évoquer la mission « Transformation et fonction publiques », qui connaît, quant à elle, une hausse de 379,5 millions d’euros par rapport à 2023 pour atteindre 1,2 milliard d’euros.
On se félicitera des actions tendant à rendre la fonction publique attractive ; à lutter contre la crise du sens apparue chez nos serviteurs de l’État ; à juguler la déperdition des talents vers le secteur privé.
Ces trois objectifs appellent une mobilisation constante afin de redonner du muscle et du tonus à notre service public. L’effort devrait être plus marqué, mais, disons-le franchement, il donne tout de même une orientation !
Dans cette perspective, je me réjouis de la mise en orbite de la complémentaire santé à l’horizon de 2026 et des contrats de prévoyance à compter du 1er janvier 2025 – réformes tant attendues par les agents.
L’enveloppe budgétaire de 275,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 282,6 millions d’euros en crédits de paiement du programme 148 prévoit des hausses en faveur des aides individuelles à l’installation, des aides à la préparation des concours et à la formation.
La fidélisation des agents passe aussi, au travers du programme 348, par une offre d’un environnement professionnel de qualité, grâce au lancement d’une nouvelle séquence de rénovation énergétique des bâtiments de l’État.
Enfin, il m’importe de ne pas passer sous silence les crédits non répartis, c’est-à-dire les crédits dont la dépense est difficilement prévisible.
Une question, messieurs les ministres… Quelle suite réserverez-vous à la demande de bilan formulée par la Cour des comptes, en mai dernier, sur le recours systématique au programme 551 pour financer des décisions prises lors des rendez-vous salariaux annuels ?
En conclusion, le groupe RDSE votera les crédits de ces missions et comptes spéciaux au regard de l’importance des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes de nouveau rassemblés, cette année, pour examiner conjointement les missions « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Régimes sociaux et de retraite ». Dans un souci de concision, je vais souligner brièvement les points clés de chaque mission.
Les missions « Gestion des finances publiques » et « Transformation et fonction publiques » poursuivent la dynamique engagée depuis 2017 pour moderniser notre action publique et transformer notre administration, tout en améliorant la qualité des services publics.
La mission « Gestion des finances publiques », qui inclut la DGFiP et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), maintient en 2024 un niveau élevé de crédits, après l’augmentation notable de 2023 qui avait marqué une rupture avec la tendance antérieure.
Le groupe RDPI se réjouit de l’amplification des actions de lutte contre la fraude et de contrôle, avec le recrutement prévu de 1 500 agents supplémentaires d’ici à 2027 pour renforcer les équipes de la DGFiP.
Les investissements destinés à renforcer les capacités d’enquête de Tracfin sont également salués, tandis que la mobilisation de la douane à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques contribuera à la sécurisation des entreprises et des citoyens.
Nous saluons également la modernisation des espaces de travail dans le cadre de la stratégie immobilière en cours, démontrant un engagement fort envers la transition écologique et la réduction de l’empreinte carbone.
La mission « Transformation et fonction publiques », notamment via le programme 349, contribue à inverser la dynamique de rupture des Français avec leur administration, pour des services plus accessibles et plus proches.
Le groupe RDPI soutient les efforts visant à renforcer l’attractivité de la fonction publique, notamment avec la poursuite du programme « Fonction Publique + ».
Concernant la mission « Régimes sociaux et de retraite », soulignons le contexte particulier marqué par l’entrée en vigueur en septembre 2023 de la réforme paramétrique des retraites.
Malgré des économies réalisées, la réforme n’aura pas d’effet avant 2025 sur les principaux régimes spéciaux bénéficiaires des crédits de cette mission, à savoir ceux de la SNCF et de la RATP.
Avec 6,2 milliards d’euros, cette mission demeure cruciale pour le versement des pensions de milliers d’affiliés.
En ce qui concerne la mission « Crédits non répartis », la hausse significative des crédits du programme 551, consacrée principalement aux évolutions statutaires de la couverture de prévoyance des agents publics de l’État, contraste avec la baisse conséquente du programme 552, rompant avec les années de crise sanitaire.
En conclusion, ces missions du PLF 2024 représentent des avancées substantielles dans la modernisation de notre administration, la gestion financière de l’État et la soutenabilité de nos régimes sociaux et de retraite.
Avec les membres du groupe RDPI, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la présidente, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord saluer et remercier les rapporteurs et orateurs pour les travaux que le Sénat a, cette année encore, conduits sur ces crédits.
Le budget du ministère de la transformation et de la fonction publiques, doté de 567 millions d’euros, vise à contribuer au réarmement de nos services publics. Cette présentation me permettra de revenir sur certains points abordés au cours de la discussion générale.
Pour assurer ce réarmement, il convient – vous le savez – de relever le défi de l’attractivité des métiers de la fonction publique, et ce en vue d’assurer l’efficacité de nos services publics – c’est la raison d’être de la fonction publique.
C’est pourquoi je vous propose de profiter de cet examen budgétaire pour présenter mes priorités d’action au travers des quatre programmes structurants composant le budget du ministère.
Je débuterai par une remarque globale : à périmètre constant, c’est-à-dire hors effets de transfert, le budget progresse de 42 millions d’euros.
Nous procéderons en 2024 à deux transferts principaux pour un montant de 82 millions d’euros. Le premier concerne la dotation de l’Institut national du service public (INSP), désormais sous tutelle de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), qui est rattachée aux services de la Première ministre. Le deuxième concerne la gestion des conseillers numériques France Services, placée sous l’égide du ministre délégué au numérique, qui coordonne l’ensemble de la politique d’inclusion numérique.
Au-delà d’une simple évolution des moyens, l’accroissement du budget traduit une ambition, des choix politiques forts, avec le renforcement de plusieurs leviers d’intervention.
Je dirai un mot, d’abord, des emplois.
Le schéma d’emplois du ministère connaît une progression de quarante-huit ETP en 2024. Nous renforçons notamment nos capacités de conseil interne de vingt ETP supplémentaires, à la suite de la progression de trente ETP que vous aviez validée, l’année dernière, pour la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Ces évolutions traduisent la mise en œuvre de notre réforme de réinternalisation de nos capacités de conseil.
Je m’arrête un instant sur ce sujet, que je sais d’importance pour la Haute Assemblée. Alors que nous nous étions engagés sur une baisse de 15 % de nos dépenses de conseil externe, notamment en stratégie, notre consommation a en réalité décru de 35 %. Cette année encore, nous allons dépasser l’objectif : ce sont plus de 70 millions d’euros – il faut le souligner – que nous allons rendre au budget grâce à ces efforts de réinternalisation.
Par ailleurs, nous renforçons aussi la DITP de vingt-cinq ETP afin de consolider le réseau des laboratoires d’innovation territoriale. C’est une façon de déconcentrer notre action et de simplifier en partant du terrain.
J’en viens au programme 148, qui concerne les ressources humaines de l’État et retrace principalement les crédits consacrés à la formation des fonctionnaires de l’État et à l’action sociale interministérielle.
Hors effets de transfert, ce programme voit ses moyens progresser de 22 millions d’euros, sur deux axes.
En matière d’action sociale, 5 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au financement de places de crèches, pour un total de 30 millions d’euros – le nombre de places de crèche, multiplié par dix en dix ans, atteint désormais 5 000 places. Par ailleurs, 13,8 millions d’euros supplémentaires sont destinés à l’accélération de la rénovation des restaurants interadministratifs et 2,1 millions d’euros supplémentaires à l’aide au maintien à domicile des agents retraités.
Le reste de la hausse budgétaire bénéficie aux instituts régionaux d’administration (IRA). Nous avons besoin d’accroître le nombre d’attachés d’administration. C’est un point important pour l’avenir de notre fonction publique. Nous renforçons donc nos capacités d’accueil dans les IRA, avec l’objectif d’accueillir 20 % d’élèves supplémentaires.
Je tiens à souligner que ce budget permet de préserver le financement de deux dispositifs que Mme la rapporteure Di Folco a salués dans son rapport : d’une part, l’apprentissage dans la fonction publique territoriale, sur lequel je reviendrai à l’occasion de la présentation de certains amendements ; d’autre part, le dispositif des prépas Talents, auquel je crois beaucoup et dont nous assurons la stabilité en pérennisant les moyens qui lui sont accordés.
Enfin, je voudrais évoquer le volet numérique.
Nous consacrons des moyens supplémentaires à l’accessibilité de nos démarches numériques aux personnes en situation de handicap – on parle beaucoup de fracture numérique ; nous faisons en sorte de ne pas en être nous-mêmes à l’origine…
Un certain nombre de moyens sont également dédiés à l’accompagnement numérique de la transition écologique. C’est un engagement très important.
Souhaitant laisser du temps de parole à mon collègue ministre, je ne dirai que quelques mots sur le volet de la transformation publique.
Je reviendrai ultérieurement sur les enjeux relatifs au fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP). L’effort de sincérisation que nous portons se traduit par une baisse de 50 millions d’euros des crédits. Je souhaite que ce fonds ait aussi une forte orientation vers les enjeux de transition écologique.
Nous nous donnons par ailleurs des moyens pour valoriser et animer le programme France Services, auquel je vous sais tous attachés – je salue à cet égard le travail du sénateur Bernard Delcros. C’est une politique publique qui porte des fruits.
Sans plus attendre, je cède la parole à mon collègue Thomas Cazenave. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier l’ensemble des rapporteurs et des orateurs pour leur travail sur les crédits des missions que nous examinons cet après-midi et je souhaite brièvement revenir sur quelques-uns des points mentionnés.
Tout d’abord, comme l’a souligné le rapporteur spécial Claude Nougein, le budget de la mission « Gestion des finances publiques » renforce nos priorités.
Ainsi, nous augmentons significativement les effectifs de la DGFiP dédiés à la lutte contre la fraude fiscale. Nous la pourvoyons de 250 emplois supplémentaires dès cette année, tout en continuant à redéployer des postes et à tirer parti de la numérisation, ce qui permet une réduction nette de 200 effectifs. Ce budget est donc cohérent avec notre double objectif de modernisation de l’administration fiscale et de lutte contre toutes les fraudes, le tout en maintenant un haut niveau de service qui fait, je crois, de la DGFiP et de ses implantations l’un des services publics préférés des Français. (Sourires.)
Nous renforçons également les effectifs dédiés aux renseignements douaniers et ceux de Tracfin pour la détection des flux financiers illicites. La douane déploiera de nouveaux effectifs pour mieux surveiller nos frontières ; ses moyens d’investigation et ses équipements seront modernisés.
Pour ce qui concerne les autres points d’attention soulevés par le rapporteur spécial, je me félicite du déploiement du nouveau réseau de proximité de la DGFiP, ainsi que de la qualité du travail des conseillers aux décideurs locaux auprès des collectivités territoriales.
Sur le sujet de la transition écologique, j’entends le scepticisme qui s’exprime au regard de la multiplication des démarches vertes et de leur traduction concrète. Je mentionnerai à cet égard l’exemple de Bercy Vert : 92 % des projets d’achat de plus de 140 000 euros ont intégré des clauses environnementales ; la consommation d’énergie des bâtiments a diminué de 13 % en 2022 ; une sortie totale des chaudières au fioul est prévue d’ici à 2025.
Ces évolutions s’expliquent par des investissements importants et nécessaires du ministère.
Par ailleurs, la mission « Crédits non répartis » comprend deux dotations, correspondant au programme « Provision relative aux rémunérations publiques » et au programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles ».
Le montant de la première s’explique notamment par l’incertitude sur la ventilation des volets santé et prévoyance de la réforme de la protection sociale complémentaire des agents publics de l’État. La seconde connaît une diminution sensible de crédits par rapport à 2023.
La commission des finances souhaite réduire davantage le montant de ces deux dotations. Nous pensons toutefois que l’État a le devoir d’être prévoyant, sachant que ces crédits pourront naturellement être annulés en cours d’exercice compte tenu des informations disponibles.
Enfin, l’objectif prioritaire du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » est le financement de l’entretien des bâtiments de l’État. Ce vecteur budgétaire assure ainsi, malgré les fluctuations de recettes, un socle de recettes indispensable pour faire face au besoin de rénovation de ces bâtiments. Il a permis d’y consacrer 160 millions d’euros en moyenne annuelle au cours des dernières années.
Je veux également dire un mot du programme 348, consacré à la performance et à la résilience des bâtiments de l’État. Conformément aux engagements pris dans le cadre de la planification écologique, 550 millions d’euros supplémentaires seront engagés en 2024 sur la base d’un appel à projets pour réduire l’empreinte des bâtiments de l’État. L’objectif d’ici à 2026 est de baisser d’un quart leur consommation par rapport à 2022. À cette fin, nous devons aussi réduire les surfaces, d’où l’objectif ambitieux que nous nous fixons de libérer 25 % des surfaces de bureaux dans les dix prochaines années.
Nous devrons aussi faire évoluer en profondeur la gouvernance de l’immobilier de l’État. À cet effet, je le dis en particulier à l’attention de Mme la sénatrice Lavarde, nous allons créer une foncière d’État dans deux territoires pilotes.
Sur le sujet des retraites, je veux répondre à l’inquiétude exprimée par Mme la rapporteure spéciale Sylvie Vermeillet sur la trajectoire financière du système de retraite.
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer lors de l’examen du PLFSS, la trajectoire de solde, bien que toujours déficitaire, s’améliore sous l’effet de la réforme des retraites, en particulier via la réduction du flux de nouveaux retraités. Ainsi, à l’horizon de 2027, le déficit sera inférieur de 6 milliards d’euros à ce qu’il aurait été en l’absence de réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas une bonne réponse !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour examiner l’ensemble des crédits de ces missions, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures quinze minutes. Nous devrions donc clore cet examen autour de dix-huit heures trente.
transformation et fonction publiques
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Transformation et fonction publiques |
1 253 548 322 |
1 095 721 681 |
Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs |
709 843 385 |
527 867 705 |
Transformation publique |
145 463 360 |
162 824 233 |
Dont titre 2 |
1 500 000 |
1 500 000 |
Innovation et transformation numériques |
74 100 000 |
74 100 000 |
Dont titre 2 |
3 000 000 |
3 000 000 |
Fonction publique |
275 775 829 |
282 563 995 |
Dont titre 2 |
290 000 |
290 000 |
Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques |
48 365 748 |
48 365 748 |
Dont titre 2 |
48 365 748 |
48 365 748 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-4, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs |
|
|
|
|
Transformation publique dont titre 2 |
|
|
|
59 000 000 |
Innovation et transformation numériques dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
|
|
59 000 000 |
SOLDE |
- 59 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Cet amendement de la commission des finances vise à assurer la sincérité budgétaire des crédits portés par la mission « Transformation et fonction publiques », en diminuant l’enveloppe ouverte sur le programme 349 « Transformation publique ».
En effet, si la programmation des crédits de ce programme a toujours été ambitieuse au cours des dernières années, l’exécution s’est rarement montrée à la hauteur des objectifs affichés, avec d’importants retards constatés sur le décaissement des crédits.
Au 30 octobre 2023, les montants de crédits de paiement consommés sur le programme 349 s’élevaient ainsi à 122 millions d’euros, contre 251 millions d’euros prévus en loi de finances initiale pour 2023.
Pourtant, le présent projet de loi de finances prévoit pour 2024 de nouveaux montants très élevés pour ce programme, et plus particulièrement 140 millions d’euros pour l’action n° 01 « Fonds pour la transformation de l’action publique ».
Une mesure de sincérisation apparaît donc nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Le Gouvernement partage le besoin de sincérisation de ce budget, notamment en raison des sous-consommations qui ont été relevées par le passé.
Par rapport à la discussion budgétaire de l’année dernière, un tel effort a d’ores et déjà été entrepris dans ce projet de budget, à hauteur de 50 millions d’euros supplémentaires : 123 millions d’euros en autorisations d’engagement cette année, contre 50 millions d’euros supplémentaires sur l’exercice passé.
La sous-consommation du FTAP est, à mon sens, un peu surévaluée : au 1er décembre 2023, des autorisations d’engagement à hauteur de 615 millions d’euros ont été exécutées, qu’il convient de comparer aux 780 millions d’euros sur le FTAP durant la période 2018-2022. On constate donc que l’effort de consommation et d’engagement de ces crédits a été entrepris. Leur mise en œuvre a parfois pris un peu de temps, mais les projets ont été engagés.
Enfin, pour ce qui concerne la nouvelle génération du FTAP, j’ai assumé dans le cadre de cet examen budgétaire un engagement, que je maintiens, de retour sur investissement des crédits. Le projet de budget est associé intimement et étroitement à chacune des attributions des projets.
Ces derniers, qui sont financés en mode agile, sont de taille plus modeste. Il y a moins de grands projets qui impliquent de débloquer en une fois des autorisations d’engagement.
Il s’agit aussi de financer des projets liés à l’administration déconcentrée, au plus près du terrain, ainsi que des projets de transformation numérique.
J’espère vous avoir convaincus que les moyens dédiés au fonds de transformation de l’action publique sont nécessaires. Je vous invite à conserver ces crédits, compte tenu de l’effort de sincérisation en cours.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-741 rectifié bis, présenté par M. P. Joly, Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
Transformation publique dont titre 2 |
100 000 000 |
|
100 000 000 |
|
Innovation et transformation numériques dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Cet amendement vise à permettre aux conseillers numériques de poursuivre leur activité. Il s’agit d’un enjeu important d’inclusion numérique de l’ensemble des Français, dont on sait qu’un bon nombre rencontre des difficultés pour utiliser ces outils.
Dans le cadre du plan France Relance, 4 000 conseillers numériques avaient été mis en place dans les territoires, qui ont réussi à accompagner 2 millions de personnes.
Il se trouve que ce dispositif devait se poursuivre au travers d’un conventionnement pluriannuel. Lors de la dernière phase, l’État finançait d’ores et déjà les conseillers numériques, tandis que les collectivités apportaient des moyens matériels et la logistique utiles à la mise en œuvre de ces missions.
Ce conventionnement se situe en deçà de ce qui existait jusqu’à présent. L’État envisage en effet d’apporter un financement à hauteur de 70 % pour la première année, et de 50 % pour les deux années suivantes. C’est bien inférieur à ce qui serait nécessaire pour permettre aux territoires de poursuivre cet accompagnement numérique.
Cet amendement vise donc à accorder à ce projet, qui est une réussite, les moyens de perdurer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L’avis de la commission est doublement défavorable sur cet amendement, tant sur la forme que sur le fond.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Tout d’abord, sur le plan formel, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que cet amendement porte sur une action qui a été transférée, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, sur le programme 343 « Plan France Très haut débit » de la mission « Économie », dont les crédits ont déjà été adoptés par le Sénat.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bon argumentaire !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Ensuite, sur le fond, le partage du financement de la rémunération des conseillers, tel qu’il est prévu dans le cadre du conventionnement de la subvention versée par l’État aux structures employant ces derniers, apparaît équilibré.
Concernant les structures publiques, la subvention annuelle versée par l’État s’élève ainsi, pour chaque poste de conseiller numérique, à 17 500 euros pour la première année, à 12 500 euros pour la deuxième année et à 12 500 euros, encore, pour la troisième année.
En 2024, les crédits alloués par l’État à ce dispositif s’élèveraient, toutes structures confondues – publiques et privées – à 41,8 millions d’euros, un montant comparable à la dotation budgétaire de 44 millions d’euros prévue en loi de finances initiale pour 2023.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. J’ai peu d’arguments à ajouter à ceux avancés, tant sur le fond que sur la forme, par M. le rapporteur spécial.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cette politique publique a été transférée dans le portefeuille du ministre chargé du numérique.
Nous avons besoin de cohérence pour mener nos politiques publiques. En l’occurrence, cette politique de médiation numérique est très importante pour l’accès aux services publics. Les conseillers numériques occupent une part considérable au sein de la politique de médiation. Il convient en effet d’assumer le déploiement de cette jeune politique publique, mais dans le cadre des crédits alloués à mon collègue Jean-Noël Barrot.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Joly, l’amendement n° II-741 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrice Joly. Oui, madame la présidente. Sur la forme, cet amendement est passé au travers du tamis de la vigilance du rapporteur général. (Sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout, je l’avais vu ! (Nouveaux sourires.)
M. Patrice Joly. Je ne vois donc pas où est la difficulté.
Sur le fond, je maintiens ma position : j’ai vu sur le terrain l’apport des conseillers numériques et le travail qu’ils avaient effectué. Il convient donc de maintenir cette mission à haut niveau.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-741 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1198 rectifié, présenté par Mme Linkenheld, MM. Kanner, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Transformation publique dont titre 2 |
|
|
|
|
Innovation et transformation numériques dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement de ma collègue Audrey Linkenheld vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits de l’apprentissage dans le secteur public local.
Il s’agit donc d’accroître les crédits de l’action n° 01 « Formation des fonctionnaires » du programme 148 « Fonction publique », en contrepartie de la baisse de 5 millions d’euros des crédits octroyés à France Compétences.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement, pour une raison simple : dans le cadre du PLF pour 2024, l’action n° 01 « Formation des fonctionnaires » du programme 148 « Fonction publique », comprend bien une dotation budgétaire de 15 millions d’euros au titre de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.
L’annexe budgétaire précise que ces crédits seront versés sous forme de subvention au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) : votre objectif est donc atteint.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Le sujet est d’importance : le financement de l’apprentissage dans la fonction publique, dans ses trois versants, est une priorité du Gouvernement.
Je rappelle, à cet égard, que ledit apprentissage n’existait pas voilà quelques années. Nous avons mené tous ensemble cette révolution et la fonction publique compte désormais plus de 30 000 apprentis, ce qui est une chance. Je veux en faire une voie de prérecrutement pour la fonction publique et l’inscrire dans nos politiques de recrutement et de ressources humaines.
L’engagement avait été pris de consacrer 15 millions d’euros aux lignes budgétaires de mon ministère pour accompagner et financer l’apprentissage dans les collectivités territoriales.
Nous en avons débattu avec les employeurs territoriaux, et une inquiétude était née quant à un éventuel retrait de l’État de ces dispositifs de financement. J’ai donc garanti ce financement pour l’exercice passé, lors du débat budgétaire. Je suis même allé plus loin en garantissant le maintien de ces 15 millions d’euros sur les trois années à venir, pour éviter tout effet de retrait de l’État dans la politique d’apprentissage à destination des collectivités territoriales.
Nous avons traduit cet engagement en signant récemment une convention triennale – pour lui conférer de la visibilité – avec le CNFPT, laquelle renouvelle l’engagement de ce dernier auprès des collectivités territoriales pour financer des apprentis dans la fonction publique territoriale. La précédente convention finançait 8 000 apprentis par an ; la convention que nous avons signée voilà quelques semaines prévoit que le CNFPT en financera 9 000 par an ; par ailleurs, j’y insiste, le ministère maintient les crédits de 15 millions d’euros par an.
Je conclurai en allant un cran plus loin : je n’en ai jamais fait mystère, je souhaite que l’on puisse titulariser de jeunes apprentis à la fin de leur contrat d’apprentissage. Pourquoi un maire qui a engagé depuis dix-huit mois un apprenti doit-il, à la fin de ce contrat, lui imposer de repasser par la case concours ? Comment expliquer cela ? Je ne le sais plus…
Un concours se prépare en un an ; la conséquence en est que l’on perd les apprentis à la fin, car ils partent vers le secteur privé. Je souhaite non pas que la fonction publique soit un centre de formation pour le privé, mais que l’on puisse titulariser les apprentis dans la fonction publique.
Tel sera l’objet de l’un des articles du projet de réforme de la fonction publique que j’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques mois.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, je vous donne acte de votre volontarisme. Je vous avais en effet interrogé sur ce sujet au travers d’une question écrite, à la suite d’un entretien que j’avais eu avec le président du CNFPT, François Deluga : il m’avait fait part de ses très grandes inquiétudes ; vous avez répondu de façon rassurante, et vous confirmez aujourd’hui cette réponse.
Notre amendement ne vise pas à considérer ce sujet comme acquis. Nous vous disons simplement qu’il y a 18 000 demandes potentielles de contrat d’apprentissage et que les crédits y afférents ne permettent de financer que 10 000 places.
L’amendement porté par Audrey Linkenheld et présenté par Isabelle Briquet tend à aller plus loin. Vous avez raison de dire, et nous partageons votre sentiment, que l’apprentissage est le meilleur moyen d’intégrer le monde du travail, et notamment la fonction publique. Or il y a un décalage entre les moyens offerts au secteur privé et ceux accordés au public.
Nous maintiendrons donc cet amendement pour aller encore plus loin, car j’ai senti que tel était votre vœu. J’espère que vous partagerez notre intention dans les semaines et les jours prochains.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Je l’ai dit précédemment, nous avons pris acte que le versement de ces 15 millions d’euros était garanti.
Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, la convention avec le CNFPT a été signée pour trois ans, sous réserve que les crédits soient bien inscrits dans les prochains projets de loi de finances ; nous verrons donc…
Voilà ce qu’il en est pour la participation de l’État. Mais vous conviendrez que la participation de France Compétences, quant à elle, chute : elle baisse de 5 millions d’euros chaque année ; dans trois ans, il n’y en aura plus.
Pour reprendre les propos du président Kanner, ce ne sont pas 9 000 ou 10 000 contrats d’apprentissage qu’il s’agirait de financer, mais bien 12 000, et même 18 000 en prévision.
Le CNFPT refuse actuellement les contrats puisqu’il puise partiellement dans ses ressources propres et qu’il ne peut aller au-delà d’un certain montant. Cela est à rebours de la politique volontariste que vous voulez mener.
Je présenterai, lundi prochain, des amendements tendant à pérenniser l’engagement de l’État et de France Compétences.
Pour résumer, nous avons pris acte de l’engagement pour cette année, mais nous sommes inquiets pour l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre. Ce débat est sans doute le plus important que nous aurons dans le cadre de l’examen de ces crédits.
Tout d’abord, madame le rapporteur pour avis, le CNFPT est doté de ressources propres afin de financer l’apprentissage.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Financées par les collectivités !
M. Stanislas Guerini, ministre. Je tiens à faire remarquer qu’il a augmenté son taux de cotisation de 0,1 % sur la masse salariale des collectivités territoriales, afin de disposer des moyens de financer l’apprentissage. En outre, avec l’augmentation de la masse salariale, ces moyens sont également en augmentation.
C’est le rôle du CNFPT et de la fonction publique territoriale de financer, aussi, les dispositifs qui existent en son sein. L’aide de l’État est donc un accompagnement et doit le rester ; je crois que nous pouvons partager cette philosophie.
Ensuite, vous avez raison, France Compétences participe à hauteur de 15 millions d’euros. Ce financement se réduira par la suite à 10 millions d’euros, puis à 5 millions d’euros. Il faut le dire de façon totalement transparente : ces crédits ont vocation à disparaître. Pour autant, France Compétences est financée par des entreprises privées, et non par des employeurs publics.
Enfin, je prends l’engagement devant la représentation nationale – et j’ai toujours tenu mes engagements – que les 15 millions d’euros dédiés, sur les lignes de mon ministère, au financement de l’apprentissage seront garantis dans le cadre de l’engagement triennal qui a été pris et des crédits que nous examinons : c’est tout le sens de la convention que nous avons signée. Je tenais à le dire de la façon la plus solennelle qui soit.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1198 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les objectifs et indicateurs de performance de la mission « Transformation et fonction publiques », figurant à l’état G.
ÉTAT G
1562 |
Transformation et fonction publiques |
1563 |
148 - Fonction publique |
1564 |
Développer et promouvoir l’adaptation des règles actuelles aux exigences d’une gestion modernisée des ressources humaines de la fonction publique |
1565 |
Nombre de corps de fonctionnaires relevant de l’État ou des établissements publics administratifs après des mesures de fusion ou de mise en extinction - ou par un alignement sur des dispositions statutaires communes |
1566 |
Égalité professionnelle |
1567 |
Le pourcentage d’écart global de rémunération entre les femmes et les hommes dans la FPE en équivalent temps plein |
1568 |
Optimiser la réponse aux besoins des agents en matière d’action sociale |
1569 |
Taux de satisfaction des bénéficiaires de certaines prestations d’action sociale |
1570 |
Optimiser le recrutement et la formation initiale des fonctionnaires |
1571 |
Dépenses consacrées au recrutement et à la formation initiale dans les IRA |
1572 |
Transformation de la fonction publique - Politique RH |
1573 |
Recrutement dans la fonction publique |
1574 |
Recrutement des apprentis |
1575 |
Taux de mobilité structurelle : changement d’employeur |
1576 |
348 - Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs |
1577 |
Assurer la transition énergétique dans le cadre de la PIE |
1578 |
Économie d’énergie attendue |
1579 |
Optimisation de la surface occupée |
1580 |
S’assurer de l’efficience des projets financés |
1581 |
Efficience énergétique - Coût du kwhep économisé |
1582 |
349 - Transformation publique |
1583 |
Assurer la transparence auprès des citoyens et usagers des résultats des services publics |
1584 |
Nombre annuel de visiteurs uniques du site internet et mobile services publics + |
1585 |
Développer un pilotage territorialisé et plus efficace de l’action publique par la donnée et en rendre compte au citoyen |
1586 |
Nombre annuel de visiteurs uniques sur le baromètre des résultats de l’action publique |
1587 |
Taux de complétude des éléments d’appréciation qualitative de la mise en œuvre des politiques prioritaires dans l’outil interne de pilotage territorialisé de l’État (PILOTE) |
1588 |
Proposer une offre de service de conseil interne à l’État adaptée aux besoins des administrations |
1589 |
Note d’appréciation des interventions mises en œuvre par les consultants internes de la DITP auprès des autres administrations |
1590 |
S’assurer d’un fonctionnement efficient du fonds pour la transformation de l’action publique |
1591 |
Efficience du fonds pour la transformation de l’action publique |
1592 |
S’assurer de l’efficacité des projets financés |
1593 |
Mise en œuvre des projets financés par le FTAP |
1594 |
Part des projets ayant un impact direct sur la qualité de service aux usagers ou sur la qualité de travail des agents |
1595 |
352 - Innovation et transformation numériques |
1596 |
Développer des méthodes de recrutement innovantes pour résoudre des défis publics |
1597 |
Nombre de nouveaux agents publics impliqués dans la diffusion de l’approche start-up d’État |
1598 |
Nombre de profils atypiques dédiés à l’innovation numérique recrutés dans l’administration à la suite de leur mission |
1599 |
Nombre de profils atypiques dédiés à l’innovation numérique sélectionnés dans l’année |
1600 |
Favoriser l’émergence de produits numériques utiles aux usagers et aux agents |
1601 |
Nombre de produits accompagnés par le FAST |
1602 |
Nombre de produits devenus des services public à impact national majeur au cours de l’année |
1603 |
Nombre de produits lancés par la DINUM selon l’approche Startup d’État |
Mme la présidente. L’amendement n° II-393, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1569
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Coût de gestion des prestataires extérieurs chargés de la gestion de certaines prestations d’action sociale
Coût moyen annuel de réservation d’une place en crèche
La parole est à Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement suivant.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° II-394, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Alinéa 1573
Rédiger ainsi cet alinéa :
Taux de candidatures reçues par rapport au nombre de consultations par fiche de poste
Vous avez la parole, madame le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. L’objectif des indicateurs est de permettre l’évaluation de l’action publique. Mais encore faut-il que ces indicateurs soient pertinents, précis et surtout opérationnels. Or tel ne me semble pas être tout à fait le cas pour au moins deux indicateurs relatifs à la présente mission.
L’amendement n° II-393 concerne les deux indicateurs de performance relatifs à l’action sociale interministérielle qui figuraient dans le programme annuel de performance du projet de loi de finances pour 2021 et qui ont été remplacés, depuis le PLF pour 2022, par un indicateur de performance unique : le taux de satisfaction des bénéficiaires de certaines prestations d’action sociale.
Cet indicateur ne permet pas de connaître le coût de gestion des prestations d’action sociale, dont la maîtrise demeure tout de même un enjeu important, et ne porte que sur le chèque emploi service universel (Cesu) pour la garde des enfants de moins de 6 ans. Il est difficile d’en tirer des enseignements, dans la mesure où il atteint depuis sa création un taux très élevé de satisfaction : les marges de progression sont très faibles.
Cet amendement vise donc à remplacer cet indicateur par les deux indicateurs qui étaient posés auparavant : le coût de gestion des prestataires extérieurs chargés de la gestion de certaines prestations d’action sociale et le coût moyen annuel de réservation d’une place en crèche.
L’amendement n° II-394 vise à préciser l’indicateur « recrutement dans la fonction publique », qui a été introduit dans le projet de loi de finances pour 2024.
Ce nouvel indicateur, particulièrement imprécis, semble peu opérationnel. En outre, le sous-indicateur qui vise le « nombre moyen de candidats ayant consulté une fiche de poste publiée sur Choisir le service public » paraît peu révélateur. D’une part, la consultation d’une fiche n’est pas en tant que telle signe de l’attractivité d’un poste. D’autre part, la cible, fixée à vingt candidats pour les trois prochaines années, semble peu ambitieuse.
Je vous propose de le remplacer par un indicateur visant à mesurer le taux du nombre de candidatures reçues pour une fiche de poste publiée par rapport au nombre de consultations de cette même fiche. Ainsi, il sera possible de savoir dans quelle mesure la consultation d’une fiche se traduit effectivement par le dépôt d’une candidature, ce qui contribuera à évaluer l’attractivité du poste et, plus généralement, l’attractivité de la fonction publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Dans la mesure où ces amendements visent à améliorer l’information du Parlement, l’avis ne peut être que favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stanislas Guerini, ministre. Pour ce qui concerne l’amendement n° II-393, je considère qu’il convient de mesurer la satisfaction, et donc la finalité des dispositifs d’action sociale, plutôt que le coût moyen de gestion.
Ces indicateurs avaient effectivement une pertinence à une époque où l’on souhaitait optimiser, année après année, le coût de gestion. Pour ce qui est des places de crèche, on a atteint un coût plancher, et il aurait donc été moins pertinent de les suivre.
Sur cet amendement, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat : la représentation nationale doit choisir de façon souveraine les indicateurs qu’elle souhaite retenir.
Sur l’amendement n° II-394, relatif au suivi de l’attractivité des fiches de poste, l’avis est plutôt défavorable, car il faut garantir une certaine effectivité. Or, je le dis en toute transparence, je ne suis pas certain que l’on soit capable d’assurer la traçabilité jusqu’à la candidature pour chacune des fiches de poste.
Le site internet Choisir le service public, que nous avons relancé en mai dernier, fait montre d’une grande attractivité, avec plus de 3 millions de visites et plus de 500 000 candidatures déposées. Je profite de cette occasion pour dire que le déficit d’attractivité de la fonction publique n’est pas une fatalité.
On est capable de suivre, d’un point de vue informatique, le nombre de marques d’intérêt et de consultations attachées à chacune des fiches. Ensuite, lorsque l’on va au terme de la procédure en répondant à une offre, on constate que différentes voies sont possibles pour postuler : en passant par le site Choisir le service public ; directement auprès des collectivités territoriales ; par courrier. Il serait donc difficile d’indiquer, pour chacune des fiches, le nombre réel de candidatures ; cela supposerait de recroiser les canaux, qu’il s’agisse de courriers ou de candidatures numériques.
L’indicateur que vous proposez risque de ne pas être d’une parfaite effectivité, et nous ne serions pas prêts à le mettre en place.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-394.
