compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Ouzoulias
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Immigration et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 551 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel avant l’article 14.
TITRE III
SANCTIONNER L’EXPLOITATION DES ÉTRANGERS ET CONTRÔLER LES FRONTIÈRES
Avant l’article 14
M. le président. L’amendement n° 551 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 823-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 823-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 823-1-…. – Est puni d’une peine de dix ans d’inéligibilité, d’un an de prison et de 75 000 euros d’amende, le fait, par une personne investie d’un mandat électif public, de soutenir sans droit, à tout moment, directement ou indirectement une association, une personne ou un groupe de personnes identifiées comme facilitant ou tentant de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement vise à instaurer un délit de clientélisme.
L’immigration, ce ne sont pas seulement les attaques terroristes du 13 novembre à Nice, perpétrées par de prétendus « violeurs en décalage culturel ». L’immigration, ce sont aussi de belles victoires électorales fondées sur le clientélisme, cette vente à la découpe de la démocratie, qui fait passer de 49 % à 51 % des votes.
Les immigrés sont demandeurs de prestations publiques, ils en réclament toujours plus, quand les Français ont appris à être abandonnés par l’État et à se débrouiller sans.
Puisqu’ils sont davantage demandeurs, ils sont captifs. Je les ai vus, ces immigrés à qui on promettait des logements et des emplois en échange d’un bon vote. Puis je les ai vus chahuter ces mêmes élus qui, bien qu’ayant gagné, n’avaient pas la possibilité de remplir leur part du contrat.
Cette pratique n’est pas moins grave que celle qui consiste à bourrer des urnes ou à faire voter des morts ; elle est même pire, car le clientélisme exploite la misère des gens. Le clientéliste est un rapace qui mine notre démocratie et qui triche : tout ce que le Sénat, représentant des collectivités locales, doit combattre vertement.
Je n’ai rien vu de pire, sauf peut-être à Marseille, quand un candidat LR a organisé un système de fraude par procuration pour les personnes atteintes d’Alzheimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Ravier, vous entrerez dans l’histoire, si ce n’est l’histoire avec un grand H, du moins celle du Sénat, maison qui est très attachée à la défense des maires, pour être le premier à demander la création d’une nouvelle infraction à l’égard des maires !
M. Stéphane Ravier. Ils se reconnaîtront !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous commençons nos travaux avec un amendement qui, loin d’être satellitaire ou à la marge de ce projet de loi, tend, comme tous les amendements déposés par M. Ravier, à caractériser un régime politique.
Si cet amendement était adopté, je ne pourrais plus siéger dans cette assemblée.
M. Stéphane Ravier. Quel aveu !
M. Pascal Savoldelli. On peut avoir des désaccords, mais lorsque j’ai parrainé des enfants de sans-papiers, aucun gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, n’a mis en cause ma légitimité !
Vous parlez de clientélisme, monsieur Ravier ; or on le saurait si M. Zemmour ou Mme Le Pen étaient favorables au droit de vote des étrangers !
Ce que vous proposez est très grave : cela relève d’une dictature, et non d’une démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 551 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 14
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 823-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d’amende lorsque les infractions prévues aux mêmes articles L. 823-1 et L. 823-2 sont commises dans deux circonstances mentionnées au présent article dont celle mentionnée au 1°. » ;
2° (nouveau) Après l’article L. 823-3, il est inséré un article L. 823-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 823-3-1. – Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions définies aux articles L. 823-1 et L. 823-2 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende. » ;
3° (nouveau) Le 3° de l’article L. 823-9 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, des poursuites pénales sur le fondement de l’article L. 823-3-1 ne peuvent pas non plus être engagées. »
II. – Le 13° de l’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « Crimes et » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et crime de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces infractions prévu aux articles L. 823-3 et L. 823-3-1 du même code ».
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié ter, présenté par Mme Devésa, MM. Bonneau et Chasseing, Mme Gacquerre, M. Guerriau, Mme Lermytte, MM. Longeot, Ravier et Rochette, Mme Saint-Pé et MM. Levi et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1er
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Aux premiers alinéas des articles L. 823-1 et L. 823-2, le mot : « cinq » est remplacé par le nombre : « sept » et le montant : « 30 000 » est remplacé par le montant : « 150 000 » ;
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Il est essentiel de lutter contre l’activité des passeurs, contre le trafic de migrants et contre la traite des êtres humains.
