M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi, modifié, de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Ce scrutin, qui est de droit en application de l’article 59 du règlement, est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 108 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ce débat aura permis de montrer qu’il existe des points de convergence entre nous ; je pense au gel des bandeaux famille et maladie ou à la réforme de l’assiette sociale des indépendants. Quelques points de divergence demeurent ; ainsi avez-vous supprimé l’article du PLFSS relatif aux travailleurs des plateformes, mais aussi l’Ondam lui-même, ce qui pourrait nous causer quelques difficultés…
Partageant l’inquiétude des nombreux orateurs à propos du déficit de la sécurité sociale, je regrette par ailleurs – vous m’en voudriez si je ne le faisais pas – de devoir constater qu’à l’issue des débats, celui-ci se retrouve aggravé de plus de 1,3 milliard d’euros par des dépenses supplémentaires…
Mme Cathy Apourceau-Poly. … et de moindres recettes !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … et de moindres recettes.
Je conclurai mon propos sur une tonalité très positive en remerciant le président, la rapporteure générale et les rapporteurs de la commission des affaires sociales, ainsi que l’ensemble des sénatrices et sénateurs, avec lesquels nous avons pu échanger et dialoguer de façon aussi cordiale que précise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. À l’instar de mon collègue, je remercie la rapporteure générale et le président de la commission des affaires sociales, ainsi que l’ensemble des sénatrices et sénateurs de la qualité de nos débats.
Comme l’a rappelé M. Cazenave, nous n’avons pas été d’accord sur tout ; nous avons même parfois eu de réels désaccords.
Mais nous nous rejoignons tous sur un point : il nous faut doter notre pays d’un budget de la sécurité sociale. Oui, monsieur Jomier, nous devons bel et bien maintenir notre système solidaire de sécurité sociale, qui est notre bien commun !
Ce budget est un budget de responsabilité : 8 milliards d’euros de plus par rapport à l’exercice précédent – plus de 50 milliards d’euros supplémentaires, au total, depuis 2017 – pour accompagner la refondation de notre système de santé et financer les nécessaires mesures d’attractivité.
Il tourne autour d’axes importants, qui tous convergent vers la modernisation du fonctionnement de notre système de santé. La réforme de la T2A ne revient pas à jouer avec l’hôpital, comme j’ai cru l’entendre dire : il s’agit bien de prendre en compte la nécessité de faire évoluer la tarification et, avec elle, notre système de santé lui-même.
Les délégations de tâches sont loin de se réduire à deux : depuis deux ans, vingt délégations ont été votées. Reste à les mettre en œuvre.
Notre ambition est par ailleurs d’assurer la réussite du virage de la prévention. Je rappelle à ce propos que les préservatifs sont bel et bien un outil de prévention.
Contre les pénuries de médicaments, nous actionnons de nouveaux leviers. Sur la lutte contre la fraude, le Gouvernement a entendu le message. Contre les « rendez-vous lapins », nous agissons. Sur tous ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous rejoignons.
Je me réjouis aussi de l’avancée que représente l’expérimentation d’une prise en charge de l’activité physique adaptée pour les patients atteints d’un cancer.
Il s’agit au final d’un PLFSS réaliste, ambitieux et soutenable.
Nous prenons acte du fait qu’il est voté par le Sénat sans Ondam. Or, je tiens à le rappeler, l’Ondam est un outil indispensable du budget de la sécurité sociale. (M. François Patriat et Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, je remercie à mon tour Mme et M. les ministres, M. le président de la commission des affaires sociales, Mme la rapporteure générale et les rapporteurs des différentes branches de la sécurité sociale du travail qui a été mené et de la qualité des échanges sur ce PLFSS.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier.
M. Cédric Chevalier. Lors du scrutin n° 56 qui a eu lieu cet après-midi, M. Jean-Luc Brault souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Déclinaison territoriale de la planification écologique : quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ?
Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème : « Déclinaison territoriale de la planification écologique : quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ? »
Dans le débat, la parole est à M. Hervé Gillé, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la perspective du Congrès des maires, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a souhaité proposer ce débat de contrôle pour interroger le Gouvernement sur les modalités d’accompagnement et de concertation dont s’assortit, pour les collectivités locales, le volet planification de la transition écologique.
Les feux hors normes de 2022, les sécheresses qui se sont prolongées jusqu’à l’automne et les inondations que connaît aujourd’hui le nord de la France nous rappellent de façon vive que la transition écologique, au-delà des discours, nécessite d’être mise en œuvre selon une méthodologie elle-même fondée sur une planification décentralisée et comprise par tous. Les métropoles, les agglomérations, les communautés de communes et leurs groupements, les départements et les régions sont donc incontournables.