(L’amendement est adopté.)
compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion du patrimoine immobilier de l’État |
340 000 000 |
340 000 000 |
Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État |
0 |
0 |
Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État |
340 000 000 |
340 000 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
gestion des finances publiques
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion des finances publiques |
10 811 377 220 |
10 899 839 683 |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
8 080 622 306 |
8 138 123 940 |
Dont titre 2 |
6 903 431 646 |
6 903 431 646 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
991 367 039 |
1 054 761 167 |
Dont titre 2 |
529 654 750 |
529 654 750 |
Facilitation et sécurisation des échanges |
1 739 387 875 |
1 706 954 576 |
Dont titre 2 |
1 329 379 114 |
1 329 379 114 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-21, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits de programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
|
150 000 000 |
|
150 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
|
|
|
|
Facilitation et sécurisation des échanges |
|
|
|
|
TOTAL |
|
150 000 000 |
|
150 000 000 |
SOLDE |
- 150 000 000 |
- 150 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de nos convictions, mais aussi des vôtres, messieurs les ministres.
Vous avez en effet annoncé votre volonté de stabiliser les effectifs de la fonction publique de l’État et de ses opérateurs. Et comme vous en prévoyez plus, nous voulons vous aider à en avoir moins, pour tenir cette trajectoire… (Sourires.)
Cette proposition, sur l’initiative des sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires, prévoit une trajectoire de diminution de 2,5 % des effectifs des opérateurs de l’État. Rejoignant les travaux menés dans le cadre du programme Action Publique 2022, elle est donc largement partagée sous l’autorité du Gouvernement.
Il s’agit non pas de prévoir un coup de rabot, dont on a vu les dégâts qu’il pouvait provoquer, mais de travailler finement sur la qualité de l’accès aux services publics et de la réponse qu’ils apportent.
L’empilage des structures, y compris celles de l’État et de ses opérateurs, crée malheureusement de la redondance. Il convient de chercher à instaurer de la cohérence et de la fluidité. Prenons l’exemple des maisons France Services : l’État, qui fournit une part de financement, demande aux collectivités d’agir pour le compte de l’État, ce qu’elles font de manière plus efficace et plus fluide. C’est la ligne que nous vous proposons de suivre avec cet amendement logique et de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous nous retrouvons sur la nécessité de faire des économies, un objectif que nous partageons. Pour autant, j’étais un peu hésitant sur l’avis que j’allais émettre sur cet amendement.
M. Roger Karoutchi. Favorable…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous l’avez dit, nous avons fait des choix, notamment en décidant d’augmenter le nombre de magistrats et de militaires ; il convient donc de faire des économies ailleurs.
Le problème avec cet amendement – vous l’avez un peu confessé dans votre exposé des motifs, monsieur le rapporteur général –, c’est que vous dites vouloir éviter le coup de rabot… Or c’est pourtant de cela qu’il s’agit ! (M. le rapporteur général de la commission des finances le conteste.)
Vous prévoyez de supprimer 10 000 ETP sur les opérateurs, mais sans dire où !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est formidable…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Si cet amendement était adopté, le Gouvernement devrait, en urgence, désigner les opérateurs qui participeraient à cet effort. Le résultat serait donc bien un coup de rabot.
Si nous partageons votre objectif, la méthode proposée, en revanche, n’est pas la bonne.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Courage et volonté…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce coup de rabot quelque peu brutal, je sais que vous ne le souhaitez pas.
Je vous propose, monsieur le rapporteur général, que nous travaillions sur vos propositions, opérateur par opérateur,…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme pour le bouclier électricité !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … là où vous identifierez que des économies peuvent être faites.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. La droite tient au respect des traditions. Et s’il en est une qu’elle n’abandonnerait pour rien au monde, c’est bien celle qui la conduit à accuser la fonction publique d’être budgétivore. Avec sa proposition de sabrer 10 000 postes dans la fonction publique, le rapporteur général ne fait pas exception à la règle. Nous y serons farouchement opposés !
En France, un peu plus d’un employé sur cinq – 21 % précisément – travaille dans la fonction publique. Si ce chiffre est supérieur à la moyenne des pays européens de l’OCDE, qui se situe à 19 %, notre pays est loin d’être celui qui compte le plus d’agents publics en proportion de l’emploi total. En Norvège, près d’un salarié sur trois, soit 31 %, est employé dans le secteur public. Le ratio est de plus d’un salarié sur quatre en Suède, soit 29 %, et au Danemark de 28 %.
Plutôt que de réduire aveuglément le nombre de fonctionnaires, le débat devrait se concentrer sur l’amélioration de l’action publique, les modes de recrutement, la rémunération et la gestion des carrières du secteur public.
Se focaliser ainsi sur les chiffres sans mettre en face les missions d’intérêt général que l’on assigne aux fonctionnaires appauvrit le débat. Surtout, je note que vous ne précisez pas quels secteurs seront affectés par ces suppressions de postes.
Le coût politique du discours selon lequel il faudrait moins de professeurs, de juges ou de policiers serait beaucoup trop élevé aujourd’hui. Affirmer « moins de fonctionnaires, c’est mieux » est non seulement réducteur, mais dangereux. Il s’agit non pas de quantité, mais d’efficacité et d’adéquation aux besoins réels de la société.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. On nous parle d’un amendement logique et de bon sens. Or il s’agit tout de même de supprimer 10 000 équivalents temps plein ! Mais je suis désolé de rompre la belle harmonie entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle…
Le rapporteur général nous explique que cette diminution se justifierait par l’existence de nombreux doublons dans les missions assumées par les opérateurs de l’État et d’autres entités, en particulier les collectivités territoriales…
Je rappelle que les opérateurs qui mobilisent les subventions pour charges de service public les plus importantes dans le PLF pour l’an prochain sont : les universités pour 12,3 milliards d’euros, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour 3 milliards, France Compétences pour 2,5 milliards, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour 1,4 milliard, et enfin France Travail pour 1,3 milliard d’euros.
Les emplois pour lesquels il y aurait des doublons ne sont pas attribués à des agences : 47,64 % de l’emploi des opérateurs sont concentrés, dans ce projet de budget, sur les universités et France Travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. L’échange entre la droite et le Gouvernement était intéressant. Il y a l’idéologie, et puis le réel !
Le réel, c’est quand on se cogne, et que l’on doit faire des choix. En l’occurrence, on ne voit pas les choix.
Le rapporteur général nous dit qu’il ne veut pas d’une logique du coup de rabot ; puis, à la phase suivante, il préconise la diminution de 2,5 % des emplois des opérateurs, ce qui représente 10 000 ETP. Et débrouillez-vous !
Je vois bien la logique de rabot… Mais ne pas dire où l’on compte diminuer les effectifs, c’est assez lâche ; il faudrait adopter une posture un peu plus concrète.
Si vous voulez que l’on vote votre amendement, dites-nous quels agents publics vous voulez supprimer. Vous parlez de doublons, sans même dire lesquels… Assumez vos positions politiques !
Le coup de rabot pur et dur qui est ici proposé vise encore une fois les agents publics, qui sont toujours présentés comme un poids pour nos finances publiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je vous entends parler de sabrer 10 000 postes, de coup de rabot, de réduction aveugle d’effectifs… Ce n’est pas du tout ça !
M. Thomas Dossus. Si !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Qui a utilisé le rabot sans ménagement, de manière aveugle ? Sous la présidence de François Hollande, mes chers collègues qui siégez en face de moi dans cet hémicycle, vous avez fait beaucoup de mal !
M. Franck Montaugé. Sarkozy aussi !
Mme Isabelle Briquet. Et la RGPP ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite rappeler à chacun son histoire, sans vouloir être plus malin que les autres…
M. Christian Redon-Sarrazy. Il faut remonter bien avant !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. On peut aussi remonter jusqu’au XIXe siècle, ce n’est pas le sujet…
Malgré des augmentations d’effectifs et de budget de 2019 à 2021, les résultats de Pôle emploi ont été moins bons.
Je cherche non à provoquer, mais à être constant : j’ai, par exemple, défendu au nom de la commission des finances un amendement visant à réduire de 100 millions d’euros les crédits accordés au CNRS en 2024, sa trésorerie disponible de 170 millions d’euros pouvant absorber ce prélèvement. J’ai entendu les cris d’orfraie et retiré mon amendement, mais puisque nous devrons de toute façon faire des efforts, d’une manière ou d’une autre, autant les faire dès maintenant.
Messieurs les ministres, nous vous proposons des pistes dans de nombreux domaines. Christine Lavarde et moi-même avons fait des propositions très précises sur le bouclier électricité, que vous avez balayées d’un revers de main au moyen d’arguments fallacieux.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Remettons-nous au travail pour retrouver de la souplesse et de l’efficacité. Sur une année pleine, l’adoption de cet amendement permettrait une économie de 300 millions d’euros. Ce n’est pas l’épaisseur du trait !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Les questions de mes collègues ont au moins incité le rapporteur général à nous donner un exemple des économies qu’il espère. Mais le dispositif qu’il propose au travers de cet amendement est d’une autre ampleur !
Monsieur le rapporteur général, je vous le précise d’emblée, le groupe communiste n’est pas favorable à une baisse du budget du CNRS.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela a été tranché, il n’y a pas de problème !
M. Pascal Savoldelli. Dont acte.
Lors de la présentation de votre amendement, ce que vous avez dit des maisons France Services était extrêmement intéressant. Vous les avez présentées comme l’alpha et l’oméga de votre démarche de coup de rabot, via cette baisse de 2,5 % des effectifs des opérateurs de l’État.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Pascal Savoldelli. Si, vous avez bien mentionné les maisons France Services !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais de manière positive !
M. Pascal Savoldelli. Je me suis demandé ce que vous cherchiez à nous dire, et j’en ai déduit qu’il faudrait, selon vous, baisser le nombre de fonctionnaires d’État et d’opérateurs publics présents dans les maisons France Services.
Il faudra donc un peu moins d’emplois à la DGFiP, à la Cnav, à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), à la Mutualité sociale agricole (MSA), à l’Agirc-Arrco, etc.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas ce que le rapporteur général a dit !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Détournement de l’attention !
M. Pascal Savoldelli. Notre débat doit être transparent et courageux politiquement. Si vous souhaitez une baisse des effectifs des opérateurs de l’État de 2,5 %, vous devez annoncer quels emplois vous entendez supprimer. Cela serait plus honnête, plus sincère que de seulement mentionner un volume général.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1184, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier les crédits du programme :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisation d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
|
56 259 598 |
|
56 259 598 |
Facilitation et sécurisation des échanges |
56 259 598 |
|
56 259 598 |
|
TOTAL |
56 259 598 |
56 259 598 |
56 259 598 |
56 259 598 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Je vais avoir la double lame : après l’amendement visant à réduire les effectifs qui vient d’être voté, je vous présente un amendement d’appel tendant à les renforcer. J’imagine le résultat sur les travées opposées… (Sourires.)
C’est une question de cohérence. Monsieur le ministre, nous avions eu ce débat avec votre prédécesseur lors de l’examen de la loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. C’est indéniable, cette loi a renforcé les moyens juridiques et législatifs des douanes ; mais elle n’est pas au rendez-vous des besoins en moyens humains.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Je ne sais pas s’il faut recruter exactement 1 000 douaniers. Il faut en tout cas leur donner plus de moyens. Si l’on veut se concentrer sur le recouvrement des impositions, parfois complexe, il faut tout de même des contrôles sur le terrain.
Les douaniers doivent pouvoir contrôler l’ensemble des marchandises, en disposant évidemment des moyens les plus modernes. Les contrôles supposent parfois un travail minutieux d’enquête, mais ils peuvent aussi être aléatoires. C’est à ces conditions que les douaniers peuvent faire leur travail.
Même si je conteste souvent les comparaisons avec l’Allemagne, je tiens à rappeler un chiffre qui m’étonne : malgré les différences géographiques liées à la superficie et à l’espace maritime, je ne comprends toujours pas pourquoi la France compte 31 000 agents de douanes de moins que l’Allemagne. Je ne cherche pas la polémique, mais je trouve cela anormal.
En France, huit départements ne comptent même aucun douanier. Depuis 1997, l’implantation territoriale a disparu, alors que 10,69 % des arrondissements n’étaient pas couverts.
Au regard de l’importance de leur travail et du fait qu’ils ont rapporté l’an dernier quelque 350 millions d’euros en redressements, nous pourrions créer davantage de postes de douaniers. Si l’on compte les transferts successifs de prérogatives fiscales de la douane vers la DGFiP, les douaniers nous ont ramené 59 milliards d’euros !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Grâce au soutien du Sénat !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Vous souhaitez majorer de plus de 56 millions d’euros les crédits alloués à la douane, afin de recruter 1 000 douaniers supplémentaires. La commission est défavorable à cet amendement pour trois raisons.
Premièrement, si les effectifs douaniers ont été stabilisés ces dernières années, certains postes bien précis ont été consolidés, notamment pour renforcer la surveillance aux frontières à la suite du Brexit. Nous préférons des ajustements sur des missions précises plutôt qu’une augmentation généralisée des effectifs.
Il serait par ailleurs difficile de recruter et de former 1 000 douaniers en un an. De plus, à chacune de ses auditions, la direction générale des douanes et droits indirects nous a demandé davantage de moyens matériels, et non humains.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Deuxièmement, il convient de tenir compte du recentrement de la douane sur ses missions stratégiques. La majeure partie de ses missions fiscales est en cours de transfert auprès de la DGFiP, ce qui a un effet sur le redéploiement des effectifs – ceux qui viennent de régions vinicoles le savent.
Enfin, troisièmement, la comparaison avec d’autres pays européens, et notamment avec l’Allemagne, est impossible sans tenir compte du fait que les missions des douanes sont bien différentes d’un pays à l’autre. Les douaniers allemands sont, par exemple, tous officiers de police judiciaire, ce qui leur confère des pouvoirs d’enquête en matière de trafic de stupéfiants. Ce n’est pas le cas en France. De même, 10 000 à 15 000 agents des douanes allemandes sont chargés de lutter contre le travail illégal, cette responsabilité incombant en France aux Urssaf et à l’inspection du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souscris aux arguments avancés par M. le rapporteur spécial : comparer les effectifs de la douane française et de la douane allemande alors que leurs missions sont différentes n’a pas beaucoup de sens.
Par ailleurs, comme vous l’avez indiqué lors de la présentation de votre amendement, monsieur le sénateur, l’efficacité de la douane tient surtout aux moyens confiés à ses agents pour remplir leurs missions.
La loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces et le présent projet de loi de finances renforcent considérablement les capacités d’investigation des services douaniers, en leur offrant de nouvelles prérogatives pour mener des enquêtes sur les réseaux sociaux et en améliorant les équipements – l’ensemble de nos ports, par exemple, vont être équipés de scanners mobiles pour inspecter plus rapidement les containers.
Nous avons stabilisé, voire légèrement augmenté les effectifs, plus de quarante-cinq ETP venant renforcer les équipes existantes. Toutefois, la priorité du Gouvernement est de donner aux douaniers d’autres moyens d’investigation pour les aider à mieux lutter contre les trafics, car telle est leur responsabilité et leur mission principale.
Enfin, plusieurs missions de la douane ont été transférées à la DGFiP, notamment pour ce qui concerne le recouvrement d’un certain nombre d’impôts.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1185, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier les crédits du programme :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisation d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
37 168 920 |
|
37 168 920 |
|
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
|
40 142 433 |
|
40 142 433 |
Facilitation et sécurisation des échanges |
2 973 513 |
|
2 973 513 |
|
TOTAL |
40 142 433 |
40 142 433 |
40 142 433 |
40 142 433 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
crédits non répartis
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Crédits non répartis |
810 526 298 |
510 526 298 |
Provision relative aux rémunérations publiques |
285 526 298 |
285 526 298 |
Dont titre 2 |
285 526 298 |
285 526 298 |
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
525 000 000 |
225 000 000 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-2 rectifié, présenté par M. Nougein, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Provision relative aux rémunérations publiques |
|
220 000 000 |
|
220 000 000 |
dont titre 2 |
220 000 000 |
200 000 000 |
||
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
|
|
|
|
TOTAL |
|
220 000 000 |
|
220 000 000 |
SOLDE |
–220 000 000 |
–220 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à porter à trois jours le délai de carence dans la fonction publique d’État.
L’article 115 de la loi de finances pour 2018 a réinstauré un jour de carence dans la fonction publique. L’évaluation préalable de cet article estimait alors l’économie supplémentaire liée à la réinstauration d’un jour de carence à 108 millions d’euros, et à 216 millions d’euros en cas d’extension du délai de carence à trois jours.
Compte tenu du dynamisme des effectifs de la fonction publique d’État depuis 2018, cette économie est désormais estimée à 220 millions d’euros pour l’année 2024.
Par convention, cette économie est imputée sur le programme 551, « Provision relative aux rémunérations publiques », de la mission « Crédits non répartis », à hauteur de 220 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Toutefois, il ne s’agit pas de remettre en cause les mesures financées par la provision relative aux rémunérations publiques en 2024. L’économie réalisée grâce aux dispositions de cet amendement a en effet vocation à être répartie dans l’ensemble des missions du budget de l’État.
Je rappelle que cet amendement a déjà été adopté par le Sénat lors du PLF pour 2020 et d’autres millésimes antérieurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le rapporteur spécial, il est difficile de strictement comparer les délais de carence dans le secteur public et dans le secteur privé. Les complémentaires du privé, par exemple, couvrent parfois le délai.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Pas pour tous les salariés !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les agents publics, eux, ont un véritable jour de carence, instauré en 2018, qui s’applique strictement.
L’introduction de ce jour de carence s’est révélée très efficace puisqu’elle a entraîné une baisse de plus de 40 % du nombre d’arrêts d’une journée dans la fonction publique.
Pour continuer à travailler sur l’absentéisme et les arrêts de travail de courte durée, je crois aux actions menées avec beaucoup d’énergie et de détermination par le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur la prévention ou l’organisation du travail.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement incarne l’exemple type de la fausse bonne idée. Vous proposez une mesure simpliste pour régler le problème complexe de l’absentéisme dans la fonction publique d’État, que vous prétendez vouloir combattre.
Si l’on revient aux données objectives, et par exemple aux études de l’Insee, on constate que, sur une semaine donnée, l’introduction du jour de carence n’a pas modifié la proportion d’agents absents pour raison de santé.
En revanche, ce qui a changé pour les fonctionnaires, c’est la durée des arrêts : il y a moins d’absences courtes et davantage d’arrêts longs.
Selon l’Insee, ce jour de carence imposé n’a pas eu d’effet sur le nombre d’absences d’une journée. En revanche, le nombre d’arrêts de courte durée, c’est-à-dire de deux à trois jours, a baissé de plus de 50 %. Dans le même temps, le nombre des absences allant d’une semaine à trois mois a augmenté de quelque 25 %.
Nous voilà donc devant un amendement motivé par l’idéologie. Vous prétendez vouloir assainir les comptes publics, mais vous finissez par les aggraver : ce que vous économiserez sur l’absentéisme de courte durée, vous le perdrez doublement avec l’augmentation des absences de longue durée.
Pour ces raisons, nous voterons résolument contre cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-3, présenté par M. Nougein, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Provision relative aux rémunérations publiques dont titre 2 |
|
|
|
|
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
|
101 000 000 |
|
101 000 000 |
TOTAL |
|
101 000 000 |
|
101 000 000 |
SOLDE |
–101 000 000 |
–101 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Le programme 552, « Dépenses accidentelles et imprévisibles », est doté de 525 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 225 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2024.
Dans un objectif de sincérisation budgétaire, il nous semble toutefois nécessaire de minorer les crédits de ce programme, au regard de leur faible consommation au cours des exercices précédents : l’année 2021 n’a fait l’objet d’aucune mesure d’exécution et l’année 2022 n’a été marquée que par la répartition de 18 millions d’euros de crédits ; en ce qui concerne l’année 2023, seuls 20 millions d’euros de crédits ont été consommés à ce jour, soit 2 % des crédits ouverts.
Par ailleurs, les montants demandés en 2024 demeurent sensiblement supérieurs aux montants conventionnels de 424 millions d’euros en autorisations d’engagement et 124 millions en crédits de paiement.
Aussi, au regard de la faible consommation des crédits ces dernières années, les crédits restants sur ce programme après le retrait de 101 millions d’euros demeureraient largement suffisants pour couvrir les aléas éventuels pouvant affecter la gestion budgétaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement utilise les crédits de ce programme pour faire face aux imprévus.
Ces sommes ont d’ailleurs beaucoup baissé. Pour rappel, dans la loi de finances pour 2023, ce programme était doté de plus de 1 milliard d’euros. Dans ce projet de loi de finances pour 2024, ces fonds sont de 525 millions d’euros. Ils ont donc été divisés par deux, parce que nous pensons devoir faire face à moins d’incertitude.
Toutefois, il reste très important pour le Gouvernement de disposer de cette souplesse en cas de difficulté. D’ailleurs, quand cette somme n’est pas utilisée, ces crédits sont simplement annulés.
Il me semble plus prudent de conserver cette somme tout en confirmant cette tendance à la baisse des crédits de ce programme, que nous avons amorcée.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous gardez des réserves pour l’an prochain !
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
régimes sociaux et de retraite
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Régimes sociaux et de retraite |
6 228 688 445 |
6 228 688 445 |
Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres |
4 365 695 818 |
4 365 695 818 |
Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins |
787 337 160 |
787 337 160 |
Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers |
1 075 655 467 |
1 075 655 467 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : pensions
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pensions |
67 583 738 257 |
67 583 738 257 |
Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité |
64 234 342 692 |
64 234 342 692 |
Dont titre 2 |
64 231 092 692 |
64 231 092 692 |
Ouvriers des établissements industriels de l’État |
2 052 182 942 |
2 052 182 942 |
Dont titre 2 |
2 045 324 902 |
2 045 324 902 |
Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions |
1 297 212 623 |
1 297 212 623 |
Dont titre 2 |
16 000 000 |
16 000 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
Pensions
Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 55 ter et 55 quater, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 55 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
Article 55 ter (nouveau)
L’article L. 14 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le 4° est ainsi modifié :
a) Après le mot : « Pour », sont insérés les mots : « le fonctionnaire occupant un emploi classé en catégorie active et radié des cadres par limite d’âge ou pour » ;
b) Après le mot : « leur », sont insérés les mots : « emploi ou de leur » ;
2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Par dérogation au 3° du présent article, pour les fonctionnaires mentionnés à l’article L. 556-10 du code général de la fonction publique, à cinquante-neuf ans. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 55 ter.
(L’article 55 ter est adopté.)
Article 55 quater (nouveau)
Au deuxième alinéa de l’article 126 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989), après le mot : « exerçant », sont insérés les mots : « ou ayant exercé ». – (Adopté.)
Après l’article 55 quater
Mme la présidente. L’amendement n° II-1212, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 55 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.– L’article L. 89 bis du code des pensions civiles et militaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux fonctionnaires qui bénéficient d’un avantage de préretraite prévu par des dispositions réglementaires, par des stipulations conventionnelles ou par une décision unilatérale de l’employeur. »
II.– Les dispositions du I sont applicables aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ainsi qu’aux ouvriers de l’État.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les fonctionnaires de La Poste et d’Orange peuvent accéder à des dispositifs de préretraite. En l’état actuel du droit, ils peuvent cumuler le dispositif de préretraite de leur employeur et le dispositif de retraite progressive de la fonction publique.
Cet amendement vise à mettre fin à cette possibilité de cumul.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Certaines entreprises comme Orange et La Poste ont mis en place des dispositifs de préretraite d’entreprise, parfois appelés « préretraite maison », qui ont pour objectif d’aménager la réduction ou la cessation d’activité des salariés en fin de carrière.
Orange, en particulier, a mis en place un système de préretraite d’entreprise appelé « temps partiel senior », qui permet à ses employés de réduire leur temps de travail tout en conservant une partie de leur rémunération. Selon les estimations publiées dans la presse, ce dispositif concernerait 7 600 employés, soit près de 10 % des effectifs.
La réforme des retraites de 2023 a mis en place un régime général de retraite progressive dont les fonctionnaires peuvent bénéficier à moins de deux ans de leur âge de départ. L’adoption de cet amendement permettrait d’inscrire expressément dans la loi le non-cumul de ce dispositif avec une préretraite d’entreprise.
Rien ne justifie que la réduction d’activité soit compensée deux fois pour les fonctionnaires concernés. Cette interdiction de cumul est cohérente avec l’exclusion du dispositif de retraite progressive du régime général des salariés bénéficiant d’une préretraite d’entreprise prévu par l’article 96 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui précise utilement que le dispositif de retraite progressive des fonctionnaires est exclusif d’une préretraite d’entreprise.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55 quater.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Régimes sociaux et de retraite », ainsi que des comptes d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et « Pensions ».
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt et une.)
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances pour la mission « Culture » s’élève cette année à plus de 3,8 milliards d’euros en crédits de paiement, mais atteint 4,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une forte progression par rapport à l’année dernière.
Je commencerai par les bonnes nouvelles budgétaires, en rappelant le contexte : madame la ministre, le public revient, tant dans les musées que dans les établissements de diffusion des spectacles vivants. Il revient d’ailleurs plus vite que cela n’avait été anticipé, la fréquentation retrouvant désormais son niveau d’avant la crise sanitaire.
Cela étant, l’année 2023 a également marqué la fin des crédits exceptionnels, dont l’intégralité des opérateurs avait bénéficié depuis 2020, parfois de manière très significative. Ainsi, 230 millions d’euros avaient été accordés dans le cadre du plan de relance au secteur du spectacle vivant.
La fin de ces crédits exceptionnels ne signifie pas pour autant celle des inquiétudes pour l’ensemble de ce secteur, confronté à un effet budgétaire de ciseaux entre la reprise de l’activité et la progression du coût des dépenses contraintes, notamment en matière d’énergie.
Une part non négligeable des nouveaux moyens accordés en 2024 vise à compenser une partie de la hausse de ces dépenses. Ainsi, 41 millions d’euros sont prévus pour les opérateurs du patrimoine, particulièrement affectés par le renchérissement des matériaux de construction, qui touche l’ensemble des chantiers.
En ce qui concerne le programme 131 « Création », la compensation s’élève à 5 millions d’euros. Elle ne sera que partielle et les surcoûts pourraient induire une réduction des marges artistiques, les établissements étant amenés à revoir leur programmation afin de diminuer les coûts de production des spectacles. Une interrogation demeure par ailleurs quant aux incidences des jeux Olympiques et Paralympiques, qui devraient contraindre certains lieux à fermer et certains festivals à être décalés.
Au-delà de ces questions, les crédits du programme 131 sont stabilisés après la hausse enregistrée l’année dernière. Je note cependant l’abandon par le ministère de son projet de création de la Cité du théâtre. Cette décision nous semble certes raisonnable, en raison de l’importance probable du dérapage budgétaire, mais il est regrettable d’avoir attendu si longtemps pour la prendre, soit six années depuis l’annonce du chantier.
Venons-en désormais au programme 175 « Patrimoines », qui devrait être doté de 1,4 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement.
La très forte hausse des autorisations d’engagement enregistrée en 2024 découle presque entièrement des montants prévisionnels totaux de la restauration du centre Pompidou, qui ne devrait s’achever qu’en 2030 ainsi que de l’extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine.
Concernant Beaubourg, les travaux nécessaires priveront a priori le musée de ressources propres pendant les quatre ans de fermeture complète. Si le montant du projet est actuellement estimé à 262 millions d’euros, il est à craindre que l’inflation n’entraîne une augmentation de la facture.
Ce financement est complété par des soutiens extérieurs au budget de l’État, notamment par la mobilisation de nos concitoyens. Les dons pour Notre-Dame-de-Paris, à hauteur de 849 millions d’euros, devraient dépasser le coût des travaux si l’on n’intègre pas les travaux extérieurs. Ce montant devrait également excéder les dépenses fiscales rattachées à la mission, qui devraient être très dynamiques en 2023.
Aux ressources de cette mission s’ajoutent également certains crédits des missions « Plan de relance » et « Investir pour la France de 2030 », qui ont par exemple financé la quasi-totalité des travaux de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, qui vient d’être inaugurée. Le coût du chantier, initialement évalué à 185 millions d’euros, a finalement été de 209 millions d’euros. Sa réalisation a été permise grâce aux crédits du plan de relance.
Au vu des efforts consentis dans ce budget, notamment en faveur du patrimoine, et tout en gardant à l’esprit certains points d’alerte, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en complément des propos de mon collègue rapporteur spécial, je me concentrerai sur les programmes 224 et 361, qui comprennent les crédits liés à l’éducation artistique et culturelle, à l’enseignement supérieur culturel et aux moyens de fonctionnement du ministère de la culture.
Ce projet de loi de finances prévoit de majorer la dotation du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de près de 4 % en autorisations d’engagement et de 3,6 % en crédits de paiement par rapport à 2023 ; ces crédits devraient ainsi atteindre environ 830 millions d’euros.
Sur ce montant, les sommes allouées aux établissements d’enseignement supérieur culturel et à l’insertion professionnelle devraient progresser de 23 millions d’euros en crédits de paiement, afin de répondre à différents objectifs.
Tout d’abord, ils visent à compenser les dépenses engendrées par la hausse du point d’indice pour les établissements de l’enseignement supérieur culturel, ainsi que les hausses de coûts liés à l’inflation, affectant le fonctionnement et l’investissement desdits établissements.
De plus, un effort spécifique est fait pour renforcer les moyens des écoles d’architecture – j’y reviendrai.
Enfin, une part de ces crédits supplémentaires est dirigée vers l’augmentation de la dotation d’investissement des écoles de la création.
En entrant davantage dans le détail des nouveaux moyens accordés cette année, on s’aperçoit qu’une attention particulière a été portée aux écoles nationales supérieures d’architecture.
L’année 2023 a en effet été marquée par plusieurs mouvements sociaux dans ces écoles, faisant remonter le malaise des personnels et des étudiants quant au mode de gouvernance et au manque de moyens.
Pour cette raison, leur budget a été largement renforcé pour 2024, ce dont nous pouvons nous féliciter. La contribution du ministère en faveur de ces écoles devrait atteindre 218 millions d’euros en crédits de paiement. Leur plafond d’emplois devrait en outre être relevé de trente équivalents temps plein.
Venons-en maintenant au pass Culture. Cet outil, déployé dans toute la France depuis mai 2021, a été étendu en 2022 aux jeunes de 15 ans et plus ainsi qu’aux élèves à partir de la classe de quatrième, avant d’être, depuis 2023 ouvert aux jeunes de classes de sixième et de cinquième.
En 2024, 210,5 millions d’euros sont prévus pour le financement du pass Culture. Je constate donc une certaine stabilité des moyens par rapport à l’année précédente. Il faut toutefois noter que les crédits accordés par le ministère de l’éducation nationale pour le financement du volet collectif du pass Culture sont quant à eux en hausse. Ce dispositif est aujourd’hui le deuxième opérateur du ministère de la culture, juste derrière la Bibliothèque nationale de France.
Avec mon collègue Vincent Éblé, nous avons consacré au pass Culture un travail de contrôle budgétaire et présenté à la commission des finances un rapport au printemps dernier.
Sans m’appesantir sur le sujet, je me félicite que le ministère de la culture mette en place certaines de nos recommandations pour renforcer l’évaluation de l’utilisation du pass Culture ou, à moyen terme, pour transformer la société par actions simplifiée (SAS) assurant la gestion et le déploiement du pass Culture en opérateur de l’État.
Au-delà du pass Culture, les crédits affectés à l’éducation artistique et culturelle sont stables et s’élèvent à 180 millions d’euros. Contrairement aux craintes parfois formulées, le déploiement du pass Culture ne semble pas avoir entraîné de diminution des moyens de l’éducation artistique et culturelle (EAC). Cet outil a donc vocation non à se substituer aux dispositifs existants, mais plutôt à les renforcer, en ciblant des publics parfois différents.
J’en viens maintenant au programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », qui devrait être doté de plus de 810 millions d’euros en 2024. Ce programme regroupe l’ensemble des dépenses de personnel des agents directement rémunérés par le ministère de la culture. Comme lors de l’exercice précédent, la masse salariale devrait croître en 2024 et atteindre 539 millions d’euros. Cela représente une hausse de 4,9 %, soit 26 millions d’euros, par rapport à 2023.
Une partie importante de cette augmentation découle de mesures générales : les hausses successives du point d’indice en 2022 et en 2023, l’octroi de cinq points d’indice supplémentaires à l’ensemble des agents au 1er janvier 2024, la revalorisation des jours de congé du compte épargne-temps et, enfin, la prise en charge à 75 % des frais de transport. L’ensemble de ces mesures représente un montant global de 6,2 millions d’euros. Ces évolutions sont bienvenues ; elles démontrent la prise en compte des difficultés des agents dans le contexte de forte inflation que nous connaissons.
À cela s’ajoutent des mesures catégorielles nouvelles, pour un montant de 5,5 millions d’euros, destinées à revaloriser la rémunération des agents contractuels ainsi que le régime indemnitaire des enseignants-chercheurs des écoles nationales d’architecture. Encore une fois, il s’agit d’une réponse forte aux difficultés de ces écoles, difficultés qui avaient été soulignées au cours de plusieurs mouvements sociaux en début d’année.
Enfin, le programme 224 devrait également supporter une partie des coûts exceptionnels liés au financement de l’opération Capitale européenne de la culture de 2028, pour laquelle quatre villes ont été présélectionnées par le jury européen : Montpellier, Bourges, Clermont-Ferrand et Rouen. Le soutien de l’État variera, selon les projets, entre 4 millions et 12 millions d’euros. La ville sélectionnée, et donc les coûts de cette opération pour l’État, sera dévoilée au cours de l’année 2024.
Mes chers collègues, au regard des moyens importants accordés à la culture dans ce budget, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur des patrimoines est, plus encore que les autres, particulièrement affecté par la crise énergétique, l’augmentation du prix des matières premières et l’inflation.
C’est pourquoi la commission de la culture se réjouit que les crédits de l’État en faveur des patrimoines progressent une nouvelle fois l’année prochaine ; même si cet effort financier ne compensera pas la hausse des coûts, il permettra d’en atténuer les effets et d’inscrire la protection du patrimoine dans la durée.
Toutefois, sans nier la nécessité des grands projets du centre Pompidou et des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, la commission de la culture s’inquiète de la faiblesse des marges de manœuvre qui subsisteront pour les chantiers à mener au cours des années à venir dans les territoires, chantiers essentiels à leur développement et à leur attractivité.
Il est vrai que l’État contribue aussi de plus en plus, par des leviers fiscaux, à stimuler la générosité publique en faveur de la cause du patrimoine. La commission de la culture se félicite des mesures prises en faveur du patrimoine religieux des petites communes après les alertes lancées voilà un an et demi par nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias. Nous serons très attentifs à leur mise en œuvre et nous espérons que le volet « ingénierie » de ces mesures pourra être complété, tant il s’agit d’un enjeu crucial pour les collectivités, très démunies dans ce domaine.
La commission est en effet convaincue que c’est en accompagnant mieux les collectivités sur le plan technique que nous pourrons franchir un nouveau cap en matière de préservation du patrimoine. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous plaidons avec ardeur pour le renforcement des effectifs des services déconcentrés de l’État chargés du patrimoine.
Néanmoins, le besoin d’ingénierie des collectivités ne se limite pas à la problématique du patrimoine religieux. Prenons deux exemples.
Le premier a trait à l’entretien du patrimoine. Comment expliquer que les crédits destinés à l’entretien des monuments qui n’appartiennent pas à l’État soient sous-consommés, alors qu’un entretien plus régulier de nos monuments profiterait à nos finances publiques à moyen terme ? Est-ce lié à un problème de moyens humains ou à un déficit de pédagogie ?
