M. Bernard Jomier. Pas moi personnellement !
M. Olivier Henno. … ce qui, en matière d’exonération de charges, reste tout sauf neutre.
Mais cessons d’être taquins et revenons au fond. Nous consacrons 33,3 % du PIB à la protection sociale, alors que la moyenne européenne est à 29 %.
Mon cher collègue Bernard Jomier, je partage votre idée selon laquelle le déficit du PLFSS pourrait être un poison mortel pour notre système de protection sociale. Toutefois, je vous réponds qu’il existe un autre poison pour le PLFSS, ainsi que pour notre société, peut-être encore plus foudroyant : l’augmentation des prélèvements, des taxes et de diverses cotisations, comme dans le sketch des Inconnus Rap-tout.
Il n’y a qu’un seul remède possible pour notre système de protection sociale : celui des réformes structurelles qui impliquent du courage politique et qui permettront de réaliser d’importantes économies. Ce n’est pas la politique du rabot ou des franchises, qui se contente finalement de gérer la pénurie ! Ces réformes structurelles devront poser clairement la question de la pertinence des soins et des actes médicaux et, surtout, de la suradministration de notre système de santé. (Mme la rapporteure générale applaudit.)
Si ces remarques peuvent s’appliquer à toutes les branches, elles concernent en priorité la branche maladie. Il faut revoir notre organisation pour la médecine de ville, ainsi que notre organisation et notre management du système hospitalier.
Sur la branche autonomie, nous avons eu des débats intéressants, comme celui sur la fusion des budgets soins et dépendance dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous sommes favorables à cette expérimentation à une condition, et pas des moindres : qu’elle ne soit à aucun prix l’occasion d’une recentralisation par le transfert de la tutelle des Ehpad sur les agences régionales de santé (ARS).
Pour nous, le département doit encore renforcer sa place d’organisateur de l’action sociale dans la totalité de ses composantes.
Pour la branche autonomie, il y a urgence à aborder courageusement une loi autonomie pour le grand âge et le handicap sur le plan des moyens, mais aussi de la gouvernance.
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie n’est pas ou n’est plus un outil pertinent pour le pilotage paritariste de cette branche. Sur ce sujet également, nous souhaitons que les départements puissent s’impliquer davantage dans le pilotage de la branche autonomie.
Sur les retraites, mes chers collègues, vous dénoncez dans un même élan la brutalité de la réforme et le fait que son impact financier soit limité. C’est incohérent !
La réforme des retraites aura un impact financier réel dans cinq ans, et pas avant, car des décisions ont été prises – ce n’est pas neutre – en faveur des petites retraites et des carrières hachées. C’est une réalité. Merci René-Paul Savary ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin, la branche famille est la grande oubliée ! Rien ou presque rien sur le tiers payant du complément de mode de garde, sur le congé parental, sur l’universalité des allocations familiales ou sur le service public de la petite enfance.
Cette pauvreté de la politique familiale est une nouvelle illustration que ce gouvernement n’est pas suffisamment tourné vers l’avenir, alors même que notre natalité chute de 850 000 naissances à 700 000 naissances.
Mes chers collègues, le PLFSS demeure un texte financier. Son équilibre, ou plutôt son absence d’équilibre résulte de choix ou de non-choix politiques du Gouvernement. Nous refusons de nous résoudre à une telle situation.
Pour autant, le groupe UC votera ce PLFSS modifié par son examen au Sénat, parce qu’il est bien meilleur que celui adopté par le biais de l’article 49.3 de la Constitution à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, nous avons rejeté l’Ondam pour 2024. Pour la première fois, dans le cadre de l’examen de ce PLFSS, nous avons approché le cœur du débat : l’avenir de la sécurité sociale.
Permettez-moi de revenir sur ce point en guise de préliminaire. L’Ondam est-il un outil pilotable ? L’ensemble des travées, ou presque, ont répondu « non ».
L’Ondam a-t-il été piloté depuis la crise sanitaire ? Le Gouvernement a répondu « non ».
L’Ondam tel qu’il est présenté au Parlement est-il un outil démocratiquement satisfaisant ? Encore « non » !
Notre groupe a rejeté l’Ondam. Toutefois, contrairement à la majorité sénatoriale, il ne s’agissait pas de sanctionner une dérive de l’Ondam ou de condamner des dépenses excessives d’assurance maladie. Que d’hypocrisies lors de notre débat ! Alors que le déficit de la sécurité sociale s’aggrave au fil des années et atteint 8,8 milliards d’euros en 2023, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont rejeté nos propositions de nouvelles recettes.