Cet amendement, proposé par ma collègue Brigitte Devésa, vise donc à augmenter les peines pour les infractions suivantes : premièrement, le fait de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ; deuxièmement, le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger, que ce soit sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ou sur le territoire d’un autre État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée signée à Palerme le 12 décembre 2000.
Ces infractions sont actuellement punies de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Il s’agit, en cohérence avec la réforme du Gouvernement, de porter ces sanctions à sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le texte va déjà très loin dans la lutte contre les réseaux de passeurs et leurs dirigeants, qui encourent jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle et 1 500 000 euros d’amende. Le durcissement des peines que vous proposez, pour des personnes qui ne sont pas les têtes de réseaux, pourrait contrevenir à la hiérarchie des peines.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 553 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le 3° de l’article L. 823-9 est abrogé.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Quel beau pays que le nôtre ! En France, il est interdit de violer la loi, sauf quand on viole la frontière. Tel est l’objet du débat que nous avons eu précédemment concernant la délictualisation du séjour irrégulier.
Non seulement il n’est pas interdit de violer la loi, mais – encore mieux – il n’est pas interdit d’aider à la violer ; c’est en tout cas admis par l’administration. Bienvenue en Absurdistan !
La complicité et l’aide au séjour irrégulier doivent être punies sévèrement par la loi. Et ne faites pas les naïfs, mes chers collègues, comme au sujet des bateaux taxis pour les migrants !
Les personnes qui franchissent nos frontières doivent être aidées, en mer comme sur terre. Personne ne souhaite qu’elles meurent ! Mais une fois sauvées, elles doivent être placées dans un centre de rétention administrative (CRA) en attente d’une expulsion, et non pas logées par un habitant qui contourne volontairement la loi ou les aide à se déplacer sur le territoire sans aucun contrôle, ce qui constitue un acte de complicité.
Par vos amalgames, c’est vous qui criminalisez l’humanitaire ! Ne confondez pas aide humanitaire et soutien à l’immigration illégale. Si un navire doit bien sûr sauver des rescapés d’un naufrage, il n’a pas à les ramener en Europe, surtout quand les côtes africaines sont à moins de 100 kilomètres !
Cette conduite, qui pousse tant de gens à faire des traversées périlleuses dans les montagnes ou par la mer, cause des morts. S’en rendre complice, c’est être en partie responsable de la mort de ces pauvres gens dont l’avenir doit s’écrire, non pas chez nous, mais sur la terre de leurs ancêtres.
M. le président. L’amendement n° 409 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
une phrase ainsi rédigée : «
par les mots :
les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou apportée au nom du principe de fraternité.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Il n’est malheureusement pas exagéré de dire qu’une personne qui aide un tiers en détresse risque des poursuites. Dès lors que le tiers aidé est une personne étrangère sans titre de séjour, elle encourt jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 30 000 euros.
Un tel geste peut en effet être considéré comme une aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger.
Si cette infraction vise les passeurs et passeuses, elle peut également être imputée à tout particulier, à tout bénévole d’une association, à qui il reviendra alors de se défendre.
Le cas sans doute le plus emblématique est celui de l’agriculteur Cédric Herrou, poursuivi pour ladite infraction. Celui-ci a eu beau répéter qu’il avait agi pour des motifs exclusivement humanitaires, ce qui est permis par la loi, le parquet général de Lyon n’avait pas laissé tomber ses poursuites. Il a donc dû se pourvoir devant la Cour de cassation, qui l’a finalement relaxé.
Il n’en reste pas moins que cette infraction peut être utilisée pour criminaliser la solidarité envers les personnes migrantes.
Si nous devons lutter contre les passeurs, nous ne pouvons pas accepter que la solidarité soit criminalisée. Nous proposons donc de reconnaître de manière explicite dans la loi qu’une aide aux personnes étrangères sans titre de séjour, au nom du principe de fraternité, ne relève pas de l’aide à l’entrée et à la circulation.