Malheureusement, la présentation par le Président de la République, le 25 septembre dernier, de sa feuille de route écologique n’a pas clarifié les modalités de cette mise en œuvre nécessaire à l’échelle territoriale. Au contraire, le chef de l’État n’a fait que recycler des mesures déjà annoncées sans que l’on comprenne finalement en quoi la feuille de route présentée était « partagée » et en quoi elle était le fruit d’une concertation.
Cette feuille de route, loin de constituer un nouveau départ, est une redite de ce que nous demandions depuis plusieurs années : par exemple, l’annonce de la sortie du charbon, censément entérinée depuis 2022, ou encore la mise en place de RER métropolitains, renommés, grâce à l’action du Parlement, sous le terme de « services express régionaux métropolitains ». Mais aucune annonce n’est faite concernant le financement concret et sur la durée de cette politique. Une première enveloppe est prévue, mais on attend la suite.
Sur la sortie progressive des énergies fossiles, là encore, les interrogations demeurent. Par exemple, une société vient de recevoir un avis favorable du commissaire enquêteur pour la réalisation de huit nouveaux forages d’hydrocarbures en Gironde. À suivre…
L’écologie à la française, juste et accessible, dont se prévaut le Président de la République semble peu compatible avec la pause environnementale demandée à l’échelon européen, mi-octobre, par le Gouvernement. Que faut-il penser de son renoncement à sa promesse de campagne de 2017 d’interdire le glyphosate en France ? En adoptant une position d’abstention sur le renouvellement de l’autorisation dans l’Union européenne de cette substance active vivement critiquée, il fait le choix d’une hypocrisie classique consistant à faire peser la responsabilité sur les institutions européennes.
Les défis sont pourtant immenses : il faut définir le rôle et les compétences des collectivités locales, accompagner le citoyen, faire de la pédagogie lorsque cela est nécessaire et ne pas laisser derrière nous les populations les plus fragiles. En d’autres termes, il faut créer un récit et embarquer tous nos concitoyens dans l’aventure de la transition écologique, qui est, je le crois, porteuse d’espérance.
Une fois interrogée la vision, regardons maintenant du côté des moyens et des outils apportés par l’État. Là encore, nous restons sur notre faim. Les dispositifs présentés manquent cruellement d’une colonne vertébrale territorialisée. La logique d’appels à projets revient à arroser des territoires, sans concertation, sans définition d’une bonne manière d’agir, sans cartographie des besoins. Les collectivités se sentent soit dépossédées soit dépassées par des injonctions contradictoires.
Tel est le cas notamment pour ce qui concerne les zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables. J’étais ce week-end avec l’association des maires ruraux de Gironde pour faire le point. De nombreuses communes se trouvent en grande difficulté pour répondre aux injonctions de l’État, car, estiment-elles, elles n’ont eu ni l’ingénierie ni l’accompagnement nécessaires. Or les délais sont très courts.
C’est pourquoi il faut créer un cadre de dialogue avec l’État sur la base d’un projet de territoire partagé avec les différents acteurs publics et privés. Ainsi seulement se donnera-t-on les moyens de faire converger nos projets, les orientations de l’État et les sources de financement.
Médiatisées lors du Congrès des régions de France, les COP régionales ont fait leur apparition dans le paysage, un peu à la façon d’un nouveau numéro vert, avec la lourde tâche de « faire converger travaux nationaux et remontées des territoires », pour reprendre les mots de la Première ministre. Ainsi, il serait demandé aux conseils régionaux d’organiser, avec l’État, des COP dans un temps record et de mettre en place un plan d’action avant l’été prochain.
Une telle annonce est tout de même surprenante dans la mesure où la plupart des collectivités ou, du moins, un grand nombre d’entre elles n’ont pas attendu le Gouvernement pour se lancer dans une logique de planification. Tel est en effet tout le sens des travaux qu’elles mènent via les schémas de planification territoriale que sont, à des échelles diverses, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), les schémas de cohérence territoriale (Scot) intégrateurs et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi). Cet exercice exigé à l’échelon local, l’État ne se l’impose pas lui-même.