Notre amendement visant à créer une cotisation sur les superprofits aurait rapporté à lui seul 10 milliards d’euros de recettes pour la sécurité sociale et aurait rétabli, sans aucune autre taxe, une justice sociale nécessaire.
Ainsi, faute de perspectives avons-nous rejeté l’Ondam, en l’absence d’une trajectoire claire de financement permettant de garantir la sécurité sociale, face à une voie illusoire dans ses moyens et sans issue dans sa réalité.
Soyons précis. Quel défi fallait-il relever pour sauver notre sécurité sociale et répondre aux enjeux d’avenir ? Je vous parle là d’une réalité : urgences hospitalières engorgées, difficultés pour trouver un médecin généraliste en secteur 1, possibilité moindre de bénéficier d’une retraite avant de mourir, accès aux soins réduit lorsqu’on n’est pas français, inégalité devant l’achat d’un fauteuil roulant.
Je vous parle simplement de notre contrat social de solidarité, de fraternité et d’égalité. Je le répète, je sais que, dans cet hémicycle, y compris sur les bancs du Gouvernement, nous sommes nombreuses et nombreux à partager l’idéal de cette conquête sociale, à nous battre pour que les plus précaires aient accès aux droits fondamentaux, à souhaiter que la sécurité sociale soit garantie.
Or ce texte n’apporte aucune solution à la désertification médicale, aux problématiques d’accès aux soins, à l’épidémie de maladies chroniques, aux problématiques de la santé environnementale, à la réduction des inégalités et à l’égal accès aux droits. Il manque, pour l’hôpital public, un milliard d’euros et, pour notre pays, des milliers de professionnels de santé. En un mot, face à l’urgence écologique, sociale, et économique, il eût fallu un virage majeur pour préserver la sécurité sociale et protéger les plus précaires. Or ce texte ne l’amorce pas. Il ressemble plus à un patchwork bricolé qu’à un plan de financement.
Soyons clairvoyants ! Le Gouvernement engagera sa responsabilité devant l’Assemblée nationale pour faire adopter le texte budgétaire qu’il souhaite. Pauvre démocratie ! Je compte sur vous, monsieur le ministre, madame la ministre, pour protéger, pour le moins, les mesures utiles que nous avons intégrées à ce projet de loi et que nous pouvons partager, quels que soient nos désaccords, notamment en termes de prévention.
Je pense à l’intensification de l’information et de la sensibilisation dans les établissements scolaires pour que la campagne vaccinale contre le virus du papillome humain soit un succès, à l’amélioration de la continuité de la prise en charge des frais de santé des Françaises et des Français de l’étranger qui viennent se réinstaller en France, à la création d’une taxe sur les publicités pour les jeux d’argent et de hasard, à la suppression de la ponction dans les caisses d’assurance chômage ou encore au maintien de la contribution tarifaire d’acheminement vers la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour le financement des pensions de retraite.
Toutefois, certains enjeux majeurs de la santé et de la protection sociale n’ont pas pu être correctement discutés la semaine dernière et ont été finalement balayés. Nous ne pouvons pas faire l’économie de la santé environnementale, de la démocratie sanitaire, de la réduction des risques, de la santé communautaire et de la lutte contre les addictions. Autant de sujets dont le texte ne s’empare pas !
Le Gouvernement ayant ouvert la consultation publique pour la stratégie de santé 2023-2033, je l’invite à venir nous la présenter. Notre commission a proposé un débat dans ce cadre, car cette stratégie manque aujourd’hui cruellement.
Vous l’aurez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires considère ce texte insuffisant pour répondre aux enjeux contemporains de la santé et de la protection sociale. Malgré quelques mesures de prévention et le début d’une autre tarification hospitalière, ce projet de loi propose un statu quo.
Le financement, c’est business as usual, et le navire « sécurité sociale » poursuit sa navigation sans voir l’iceberg vers lequel il fonce. Pour la santé et le social, comme pour le climat, il n’y a pas de business as usual ! Il y a un naufrage annoncé, et nous voguons à bord d’un Titanic que nous croyons insubmersible, mais qui, sans prise de conscience rapide, coulera assurément. Préparons-nous ! Il y a urgence pour garantir notre sécurité sociale et environnementale. Notre groupe votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons achevé l’examen du budget de la sécurité sociale pour 2024.
