compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy Benarroche,
Mme Alexandra Borchio Fontimp.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Financement de la sécurité sociale pour 2024
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2024 (projet n° 77, rapport n° 84, avis n° 80).
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, durant une semaine, nous avons débattu du budget de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement. Ce budget est en déficit et il le sera plus encore au fil des ans, selon la trajectoire établie : 8 milliards d’euros, 11 milliards d’euros… jusqu’à 17 milliards d’euros en 2027 !
Cette trajectoire inédite est l’œuvre d’un Gouvernement qui, faute de parvenir à rétablir les comptes sociaux, fragilise la sécurité sociale dans ses fondements en répandant dans l’opinion publique l’idée que notre système ne serait pas soutenable dans la durée.
Cette semaine de débats nous aura utilement confirmé qu’il s’agissait d’un choix. En effet, les dépenses de santé progressent plus vite que la richesse nationale sous l’effet de différents facteurs : la population vieillit, les problématiques liées à la dépendance se multiplient et le coût de nombreux soins augmente fortement. Tout cela entraîne une augmentation des dépenses évaluée à 4 % par an environ quand, pour sa part, le Gouvernement propose un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) en hausse de 3,2 % seulement, ce qui rend le budget intenable de l’avis général des acteurs du monde de la santé.
L’année dernière déjà, malgré nos alertes, il avait fallu majorer l’Ondam de 1,2 % en 2023.
Pour arriver à cette hausse de 3,2 %, le Gouvernement maltraite d’abord l’hôpital. De fait, en raison des hausses liées aux revalorisations du personnel, qui sont les bienvenues, il ne reste aucune marge pour faire face à l’inflation et aux besoins du quotidien hospitalier. L’année 2024 sera encore plus dure que 2023 pour nos hôpitaux. Des activités vitales sont touchées, par exemple la néonatalogie ou les lignes d’urgences premières.
Ensuite, le Gouvernement maltraite le secteur de ville. Les négociations conventionnelles y reprennent avec les médecins et reprendront sans doute avec les pharmaciens, dont l’exercice en officine est de plus en plus fragile, sans qu’un seul euro soit inscrit au budget.
Enfin, le Gouvernement maltraite le secteur de l’autonomie, dans lequel de nombreux établissements sont en grande difficulté financière. Il faudra leur apporter des réponses et de nouveaux moyens en 2024, bien au-delà des 100 millions d’euros supplémentaires abondés au cours de l’examen du texte. Si le bien vieillir devait être une politique sociale et sociétale structurante, pour l’instant il relève davantage du slogan et de l’avorton législatif…
Tout indique que les dépenses, en 2024, dépasseront le budget voté. Dès lors, les recettes seront-elles majorées pour éviter de creuser plus encore le déficit ?
En la matière, le Gouvernement paraît ne suivre qu’une orientation : lier la hausse de recettes à l’amélioration espérée de l’emploi. Il a rejeté presque toutes les propositions relatives à la réduction des exonérations et à la fiscalité comportementale, ainsi que les propositions de prélèvements portant sur le capital et sur les revenus des actionnaires.
Quand les dépenses augmentent et que les recettes les couvrent de moins en moins, quelle solution reste-t-il ? Le transfert, que nous constatons, de dépenses hors du périmètre de la sécurité sociale vers les ménages, soit directement, avec les franchises, soit au travers des organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam), avec les baisses de remboursement des soins dentaires.
Nous votons un budget qui sera, j’en prends le pari, modifié en cours d’exercice par voie réglementaire.
Certes, ce budget comprend des mesures positives : le déploiement de la vaccination contre le virus du papillome humain (HPV, Human Papillomavirus), les dispositions relatives à la santé des femmes et une modification du financement des hôpitaux dont nous approuvons le principe et attendons les modalités.
Toutefois, ces mesures ne peuvent faire oublier le cadre général restrictif, la procrastination politique sur la dépendance et l’inexistence de politiques affirmées sur la famille et sur les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Ces deux derniers sujets souffrent du désintérêt ancien pour la prévention.