Comment ne pas imaginer que derrière ce calendrier intenable se cache la volonté du Gouvernement de se désengager d’une partie de la mise en œuvre de la planification écologique en renvoyant aux régions la responsabilité de proposer leur propre feuille de route ? À terme, cela pourrait créer des distorsions entre les territoires sans qu’aucun financement crédible soit proposé à court terme, moyen terme et, surtout – car il faut de la prévisibilité –, long terme. Au-delà de l’effet d’annonce, l’objectif fixé est-il partagé par les exécutifs régionaux ?
Malgré votre tour de France des régions, monsieur le ministre, il y a là autant de questions laissées en suspens, qui ne peuvent pas nous faire considérer sérieusement cette annonce si soudaine.
Les synergies, bien qu’essentielles, sont pourtant mal réfléchies au sein des dispositifs ; nous le voyons dans les intercommunalités qui agissent via les plans climat-air-énergie territoriaux. Cet impensé des blocs infrarégionaux des politiques gouvernementales de la transition écologique est une aberration. Il faut redonner du sens et des moyens à tous les outils prospectifs et de programmation qui sont à la main des collectivités. Et il faut à cet effet intégrer la transition écologique dans les politiques qui font l’objet d’une contractualisation avec l’État et proposer des écoconditionnalités partagées et réellement incitatives.
À cet égard, le fonds vert, dont nous saluons le maintien dans le projet de loi de finances, manque de transparence et d’articulation avec les politiques publiques territoriales. Il est indispensable qu’une partie des moyens ainsi mobilisés soit affectée à la promotion de stratégies territoriales partagées. Cela permettrait d’éviter le risque de saupoudrage des financements tout en assurant une optimisation de la consommation des crédits.
De ce point de vue, il faut saluer l’initiative des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui a été dans l’ensemble plutôt bien accueillie par les collectivités. Une nouvelle génération de CRTE est en préparation. Les attentes sont grandes, car, en particulier, les collectivités ont besoin de visibilité pour engager des investissements. Ces nouveaux CRTE garantiront-ils une vision consolidée sur la durée des actions financées par l’État ? Ils devront en effet être bien davantage qu’un programme récapitulant les financements de droit commun des différents ministères ; on en revient aux objectifs et à la conditionnalité.
Si l’on veut avoir davantage de recettes et transformer notre modèle, le principe du pollueur-payeur doit être mieux appliqué en France. Cela permettrait de lever les moyens financiers nécessaires à la transition environnementale. De tels montants doivent être largement affectés aux territoires pour leur permettre de piloter les transformations nécessaires, en matière de production comme de mobilités, d’agriculture comme d’aménagement des espaces. Je pense ici aux formidables outils que sont les paiements pour services environnementaux (PSE) et les projets alimentaires territoriaux (PAT), qui doivent être consolidés auprès des collectivités.
Enfin, la baisse constante des ressources du bloc local exige notre plus grande vigilance. Les auteurs d’une tribune parue au mois de juin dans le journal Le Monde pointaient du doigt, à juste titre, un système de financement fragile et qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Les conséquences négatives directes d’une telle lacune sur la mise en œuvre de la transition écologique doivent nous alerter.
Monsieur le ministre, si vous poursuivez la baisse des impôts de production et les demandes d’efforts budgétaires sans concertation ni négociation, les marges de manœuvre des collectivités seront réduites d’autant.
Plus encore, nous vous demandons la clarification des compétences et l’arrêt des transferts masqués de l’État vers les collectivités dans le domaine de la transition écologique. Il est aujourd’hui légitime de décliner des objectifs qui devront s’inscrire dans les politiques contractuelles associant l’État aux collectivités. Cela impose de clarifier l’allocation des moyens et de construire collectivement l’évaluation des politiques publiques menées en la matière.
De tels principes sont essentiels si nous voulons que les citoyens et l’ensemble des acteurs s’approprient ces politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays a traversé récemment des épisodes climatiques extrêmes par lesquels se manifestent plus que jamais la réalité et l’intensité du dérèglement climatique. Du Morbihan aux Alpes-Maritimes, de la Guadeloupe au Pas-de-Calais, nos concitoyens et les élus locaux – je veux en ce jour avoir pour eux une pensée particulière – ont subi de plein fouet ses conséquences.
L’État est évidemment à leurs côtés pour les aider à reconstruire et à adapter leur territoire à ce type d’événements, mais il est aussi pleinement engagé pour que nous puissions atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes assignés et sur lesquels nous nous sommes engagés, à commencer par la réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030.
Cet engagement est fondamental pour préparer un avenir habitable non seulement pour les générations futures, mais pour nous-mêmes et pour nos enfants. La bonne nouvelle, c’est que nous avons fait la moitié du chemin. La moins bonne, c’est qu’il nous reste sept ans pour faire ce que nous venons de faire en trente-trois ans.