Le second est relatif à la rénovation énergétique du bâti ancien : malgré quelques progrès visant à mieux conjuguer l’urgence de la rénovation thermique avec la préservation du patrimoine, beaucoup reste encore à accomplir dans ce domaine. La commission est convaincue de la nécessité d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique et considère que les collectivités devraient être mieux accompagnées pour identifier le bâti à préserver, afin de l’intégrer dans leurs documents d’urbanisme. Elle regrette, de ce fait, le niveau modeste des crédits de l’action n° 02 « Architecture et sites patrimoniaux » et déplore qu’aucune aide financière ciblée sur la problématique de la rénovation énergétique n’ait été encore mise en place.
J’en viens, pour finir, à la question de l’archéologie préventive. La revalorisation des subventions des opérateurs, en particulier des services d’archéologie des collectivités territoriales, n’est pas à la hauteur de l’explosion des coûts de réalisation des diagnostics, alors même que la redevance d’archéologie préventive rapporte bien plus à l’État que ce que celui-ci reverse aux services des collectivités et à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. Aussi, madame la ministre, nous vous demandons d’ouvrir des négociations avec les collectivités afin de réviser le barème d’indemnisation.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. Sous ces réserves, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits du programme 175 « Patrimoines ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture se réjouit que l’État maintienne en 2024 son effort en faveur de la création ainsi que de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture.
Malgré la reprise de leur fréquentation, les établissements culturels restent dans une situation très fragile. La commission estime qu’il est urgent de restaurer leurs marges artistiques, faute de quoi la diversité culturelle, l’animation des territoires et l’accès à la culture de nos concitoyens pourraient être rapidement menacés. À cet égard, nous espérons que le plan Mieux produire, mieux diffuser permettra de répondre effectivement à l’enjeu et portera rapidement ses fruits.
En ce qui concerne le budget de la création, trois sujets nous préoccupent. Il y a d’abord la situation des scènes de musiques actuelles, à propos de laquelle nous vous présenterons un amendement. Ensuite, les festivals se trouvent dans une situation délicate, compte tenu des incertitudes causées par l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Enfin, les arts visuels sont encore trop faiblement soutenus en comparaison de leurs besoins réels, compte tenu de leur sous-dotation depuis des années ; ce sujet fera également l’objet d’un amendement de la commission.
En ce qui concerne la transmission des savoirs, la commission salue les efforts consentis pour les écoles nationales supérieures d’architecture ; cela traduit un réel progrès, même si celui-ci doit être complété.
Nous sommes en revanche très inquiets de la situation des écoles territoriales supérieures d’art ; nous présenterons un amendement à leur sujet. Un tiers de ces écoles pourraient finir l’année en déficit – certaines sont même menacées de fermeture –, avec des conséquences graves pour leur fonctionnement et pour l’accès des étudiants aux écoles d’art dans les territoires. S’il est vrai que ces écoles relèvent d’abord des collectivités territoriales, l’État doit se trouver aux côtés de celles-ci pour les aider à traverser cette crise. Chaque fermeture d’école entraîne une diminution des débouchés pour nos jeunes dans l’enseignement supérieur et le maillage territorial et l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur s’effritent.
Soyons cohérents avec la priorité accordée à la jeunesse en matière de démocratisation culturelle. Le pass Culture n’atteindra ses objectifs que s’il peut s’appuyer sur l’existence d’une offre culturelle solide et diversifiée dans l’ensemble des territoires. Rappelons-nous que ce dispositif est un outil et non une politique. Pour qu’il soit pleinement opérationnel, il faut le compléter par de la médiation culturelle, travailler de concert avec les collectivités au développement et à la valorisation des offres culturelles de proximité, et améliorer l’articulation de son volet collectif avec l’ensemble de la politique d’éducation artistique et culturelle, afin qu’il contribue à renforcer celle-ci sans s’y substituer. À ce titre, il nous semblerait utile que la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture soit intégrée à la liste des opérateurs de l’État, afin d’améliorer notre contrôle sur son fonctionnement.
Comparée à l’effort pour l’accès à la culture des jeunes, la politique de démocratisation culturelle dans les territoires nous paraît manquer de vision stratégique.
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. À terme, nous demanderons une évaluation du fonds d’innovation territoriale.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. Je conclus, madame la présidente.
Sous réserve de l’adoption des amendements présentés par la commission de la culture, celle-ci est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse des crédits de la mission « Culture ». Certains dispositifs sont prometteurs ; espérons que ce ne soient pas des trompe-l’œil. Toutefois, comme je l’ai déjà souligné voilà un an, le risque est que cette hausse soit neutralisée par l’inflation, alors que nous assistons au déploiement de dispositifs ambitieux.
En premier lieu, il y a bien sûr la question du patrimoine. En la matière, le soutien de l’État est indispensable. Ce n’est pas seulement le patrimoine immobilier qui est en jeu, c’est bel et bien notre identité ; on le voit avec la cathédrale Notre-Dame de Paris et avec tous les lieux qui font notre fierté.
Au-delà de celui de l’État, notre patrimoine est aussi constitué du patrimoine des collectivités locales. Le patrimoine de proximité à protéger est détenu à 94 % par les collectivités ou par des propriétaires privés, qui doivent être soutenus. Aidons-les en mobilisant des crédits pour leurs projets. Il y a de nombreuses demandes sur le terrain, mais les soutiens sont encore limités et l’on a des difficultés à articuler les dispositifs entre eux. Réfléchissons à une synergie entre toutes les aides, c’est indispensable.
La politique patrimoniale doit être plus ambitieuse et toucher tous nos territoires. Madame la ministre, il existe, hélas ! un déséquilibre territorial imparfaitement corrigé et il y a trop de disparités criantes. Nos communes, en particulier les communes rurales, sont encore trop peu aidées. Comment mieux les soutenir ? Comment renforcer le fonds incitatif et partenarial ? Comment mieux le faire connaître ?
Ensuite, entretenir le patrimoine exige une aide efficace à l’ingénierie. Ce soutien au patrimoine passe aussi par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap), qui doivent être renforcées. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour aider durablement nos Udap, qui sont confrontées à des difficultés de recrutement et à un manque de moyens ?
Je me réjouis que les fonds prélevés dans le cadre d’une collecte réalisée sous l’égide de la Fondation du patrimoine soient affectés à l’aide à l’ingénierie à destination des petites communes ayant la maîtrise d’ouvrages de biens à restaurer. Ces exemples sont à multiplier. Le loto du patrimoine doit inspirer d’autres initiatives.
Je souhaite évoquer maintenant notre patrimoine religieux. La question de la restauration des églises reste prégnante. Pouvons-nous accepter de voir 15 % de nos clochers en situation fragile, voire en grand péril ? Le « blanc manteau d’églises », dont parle le chroniqueur médiéval, est aujourd’hui menacé. Sans oublier le nécessaire soutien public, il faut encourager, encore et encore, la diversification des financements, dans le prolongement des solutions proposées par mes collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias dans leur rapport d’information.
Dans le domaine de l’expertise patrimoniale internationale, notre savoir-faire jouit d’une image d’excellence, grâce à la formation développée dans nos structures – nos écoles d’art, l’Institut du patrimoine et tant d’autres que je ne peux citer –, à la renommée de nos établissements, comme le Louvre, ou encore à notre ingénierie culturelle, comme l’illustrent le Louvre Abou Dhabi ou le chantier culturel et touristique d’Al-Ula. C’est un précieux atout. Toutefois, si la France est abondamment sollicitée, elle est également concurrencée.
Par conséquent, comment rendre cette expertise patrimoniale plus efficace ? Dans notre rapport d’information sur la question, ma collègue Catherine Morin-Desailly et moi-même avions envisagé des solutions, comme le soutien aux chantiers archéologiques. C’est une vitrine importante. Notre action patrimoniale ne doit pas être considérée comme un enjeu subalterne ; c’est pour nous un instrument de puissance, qui tient presque du hard power.
En ce qui concerne le spectacle vivant et les festivals, un point de vigilance s’impose, en particulier sur le sujet du rééquilibrage entre une politique de l’offre et une meilleure diffusion des crédits. Si le spectacle vivant est bel et bien de retour et que le public est de nouveau présent, il faut donner des garanties et une meilleure visibilité aux différents acteurs. La situation des scènes de musiques actuelles est inquiétante, la rapporteure l’a souligné. Les marges artistiques se réduisent et les charges augmentent. Nous restons évidemment ouverts à l’accompagnement différencié que vous avez proposé, mais nous serons très vigilants quant à son financement.
Nous saluons cependant différentes mesures, comme la revalorisation du fonds festivals, mais aussi les mesures d’accompagnement spécifiques au contexte de l’année 2024, car les inquiétudes s’accroissent à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la ministre, nous avons besoin de signes forts : les organisateurs redoutent des annulations de dernière minute en raison de mobilisations destinées à assurer la sécurité des Jeux. Nous serons attentifs à l’indemnisation des festivals qui auront subi des pertes de recettes en raison des Jeux, sans engendrer, je l’espère, un excès de bureaucratie et de frustrations.
Le modèle économique des festivals, déjà fragilisé par la crise sanitaire, est en jeu. Je me permets donc, madame la ministre, de relayer de nouveau les appréhensions des organisateurs. Toutefois, tout ne doit pas être à la seule charge des pouvoirs publics ; aussi, comment peut-on aider les festivals à repenser leur organisation et leur financement ? J’aimerais connaître votre ambition sur ce sujet, car cette réflexion doit être partagée avec les acteurs de ce secteur.
Il y a enfin l’accès à la culture, enjeu capital, en particulier pour les jeunes. L’accès à la culture reste toujours délicat. Je ne veux pas d’une génération sacrifiée.
Je me réjouis de l’extension du pass Culture à de nouveaux publics ; veillons à ce que les usages de ce dispositif profitent bien à ce que la France produit dans le domaine culturel. Évitons d’encourager un usage consumériste de la culture et de réduire le pass à une plateforme d’achats.
Qu’en est-il des autres pratiques, comme l’éducation artistique et l’accès au patrimoine ? Il est indispensable de concevoir un volet d’accompagnement pour le pass Culture, car les offres culturelles sont trop dispersées ; et je ne parle pas des artistes qui renoncent, et c’est compréhensible, à être référencés, en raison de la bureaucratie excessive…
Alors que des crédits importants sont mobilisés, comment faire en sorte que le pass Culture puisse réellement et efficacement entraîner des usages, sans recourir à la politique du carnet de chèques ? Comment faire en sorte qu’il soit un outil d’excellence, qui révèle des vocations et de futurs talents ?
Je ne voudrais pas réitérer ces remarques l’année prochaine,…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Else Joseph. … donc, comment résoudre les difficultés que je viens de souligner, madame la ministre ?
En responsabilité, nous voterons pour les crédits de la mission, qui, malgré tout, apportent des améliorations et une certaine ligne directrice. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (MM. Vincent Louault et Martin Lévrier applaudissent.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les aides exceptionnelles accordées aux acteurs de la culture pendant la crise sanitaire ont permis à ces derniers de surmonter tant bien que mal leurs difficultés. L’État et le Parlement se sont fortement mobilisés aux côtés des artistes. Deux ans plus tard, nous pouvons nous en féliciter.
Néanmoins, de nouvelles menaces, liées à la crise énergétique, planent aujourd’hui sur les acteurs culturels. Nombre de structures sont confrontées à des charges fixes en forte augmentation. Dans ces conditions, leur capacité à mener à bien leurs activités de création et de diffusion est fortement compromise. Un véritable risque pèse sur la programmation et l’emploi dans la filière culturelle, avec toutes les conséquences que cela impliquerait du point de vue de l’animation culturelle des territoires et de l’accès à la diversité artistique.
Les établissements labellisés sont tout particulièrement fragilisés par la crise inflationniste. C’est le cas des scènes de musiques actuelles et du secteur des arts visuels, qui sont en train de connaître une véritable dévitalisation. Les soutenir plus fortement, comme le propose la commission de la culture au travers de plusieurs amendements sur cette mission, est une nécessité absolue.
L’effort budgétaire de l’État en faveur de la création et de la diffusion artistiques en 2024 est certes louable, mais je crains que les financements proposés dans ce projet de loi de finances ne soient pas à la hauteur des enjeux. Ils ne permettront pas de compenser comme il conviendrait la hausse généralisée des coûts subie par les structures.
En ce qui concerne la démocratisation de la culture, nous devons nous réjouir du succès du pass Culture, qui permet à de nombreux jeunes de la France entière d’accéder aux biens culturels de leur choix. Toutefois, prenons garde d’en faire simplement un chèque de consommation à partir des goûts arrêtés à l’âge de 18 ans.
Ce dispositif doit aussi favoriser le développement des pratiques culturelles des jeunes. C’est pourquoi je me félicite de la part mutualisée qui est allouée aux collégiens ; je regrette simplement que beaucoup de professeurs ne soient pas assez accompagnés par des formations en éducation artistique et culturelle pour mener des projets intéressants. Permettez-moi également, madame la ministre, de vous alerter sur le manque d’accessibilité de certaines pratiques pour nos élèves atteints de handicap.
Le programme « Patrimoines » est, quant à lui, particulièrement bien doté dans le projet de loi de finances pour 2024, avec 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement. Cela représente une augmentation de 8 %, que je tiens à saluer. Une part non négligeable de ces crédits est destinée au financement de grands projets d’investissement, certains en dehors de Paris, comme la restauration du grand cloître de l’ancienne abbaye de Clairvaux ou de la cathédrale de Nantes, d’autres en Île-de-France, comme la rénovation du centre Pompidou ou l’extension du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine. Nos rapporteures pour avis se sont émues du fait que la quasi-totalité des crédits ouverts en autorisations d’engagement soit destinée à des projets situés dans le périmètre de la région capitale. Il s’agit pour elles d’un point de vigilance ; pour ma part, en tant que Francilienne, je m’en réjouis… (Sourires.)
S’agissant de projets de moindre ampleur, plusieurs sites essonniens remarquables ont pu être accompagnés par la mission Patrimoine confiée à Stéphane Bern, déployée par la Fondation du patrimoine et soutenue par les services du ministre de la culture : le parc Boussard à Lardy en 2020, le château de Montagu à Marcoussis en 2021, la chapelle Saint-Blaise-des-Simples à Milly-la-Forêt en 2022 et les kiosques du centre hospitalier de Bligny à Briis-sous-Forges en 2023.
Je souhaite par ailleurs évoquer le patrimoine religieux de nos petites communes rurales, un sujet qui m’est cher.
Dans le droit fil du rapport d’information de nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, le Président de la République a décidé un plan d’action ambitieux destiné à accélérer la restauration et l’entretien de ces édifices au cœur de nos villes et de nos villages, qui constituent une part de l’âme de la France. Le présent projet de loi accompagne cet élan avec le relèvement du taux du crédit d’impôt accordé aux particuliers. C’est une excellente mesure.
Enfin, nous savons que la prévention face au changement climatique passe à la fois par la réduction de notre consommation d’énergie et par l’amélioration de ce que nous appelons désormais la performance environnementale des bâtiments. La transition écologique du bâti ancien à préserver représente un défi tout particulier, dans la mesure où il s’agit de rénover ce bâti sans porter atteinte à sa valeur patrimoniale.
Je soutiens pleinement notre rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement portant sur l’extension aux travaux intérieurs réalisés à des fins de rénovation énergétique l’avantage fiscal lié au label délivré par la Fondation du Patrimoine, qui est actuellement limité aux travaux extérieurs.
La culture est le creuset du vivre-ensemble. Les défis à relever sont immenses tant les liens sociaux semblent se déliter au sein de notre société. J’appelle donc de mes vœux une mobilisation collective pour favoriser l’accès de tous les Français à la culture et à la création, dans tous les territoires. Madame la ministre, nous vous accompagnerons dans cette voie.
Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
Mme Sonia de La Provôté. Madame la ministre, avant toute chose, je tiens à dire que nous nous réjouissons de l’augmentation sensible du budget de la culture.
Toutefois, une analyse plus fine des répartitions et des choix s’impose. En effet, si l’on peut se féliciter du retour du public aux spectacles, qui sont presque revenus à l’étiage d’avant la covid-19, le contexte inflationniste affecte fortement les structures et les équipes et va jusqu’à perturber les programmations des saisons et des festivals. Tout coûte plus cher et la variable d’ajustement réside dans la marge artistique. Or la compensation incomplète, par ce budget pourtant en hausse, des surcoûts subis colmate difficilement les brèches d’un système dont la résistance s’émousse, sapant les bases d’un réseau culturel construit depuis tant d’années pour assurer la diversité de l’offre, des acteurs et des structures, une diversité vitale, qui apporte un ailleurs et d’autres possibles à tous les publics.
Ce budget est dit « de transformation et de transition », mais il nous semble que l’urgence est surtout à la sécurisation. On ne transforme bien que ce qui est solide, sous peine de perdre plus en efficacité et en efficience que ce l’on gagne par ailleurs.
Ainsi, dans le secteur de la création, l’effort budgétaire de 3,1 % ne permettra pas aux structures concernées de faire face à l’envolée des dépenses fixes, au détriment des marges artistiques. Tout l’écosystème est touché, car cette alerte vaut aussi pour les collectivités, qui assument majoritairement le financement, dans un contexte pourtant rude. Elle vaut aussi pour les festivals, dont le lien avec ces établissements engendre une émulation culturelle fructueuse sur leur territoire d’attache. Nombre d’entre eux sont compromis par cette situation.
Le nouveau plan Mieux produire, mieux diffuser constituerait la réponse aux difficultés du secteur, car il serait « transformant ». L’État mise sur un effet de levier des crédits, espérant une contribution équivalente des collectivités, dont la situation financière est pourtant, je le répète, peu enviable. Le Gouvernement attend de cette mesure une économie de 10 millions d’euros des établissements. C’est un pari ambitieux, d’autant qu’il reste à engager un important travail de coopération entre État et collectivités. À suivre, donc ; rationaliser, oui, mais pour renforcer les marges artistiques.
Mêmes maux, mêmes effets ; autre point d’alerte : les scènes de musiques actuelles, qui peinent à s’équilibrer, au détriment du soutien à l’émergence des artistes. La commission de la culture propose un amendement visant à garantir un plancher minimal revalorisé de la part de l’État ; nous comptons sur votre soutien.
Enfin, comme tous les ans, nous déplorons la place réduite réservée aux arts visuels dans ce budget. Pourtant, ils sont très présents dans nos territoires, au travers des dispositifs de monstration, des expositions, des résidences et des échanges nombreux entre les artistes et tous les publics. Ce secteur a un besoin vital d’être mieux structuré, avec un observatoire réel des pratiques, mais cela a un coût. Or seulement 10 % des crédits du plan Mieux produire, mieux diffuser leur sont consacrés. Nous soutenons la proposition de la commission visant à augmenter cette aide, en écho à leur rôle majeur, à l’échelon tant local que national.
Pour le programme 361, le Gouvernement propose un accroissement de l’accompagnement des établissements d’enseignement supérieur. En effet, ces derniers, exposés aux mêmes difficultés que les autres structures culturelles, voient leurs moyens renforcés pour faire face à l’inflation et investir dans la rénovation des équipements.
Les écoles nationales d’architecture sont dotées de 15 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et de 5 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement. C’est une bonne nouvelle, en attendant une future stratégie nationale pour l’architecture.
C’est un premier pas pour accompagner des métiers en pleine évolution et qui sont nécessaires aux élus locaux : les besoins de formation, notamment de formation continue, croissent de manière exponentielle et les pratiques sont transformées radicalement par la transition écologique.
En revanche, la situation des trente-trois écoles territoriales supérieures d’art est, pour le coup, inquiétante : près d’un tiers d’entre elles finiront l’exercice 2023 en déficit. Bien que financées en moyenne à 80 % par les collectivités territoriales, elles remplissent des fonctions nationales. Comme cela est indiqué dans le rapport de Pierre Oudart, elles « n’ont jamais été, depuis près de quinze ans, vraiment défendues sur le plan budgétaire au sein de l’appareil d’État ». Ce budget doit traduire le renforcement du soutien apporté à ces écoles ; tel est l’objet d’un amendement de la rapporteure pour avis, qui est soutenu par le groupe Union Centriste.
J’en viens à la démocratisation culturelle, dont le budget est dominé – le mot est faible – par le pass Culture. Si ce dispositif évolue dans le bon sens, avec l’élargissement de sa part collective dans le cadre scolaire, il n’en reste pas moins un outil de l’éducation artistique et culturelle et ne saurait constituer une politique en soi.
Pour tous les acteurs de la culture, il est le symbole du fait que là où il y a une volonté politique, il y a un budget… En effet, depuis sa création, son budget croît de façon audacieuse, pour ne pas dire insolente, alors qu’il peine encore à faire ses preuves : dans sa dimension individuelle, le pass reste une plateforme d’achat, une offre sans médiation. Quant à sa part collective, elle bouleverse l’éducation artistique et culturelle, sans la remplacer. Entre difficultés de référencement pour les acteurs historiques et vision consumériste de cette éducation, ce projet ne bénéficie pas pour le moment d’une véritable construction s’inscrivant dans le temps long. Bref, le compte n’y est pas…
Pour terminer, abordons le budget du programme « Patrimoines », qui connaît une croissance substantielle. Pourtant, il creuse, en quelque sorte, les failles des budgets précédents. Nous attendons encore un ministère stratège en matière de patrimoine. Le fait d’orienter presque tout sur les opérateurs et le patrimoine classé ou inscrit de l’État n’exonère pas d’avoir une vision globale et d’accompagner le reste.
Prenons en exemple l’un des objectifs phares du ministère : les églises et les bâtiments cultuels présents dans toutes nos communes. Dans leur excellent rapport, nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias avaient identifié ces bâtiments comme prioritaires et nécessitant un plan global d’accompagnement. Qu’en est-il ressorti ? Le loto du patrimoine, la collecte de dons par la Fondation du patrimoine et, en cas de besoins complémentaires pour un édifice communal, la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) et la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), bref des crédits d’un autre ministère. La réponse se trouve donc largement en dehors du ministère de la culture…
En ce qui concerne la dimension paysagère du patrimoine et la politique de sites patrimoniaux remarquables, on n’observe pas d’évolution. Je rappelle pourtant le sujet des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, qui peuvent nuire à la préservation des paysages. Il appartient au ministre d’être vigilant à cet égard.
J’en viens au DPE. On peine à voir ses critères évoluer en faveur du patrimoine. Notre rapporteur pour avis, Sabine Drexler, en a fait un combat sans relâche ; nous la soutenons. C’est bien au ministre de la culture de remporter cette bataille et d’alerter sur la perte irréparable que constitue la disparition d’huisseries anciennes et de boiseries au profit de matériaux modernes plus isolants.
Je termine par les crédits d’entretien, essentiels pour éviter les atteintes graves au bâti. Les crédits dans ce domaine ne bougent pas, malgré nos alertes répétées des dernières années. Pis, il y a une forte sous-consommation des crédits destinés aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État. Madame la ministre, il faut suivre attentivement ces crédits et renforcer les effectifs des Udap et des Drac, afin que la veille soit assurée et que les conseils utiles soient donnés aux maires.
Ce budget en hausse si manifeste dans un contexte de disette budgétaire mérite évidemment notre soutien. Pour autant, il devrait également être le support du combat en faveur de la diversité culturelle et de son expression large et incontournable dans tous les territoires. Ce combat passe par le renforcement du soutien apporté à la politique culturelle des collectivités locales, soutien quasi absent de ce budget. Rappelons tout de même que la décentralisation de la culture est aussi un enjeu de sobriété énergétique. Il s’agit de coconstruire, de « cochoisir », de codécider, de faire mieux ensemble !
Il n’y a pas de futur dans une société sans culture. C’est pourquoi le groupe UC votera pour ce budget. Néanmoins, j’y insiste, il appelle également de ses vœux un projet commun entre nos territoires et un ministère qui oserait enfin grandir, franchir les frontières et évoluer hors de ses murs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Je salue la délégation du charmant village yvelinois de Tessencourt-sur-Aubette, présente en tribune. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une chape de plomb s’est abattue sur Paris.
Quelque 500 tonnes de ce métal ont été déposées en plein cœur de la capitale, au sommet de Notre-Dame, pour reconstituer la croix de la flèche de l’édifice.
À la suite de l’incendie tragique de la cathédrale, le dépôt de ce matériau toxique sur les trottoirs, dans les jardins et dans les cours d’école a bouleversé la vie des riverains. Ma collègue Anne Souyris a fait de cette chape son combat.
Madame la ministre, avec elle, je souhaite vous faire part de notre inquiétude causée par la présence de ce matériau toxique au cœur de la capitale, qui plus est sur un site touristique. La destination du surplus de dons, issus de la collecte internationale, qui s’élève à plus de 144 millions d’euros, est encore incertaine. Pourquoi ne pas l’utiliser pour envisager une solution architecturale plus respectueuse de la santé publique ?
Le pape a été également saisi, ce qui m’inspire ces mots en latin : Ab assuetis non fit passio – on ne s’émeut pas de ce qui est fréquent. Ainsi, les enjeux environnementaux restent insuffisamment pris en compte dans le programme 175 « Patrimoines », notamment la rénovation énergétique des bâtiments anciens.
Je me réjouis que nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon aient été entendus par le Président de la République, qui a fait des annonces sur le sort du patrimoine religieux en péril, lors de son déplacement au mont Saint-Michel – nous n’avons pas tous l’oreille de Dieu, décidément.
Est socia mortis homini vita ingloria, pourrait dire le chef de l’État : la vie sans gloire est une mort anticipée.
Toutefois, je m’inquiète du sort des bâtiments profanes publics à vocation culturelle. Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, nous nous sommes opposés au financement de leur rénovation par l’installation de bâches publicitaires.
À quoi sert l’impôt s’il ne contribue pas à entretenir nos bâtiments publics ? Imagine-t-on couvrir de publicités les églises pour en financer la rénovation des toitures ?
Je m’inquiète également de la surreprésentation des projets parisiens dans les investissements du ministère. C’est le cas de la rénovation du centre Pompidou, comme l’a souligné notre collègue rapporteur Sabine Drexler, dont je salue le travail.
En cette période de forte inflation, cette surreprésentation contraint les collectivités territoriales à des choix budgétaires cornéliens. Or, madame la ministre, vous pourriez prévenir la fermeture des lieux culturels ou des bibliothèques en procédant à des rééquilibrages budgétaires.
Madame la ministre, mes chers collègues, une seconde chape de plomb pourrait s’abattre sur le monde culturel en 2024. Il s’agit de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Après deux années de crise sanitaire et de forte inflation, la vie festivalière sera totalement bouleversée, reprogrammée dans les « trous » laissés disponibles par les Jeux, parfois en dehors des vacances scolaires.
Dans ce contexte, la politique culturelle du pays se transforme en une gestion de crise et il est difficile de prendre de la hauteur pour adapter nos outils aux grandes transformations en cours.
C’est le cas du financement du Centre national de la musique, dont les missions ont été brouillées, dès ses premières d’année d’existence, pendant la période covid. Aussi nous paraît-il nécessaire de conserver la taxe sur le streaming votée par le Sénat.
Il en va de même des phénomènes de concentration à l’œuvre, comme le big-bang en cours dans le monde de l’édition ou la concentration observée dans le secteur des festivals, qui fragilise les plus petites programmations et qui favorise la hausse inexorable du prix des places. La concentration dans le secteur des plateformes de vidéo à la demande est, quant à elle, déjà bien établie.
Ce phénomène de concentration est un obstacle à la diversité et à l’accessibilité culturelles, auxquelles le groupe écologiste est très attaché.
Un soutien supplémentaire aux quatre-vingt-douze scènes de musiques actuelles en grande difficulté est aussi nécessaire.
Dans les cinémas, le retour du public bénéficie surtout aux grandes productions, et non pas aux films d’auteur, selon le bilan du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de 2023.
Après les menaces pesant sur des lieux culturels locaux emblématiques comme Montévidéo à Marseille, on apprend que le prix des loyers chasse les cinémas des Champs-Élysées et des cœurs de ville. Il importe donc de les mettre à l’abri de la flambée immobilière, conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1945 relative aux spectacles.
À nous de nous saisir de la question transversale du partage de la valeur ajoutée dans le secteur culturel et de revaloriser la part des auteurs et des artistes. Les négociations sur les conséquences de l’intelligence artificielle qui ont lieu de l’autre côté de l’Atlantique devraient nous inciter à faire de même, sans plus attendre. Cette question concerne toutes les œuvres de l’esprit, y compris les scénographes.
Je pense aussi à notre amendement, qui a été adopté et qui vise à renforcer le droit d’exposition des artistes visuels, toujours oubliés.
Néanmoins, Tempus edax rerum – le temps dévore tout –, mes chers collègues, et j’arrive à la fin de mon temps de parole. (Sourires.) (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Patricia Schillinger et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon André Malraux, « la culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre ».
Comme les formes d’expression pour le dire sont multiples et diverses, qu’elles traversent les âges, les frontières, les ethnies et les religions, la culture est œuvre de communion universelle et intemporelle entre les êtres humains.
Par conséquent, l’œuvre des politiques publiques devrait être de permettre à chacune et à chacun de s’inviter à cette table de la communion universelle.
De ce point de vue, il est positif que les équipements d’enseignement supérieur d’art aient bénéficié d’une aide exceptionnelle de 2 millions d’euros en 2023 pour faire face à la crise et que cette dotation soit pérennisée pour 2024, mais on peut craindre que ce soit insuffisant. Bien entendu, nous soutenons tout ce qui peut les conforter !
La politique culturelle est essentiellement non pas une politique d’offre de biens culturels à consommer, mais une politique d’appropriation de ces biens par le plus grand nombre, afin de permettre à chacune et à chacun de s’instruire, avec plaisir, à partir de la diversité des créations et des productions et – pourquoi pas ? – d’en devenir soi-même un acteur.
Cela appelle à encourager et à garantir une diversification des politiques de sensibilisation en direction des jeunes.
Une approche éducative artistique et culturelle me paraît donc indispensable si nous ne voulons pas que le pass Culture, par exemple, se transforme en une plateforme de réservation et d’achat de places de spectacle, dont un des premiers écueils serait ce que l’on nomme en bon Français, le no show, à savoir réserver l’accès à un spectacle subventionné par de l’argent public pour, finalement, ne pas s’y rendre.
Bref, des progrès restent à accomplir pour que ce dispositif, qui demeure un simple outil de politique culturelle, puisse atteindre ses objectifs en matière de démocratisation culturelle.
Les crédits du ministère de la culture affichent une hausse de 6 %. Aux côtés de la transition écologique, la lecture, le patrimoine local et la diffusion artistique paraissent en constituer les priorités.
La crise sanitaire a durablement affaibli le secteur, que l’inflation fragilise encore davantage. Si la hausse de 6 % du budget est une tendance positive, il convient tout de même de la pondérer en y apportant deux nuances : premièrement, la compensation de l’inflation tend à conférer au présent budget une certaine stabilité par rapport à 2023 ; deuxièmement, il ne faut pas oublier de souligner l’importance de la contribution des collectivités.
En effet, ce sont elles qui fournissent la majeure partie des subventions et des fonds permettant le développement d’une offre de culture variée dans les territoires. Or, nous le savons, elles connaissent toutes une situation de tension budgétaire.
Nous le percevons au travers des difficultés que traversent les scènes de musiques actuelles (Smac). Depuis 2017, leur financement par l’État est ainsi fixé à 100 000 euros par lieu labellisé. Si ces lieux sont majoritairement financés par les collectivités territoriales – en moyenne quatre fois plus que par l’État –, leurs subventions stagnent ou baissent, soit parce que les collectivités sont elles-mêmes en difficulté, soit pour des raisons politiques.
Pour ce qui concerne le patrimoine des petites communes rurales, le fonds incitatif et partenarial, destiné aux biens protégés des communes disposant de faibles ressources, atteindra 24 millions d’euros ; c’est une bonne chose. Néanmoins, la restauration du patrimoine de ces communes, notamment du patrimoine religieux, nécessitera un engagement budgétaire spécifique – nous le disons clairement –, en souhaitant, bien entendu, que les dispositions spécifiques annoncées par le Président de la République trouvent leur pleine efficience.
Enfin, je pointerai un léger regret, celui de l’absence de référence au nécessaire effort à produire pour défendre nos langues et cultures régionales ou minoritaires.
La mondialisation et l’uniformisation des standards culturels n’aident pas à la préservation de nos langues. Les locuteurs sont de moins en moins nombreux, aussi peut-on craindre une éradication de ces langues, qui participent pourtant de la diversité culturelle du pays.
Qu’il me soit permis d’avoir ici une pensée toute particulière pour Édouard Glissant et Eugène Guillevic : l’un, pour son engagement en faveur de la mise en relation de toutes les cultures du monde et l’autre, pour lequel « plus on est enraciné, plus on est universel » ; l’un Créole et l’autre Breton.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Gérard Lahellec. S’il fallait porter une appréciation sur ce budget de la culture, nous écririons : peut et doit mieux faire ! Tous les voyants sont au rouge : nous ne voterons pas en faveur des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le volontarisme des politiques culturelles, amorcé par André Malraux au début de la Ve République, s’est manifesté par une augmentation régulière des crédits alloués à la mission « Culture ».
Cette année ne fait pas exception et nous le saluons. Toutefois, ce budget présente quelques lacunes que nous souhaitons également souligner, car force est de constater que nombre d’acteurs du secteur sont inquiets.
La hausse constante des investissements pour la culture bénéficie en grande partie à l’élargissement de l’offre, sans augmentation de la demande.
Madame la ministre, bien que notre groupe salue l’augmentation substantielle des crédits, nous vous alertons sur la nécessité d’entreprendre une véritable réforme systémique, à même de rééquilibrer cet écart entre l’offre et la demande.
Ce rééquilibrage doit toucher plusieurs secteurs, en particulier ceux qui se remettent difficilement des années covid. Il appelle à une plus grande concertation entre les acteurs.
Ce développement de l’offre doit aussi s’accompagner d’un accès à la culture socialement plus équitable. L’égalité d’accès au savoir culturel est un impératif constitutionnel.
Il nous semble essentiel d’accompagner l’augmentation des crédits alloués au pass Culture par des initiatives culturelles tangibles, en garantissant des avantages à l’ensemble de la population, sans favoriser exclusivement les offres des grandes entités industrielles, ce que nous risquons de provoquer si nous n’adaptons pas les politiques dites du chéquier.
Les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales risquent de mettre en péril le spectacle vivant. En effet, leurs marges de manœuvre se réduisent sous l’effet du tassement des ressources et de l’augmentation des charges liées à l’inflation. En conséquence, 30 % de nos collectivités envisagent de réduire leur budget consacré aux projets culturels.
Dès lors, une question s’impose à tous : que prévoit le projet de loi de finances pour soutenir la représentation artistique ?
Nous saluons les 10 millions d’euros destinés au plan Mieux produire, mieux diffuser, mais nous souhaitons que ces nouveaux crédits puissent justement soutenir les équipements artistiques. Ainsi, les représentants du secteur estiment le besoin des Smac, a minima, à 4 millions d’euros. Que comptez-vous faire, madame la ministre ?
La situation économique actuelle ne devrait, en aucun cas, justifier des réductions budgétaires dans le domaine des subventions artistiques. Dans un tel contexte, cela reviendrait à réduire la lumière, alors que le ciel s’obscurcit.
