compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 21 - Amendements n° I-1538 rectifié bis et n° I-2265 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Première partie

Loi de finances pour 2024

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).

Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’examen de l’article 22.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article 22

PREMIÈRE PARTIE (suite)

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)

B. – Mesures fiscales (suite)

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article additionnel après l'article 22 - Amendements n° I-2073 rectifié bis et n° I-795

Article 22

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le titre Ier de la première partie du livre Ier est ainsi modifié :

a) L’article 57 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la méthode de détermination des prix de transfert s’écarte de celle prévue par la documentation mise à la disposition de l’administration par une personne morale en application du III de l’article L. 13 AA ou de l’article L. 13 AB du livre des procédures fiscales, l’écart constaté entre le résultat et le montant qu’il aurait atteint si cette documentation avait été respectée est réputé constituer un bénéfice indirectement transféré au sens du premier alinéa du présent article, sauf si la personne morale démontre l’absence de transfert soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen. » ;

b) Le 0I bis de la section II du chapitre IV est complété par un article 238 bis-0 İ ter ainsi rédigé :

« Art. 238 bis-0 İ ter. – La valeur d’un actif ou d’un droit incorporel transféré mentionné au 2° du E du II de l’article 1649 AH peut être rectifiée sur la base de résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu lieu la transaction.

« Cette rectification n’est pas applicable lorsque :

« 1° Le contribuable, d’une part, fournit des informations détaillées sur les prévisions utilisées, au moment du transfert, pour déterminer les prix, notamment les modalités de prise en compte des risques et des événements raisonnablement prévisibles ainsi que leur probabilité de réalisation, et, d’autre part, établit que la différence significative entre ces prévisions et les résultats réels est due soit à la survenance d’événements imprévisibles lors de la détermination du prix, soit à la réalisation d’événements prévisibles, à la condition que leur probabilité d’occurrence n’ait pas été sous-estimée ou surestimée de manière significative au moment de la transaction ;

« 2° Le transfert en cause est couvert par un accord préalable en matière de prix bilatéral ou multilatéral, en vigueur pour la période concernée, entre les juridictions du cessionnaire et du cédant ;

« 3° L’écart entre la valorisation résultant des prévisions établies au moment de la transaction et celle constatée au vu des résultats réels est inférieur à 20 % ;

« 4° Une durée de commercialisation de cinq ans s’est écoulée après l’année au cours de laquelle l’actif ou le droit a produit pour la première fois des revenus provenant d’une entité non liée au cessionnaire et, durant cette période, l’écart entre les prévisions établies au moment de la transaction et les résultats réels mentionnés au 1° est inférieur à 20 %. » ;

2° À la fin du dernier alinéa de l’article 1735 ter, le montant : « 10 000 € » est remplacé par le montant : « 50 000 € ».

II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Au a du I de l’article L. 13 AA, le montant : « 400 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 150 millions d’euros » ;

2° L’article L. 51 est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Dans les cas prévus à l’article L. 171 B. » ;

3° Après l’article L. 171 A, il est inséré un article L. 171 B ainsi rédigé :

« Art. L. 171 B. – Pour l’application de l’article 238 bis-0 İ ter du code général des impôts, le droit de reprise s’exerce jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. »

III. – Le 1° du I et le II s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° I-807 rectifié est présenté par M. Capus, Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Médevielle, Rochette et Verzelen.

L’amendement n° I-1021 rectifié bis est présenté par M. Rietmann, Mme Berthet, MM. Bonnus, Canévet, Chauvet et Cuypers, Mme Devésa, MM. D. Laurent et Lévrier, Mme P. Martin, MM. Menonville et Pellevat, Mmes Romagny et Valente Le Hir, M. Longeot, Mme Primas, MM. Gremillet, Sautarel, Levi, Belin et Genet, Mmes Vermeillet, Dumont et Joseph, MM. Cadec et Panunzi, Mme Muller-Bronn, M. Cambier, Mme Josende, MM. Meignen et P. Martin, Mmes Jacquemet, Imbert, Bellurot, Canayer et Ventalon, M. Burgoa, Mme Pluchet, M. Milon, Mmes Billon, Gosselin, Gruny, O. Richard et Dumas, MM. Somon, Bouchet, Houpert, Sido et Pointereau, Mme Nédélec, M. Hingray, Mmes Micouleau et Belrhiti, M. Chevrollier et Mme Di Folco.

L’amendement n° I-1708 rectifié est présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Girardin, M. Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° I-807 rectifié.

M. Emmanuel Capus. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 14 de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2024, qui renforce la capacité de l’administration à détecter et à sanctionner les utilisations abusives des règles de prix de transfert, conformément aux annonces du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, auquel nous souscrivons pleinement.