En définitive, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est décevant, car il n’impulse aucun des changements profonds indispensables au maintien d’un système solidaire.
Premièrement, il n’interroge pas la dégradation des indicateurs de santé du pays : nous occupons désormais la treizième place des pays de l’OCDE en termes d’espérance de vie à la naissance et la mortalité infantile progresse.
Deuxièmement, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne remet pas en cause la construction de l’Ondam pour mieux prendre en compte les besoins de santé en les appuyant sur une approche territoriale.
Troisièmement, ce projet de loi ne porte pas le virage de la prévention qui impose d’affronter avec volontarisme les consommations de tabac et d’alcool, les facteurs environnementaux, la qualité de notre alimentation et l’activité physique.
Quatrièmement, il ne contient aucune mesure de nature à freiner la financiarisation du système de santé, qui transforme les cotisations des assurés sociaux en revenus pour actionnaires. Comment, dans de telles conditions, prétendre agir sur la pertinence des soins ?
Cinquièmement, ce projet de loi laisse les pénuries multiples se répandre.
Vous l’aurez compris, nous estimons, madame, monsieur les ministres, que le budget que vous nous présentez est une impasse. La crise sanitaire qui a frappé en 2020 est derrière nous, mais les enseignements ne sont pas tirés.
Alors qu’il faudrait réunir un large accord politique pour rénover en profondeur notre protection sociale et notre système de santé, la faiblesse de votre base en la matière empêche le Parlement de remplir pleinement son rôle. Les contournements sur le format du Conseil national de la refondation (CNR) ne règlent rien. Le résultat est là et nous le désapprouvons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité sociale est un bien précieux et son budget est largement supérieur à celui de l’État. Hélas, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 qui nous a été présenté est en demi-teinte : une lueur de propositions encourageantes se retrouve étouffée par tant d’autres dispositions profondément décevantes. J’évoquerai avec vous mes regrets, qui sont à la hauteur du devoir qui nous incombe.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un aveu d’impuissance sur le plan budgétaire. Par l’abandon de l’objectif d’un retour à l’équilibre, le Gouvernement transmet la dette sociale aux générations futures sans une once d’embarras, malgré le fardeau qui devrait prêter à ce sentiment.
En effet, il s’agit bien ici de milliards d’euros qui sont en jeu. Déjà plus important que l’an dernier, le déficit devrait se creuser au cours des prochaines années pour atteindre plus de 17 milliards d’euros en 2026 et en 2027.
Pour cette raison, le groupe Les Républicains rejoint l’analyse de la commission des affaires sociales du Sénat sur la trajectoire financière de ce PLFSS, dont nous déplorons l’insincérité et l’incohérence.
Succédant à la crise sanitaire, le contexte inflationniste provoque une hausse vertigineuse de l’Ondam, passant de 200 milliards d’euros en 2019 à 255 milliards d’euros en 2024. Devant un tel manque de transparence, le Sénat n’a d’autre choix que de rejeter cette véritable boîte noire.
L’assurance maladie devrait suivre en 2024 une trajectoire de dépenses dynamique, mais le Gouvernement ne prend la peine ni de justifier, ni d’affiner l’enveloppe pour la représentation nationale, ni de détailler les économies prévues à hauteur de 3,5 milliards d’euros. En témoigne explicitement la hausse des franchises et de la participation forfaitaire, au traitement malheureusement trop caricatural.
Si le soutien à la vaccination contre le papillomavirus humain est le bienvenu, il constitue la seule mesure de prévention tandis que la prescription d’antibiotiques par les pharmaciens contre les angines et contre les cystites est la seule en matière d’amélioration de l’accès aux soins. Mes chers, collègues, la prévention et l’amélioration de l’accès aux soins ne peuvent en rester là !
C’est la raison pour laquelle nous avons aussi souhaité diminuer le nombre de rendez-vous non honorés, source de gaspillage de temps médical. Il devient indispensable de responsabiliser davantage les patients et cette mesure de bon sens portera ses fruits en matière de sensibilisation.