À cet égard, un message clair doit être envoyé aux collectivités et aux acteurs du spectacle public. La hausse de la trajectoire des emplois, pour la période allant de 2024 à 2027, est un signal encourageant, afin de conduire une politique que nous espérons encore plus ambitieuse.
Dans le droit fil du travail effectué par le Rassemblement Démocratique et Social Européen sur la citoyenneté, la culture doit être pleinement associée à la reconquête de l’esprit citoyen. À notre sens, la politique culturelle doit épouser les grandes dynamiques sociétales et servir de vecteur aux valeurs républicaines et citoyennes.
Par conséquent, il semble nécessaire de concentrer davantage les moyens de l’éducation artistique et culturelle sur les écoles primaires et maternelles. Il est indispensable que la jeunesse soit sensibilisée, très tôt, à la culture, dans toute sa diversité, qu’elle en soit plus largement à la fois l’actrice et la bénéficiaire, pour son propre épanouissement et dans l’intérêt de la cohésion sociale.
L’examen des crédits de cette mission me permet de souligner l’importance de mettre l’accent sur les conditions de circulation de l’information, sur son utilisation et sa véracité. En effet, pour nombre de jeunes, hélas !, la culture se concentre dans leur seul téléphone.
À l’heure où les plateformes de médias sociaux prennent le relais des médias traditionnels, il faut encore mieux protéger nos citoyens les plus exposés et les plus vulnérables, en particulier nos jeunes, de la propagande, du complotisme, de certaines faiblesses journalistiques et, bien sûr, de la désinformation.
Face à ce défi, il devient impératif de mettre en place un plan d’action pour éveiller l’esprit critique de nos jeunes. Cette initiative représente un investissement essentiel pour leur permettre de naviguer, de manière informée et résiliente, au sein d’un environnement complexe et parfois très trompeur.
Comme l’a souligné Amin Maalouf dans Le premier siècle après Béatrice, « les moyens d’information répandent l’inconscience aussi sûrement que la lumière répand l’ombre ; plus le projecteur est puissant, plus l’ombre est épaisse ».
Mes chers collègues, malgré ces observations, le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen est favorable à l’adoption des crédits de cette mission, essentielle aux citoyens et à la poursuite de l’excellence artistique, gage aussi du rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces crédits, d’un montant total de 4,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement, sont le reflet d’une politique culturelle ambitieuse, le reflet d’un engagement résolu du Gouvernement en faveur de ce secteur.
En effet, la mission « Culture » voit ses crédits augmenter de manière significative, avec une hausse de 11,88 % en autorisations d’engagement et de 4,9 % en crédits de paiement par rapport à l’exercice précédent.
Une part prépondérante de cette augmentation est destinée au programme 175 « Patrimoines », avec une progression impressionnante de 32,79 %.
Cette impulsion budgétaire s’inscrit dans une politique d’investissement soutenue, mettant en avant des actions cruciales comme la préservation du patrimoine des musées de France, en hausse de 69,06 %, et du patrimoine archivistique, en progression de 182,68 %.
Ces investissements incluent des projets majeurs, tels que le déménagement des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, la rénovation du centre Pompidou ou encore la création du futur musée mémorial du terrorisme.
La mission « Culture » est composée de quatre programmes, qui reflètent chacun une vision globale et cohérente de la politique culturelle du Gouvernement.
D’abord, je l’ai déjà évoqué, le programme 175 « Patrimoines », doté de 1,48 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,19 milliard d’euros en crédits de paiement, finance la préservation et l’enrichissement du patrimoine culturel français.
Le Gouvernement s’engage à valoriser les territoires au travers de leur patrimoine, à soutenir la politique d’archéologie préventive et à investir dans des projets structurants comme la rénovation du grand cloître de l’abbaye de Clairvaux, ancienne abbaye cistercienne et ancienne prison.
Puis, avec 1,03 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,04 milliard d’euros en crédits de paiement, le programme 131 « Création » promeut la diversité artistique et le renouvellement de l’offre culturelle.
Madame la ministre, votre engagement se traduit par le plan ambitieux Mieux produire, mieux diffuser, par un soutien à l’emploi artistique et par le renforcement des moyens des opérateurs culturels.
Le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », quant à lui, est doté de 833,3 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 828,1 millions d’euros en crédits de paiement. Ce programme comprend des politiques transversales, allant de l’éducation artistique à la promotion de la langue française.
Avec cette dotation, le Gouvernement entend non seulement renforcer les moyens alloués aux écoles de l’enseignement supérieur, tant nationales que territoriales, notamment aux écoles nationales supérieures d’architecture, mais aussi soutenir le pass Culture et mettre en place une stratégie du livre et de la lecture dans les territoires.
Le pass Culture compte désormais plus de 3 millions de jeunes inscrits, âgés de 15 à 18 ans, seulement deux ans et demi après son lancement. Un tel succès a permis de redynamiser plusieurs secteurs, comme ceux de la librairie et du cinéma.
Enfin, le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » est doté de 846,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 844,3 millions en crédits de paiement. Ce programme soutient la politique internationale et contribue aux fonctions supports du ministère. Ainsi, nous intensifions l’action en matière de politique culturelle internationale, favorisons la transformation numérique et revalorisons les agents du ministère.
Examinés de manière approfondie par l’Assemblée nationale, ces budgets ont reçu l’avis favorable de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cela témoigne du consensus que suscite le budget de la mission « Culture » pour 2024.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces crédits sont plus que des moyens financiers ; ils représentent l’engagement fort et constant du Gouvernement en faveur de la culture, de l’éducation et du patrimoine.
En votant en faveur de ces budgets, nous contribuerons à façonner un avenir culturel riche, diversifié et accessible à tous les citoyens. Je vous invite à soutenir cette démarche ambitieuse en votant les crédits de la mission « Culture » pour l’exercice 2024. Il va de soi que notre groupe les votera. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la culture est toujours l’un des premiers secteurs à pâtir des crises.
Si le plan de relance avait permis de préserver un grand nombre d’acteurs culturels des effets de la crise sanitaire, sa suppression a engendré, dès 2022, une précarisation des artistes, des compagnies et des institutions culturelles. En outre, ces difficultés ont été renforcées par l’inflation et par la crise énergétique.
Toutes ces crises ne sont pas encore derrière nous ; l’ensemble des acteurs culturels et de la création artistique en subissent toujours les conséquences.
Le budget qui nous est présenté aujourd’hui par le Gouvernement est certes en hausse, mais seulement de 4,9 %, soit un niveau à peine supérieur à celui de l’inflation. C’est pourquoi nous craignons que cette augmentation peine à financer, dans la durée, les nombreux projets annoncés par le Gouvernement.
Animés par la passion commune de la culture, véritable lien social fédérateur et émancipateur et secteur créateur d’emplois, les acteurs culturels ont besoin d’être soutenus et revalorisés.
Ils font – et sont – la fierté de nos territoires, ruraux et urbains, ont une importance vitale dans la vie culturelle et associative et concourent non seulement à rassembler les publics de tous âges, mais aussi à créer du « commun » dans un pays qui en a bien besoin et à faire émerger des talents.
Les sénateurs et les sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souhaitent pouvoir voter ce budget. Toutefois, je tiens à vous alerter sur plusieurs points de fragilité.
Je pense tout d’abord à la situation des acteurs de la création, qui sont en difficulté depuis la crise sanitaire.
Alors que le Gouvernement appelle le spectacle vivant à « mieux produire, mieux diffuser », il restreint son soutien avec un budget en infime hausse et des baisses de crédits annoncées pour les années 2025 et 2026. Les artistes, les compagnies et les structures culturelles devront encore faire face à la baisse du soutien de l’État.
Je pense, en particulier, aux scènes de musiques actuelles, qui doivent être aidées bien au-delà de ce que le Gouvernement prévoit, comme le soulignait Mme la rapporteure, si nous souhaitons qu’elles continuent à la fois d’entretenir le dynamisme culturel et de favoriser l’émergence de jeunes artistes.
Je pense également aux festivals, et notamment aux petits festivals. Déjà fragilisés par la hausse globale des coûts, ils pourraient avoir à supporter, en 2024, des frais supplémentaires de sécurité, liés à la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Madame la ministre, vous avez assuré que les festivals ne seraient pas annulés, mais les plus petits d’entre eux doivent être soutenus pour pouvoir se maintenir. Il y va de leur survie et, avec elle, de la richesse et de la diversité culturelles qu’ils représentent.
Les arts visuels, enfin, demeurent le parent pauvre du budget de la création. Ils sont dotés d’une part toujours plus faible de crédits : 10 % cette année, ce qui est insuffisant pour élargir le soutien à d’autres artistes, petites structures ou projets variés.
Nous nourrissons des inquiétudes quant au soutien, dans la durée, à la création artistique. Il y va pourtant de la préservation de la diversité culturelle.
De la même façon, le budget en faveur de la transmission des savoirs, ô combien essentielle pour favoriser l’accès à la culture de tous, pour lutter contre les inégalités, mais aussi pour assurer le renouvellement artistique, nous inquiète.
Madame la ministre, vous érigez l’éducation artistique et culturelle en « priorité absolue ». Or, à l’exception du pass Culture, qui bénéficie d’une augmentation de 2 millions d’euros – seulement – pour assurer sa généralisation à tous les élèves de sixième et de cinquième, le budget peine à traduire cette priorité.
Rien de plus n’est prévu en faveur des pratiques artistiques et culturelles que suivent les élèves, à la fois, pendant le temps scolaire et en dehors.
Rien de plus n’est prévu, non plus, en faveur des actions des conservatoires, de la lecture ou encore de l’éducation aux médias, qui est une priorité impérative à l’heure où se propagent les fake news.
Le pass Culture, sévèrement évalué par la Cour des comptes, est seulement un outil au service d’une politique globale de démocratisation culturelle. Il ne peut, à lui seul, en constituer le fondement.
Madame la ministre, vous lancez la Cité internationale de la langue française. Néanmoins, au-delà de ce projet, le budget de l’action « Langue française et langues de France » stagne.
Après de nombreuses alertes et une forte mobilisation des étudiants et des personnels, vous avez enfin débloqué une aide pour les écoles supérieures d’art territoriales, qui jouent un rôle essentiel, comme l’ont souligné mes collègues.
Toutefois, cet engagement est ponctuel et ne règle en rien les questions de fond, qu’elles soient de gouvernance, de statut, d’égalité de traitement des enseignants ou qu’elles concernent les élèves boursiers.
Ces questions, que nous avons encore abordées cette semaine avec les commissaires à la culture, trouveront réponse non pas dans le statu quo, mais dans des modifications législatives et réglementaires.
Enfin, comment ne pas évoquer la place des collectivités territoriales en matière de politiques culturelles ? Or les baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales fragilisent les politiques de proximité, ainsi que le maillage incroyable qui fait notre force collective.
Alors que les censures et les entraves à nos libertés fondamentales de création, d’expression et de diffusion ne cessent de croître, nous devons plus que jamais défendre la culture et réaffirmer sa place centrale dans notre société.
Depuis plusieurs années, nos libertés fondamentales sont attaquées par l’extrême droite et les extrémismes religieux.
En avril, un concert de Bilal Hassani, qui devait se dérouler dans une église désacralisée de Metz, a été annulé à la suite de menaces. À Nantes, un spectacle, intitulé Fille ou Garçon ?, a été saboté. En mai, une pièce de théâtre évoquant un Jean Moulin homosexuel a été déprogrammée par le maire de Béziers. Récemment, le livre Triste tigre, de Neige Sinno, a été retiré du centre de documentation et d’information (CDI) d’un lycée privé sous contrat de Ploërmel dans le Morbihan… Et les exemples sont légion.
Nous devons continuer de défendre la culture comme force émancipatrice, défendre ces actrices et ces acteurs essentiels à notre société. Ce budget doit nous le permettre, très concrètement.
Les sénateurs et les sénatrices socialistes voteront ce budget et les amendements présentés par notre collègue Karine Daniel, afin de protéger et de soutenir la vitalité, la diversité et le dynamisme créatif de l’exception culturelle artistique française. Ce vote, vous l’aurez compris, est également un appel à la vigilance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Gérard Paumier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’emblée à souligner les avancées, saluées en commission et assorties de quelques réserves et propositions par Mmes les rapporteurs pour avis Sabine Drexler et Karine Daniel, sur les crédits de la mission « Culture » pour 2024.
En responsabilité, et avec mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai ces crédits. Permettez-moi toutefois d’appeler votre attention sur quelques points particuliers évoqués en commission, madame la ministre.
Je pense tout d’abord à la suite et à la fin du chantier de Notre-Dame-de-Paris.
L’année 2024 verra la réouverture au public de la cathédrale. La sauvegarde de Notre-Dame-de-Paris est désormais assurée, mais il reste un point d’achoppement : le sort à réserver au surplus de dons, qui dépasse 140 millions d’euros.
Le ministère de la culture suggère d’affecter ces fonds au financement de la prolongation de l’établissement public créé et au déploiement d’une troisième phase de travaux. Mais les donateurs étaient pour la plupart animés par la volonté explicite de concourir à l’effort national de reconstruction de Notre-Dame.
Les deux premières phases de travaux, financées par les fonds récoltés, répondaient en tout point à cette logique. À l’inverse, la troisième phase esquissée relèverait de la rénovation du bâti : il s’agirait d’entretenir la cathédrale, de la remettre en valeur, et non plus de la reconstruire. Or l’entretien de tels monuments relève de la responsabilité de l’État. Il ne saurait dépendre de généreux donateurs contribuant par le biais d’une souscription nationale.
C’est le moment, me semble-t-il, d’envoyer un message fort aux acteurs locaux qui se démènent pour tenter de sauvegarder notre patrimoine collectif. Aussi, je vous propose une régionalisation partielle, mais significative de ce surplus, grâce auquel les Drac pourraient concourir à la rénovation de patrimoines religieux très remarquables dans tous les territoires, au lieu de les cantonner à quelques grands projets.
Quoi qu’il en soit, le sujet nécessite une réflexion impliquant les grands mécènes, les fondations et, bien entendu, le Parlement.
Au sujet du patrimoine religieux, nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias soulèvent d’autres problématiques dans leur rapport d’information. Ils insistent notamment sur la nécessité de mieux accompagner les élus locaux dans l’entretien de leurs églises.
À cet égard, je tiens à vous alerter sur la situation des églises ni classées ni inscrites, notamment en milieu rural. Ces édifices, nombreux, exigent des travaux urgents ou relevant de la sécurité.
Les communes concernées, petites pour la plupart, sont très attachées à ces monuments, qui sont souvent leur seul patrimoine. Mais elles cumulent les difficultés de financement. Les Drac ne peuvent pas intervenir, d’autant qu’elles ont déjà beaucoup de mal à tenir leur calendrier de travaux pour les églises classées ou inscrites.
Madame la ministre, je ne vous demande pas de prélever sur votre budget. Je vous prie simplement d’intervenir auprès des préfets des départements. En effet, la solution pourrait être en partie déconcentrée à l’échelon départemental : on pourrait mener ces travaux grâce à l’effet combiné de la DETR, attribuée par l’État, et d’une aide des départements.
L’archéologie préventive est un autre point de vigilance.
Les projets de développement des collectivités territoriales sont soumis à un ensemble de préalables, dont une intervention de l’Inrap.
Cette intervention pose à de nombreuses collectivités territoriales un problème logistique, car leurs projets sont souvent freinés par les délais de traitement de l’Inrap, et financier, car l’inflation pèse lourdement sur leur budget.
Or, à l’instar de mes collègues, je m’étonne que le budget de l’Inrap soit revalorisé sans qu’aucune disposition en faveur des collectivités territoriales soit prévue, alors même que la répartition des crédits entre ces dernières et l’Inrap est déjà très déséquilibrée. Cela pose question, d’autant que l’excédent dégagé par l’État sur la taxe d’archéologie préventive, excédent évalué à 30 millions d’euros, vous offre des marges de manœuvre budgétaires.
Les précédents orateurs l’ont rappelé : nos trente-trois écoles supérieures d’art territoriales se trouvent dans une situation préoccupante.
Voilà douze ans que l’État n’a pas revalorisé sa dotation structurelle à ces établissements, qui a ainsi baissé de 14 % en euros constants. Certaines de ces écoles ne parviennent plus à équilibrer leur budget ; elles épuisent peu à peu leur fonds de roulement. La reconduction de l’aide d’urgence de 2 millions d’euros accordée en 2023 reste insuffisante, d’où l’amendement de notre collègue Karine Daniel adopté en commission.
Aussi, je vous propose de réfléchir à une règle claire pour le financement de ces écoles. L’État pourrait par exemple leur attribuer une somme forfaitaire par étudiant. La moyenne actuelle s’élève à 1 960 euros, mais elle cache de grandes disparités, certaines écoles touchant moins de 1 000 euros par étudiant.
À la suite de mes collègues, je me fais également l’écho de la vive inquiétude des 92 lieux labellisés Smac. Ces derniers rencontrent de graves difficultés financières, auxquelles ont été sensibles tous les parlementaires des deux assemblées. Je forme le vœu que le Gouvernement, suivant notre commission de la culture, réponde à leurs attentes en faveur des musiques actuelles, qui demeurent la première pratique culturelle de nos concitoyens.
Enfin, j’évoquerai la délicate question des restitutions de biens culturels appartenant aux collections publiques.
Le 10 janvier 2022, le Sénat a adopté la proposition de loi de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias créant un cadre et des mécanismes de contrôle pour ces décisions de restitution.
Pour ce qui concerne la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, je me réjouis que la commission mixte paritaire – elle s’est réunie hier – ait été conclusive. Mais qu’en est-il de la création d’un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ?
Madame la ministre, voilà quelques sujets sur lesquels il me semble indispensable de continuer à travailler pour avancer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’écrivain britannique John Ruskin déclarait à ses contemporains : « Le principe des temps modernes consiste d’abord à négliger les édifices, puis à les restaurer. Prenez soin de vos monuments et vous n’aurez nul besoin de les restaurer. »
Nous devrions tous avoir cette préoccupation à l’esprit à l’heure où nous examinons le budget alloué au patrimoine.
Certes, nous nous félicitons de la hausse des moyens financiers de ce programme. Mais ce constat doit être nuancé. En effet, la très forte augmentation des autorisations d’engagement est principalement due aux projets d’extension du site des Archives nationales et de rénovation du centre Georges-Pompidou. En outre, depuis l’exercice budgétaire 2023, nous ne pouvons plus compter sur les crédits du plan de relance.
Ce budget s’inscrit par ailleurs dans un contexte toujours marqué par la flambée des prix de l’énergie, qui continue de peser fortement sur l’équilibre financier de structures comme les musées et les monuments. Elle affecte aussi de nombreuses collectivités territoriales, en première ligne pour assurer la sauvegarde et l’entretien des sites dont elles ont la charge.
Ce budget nous réserve plusieurs motifs de satisfaction. Je pense à la hausse des crédits alloués à l’entretien et à la restauration des monuments historiques, hors grands projets, au fonds incitatif pour le patrimoine ou encore aux études et travaux dédiés aux sites patrimoniaux remarquables.
Néanmoins, ces sites font face à un manque criant de personnel. Les Udap n’ont plus les effectifs suffisants pour répondre à l’ensemble des demandes. Plus largement, les carences des moyens humains des services déconcentrés de l’État appellent toute notre vigilance.
Il est important de le rappeler : ce sont d’abord nos petites collectivités territoriales qui pâtissent du manque d’agents qualifiés chargés d’accompagner ces projets.
Pour ce qui concerne les crédits alloués au patrimoine archéologique, il faut s’interroger sur l’allocation des moyens dégagés par la taxe d’archéologie préventive (TAP), à l’heure où les services territoriaux d’archéologie préventive témoignent des difficultés qu’entraîne pour eux la hausse des coûts d’intervention.
Enfin, on ne parvient toujours pas à concilier les enjeux de rénovation énergétique et la préservation du patrimoine. Une telle situation est tout à fait regrettable. En particulier, le diagnostic de performance énergétique (DPE) reste inadapté au bâti ancien.
Mes chers collègues, prenons soin des spécificités architecturales de notre bâti ancien, ADN de nos territoires : ce faisant – je le souligne à mon tour –, nous n’aurons plus besoin de le restaurer.
En résumé, si nous portons un regard globalement positif sur ce budget en matière de valorisation et de protection du patrimoine, nous émettons quelques réserves quant à sa capacité à répondre à l’ensemble des enjeux auxquels le secteur est confronté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Pierre Ouzoulias et Bernard Buis applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les différents orateurs l’ont rappelé, la culture n’en finit pas de vivre des secousses : crise de l’énergie, dérèglements climatiques, désordres géopolitiques, menaces sur la liberté de création, bouleversements induits par l’intelligence artificielle ou encore – il faut le dire – désengagement de certaines collectivités territoriales.
L’été dernier, des bibliothèques, des théâtres et des cinémas ont été la cible de violences urbaines. Et, depuis le 7 octobre dernier, nous subissons l’onde de choc des massacres barbares perpétrés par le Hamas : cette forme d’importation du conflit israélo-palestinien entraîne une flambée intolérable de l’antisémitisme dans notre pays.
Malgré tout, la culture continue de nous rassembler. Plus que jamais, elle doit nous rassembler.
Que ce soit dans l’intimité d’une lecture, dans la moiteur d’une salle de concert – une Smac, peut-être ? – ou sous les voûtes majestueuses d’un monument, la culture nous offre des émotions uniques et des imaginaires communs. Elle est le premier chemin vers l’altérité, la compréhension de l’autre, la tolérance et la lutte contre les préjugés. Comment combattre la haine sans la culture ?
Le budget pour 2023 était un budget de résilience et d’action ; c’est ainsi que je l’avais qualifié. Il avait pour mission non seulement de consolider les secteurs de la culture à l’issue de la crise sanitaire et de faire face à l’inflation, mais aussi de soutenir de nouvelles initiatives, comme la stratégie nationale en faveur des métiers d’art, le fonds d’innovation territoriale ou l’olympiade culturelle.
Bien entendu, le budget pour 2024 prend en compte l’inflation, en se fondant sur l’estimation de la Banque de France, à savoir une augmentation des prix de 2,6 % l’année prochaine. Mais sa progression est bien plus importante. Les crédits de la mission « Culture » s’établissent à un niveau historiquement haut. Ils atteignent 3,733 milliards d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2023.
Je souhaite que ce budget nous permette de transformer en profondeur le secteur de la culture, en impulsant et en accompagnant des mutations structurelles.
Il s’agit notamment d’accélérer la transition écologique. D’ailleurs, en complément de cette mission, le plan France 2030 mobilise 25 millions d’euros pour des appels à projets Alternatives vertes. J’ai également obtenu sur les fonds verts interministériels une enveloppe de 40 millions d’euros pour financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments culturels.
Il s’agit aussi de mieux produire et de mieux diffuser les œuvres dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels.
Il s’agit d’embrasser les nouvelles technologies pour mieux se préparer à toutes les mutations qu’elles vont entraîner.
Il s’agit de renouveler et de rajeunir les publics, d’où l’importance de notre politique en faveur de l’éducation artistique et culturelle (EAC), dont le pass Culture n’est évidemment pas le seul et unique outil.
Pour ce qui concerne ce pass, nous travaillons main dans la main avec l’éducation nationale, qui en gère la part collective. J’ajoute que les jeunes s’approprient de plus en plus ce dispositif : plus de 3 millions d’entre eux l’utilisent, et ce n’est pas une simple plateforme d’achat ou un vecteur de consommation.
Désormais, le pass Culture est surtout un outil au service des jeunes. Il leur propose des expériences, des parcours, des découvertes, des premières fois au théâtre ou au musée. Il leur permet de découvrir les métiers de la culture, notamment les métiers d’art. À ce titre, 700 activités ont été déployées par le pass Culture, et elles ont eu beaucoup de succès.
Avec ce budget, nous devons anticiper la relève des métiers, les nouvelles formations et l’évolution des compétences. Nous devons continuer à redynamiser les territoires, notamment par un soutien accru au patrimoine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’insiste à mon tour sur les nouvelles mesures prises en faveur du patrimoine religieux, inspirées en grande partie des travaux de vos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon. J’ajoute que, dans son ensemble, le patrimoine fait l’objet d’un effort historique : le budget qui lui est consacré atteint presque 1,2 milliard d’euros.
J’insiste également sur le renforcement du soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs. Les crédits dont il s’agit augmenteront de 12 millions d’euros et la photographie bénéficiera, dans ce cadre, d’un effort particulier en 2024.
En parallèle, nous renforçons de 20 millions d’euros les moyens des opérateurs des structures en région.
Je suis surprise d’entendre que les arts visuels seraient oubliés, qu’ils seraient les parents pauvres de ce budget : ils sont largement soutenus, notamment via l’acte II du programme de commandes artistiques Mondes nouveaux, qui n’existait pas avant la crise sanitaire.
De même, j’ai plusieurs fois mentionné la priorité que représentent, pour moi, les écoles nationales supérieures d’architecture. Cela se traduit par un certain nombre de revalorisations et d’augmentations dans le présent projet de loi de finances. Les moyens alloués à ces établissements ont ainsi augmenté d’un quart depuis mon arrivée à la tête du ministère.
Je ne reviens pas sur le déploiement de notre plan en faveur des métiers d’art, dont j’ai souvent parlé. Ces derniers sont également soutenus par le plan France 2030, dont les crédits ne relèvent pas de cette mission.
Nous avons décidé de sanctuariser notre soutien aux festivals par un fonds de 30 millions d’euros, auquel viennent s’ajouter les aides au Centre national de la musique (CNM). En cette année olympique, nous ferons évidemment preuve d’une vigilance absolue pour que tous les festivals se déroulent dans les meilleures conditions.
Après une année 2023 marquée par la stabilisation des emplois, nous assurons le renforcement des moyens du ministère.
La trajectoire pour 2024 permet la création de 125 équivalents temps plein travaillés (ETPT) par rapport à 2023. Ces nouveaux postes seront notamment dédiés au renforcement de la sécurité des acquisitions des musées, la recherche de provenance étant, je le sais, un sujet qui vous tient à cœur ; à la remise à niveau des moyens humains des établissements d’enseignement supérieur ; à la stratégie nationale en faveur des métiers d’art ; au Centre national de la musique ; ou encore à la Cité internationale de la langue française, qui vient d’ouvrir à Villers-Cotterêts. En parallèle, nous continuerons d’améliorer la rémunération des agents, notamment contractuels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion des amendements nous permettra de revenir sur un certain nombre de sujets.
En conclusion, j’insiste sur l’importance de notre coopération internationale.
Le ministère de la culture travaille main dans la main avec le Quai d’Orsay pour porter la voix de la France dans le monde et tisser de nouveaux partenariats internationaux.
La revue britannique Monocle – je l’ai appris hier – vient d’ailleurs de placer la France en tête du classement du soft power des nations ; on mesure ainsi la force de notre politique culturelle et son influence dans le monde. « France remains a cultural powerhouse », lit-on dans cet article. Oui, nous restons une grande puissance culturelle, une « puissance d’imaginaire », comme disait Malraux.
Ce budget historique permet de maintenir et d’amplifier notre ambition.
Avant que nous n’engagions l’examen des amendements, permettez-moi de sacrifier à un rituel que – vous le savez – je réserve au Sénat : la lecture d’un poème. En effet, derrière les chiffres dont nous parlons, il y a avant tout du sens, de l’humain, de la passion ; et je sais combien vous êtes attachés à la culture.
Hier soir, j’ai découvert ce texte du poète et slameur Capitaine Alexandre, dont je tiens à vous lire cet extrait :
« Il y a
« Et il y aura toujours
« Quelque chose.
« Quelque chose
« À sauver.
« Un vers de lumière,
« Une note de silence,
« Étincelles d’espérance
« Que rien ni personne
« Ne peut éteindre en nous.
« Il y a
« Et il y aura toujours
« Quelque chose.
« Quelque chose
« À sauver.
« Alors nous ne barricaderons jamais nos cœurs,
« Ne baisserons jamais la garde
« Et garderons à jamais
« Dans nos mots
« L’azur et l’aurore,
« Armes miraculeuses
« À portée de nos mains
« En fleurs généreuses.
« L’azur et l’aurore,
« Armes miraculeuses
« Qui nous fondent
« Et nous font tenir
« Au-dessus de la mêlée.
« Tenir
« À la paix
« À la dignité et à la justice
« Tenir
« À la tendresse
« Tenir et être
« Toujours
« Du côté de la vie. »
(Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximum de la discussion à deux heures et quinze minutes.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Culture |
4 182 862 087 |
3 899 919 894 |
Patrimoines |
1 474 217 348 |
1 188 610 999 |
Création |
1 029 200 129 |
1 038 973 016 |
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
833 262 796 |
828 080 514 |
Soutien aux politiques du ministère de la culture |
846 181 814 |
844 255 365 |
Dont titre 2 |
733 781 426 |
733 781 426 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-1445, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Article 35
État B
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
SOLDE |
2 000 000 |
2 000 000 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Cet amendement tend à restituer au programme « Patrimoines » les 2 millions d’euros que nos collègues députés y ont prélevés au profit des festivals.
Le Gouvernement l’ayant déposé après la réunion de la commission, cette dernière n’est pas en mesure d’exprimer un avis. Toutefois, à titre personnel, j’y suis évidemment favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1080, présenté par Mmes Brossel et Monier, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
33 371 650 |
|
33 371 650 |
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
33 371 650 |
|
33 371 650 |
TOTAL |
33 371 650 |
33 371 650 |
33 371 650 |
33 371 650 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Plusieurs orateurs ont évoqué l’éducation artistique et culturelle et exprimé le souhait, partagé au-delà du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que la dimension collective du pass Culture gagne en importance, afin, notamment, de sortir de la situation que vous avez évoquée, madame la ministre.
Nous ne pouvons qu’approuver votre ambition : généraliser les actions collectives à l’ensemble des élèves de sixième et de cinquième, qui sont aujourd’hui 1,3 million. Mais le budget ne consacre que 2 millions d’euros à l’élargissement du pass Culture.
Pour mener une politique réellement ambitieuse, il va falloir beaucoup plus de moyens. Nous avons fait le calcul, et le compte n’y est pas.
Vous ne pouvez pas renvoyer aux seuls budgets des opérateurs culturels, qui ne permettront pas d’accompagner l’ensemble des élèves de sixième et de cinquième. Ces jeunes doivent bénéficier d’une politique ambitieuse et résolue en matière d’éducation artistique et culturelle.
C’est le sens de la hausse de crédits que nous proposons. L’EAC doit être déployée partout, auprès de l’ensemble des élèves et dans toutes ses composantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. Ma chère collègue, vous proposez d’augmenter de 33 millions d’euros les crédits de l’EAC.
Comme vous, nous estimons naturellement que l’EAC doit être soutenue et valorisée. Je sais bien que l’on a pu craindre à l’origine une forme de déport de l’éducation artistique et culturelle vers le pass Culture. Mais, je vous le confirme, ce pass ne se substitue pas à l’EAC. Au contraire, il la renforce.
En outre, ce projet de loi de finances conforte le soutien à l’éducation artistique et culturelle, qui s’élève à 180 millions d’euros.
Animée par le souci de maîtrise des finances publiques, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Madame la sénatrice, nous avons déjà accompli énormément d’efforts en faveur de l’éducation artistique et culturelle dans son ensemble, auxquels s’ajoutent les moyens amplifiés dont bénéficie le pass Culture.
Aujourd’hui, dans les écoles primaires comme dans les collèges, trois élèves sur quatre participent à des actions et à des projets d’éducation artistique et culturelle. Dans ce cadre, nous travaillons évidemment en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale.
En outre, n’oublions pas ce que font directement les institutions culturelles que nous soutenons. Toutes sont engagées – c’est dans leur cahier des charges – dans le développement de l’éducation artistique et culturelle. Chaque théâtre, chaque musée est impliqué.
La veille des journées européennes du patrimoine (JEP), nous organisons une journée des scolaires avec une magnifique thématique, Levez les yeux !, pour inciter les jeunes à découvrir les monuments. Au-delà, toutes nos actions comprennent un volet d’éducation artistique.
En l’occurrence, nous parlons d’un budget aidant plus particulièrement des structures, comme le dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (Démos) ou des associations d’éducation artistique. Mais, je le répète, tout le reste du budget de la culture contient une part d’éducation artistique et culturelle.
Sur le fond, j’approuve votre ambition, mais j’estime que, budgétairement, nous faisons déjà le maximum.
Mme la présidente. Madame Brossel, l’amendement n° II-1080 est-il maintenu ?
Mme Colombe Brossel. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-549 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Tabarot, Brisson, C. Vial, Genet et Pellevat, Mmes Pluchet, Dumont et V. Boyer, M. Belin, Mme Belrhiti, MM. Bruyen et Chatillon, Mme Gosselin, MM. Houpert, D. Laurent et Panunzi, Mme Petrus et M. Saury, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
24 605 000 |
|
24 605 000 |
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
24 605 000 |
|
24 605 000 |
TOTAL |
24 605 000 |
24 605 000 |
24 605 000 |
24 605 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. « La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ». Cette phrase d’André Malraux résonne avec justesse, à l’heure où le niveau des élèves français ne cesse de baisser. Le ministre de l’éducation nationale vient d’ailleurs d’annoncer sa volonté de provoquer un « choc des savoirs ».
Mes chers collègues, dans le plus pur esprit républicain, qu’y a-t-il de plus égalitaire que de donner à tous les élèves les moyens d’accéder à la culture ?
Le pass Culture est un outil pertinent pour y parvenir. Pourquoi ne pas le rendre le plus efficient possible ? Nos communes font d’ailleurs face à une forte demande dans ce domaine de la part des écoles, notamment dans les zones rurales, où il ne suffit pas toujours de traverser la rue pour trouver un espace culturel…
La culture est un vecteur indispensable d’apprentissage. En la valorisant, on donne aux élèves les moyens d’accroître leurs capacités de réflexion. Bien sûr, l’acquisition des savoirs fondamentaux renforce aussi l’émancipation.
Voilà pourquoi nous proposons d’étendre le bénéfice de la part collective du pass Culture aux élèves de CM1 et CM2, à hauteur de 15 euros.
Mme la présidente. L’amendement n° II-550 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. Tabarot, Mme Primas, MM. Brisson, C. Vial, Genet et Pellevat, Mmes Pluchet, Dumont et V. Boyer, M. Belin, Mme Belrhiti, MM. Bruyen et Chatillon, Mme Gosselin, MM. Houpert, D. Laurent et Panunzi et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
11 405 000 |
|
11 405 000 |
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
11 405 000 |
|
11 405 000 |
TOTAL |
11 405 000 |
11 405 000 |
11 405 000 |
11 405 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Cet amendement de repli vise à limiter l’extension du bénéfice de la part collective du pass Culture aux seuls élèves de CM2.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. Ma chère collègue, on peut se réjouir de tels amendements, qui confirment que le pass Culture est un bon outil ; pour preuve, vous souhaitez l’étendre à d’autres publics.
Je ne vous le cache pas, à la lecture de ces amendements, j’ai été plutôt séduit.
M. Roger Karoutchi. Alors, dites oui !
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. Néanmoins, le volet collectif du pass relève non de la mission « Culture », mais de la mission « Enseignement scolaire ». Ces dispositions sont donc inopérantes.
Je vous rappelle que l’extension du pass Culture aux écoles est en cours d’expérimentation dans le cadre du plan Marseille en grand. Attendons d’en tirer le bilan.
Enfin, je formule deux réserves.
Premièrement, l’extension du pass Culture à toutes les écoles primaires de France risque fort d’entraîner le saupoudrage des crédits.