Cependant, ces pratiques abusives – il faut le reconnaître – sont essentiellement le fait de grands groupes internationalisés. Aussi ne nous paraît-il pas nécessaire d’abaisser le plafond d’éligibilité aux dispositifs de contrôle renforcés.

C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’alinéa 14, qui prévoit l’abaissement du seuil portant sur le chiffre d’affaires ou l’actif brut figurant au bilan de 400 millions d’euros à 150 millions d’euros.

Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes entreprises (PME) ne nous semblent pas la bonne cible. Nous estimons qu’une telle mesure aura un coût prohibitif injustifié pour ces dernières.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour présenter l’amendement n° I-1021 rectifié bis.

M. Olivier Rietmann. Il est tout de même assez étrange, au moment où le Président de la République souligne que l’administratif fait perdre du temps à l’entreprise, et alors que Bruno Le Maire a lancé, voilà dix jours, les Rencontres de la simplification, que l’alinéa 14 de l’article 22 du présent projet de loi vienne introduire une surcomplexité pour des entreprises qui ne sont pas forcément concernées.

Vous auriez pu décider – dans ce cas, nous vous aurions suivi à 100 % – de relever les fraudes commises par un certain nombre d’entreprises et de mener une guerre contre de telles pratiques pour récupérer les sommes non acquittées. Pour cela, il aurait fallu s’intéresser à des entreprises à l’envergure internationale et à leurs filiales étrangères ; mais vos services ne peuvent pas le faire…

Par conséquent, le choix a été d’élargir le champ des entreprises françaises concernées par la production de documents administratifs et susceptibles de se faire « taper » par un redressement fiscal, uniquement en raison d’un défaut de transmission de documents.

Une telle mesure a un coût, évalué entre 200 000 euros et 300 000 euros par entreprise, et elle complexifie largement la situation. Au demeurant, sa justification serait, à en croire l’étude d’impact, de « simplifier le travail de l’administration fiscale ». Pour ma part, je pensais – je le pense toujours – que l’objectif de l’entreprise était de créer de la valeur… Vous, vous lui assignez un nouveau rôle : « simplifier le travail de l’administration fiscale ».

Cela ne peut pas fonctionner ainsi.

J’espère vraiment que vous émettrez un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’alinéa 14, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° I-1708 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis de sagesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, même si c’est gentiment demandé, je ne peux pas émettre un avis favorable sur ces trois amendements.

D’une part, dans le cadre du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, aussi bien fiscales, sociales que douanières, la disposition sur les prix de transfert est très importante.

En effet, la plupart de nos partenaires européens ont des seuils à partir desquels l’information sur les prix de transfert pratiqués par les entreprises doit être mise à disposition bien plus bas, par exemple 50 millions d’euros en Belgique, en Autriche ou aux Pays-Bas.

Le seuil de 150 millions d’euros est celui qui est retenu par l’OCDE pour des sujets comparables.

D’autre part, une telle mesure représente-t-elle une véritable charge administrative ?

Un groupe qui utilise les prix de transfert est bien obligé de les calculer, de les écrire et de les formaliser. Nous demandons uniquement que l’information soit mise à la disposition des équipes chargées du contrôle.

En toute sincérité, il s’agit donc non pas d’une charge administrative, mais d’une obligation de transmission.

Les équipes des directions spécialisées du contrôle fiscal (Dircofi), qui travaillent sur le sujet, et avec lesquelles j’ai échangé sur les fraudes fiscales extrêmement complexes, sophistiquées, par exemple en Seine-Saint-Denis, rencontrent des difficultés sur les prix de transfert.

C’est un enjeu pour nous. Il s’agit de garantir que les entreprises respectent la réglementation – c’est le cas de la plupart d’entre elles – et que personne ne passe à travers les mailles du filet.

Sincèrement, le dispositif visé à l’alinéa 14 est une mise en conformité avec les meilleures pratiques internationales, pas une surcharge administrative.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je suis un peu étonné de la demande de suppression de l’alinéa 14. Ce n’est pas une question de « complexité » ; il s’agit d’un enjeu financier fondamental.

Savez-vous qui est le premier distributeur de bananes en Europe ? C’est Jersey. Par quel artifice est-ce possible ? C’est tout simplement parce que le groupe irlandais Fyffes, grand négociant de fruits, a domicilié en pleine campagne, dans la petite commune de Saint John, une entreprise servant uniquement de boîte aux lettres.

Jersey, comme vous le savez, est la plus grande des îles anglo-normandes, d’une superficie de seulement 118 kilomètres carrés, comptant moins de 100 000 habitants, mais dont 50 % des salariés travaillent dans l’industrie financière.

Trois groupes américains – Chiquita Brands International, Dole Food Company et Del Monte Foods – sont les spécialistes mondiaux de la banane.

La banane est le fruit le plus consommé dans le monde. Ainsi, à Saint-Hélier, la capitale de Jersey, les traders achètent et revendent les bananes en provenance, principalement, d’Amérique centrale.

La banane effectue deux voyages : un premier, physique, dans un cargo, depuis les plantations du Costa Rica par exemple, en direction du marché européen – l’Allemagne, avec ses 80 millions d’habitants, en est le premier consommateur sur le vieux continent –, et un second, purement virtuel, dans le circuit informatisé des factures et de la spéculation sur les prix, qui chemine par les îles Caïmans pour l’assurance, par les Bahamas pour le droit de la marque, par l’île de Man pour la facturation et par Jersey pour les frais financiers. La banane, qui coûtait 15 centimes au Costa Rica, est ainsi vendue 1 euro, par exemple, à Berlin. Et quasiment 85 % de son prix a échappé à l’impôt.

Voilà ce que sont les prix de transfert ! C’est un enjeu fondamental. Certains parlent d’« optimisation fiscale » ; moi, j’appelle cela de l’évasion légale !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je soutiens l’alinéa 14 de l’article 22, et je voterai contre les amendements tendant à le supprimer.

Les prix de transfert, qui représentent 70 % du commerce mondial, concernent non pas les petites entreprises, mais la vente entre filiales d’un même groupe.

En réalité, c’est un mécanisme qui vise à paupériser le pays de départ. On vous a parlé des bananes. Pour ma part, j’évoquerai les brasseries au Ghana.

Première tricherie : redevance d’utilisation des marques via une société installée aux Pays-Bas. Manque à gagner pour le Ghana ? 250 000 euros.

Deuxième tricherie : versement de frais de gestion à une filiale suisse. Manque à gagner pour le Ghana ? 200 000 euros.

Troisième tricherie : enregistrement de services d’approvisionnement à l’île Maurice. Manque à gagner pour le Ghana ? 790 000 euros !

Il y a là, entre sociétés du même groupe, une explosion du prix initial. C’est de la triche, du manque à gagner pour le pays d’origine, qui, en général, a des besoins.

L’OCDE est d’accord pour taxer les prix de transfert. Nous y avons beaucoup travaillé. Le dispositif qui est prévu mérite de rester dans le PLF.

En tous les cas, je m’oppose totalement à ces amendements de suppression.

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Il me semble que nous nous trompons complètement de débat.

La question n’est pas de savoir si la fraude au prix de transfert doit être traquée : évidemment qu’elle doit l’être ; je vous rejoins à 100 % sur ce point, monsieur le ministre. Mais il se trouve que c’est déjà le cas.

Le seuil de 400 millions d’euros permet déjà de « taper » les plus grosses entreprises qui pratiquent la fraude aux prix de transfert grâce à l’internationalisation.

La baisse du seuil à 150 millions d’euros fait entrer dans le champ d’application de la mesure nombre d’entreprises dont les filiales sont françaises et ne pratiquent pas spécialement la fraude.

Le plus dommageable, c’est l’état d’esprit dans lequel tout cela est fait. Les services du contrôle fiscal – disons les choses franchement, monsieur le ministre – n’ont qu’un seul objectif : faire du chiffre. (M. le ministre délégué et Mme Nathalie Goulet le contestent.) Et il est demandé aux entreprises de payer pour que l’administration y parvienne.

Nous savons comment les choses se passent. Les critères pour les prix de transfert ne sont pas très clairs. C’est comme pour la holding animatrice dont nous parlions précédemment.

Un contrôle fiscal est lancé. Il aboutit à un redressement et à une pénalité de 2 millions d’euros. Certaines entreprises paient, mais d’autres annoncent aller devant un tribunal. Un arrangement est proposé, et la pénalité est réduite à 1,2 million d’euros. Certaines entreprises paient, mais d’autres veulent quand même aller devant le tribunal. La veille de l’audience, une proposition de pénalité à 650 000 euros est soumise à l’entreprise. Là encore, certaines paient, mais d’autres vont au bout de la procédure. Et, parmi ces dernières, 90 % gagnent contre l’administration fiscale.

En d’autres termes, le dispositif qui nous est proposé relève ni plus ni moins de l’opération destinée à « taper » de l’argent aux entreprises en se servant des prix de transfert.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce n’est pas vrai !

M. Olivier Rietmann. Il serait préférable d’éclaircir la législation sur les prix de transfert avant de faire quoi que ce soit.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-807 rectifié, I-1021 rectifié bis et I-1708 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 74 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 160
Contre 181

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° I-1010 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, M. Canévet et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Remplacer le mot :

sixième

par le mot :

dixième

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Dans la foulée des précédents amendements, il s’agit de porter le délai de reprise dont dispose l’administration pour les transferts d’actifs incorporels de six ans à dix ans.

C’est une proposition de la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, je connais votre engagement dans la lutte contre toutes les fraudes.

Nous avons d’ores et déjà allongé le délai de trois ans à six ans, ce qui est tout de même une évolution considérable et permet de mieux sécuriser le travail de contrôle.

En effet, le délai de prescription, qui, en règle générale, est de trois ans, est ainsi aligné sur ceux appliqués par les autres pays de l’OCDE.

Porter ce délai à dix ans nous paraît disproportionné au regard des besoins. Il semble préférable de voir comment cette nouvelle disposition sera appliquée par les services de contrôle fiscal, quitte, le cas échéant, à déterminer ensuite s’il est nécessaire d’aller plus loin.

Passer de trois ans à six ans est déjà une étape significative. Cela me semble un bon équilibre, car il faut veiller à ne pas trop alourdir les charges ni les contraintes pour les entreprises.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° I-1010 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente. Toutefois, je répète qu’il s’agit d’une proposition de la députée Charlotte Leduc dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2024. Mais je suis d’accord pour commencer par voir ce que donnera l’allongement du délai de trois ans à six ans.

Mme la présidente. L’amendement n° I-1010 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 22.

(Larticle 22 est adopté.)

Après l’article 22

Article 22
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article additionnel après l'article 22 - Amendement n° I-1011 rectifié

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-2073 rectifié bis, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, M. Weber, Ziane, Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 119 bis A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b, » sont supprimés ;

b) Les a et b sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« a) Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;

« b) Le versement est lié, directement ou indirectement :

« – à une cession temporaire desdites parts ou actions d’une durée inférieure à une durée fixée par décret réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;

« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;

« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions. »

2° L’article est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, l’établissement payeur des produits applique, lors de la mise en paiement, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.

« Le bénéficiaire des produits mentionnés au premier alinéa du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces produits dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.

« L’établissement payeur des produits mentionnés au même premier alinéa adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2024.

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à mettre un terme aux pratiques d’arbitrage de dividendes utilisées aujourd’hui à des fins de fraude et d’évasion fiscales. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

Au mois d’octobre 2018, l’enquête dite des CumEx Files, révélée par dix-neuf médias européens, a mis en lumière l’ampleur des pertes fiscales dues à une telle pratique.

En 2021, la perte est estimée à 140 milliards d’euros en vingt ans pour les États européens.

Le présent amendement n’est pas anodin. La France, je le rappelle, est le pays le plus touché, avec 33 milliards d’euros de manque à gagner en vingt ans.

Certes, la justice a fait son travail, comme le montrent les perquisitions conduites par le service d’enquête judiciaire des finances et le parquet national financier (PNF) au printemps dernier dans les locaux français de cinq banques.

Mais, aujourd’hui, nous devons aller plus loin. Il est désormais clairement temps que le législateur mette un terme à de telles pratiques.

Notre amendement vise à s’attaquer à tous les types de montages, même les plus sophistiqués, à supprimer la notion des quatre-vingt-dix jours autour de la date de versement des dividendes, tout en précisant l’ensemble des cas où la retenue à la source doit s’appliquer. Son adoption permettrait d’appliquer automatiquement la retenue à la source de 30 % pour tous les flux financiers partant à l’étranger.

À ce jour, l’intérêt du dispositif que nous présentons est de combattre efficacement les pratiques d’arbitrage de dividendes sans passer par une renégociation des conventions fiscales signées par la France.

De nombreux groupes politiques, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sont favorables à de telles mesures. Il est temps de mettre un terme aux aberrations que je viens de rappeler.

Mme la présidente. L’amendement n° I-795, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 119 bis A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b, » sont supprimés ;

b) Les a et b sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« a) Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;

« b) Le versement est lié, directement ou indirectement :

« – à une cession temporaire desdites parts ou actions d’une durée inférieure à une durée fixée par décret réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;

« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;

« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions.

« Le présent 1 n’est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale dans les conditions prévues à l’article 119 ter. »

2° L’article est complété par deux paragraphes ainsi rédigés :

« … – Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, l’établissement payeur des produits applique, lors de la mise en paiement, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.

« Le premier alinéa du présent II n’est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale dans les conditions prévues à l’article 119 ter. »

« Le bénéficiaire des produits mentionnés au premier alinéa du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces produits dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.

« L’établissement payeur des produits mentionnés au même premier alinéa adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2024.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.