Je vous parlais de regrets. En voilà un autre : la profonde, voire inquiétante, impréparation du Gouvernement sur ce texte. Puisque nous avons jugé que la réforme du financement de l’hôpital était trop précipitée, nous avons reporté son entrée en vigueur au 1er janvier 2028, après trois années d’expérimentation, pour ne pas mettre en danger les hôpitaux. Nous ne pouvons que regretter la méthode du Gouvernement, qui, sans étude d’impact ni financements complémentaires, entend poursuivre une ambition dénuée de prudence. Mes chers collègues, refusons de jouer avec l’hôpital pour des effets d’annonce !
En matière de lutte contre les pénuries de produits de santé, nous avons une divergence avec le Gouvernement : l’obligation de la dispensation à l’unité est une fausse bonne idée. Nous avons noté la timidité des ministres en matière de substitution par des médicaments biosimilaires.
La précipitation, qui est allée de pair avec l’impréparation, se retrouve par ailleurs dans l’abandon à mi-chemin de l’article 39. La suppression pure et simple de ce dernier est la brillante démonstration de mesures mal anticipées, concoctées à la hâte. Un temps de concertation supplémentaire est souhaitable, voire nécessaire, avant d’adopter des modifications aussi substantielles sur le régime de la rente AT-MP.
La branche famille est la grande oubliée de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Grâce aux modifications du Sénat, elle se voit transférer 2 milliards d’euros issus de la branche maladie. Ce montant répond au précédent transfert, depuis l’assurance maladie maternité, de la charge du congé de maternité postnatal.
Cette mesure, qui répondait à une logique comptable, masque un manque d’ambition en faveur de la politique familiale : ce congé, pas plus que la grossesse, n’est un mode de garde ; par contre, il relève bien de la santé ! Tant qu’il n’y aura pas de budget pour soutenir les familles, il n’y aura pas de véritable politique nataliste dont le pays a pourtant besoin.
J’évoquais avec vous la lueur d’optimisme que représentaient certaines mesures. En voici une, proposée par le groupe Les Républicains : la possibilité, pour les orphelins dont les parents sont affiliés au régime des artisans, des commerçants et des professions libérales, de bénéficier d’une pension de réversion. Si cette mesure de justice sociale visait déjà les fonctionnaires et les salariés du privé depuis l’année dernière, notre groupe a élargi les critères d’éligibilité à la pension de réversion des orphelins en situation de handicap éloignés de l’emploi.
Ayant à cœur de prendre en compte les besoins de nos territoires, nous avons voté, pour soutenir nos départements qui doivent assumer de plus en plus de charges financières en matière de dépendance et de handicap, le maintien de 250 millions d’euros relatifs au plafond des compensations de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) versées à ces collectivités pour la prestation de compensation du handicap (PCH) et pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Nous avons adopté la proposition du Gouvernement de verser aux départements un complément au concours APA de 150 millions d’euros et de transformer en expérimentation la fusion des sections soins et dépendance pour le financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous regrettons, hélas !, que ces montants soient bien en deçà des besoins financiers des départements, surtout si le Gouvernement s’en tient à sa proposition de 150 millions d’euros. Nous attendons toujours de pied ferme une réforme sur le financement du secteur de la dépendance et du handicap.
Nous avons aussi renforcé les droits des élus locaux en matière de retraite. Depuis le 1er septembre 2023, l’ensemble des élus peuvent cotiser au régime général sur ces indemnités après une simple demande auprès de leur collectivité. Nous avons désormais intégré à ce champ les délégués des collectivités territoriales membres des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) afin de parachever l’avancée en matière de droits à la retraite.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Corinne Imbert. Nous nous réjouissons également de la suppression de la disposition prévoyant une contribution de l’Agirc-Arrco au système de retraite. L’État n’a pas à ponctionner les caisses de ces complémentaires, constituées de l’excédent obtenu par les efforts des salariés. Si l’État souhaite financer de nouvelles dépenses, qu’il fasse des économies.
Oui, mes chers collègues, il est envisageable de réaliser 1 milliard d’euros d’économies par exercice pendant plusieurs années, notamment par un renforcement de la lutte contre la fraude et par des contrôles accrus sur les actes médicaux redondants.
C’est pourquoi nous voulons rendre obligatoire d’ici à trois ans le contrôle biométrique des retraités résidant à l’étranger et intégrer des agents des conseils départementaux aux échanges d’informations entre agents de l’État et organismes de protection sociale. Nous devons continuer sur cette voie et faire de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie un cheval de bataille.
Parce que les Français méritent que nous parlions de santé, de prévention, de politique familiale et du bien vieillir, parce que nos aînés attendent que nous trouvions des solutions pour la prise en charge du grand âge et de la dépendance, parce que l’ensemble des professionnels méritent que nous discutions du déficit budgétaire des établissements de santé et des établissements médico-sociaux, parce que les familles méritent que nous nous orientions vers une politique nataliste et vers une meilleure conciliation entre vie professionnelle et familiale, et en raison de l’ampleur des enjeux auxquels ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à faire face, le groupe Les Républicains votera ce texte dans sa version modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons l’impression d’être, comme l’arche de Bercy, noyés dans la Seine et de continuer la brasse coulée de ces dernières années.
La balance sociale est toujours aussi déséquilibrée. Les dépenses, qui atteignent 255 milliards d’euros, sont en hausse de 3,2 % par rapport à 2023 ; le déficit, quant à lui, est amené à se creuser à 17,5 milliards d’euros d’ici à 2027, selon vos prévisions les plus optimistes.
Alors qu’environ 60 % des Français auraient déjà renoncé à se soigner, en raison soit de délais d’attente soit du coût de la consultation, vous vous apprêtez à ajouter un impôt sur la santé en augmentant la franchise à la charge des patients sur les boîtes de médicaments et sur les consultations.
Dans la ruralité comme dans les métropoles, les maternités et les services d’urgences ferment épisodiquement, pour ne pas sombrer, ou définitivement. La France des hôpitaux recule. Les déserts médicaux progressent. Malgré cela, vous imposez une austérité de 600 millions d’euros aux établissements hospitaliers ! Pour dégrossir la bête, vous choisissez de retirer le squelette au lieu de réduire les graisses.
Pendant que le soin et l’accueil de la vie reculent, l’idéologie progresse. Le système de sécurité sociale, auquel nous cotisons tous très largement, rembourse les transitions de genre et les détransitions qui s’ensuivent. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marianne Margaté. Oh ! là là !
M. Stéphane Ravier. L’État finance également des « salles de shoot », qui se trouveront bientôt dans nos rues à Marseille, alors qu’à l’approche de l’hiver certains médicaments de première nécessité, comme l’amoxicilline, manquent dans de nombreuses pharmacies. Nous sommes très loin des inspirations du catholicisme social à l’origine de notre modèle de protection sociale. L’idéologie a pris le pas sur la solidarité !
J’en veux encore pour preuve le fait que, le 1er octobre dernier, la prise en charge des soins dentaires par l’assurance maladie est passée de 70 % à 60 % quand, dans le même temps, vous proposez la gratuité des préservatifs et des protections hygiéniques pour les moins de 26 ans. Le socialisme vous aveugle ! (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Vous êtes les ministres chargés de financer la santé des Français, pas leur sexualité ! Il faut revenir au régalien et cesser de régaler ! (Sourires.)
Le pire est encore à venir avec le projet de loi sur l’euthanasie, visant à éliminer les coûteux pensionnaires du système de sécurité sociale là où vous vous trouvez incapables de contribuer au bien vieillir.
Enfin, alors que les départements peinent à soutenir les structures d’aide à domicile et les Ehpad, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la Cour des comptes ne pouvait connaître le détail du nombre de cartes Vitale en circulation dans notre pays. (M. Xavier Iacovelli proteste.) Dans quel genre de régime vivons-nous ?
En l’absence de transparence et de contrôle, nous sommes obligés de croire que les chiffrages actuels sont minimalistes. Pourtant, ils annoncent 75 millions d’assurés sociaux en France pour 67 millions d’habitants, soit 8,2 millions d’assurés sociaux en trop dans le système ! La fraude sociale est la seule industrie qui se développe encore dans notre pays. Elle est une gigantesque injustice nationale et sanitaire.
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Ravier. Sans aucune évolution dans ce domaine et malgré les avancées du Sénat, je me refuserai à donner mon aval à votre texte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, cette année encore, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été l’occasion de débats importants sur l’orientation budgétaire que nous souhaitons donner à notre pays en la matière.
Je remercie les rapporteurs, notamment la rapporteure générale, et salue tant leur travail que leur pédagogie. Jusqu’à vendredi soir, ils ont fait en sorte que nous puissions participer à des débats de qualité sur ce sujet majeur.
Le texte que nous avons à voter aujourd’hui revêt deux aspects : il a trait, d’une part, à la situation budgétaire de la sécurité sociale et, d’autre part, aux choix que nous faisons en faveur de nos concitoyens pour l’avenir.
Chaque année, nous ne pouvons que déplorer l’augmentation du déficit et l’évolution des prévisions pour les années suivantes. Pour 2024, le manque s’élève à 8,8 milliards d’euros. En 2027, il atteindra 17,5 milliards d’euros, un chiffre inédit depuis 2012, hors période covid. Cet abîme de milliards au-dessus duquel nous nous penchons doit nous alerter sans pour autant nous conduire à l’immobilisme en matière de protection sociale.
La peur de continuer à creuser le déficit doit toutefois guider nos choix, les bons, ceux qui permettront aux Français de continuer de bénéficier de la sécurité sociale dans les meilleures conditions, sans risquer de remettre en question l’existence même de ce qui fait la force de notre République.
C’est exactement le choix qu’avait fait le Sénat, en mars dernier, en adoptant le recul de l’âge de départ à la retraite tout en tenant compte des carrières longues, de la pénibilité ou encore de la maternité. Cette réforme n’empêchera pas à court terme la branche retraite de creuser son déficit. Elle illustre la capacité du Sénat à prendre ses responsabilités et les mesures qui s’imposent, aussi impopulaires soient-elles, pour sauvegarder notre système de retraite.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, quels sont les choix qui ont été faits ?
Premièrement, ce texte contient des avancées très concrètes pour nos concitoyens grâce à la prise en charge des préservatifs et des protections féminines réutilisables pour les jeunes, à la possibilité pour les pharmaciens de délivrer, dans un cadre précis, certains médicaments de première urgence sans prescription médicale ou encore à la simplification de l’accès à la complémentaire santé solidaire. Ces mesures représentent des apports dont beaucoup de Français pourront bénéficier et il est bon de constater qu’un consensus peut exister au moins sur ces sujets.
Deuxièmement, comme tous ici, certainement, nous partageons l’idée selon laquelle la clé de voûte de tout système de santé doit être la prévention. Nous nous réjouissons des précisions que le texte apporte concernant les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie et de la proposition de vaccination dès le collège contre le papillomavirus humain, surtout au regard de l’efficacité du vaccin lorsqu’il est administré avant le début de la vie sexuelle.
Sur le terrain de la prévention, nous avons suivi avec intérêt les débats autour d’une plus forte taxation des boissons et des produits sucrés. La question mérite d’être posée, même si nous ne pensons pas nécessairement que l’augmentation des taxes soit la meilleure réponse à apporter à un problème de santé publique. Nous pensons que privilégier la prévention et l’éducation face au sucre, au tabac ou à l’alcool est une démarche plus vertueuse qu’une simple mesure punitive.
Troisièmement, ce texte prévoit le renforcement du contrôle des arrêts de travail. Leurs répercussions sur les comptes de la branche maladie sont une réalité. Que l’augmentation de leur coût soit due à l’évolution de leur nombre ou à celle du montant des indemnités journalières, il faut prévoir un meilleur encadrement pour éviter les abus qui, sans être majoritaires, existent bel et bien.
Quatrièmement, des précisions ont pu être apportées à l’encadrement des arrêts délivrés par télémédecine. Nous partageons cet objectif.
Cinquièmement, le texte contient des outils de lutte contre la fraude aux cotisations sociales. À ce titre, nous regrettons que l’article 6, qui concernait les microentrepreneurs de plateformes numériques, ait été supprimé.
Nous regrettons également que le texte ne soit pas à la hauteur du défi de la dépendance. Sur ce point, la réalité dépasse nettement les ambitions. Le nombre de seniors de plus de 85 ans doublera d’ici à 2040. L’ensemble des emplois promis auprès de nos aînés doivent être créés dès maintenant et non pas lors du prochain quinquennat.
Nous regrettons, en outre, que le texte soit quelque peu lacunaire sur le développement des soins palliatifs. Le Gouvernement affiche, pour fin 2024, l’ambition de couvrir tous les départements d’une unité les prodiguant ; j’espère que cet objectif sera satisfait. Il doit être un préalable à toute modification de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti.
Enfin, l’Ondam affichait un plafond de 254,9 milliards d’euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2023. Si ce montant nous semblait insuffisant pour les hôpitaux comme pour le secteur médico-social, nous ne partageons pas les raisons invoquées ayant conduit à la suppression des articles en question vendredi dernier.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. François Patriat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, mes premiers mots sont des remerciements.
Je les adresse d’abord à la rapporteure générale pour la qualité de son travail, pour la précision de ses propos et pour la pertinence de ses amendements, ensuite à M. le président de la commission des affaires sociales, qui a parfois été au four et au moulin, et enfin, pour la forme, aux ministres qui ont siégé au banc et qui sont souvent sortis de leurs fiches, cherchant à argumenter et à animer ce débat.
Seulement, il y a le fond et le texte lui-même. Tout au long du débat, on a entendu de nombreux adjectifs visant à qualifier ce PLFSS : « plat », « décevant », « désabusé ». Nous, membres du groupe UC, parlerons d’un PLFSS « désenchanté », comme la célèbre chanson de Mylène Farmer (Exclamations amusées.), d’un PLFSS qui nage dans les eaux troubles du déficit !
Ce déficit atteindra 9 milliards d’euros en 2024. Surtout, il suivra une trajectoire préoccupante, donnant même le vertige, puisqu’il atteindra 17 milliards d’euros en 2027.
Un pays qui s’endette pour financer sa protection sociale, un pays qui reporte le financement de sa protection sociale sur les générations futures est un pays qui va mal, très mal. Or ce pays, c’est la France !
Madame, monsieur les ministres, je crains que l’histoire ne juge sévèrement cette période d’endettement public. Ce PLFSS ne prend pas en compte le changement de monde, la fin de l’argent pas cher et la hausse des taux d’intérêt.
À ce sujet, l’argument du ministre de la santé, qui a souligné le caractère minime du déficit du PLFSS comparé à celui du projet de loi de finances (PLF), est, aux yeux du groupe UC et de la majorité sénatoriale, irrecevable et incongru.
Notre pays a 3 050 milliards d’euros de dettes. Le service de la dette s’élèvera bientôt à 74 milliards d’euros par an. C’est supérieur au budget de l’éducation nationale, et cela nous oblige à agir. Mais tout est dans La Tribune Dimanche. N’est-ce pas, monsieur le ministre ?
Alors, quelles solutions ? À gauche, j’ai écouté Bernard Jomier. C’est toujours la même réponse : l’augmentation des prélèvements, souvent en préconisant la suppression des exonérations de charges patronales et salariales. D’abord, permettez-moi de douter de votre crédibilité sur le sujet. (MM. Bernard Jomier et Rachid Temal protestent.) Dans l’opposition, vous préconisez l’augmentation des recettes, mais, au pouvoir, vous faites le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE),…