Deuxièmement, même si une telle mesure est prise un jour, la situation des écoles rurales restera problématique. Je connais des secteurs de mon département où, dans un rayon de vingt kilomètres, il n’y a pas d’offre culturelle. À ce titre, nous devons mener un vaste travail de fond.
Quoi qu’il en soit, ces dispositions sont inopérantes et la commission demande le retrait de ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Madame la sénatrice, je souhaite évidemment comme vous que les enfants de CM1 et de CM2 aient tous le meilleur accès à la culture ; mais la société pass Culture, qui vient de connaître un développement très rapide, a besoin pour l’instant de stabiliser son assise.
Le pass Culture a été étendu aux élèves de sixième et de cinquième en septembre dernier, après avoir été élargi, pour sa part collective, aux élèves de quatrième, troisième, seconde, première et terminale. Une telle extension est déjà très exigeante pour cette société, qu’il s’agisse des moyens humains ou technologiques.
La qualité du suivi suppose la vérification des offres mises en ligne par les acteurs culturels. Ce que nous voulons, c’est bien assurer la création de véritables parcours. Sinon, le pass Culture ne sera qu’une plateforme d’achat ou de réservation. Or nous avons l’ambition d’en faire un véritable outil d’engagement, d’implication et de participation, proposant des actions dans la durée.
En zone rurale, nous sommes en train d’expérimenter des transports groupés pour faciliter l’accès à des lieux culturels plus éloignés. En parallèle, l’expérimentation engagée à Marseille se poursuit.
L’année 2024 va permettre de tester de nouveaux développements du pass Culture. Nous pourrons sans doute en discuter lors de l’examen du prochain budget. Mais, pour l’heure, nous devons avant tout consolider les évolutions très rapides des deux dernières années.
Avant d’atteindre 18 ans et de bénéficier directement du pass Culture, les jeunes suivent une forme de « conduite accompagnée », qui commence maintenant encore plus tôt, dès le collège.
Le pass Culture doit encore gagner en qualité et en éditorialisation. Concentrons-nous sur cet objectif pour 2024.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Ce sont sans doute des amendements d’appel, mais, pour ma part, je les voterai, bien que ne les ayant pas cosignés. L’an prochain, ils pourront sans doute être déposés au titre de la mission « Enseignement scolaire ».
M. le rapporteur spécial l’a très bien dit : la culture n’attend pas le nombre des années. Mme la ministre l’a d’ailleurs confirmé.
En la matière, les petits ruraux méritent des efforts particuliers de notre part. Le pass Culture est en train de se déployer ; il porte plus ou moins ses fruits. Toujours est-il que l’éveil à la culture est possible dès le plus jeune âge. (Mme la ministre acquiesce.) D’ailleurs, les élèves de CM1 et de CM2 ne sont pas si jeunes que cela !
L’année prochaine, il faudra réellement réfléchir à étendre le pass Culture dans le sens que suggère Alexandra Borchio Fontimp.
Mme la présidente. Madame Borchio Fontimp, les amendements nos II-549 rectifié bis et II-550 rectifié bis sont-ils maintenus ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Oui, madame la présidente.
Monsieur le rapporteur spécial, on peut très bien retourner votre argument. En campagne, les enfants n’ont pas toujours des lieux culturels près de chez eux. Les mesures que je propose leur permettent précisément d’aller un peu plus loin.
Madame la ministre, j’ai bien compris qu’il fallait consolider l’assise du pass Culture. Mais je pensais que vous pouviez également l’ouvrir aux écoliers, puisque vous êtes des professionnels du « en même temps » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. À mon sens, une telle extension est prématurée.
Pour asseoir le pass Culture, il faut d’abord s’assurer qu’il fonctionne bien pour les jeunes de 18 ans – son premier objectif – et consolider sa part collective – son second objectif – ensuite.
Mes chers collègues, nous devons structurer l’éducation artistique et culturelle en lien avec le pass Culture, qui ne saurait la résumer à lui seul.
Faisons les choses dans l’ordre. Commençons par tirer le bilan des projets de l’EAC à l’aune de l’arrivée du pass Culture pour voir précisément quel est son impact positif. Certaines actions sont plébiscitées. D’autres offres ont été évincées ou, en tout cas, moins favorisées : soit elles ont été mal référencées, soit elles sont pécuniairement moins intéressantes ; c’est bien l’un des enjeux en la matière.
Avant tout, tâchons de stabiliser le pass Culture et d’améliorer son fonctionnement. Son budget a été déployé au pas de charge. Faisons une pause pour évaluer cette politique. La société pass Culture est tout de même le deuxième opérateur du ministère !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-549 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-550 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits de mission « Culture ».
L’amendement n° II-153, présenté par Mme Daniel, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
16 000 000 |
|
16 000 000 |
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
16 000 000 |
|
16 000 000 |
TOTAL |
16 000 000 |
16 000 000 |
16 000 000 |
16 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à revaloriser de 16 millions d’euros le montant des crédits alloués par l’État aux écoles d’art territoriales.
Celles-ci participent à la formation des étudiants dans de nombreux départements et villes. Elles s’inscrivent en complément de l’offre des écoles d’art soutenues par l’État.
Or elles rencontrent des difficultés particulières. Certaines sont déficitaires, voire risquent de fermer. Nous souhaitons donc vous alerter sur leur situation, madame la ministre.
La revalorisation des crédits permettra de financer plusieurs mesures : 7 millions d’euros au titre de la compensation du point d’indice ; 5 millions d’euros afin d’adapter la dotation de fonctionnement à l’accroissement des missions et à l’inflation ; 2 millions d’euros au titre de l’exonération des étudiants boursiers, qui n’a pas été compensée ; 2 millions d’euros au titre de la réforme du statut des enseignants.
Une telle revalorisation enverrait un signal fort aux villes et aux territoires. Au moment où les crédits du pass Culture ont été largement augmentés – cela a été souligné –, pour éveiller les plus jeunes à l’art et à la culture, il serait décevant de ne pas leur offrir de formations dans tous les territoires, d’autant plus que ces écoles contribuent au développement des métiers et des carrières culturelles en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. Cet amendement vise à accroître de 16 millions d’euros le montant des crédits alloués par l’État aux écoles supérieures d’art.
Je rappelle que celles-ci bénéficient déjà en 2024 de 70 millions d’euros sur la mission « Culture », dont 4 millions d’euros nouveaux pour financer des dépenses d’investissement.
Par ailleurs, les écoles d’art territoriales sont des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), c’est-à-dire des établissements créés et principalement financés par les collectivités. Ce sont donc ces dernières qui doivent assurer le financement nécessaire au fonctionnement de ces écoles.
La commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis défavorable.
Les écoles d’art territoriales, au nombre de trente-trois, ont été créées à l’origine par les collectivités et ont longtemps été gérées sous la forme de régie municipale, avant que la plupart ne deviennent des EPCC en 2011.
L’État a toujours représenté une part très minoritaire – entre 9 % et 11 % – de leur financement.
J’ai déjà consenti à un effort supplémentaire l’année dernière à hauteur de 2 millions d’euros – la dotation augmente ainsi de 14 % –, qui seront reconduits en 2024. À cette somme, il faut ajouter la hausse de 3 millions d’euros des crédits d’investissement, ce qui permettra de poursuivre des projets de rénovation dans les écoles de Bordeaux, de Bretagne, de Reims ou encore d’Aix-en-Provence.
J’ai missionné Pierre Oudart, qui a fait des préconisations sur l’avenir des écoles d’art. L’enjeu est de reprendre le dialogue avec les collectivités pour définir une feuille de route commune pour l’avenir autour de quatre enjeux.
Le premier, c’est de réfléchir sur la gouvernance, mais aussi à la place des régions, des intercommunalités ou d’autres collectivités, ainsi que sur les processus d’accréditation.
Le deuxième, c’est d’établir une cartographie et un tableau de bord de la santé financière des établissements pour pouvoir intervenir de manière plus ciblée.
Le troisième, c’est d’objectiver la dépense publique de l’État par étudiant, ce qui nous a été recommandé par un certain nombre d’entre vous, pour qu’on puisse corriger au mieux les écarts qui peuvent être injustifiés et qui sont en fait un héritage de l’histoire.
Le quatrième, c’est de mieux valoriser ces écoles grâce aux moyens de communication.
On s’attelle donc à ce plan d’action en lien avec les collectivités à partir d’aujourd’hui ; les moyens des écoles d’art territoriales ont déjà été renforcés pour 2024.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Madame la ministre, nous sommes inquiets pour les écoles supérieures d’art.
Je soutiens complètement l’amendement proposé au nom de la commission de la culture par Mme la rapporteure pour avis.
Les écoles supérieures d’art traversent un moment difficile. Certes – vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial –, elles dépendent non seulement de l’État, mais également – et principalement ! – des collectivités locales.
Néanmoins, il est important que l’État leur manifeste son soutien. Vous l’avez fait, madame la ministre, au travers de la mission que vous avez confiée à M. Oudart, que nous avons auditionné hier en commission, en présence de représentants de l’Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques (Andéa).
Nous le voyons bien, ces écoles rencontrent de nombreux problèmes, financiers, mais pas seulement, puisqu’ils concernent également le cadre d’action, le mode de gouvernance ou encore le positionnement territorial. Il faut prendre à bras-le-corps les difficultés que soulèvent les représentants des écoles supérieures d’art.
Il nous paraît important que, dans l’exercice budgétaire 2024, un signal fort soit envoyé aux écoles supérieures d’art.
C’est le sens de cet amendement, que je soutiens bien évidemment.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-153.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1200, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. - Créer un programme :
Fonds de soutien aux nouveaux talents.
II. - Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Fonds de soutien aux nouveaux talents |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à soutenir la découverte et l’accompagnement de nouveaux talents de la musique.
Le crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques (CIPP) permet de soutenir les nouveaux talents, c’est-à-dire les artistes, les groupes d’artistes, les compositeurs ou les artistes-interprètes n’ayant pas dépassé le seuil de 100 000 équivalents-ventes pour deux albums distincts précédant ce nouvel enregistrement.
Nous insistons sur la nécessité d’accompagner et d’aider les nouveaux talents à émerger sur la scène publique. Ce sont les artistes de demain. Ils assurent dans le même temps un renouvellement permanent du secteur culturel.
Néanmoins, nous aurions dû déposer cet amendement dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Je vais donc le retirer, même si je tenais à le présenter, car il est important pour les jeunes artistes.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1200 est retiré.
Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° II-522 rectifié est présenté par MM. Pellevat et Pointereau, Mmes Berthet, Joseph et Noël, MM. Belin, J.B. Blanc, Panunzi, H. Leroy et Genet, Mme Belrhiti et M. Savin.
L’amendement n° II-536 rectifié septies est présenté par MM. Bonhomme, Levi, Anglars, Frassa, Bouchet et Darnaud, Mmes Imbert et Gosselin, M. Reynaud, Mme Garnier, MM. Chatillon et Gremillet et Mme Ventalon.
L’amendement n° II-684 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
6 400 000 |
|
6 400 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
6 400 000 |
|
6 400 000 |
TOTAL |
6 400 000 |
6 400 000 |
6 400 000 |
6 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Else Joseph.
Mme Else Joseph. Cet amendement, déposé par Cyril Pellevat, concerne les Smac, instituées en 2010.
Le financement des Smac par l’État est fixé à 100 000 euros par lieu labellisé depuis 2017.
Or les Smac font face à un certain nombre de crises multifactorielles, ce qui leur pose des problèmes de financement.
Aussi, les Smac ne disposent plus des moyens pour mener à bien les missions qui leur sont confiées par le Gouvernement.
C’est pourquoi nous demandons au travers de cet amendement de relever le financement minimum des Smac à hauteur de 200 000 euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l’amendement n° II-536 rectifié septies.
M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-684 n’est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-1140 rectifié est présenté par M. G. Blanc.
L’amendement n° II-1188 est présenté par Mme Varaillas, MM. Ouzoulias, Bacchi, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
6 400 000 |
|
6 400 000 |
Création |
6 400 000 |
|
6 400 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
6 400 000 |
6 400 000 |
6 400 000 |
6 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L’amendement n° II-1140 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° II-1188.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1201, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
6 400 000 |
|
6 400 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
6 400 000 |
|
6 400 000 |
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
6 400 000 |
6 400 000 |
6 400 000 |
6 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° II-43 n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-151, présenté par Mme Daniel, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
3 680 000 |
|
3 680 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
3 680 000 |
|
3 680 000 |
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
3 680 000 |
3 680 000 |
3 680 000 |
3 680 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. Il s’agit de nouveau d’un amendement déposé au nom de la commission de la culture, issu d’un travail de concertation mené entre les différents groupes politiques, à la suite d’auditions de nombreux acteurs du secteur culturel, notamment des musiques actuelles.
Nous proposons de revaloriser la dotation globale de l’État aux scènes de musiques actuelles à hauteur de 3 680 000 euros. Cette somme est le fruit d’une négociation et d’un arbitrage.
Aussi, la dotation minimale de l’État atteindrait 175 000 euros, ce qui permettrait aux Smac de faire face à l’augmentation de leurs coûts, liée à l’inflation, mais pas seulement.
Nous proposons de gager cette hausse de crédits sur le pass Culture. Au moment où l’on souhaite élargir l’offre culturelle pour les jeunes au travers ce pass, il faut que suivent des structures d’accueil, une offre, et des scènes. Or la musique vivante est évidemment très appréciée et contribue à une telle offre. Elle participe aussi à l’animation culturelle des territoires.
C’est pour cette raison que nous vous proposons cet amendement, dont le montant est inférieur à ceux qui ont été précédemment défendus par mes collègues. Selon nous, il s’agit d’un amendement de compromis. C’est en ce sens qu’il a été rédigé. Il est évidemment très attendu par les acteurs de la filière.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1073 rectifié, présenté par MM. Savin, J.B. Blanc, H. Leroy et Burgoa, Mme Joseph, M. Panunzi, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mme Puissat, MM. Pointereau et Chatillon, Mmes Belrhiti et Borchio Fontimp et MM. Gremillet et Michallet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
1 380 000 |
|
1 380 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
1 380 000 |
|
1 380 000 |
TOTAL |
1 380 000 |
1 380 000 |
1 380 000 |
1 380 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Else Joseph.
Mme Else Joseph. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° II-522 rectifié. Le rehaussement du montant de la dotation minimale serait non pas de 200 000 euros, mais de 150 000 euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Tous ces amendements ont le même objet, mais les montants proposés peuvent varier.
La commission demande le retrait de l’ensemble des amendements en discussion commune au profit de l’amendement n° II-151, qui a été déposé par la commission de la culture. Le montant de 3,8 millions d’euros permet de garantir un soutien minimum de l’État à 175 000 euros pour chacune des Smac. Cet amendement de compromis nous paraît être la bonne solution.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Il s’agit d’un sujet très important, et je vous remercie de votre mobilisation collective et de votre intérêt pour quatre-vingt-douze Smac, réparties sur l’ensemble du territoire, mesdames, messieurs les sénateurs.
Elles permettent de soutenir toutes les diversités esthétiques de la musique, de toutes les musiques, aussi bien des pratiques amateurs que professionnelles.
Elles soutiennent près de 11 000 artistes ou groupes par saison. Elles assurent la vitalité musicale d’un certain nombre de territoires, y compris ruraux.
Ce modèle est aujourd’hui fragilisé, pour des raisons conjoncturelles – je ne reviendrai pas sur les différentes crises, comme l’inflation, qui touche toutes les structures du secteur de la culture –, mais également structurelles.
Selon les recettes propres des Smac, les difficultés ne sont pas les mêmes. Certaines ont un taux élevé de recettes propres – je pense à la Smac Le Brise Glace à Annecy –, tandis que d’autres ont un taux très bas, à l’instar de la Smac Le Moloco à Audincourt, et je pourrais vous citer beaucoup d’autres exemples.
C’est très difficile d’avoir une approche uniforme et de dire qu’il faudrait un plancher commun pour toutes. Elles n’ont ni les mêmes jauges, ni les mêmes histoires, ni les mêmes réalités !
Partant de ce principe, il m’est vraiment difficile de suivre votre proposition de répondre à ces situations de façon uniforme.
J’ai demandé à chacun de nos Drac de me faire remonter de façon très précise les chiffres. Voilà déjà plusieurs semaines que je me penche sur la situation très fragile des Smac, qui me préoccupe. Selon les chiffres qui m’ont été remontés, le besoin global de financement se situerait plutôt entre 3 millions d’euros et 4 millions d’euros.
J’ajoute qu’elles peuvent aussi compter sur les aides du CNM. D’ailleurs, avant la création du CNM, à l’époque du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, les aides aux salles en général se sont élevées à environ 2 millions d’euros. Depuis lors, nous les avons augmentées à 6 millions d’euros. Or, depuis la création du CNM, près de 80 % de ces aides sont versées aux Smac. Ce complément, extrêmement important, n’existait pas pour nos Smac avant la crise sanitaire ni avant la création du CNM ; il faut l’avoir en tête !
D’ailleurs, le CNM peut également verser des aides à l’équipement, auxquelles les Smac sont éligibles.
De plus, nous lançons le chantier Mieux produire, mieux diffuser, qui permet à certaines Smac d’être davantage insérées dans des réseaux de coopération et de coproduction. Il sera aussi possible de les soutenir via ce plan.
C’est pourquoi un « rebasage » commun à l’ensemble des Smac, comme vous le préconisez, nous semble compliqué. De plus, les montants que j’ai lus dans vos amendements, vont bien au-delà de nos estimations des besoins des Smac.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur tous les amendements en discussion commune, à l’exception de l’amendement n° II-151, sur lequel je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. De notre côté, nous continuons à travailler pour dégager des marges et pour accompagner les Smac.
Mme la présidente. Madame Joseph, l’amendement n° II-522 rectifié est-il maintenu ?
Mme Else Joseph. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-522 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° II-536 rectifié septies, monsieur Levi ?
M. Pierre-Antoine Levi. Je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-536 rectifié septies est retiré.
Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° II-1188 est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1188 est retiré.
Madame Ollivier, quid de l’amendement n° II-1201 ?
Mme Mathilde Ollivier. Il est retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1201 est retiré.
Enfin, l’amendement n° II-1073 rectifié est-il maintenu, madame Joseph ?
Mme Else Joseph. Non, il est retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1073 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-151.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage ?
Mme Sylvie Robert. Si vous ne levez pas le gage, cela ne sert à rien !
M. Roger Karoutchi. Sans levée de gage, l’amendement n’aurait plus de sens !
M. Pierre Ouzoulias. Nous vous aiderons contre Bercy, madame la ministre !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je ne lève pas le gage, madame la présidente. (Nouvelles protestations.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1086, présenté par Mme Monier, M. Kanner, Mmes Briquet et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
6 000 000 |
|
6 000 000 |
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
6 000 000 |
|
6 000 000 |
Éducation aux médias et à l’information |
|
|
|
|
TOTAL |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Dans ce budget, les crédits alloués aux études et travaux des sites patrimoniaux remarquables (SPR) ont augmenté. Cela traduit un soutien à ce dispositif, qui a été créé dans le cadre de la loi de 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine et qui bénéficie à quelque 900 communes.
Les SPR rencontrent un fort intérêt de la part de nos collectivités et sont reconnus dans le cadre des politiques de revitalisation des centres historiques et de réhabilitation des logements, y compris dans les programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain.
Leur bon fonctionnement repose toutefois sur les personnels des Udap. Beaucoup parmi vous ont rappelé dans cet hémicycle qu’ils sont en nombre insuffisant pour répondre à l’ensemble des demandes. Selon les estimations, ils auraient besoin d’être 100 à 150 agents supplémentaires.
Cet amendement vise par conséquent à financer le renforcement des effectifs des Udap.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Cet amendement, sans le qualifier de « marronnier », avait déjà été présenté l’année dernière et fait l’objet d’une demande de retrait. Même motif, même punition : j’en demande le retrait cette année, faute de quoi l’avis serait défavorable.
C’est bien de prévoir des crédits pour créer des emplois, mais il n’est pas possible de modifier réellement les montants accordés aux rémunérations des agents des Drac sans modifier du plafond d’emploi.
Ainsi, même si cet amendement était adopté, il serait concrètement dépourvu d’effets.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis défavorable.
Madame la sénatrice, je vous remercie de vous soucier des moyens humains consacrés à la conservation du patrimoine.
Je tiens à vous dire qu’on y a déjà répondu en partie par l’organisation de concours d’ingénieurs et de techniciens. Du reste, ces métiers manquent d’attractivité. On doit donc la favoriser.
Parfois, les architectes des Bâtiments de France sont épaulés dans leurs missions par des architectes contractuels.
De plus, nous renforçons l’expertise technique des Udap. Nous avons sanctuarisé le plafond d’emploi ; nous avons revalorisé les régimes indemnitaires. D’ailleurs, 77 % des agents revalorisés travaillent en Udap.
Nous continuons aussi à assister les ABF conservateurs de cathédrale. Ainsi, j’ai décidé de leur affecter davantage d’assistants à maîtrise d’ouvrage, et cela se développe largement.
Nous sommes très attentifs à ce que nos équipes chargées de la conservation du patrimoine puissent travailler dans les meilleures conditions possible.
Compte tenu de notre plafond d’emploi, je ne puis être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1085, présenté par Mme Monier, M. Kanner, Mmes Briquet et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Éducation aux médias et à l’information |
|
|
|
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Par cet amendement, nous proposons, en complément du fonds incitatif et partenarial visant à aider les collectivités à faibles ressources à financer les travaux d’entretien, de restauration et de mise en valeur des monuments historiques, de créer un fonds d’expérimentation permettant aux Drac de proposer une assistance à maîtrise d’ouvrage à titre gracieux en direction de ces mêmes collectivités.
Le rapport publié en 2022 par la Cour des comptes sur la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental a établi que cette disposition a été très peu suivie d’effets, depuis qu’elle est prévue dans code du patrimoine après que la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les monuments a été rendue aux propriétaires.
Or, dans nombre de collectivités, des porteurs de projets publics ont besoin d’un accompagnement technique. La non-satisfaction contribue à entretenir la sous-consommation des crédits consacrés aux monuments historiques.
Cet argument est corroboré par le dispositif mis en place depuis plus d’une dizaine d’années par la Drac de Bretagne.
L’expérience menée dans cette région paraissant particulièrement probante, nous proposons que d’autres territoires puissent développer à titre expérimental des conventions assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) à titre gracieux en vue de l’entretien, de la restauration, de la mise en valeur de monuments historiques appartenant à des collectivités à faibles ressources.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Demande de retrait, pour les raisons que j’ai déjà exposées s’agissant de l’amendement n° II-1086.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis défavorable.
En réalité, cet amendement est satisfait. Le dispositif mis en place par la Drac de Bretagne, qu’il est proposé d’étendre à titre expérimental est déjà prévu dans le code du patrimoine.
Les services des Drac peuvent d’ores et déjà apporter une assistance gratuite aux collectivités territoriales propriétaires de monuments historiques qui ne disposent pas de ressources suffisantes.
Par ailleurs, dans le cadre du plan France Ruralités, nouvelle mesure annoncée en juin dernier, le programme d’ingénierie Villages d’avenir va permettre d’accompagner les projets des petites communes, notamment en matière de restauration du patrimoine.
Nous avons mentionné précédemment la collecte en soutien aux patrimoines religieux, notamment dans les petites communes. Près de 10 % de cette collecte vont aller directement au soutien en ingénierie de ces communes. Voilà de nouvelles modalités de soutien, à destination, notamment, des maires des petites communes !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1187, présenté par Mme Brulin, MM. Ouzoulias, Bacchi, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
||
Création |
|
|
||
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
5 842 496 |
|
5 842 496 |
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
5 842 496 |
|
5 842 496 |
TOTAL |
5 842 496 |
5 842 496 |
5 842 496 |
5 842 496 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à harmoniser les rémunérations des professeurs contractuels des écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa) sur celles des professeurs titulaires.
En effet, les professeurs contractuels ont une rémunération au niveau du Smic, ce qui ne nous paraît pas acceptable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1196 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
||||
Création |
||||
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1079, présenté par Mme S. Robert, M. Ziane, Mme Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
1 780 000 |
|
1 780 000 |
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
1 780 000 |
|
1 780 000 |
TOTAL |
1 780 000 |
1 780 000 |
1 780 000 |
1 780 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, l’année dernière, la commission de la culture avait déposé un amendement visant à compléter le financement des enseignants contractuels des Ensa à hauteur de 2,2 millions d’euros. Il avait d’ailleurs été adopté par notre assemblée.
Cette année, comme l’a dit notre collègue, la rémunération est encore en deçà, puisqu’il faut bien sûr revaloriser la grille indiciaire.
C’est important pour le bon fonctionnement de ces écoles d’architecture. Vous le savez, cette augmentation serait à la fois une marque de reconnaissance et une mesure de justice sociale.
Aujourd’hui, les jeunes ont, je le crois, une appétence très forte pour les écoles d’architecture. Les enseignements contractuels y jouent un rôle très important.
Pour maintenir un enseignement de qualité, cette revalorisation est nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. Ces trois amendements concernent les écoles d’architecture.
Notre collègue Sylvie Robert a raison de rappeler que l’an dernier le Sénat avait adopté des amendements similaires.
Mais, cette année, la contribution du ministère en faveur des écoles d’architecture devrait atteindre 220 millions d’euros, ce qui représente une progression de 14,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5,05 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Un effort particulier est également consenti en direction des dépenses de personnel de ces écoles : le plafond d’emploi des écoles a déjà été rehaussé de 30 ETP par rapport au plafond d’emploi de l’an dernier.
Ces évolutions positives doivent être soulignées.
Je demande donc le retrait de ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Nous avons déjà fait d’importants efforts pour les écoles d’architecture.
Nous avons revalorisé les contractuels en 2023. Avec les représentants du personnel, nous sommes en pleine concertation sur les grilles de salaire des contractuels du ministère, dite grille Albanel. Nous avons signé un accord de méthode.
Nous reparlerons de cette question au cours de l’examen du budget pour l’année 2025.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-II-1196 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-500 rectifié ter, présenté par M. J.B. Blanc, Mme Estrosi Sassone, MM. Somon et Klinger, Mme Gruny, MM. Panunzi et Sautarel, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mme Drexler, M. H. Leroy, Mmes Aeschlimann, M. Mercier et Schalck, MM. Pellevat, Bouchet et Cadec, Mmes Belrhiti et Gosselin, MM. Tabarot et Gremillet, Mme Di Folco et M. Rapin, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Patrimoines |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Laurent Somon.
Que je vous dise en vers, madame la ministre,
Et sans utiliser en l’air l’anthraconistre,
Les besoins nécessaires, en transferts de crédits,
Des collectivités, en archéologie !
L’Inrap bénéficie de crédits abondés,
Sous l’effet de ses frais, en augmentation,
Le parallèle est moins vrai pour les collectivités,
Guère soutenues dans leur intervention.
Différentiel d’autant moins justifiable
Que l’État perçoit le produit non négligeable,
De la taxe d’archéologie préventive, la TAP,
Dont le montant outrepasse bien largement
Celui qu’à ces crédits elle verse expressément.
Je vous propose un traitement plus équitable
Aux opérateurs qui remplissent missions semblables.
Formulant cet amendement en poésie,
Vous répondrez, assurément, avec envie.
Transférons 5 millions d’euros du programme
Cent soixante-dix-sept vers le deux cent vingt-quatre,
Ceux de votre ministère,
Afin de compenser aux collectivités
Leurs coûts, car soixante-deux sont habilitées,
Et concourent à cette mission complémentaire.
(Vifs applaudissements.)
M. Olivier Paccaud. Bravo ! Somon Corneille !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement. (Exclamations sur l’ensemble des travées.)
Pour accompagner l’évolution du dispositif, la dotation budgétaire a été augmentée de 14,2 millions d’euros, soit 2,5 millions d’euros de plus par rapport à l’année précédente.
L’amendement est donc en partie déjà satisfait !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Paccaud. En vers, madame la ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. Nous soutiendrons cet amendement, dont les dispositions répondent à un véritable besoin.
On le sait très bien, le différentiel lié à la taxe d’archéologie préventive est important. Aussi, les montants permettant d’accompagner ceux qui participent à la mission d’intérêt public de l’archéologie préventive ne sont pas suffisants. Le compte n’y est pas !
Plus on avance, plus les dossiers arrivent, et plus les collectivités doivent prendre des décisions relatives à l’archéologie préventive.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je soutiendrai également cet amendement, parce que les 5 millions d’euros vont vers toute l’archéologie préventive, celle qui relève des collectivités comme celle qui relève de l’État.
Or, madame la ministre, de nouveaux chantiers s’imposent, à commencer par celui qui est lié au retrait du trait de côte, qui touche tous les littoraux français et qui met au jour des vestiges archéologiques dont la préservation n’est actuellement pas financée.
Nos collègues vous l’ont dit : plusieurs dizaines de millions d’euros de marges budgétaires ne sont pas utilisés et filent directement dans les coffres de Bercy. Cet argent pourrait être mobilisé sur de nouveaux projets liés aux problèmes que pose au patrimoine archéologique le réchauffement climatique : le retrait du trait de côte, mais aussi le retrait des glaciers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour explication de vote.
Mme Sabine Drexler. Chaque année, dans nos rapports, nous attirons votre attention sur le sujet. Les politiques d’aménagement du territoire connaissent actuellement des mutations profondes : « zéro artificialisation nette », accroissement des coûts, complexité technique accrue des diagnostics.
Il serait important que vous entendiez notre demande, madame la ministre.
Mme la présidente. L’amendement n° II-538 rectifié bis, présenté par MM. Patriat, Rambaud et Buis, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
3 200 000 |
|
3 200 000 |
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
3 200 000 |
|
3 200 000 |
TOTAL |
3 200 000 |
3 200 000 |
3 200 000 |
3 200 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Cet amendement d’urgence vise à sauvegarder l’un des joyaux de notre patrimoine : le domaine national de Chambord.
Selon un récent rapport de la Cour des comptes, celui-ci fait face à des dégradations majeures situées dans l’aile royale du château ; elles sont suffisamment inquiétantes pour que cette partie du bâtiment ait été fermée au public par mesure de sécurité.
Compte tenu de l’enjeu en matière de préservation du patrimoine, le budget alloué à Chambord pour 2024, qui s’élève à 2,8 millions d’euros paraît insuffisant, s’agissant du deuxième château le plus visité de France, qui assume, en outre, intégralement l’entretien du grand parc de Rambouillet, une charge qui pèse lourdement sur son fonctionnement.
Cet amendement vise donc à financer une partie des investissements nécessaires pour sauvegarder le patrimoine de Chambord ; ils seront étalés sur quatre ans.
Au-delà de l’investissement, une partie des crédits vise à financer également le coût de fonctionnement du domaine ; ils lui permettront de recruter le conducteur de travaux, le conservateur du patrimoine et les techniciens nécessaires pour mener ces opérations.
Il s’agit donc véritablement d’un amendement d’urgence. Pour autant, le domaine national de Chambord doit bien évidemment dégager davantage de ressources propres à l’avenir. L’adoption prochaine d’un schéma directeur pour 2024 est une bonne nouvelle en ce sens.
Enfin, afin que cet amendement puisse être adopté, je demande au Gouvernement de lever le gage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat, en considération du rapport très récent de la Cour des comptes. Celui-ci la nécessité d’une campagne de restauration structurelle pour sauvegarder l’aile François Ier et l’ouvrir à nouveau au public s’impose. Il évoque également de graves problèmes de structure et des doutes relatifs à la solidité des planchers, qui ont conduit le domaine à fermer plusieurs salles en 2019.
Au regard d’autres investissements réalisés sur le patrimoine monumental de l’État, il ne paraît pas excessif de consacrer 3,2 millions d’euros à un monument de cette importance.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis favorable au vu des travaux d’urgence et de stabilisation nécessaires, et je lève le gage sur cet amendement. (Exclamations.)
Mme Monique de Marco. Je suis scandalisée !
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-538 rectifié ter.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Madame la ministre, nous souhaitons bien sûr soutenir Chambord, mais nous sommes surpris par la méthode.
Cet amendement, qui a probablement été, sinon téléguidé, disons rédigé après des conseils, concerne un château qui n’a pas été découvert voilà une semaine : Chambord est sous l’autorité de l’État depuis bien longtemps.
Nous nous étonnons que ces crédits ne soient pas inscrits dans votre version initiale du projet de loi de finances, que vous n’ayez pas anticipé la nécessité d’investir rapidement et que cette mesure déboule finalement au Sénat par le biais d’un amendement.
Je le voterai personnellement, parce que Chambord mérite d’être soutenu, mais la méthode mériterait d’être revue.
M. Olivier Paccaud. Souvent Gouvernement varie ; bien fol est qui s’y fie ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Je m’étonne – pour le dire poliment – d’une telle méthode.
Voilà quelques minutes, un amendement travaillé de manière transpartisane au sein de la commission de la culture, fruit d’auditions et d’échanges avec les acteurs, ayant recueilli un avis favorable de la commission des finances a été voté très largement par notre assemblée. Et vous n’avez pourtant pas levé son gage, madame la ministre.
Et maintenant, nous sommes supposés agir comme de petits opérateurs sur des questions qui se traitent en dehors de cette assemblée ? Pardonnez-moi : les parlementaires ne sont pas là pour cela.
Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. L’an passé nous avions vu arriver un amendement Versailles, qui émanait du même groupe. Cette année, c’est un amendement Chambord. La méthode me semble une nouvelle fois un peu cavalière.
M. Roger Karoutchi. Rien de nouveau sous le soleil !
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Je partage ce qui vient d’être dit. Compte tenu de votre refus de lever le gage sur les Smac, nous ne voterons pas cet amendement, qui sera peut-être adopté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. J’ajoute aux interventions précédentes que les écoles d’art territoriales appartiennent au patrimoine culturel immatériel de notre pays et forment ses artistes. Elles méritaient autant que le château de Chambord, qui constitue également un patrimoine exceptionnel, de faire l’objet d’une levée de gage.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je souhaite apporter quelques précisions. L’État est seul à financer le domaine de Chambord. Ce n’est donc pas le même cas de figure que des écoles d’art territoriales créées et gérées par les collectivités.
Ensuite, après le rapport de la Cour des comptes, nous sommes en train de travailler à un schéma directeur des travaux pour Chambord, qui n’est pas encore prêt. Or des travaux de stabilisation doivent être menés urgemment.
Nous ne nous trouvons pas du tout dans le même cas de figure que l’an dernier, au moment d’examiner l’amendement concernant Versailles : il s’agit de travaux urgents à mener sur un joyau de notre patrimoine.
C’est la raison pour laquelle notre avis a été favorable. Cela ne me semble pas comparable à la levée d’un gage sur le pass Culture, qui est une dépense de guichet. Les deux sujets sont complètement différents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, vous indiquez que le Gouvernement s’occupe seul de Chambord, mais les collectivités territoriales sont, elles aussi, bien seules face au financement des écoles territoriales d’art.
C’est pourquoi un coup de pouce de l’État est plus que nécessaire. Je joins donc ma parole à celle de nos collègues pour souhaiter que le gage soit également levé sur l’amendement qui les concerne, voté à l’unanimité, préparé de manière transpartisane et absolument nécessaire.
Des écoles d’art sont en grand danger, madame la ministre ; elles sont sur le point de fermer !
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. Il ne fallait pas les créer !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Nous parlons des écoles territoriales d’art et des Smac. Nous avons en effet été émus par la réponse de la ministre, qui n’a pas souhaité lever le gage sur l’amendement concernant ces dernières.