Pour atteindre l’objectif, pour assumer ce rythme inédit, nous avons un plan. Le secrétariat général à la planification écologique et mon ministère ont travaillé pendant un an à identifier tous les leviers qui nous permettront, secteur par secteur, de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre avec la bonne intensité. Cet exercice unique au monde, nous l’avons fait. Ce cadre national, nous l’avons. Désormais, nous devons passer aux travaux pratiques.
C’est cela, la déclinaison territoriale de la planification écologique : comment faire pour que les objectifs que nous nous sommes donnés nationalement, et sur lesquels la France s’est engagée, soient effectivement mis en œuvre dans les territoires, par les entreprises, par les Français et, bien entendu, par nos collectivités territoriales ?
La Première ministre m’a confié cette responsabilité et je mène, avec ses services, une démarche qui repose sur deux piliers : la mobilisation des citoyens et l’association étroite des collectivités territoriales.
La mobilisation des citoyens passe par le tour de France que je mène au plus près des réalités locales. Cet exercice de débat et de pédagogie m’a déjà mené dans sept régions à la rencontre de près de 3 000 Français. Au bout du compte, ce sont bien les Français qui seront en première ligne : ce sont nos agriculteurs qui devront changer leurs pratiques ; ce sont nos entreprises qui devront investir autrement.
Le tour de France, c’est parler de l’avenir des Français avec eux. C’est leur tenir un discours de vérité et d’humilité, leur dire que chacun de nous a une part de l’effort à faire et une part de la solution entre ses mains.
Et je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’accueil que je reçois me donne à la fois beaucoup d’espoir dans nos chances de succès et beaucoup d’idées pour faire mieux et plus vite.
J’en viens au rôle des collectivités territoriales.
Je n’étonnerai personne ici en affirmant qu’elles sont en première ligne de la transition écologique. J’aime même dire que les maires, réunis en ce moment à Paris, sont les hussards verts de la République. Ils ont un rôle essentiel à jouer, parce qu’ils connaissent mieux que personne leur territoire et défendent des projets qui changent concrètement la vie des gens. Nous n’y arriverons pas sans eux. À cet égard, je partage ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur Gillé : beaucoup d’entre eux n’ont pas attendu l’État pour prendre le chemin de la transition écologique.
Je tiens à saluer très sincèrement le travail des sénateurs Françoise Gatel, Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche, qui m’ont remis voilà quelques jours seulement le rapport d’information de votre délégation aux collectivités territoriales intitulé Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité. Ce rapport est une mine d’or de solutions, de bonnes pratiques et d’idées fortes pour accélérer la transition des collectivités et faire d’elles les acteurs clés du changement de modèle que nous construisons.
Les collectivités sont un maillon essentiel de ce que nous sommes en train de mettre en place. Et cela vaut pour tous les échelons, de la région à la commune.
Pour embarquer les collectivités dans cette dynamique de planification, nous avons lancé les COP régionales – le sénateur Gillé les a évoquées –, qui sont copilotées par les présidents de conseil régional et par les préfets de région. Qu’est-ce qu’une COP ? C’est une enceinte de coordination et de travail qui permet aux acteurs régionaux, collectivités, monde économique, monde associatif, de réaliser un diagnostic partagé des sources régionales d’émissions de gaz à effet de serre et d’identifier ensemble les leviers pertinents de baisse ou d’accélération de la baisse des émissions sur leur territoire.
Alors que les deux premières COP régionales viennent d’être lancées la semaine dernière dans le Grand Est et en Guadeloupe, je veux saluer la dynamique au sein des collectivités territoriales engagées dans ce processus.
Évidemment, en tant que parlementaires, vous y serez associés étroitement pendant toute la durée des travaux, qui se dérouleront jusqu’à l’été prochain.
Dans les régions non plus, nous ne partons pas d’une page blanche. Je citerai un seul exemple : j’ai eu le plaisir de participer le 14 novembre à Metz au lancement de la première COP régionale, qui intégrera totalement les travaux régionaux déjà accomplis et capitalisera sur les actions lancées dans le cadre de Grand Est Région Verte. Elle poursuivra l’ambition de fédérer les acteurs de la région autour de trajectoires et d’actions communes jusqu’au dernier kilomètre de l’action publique.
La territorialisation de la planification écologique doit permettre à toutes les collectivités de s’approprier les objectifs nationaux et de les traduire en projets concrets.