Dans sa décision du 6 juillet 2018 concernant Cédric Herrou, le Conseil constitutionnel a conféré une valeur constitutionnelle à ce principe, c’est-à-dire à toute aide apportée à une personne « dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
J’estime que nous avons une obligation envers les milliers de nos concitoyens et concitoyennes qui s’engagent bénévolement et qui aident des personnes migrantes dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ce débat ayant déjà été tranché par le Conseil constitutionnel, l’avis est défavorable sur ces deux amendements diamétralement opposés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 553 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 409 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 194, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un titre ainsi rédigé :
« TITRE…
« ENTRAVE À L’EXERCICE DU DROIT D’ASILE
« Art. L. 598-1. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’entraver ou de tenter d’entraver l’exercice du droit d’asile d’un étranger par tout moyen :
« 1° Soit en perturbant les accès au territoire français dans le but de faire obstacle à l’étranger qui demande à entrer en France au titre de l’asile ;
« 2° Soit en perturbant l’accès aux établissements, administrations ou juridictions compétents en matière d’asile, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces locaux ou les conditions de travail des personnels ;
« 3° Soit en communiquant à l’étranger ou en diffusant, y compris par voie électronique ou en ligne, des allégations ou indications de nature à l’induire intentionnellement en erreur sur ces droits ;
« 4° Soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’exercice du droit d’asile, ou des personnes physiques agissant au nom d’une association ayant pour objet la défense des étrangers et du droit d’asile.
« Art. L. 598-2. – Les personnes physiques coupables de l’un des délits prévus à l’article L. 598-1 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;
« 2° Le retrait temporaire ou définitif de l’autorisation administrative d’exploiter soit des services occasionnels de transports, à la place ou collectifs, soit un service régulier ou un service de navettes de transports internationaux ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l’exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice.
« Art. L. 598-3. – Les infractions prévues à l’article L. 598-1 sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende lorsqu’elles :
« 1° Sont commises en bande organisée ;
« 2° Sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
« 3° Ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie ou de transport incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;
« 4° Sont commises au moyen d’une habilitation ou d’un titre de circulation en zone réservée d’un aérodrome ou d’un port ;
« 5° Ont comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement habituel.
« Art. L. 598-4. – Outre les peines complémentaires prévues à l’article L. 598-2, les personnes physiques condamnées au titre des infractions prévues à l’article L. 598-3 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. L. 598-5. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 598-1 et L. 598-3 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.
« L’interdiction prévue au 2° de l’article 131-39 dudit code porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. L. 598-6. – En cas de condamnation pour les infractions prévues à l’article L. 598-3, le tribunal pourra prononcer la confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. L. 598-7. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des étrangers peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l’infraction prévue par l’article L. 598-1. »
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement très important vise à créer un délit d’entrave au droit d’asile afin de garantir l’effectivité de ce droit fondamental reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la convention de Genève.
L’exercice de ce droit est en effet aujourd’hui entravé par des groupuscules d’extrême droite qui empêchent ou qui tentent d’empêcher des femmes et des hommes de solliciter l’asile en France.
De telles actions, qui ont malheureusement eu lieu, consistent à bloquer des points d’entrée du territoire, notamment dans les zones de montagne, y compris à l’aide de drones ou d’hélicoptères.
M. Stéphane Ravier. Ce n’est pas vrai !
Mme Colombe Brossel. Ces actions de blocage sont clairement revendiquées comme visant à faire obstacle à l’exercice du droit d’asile.
Face à ces actes, l’État et la justice ne peuvent pas grand-chose. L’autorité de l’État est bafouée, alors qu’il est porté atteinte à l’exercice d’un droit fondamental.
En l’état actuel du droit, ces actions ne constituent pas un délit, si bien que les groupuscules d’extrême droite auteurs de celles-ci ont été poursuivis simplement pour avoir exercé une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique.
Autrement dit, ces groupuscules d’extrême droite jouissent de l’impunité la plus totale. (MM. Stéphane Ravier et Christopher Szczurek protestent.)
Telles sont les raisons, mes chers collègues, pour lesquelles nous vous proposons la création d’un délit d’entrave au droit d’asile, ce qui, s’agissant d’un droit fondamental, est bien le minimum.
Nous ne pouvons pas continuer à donner un blanc-seing à des groupuscules d’extrême droite. Ce sont les mêmes, mes chers collègues, qui ont conduit un certain nombre d’actions, notamment contre des maires. Je pense évidemment au cas du maire de Saint-Brevin-les-Pins, dont nous avons débattu il y a quelques semaines dans cet hémicycle. Soyons cohérents, et allons jusqu’au bout en créant ce délit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La séance publique est ouverte depuis quinze minutes, et c’est le deuxième délit qu’il est proposé de créer. Notre droit en compte déjà un peu plus de 14 000… (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Y compris celui qui a été voté la nuit dernière ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Plus sérieusement, les comportements que vous stigmatisez relevant d’autres infractions – troubles à l’ordre public, menaces, intimidations, diffusion de fausses informations – et pouvant à ce titre déjà être sanctionnés, il ne paraît pas nécessaire de créer un délit supplémentaire.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Ce qui vient d’être raconté est évidemment une fable. Ces prétendus groupuscules d’extrême droite – vous en voyez partout, mes chers collègues ! – sont en fait, autant que je m’en souvienne, des jeunes gens qui ont simplement constaté l’anarchie migratoire, pour ne pas dire l’invasion migratoire, sur certains sites où les forces de l’ordre auraient dû être plus nombreuses.
Ils n’ont fait qu’un acte citoyen en signalant aux autorités l’entrée illégale d’étrangers, qui s’inscrivaient dans une démarche clandestine, afin de permettre aux forces de l’ordre d’accomplir leur mission dans de meilleures conditions. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.) Pour ma part, je tiens à les féliciter pour ces initiatives !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Pour être allé sur les lieux du délit qui a été commis par un bataillon de braves jeunes gens,…
M. Stéphane Ravier. Jeunes citoyens !
M. Guy Benarroche. … lesquels se trouvaient, par hasard, sur ces chemins des Alpes empruntés par des personnes bravant des conditions hivernales très difficiles au péril de leur vie – de nombreux migrants qui arrivaient blessés étaient conduits directement à l’hôpital –, j’ai pu constater que l’État n’avait pas besoin d’être informé de la situation : 120 agents de la police aux frontières et de la gendarmerie, équipés de motoneiges et de drones, étaient déjà présents.
Ces agents m’ont d’ailleurs indiqué qu’en dépit de leurs efforts, 99 % des migrants parvenaient à passer la frontière après deux ou trois tentatives. Non seulement il ne sert donc à rien d’informer l’État, qui est déjà parfaitement informé, mais la réalité est que l’on a beau repousser ces personnes et adopter des lois et des règles en ce sens, la quasi-totalité d’entre elles finiront par passer. Il en résulte, pour les agents, une perte de sens complète de leur travail.
Pour ma part, je ne comprends pas que l’on s’entête à imaginer des dispositifs de plus en plus restrictifs et pénalisants. Les migrations ayant vocation à devenir de plus en plus nombreuses, il importe plutôt d’accueillir les migrants et de permettre une meilleure intégration.
Ce n’est pas en encourageant des bataillons de jeunes gens, déguisés en agents de la police française, à intimider les migrants afin qu’ils rebroussent chemin dans la neige que nous y parviendrons !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Le représentant des zemmouristes a lui-même donné toutes les raisons justifiant l’avis défavorable qui a été donné, mais nous aurions aimé entendre davantage le Gouvernement…
Cet amendement vise à créer un délit d’entrave à l’encontre des groupes d’individus qui considèrent qu’il leur revient de faire appliquer la loi, et qui se croient investis de la mission de lutter personnellement et politiquement contre l’entrée d’étrangers en France.
M. Ravier vient de défendre les actions commises par des groupes qui ont été dissous par le ministre de l’intérieur – je pense à Génération identitaire (M. le ministre opine.) –, ainsi que par des milices.
Par cet amendement, nous entendons créer un délit pour entraver l’action de ces milices qui se substituent à l’État.
Il devrait emporter l’adhésion de toute notre assemblée, car personne ne veut de milice, et personne ne veut confier à des groupuscules d’extrême droite – en réalité néofascistes (MM. Stéphane Ravier et Christopher Szczurek protestent.) – le soin de faire appliquer les lois de la République !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 194.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)