Je rappelle que cet amendement, proposé et défendu par la commission, est gagé sur le pass Culture. Nous en sommes satisfaits, mes chers collègues : êtes-vous d’accord ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait !
Mme Sylvie Robert. Notre souhait était toutefois que vous nous donniez un signal selon lequel cette dotation serait maintenue dans le texte qui passera au 49.3. Car cela va finir ainsi.
Mme Sylvie Robert. C’est compliqué, je le sais bien. Mais c’est le message que le Sénat voulait envoyer aujourd’hui.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-538 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 157 |
Pour l’adoption | 157 |
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° II-1199, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
||||
Création |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
||||
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement concerne le soutien aux petits et aux moyens festivals culturels, à travers le renforcement du fonds festivals.
De nombreux festivals font face à une situation exceptionnelle et rencontrent des difficultés pour boucler leur financement. Cet amendement vise donc à prévoir un budget global de 500 000 euros pour ce fonds. Il s’agit d’une mesure d’égalité et de valorisation du patrimoine culturel.
Ces festivals contribuent au maillage territorial et à l’accès à la culture dans les zones rurales. En outre, ils sont force de proposition pour la transition écologique dans le secteur.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1072, présenté par M. Dossus, Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien aux associations de réduction des risques
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
|
|
|
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Fonds de soutien aux associations de réduction des risques |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement, qui a déjà été déposé l’année dernière, vise à soutenir le travail des associations de réduction des risques en milieu festif.
Il s’agit de sensibiliser aux usages de la drogue, de réduire les risques liés et de faire de la prévention dans de nombreux concerts, festivals ou rassemblements culturels.
Ce travail est indispensable pour assurer la sécurité sanitaire des événements festifs. C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’un budget national alloué aux associations, symboliquement fixé à 1 million d’euros, mais qui mériterait d’être abondé, afin d’assurer la présence de ses bénéficiaires sur tout le territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Un amendement tendant à augmenter le fonds festivals de 2 millions d’euros a été retenu dans le texte définitif issu de l’Assemblée nationale. De plus, les festivals ont bénéficié en août 2023 d’une fréquentation exceptionnelle, en hausse de 13 %.
Nous demandons donc le retrait de l’amendement n° II-1199, qui est quasiment satisfait. À défaut, l’avis serait défavorable.
J’en viens à l’amendement n° II-1072. La commission des finances est traditionnellement prudente quant à l’essaimage de crédits sur des opérations transverses. En l’occurrence, il s’agit de lutte contre les addictions. Nous ne sommes pas certains que la mission « Culture » soit le bon cadre pour cela. Nous demandons également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis.
Le premier amendement est satisfait par l’intégration dans le texte issu de l’Assemblée nationale d’un amendement apportant 2 millions d’euros supplémentaires au fonds festivals, lui-même sanctuarisé à 30 millions d’euros, ce qui est un niveau historique. En plus, il y a des aides du CNM.
Le second concerne les opérations de prévention, qui sont une question importante. Tous les festivals sont mobilisés. J’en ai moi-même visité une vingtaine cet été ; j’ai rencontré dans chacun d’entre eux des équipes ou des brigades de prévention, et des applications dédiées étaient déployées sur les téléphones. En outre, ces opérations sont également éligibles aux aides du CNM.
Les deux amendements me semblent donc satisfaits.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1204 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
|
|
|
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
2 000 000 |
|
2 000 000 |
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement d’appel se réfère à l’article 2 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, qui concerne le maintien des lieux culturels. Il vise à doter le ministère de la culture d’un fonds spécifique visant à aider les lieux culturels à faire face à la pression financière des propriétaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. L’ordonnance citée dispose qu’un lieu de spectacle « ne peut recevoir une autre affectation ni être démoli sans que le propriétaire ou l’usager ait obtenu l’autorisation du ministre chargé de la culture ». Il n’existe donc pas de difficulté juridique ou budgétaire à cet égard.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis.
Je ne manque jamais de rappeler la force de cette ordonnance ; je l’ai fait récemment à Marseille, pour l’association Montévidéo. J’ai écrit au propriétaire pour lui rappeler que ce texte lui interdisait de vendre cette salle ou de la détruire pour en faire autre chose. À cette occasion, j’ai échangé avec le maire, qui soutenait la même ligne que moi. Cette ordonnance vaut déjà de l’or !
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, quid alors du Gaumont Champs-Élysées Marignan ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1204 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-152, présenté par Mme Daniel, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
|
|
|
|
Création |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. Cet amendement de la commission de la culture, qui fait suite à de nombreuses auditions et concertations, vise à revaloriser de 1 million d’euros le montant des crédits destinés à la mise en œuvre du programme Mieux produire, mieux diffuser, dans le champ des arts visuels.
Ce secteur n’est en effet destinataire que de 10 % des crédits alloués à ce nouveau programme, soit une part inférieure à celle qui lui revient dans le cadre de la répartition des crédits du programme 131. Or il faut le soutenir en matière de production, de diffusion et d’accompagnement des publics.
Il est proposé de financer cette mesure via un transfert de crédits du pass Culture, inscrit sur le programme 361, vers l’action n° 02 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels » du programme 131 « Création ».
Je le dis à toutes fins utiles, madame la ministre : si, d’aventure, vous vous apprêtiez à livrer un avis de sagesse sur cet amendement, il serait nécessaire, voire cohérent, de lever le gage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement ; il semble plus simple d’attendre la première année de déploiement du plan avant d’augmenter ses crédits.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-152.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1189, présenté par MM. Ouzoulias, Bacchi, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
1 |
|
1 |
|
Création |
1 |
1 |
||
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
||||
Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
||||
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est retiré. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-1189 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Médias, livre et industries culturelles
Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles » traduit la mission de régulation de l’État.
Si celui-ci n’a pas vocation à se substituer aux industries culturelles, son intervention est précieuse dans la plupart des différents domaines couverts par cette mission pour un montant de 742 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 736 millions d’euros en crédits de paiement. Ces chiffres représentent une progression respectivement de 5,6 % et de 4,4 % par rapport à la loi de finances pour 2023.
Quatre grands axes peuvent être distingués.
Premièrement, la moitié de ses crédits est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Le montant total de ces aides diminue de 0,3 % par rapport à 2023 ; il devrait atteindre 196,5 millions d’euros en crédits de paiement en 2024.
Les difficultés structurelles du secteur de la presse écrite, dans un contexte de concurrence avec d’autres modes d’information, font déjà l’objet de multiples analyses : je ne vais donc pas m’y appesantir. Indiquons simplement que le chiffre d’affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022 et que cette tendance est malheureusement appelée à durer.
La réforme des aides à la presse est un véritable serpent de mer. Pour autant, il sera intéressant d’observer si des propositions concrètes concernant le modèle économique de la presse et du soutien public apporté aux titres d’information sortent des états généraux de l’information.
Deuxièmement, la mission porte une partie des crédits dédiés à la politique du livre. Ceux-ci sont toutefois loin de résumer l’action du ministère en la matière, qui est éclatée entre plusieurs programmes.
La majeure partie des moyens accordés par la mission au secteur est destinée aux grandes bibliothèques nationales et au Centre national du livre.
Les crédits sont d’ailleurs en forte hausse par rapport à 2023 : +10,4 % en autorisations d’engagement et +7,5 % en crédits de paiement. Il s’agit surtout de couvrir le coût de l’inflation pour ces opérateurs et de poursuivre les différents chantiers – titanesques ! – de leurs bâtiments.
Troisième axe, la mission porte les emplois du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui ne bénéficie toutefois d’aucun crédit budgétaire ; il ne manquerait plus que ça ! Son budget annuel – 829 millions d’euros en 2023 – est abondé par quatre taxes affectées, et son action est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d’impôts, dont la dynamique est sans précédent. La dépense fiscale en faveur du cinéma devrait ainsi s’élever à 527 millions d’euros en 2024, en hausse de 11 % par rapport à 2023.
Le quatrième axe, enfin, est le financement du CNM. Si l’argent ruisselle allégrement sur le cinéma et le pass Culture, la musique, elle, n’est pas sous le robinet !
Rapporteur de la proposition de loi créant le CNM en 2019, j’avais pointé à l’époque l’inadéquation entre, d’une part, la noble ambition affichée – faire du CNM l’équivalent du CNC dans le secteur de la musique –, et, d’autre part, les moyens réellement confiés à cet établissement public.
Au mois de juin dernier, le jour de la fête de la musique, le Président de la République a mis en demeure les acteurs du secteur de trouver entre eux, et avant le 30 septembre, une nouvelle solution de financement, sous peine de la mise en place d’une taxe spécifique.
Nous sommes mi-décembre et, telle Sœur Anne, nous ne voyons toujours rien venir !
Le Sénat a donc pris ses responsabilités en votant à une large majorité dans la première partie du PLF 2024 la désormais fameuse taxe sur le streaming.
Reste à savoir ce que vous-même, madame la ministre, vous choisirez de conserver, ou pas, dans la frénésie de 49.3 qui sévit dans notre pays.
Passons maintenant au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Celui-ci retrace l’intégralité des crédits destinés aux six organismes de l’audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et Arte.
Ces crédits passent désormais par l’affectation d’une fraction de TVA, dont le montant s’élève à 4 025 milliards d’euros, en hausse de 209,4 millions d’euros par rapport à 2023, soit 5,49 %. Cette augmentation s’ajoute à celle de 114 millions d’euros déjà constatée entre 2022 et 2023.
Par ailleurs, si le Gouvernement applique la trajectoire figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 et 2027, les montants accordés aux six sociétés d’audiovisuel public devraient avoir augmenté de près d’un demi-milliard d’euros, soit 13 %, entre 2022 et 2027.
Ce PLF 2024, c’est Noël avant l’heure pour une partie des entreprises de l’audiovisuel public, notamment pour France Télévisions. Celles-ci bénéficieront d’avances finançant, nous dit-on, des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM).
Un bémol toutefois : nous ne connaissons pas le contenu de ces COM au moment du vote. Nous devons donc nous prononcer à l’aveugle. Ce n’est pas dans les habitudes de la maison !
En vérité, la situation est devenue insupportable. Il n’y a toujours pas de réelle stratégie pour l’audiovisuel public, aucun cap clair et fiable, tout juste un aimable bricolage qui ne trompe personne. Vous n’avez toujours pas prévu, non plus, de financement pérenne. Après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), l’affectation d’une fraction de TVA sera contraire à la Lolf dès le 1er janvier 2025.
Le risque est donc grand de voir pérennisée sans débats une solution initialement prévue pour être temporaire. Inutile de vous préciser, madame la ministre, que cela ne fait pas non plus partie des habitudes de la maison !
J’ai donc logiquement déposé un amendement de crédits visant à ramener les montants accordés à l’audiovisuel public au niveau de ceux qui étaient prévus dans la loi de finances initiale pour 2023.
Nous adopterons donc les crédits de ce compte de concours financiers s’ils sont modifiés par cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, en trois minutes, je vais être allusif : TV5 Monde et France Médias Monde méritent mieux !
France Médias Monde obtient 300 millions d’euros, et TV5 Monde 80 millions d’euros. L’augmentation affichée d’environ 5 % ne correspond même pas à l’inflation, sans parler des pertes liées aux éléments fiscaux issus de la disparition de la contribution à l’audiovisuel public.
Or l’audiovisuel public extérieur est un élément fort dans la guerre informationnelle qui se déroule maintenant partout dans le monde. Face aux réseaux chinois, russes ou autres, nous sommes extrêmement faibles.
Les personnels de France Medias Monde font des efforts importants. Ils sont en général de qualité, tout comme l’information qu’ils dispensent.
Mais, face aux mammouths chinois, russes ou autres, qui disposent de moyens financiers colossaux, nous n’y arrivons pas.
Je le dis tout à fait tranquillement, nous avons un autre problème, madame la ministre : pour le moment, nous ne savons pas quelle réforme vous envisagez sur le financement de l’audiovisuel extérieur. Pour que celui-ci ne relève plus d’une contribution budgétaire, il faudrait en effet, comme cela a été indiqué, réformer la Lolf.
Or, partout dans le monde, les journalistes de France Médias Monde et de TV5 Monde ont beau indiquer qu’ils remplissent une mission de service public, ils sont accusés d’être des représentants de l’État. Le jour où les crédits qui sont alloués à ces groupes ne seront plus que des dotations budgétaires, ces médias seront des télévisions d’État, ce qui mettra nos journalistes en difficulté partout dans le monde.
C’est pourquoi les responsables de France Médias Monde comme de TV 5 Monde insistent sur l’indépendance de leurs chaînes et sur la nécessité de trouver une solution financière assurant leur indépendance.
C’est, en quelque sorte, la quadrature du cercle, madame la ministre.
Mme Catherine Morin-Desailly. Eh oui ! Il ne fallait pas supprimer la redevance !
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. J’en viens à l’amendement déposé par le rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet. J’ai toujours considéré, et je considère toujours qu’il convient effectivement de faire des économies en matière d’audiovisuel public, mais pas sur les crédits de l’audiovisuel public extérieur. Celui-ci est déjà le parent pauvre du système et il est, lui, directement impliqué dans la concurrence.
Or nous n’avons pas le sentiment, les acteurs de l’audiovisuel public extérieur n’ont pas le sentiment, qu’aujourd’hui, le gouvernement français considère l’audiovisuel public extérieur comme une priorité.
Si nous sommes écartés d’Afrique, si nous sommes aussi faibles au Proche-Orient, si nous sommes en difficulté dans l’Europe de l’Est, c’est aussi parce que nos responsables de l’audiovisuel public extérieur ne parviennent pas à tenir face aux forces informationnelles des autres grandes chaînes des grandes puissances.
En résumé, il faut faire un effort pour l’audiovisuel public extérieur, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile de passer après M. Karoutchi (Sourires.)
Mme Sophie Primas. C’est vrai !
M. Jean-Noël Guérini, rapporteur pour avis. Je m’efforcerai toutefois d’être à la hauteur.
Si les moyens de France Médias Monde augmentent en 2024, l’entreprise devra continuer à faire des choix sans renoncer à ses priorités pour maintenir son résultat net à l’équilibre.
Le maintien des financements complémentaires constitue une nécessité, afin de poursuivre les projets engagés.
Tel est le cas du projet Afri’ Kibaaru, lancé en 2021 avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), qui prévoit la production d’une offre en langue africaine depuis Dakar. L’AFD y contribue à hauteur de 3,3 millions d’euros jusqu’au mois de mars 2024. Cette contribution sera-t-elle renouvelée et accrue au-delà de 2024, madame la ministre ?
Une offre 100 % numérique en ukrainien, s’appuyant sur les équipes de Radio France internationale (RFI) à Bucarest, a par ailleurs été lancée au mois d’octobre 2022. Elle doit être financée.
France Médias Monde souhaite également lancer en 2024 des projets de proximité dont les modalités de financement demeurent incertaines. Nous regrettons que les moyens du programme 848 « Programme de transformation » ne soient pas mobilisés pour financer ces projets de proximité.
Comme l’a rappelé notre collègue Karoutchi, alors que le groupe a déjà engagé sa propre transformation, la situation internationale lui impose maintenant un impératif de développement. La survie du groupe en dépend, madame la ministre.
Nous suggérons donc que les crédits du programme 848 financent tous les moyens de diffusion que l’entreprise déploie pour contourner la censure dont font l’objet certaines de ses antennes, en particulier en Russie et en Afrique.
Je dirai enfin un mot sur TV5 Monde. La hausse de la contribution française de 3,2 millions d’euros en 2023 a permis de rattraper notre retard par rapport aux autres bailleurs. Elle permettra à TV5 de continuer en 2024 le travail engagé en direction de plusieurs orientations prioritaires.
TV5 Monde devra toutefois – hélas ! – poursuivre au cours du premier semestre 2024 l’arrêt de certaines activités, comme la diffusion satellitaire de TV5 Monde en Asie, au Maghreb et au Moyen-Orient.
Compte tenu du contexte international, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas décidé d’accroître plus fortement le financement de programmes locaux en Afrique, qui constituent un moyen privilégié pour maintenir notre influence.
Sous réserve de ces remarques, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur pour avis du programme 180 « Presse et médias » que je suis souhaiterait pouvoir s’avancer devant vous, en ce jour d’examen de ces crédits, chargé de bonnes nouvelles et de perspectives prometteuses. Ce n’est – hélas ! – pas encore le cas cette année.
La situation de la presse, ce pilier de notre démocratie, semble se dégrader sans que l’on puisse entrevoir le terme d’une chute estimée à ce jour à 60 % de son chiffre d’affaires depuis l’année 2000.
Comment expliquer et justifier ce paradoxe d’une presse menacée dans son existence même, alors que jamais le monde n’a été aussi complexe et l’information aussi nécessaire ?
Le numérique devait ouvrir la voie à une ère de connaissance et de prospérité. Il est devenu en réalité incontrôlable, et a substitué l’approximation et l’emportement aux faits et à l’analyse.
Il nous appartient toutefois, en tant que pouvoirs publics, de résister à la tentation de la résignation. C’est la raison pour laquelle nous nous efforçons de construire un avenir pour la presse, ce qui signifie en réalité un avenir pour la démocratie, notamment au travers du soutien public que matérialise ce programme budgétaire.
Les crédits que vous nous proposez d’adopter aujourd’hui évoluent peu d’une année sur l’autre, madame la ministre. Je ne vous en fais pas grief, tant s’en faut.
Il est toutefois temps de définir une stratégie d’ensemble pour faire de ces crédits non plus des instruments de secours, mais des leviers de développement.
Avec le Président de la République, vous avez lancé les états généraux de l’information, devant lesquels, avec plusieurs collègues, j’ai été invité à m’exprimer. Si j’en salue l’ambition, je me réjouirai plus encore des réalisations, qui ne dépendent que de vous.
Il nous faut réfléchir – vous savez que les travaux du Sénat s’y prêtent particulièrement – à un meilleur accompagnement du secteur.
J’estime que, dans le cadre des prochains budgets, deux grands chantiers devront être abordés.
Le premier est la réforme des aides à la presse, qui doivent à présent s’inscrire dans une logique de conditionnalité et d’accompagnement du numérique.
Cette réforme doit de plus s’accompagner – c’est le second chantier – d’un examen sérieux de la chaîne logistique de la distribution, qui ponctionne encore davantage la partie des ressources.
Le duopole mortifère France Messagerie – Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui tente de survivre dans un marché en attrition constante, n’est pas tenable.
Toutes les solutions doivent être envisagées pour créer un système de distribution plus ouvert et efficace, par une mutualisation des flux sur le « dernier kilomètre ».
La réforme du portage et du postage, certes complexe, montre qu’il est possible d’avancer et d’apurer un passif issu d’un passé bel et bien révolu.
Vous avez montré que vous saviez écouter le Sénat, madame la ministre. La prise en compte de nos recommandations sur l’écocontribution en atteste.
Notre ambition est tout entière contenue dans le programme tracé par un illustre ancien sénateur, Victor Hugo, qui déclarait en 1850 : « C’est parce que je veux la souveraineté nationale dans toute sa vérité que je veux la presse dans toute sa liberté. »
Vous l’aurez compris, la commission de la culture a émis un avis favorable, mais exigeant à l’adoption des crédits pour 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, donné en sursis l’année dernière, le cinéma a réalisé en 2023 un comeback – vous me pardonnez l’anglicisme – qui n’est pas sans évoquer un scénario à rebondissements avec une fin heureuse.
C’est en effet la bonne nouvelle de l’année : avec 175 millions de spectateurs, peut-être même 185 millions d’ici la fin de l’année, le septième art a retrouvé un public que le déferlement du streaming n’aura pas détourné des salles.
La fin des restrictions liées à la pandémie a ainsi eu raison de la morosité ambiante de l’année dernière, avec l’aide d’une programmation, notamment de films français, fortement attractive pour tous les publics.
C’est avec une grande joie que je constate donc que les aides publiques consenties au secteur ont permis à notre cinéma de relever très rapidement la tête, même s’il faut bien entendu se garder de relâcher nos efforts.
Avec mes collègues Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, nous avons mené cette année un travail intense d’écoute et d’analyse du secteur, qui a donné lieu à la publication, en mai dernier, d’un rapport au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Nous y montrons que la France, bien plus que ses voisins européens, entretient de longue date un lien très fort avec son cinéma. Que ce lien particulier en soit la cause ou la conséquence, il reste que depuis soixante-quinze ans, notre pays a mis en place un cadre unique de régulation et de protection du secteur qui s’appuie à la fois sur la protection des artistes et sur le respect de l’équilibre économique de toute la filière.
Le cinéma fait partie de notre histoire, et il fait aussi notre histoire.
Il nous faut toutefois demeurer vigilants et adapter sans cesse nos outils aux évolutions technologiques. En transposant la directive SMA – Services de médias audiovisuels – de manière volontariste, la France a déjà œuvré en ce sens au niveau européen.
Dans quelques semaines, avec Sonia de La Provôté, nous vous proposerons d’examiner une proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, notamment en facilitant le quotidien des exploitants de salles qui font vivre le cinéma dans nos territoires. J’espère pouvoir compter sur votre soutien et sur celui du Gouvernement, d’autant que ce texte constituera l’une des trop rares occasions qui nous sont données de légiférer sur le cinéma.
Avant de conclure, je tiens à indiquer que je déplore fortement, dans ce paysage enfin apaisé, l’adoption d’un amendement de suppression de l’article 5 duovicies et, partant, de la prorogation du crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques (CIPP).
Les crédits d’impôt dont bénéficie le secteur du cinéma font l’objet d’évaluations très régulières, qui toutes font état de bilans très positifs sur la production comme en termes de retombées économiques. L’absence de visibilité à moyen terme quant à l’avenir de ce dispositif pourrait avoir de très fâcheuses conséquences sur toutes les industries artistiques, mais aussi techniques, qui, dans un marché désormais internationalisé, s’efforcent d’accueillir de grands tournages internationaux entraînant de fortes retombées économiques pour nos territoires.
Je puis en témoigner personnellement, car la société Provence Studios, installée dans notre département et sur le site de laquelle nous nous sommes rendus à l’occasion de notre rapport, a pu développer – comme d’autres, du reste – une infrastructure mondialement reconnue à Martigues. Cette société serait toutefois fragilisée si les conditions économiques d’accueil des tournages venaient à être dégradées.
Je souhaite donc vivement que le crédit d’impôt soit prorogé dans le présent projet de loi de finances.
Sous cette réserve, qu’il me paraissait important de mentionner, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les industries culturelles se seront sorties avec brio d’une crise pandémique qui les menaçait pourtant directement.
Grâce au fort soutien des pouvoirs publics, l’édition, la vidéo et le jeu vidéo sont finalement sortis et renforcés de la crise dès 2022. Avec un chiffre d’affaires global de 14,2 milliards d’euros, en progression de 3,6 %, ces industries ont montré leur résilience et leur capacité d’adaptation à notre époque.
Le budget que nous examinons comprend également, pour plus des deux tiers, les crédits alloués à la Bibliothèque nationale de France (BNF), navire amiral de notre politique culturelle et patrimoniale.
La BNF poursuit sa gestion rigoureuse, même si elle est, comme beaucoup d’établissements publics, mise en danger par les conséquences de l’inflation, notamment de l’énergie, et par les mesures catégorielles dans la fonction publique.
Cela ne l’empêche pas d’afficher ses ambitions, avec le nouveau site de stockage et le centre de conservation de la presse devant voir le jour à Amiens à l’horizon 2029.
Je dois également mentionner les suites plus que positives du combat mené depuis 2015 par notre collègue Sylvie Robert en faveur de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques. Grâce à elle, entre 2016 et 2024, près de 80 millions d’euros auront été consacrés à cette question. Quelque 589 établissements ont pu en profiter pour étendre leurs horaires, à raison d’une ouverture supplémentaire moyenne de neuf heures trente par semaine, au-delà de la cible initialement fixée.
Il convient de saluer le succès d’une politique publique menée avec constance dont nos concitoyens bénéficient directement et concrètement.
Le grand dossier de cette année est celui du financement du CNM.
Créé en 2019, puis auréolé de son excellente gestion des aides durant la crise, le CNM n’a pourtant toujours pas de budget pour 2024, ce qui menace directement ses programmes d’aide à la création et, partant, le renouvellement des talents dans notre pays.
Le Gouvernement a cherché un accord avec les plateformes pour des contributions volontaires d’un montant suffisant, mais il semble que nous soyons encore loin du compte.
Je me félicite donc du volontarisme de tous les groupes du Sénat, qui ont très largement adopté, lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances, l’article 5 vicies A créant une taxe dite streaming. Cette taxe, dont le produit sera affecté au CNM, est assise de manière équilibrée sur les écoutes en ligne financées par un abonnement ou par la publicité.
Par ce vote, mes chers collègues, nous prolongeons de manière cohérente le vote qui, en 2019 et sur l’initiative de Jean-Raymond Hugonet, avait permis la création du centre.
Je souhaite maintenant que le Gouvernement aille au bout de la démarche et retienne cet article dans le texte final de la loi de finances pour 2024.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis. Cela permettra de mettre un terme aux débats sans fin qui agitent la filière et génèrent beaucoup d’incompréhension depuis cinq ans maintenant.
Mme la présidente. Concluez !
M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis. Au bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les médias audiovisuels sont en pleine transformation et connaissent une véritable révolution de leurs usages.
Avec la multiplication des écrans et le succès des plateformes internationales, particulièrement auprès des jeunes, le temps des programmes de télévision linéaires partagés en famille ou entre amis est quasiment révolu.
La massification des fausses informations et les progrès de l’intelligence artificielle amplifieront encore demain le phénomène des bulles numériques, déjà à l’œuvre.
Ces réalités alternatives progressent au détriment de notre culture commune. Ces bouleversements sont autant de défis pour notre secteur audiovisuel public.
Comme ce fut le cas historiquement après-guerre ou encore dans les années 1980, un tournant stratégique est aujourd’hui nécessaire.
Notre pays a la chance de disposer d’un audiovisuel public fort qui reste présent dans le quotidien d’une grande majorité de Français. Son rôle est majeur pour résister à la vague que je viens d’évoquer. Des médias de services publics indépendants, modernisés et dotés d’une stratégie claire et d’un financement pérenne sont plus que jamais nécessaires.
Or que nous propose le Gouvernement dans ce projet de loi de finances ? Une trajectoire pluriannuelle d’augmentation des crédits adossée à une stratégie floue, voire hésitante, élaborée en dehors de tout débat démocratique.
Cette trajectoire financière s’inscrit sur la durée des prochains COM des entreprises de l’audiovisuel public, sur lesquelles les commissions parlementaires et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) seront consultées pour avis.
Ces COM auraient dû nous parvenir avant le projet de loi de finances, mes chers collègues. Nous n’en serons toutefois saisis que l’an prochain, alors qu’ils seront déjà engagés, comme si la consultation du Parlement n’était qu’une simple formalité.
Telle n’est pas notre conception du rôle du Parlement. Il aurait évidemment fallu discuter d’abord des objectifs, de la méthode et de l’évaluation des résultats pour que nous puissions nous prononcer en toute connaissance de cause sur la trajectoire financière proposée.
En nous demandant de voter les moyens avant de connaître et de discuter des objectifs, on nous demande d’« acheter un chat dans un sac », selon l’expression auvergnate consacrée.
C’est d’autant plus vrai et flagrant que ce projet de loi de finances comporte un nouveau programme, dit de transformation, dont les crédits sont alloués sous conditions et pourront être retirés aux opérateurs. Comment accepter dès lors que les objectifs ne soient pas clarifiés et que la méthode d’évaluation des résultats ne soit pas explicitée devant la représentation nationale ?
À cela s’ajoute une absence de perspective sur le mode de financement de l’audiovisuel public après 2025. Si la Lolf n’est pas rapidement modifiée, nous nous dirigeons vers une budgétisation de l’audiovisuel public. Ce choix par défaut serait regrettable. C’était le projet initial du Gouvernement, mais ce serait un contresens historique.
Vous nous avez indiqué votre position à titre personnel, madame la ministre. Pouvez-vous aujourd’hui nous donner la position du Gouvernement sur le sujet ? Et sinon, qui le peut ?
Le Sénat a formulé des propositions en matière de gouvernance. Il a notamment adopté, en juin dernier, la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, déposée par le président Laurent Lafon et rapportée par Jean-Raymond Hugonet. Ces propositions sont restées à ce jour sans suite.
En définitive, la méthode n’est donc pas satisfaisante.
En dépit des évolutions positives des différents acteurs de l’audiovisuel public, la commission de la culture déplore une absence de direction claire. Elle a donc émis un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les industries culturelles représentent un enjeu majeur de souveraineté. Qu’il s’agisse de notre musique, de nos films, de nos livres ou de nos jeux vidéo, toutes ces œuvres sont exportées dans le monde entier, où elles contribuent à diffuser notre histoire, notre culture, nos modes de vie, nos valeurs et nos paysages. Il importe donc de les conforter.
Le projet de loi de finances pour 2024, qui apporte un soutien renouvelé à ces différents secteurs et leur alloue des crédits en progression de 7,6 % par rapport à 2023, traduit parfaitement cette ambition d’universalité.
Concernant le livre, la politique de l’État consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion la plus large possible des pratiques de lecture. Il s’agit, bien entendu, d’un motif de satisfaction, mais nous savons combien l’industrie du livre est fragile.
La recomposition en cours des groupes d’édition les plus importants, les coûts actuels du papier, l’émergence de l’intelligence artificielle, les tensions sur le partage de la valeur entre les auteurs et les éditeurs ou encore les difficultés de trésorerie des librairies le démontrent tous les jours.
En matière de lecture, l’effort de l’État repose sur la dotation générale de décentralisation (DGD). Il permet à un certain nombre de collectivités territoriales volontaires d’adapter et d’étendre les horaires d’ouverture de leurs bibliothèques.
Ce soutien, prévu pour une durée de cinq ans, arrive toutefois à son terme. L’échéance prochaine du dispositif fait peser de lourdes incertitudes sur la poursuite de cette ambitieuse politique publique. Il s’agit d’un point de vigilance.
Je souhaite par ailleurs saluer le soutien constant de l’État à la Bibliothèque nationale de France, qui porte un projet essentiel pour l’avenir d’un certain nombre de ses collections, celui du pôle de conservation d’Amiens.
De son côté, le jeu vidéo reste le premier loisir des Français et s’impose en tête de podium des industries culturelles. La France est à l’avant-garde, mais elle fait face à des géants. Nos studios représentent un levier d’influence fort, que nous devons protéger des appétits croissants des grandes puissances étrangères. La prorogation du crédit d’impôt en faveur des créateurs de jeux vidéo jusqu’au 31 décembre 2026 répond à cet objectif.
En matière de musique, la question du financement du Centre national de la musique est un sujet complexe, évoqué à maintes reprises au sein de la commission de la culture. Le modèle économique du centre n’est toujours pas stabilisé, et il ne dispose pas des fonds nécessaires pour mener à bien ses missions.
Je prends acte de la création, décidée par le Sénat dans le cadre de ce PLF, d’une taxe affectée qui sera acquittée par les plateformes de streaming.
J’avais pour ma part formulé une proposition médiane, qui n’a malheureusement pas prospéré, consistant à aménager la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, dite taxe YouTube, afin de ne prendre en compte que la part des revenus publicitaires monétisant des contenus musicaux.
Faire contribuer indistinctement l’ensemble des acteurs, y compris les plateformes européennes sur abonnement comme Spotify et Deezer, qui reversent 70 % de leurs revenus aux auteurs, artistes, éditeurs et producteurs, ne me paraît pas être la solution la plus pertinente.
Il me semble vraiment préférable d’approfondir la question d’une contribution volontaire des grandes plateformes de musique enregistrée. J’espère que les négociations en cours permettront de parvenir à cette solution équitable pour le financement du CNM avant le retour du texte à l’Assemblée nationale.
En matière de médias et d’audiovisuel public, notre groupe souhaite insister sur l’importance de la diversité de la presse, générale et spécialisée, et de l’indépendance des médias.
Il est également essentiel de s’assurer de l’accès de tous à une information de qualité. Les temps instables que nous traversons nous engagent à garantir à nos concitoyens des médias fiables. Nous devons collectivement nous protéger de la désinformation qui se répand malheureusement de manière fulgurante. Il y va de notre cohésion nationale. La future réforme des aides directes à la presse devra tenir compte de ces enjeux majeurs.
Je tiens à saluer tout particulièrement le travail mené par la chaîne Arte, dont la plateforme numérique donne désormais accès gratuitement à des contenus de grande qualité.
Je souhaite enfin évoquer en quelques mots la situation du cinéma, qui suscite bien des débats, pour ne pas dire une forme de cinéma-bashing.
Je regrette profondément la suppression de l’article 5 duovicies du PLF, qui prorogeait pour une durée supplémentaire de deux ans le bénéfice du crédit d’impôt pour les dépenses de production d’œuvres phonographiques.
Comme notre rapporteur pour avis l’a indiqué, ce crédit d’impôt permet d’attirer sur notre territoire de grosses productions cinématographiques, des séries télévisuelles et des œuvres d’animation étrangères.
Il s’agit donc d’un très mauvais signal adressé aux producteurs, qui vont rapidement se tourner vers les pays les plus attractifs, comme le Royaume-Uni.
C’est également un mauvais signal pour l’industrie du cinéma français, largement mise à contribution par ces productions étrangères.
Nous avons par ailleurs été nombreux à soutenir le maintien du dispositif fiscal dont bénéficient les contribuables souscrivant au capital des sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica). Cet instrument financier est important, car il permet d’orienter l’investissement vers la production indépendante.
Je me réjouis du retour à meilleure fortune du cinéma français après une période post-covid très incertaine et une grève de longue durée des acteurs américains, qui vient de prendre fin et s’est conclue par la ratification d’un accord avec les studios.
La politique menée par l’État en faveur des médias, du livre et des industries culturelles est ambitieuse et équilibrée. Le groupe Les Indépendants s’en réjouit, et il votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui l’examen de deux programmes du projet de loi de finances pour 2024 qui, loin d’être anodins, sont essentiels pour la vitalité de notre paysage médiatique, la prospérité de nos industries culturelles et la préservation de notre patrimoine intellectuel et artistique.
Le programme 180 « Presse et médias » illustre l’importance vitale d’une presse libre et variée.
Comme l’a souligné notre collègue Michel Laugier, la presse est un pilier fondamental d’une démocratie saine et éclairée. Aujourd’hui, la liberté de la presse est plus vitale que jamais.
Ce secteur est toutefois confronté à des défis majeurs, notamment une diminution substantielle de ses revenus et une perte de confiance du public exacerbée par la montée de la désinformation.
Dans ce contexte, la réforme des aides à la presse se révèle essentielle. Il est impératif de réviser et d’adapter ces aides pour qu’elles correspondent aux réalités contemporaines du secteur.
Cette réforme devrait viser à accroître la transparence, à encourager l’innovation et à favoriser un modèle économique viable pour la presse numérique tout en soutenant la presse écrite. Elle devra assurer une répartition équitable des ressources et stimuler un journalisme de qualité indispensable dans notre société.
Au cœur de notre paysage médiatique, l’Agence France-Presse (AFP) est emblématique de ces enjeux. Malgré les controverses récentes, elle reste un pilier de l’information fiable et objective, en particulier dans un monde où la désinformation est omniprésente. L’augmentation de son budget pour 2024 témoigne de l’engagement envers une presse indépendante et de qualité.
Le programme 334 « Livre et industries culturelles », qui couvre un éventail d’activités allant de l’édition aux jeux vidéo, joue un rôle clé dans la préservation de notre héritage culturel et intellectuel.