Durant cinq jours et quatre nuits, nous avons examiné 830 amendements portant sur un budget de 640 milliards d’euros. Quel bilan tirons-nous de ces débats ?
La copie du Gouvernement, adoptée à l’Assemblée nationale avec un passage par le 49.3, était très médiocre et, surtout, largement insuffisante. Nous l’avons dénoncée au cours de nos interventions.
Le budget de la santé est largement insuffisant pour répondre aux difficultés rencontrées dans les hôpitaux, aux difficultés liées aux pénuries de médicaments, aux difficultés pour avoir un rendez-vous avec un médecin.
Les budgets des branches famille et accidents du travail-maladies professionnelles sont également sous-dotés et dénués de vision politique ambitieuse, ce qui est très regrettable.
Le budget pour 2024 de la branche autonomie est aux antipodes des besoins rencontrés par le secteur médico-social et aux antipodes des futurs besoins engendrés par le vieillissement de la population.
Enfin, le budget de l’assurance vieillesse démontre l’inefficacité de la contre-réforme des retraites, qui devait permettre le retour à l’équilibre et qui aggravera finalement le déficit de 12 milliards d’euros en 2027.
Le Gouvernement a équilibré le budget de la sécurité sociale pour 2024 par des mesures d’économies réalisées sur le dos des assurés sociaux, en renforçant par exemple les contrôles des arrêts maladie ou en déremboursant les soins dentaires.
Que devons-nous retenir des modifications apportées par la majorité sénatoriale ?
Tout au long de l’examen de ce PLFSS, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont, d’une même voix, rejeté par dogmatisme tous nos amendements prévoyant de nouvelles recettes.
Nous avons proposé pour notre part de lutter plus fortement contre la fraude aux cotisations patronales, ce qui rapporterait 8 milliards d’euros.
Nous avons proposé de mettre à contribution les bénéfices records réalisés par les entreprises, en créant une contribution des revenus financiers, en augmentant le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les produits financiers et en créant une contribution de solidarité des actionnaires, ce qui rapporterait près de 40 milliards d’euros.
Nous avons proposé d’instituer une contribution sociale exceptionnelle sur les sociétés réalisant des superprofits, ce qui rapporterait 10 milliards d’euros.
Nous avons proposé d’instituer l’égalité salariale femmes-hommes, ce qui rapporterait 5 milliards d’euros.
Enfin, nous avons proposé de supprimer les exonérations de cotisations sociales, ce qui rapporterait 87,9 milliards d’euros.
Vous avez refusé 150 milliards d’euros de recettes supplémentaires, pour des raisons dogmatiques de défense des entreprises et des plus aisés.
La majorité sénatoriale a par ailleurs accordé, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, d’exonérations supplémentaires de cotisations sociales aux entreprises.
Par ailleurs, elle ponctionne encore les assurés sociaux, en créant une « taxe lapin » pour les rendez-vous médicaux non honorés.
La copie du Gouvernement a donc été aggravée par la droite sénatoriale. Comment ne pas être en colère face à l’incapacité du Gouvernement et de la majorité sénatoriale de tirer les conséquences de l’échec des politiques de réduction des dépenses ? Si les hôpitaux publics subissent une désertion en masse des professionnels de santé, c’est en raison de la dégradation de leurs conditions de travail.
Des décennies de coupes budgétaires ont imposé un travail de plus en plus pénible dans les hôpitaux. Ceux-ci sont devenus des organisations maltraitantes qui usent les personnels et dégradent la qualité des soins.
Les personnels des secteurs de la santé et du médico-social sont pourtant profondément attachés au service public et à la qualité de la prise en charge des patientes et des patients.
Notre modèle de sécurité sociale est dangereusement remis en cause par les exonérations de cotisations patronales.
Le patronat dénonce pression fiscale et montant des cotisations sociales. Pourtant, les exonérations patronales n’ont jamais été aussi importantes ! La réduction des cotisations patronales, actée encore récemment pour l’Agirc-Arrco, transfère le financement de la sécurité sociale des entreprises vers nos concitoyens, à tel point que notre pacte social tangue désormais dangereusement !
Après le vote du Sénat, le Gouvernement pourra dégainer une dernière fois le 49.3 à l’Assemblée nationale lors de l’examen en nouvelle lecture du PLFSS 2024. Cela ouvrira le bal des textes financiers sur lesquels les députés seront privés de vote.