Ce dernier kilomètre de la planification nous impose de revoir la manière dont l’État agit avec les territoires. Il nous impose de repenser en même temps les trois dimensions traditionnelles de l’action publique que sont le diagnostic, le portage de projet et l’ingénierie territoriale.
La première dimension est le diagnostic, sans lequel rien n’est possible. Aujourd’hui, nous faisons le constat d’un besoin de simplification pour que les collectivités puissent disposer de données et d’indicateurs de transition écologique uniformisés et pertinents. Nous allons outiller les élus et les agents territoriaux en mettant à leur disposition un socle commun d’indicateurs territoriaux facilitant le pilotage de la transition de leur territoire. C’est une dimension clé. Cet outil est déjà disponible.
Après la phase de diagnostic, il y a les projets à accompagner. Nous avons une philosophie : pour que le partenariat État-collectivités fonctionne en matière de planification écologique, nous devons donner de la visibilité pluriannuelle et adapter nos outils en conséquence. Nous le ferons sur deux plans.
D’une part, nous ferons en sorte que les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) deviennent bien des « contrats pour la réussite de la transition écologique ». Nous veillerons également à ce qu’ils soient déployés en permettant la pluriannualité des financements dans le cadre du recensement des projets participant à la transition écologique. Ne refaisons pas un tour de piste pour savoir quels sont les engagements déjà pris par les collectivités. Assurons-nous juste que les « tuyaux » des projets arrivent bien en face des « tuyaux » destinés aux financements.
D’autre part, nous allons mieux poursuivre et articuler entre eux l’ensemble des programmes publics de soutien aux collectivités qui permettent de dynamiser les territoires : Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Villages d’avenir, Territoires d’industrie.
L’ingénierie est une question clé. Dans ce domaine, demain, au Salon des maires et des collectivités locales (SMCL), je présenterai la charte signée avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), la Banque des territoires et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) pour concrétiser un nouvel engagement de cohérence, de coordination et de simplification de l’ingénierie territoriale, souhaité notamment au Sénat à l’occasion d’un rapport sur l’agenciarisation.
Enfin, et je terminerai par ce qui est le préalable de toutes nos actions : pour agir, il faut comprendre, ce qui implique de former. Au-delà de la formation de 25 000 cadres de la fonction publique d’ici à 2024, nous venons de finir une phase d’expérimentation auprès de 500 maires. Elle sera généralisée avec les opérateurs du ministère, afin que nous soyons en mesure d’avancer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que, sur le fonds vert et la mise en œuvre d’une partie des dispositifs, les seize questions à venir me permettront de répondre aux différents points que je n’aurais pas eu le temps d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum, y compris l’éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente.
Le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, pour ouvrir cette série de questions, je souhaite vous interroger – au hasard ! – sur l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) et la planification ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il ne vous aura pas échappé que cette question remet ces temps-ci le Palais du Luxembourg en émoi. La deuxième loi est récente et les décrets sont toujours en attente de publication. De nombreux collègues s’interrogent déjà sur l’atterrissage, ce qui prouve que notre travail n’est peut-être pas terminé. Le Sénat mettra d’ailleurs en place, probablement au début de l’année prochaine, une nouvelle mission de suivi. La commission des finances a également accéléré ses travaux sur la fiscalité.
Ma question relative aux ZAN et à la planification se fait justement l’écho de cette inquiétude.
Nous nous sommes battus collectivement pendant des mois à vos côtés, de manière transpartisane, pour que les régions, via les Sraddet, aient une approche la plus large et souple possible, c’est-à-dire qu’elles restent dans l’orientation et n’entrent pas dans la planification. Nous avons eu des débats sur la prise en compte et la compatibilité, sur l’importance du fascicule réglementaire. Tout cela nous inquiète au plus haut point.
Nous avons trouvé un accord intéressant prévoyant une solution à la carte. Les régions qui veulent aller très loin dans la norme pourront le faire et celles qui ne le souhaitent pas n’y seront pas obligées.
Or voilà que sont installées les COP, dont la mise en place va même s’accélérer. Cela suscite des interrogations et renforce notre inquiétude. Nous avons l’impression que le diagnostic a été fait en chambre, sans concertation. Il n’est pas possible de proposer de clés : les objectifs régionalisés sont communiqués au compte-gouttes, et les actions sont de plus en plus normées.
Quid de ces COP ? S’agira-t-il d’une planification normative qui viendra écraser tout ce que l’on a fait ? La COP régionale écrasera-t-elle la conférence régionale du ZAN ?