La crise pandémique a révélé la résilience et l’importance stratégique de ces industries. Le soutien de l’État est primordial pour assurer leur pérennité et leur développement.
Les investissements dans la Bibliothèque nationale de France, comme la réouverture du site Richelieu ou la création d’un centre de conservation à Amiens, sont des initiatives louables qui démontrent notre engagement à préserver et à valoriser notre patrimoine littéraire.
Le soutien étendu à la lecture publique et au développement des bibliothèques sur l’ensemble du territoire national illustre l’engagement à rendre la culture accessible à tous.
Le Centre national du livre joue, lui aussi, un rôle essentiel de soutien à la diversité et à la qualité de la création littéraire française.
L’intervention de Jérémy Bacchi apporte un éclairage optimiste sur l’industrie cinématographique française. Face aux défis technologiques et à la crise sanitaire, cette dernière montre des signes de reprise et de dynamisme. Il est crucial de continuer à soutenir cette industrie en mettant l’accent sur la qualité des productions et l’innovation.
La proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France et la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer sont des étapes importantes pour assurer une accessibilité plus large du cinéma français, en particulier dans les territoires moins desservis.
En conclusion, conscient des enjeux et des opportunités que ces secteurs emportent pour notre société, et convaincu que ces mesures axées sur la qualité, l’innovation et l’accessibilité joueront un rôle crucial dans la pérennité et le développement de notre patrimoine médiatique, littéraire et culturel, le groupe Union Centriste soutiendra ces crédits.
En votant en faveur de ces programmes tout en étant exigeants, nous réaffirmons notre engagement envers une presse diversifiée et dynamique, une culture riche et un secteur culturel vivant et accessible à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. « Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’un, c’est attenter à l’autre. » Ces mots empruntés à Victor Hugo sauront rappeler, je l’espère, l’importance des crédits de la mission examinée à présent.
Sans presse libre, point de débat d’idées, point de démocratie. On mesure aujourd’hui toutes les conséquences sur le débat public des financements de la presse d’information politique et générale par le déclin des abonnements. Celui-ci s’est accéléré depuis l’avènement d’internet. Les rédactions françaises ont tardé à prendre conscience de la nécessité du tournant numérique. L’augmentation du nombre de journalistes en freelance et la dégradation des conditions d’exercice de la profession en sont aussi la conséquence.
Désormais, les rédactions sont devenues plus dépendantes des sources de financement alternatif, c’est-à-dire de la publicité et des aides à la presse, financées par les pouvoirs publics.
En 2022, la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias en France a montré l’impact de ces changements sur la confiance des citoyens dans l’information journalistique, en forte baisse ; je rappelle le chiffre de 62 %. En parallèle de ce déclin d’influence de la presse de qualité, la diffusion d’informations non vérifiées sur les réseaux sociaux n’a cessé d’augmenter, au détriment du débat public, donc de la démocratie.
Je crains que la diffusion de fausses informations ne soit une guerre perdue d’avance. La priorité est désormais au rétablissement de la confiance dans l’information produite par les journalistes.
C’est le sens des propositions de loi que nous avons déposées en juin dernier, dont l’une portait sur le financement de l’audiovisuel public, l’autre sur le renforcement des exigences en matière d’information et d’indépendance des médias.
Le rapporteur pour avis Michel Laugier a rappelé le consensus qui s’est formé pour renforcer la conditionnalité des aides à la presse. Une décision du Conseil d’État sur la part de journalistes professionnels dans les rédactions nous obligera de toute façon à le faire.
Malheureusement, madame la ministre, le sujet paraît secondaire pour votre gouvernement. La réduction d’impôt pour la souscription d’un abonnement à la presse d’information politique et générale (IPG) a été supprimée quelques années après sa création. Il aurait été peut-être plus pertinent de la renforcer et de l’étendre.
Que deviendront aussi les états généraux de l’information, qui ont commencé dans le désordre plus d’un an après leur annonce lors de la campagne présidentielle de 2022, en réaction à la mobilisation des journalistes du Journal du dimanche ? S’agit-il d’une énième opération de communication, destinée à subir la même trajectoire que la Convention citoyenne pour le climat ? En réalité, madame la ministre, des propositions législatives sont déjà sur la table. Il vous appartient de vous en saisir.
En septembre dernier, on apprenait la garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux. En octobre, on découvrait la volonté et la demande simultanée du Gouvernement français de prévoir des dérogations au secret des sources lors de l’examen du Media Freedom Act européen, qui se tient en ce moment. Ce sont deux signaux inquiétants.
Madame la ministre, on ne peut pas prendre le nom de « Renaissance », qui renvoie directement à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et à la diffusion des idées des Lumières, et contribuer activement à affaiblir la presse.
Vous avez fait preuve de plus de diligence pour la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, à l’été 2022. L’information de qualité a un coût. Il en va de même pour l’audiovisuel public.
Il est irresponsable de laisser planer le doute sur le financement de ces grands services publics de l’information. Le Conseil constitutionnel a rappelé que des normes fondamentales les protègent. À quoi sert le programme 848, si ce n’est à préparer la fusion à laquelle vous vous opposiez, ici même, aux mois de mai et juin derniers ?
Quant à nos collègues de la majorité sénatoriale, qui proposent de réduire le budget de l’audiovisuel public de 209 millions d’euros, je regrette qu’ils s’éloignent de l’esprit de la Résistance et du combat de Jean-Louis Crémieux-Brilhac pour l’information de citoyens éclairés.
Madame la ministre, vous dites que le combat contre l’extrême droite est au cœur de votre engagement politique. Il y a urgence. Pour revenir à la citation de Victor Hugo, notre démocratie ne marche plus que sur une jambe. Le populisme se nourrit des espaces laissés vides par la fragilisation de la pensée critique. Historiquement, populisme et suffrage universel n’ont jamais fait bon ménage.
M. Olivier Paccaud. Le populisme, il a deux jambes : une droite et une gauche !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission sont marqués par une certaine faiblesse dans la prise en compte de l’inflation et de la hausse du coût de l’énergie.
La crise de la presse écrite s’aggrave sous les effets dévastateurs de la hausse du prix du papier, passé de 400 euros la tonne en 2021 à plus de 800 euros en 2023.
S’y ajoute une vive préoccupation sur l’accélération spectaculaire de la concentration des médias. Trois des industriels qui les contrôlent sont des acteurs majeurs de la téléphonie, ce qui accroît encore la dimension globale de ces concentrations.
Pourtant, la majeure partie des aides directes à la presse est captée par ces groupes de médias, et le même problème se pose dans la presse quotidienne régionale, où un nombre restreint de groupes capte l’essentiel des aides. Le dernier exemple en date d’un journal en difficulté est celui du Quotidien de La Réunion.
L’accélération en cours de la mainmise des grands groupes industriels sur les médias doit nous alerter sur le contrôle politique de l’information. La course à l’info spectaculaire se fait souvent au détriment de la qualité, ce qui affecte aussi les métiers et le pluralisme de l’information.
Il devient donc urgent d’engager une réforme profonde, afin que les aides tiennent compte de la situation économique des groupes auxquels ces titres appartiennent. Elles doivent évoluer en fonction de critères, notamment de gouvernance des titres.
Cette concentration est aussi de mise dans l’audiovisuel privé, secteur où l’on a pu constater le traitement hasardeux que certaines chaînes ont réservé à des événements récents, sans parler des atteintes inacceptables portées contre certaines productions cinématographiques avant même leur sortie en salle.
Cette logique, que je qualifierai de « ségrégationniste » à l’égard d’une partie de la population de notre pays, ou encore contre la liberté de création et de diffusion des œuvres, nous montre à quel point il est absolument primordial d’avoir un audiovisuel public fort. C’est aussi le bon moyen pour contenir les offensives de la parole extrémiste que certains se complaisent parfois à relayer sur des plateaux privés.
J’en viens au cinéma. Il nous semble également pertinent d’envisager dès à présent la mise en œuvre de dispositions visant à lutter contre toutes les formes de piratage.
Si l’on peut reconnaître que la dotation à l’audiovisuel public ne se traduit pas par de nouvelles coupes claires, il faut tout de même remarquer que les moyens qui y sont consacrés ne compensent pas les coups de rabot des années précédentes.
En outre, on peut s’interroger sur l’absence de solution pérenne pour compenser la fin de la redevance, comme certains de mes collègues l’ont déjà rappelé avant moi.
Enfin, le CNM est l’autre grand oublié de cette mission, alors qu’il est nécessaire d’en consolider le budget, les besoins de financement supplémentaires étant évalués entre 30 millions d’euros et 40 millions d’euros.
Telles sont les raisons qui nous conduiront à soutenir la proposition d’instauration d’une taxe sur le streaming, destinée à financer le Centre national de la musique.
Au demeurant, en raison d’un budget bien trop fragile à nos yeux, pour des secteurs absolument essentiels, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles » du PLF 2024 revêt une importance cruciale. Elle est le reflet de notre engagement en faveur de la préservation et de la diffusion de la richesse culturelle qui façonne notre identité nationale.
La presse écrite en France connaît une crise depuis 2000. Le chiffre d’affaires du secteur a chuté de 60 %, passant de 10,6 milliards d’euros à 6 milliards d’euros en 2022, principalement en raison de la baisse des ventes et de l’effondrement des recettes publicitaires.
Et les aides, bien que maintenues en apparence, diminuent en valeur réelle. En 2023, le Sénat a partiellement comblé ce manque en accordant une aide exceptionnelle de 30 millions d’euros. Une réforme urgente des aides directes à la presse est nécessaire, avec une meilleure conditionnalité et une place prépondérante à la presse numérique.
La situation de la distribution de la presse en France est également préoccupante. L’année 2024 sera décisive, avec la fin prévue de la péréquation de 9 millions d’euros.
Nous comptons sur les états généraux de l’information, lancés en juillet 2023, qui offrent l’occasion d’une réflexion sur l’avenir de l’information à l’ère numérique. Parallèlement, les résultats de l’Agence France Presse sont encourageants, au-delà des polémiques, et les discussions sur son contrat d’objectifs et de moyens 2024-2028 auraient bien avancé.
La pandémie a été un défi sans précédent, mais le soutien des pouvoirs publics a permis de préserver et même de faire prospérer certaines de nos industries culturelles. Je ne reviendrai pas sur celle du cinéma.
Le marché du livre, bien qu’en baisse de 5,4 % en 2022 par rapport à l’année précédente, enregistre une croissance de 3,7 % par rapport à 2019. Les défis internes au secteur de l’édition, notamment les rapprochements entre les grandes maisons, nécessitent une vigilance particulière pour garantir la diversité et la concurrence.
Des tensions persistent aussi entre auteurs et éditeurs, notamment sur la question cruciale de la rémunération. Il pourrait être nécessaire d’envisager des solutions législatives en 2024 pour intégrer les conclusions de l’accord de décembre 2022.
La réouverture du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France a été un succès, avec l’accueil de 700 000 personnes par an. En plus de ce projet, le nouveau contrat d’objectifs et de performance de la BNF, approuvé en 2022, se concentre sur des projets transversaux tels que le dépôt légal numérique et le pôle de conservation à Amiens.
Le grand chantier d’Amiens, qui devrait être opérationnel d’ici à 2029, vise à résoudre la saturation des magasins de collections et nécessite un investissement de 96,2 millions d’euros. Pour l’année 2024, une ouverture de 4 millions d’euros en crédits de paiement est prévue. L’inauguration de ce chantier sera une étape cruciale dans notre quête pour préserver et partager les trésors de la presse francophone et, ainsi, notre mémoire vivante.
Pour continuer sur le sujet, je souhaite évoquer la politique publique d’accès à la lecture. Depuis 2015, la commission de la culture du Sénat s’investit dans cette cause, avec des avancées significatives. Ainsi, le rapport de notre collègue Sylvie Robert en 2015 et la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, que nous avons adoptée à l’unanimité en 202, ont contribué à reconfigurer cette politique publique, en soulignant la nécessité d’adapter les horaires d’ouverture des bibliothèques.
Les contrats territoire-lecture offrent un sursaut, mais nous devons à présent réfléchir à la sortie du dispositif de soutien financier de l’État pour les collectivités qui y sont entrées en 2016 et 2017. Il faut aussi garantir la continuité de ces projets d’extension d’horaires.
En ce qui concerne le Centre national de la musique, nous sommes à un moment charnière. Créé en 2019, le CNM a joué un rôle crucial pendant la crise pandémique, mais son financement reste précaire. Aussi, je salue l’adoption par le Sénat d’une contribution obligatoire pour les plateformes de streaming musical payantes et gratuites. Cette mesure offrira au CNM une plus grande sécurité pour son financement, ainsi qu’une réelle indépendance.
À titre personnel, je ne fais pas partie des nostalgiques de la redevance audiovisuelle, mais nous attendons tous une solution pérenne pour le financement du secteur audiovisuel, dont nous pouvons saluer les progrès d’audience constatés et les réformes réalisées, même si celles-ci ont parfois été imposées.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Fialaire. Nous voterons en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission contribue de manière significative à la vitalité de notre secteur culturel et médiatique. Les chiffres présentés démontrent un engagement financier important, en augmentation notable par rapport à l’année précédente. Ils témoignent d’une volonté de soutenir et de renforcer l’écosystème des médias, du livre et des industries culturelles dans un contexte de transition numérique et écologique.
Concernant le programme 180 « Presse et médias », nous saluons les efforts déployés en 2023 dans le cadre du plan de soutien à la filière presse. En 2024, nous continuerons sur cette lancée en maintenant un niveau d’aides directes quasi stable, tout en évaluant les actions entreprises pour garantir la continuité de la distribution de la presse dans l’ensemble du territoire. La modernisation et l’investissement dans la filière restent des priorités, comme le montre l’augmentation du budget du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).
Le soutien à l’Agence France Presse est également conforté grâce à une augmentation des crédits dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens 2024-2028. Cette mesure vise à renforcer le rôle de l’AFP dans le paysage médiatique, notamment après l’accord ambitieux conclu avec un géant du numérique en 2021.
En ce qui concerne le programme 334 « Livre et industries culturelles », nous notons une augmentation significative des crédits alloués à la politique du livre. Cette hausse soutient diverses initiatives, allant de la reconquête des publics par les bibliothèques jusqu’à la modernisation de l’édition des livres numériques accessibles aux personnes en situation de handicap.
Nous saluons également l’attention portée à la présence du livre français à l’international, ainsi que la mise en œuvre de la loi visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs.
J’en viens au compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». Nous saluons l’augmentation substantielle de la dotation, conformément à la trajectoire pluriannuelle de l’audiovisuel public pour la période 2024-2028.
Le remplacement de la contribution à l’audiovisuel public par l’affectation d’une part du produit de la TVA a suscité des craintes légitimes dans nos rangs. La question du financement de l’audiovisuel public après 2025 est réelle et très importante.
Dans un amendement, notre collègue et rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, fin connaisseur du sujet, propose de diminuer de près de 210 millions d’euros les crédits alloués à l’audiovisuel public. Compte tenu du contexte, nous ne pensons pas qu’une diminution des crédits à court terme serait opportune.
Les entreprises de l’audiovisuel public ont besoin de cet argent pour mener à bien leurs missions, au moment où elles connaissent des surcoûts liés à l’inflation, et pour compenser les effets fiscaux que produit la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).
Bien évidemment, il est important de poursuivre ce débat sur le financement de l’audiovisuel public. Toutefois, j’aimerais conclure en vous faisant part du constat optimiste qui figure dans le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, publié par la commission de la culture de l’Assemblée nationale, au printemps dernier.
Ce constat, c’est celui de la bonne santé des médias publics et de l’adhésion des Français à leur audiovisuel public, et ce malgré le bouleversement du paysage audiovisuel. En effet, près de 70 % des Français estiment que le service public de l’audiovisuel fonctionne bien, contre, par exemple, 55 % s’agissant des transports publics. (Sourires.)
En outre, les sociétés de l’audiovisuel public font de bonnes audiences. Pour ne prendre que cet exemple, si la radio n’en finit pas de perdre des auditeurs, les antennes de Radio France continuent de progresser, et l’une d’elles a même battu son record d’audience historique selon les résultats publiés voilà un mois.
En conclusion, dans ce contexte, les crédits reflètent selon nous la volonté du Gouvernement de s’engager en faveur de la culture, des médias et du livre. Notre groupe salue cet engagement et votera les crédits de la mission et du compte spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, l’examen de la mission se déroule à un moment que nous pressentons charnière, sans que nous puissions cerner avec certitude les implications des mutations que traversent les industries culturelles.
Naturellement, je pense à l’intelligence artificielle (IA), dont l’impact, très concret en 2023, s’est matérialisé dans la grève qui a touché Hollywood. Les scénaristes, les acteurs, les doubleurs craignent à juste titre que les studios n’utilisent l’IA générative pour les remplacer, tout en faisant fi du droit d’auteur. Encore aujourd’hui, malgré l’accord conclu au début du mois de novembre dernier, les inquiétudes ne se sont pas dissipées.
Le monde du cinéma n’est pas le seul à être révolutionné par la démocratisation de l’IA. La programmation et la scénarisation des jeux vidéo le sont tout autant, à l’instar de la presse, qui a vu le nombre d’images et d’illustrations générées par l’IA croître sensiblement. En outre, plusieurs géants du numérique expérimentent des logiciels qui aideraient les journalistes à produire des articles.
Ainsi, les industries culturelles et les médias sont en première ligne face au bouleversement industriel, économique et sociétal – certains iraient jusqu’à dire « civilisationnel » – que représente l’IA, qui n’en est qu’à ses prémices. Si les pouvoirs publics s’attachent à définir un équilibre entre la régulation des usages et la stimulation de l’innovation – on le constate dans le cadre des débats auxquels donne lieu l’Articifial Intelligence Act à l’échelon européen –, les modèles économiques sont d’ores et déjà en transition.
Quoi qu’il en soit, en matière culturelle, un principe doit rester intangible : le droit d’auteur doit être respecté, protégé et adapté pour prendre en considération les développements de l’IA.
Madame la ministre, j’espère que la France tiendra une position ferme sur le sujet dans les discussions européennes.
Mme Catherine Morin-Desailly. Bravo !
Mme Sylvie Robert. À l’aune de ce contexte, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » fait l’objet, à périmètre constant, d’une augmentation de 4,12 % par rapport à la loi de finances 2023. Si nous ne pouvons que saluer cette progression, les fortes incertitudes qui pèsent sur les différents secteurs et les turbulences à venir freinent nécessairement notre engouement.
En premier lieu, j’évoquerai sans surprise le financement du CNM. Bien qu’elle soit devenue incontournable pour l’écosystème musical et qu’elle ait fait ses preuves pendant la crise covid, la maison commune ne dispose toujours pas de gages financiers à moins d’un mois du début de l’exercice 2024.
Face au mutisme du Gouvernement, pourtant pressé de toutes parts, face à la promesse non tenue du Président de la République, le Sénat a pris ses responsabilités et a entériné la création d’une taxe sur le streaming, dans un consensus qui a contraint le Gouvernement à donner un avis de sagesse sur les amendements concernés.
Cependant, une question demeure. Cette taxe sera-t-elle conservée dans le budget final ? Madame la ministre, le Gouvernement souscrit-il enfin à sa création ou privilégie-t-il encore la position, que je qualifie d’injuste, d’une contribution volontaire des plateformes qui insécurisera et déstabilisera le CNM ?
Sans une taxe pérenne, au rendement certain, le CNM ne pourra plus remplir l’ensemble des missions qui ont été déployées et qui vont bien au-delà du seul soutien au secteur.
En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas accepter cette hypothèse, d’autant moins que nous avions alerté sur le risque d’impasse financière, dès que nous avions examiné la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique de notre collègue Hugonet.
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait.
Mme Sylvie Robert. Alors que le CNM est monté en puissance, ces dernières années, un retour en arrière qui fragiliserait les acteurs de la filière musicale n’est pas concevable.
Par ailleurs, dans le domaine de la presse, la relative stabilisation des crédits peut s’expliquer par l’organisation des états généraux de l’information.
Cependant, il est évident que le PLF 2025 servira de juge de paix, car le statu quo en matière d’aides à la presse n’est pas envisageable. Dès 2022, la commission d’enquête sur la concentration des médias appelait, dans son rapport, à réformer les aides à la presse et à « réviser les conditions d’octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés », et ce afin de mieux soutenir la presse indépendante.
Toujours dans le cadre du programme 180, la légère croissance des crédits alloués au fonds de soutien à l’expression radiophonique permettra de poursuivre l’accompagnement des radios diffusant en FM et en DAB+. J’ai quelques réserves sur le déploiement territorial du DAB+, qui ne m’apparaît pas toujours très équilibré. (Mme Sonia de La Provôté manifeste son approbation.)
En Bretagne, j’ai indiqué à l’Arcom qu’en l’état, le tissu des radios associatives risquait d’être appauvri parce que seulement 25 radios associatives sur 32 pourraient basculer en DAB+. La réduction de cette offre de proximité serait bien évidemment préjudiciable. Il convient donc de s’assurer que le DAB+ n’aboutira pas à délaisser certains pans de nos territoires, notamment les zones rurales.
En ce qui concerne le livre, je me réjouis que la part de la dotation générale de décentralisation (DGD) consacrée aux bibliothèques soit en hausse, à 95 millions d’euros, et comporte un volet spécifique consacré aux outre-mer.
Cependant, nous devrons rester vigilants.
D’une part, les collectivités territoriales ont mis en place des projets d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, dans le cadre des contrats territoire-lecture qui prennent le relais du dispositif de la DGD. Il faudra procéder à une évaluation pour s’assurer que les collectivités sont en mesure de maintenir le volume des horaires d’ouverture de leur bibliothèque.
D’autre part, si l’on a pu constater des progrès dans la relation entre les auteurs et les éditeurs, notamment à la suite de l’excellent travail réalisé par M. Sirinelli et Mme Dormont, dans le cadre de leur mission de médiation, la négociation à venir sur le partage de la valeur et la rémunération des auteurs reste épineuse, alors qu’il s’agit d’un sujet central.
J’en viens à présent au compte de concours financiers relatif à l’audiovisuel public.
À cet égard, mes chers collègues, je regrette que depuis plusieurs années le débat soit très dogmatique, voire caricatural dans notre hémicycle.
Monsieur le rapporteur spécial, je déplore certains jugements, notamment vos interrogations sur le nombre d’antennes de Radio France et vos critiques, qui visent singulièrement les radios Mouv’ et FIP, bien que celles-ci soient parfaitement identifiées par le public et que les audiences de FIP en fassent la huitième radio la plus écoutée en France.
De manière similaire, le supposé « abaissement de la qualité des programmes » de France Télévisions que vous dénoncez est démenti par la qualité de l’information qui est distillée sur ses antennes, par le « renforcement de l’offre de proximité » et par l’« offre plurielle » garantissant une « variété de contenus ciblant différents publics », selon le dernier rapport de l’Arcom sur l’exécution du cahier des charges de France Télévisions.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Tout cela aux frais du contribuable !
Mme Sylvie Robert. Monsieur le rapporteur spécial, se focaliser sur la « production coûteuse d’un feuilleton quotidien assez peu ambitieux », qui ne représente en réalité que 3,1 % de la programmation totale de France 2, est une manière assez étonnante d’analyser les choix éditoriaux de la chaîne.
En 2022, France Télévisions a conforté sa place de premier financeur de la fiction audiovisuelle en France. Belle prestation quand on sait l’enjeu colossal que représente la fiction dans le paysage audiovisuel mondial !
Par conséquent, je ne comprends pas un tel acharnement – nous pourrons y revenir – que symbolise votre amendement visant à diminuer les crédits accordés à l’audiovisuel public de près de 210 millions d’euros. Pourtant, entre 2015 et 2022, les ressources publiques allouées à France Télévisions se sont taries de 3,3 %.
Comme le démontre l’inspection générale des finances (IGF) dans son rapport sur le financement de l’audiovisuel public, les dotations de France Télévisions auraient dû atteindre 4,2 milliards d’euros en 2022, si l’on avait tenu compte de l’inflation : on est loin des 3,6 milliards d’euros qui ont été versés.
C’est pourquoi notre groupe a déposé un amendement qui vise à transformer la nouvelle part conditionnelle octroyée à quatre des six sociétés de l’audiovisuel public, en crédits budgétaires sécurisés. En effet, non seulement cette part variable est conditionnée à des « projets de transformation et de modernisation » peu définis et critérisés, mais cette enveloppe ajoute surtout de l’incertitude à l’incertitude dans la mesure où les contrats d’objectifs et de moyens pour les années à venir ne sont pas encore connus.
L’audiovisuel public a besoin de visibilité pour mettre en œuvre sa vision stratégique. Or cela manque cruellement pour l’instant. Depuis la suppression de la CAP, le Gouvernement n’a annoncé aucun calendrier ni aucune piste d’évolution.
Madame la ministre, nous ne pouvons pas nous retrouver, comme en 2022, dans une situation d’improvisation alors que l’échéance arrive.
Au regard de cet horizon pour le moins brumeux, et sauf adoption de notre amendement, il est impossible pour notre groupe de voter les avances à l’audiovisuel public. En revanche, nous voterons les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Madame la ministre, pour 2024, les chantiers sont nombreux, les attentes sont fortes et vos décisions seront importantes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits que nous examinons sont aussi importants que le champ de la mission est vaste.
Celle-ci touche aux usagers, sans doute encore plus encore que la mission précédente, car il s’agit de la presse et des livres que nous lisons, de la télévision que nous regardons, de la musique que nous écoutons ou même des jeux vidéo auxquels nous jouons.
Nous abordons aussi un domaine qui engage la souveraineté de la France, car tous ces outils participent au rayonnement de notre pays. Les enjeux doivent être envisagés à ce niveau, d’où la nécessité d’avoir des politiques publiques, cohérentes, solides et ambitieuses.
Des améliorations ont été apportées par rapport à l’année dernière et la commission de la culture, dont je salue les membres, y a pris sa part. Elle a attiré l’attention sur certaines difficultés et le dialogue constant que nous avons pu mener avec le ministère de la culture a porté ses fruits.
Mais la situation reste préoccupante, malgré quelques lueurs et davantage de visibilité. Il existe encore des insuffisances, notamment en raison de l’absence de réforme d’ensemble dans certains domaines.
La lecture reste une priorité, pas seulement budgétaire, mais aussi humaine. En effet, l’accès à la vie, à la société et à la citoyenneté est conditionné par ce précieux apprentissage. Il s’agit non seulement d’une activité ludique, mais aussi d’un accès au monde des adultes.
S’il faut se réjouir de la hausse des crédits pour la stratégie nationale en faveur de la lecture, cette déclinaison territoriale doit être davantage soutenue. Pour encourager la lecture, il faut poursuivre l’effort d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, en particulier dans nos communes rurales, où les résultats ont été positifs, voire prometteurs.
Comment soutenir les initiatives locales en faveur de la lecture et, surtout, comment aider nos collectivités, qui sont de précieux appuis pour éviter le décrochage d’une partie de la jeunesse en matière de lecture ?
Le livre connaît une certaine embellie, qui se traduit par une hausse de 3,7 % du marché de l’édition par rapport à 2019, et c’est heureux.
Mais force est de constater que les relations entre auteurs et éditeurs restent compliquées et tendues, avec, notamment, de vives divergences entre eux sur le partage de la valeur. Nous avons évité une surconcentration, mais il faut tenir compte des inquiétudes et faire en sorte que le marché soit concurrentiel.
Comment continuer à développer une véritable politique du livre dans nos territoires, avec ce cri du cœur : « Comment faire aimer le livre ? »
Dans ce domaine, il faut saluer la place de la BNF, dont le budget, qui occupe une large part du présent programme, s’élève à 242,6 millions d’euros, en progression de 6,1 %.
Mais la BNF subit de plein fouet l’explosion des coûts, notamment ceux de l’énergie, et fait face à des charges incompressibles, comme celles de son personnel, qui augmentent de 14 millions d’euros.
Cela étant, la gestion de la BNF est sérieuse et, malgré les difficultés, je veux saluer ses efforts.
Outre l’accueil des lecteurs, je tiens à souligner l’existence de chantiers importants, comme celui du futur pôle de conservation des collections à Amiens, dont l’ouverture est prévue en 2029. Ce site, qui hébergera le Conservatoire national de la presse, doit accueillir la plus grande collection de la presse francophone.
Madame la ministre, comment garantir les missions de la BNF dans ce contexte de surcoût persistant, qui résume les difficultés que peuvent subir des établissements culturels ?
La situation de la presse, quant à elle, est préoccupante, malgré des aides aussi diversifiées que constantes. Les crédits sont au rendez-vous ; là encore, il faut s’en féliciter.
Nous sommes tous attachés à disposer d’une information objective, documentée, juste et vérifiée. Média classique par excellence, mais confrontée à une crise structurelle, bien antérieure à l’apparition d’internet, la presse fait l’objet de l’attention constante des pouvoirs publics.
Outre la concurrence des plateformes numériques, on constate un effondrement des recettes publicitaires depuis quinze ans. La récente problématique de la hausse des prix, par exemple du papier ou des carburants, aggrave – hélas ! – la situation. Aujourd’hui, la presse cumule les difficultés, dont certaines sont anciennes, d’autres moins. En tout cas, le constat est là : 60 % de recettes en moins ces vingt dernières années.
La question des aides à la presse reste d’actualité, même si l’on constate une faible hausse des crédits qui lui sont consacrés.
Au-delà de l’aide aux journaux, la presse doit surtout permettre un accès à l’information de tous les citoyens sur le territoire.
La question du portage et du colportage se pose aussi depuis la mise en œuvre récente de la nouvelle aide à l’exemplaire à double barème, sans oublier le soutien à France Messagerie, qui est la seule société à couvrir l’ensemble du territoire.
Se pose enfin la question de l’accès à la presse des différents publics, dont certains sont réputés être réticents. Je pense surtout aux jeunes, qui non seulement constituent le public qui lit le moins les journaux, mais sont aussi attirés par de vrais concurrents, de faux amis de la lecture et de l’information : les réseaux sociaux.
À cet égard, comment encourager les jeunes à se tourner vers la presse ? L’extension du pass Culture aux abonnements pour 2024 permettra-t-elle d’améliorer la situation ?
Enfin, la presse quotidienne régionale (PQR) doit être accompagnée dans sa transition numérique, puisque, pour compenser la perte d’un abonné papier, trois à quatre abonnés numériques sont nécessaires.
Madame la ministre, comment avoir une information fiable qui nourrit le citoyen et sa réflexion et qui renforce son esprit critique, et non une information biaisée qui désinforme et abaisse ? Une politique ne sera efficace que si elle est en mesure d’éclairer le citoyen.
Je veux aussi aborder la situation de l’Agence France Presse (AFP), vitrine de notre pays. On observe une hausse de ses crédits, qui accompagne le redressement financier de l’agence. Des économies ont même été réalisées, ce dont je me réjouis.
L’AFP a commencé à exercer de nouvelles missions, comme le fact checking – pardonnez-moi cet anglicisme –, mais encore faut-il que la réorganisation de ses services lui permette de mieux les mener.
Nous resterons vigilants à ce sujet, madame la ministre. Nous souhaiterions d’ailleurs que vous nous apportiez davantage de précisions, car l’AFP est un organisme sous le contrôle de l’État, et non un acteur privé. Sa parole engage, et toute polémique sur l’AFP prend toujours de l’ampleur.
La question de l’identité de l’audiovisuel public se pose également. Nous avons besoin d’un service public fort ayant sa propre identité, d’une véritable marque « France », capable de relever la concurrence des grands noms étrangers, et non d’un décalque des chaînes privées.
Pourquoi parle-t-on de la BBC, mais pas de France Télévisions à l’étranger ? Il y a comme un retard.
On peut aussi s’interroger sur les achats par France Télévisions de certaines productions. Peut-être faudra-t-il que la société se concentre sur ce qui atteste la spécificité d’un grand groupe public à dimension internationale capable de relever le défi de la concurrence étrangère.
Certes, on note aussi un certain nombre d’améliorations, comme le financement de l’audiovisuel public par un prélèvement sur les recettes de TVA. Mais cette ressource n’est pas pérenne. Il reste un an pour trouver une solution durable.
Je tiens à saluer les évolutions constatées sur le CNM, dont certaines sont nées d’initiatives sénatoriales.
Une solution sérieuse a émergé avec une éventuelle « taxe streaming ». À cet égard, je salue la démarche du président de notre commission, Laurent Lafon. C’est une forme d’aboutissement par rapport aux craintes que nous avions exprimées. Cela a porté ses fruits. Je me réjouis que nous passions enfin du brouillard à la clarté.
C’est bien la preuve que le Sénat, sur la délicate question du financement de nos établissements culturels, est force de proposition et qu’il sait prendre des décisions après avoir dressé un certain nombre de constats, comme l’échec des contributions volontaires.
Mais comment surmonter les réticences des plateformes, alors que le secteur est dynamique ? Un dialogue confiant devra s’engager pour rassurer les acteurs du streaming.
La levée des inquiétudes concernant le financement du Centre national de la musique doit aussi être l’occasion de nous interroger sur ses missions. Comment mieux mettre en œuvre la politique publique en faveur de la musique ?
La pluralité de nos créations musicales et de nos musiques est un véritable sujet. Je vous l’avoue, les attaques et les dénigrements malveillants contre les musiques classiques m’inquiètent, tout comme la fragilité des musiques de nos terroirs, qui risquent véritablement de disparaître.
En commission, nous avons fait part de notre attachement au patrimoine immatériel, dont les traditions musicales de nos territoires font partie. Leur défense s’impose.
Notre vigilance n’a d’égale que notre espérance, car nous croyons en l’avenir et au potentiel de la culture dans un pays dont la réputation n’est plus à faire.
Je veux être optimiste : je ne suis pas une adepte du déclin et de la déploration systématique et résignée. Et comme Joachim du Bellay, je veux rappeler que la France est « mère des arts, des armes et des lois ». Chez ce grand poète, c’est bien notre culture qui apparaît en premier.
Sous toutes ces réserves, nous émettons un avis favorable sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2024 confirme une tendance à l’augmentation des crédits pour l’audiovisuel public, amorcée l’an passé après plusieurs années de baisse.
Mais le rapporteur pour avis Cédric Vial a raison de souligner que cette hausse doit être relativisée. Au-delà de l’inflation, elle s’explique par la nécessité de compenser les effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.
L’exemple de Radio France souligne à quel point l’augmentation du budget est en trompe-l’œil. Hors remboursement des effets fiscaux et hors programme de transformation, la hausse de la dotation est inférieure à l’inflation.
La suppression de la CAP, intervenue dans les conditions que l’on sait, s’est fait en dépit des conclusions du rapport de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l’IGF, qui préconisait de modifier la Lolf pour sanctuariser les ressources de l’audiovisuel public.
À défaut, nous n’avons aucune perspective sur son mode de financement pour 2025, car l’affectation d’une fraction de TVA ne pourra plus être reconduite dans un an si la Lolf n’est pas modifiée. Le groupe Union Centriste le savait depuis le début. C’est la raison pour laquelle nous nous étions opposés à la suppression ex abrupto de la contribution à l’audiovisuel public, sans garantie pour la suite.
Le Gouvernement – j’ai envie de dire Bercy – optera-t-il, comme on peut le craindre, pour une budgétisation de l’audiovisuel public ? Comme cela a été dit, ce serait un contresens historique. La dotation de l’État, à laquelle notre groupe a toujours été opposé, revient à remettre en cause l’indépendance et la modernisation de notre audiovisuel public.