En conclusion, ce PLFSS 2024 est un rendez-vous manqué pour un financement à la hauteur des besoins sociaux, mais aussi un rendez-vous manqué pour reprendre la main sur la maîtrise publique de la production de médicaments.
Lors de nos débats, le président de la commission des affaires sociales a souligné à plusieurs reprises son souhait que la commission « se saisisse » de certains dossiers. Sachez que nous sommes volontaires pour y participer.
Pour l’ensemble de ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, qui ont défendu un autre projet que le vôtre au cours des débats, voteront contre ce PLFSS pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, 642 milliards d’euros de dépenses et 631 milliards d’euros de recettes : voilà l’essentiel de ce que nous nous apprêtons à voter. C’est un budget colossal, marqué par un déficit tout aussi colossal de plus de 10 milliards d’euros l’an prochain.
Alors que nous approchions l’équilibre avant le covid-19 et que nous espérions une amélioration avec la fin de la crise sanitaire et la réforme des retraites, les prévisions pour les années à venir ne sont pas très optimistes.
L’annexe A de ce projet de loi prédit un déficit des branches maladie et vieillesse plus élevé en 2027 qu’en 2024, alors même que les prévisions de croissance seraient surestimées, d’après l’analyse du Haut Conseil des finances publiques. Une telle trajectoire a été rejetée par la grande majorité des membres de cet hémicycle.
Pour notre groupe, ce rejet traduit notre inquiétude sur la soutenabilité de notre système de santé, notre inquiétude pour les générations futures, à qui nous transmettons cette dette, et notre inquiétude relative à une financiarisation de la santé.
Toutefois, admettons-le, la situation est complexe. Entre réduire les dépenses – mais quelles dépenses ? –, alors même que les hôpitaux peinent à trouver de l’argent, et augmenter les recettes sans porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises ni dégrader le pouvoir d’achat de nos concitoyens, le champ d’action est particulièrement étroit.
À l’horizon 2050, la population française comptera près de 20 millions de personnes âgées, dont 4 millions seront en perte d’autonomie. À cela s’ajoutent l’explosion des maladies chroniques et l’arrivée de nouvelles thérapeutiques innovantes, plus coûteuses.
C’est une évidence : nous aurons besoin de plus de soignants, à qui nous devrons proposer de bonnes conditions de travail. Il n’est donc pas difficile de comprendre que certaines dépenses de santé continueront de croître.
Pour autant, nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader encore sous nos yeux. Nous sommes ainsi convaincus qu’un travail de fond et de long terme doit être mené.
Nous devons examiner courageusement et sans tabou la pertinence des soins. Le coût de la gestion administrative de notre système de santé est pointé du doigt par la Cour des comptes. Selon cette dernière, si le système français a l’avantage de garantir un « reste à charge particulièrement faible », il est « particulièrement coûteux en frais de gestion ». Elle préconise aussi de faire en sorte que les financements de la sécurité sociale et des mutuelles, dont les frais de gestion augmentent, ne se superposent plus, ce qui est souvent le cas à l’heure actuelle.
La suradministration représente 5,6 % des dépenses totales de santé, notamment du fait de la trop grande centralisation de notre système. Nous devons aller plus loin dans la décentralisation, faire confiance aux territoires et acteurs de terrain, comme d’autres pays en Europe s’y sont employés.
En attendant, des pistes de réduction des dépenses existent. Outre les mesures de lutte contre la fraude, bien enrichies par le Sénat, l’accent doit surtout être mis sur la prévention et l’éducation à la santé. Nous soutenons toutes les mesures qui vont dans ce sens. Sur la vaccination contre le papillomavirus, la campagne nationale menée dans les collèges est une excellente initiative, de même que sa généralisation dans ce PLFSS. En effet, le papillomavirus est à l’origine de 6 400 nouveaux cas par an. C’est un véritable enjeu de santé publique. Vaccination et dépistage peuvent ouvrir la perspective d’une éradication du cancer du col de l’utérus.
Compte tenu de la forte désinformation concernant ce vaccin, de la peur agitée sur des risques supposés, mais jamais démontrés, nous insistons sur l’importance de renforcer l’information des jeunes et de leur famille en amont des campagnes de vaccination. C’est l’objet d’un amendement qui a été adopté.
À titre personnel, mon incompréhension demeure quant au rejet de toute taxe supplémentaire sur l’alcool, alors que la méthode a montré son efficacité pour le tabac et que l’on connaît parfaitement les risques majeurs que la consommation d’alcool fait peser sur la santé. À l’origine de 41 000 décès par an en France, deuxième cause de mortalité évitable, l’alcool coûte 102 milliards d’euros par an à la société.
Plus de recettes pour la prévention, moins de dépenses pour des maladies graves qui seront évitées : tels sont les enjeux de la taxe comportementale, qui ne doit pas être opposée – je le répète – à l’information et à l’éducation.
J’espère que nous pourrons avancer, dans le cadre du PLF, sur le prix minimum de l’alcool, dans la mesure où nous n’avons pas pu présenter dans ce PLFSS un amendement sur ce sujet, pour cause d’irrecevabilité.
Toujours en matière de prévention, nous nous félicitons de voir enfin un premier pas fait en faveur du remboursement de l’activité physique adaptée pour les patients atteints de cancer. C’est un sujet que je défends de longue date, et je suis satisfaite de voir l’amendement de notre groupe adopté, avec le soutien du Gouvernement et de la commission.
Pour les autres mesures visant à réduire les dépenses, je soutiens à titre personnel certaines dispositions du texte issu de l’Assemblée : l’application sans délai de la réforme de la tarification à l’activité (T2A), l’interdiction de prescrire des arrêts de travail de plus de trois jours en téléconsultation, l’incitation aux transports sanitaires partagés ou encore la délivrance de médicaments à l’unité, en cas de rupture d’approvisionnement.
Ce sont des mesures de sobriété et de bon sens, dont certaines, et je le regrette, ont été supprimées.
Nous nous réjouissons de l’adoption de certains amendements que nous avons défendus. Il s’agissait d’amendements de justice, de cohérence et de simplification, visant notamment à reporter la date d’inscription des départements volontaires au nouveau régime de financement des Ehpad, à pérenniser le dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE) et à donner aux EPCI gérant des aides à domicile les mêmes avantages que ceux qui sont donnés aux centres communaux d’action sociale (CCAS).
Pour toutes ces raisons, après avoir mis en balance les bonnes mesures et les moins bonnes mesures, les amendements adoptés et les dispositions encore manquantes, la majorité du groupe RDSE s’abstiendra sur ce texte.
Avant de finir, j’aimerais insister sur l’importance d’acter, comme le ministre de la santé s’y est engagé, la suppression du coefficient de minoration pour les établissements privés à but non lucratif. Il pénalise injustement les centres de lutte contre le cancer et des hôpitaux, qui, sur de nombreux territoires, dont le mien, assurent seuls les missions de service public auprès de la population.
J’aimerais également vous parler de mon département, qui se trouve aux frontières de la Belgique et du Luxembourg. Nous subissons une double peine : outre la situation nationale de pénurie de soignants, la concurrence frontalière fragilise grandement nos hôpitaux et nos soins de premier recours. Nos professionnels de santé sont « aspirés » – le mot n’est pas beau, mais il reflète bien la réalité – par le Luxembourg, où les salaires sont jusqu’à trois fois plus élevés.
J’ai proposé par amendement la prise en compte de la concurrence frontalière dans la définition des zones bénéficiant du coefficient géographique. Si cet amendement a été rejeté, le ministre a semblé ouvert à d’autres pistes. Nous avons besoin du Gouvernement pour avancer sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Ce texte s’inscrit dans un contexte difficile – nous l’avons dit – pour notre système de santé, fragilisé par une inflation forte et une augmentation de ses coûts de fonctionnement.
L’objectif du texte était clair : soutenir les établissements de santé les plus fragiles, permettre au personnel soignant de gagner dignement sa vie sans que les avancées du Ségur soient effacées, moderniser et mieux prendre en charge les patients dans notre pays.
Un objectif, et un horizon : la maîtrise des dépenses et du déficit, et la recherche d’économies, quand c’est possible, dans les différentes branches, notamment pour les soins de ville.
Sont prévus également le soutien aux plus précaires avec la simplification de l’attribution de la complémentaire santé solidaire, la réforme du financement des hôpitaux, l’intensification de la lutte contre la fraude sociale, le renforcement des compétences des pharmaciens et la lutte contre les pénuries de médicaments…
Les avancées contenues dans ce texte sont nombreuses. Deux orientations, en particulier, sont à souligner : le soutien à l’autonomie et le renforcement de la prévention.
Sur le soutien à l’autonomie, 39,9 milliards d’euros seront engagés en 2024 pour renforcer l’attractivité des métiers, adapter l’offre médico-sociale aux besoins démographiques et améliorer la qualité des accompagnements. Soulignons notamment la mise en place, désormais sous la forme d’une expérimentation, d’une fusion des sections « soins » et « dépendances » dans certains départements, en vue de la création de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile.
Sur le renforcement de la prévention, 150 millions d’euros supplémentaires sont destinés à la généralisation de la vaccination contre les infections à papillomavirus ou la prise en charge intégrale des protections périodiques réutilisables et des préservatifs pour les moins de 26 ans.
Je tiens par ailleurs à saluer, madame la ministre, l’adoption d’un amendement du Gouvernement permettant la prise en charge du sport sur ordonnance. C’est un signal très positif, qui s’inscrit pleinement dans la grande cause nationale souhaitée par le Président de la République. C’est une mesure que vous savez attendue, tout particulièrement dans les territoires ultramarins.
Au cours des débats, notre groupe a formulé un certain nombre de propositions. Nous nous réjouissons de l’adoption de plusieurs d’entre elles.
Je pense aux amendements de notre collègue Xavier Iacovelli, qui ont permis d’alourdir la taxation des produits les plus sucrés, afin de ralentir la progression de l’obésité et du diabète et d’inciter les industriels à proposer des produits plus sains.
Je pense également à l’amendement permettant à un orphelin handicapé de bénéficier, sans condition d’âge, d’une pension de réversion à la suite du décès d’un ou de ses deux parents.
L’adoption d’un amendement de notre collègue Nadège Havet permettra de poursuivre les efforts engagés en faveur d’une mobilité plus sobre et décarbonée, en facilitant le remboursement des frais de location de vélos par l’employeur.
Je pense enfin à l’amendement de notre collègue Solanges Nadille, dont l’adoption permet d’étendre la liste des sérogroupes de méningocoque donnant lieu à vaccination obligatoire, afin de prévenir la recrudescence des méningites aiguës.
Mes chers collègues, ces avancées sociales et sanitaires auraient dû conduire notre groupe à voter en faveur de ce projet de loi. Pourtant, nous ne le voterons pas. (Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)
Pour la deuxième année consécutive, vous avez en effet souhaité supprimer l’Ondam, au motif qu’il serait flou et insincère, lui reprochant tout à la fois de ne pas prévoir ce qu’il ne peut pas prévoir et d’être insuffisamment maîtrisé quand il se révèle chaque année insuffisant.
Dans cette même logique, vous avez rejeté la trajectoire des comptes de la sécurité sociale pour les prochaines années, la jugeant insuffisamment ambitieuse, tout en choisissant d’inscrire dans le texte un milliard d’euros d’exonérations supplémentaires, en un chassé-croisé qui ne nous convainc pas.
Nous ne sommes pas non plus convaincus par le report à 2028 de la réforme du financement des établissements de santé et, avec elle, de la T2A. Cette réforme est attendue ; elle est prête. Ayons le courage de la mener.
Un mot enfin sur la révision des coefficients géographiques appliqués aux établissements de santé situés dans les territoires ultramarins, et tout particulièrement en Guadeloupe : l’engagement du ministre à y maintenir le coefficient à 27 %, nonobstant les études faisant état de surcoûts inférieurs à ce taux, a été accueilli avec soulagement, sans pour autant effacer toutes les craintes.
Les professionnels de santé appellent en effet à la création de missions d’intérêt général propres aux outre-mer, afin de prendre en compte les défis structurels auxquels ces territoires font face. Je pense notamment à l’accessibilité des établissements ou à la prévalence de certaines maladies chroniques.
Au cours de ces cinq jours de débats, c’est au fond la question lancinante de la refonte structurelle du financement de la sécurité sociale qui s’est imposée. Le Gouvernement doit l’entendre. Le Sénat doit s’en emparer.
Notre groupe ne peut pas se satisfaire d’une version du projet de loi désormais sans réelle cohérence et oscillant entre des mesures sociales et sanitaires ambitieuses, d’une part, et des objectifs en matière de dépense publique devenus flous et très éloignés de ceux que nous nous sommes fixés, d’autre part.
C’est donc en toute logique que notre groupe s’abstiendra.
Permettez-moi pour conclure, mes chers collègues, de remercier les ministres des précisions bienvenues qu’ils nous ont apportées tout au long de ces débats, précisions attendues et écoutées bien au-delà de notre hémicycle. Je remercie évidemment aussi nos rapporteurs du travail considérable qu’ils ont fourni sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)