Tous ces éléments ayant été rappelés, nous ne pouvons que nous opposer à l’amendement du rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, qui vise à réduire de 210 millions d’euros les crédits accordés à l’audiovisuel public.
Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais cette proposition relève d’un raisonnement par l’absurde : le financement de l’audiovisuel public n’étant pas pérenne, il faudrait plomber la solution transitoire.
L’amendement procède aussi d’une logique punitive vis-à-vis de l’audiovisuel public, auquel il est reproché de ne pas se réformer. C’est sévère, car toutes les sociétés de l’audiovisuel public ont fait des efforts d’économies, enregistré des gains de productivité, et amorcé une mutation de leur modèle : numérisation, intégration transversale de leurs diverses composantes, début de synergies.
Certes, on peut aller beaucoup plus loin, mais il faut aussi de la visibilité. Or force est de constater que, depuis huit ans, la tutelle est changeante, voire contradictoire.
Souvenons-nous de France 4 : le cap affiché s’est souvent résumé aux économies à réaliser, sans que l’on songe à redonner du sens aux missions de la chaîne et, plus grave, à clarifier son modèle de financement et de gouvernance.
Dans un contexte où il existe un décalage notable entre le vote de la trajectoire financière et la présentation pour validation des COM au Parlement, on ne comprend pas bien certains sujets. Par exemple, la création disposera-t-elle toujours de moyens suffisants ? On ne comprend pas bien non plus pourquoi, si l’on décide de supprimer le journal national de France 3, concurrent de celui de France 2, on ne donne pas aux rédactions régionales les moyens de mettre en œuvre un véritable journal régional, très apprécié.
En conclusion, permettez-moi de dire un mot de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui est le grand oublié de ce budget, et de l’audiovisuel public extérieur, dont le rôle est capital dans la situation actuelle de tensions internationales et de remise en cause de nos démocraties.
Nous ne défendrons pas nos valeurs sans lutter contre la désinformation. Tel est le rôle de France Médias Monde – Roger Karoutchi l’a justement rappelé –, mais aussi d’Arte, qui, aujourd’hui, n’a pas les moyens de sa plateforme européenne.
Le budget de l’audiovisuel public est aussi le prix de notre liberté. Pour France Médias Monde, le financement affecté est vital, car nos partenaires européens opèrent une nette distinction entre les médias d’État, financés directement par les gouvernements et faisant valoir leur vision du monde, et les médias indépendants de service public, qui s’attachent à délivrer une information indépendante.
Aussi, nos errements financiers actuels vont à l’encontre des engagements pris, par exemple, lors de la création d’Arte. De manière très concrète, je vous signale, mes chers collègues, que le choix d’un financement direct par le budget général de l’État serait de nature à compromettre la diffusion de RFI à Berlin.
En l’absence de sanctuarisation des crédits de la mission et de visibilité pérenne sur leur évolution, le groupe Union Centriste, suivant en cela le rapporteur pour avis de la commission de la culture, émettra un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, après une forte hausse de ses crédits en 2023, la mission « Médias, livre et industries culturelles » verra son budget atteindre un niveau historiquement élevé l’an prochain.
Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 734 millions d’euros de crédits, en hausse de 4,1 % par rapport à l’année dernière.
En 2024, environ 4 milliards d’euros seront consacrés à l’audiovisuel public, ce qui représente une augmentation de 228 millions d’euros, soit 6 % de plus par rapport à 2023.
À ces crédits s’ajoutent – ne les oublions pas – 746 millions d’euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma et 1,7 milliard d’euros de dépenses fiscales pour la culture au sens large.
Pour les industries créatives, il faut mentionner le plan France 2030, un plan d’investissement sans précédent. Dans ce cadre, je citerai l’appel à projets La grande fabrique de l’image, qui permettra à l’horizon 2030 de doubler nos infrastructures de studios pour les tournages, ainsi que nos capacités de formation et de montée en compétences.
Le CNM, créé en 2020 – juste avant la crise sanitaire –, après dix ans d’attente, donne actuellement lieu à un riche débat. J’en profite pour vous remercier de votre mobilisation, mesdames, messieurs les sénateurs.
Aujourd’hui, la question de son financement dans les années à venir se pose. Évidemment, il nous semble légitime que les plateformes de streaming y contribuent, puisqu’il s’agit désormais du mode d’écoute majoritaire de la musique, que ce soit sur des plateformes payantes comme Spotify, Deezer, Apple et bien d’autres, ou gratuites comme YouTube ou TikTok.
Actuellement, nous sommes toujours en pleine concertation. Au cours des travaux que le Président de la République m’a demandé de mener le 21 juin dernier, la proposition d’une contribution volontaire de la part des plateformes a émergé. Elle mérite d’être étudiée, expertisée, poussée le plus loin possible, car il vaut toujours mieux une contribution souhaitée, désirée, pour une solidarité interprofessionnelle rénovée et une foi collective dans le Centre national de la musique plutôt qu’une taxe imposée.
Les discussions se poursuivent, et nous vous en donnerons des nouvelles dès que nous aurons progressé.
Je voudrais insister sur la priorité donnée dans ce budget à la lecture. Je vous en ai déjà parlé l’an dernier : vous savez que c’est l’une de mes principales obsessions et de mes priorités.
Ainsi, les politiques en faveur de la lecture pour tous les territoires bénéficient d’une hausse de crédits cette année encore. Je veux notamment saluer le rôle de toutes les bibliothèques, les 16 000 bibliothèques et points de lecture sur le territoire, ce véritable service public culturel de proximité pour nos habitants, toujours en première ligne, qui tisse le goût de la lecture chez tous les Français, à tous les âges.
Les crédits supplémentaires permettront de capitaliser sur les actions déjà engagées, comme l’extension des horaires des bibliothèques, et d’amplifier l’offre de service des médiathèques, notamment dans les territoires ruraux et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Les dispositifs de soutien à la lecture à destination des jeunes publics seront également renforcés. Je pense notamment à l’opération Premières pages, qui permet de faire découvrir les livres aux tout-petits, ou encore au programme Des livres à soi, qui permet de réunir autour de la lecture parents et enfants défavorisés. Nous mettons enfin en place une aide pour renforcer la lecture dans les centres de loisirs.
Je veux également dire un mot sur le soutien au pluralisme de la presse et des radios. Vous avez été plusieurs à défendre avec beaucoup d’éloquence la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse dans notre pays, notamment l’importance de la presse quotidienne régionale.
Nous consacrons 5,7 millions d’euros à la presse et à la radiophonie, notamment en vue de consolider la trajectoire financière de l’AFP, de soutenir davantage l’expression radiophonique locale et de continuer à garantir la diversité des médias, un pluralisme qui est essentiel à notre paysage médiatique.
Par ailleurs, 4,7 millions d’euros sont prévus pour le lancement d’un plan ambitieux de numérisation de la presse ancienne – il s’agit de la presse à partir du milieu du XIXe siècle, dont le support papier vieillit évidemment très mal –, qui concernera l’ensemble des collections conservées sur le territoire.
Notre objectif est de porter en cinq ans de 40 millions à 60 millions le nombre de pages de presse numérisées par la BNF et les collectivités territoriales. C’est un enjeu mémoriel et de transmission crucial pour les futures générations.
J’en viens maintenant au budget de l’audiovisuel public, pour lequel je m’étais engagée à donner une visibilité, à non plus trois ans, mais cinq ans. C’est ce que nous vous proposons avec cette trajectoire budgétaire 2024-2028, qui contribuera à amplifier la dynamique de transformation du secteur de l’audiovisuel public, amorcée en 2018.
D’ailleurs, je tiens à vous remercier, chère Catherine Morin-Desailly, d’avoir rappelé qu’effectivement, l’audiovisuel public s’était déjà profondément transformé et qu’il avait déjà mis en œuvre des plans d’économies. Sous le précédent quinquennat, 190 millions d’euros d’économies ont été réalisés, et une baisse de 6 % des effectifs a été consentie.
Ces réformes ont été accompagnées d’une dynamique d’innovation et d’une hausse des audiences. Je vous remercie de l’avoir également rappelé : 15,8 millions d’auditeurs écoutent chaque jour Radio France ; 82 % des Français regardent les programmes de France Télévisions, tous écrans confondus ; 260 millions de personnes à travers le monde sont en contact chaque semaine avec l’un des médias de France Médias Monde.
Bien d’autres chiffres ont été communiqués par le sénateur Martin Lévrier, que je remercie de ces clarifications bienvenues, notamment sur le développement numérique, le rajeunissement des audiences ou la poursuite de l’investissement dans la création. Cette dernière porte ses fruits. Elle est souvent couronnée de succès, du moins pour France Télévisions – qu’il s’agisse de documentaires, de séries ou de fictions –, et elle crée de l’emploi dans les territoires via des tournages qui contribuent à dynamiser la filière de l’industrie audiovisuelle.
La nouveauté dans ce budget tient au fait que nous proposons de cumuler une dotation de base pour les entreprises et une enveloppe complémentaire dédiée aux projets de transformation et aux coopérations renforcées, et ce autour de priorités que vous m’avez entendu énoncer à plusieurs reprises : l’information, la proximité, la place de la culture et de la création, la jeunesse, l’éducation aux médias, et le renforcement du déploiement de la stratégie numérique. Voilà le cap fixé en concertation avec les entreprises.
Le budget, qui est donc en hausse de 228 millions d’euros en 2024, tient compte non seulement de l’inflation et des conséquences de la fiscalité liées au changement du mode de financement, mais aussi de nouvelles mesures, qui représentent à peu près 70 millions d’euros sur l’exercice 2024.
Ces enveloppes sont fixées pour trois ans, afin d’accélérer la mise en œuvre de ces priorités et de ces coopérations. Elles s’accompagnent de la mise en place d’un système de conditionnement à leur réalisation effective, ce qui doit nous permettre de tenir ce cap ambitieux de transformation. Ce n’est ni Noël en avance, monsieur le rapporteur spécial (Sourires.), ni une ambition insuffisante, comme j’ai pu l’entendre, me semble-t-il, dans l’intervention de Mme Robert. Je pense vraiment que c’est un cap solide, reposant sur un pacte de confiance avec les entreprises.
Nous avons déjà débattu de la nécessité ou non de modifier le mode de gouvernance de l’audiovisuel public. À mes yeux, les transformations seront plus rapides, plus profondes et plus efficaces si elles s’inscrivent dans ce cadre. En tout cas, cela vaut mieux que de devoir attendre la mise en place d’une holding.
Ce n’est donc pas du bricolage, monsieur le rapporteur spécial ; c’est vraiment le choix de l’ambition et de l’efficacité.
Ce système d’enveloppes complémentaires permettra certainement de faire avancer les choses rapidement. Je vous donne rendez-vous dans trois ans pour en dresser le bilan. Cela étant, vous disposerez avant cette échéance des fameux COM, qui seront transmis au Parlement au premier trimestre 2024 ; le détail de nos priorités y sera précisé.
Je tiens à insister sur les enjeux liés à l’information, un sujet qui vous tient tous à cœur – je le sais –, dans un contexte où le chaos informationnel et la désinformation sont particulièrement préoccupants.
Il est évident que le service public audiovisuel est d’abord une offre d’information de référence et qu’il doit rester – il l’est aujourd’hui – indépendant des pouvoirs politiques et économiques. Plusieurs garanties constitutionnelles organisent l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public.
Celui-ci met l’accent sur le décryptage et l’investigation, et joue aussi un rôle particulier en matière d’éducation à l’information à destination des enfants et des jeunes.
Dans les COM 2024-2028, nous comptons véritablement renforcer l’étendue, la visibilité, la qualité de l’offre d’informations du service public, qui doit également jouer un rôle central en matière de lutte contre les fausses informations et d’éducation aux médias. La coopération doit être la plus étroite possible entre Radio France et France Télévisions, mais aussi avec l’INA.
Il conviendra que chaque entreprise renforce l’expertise de ses rédactions, adapte continuellement ses formats et ses modes de production à la réalité des usages numériques.
En matière de coopération entre entreprises, une gouvernance éditoriale davantage paritaire de France Info permettra de renforcer la coconstruction de l’offre éditoriale entre les rédactions télé, radio et numérique. Des moyens complémentaires seront par conséquent consacrés à l’amélioration de France Info. Les plateformes France Info et Ici pourront devenir des références garantissant une offre de qualité.
Je pourrais citer d’autres pistes de coopération permettant de mettre l’accent sur le numérique et la proximité, ces grands enjeux de transformation que nous encourageons en leur allouant des financements fléchés, mais je ne veux pas être trop longue…
Je vous répondrai sur le mode de financement de l’audiovisuel public. Dans le projet de loi de finances pour 2024, l’affectation d’une fraction de TVA est maintenue à l’identique par rapport au précédent projet de loi de finances, mais elle prendra fin en l’état à la fin de l’année 2025. Elle ne pourra pas perdurer sans une modification de la Lolf, qui nécessite un texte organique spécifique, distinct d’une loi de finances.
Il sera donc essentiel de se pencher sur cette question en 2024 – nous avons donc encore le temps –, afin de donner la visibilité nécessaire aux entreprises de l’audiovisuel public.
Vous le savez, j’ai exprimé ma préférence pour la solution consistant à pérenniser le financement par l’affectation d’une fraction de TVA, qui impliquerait, en tout état de cause, un débat au Parlement. Cette position rejoint celle que les députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ont exprimée dans leur proposition de loi organique relative au financement de l’audiovisuel public, déposée en juin 2023.
M. Cédric Vial. C’est le texte du Gouvernement !
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cette incertitude relative à la modalité d’abondement du compte de concours financiers n’est de toute façon de nature ni à remettre en cause ou à fragiliser la trajectoire budgétaire que je vous présente aujourd’hui et qui est fixée jusqu’en 2028 ni à fragiliser l’indépendance de l’audiovisuel public, qui reste un principe absolument fondamental.
Cette trajectoire nous permettra de développer une véritable stratégie sur cinq ans. Nous en débattrons au moment de la transmission des COM, dès le premier trimestre prochain. En parallèle cette proposition de loi organique poursuivra, je n’en doute pas, son parcours législatif.
Un dernier mot de l’audiovisuel extérieur, que vous êtes plusieurs à avoir mentionné dans vos interventions. Je ne peux pas entendre qu’il est maltraité, puisque, là encore, il bénéficie d’une hausse de 8 % de ses crédits, que ce soit France Médias Monde ou TV5 Monde.
Pour France Médias Monde, des moyens supplémentaires sont prévus via l’aide publique au développement, qui dépend du budget du Quai d’Orsay. Nous lui demandons de renforcer son action en matière de lutte contre la désinformation, et de consolider sa présence en Afrique. Ce sont évidemment des priorités que nous avons à cœur.
médias, livre et industries culturelles
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
741 875 375 |
735 947 922 |
Presse et médias |
377 705 399 |
376 665 279 |
Livre et industries culturelles |
364 169 976 |
359 282 643 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-1078, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Aide à l’export de la presse vers les outre-mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse et médias |
|
|
|
|
Livre et industries culturelles |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
Aide à l’export de la presse vers les outre-mer |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, voilà quelques jours, vous étiez en outre-mer, notamment à La Réunion, où vous avez pu mesurer concrètement les difficultés auxquelles sont confrontés les journaux locaux. Je pense notamment au Journal de l’île de La Réunion et au Quotidien de La Réunion, qui sont en effet en péril, au point que la presse écrite pourrait vraiment disparaître de ce territoire ultramarin.
Malheureusement, ce que l’on observe à La Réunion pourrait aussi se produire dans d’autres départements d’outre-mer, car les contraintes sont les mêmes partout dans ces territoires, particulièrement dans le secteur du livre.
Dans ce contexte, il se révèle essentiel de pallier ces problèmes structurels, au-delà de la seule aide au pluralisme des titres ultramarins, mise en place en 2021. En parallèle de ce soutien, nous proposons la création d’une aide à l’export de la presse vers les territoires ultramarins, pour limiter les effets conjugués du coût élevé du transport de la presse vers ces territoires, de la hausse significative des coûts de l’énergie et du papier et, enfin, des tensions très fortes en matière de distribution.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Il est vrai que certains territoires d’outre-mer rencontrent des difficultés concernant la distribution et la diffusion de la presse papier. Le ministère de la culture a annoncé qu’il avait confié une mission d’inspection spécifique sur le sujet. Mais il semble qu’il soit davantage nécessaire de soutenir la presse ultramarine que d’accroître le montant des aides à la distribution, pourtant déjà très élevé, dont bénéficie la presse hexagonale.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Nous avons déjà créé une aide spécifique au pluralisme de la presse ultramarine. J’estime donc que cet amendement est déjà satisfait, et j’en demande également le retrait.
Mme la présidente. Madame Robert, l’amendement n° II-1078 est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1192, présenté par MM. Bacchi, Lahellec, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse et médias |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
Livre et industries culturelles |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement vise à revenir sur la baisse de l’aide aux exemplaires postés et, surtout, à alerter sur la dégradation importante du service de La Poste en matière de livraison de journaux, avec une incitation toujours plus forte au portage.
Le maillage territorial de La Poste se dégrade et les bureaux ferment. Une enquête du journal L’Humanité, menée entre le 6 février et le 17 février de cette année, auprès de 4 000 lecteurs, monte parfaitement combien le service se dégrade : journaux livrés plusieurs jours après leur date de parution, voire pas livrés du tout.
Le service public de La Poste, financé par de l’argent public, doit répondre désormais à des exigences toujours plus grandes en termes de rentabilité, ce qui a malheureusement des conséquences sur l’accès à l’information et la démocratie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. La réforme des aides à la distribution est intervenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. La nouvelle aide à l’exemplaire fonctionne selon un double barème, l’un concernant les exemplaires postés, l’autre les exemplaires portés.
En 2024, le coût de l’aide à l’exemplaire posté est évalué à 68,2 millions d’euros, soit une diminution de 4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Cette baisse est cependant logique, puisque tout l’objectif de la réforme est de basculer vers un renforcement de l’exemplaire porté et une diminution de la presse postée. Afin d’encourager le portage, le montant de l’aide à l’exemplaire devra diminuer de 15 % à compter du 1er janvier 2024.
Par conséquent, vouloir augmenter de nouveau le montant de l’aide à l’exemplaire posté irait à contresens de la réforme.
J’ajoute que, dans un contexte où la digitalisation de la presse, la rapidité de la diffusion de l’information, comme le coût écologique de la distribution rendent cette diffusion pour une large part obsolète, la question de la pertinence du financement de l’aide à la distribution se pose.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. L’argumentaire de M. le rapporteur spécial était absolument limpide. Ce sont effectivement les effets de la réforme qui nous conduisent à soutenir davantage le portage que le postage. Cette réforme résulte d’un rapport de M. Giannesini et d’une longue concertation. Cette diminution de 4 millions d’euros découle donc directement de la baisse des volumes postés. Avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1136, présenté par M. Fouassin, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse et médias |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
Livre et industries culturelles |
|
2 000 000 |
|
2 000 000 |
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. La presse est un pilier incontestable de notre démocratie, une voix essentielle qui résonne à travers chaque territoire et un garant de la transparence, de la liberté et du pluralisme.
Aujourd’hui, je me tiens devant vous pour défendre un amendement crucial visant à augmenter le niveau de l’aide au pluralisme des titres ultramarins, car la presse papier dans les territoires d’outre-mer est bien plus qu’une simple entité médiatique. Elle est un socle de notre démocratie.
Regardons la réalité en face. Depuis plusieurs années, le secteur de la presse à La Réunion fait face à des défis de taille. La crise sanitaire a été un catalyseur de difficultés déjà préexistantes, exacerbant les pressions sur deux piliers de l’information réunionnaise, qui ont été cités : Le Quotidien de La Réunion et Le Journal de l’île de La Réunion. Ces journaux ancrés dans le tissu même de nos communautés ultramarines se retrouvent désormais dans une situation de grande précarité.
La presse papier dans nos territoires d’outre-mer est un contrepoint indispensable, une voix qui témoigne, qui informe et qui incite à la réflexion critique. C’est un pilier de notre démocratie locale, un gardien de l’équilibre des pouvoirs et des idées. Pour assurer sa vitalité et sa survie, nous devons agir maintenant.
C’est pourquoi cet amendement est crucial. Il a pour objet une augmentation de crédits de 2 millions d’euros à l’action n° 02 « Aides à la presse » du programme 180 « Presse et médias ».
Pour garantir cette allocation, il prévoit également une réduction équivalente des crédits de l’action n° 02 « Industries culturelles » au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles ».
Certains pourraient percevoir cette réaffectation comme un simple déplacement de fonds d’une catégorie à une autre, mais c’est bien plus que cela. C’est un investissement direct dans le maintien de la vitalité démocratique de nos territoires d’outre-mer.
En soutenant nos médias locaux, en préservant leur pluralité et en garantissant leur pérennité, nous préservons les fondements mêmes de notre démocratie. Je vous appelle donc à soutenir cet amendement vital et à agir pour préserver la richesse démocratique et pour garantir que nos territoires d’outre-mer puissent continuer à bénéficier d’une presse libre et forte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Personne ne conteste le fait que la presse ultramarine rencontre des problématiques spécifiques, mais une aide pérenne à destination des titres de presse ultramarins d’information politique et générale a été instituée par décret en août 2021, pour un montant de 2 millions d’euros, reconduits chaque année.
L’année dernière, onze publications ont été reconnues éligibles : six quotidiens et cinq hebdomadaires. Les journaux cités par l’auteur de l’amendement ont largement bénéficié de ces aides : Le Quotidien de La Réunion a ainsi reçu plus de 460 000 euros en 2022 et Le Journal de l’île de La Réunion plus de 300 000 euros.
Il arrive un moment où nous ne pouvons pas tenir indéfiniment à bout de bras certains journaux avec des montants pareils.
Pour cette raison, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. J’étais moi-même à La Réunion voilà quelques jours. J’y ai rencontré les dirigeants comme les représentants des salariés de ces deux quotidiens. Je partage vraiment vos inquiétudes, parce que ce sont deux piliers du pluralisme de la presse à La Réunion qui sont en difficulté. En tout cas, Le Quotidien de La Réunion l’est très clairement, puisqu’il est en procédure de liquidation, ce qui ne nous permet pas de débloquer d’autres subventions à court terme.
En revanche, les deux journaux ont bien bénéficié des aides nouvelles, relatives au pluralisme et spécifiques aux outre-mer. Je me suis engagée à ce que toutes soient remobilisées pour Le Quotidien de La Réunion dès que la reprise sera clarifiée, quand une offre solide sera lancée : fonds d’aide au pluralisme des titres ultramarins, aides à l’investissement… Un certain nombre d’accompagnements seront possibles. Mais, pour l’instant, dans un contexte de liquidation, nous ne pouvons malheureusement aller plus loin.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Fouassin, l’amendement n° II-1136 est-il maintenu ?
M. Stéphane Fouassin. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1203 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse et médias |
|
1 |
|
1 |
Livre et industries culturelles |
1 |
|
1 |
|
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, vous avez déclaré au mois de septembre dernier : « Plus une bibliothèque sera ouverte […], plus les jeunes auront des possibilités de trouver des espaces de rencontres, de calme, de travail, de lecture, de musique. […] La lecture est un enjeu crucial pour lutter contre la violence. » C’était après qu’une bibliothèque a été prise pour cible à la suite de l’affaire Nahel.
Nous partageons avec vous cette vision de la culture comme source de paix sociale. Mais encore faut-il que les collectivités locales aient des capacités financières en la matière sur tout le territoire.
Comme l’a souligné notre rapporteur, les crédits de la BNF représentent les deux tiers du programme « Livre et industries culturelles », en raison de surcoûts énergétiques. Il faut mettre cette proportion en regard de la fréquentation ciblée de la BNF en 2024 : quelque 960 000 visiteurs, contre 12,5 millions pour les bibliothèques municipales.
Dans le même temps, l’enveloppe de 120 millions d’euros consacrée en 2022 par le ministère de la culture à l’ensemble des collectivités territoriales était bien en deçà des besoins.
Madame la ministre, voilà un amendement d’appel, qui vous invite à renforcer les moyens dédiés à la lecture publique sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Comme vient de le souligner Monique de Marco, il s’agit d’un amendement d’appel. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger sur ce thème. Je précise simplement que 5 millions d’euros sont déjà consacrés en 2024 sur les programmes 361 et 334 à la stratégie « Lecture et territoires ».
Tout en émettant une demande de retrait, je voudrais savoir ce que Mme la ministre pense de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Sur le fond, nous partageons évidemment l’ambition exprimée par les auteurs de l’amendement. Nous sommes d’accord sur l’importance d’avoir des bibliothèques sur tout le territoire.
Je précise que nous avons renforcé la dotation générale de décentralisation, à hauteur de 6,5 millions d’euros. Ce budget supplémentaire permettra de continuer notre politique d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et de soutenir de manière tout aussi prioritaire ces structures en outre-mer. Dans ces deux types de territoires, les besoins sont importants.
Ces fonds permettront aussi de nous tenir auprès des collectivités dont les bibliothèques ont été visées pendant les émeutes de juillet dernier, afin de reconstruire ces structures et de contribuer à leur animation. Nous sommes au rendez-vous de ce chantier extrêmement prioritaire.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur le fond de cet amendement d’appel d’un montant d’un euro : il faut donner envie de lire et faire des efforts en sens. Toutefois, on ne peut pas tout demander à l’État tout le temps !
En matière de lecture – Dieu merci ! –, énormément d’initiatives très intéressantes fleurissent de-ci de-là. Je pense aux boîtes à livres. Il s’en trouve de plus en plus, un peu partout. Elles ne coûtent presque rien et peuvent être fabriquées en régie par les communes et offertes par le Rotary ou par le Lions. Elles fonctionnent très bien.
Je ne dis pas qu’il faut toujours laisser à l’initiative individuelle la charge de ces bienfaits, mais il ne faut pas tout attendre de l’État. Vous connaissez la fameuse phrase de Kennedy : « Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays. » En matière de lecture, sincèrement, on peut faire beaucoup de choses autour de soi, dans sa famille, à l’école ou dans son quartier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. En réalité, ce n’était pas du tout le sens de mon amendement…
M. Olivier Paccaud. Ah bon ?
Mme Monique de Marco. Je cherchais juste à envoyer un signal en expliquant qu’il faudrait peut-être répartir les financements sur tout le territoire.
Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1203 rectifié est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
4 025 228 395 |
4 025 228 395 |
France Télévisions |
2 523 106 868 |
2 523 106 868 |
ARTE France |
293 602 353 |
293 602 353 |
Radio France |
652 954 400 |
652 954 400 |
France Médias Monde |
299 202 200 |
299 202 200 |
Institut national de l’audiovisuel |
103 913 354 |
103 913 354 |
TV5 Monde |
83 449 220 |
83 449 220 |
Programme de transformation |
69 000 000 |
69 000 000 |
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-5, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
France Télévisions |
|
92 593 351 |
|
92 593 351 |
ARTE France |
9 862 024 |
|
9 862 024 |
|
Radio France |
|
29 548 362 |
|
29 548 362 |
France Médias Monde |
|
14 467 894 |
|
14 467 894 |
Institut national de l’audiovisuel |
|
10 284 315 |
|
10 284 315 |
TV5 Monde |
|
3 482 887 |
|
3 482 887 |
Programme de transformation |
|
69 000 000 |
|
69 000 000 |
TOTAL |
9 862 024 |
219 376 809 |
9 862 024 |
219 376 809 |
SOLDE |
- 209 514 785 |
- 209 514 785 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. La présentation sera simple, puisqu’il s’agit d’un amendement de cohérence visant à tirer les conséquences du gel des crédits adopté en première partie du projet de loi de finances pour 2024.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-767 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° II-1195 rectifié est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
France Télévisions |
45 000 000 |
|
45 000 000 |
|
ARTE France |
|
|
|
|
Radio France |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
France Médias Monde |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Institut national de l’audiovisuel |
4 000 000 |
|
4 000 000 |
|
TV5 Monde |
|
|
|
|
Programme de transformation |
|
69 000 000 |
|
69 000 000 |
TOTAL |
69 000 000 |
69 000 000 |
69 000 000 |
69 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° II-767.
Mme Sylvie Robert. Nous avons donc attribué des crédits en l’absence de COM. Je précise dès lors que la fameuse sincérité de la loi de finances n’est pas de mise pour l’audiovisuel public en 2024 !
Elle l’est d’autant moins avec la création de ce « programme de transformation ». « Projets de transformation prioritaires », « de proximité, de numérique et d’information » : le périmètre est très large et peu explicite ! Le bleu budgétaire nous éclaire : « En cas de non-réalisation des projets sélectionnés ou de retard dans leur déploiement, le montant des versements alloués à l’entreprise concernée au titre de cette enveloppe pourra être ajusté. » Que veut dire « ajusté » ? J’espère que le terme ne signifie pas « supprimé » !
Une sorte de pacte pour des opérateurs de l’audiovisuel public, des crédits attribués sous conditions… Je vous avoue vraiment ma perplexité ! La création de ce nouveau programme constitue un nouveau coup porté au financement pérenne, dynamique et indépendant de l’audiovisuel public. Il ouvre une porte dangereuse d’abondement sous conditions.
Ainsi, notre amendement vise à supprimer les crédits de ce programme pour les réaffecter à périmètre constant aux quatre sociétés concernées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° II-1195 rectifié.
Mme Monique de Marco. Mon amendement est identique à celui qui a été brillamment défendu par ma collègue Sylvie Robert.
Mme la présidente. L’amendement n° II-1197 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
France Télévisions |
||||
ARTE France |
11 500 000 |
11 500 000 |
||
Radio France |
||||
France Médias Monde |
||||
Institut national de l’audiovisuel |
||||
TV5 Monde |
||||
Programme de transformation |
11 500 000 |
11 500 000 |
||
TOTAL |
11 500 000 |
11 500 000 |
11 500 000 |
11 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, Arte – je le rappelle – connaît une situation budgétaire spéciale, contraire au traité qui nous unit avec l’Allemagne depuis 1990. C’est pourquoi nous proposons une modification de la loi organique. Vous avez à votre disposition une proposition de loi en ce sens que nous avons déposée au mois de juin dernier.
Cet amendement fait suite aux remarques de notre rapporteur pour avis Cédric Vial sur le besoin de financements complémentaires d’Arte de 35 millions d’euros par an pour encourager le développement du projet de plateforme européenne.
Nous proposons donc d’augmenter la part française versée à la chaîne de 11,5 millions d’euros, soit un tiers du montant global nécessaire qui est réparti entre la France, l’Allemagne et l’Union européenne.
En effet, le projet d’Arte nous paraît le plus pertinent pour faire émerger une plateforme européenne de référence capable de proposer des contenus et de substitution face aux plateformes américaines, au développement constant, qui fragilisent tous les services publics audiovisuels à travers l’Union européenne.
La chaîne a joué un rôle précurseur dans ce domaine avec un service de vidéo à la demande qui a commencé très tôt. Ainsi, 2 milliards de vidéos ont été vues en 2021 sur sa plateforme Arte.tv. Elle a accumulé 21 millions d’abonnés sur ses chaînes de réseaux sociaux. La chaîne est en effet désormais présente sur YouTube, sur Instagram et sur TikTok. Cela lui permet de toucher un public plus jeune, avec des contenus destinés aux 15-25 ans et réalisés par de jeunes auteurs et réalisateurs aux profils divers, Arte produisant dorénavant les créations de youtubeurs et d’auteurs de programmes virtuels en réalité augmentée.
La chaîne a également étendu son offre en dehors de l’Allemagne et de la France. Depuis 2015, Arte se décline en effet en quatre langues supplémentaires : l’anglais, l’espagnol, le polonais et l’italien. Cette variété lui permet ainsi de s’adresser à 70 % des Européens dans leur langue maternelle. L’offre hors de France et d’Allemagne a progressé de 56 % entre 2021 et 2022. Jusqu’à 600 millions de vidéos sont vues chaque année.
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Monique de Marco. L’hébergement d’une telle plateforme est vraiment un enjeu économique, culturel et juridique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos II-767, II-1195 rectifié et II-1197 rectifié ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme Monique de Marco. Pourquoi ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Pour les mêmes raisons !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Avis défavorable sur ces quatre amendements, en cohérence avec ce que j’ai indiqué lors de la discussion générale, à savoir la nécessité d’avoir une ambition et un cap sur cinq ans pour l’audiovisuel public en fléchant les fonds vers des transformations et des priorités axées sur de grands enjeux : information, proximité, numérique, jeunesse et création. Ces priorités seront précisées dans les COM.
Concernant Arte, la trajectoire est déjà assez ambitieuse sur les cinq années : le financement est en hausse de 15,4 %. Nous répondons donc au développement de cette chaîne absolument vitale qui prend de plus en plus d’ampleur par sa dimension européenne. De fait, Arte est désormais bien plus qu’une chaîne franco-allemande par son étendue. Nous l’accompagnons dans ce développement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je ne voterai pas l’amendement du rapporteur spécial Jean-Raymond Hugonet, même si je comprends ses préoccupations.
La première est la zone d’incertitude dans laquelle est plongé l’audiovisuel public du fait de la fragilité de la ressource qui lui a été attribuée par la réforme de 2022. À l’époque, je n’avais pas voté cette réforme, précisément parce qu’il demeurait trop d’inconnues.
La seconde préoccupation, que je partage entièrement, est la nécessité de réaliser des réformes structurelles pour l’audiovisuel public, dont une que nous avons portée ensemble voilà à peine quelques semaines.
Autant j’entends ces inquiétudes, autant je ne comprends pas la conclusion à laquelle le rapporteur spécial arrive lorsqu’il explique que, en raison des zones d’ombre et de cette absence de réformes structurelles, il faut diminuer les ressources de l’audiovisuel public. Le lien ne m’apparaît pas clairement.
Je ne vois pas quelle finalité il y aurait à pénaliser l’audiovisuel public pour des décisions que le Gouvernement ne prend pas. Ainsi, nous le fragiliserions. Tout à l’heure, j’entendais le sénateur Karoutchi exprimer avec beaucoup de conviction, comme il sait le faire, que le groupe France Médias Monde nécessitait d’être soutenu, parce qu’il avait toujours été un peu le parent pauvre du financement. Si nous votions l’amendement de la commission, ce groupe se verrait retirer à peu près 15 millions d’euros de recettes !
À mon sens, la conclusion qui est tirée au travers de cet amendement présente des biais et pénaliserait fortement l’audiovisuel public. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas soutenir cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. Pour répondre simplement à M. Laurent Lafon, nous ne pouvons pas, nous, la commission des finances, constater l’état financier de notre pays, comme notre Haute Assemblée en débat depuis des semaines, et laisser l’audiovisuel public avec la bride sur le cou, dans une perpétuelle fuite en avant financière. (Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire et Martin Lévrier s’exclament.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-5.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 129 |
Contre | 209 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-767 et II-1195 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1197 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 8 décembre 2023 :
À neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (texte n° 127, 2023-2024) ;
Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ; articles 50 B et 50 C ;
Mission « Action extérieure de l’État » et article 50 A ;
Mission « Aide publique au développement » ;
Compte spécial « Prêts à des États étrangers » ;
Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ;
Compte spécial « Développement agricole et rural » ;
Suite de la mission « Outre-mer » et article 55 bis.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 8 décembre 2023, à zéro heure vingt.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Bernard Delcros, Thierry Cozic et Didier Rambaud ;
Suppléants : Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Laurent Somon, Michel Canévet, Isabelle Briquet, Pascal Savoldelli, Emmanuel Capus et Grégory Blanc.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER