M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 111 |
Contre | 231 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Article 15
Le livre V du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 511-22 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent I lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent II lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
c) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punies de cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende les infractions mentionnées aux 1° et 2° lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
2° Le I de l’article L. 521-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende les faits prévus au présent I lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un occupant qui est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
M. le président. L’amendement n° 195, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le livre V du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 511-22 est ainsi modifié :
a) Au I, les mots : « d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 € » sont remplacés par les mots : « deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros » ;
b) Au II, les mots : « de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 € » sont remplacés par les mots : « trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 euros » ;
c) Au III, les mots : « d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 100 000 € » sont remplacés par les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros » ;
2° Au I de l’article L. 521-4, les mots : « trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 euros » sont remplacés par les mots : « cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros »
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Si notre groupe est favorable aux dispositions de l’article 15, qui permettront de mieux sanctionner les marchands de sommeil, nous nous interrogeons sur la création d’une circonstance aggravante au titre de la vulnérabilité.
Une personne victime d’un marchand de sommeil est, par définition, vulnérable, quels que soient sa situation de précarité, son état de santé ou sa situation administrative, et notamment s’il s’agit d’un étranger en situation irrégulière.
Dans le contexte de crise du logement que nous connaissons, s’il nous semble important que les marchands de sommeil soient sanctionnés globalement, nous estimons qu’il convient de supprimer cette circonstance aggravante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La modification proposée n’aurait pas d’intérêt technique particulier s’attachant aux modalités de poursuite.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce projet de loi vise notamment à lutter contre l’écosystème de l’immigration irrégulière, dans lequel circule beaucoup d’argent.
L’article 14, que vous venez de voter, mesdames, messieurs les sénateurs, permet de faire des passeurs des criminels, singulièrement lorsque des morts résultent de leur activité – nous avons tous en tête le drame qui s’est déroulé dans la Manche l’hiver dernier. Le fait de faciliter l’entrée au séjour sera non plus un délit, mais un crime passible de quinze à vingt ans de prison.
On se plaint parfois des décisions de justice, mais les juges appliquent la loi. Pour que les peines soient plus lourdes, il convenait, comme vous venez de le faire, de relever le quantum de peines encourues par les passeurs.
Les passeurs ne sont pas de gentilles personnes qui veulent aider des migrants à rejoindre un monde plus heureux. Ils touchent de l’argent, souvent en espèces, pour exploiter la détresse des gens ; il est normal de les criminaliser.
L’article 15 vise également à lutter contre l’écosystème fondé sur l’immigration irrégulière et l’exploitation qui en découle.
Une personne en situation irrégulière est sans aucun doute vulnérable. La vulnérabilité est toutefois aggravée par l’exploitation économique dont les marchands de sommeil se rendent souvent coupables de surcroît, par exemple en embauchant les personnes irrégulières.
Certains articles de ce projet de loi se répondent, bien qu’ils figurent parfois – je m’en désole – dans des titres différents. Quoi qu’il en soit, nous luttons contre l’écosystème irrégulier en criminalisant les passeurs, en attaquant les patrons indélicats et en encadrant les dispositifs, notamment l’autoentrepreneuriat, qui créent de l’irrégularité.
Nous nous attaquons également aux marchands de sommeil qui minent souvent nos centres-villes et qui exploitent dans des conditions absolument ignobles les personnes en situation irrégulière, en particulier des femmes, y compris lorsqu’elles sont enceintes, des enfants et des vieillards.
L’article 15 est très important, car – je l’espère – il donnera enfin aux maires, aux préfets et aux procureurs de la République les moyens de lutter contre les marchands de sommeil.
Je suis défavorable à cet amendement qui tend à en amoindrir la portée.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Vous connaissez l’attachement de mon groupe, monsieur le ministre, à la lutte contre l’habitat indigne. Dans le département du Nord, dans la métropole lilloise et dans nos communes respectives, c’est un sujet que nous connaissons bien.
Loin de nous l’idée de minimiser l’importance de la lutte contre les marchands de sommeil. C’est précisément parce que ce sujet est grave et qu’il est le fait de réseaux que nous souhaitons aggraver les peines encourues par les marchands de sommeil, non pas seulement quand ils exploitent des étrangers en situation irrégulière, mais en toutes circonstances.
Ces réseaux qui pullulent dans un certain nombre de villes exploitent d’autres personnes vulnérables, notamment des étrangers en situation régulière – vous comprenez certainement à quoi je fais allusion, monsieur le ministre. Ils peuvent aussi se livrer au trafic de stupéfiants.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que l’article 15, qui est intéressant, le serait d’autant plus s’il était élargi de manière à sanctionner tous les marchands de sommeil, quelles que soient les personnes vulnérables qu’ils exploitent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne veux faire de procès d’intention à personne, et surtout pas à vous, madame la sénatrice, dont je connais l’engagement en matière de logement, notamment dans la métropole lilloise. Le présent texte vise toutefois à lutter contre un écosystème irrégulier.
Il ne fait pas de doute que la situation irrégulière d’une personne est source de vulnérabilité, exploitée par le délinquant qu’est le marchand de sommeil. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas élargir cette circonstance aggravante à d’autres types de vulnérabilité – personnes handicapées, femmes seules, étrangers en situation régulière sur le territoire national, etc.
Le présent article prévoit d’ajouter une circonstance aggravante au titre de la vulnérabilité des personnes en situation irrégulière, non pas dans le code de la construction et de l’habitation, qui, comme vous le savez, prend en compte d’autres causes de vulnérabilité, mais dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui entre dans le champ du présent projet de loi.
Cela n’épuise pas le sujet. Un autre élu du département du Nord, que vous connaissez, Patrice Vergriete, défendra prochainement un projet de loi sur le logement.
En tout état de cause, j’estime qu’il convient de prendre en compte la vulnérabilité des personnes en situation irrégulière afin de lutter contre cet écosystème. Ce projet de loi a pour but d’éviter que des personnes entrent illégalement sur notre territoire, mais aussi qu’elles se fassent exploiter, notamment par les marchands de sommeil, dès lors qu’elles sont sur notre sol.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 196, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Étranger victime d’infractions en matière d’habitat indigne
« Art. L. 425-11. – L’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions en matière d’habitat indigne, visées aux articles L. 511-22 et L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” d’une durée d’un an. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable.
« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. »
« Art. L. 425-12. – L’étranger mentionné à l’article L. 425-11 se voit délivrer, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, et sous réserve de la régularité du séjour, une carte de résident d’une durée de dix ans. »
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil du précédent.
Dans la mesure où l’article 15, qui vise à sanctionner davantage les marchands de sommeil quand ils exploitent des personnes vulnérables, comme le sont les étrangers en situation irrégulière, a été adopté dans sa rédaction initiale, nous proposons, par parallélisme des formes, si je puis dire, que les étrangers sans titre soient eux aussi mieux protégés.
Il ne faut pas seulement sanctionner davantage les marchands de sommeil, mais aussi mieux protéger ces étrangers sans titre s’ils déposent plainte contre une personne ayant commis à leur encontre des infractions assimilables à celles d’un marchand de sommeil, ou bien s’ils témoignent dans une procédure pénale contre lesdits marchands de sommeil. En effet, pour sanctionner ceux-ci, encore faut-il que certaines de leurs victimes déposent plainte ou témoignent contre eux.
C’est pourquoi nous souhaitons que les étrangers sans titre puissent se voir délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an : une telle mesure incitera ces personnes vulnérables à ne pas se laisser faire.
J’ajoute que ce que nous proposons n’a rien d’inédit, puisque nous avons déjà débattu de procédures similaires au début de l’examen de ce texte à propos, cette fois-ci, des étrangers victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme : en vue de faire tomber les réseaux, la loi prévoit d’ores et déjà d’octroyer une carte de séjour temporaire à tous les étrangers qui portent plainte contre les proxénètes dont ils sont victimes.
M. le président. L’amendement n° 443, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Étrangers victimes de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine
« Art. L. 425 …. – L’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre des faits constitutifs de l’infraction de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, mentionnée à l’article 225-14 du code pénal, se voit délivrer, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. »
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Dans la continuité des propos d’Audrey Linkenheld, je citerai un exemple concret.
J’ai eu le plaisir d’inaugurer il y a quelques semaines un immeuble neuf aux 40-44, rue Max Dormoy dans le XVIIIe arrondissement de Paris, une parcelle qui a longtemps été détenue par un marchand de sommeil, lequel avait fait cent cinquante victimes, dont cinquante enfants, vivant dans des conditions absolument indignes.
Cette opération a mis quinze ans à sortir de terre ! En effet, il est souvent très compliqué de lutter contre les marchands de sommeil. D’ailleurs, ce combat est également parfois très coûteux puisque, en l’occurrence, l’expropriation de cette parcelle nous a coûté 6,7 millions d’euros d’indemnités que nous avons dû à l’époque reverser à ce marchand de sommeil.
Depuis, heureusement, la loi a changé, à la suite notamment de l’adoption de l’amendement du député communiste Stéphane Peu. Il est désormais possible d’exproprier un marchand de sommeil sans l’indemniser.
Cela étant, pourquoi est-ce si compliqué et si long ? C’est parce que les personnes vivant dans ces immeubles sont pour une large part des sans-papiers en situation irrégulière – on estime que 40 % des victimes de marchands de sommeil n’ont pas de papiers. Or, dès lors que ces étrangers n’en possèdent pas, il n’est pas possible de les reloger dans un logement social.
C’est une situation kafkaïenne d’une certaine manière : certains sont obligés de demeurer dans un immeuble, y compris quand le propriétaire a été exproprié par les pouvoirs publics, parce qu’ils ne peuvent pas accéder à un logement social et, en définitive, l’opération est bloquée.
C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à rendre possible l’octroi d’un titre de séjour provisoire aux victimes de marchands de sommeil lorsqu’elles portent plainte, dispositif déjà en vigueur en matière de lutte contre la traite des êtres humains.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Les deux amendements tendent à prévoir l’attribution, pour l’un, d’une carte de séjour temporaire, pour l’autre, d’une carte de résident de dix ans à toute personne étrangère qui déposerait plainte contre un marchand de sommeil.
La commission comprend bien le raisonnement que vous venez de tenir, mes chers collègues. Elle s’est elle-même interrogée à cet égard, au vu notamment du parallèle que vous faites avec le trafic des êtres humains, infraction pour laquelle il est effectivement possible d’obtenir, en cas de plainte – on l’a évoqué hier ou avant-hier –, une carte de séjour temporaire.
Ici, nous avons considéré que la situation était un peu différente, mais ce n’est évidemment pas parce que le niveau d’indignité – si je peux employer ce terme – ou l’importance de l’infraction différerait.
En fait, nous avons estimé que les réseaux de traite des êtres humains représentaient une menace directe pour la personne qui porte plainte. D’une certaine façon, la société française incite cette personne à prendre la responsabilité de dénoncer un réseau, à prendre la décision fort heureuse de déposer une plainte et de témoigner, en contrepartie de quoi elle lui accorde une carte de résident. Dans ce cas, nous considérons que cela se justifie.
À l’inverse, en matière d’habitat indigne, nous percevons moins l’enjeu qui existerait autour du dépôt de plainte et du témoignage, puisqu’il s’agit d’un constat objectif portant sur la situation de l’immeuble.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la même chose !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela étant, nous entendons que l’Assemblée nationale puisse avoir un point de vue différent à ce sujet : c’est une question qui, à mon avis, pourra sans trop de difficultés être tranchée lors de la réunion de la commission mixte paritaire. (Mme Audrey Linkenheld s’exclame.)
Pour faire bref, mes chers collègues, nous sommes défavorables à ces amendements, mais nous sommes tout de même un peu hésitants sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le président, les deux amendements sont-ils absolument identiques ?
M. le président. Non, ils font simplement l’objet d’une discussion commune, monsieur le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Si l’on opte pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire, on adopte une solution analogue à celle qui s’applique déjà lorsqu’un étranger dénonce un réseau de proxénétisme. Lequel des deux amendements accorde un titre temporaire ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les deux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Dans ce cas – ne compliquons pas les choses –, j’émets un avis favorable sur les deux amendements. Au pire, l’Assemblée nationale se chargera de retravailler le dispositif qui sera adopté…
Ce qui me plaît dans ces dispositions, c’est qu’elles incitent à la dénonciation du marchand de sommeil, mais qu’elles garantissent aussi une protection aux victimes.
Il est tout à fait exact que le code pénal prévoit déjà d’accorder un titre de séjour temporaire à une personne victime de traite, et donc logée à des fins d’exploitation.
Ce n’est pas tout à fait le cas de la victime d’un marchand de sommeil, lequel peut parfaitement « louer » un bien, non pas à des fins d’exploitation, mais simplement pour faire du profit, son logement n’étant souvent ni déclaré ni aux normes. Dans un tel cas, il n’y a pas forcément de lien, ou un lien très distendu, entre la situation de la victime et celle d’une personne victime de traite des êtres humains.
Je vous propose que l’on adopte cette disposition pour qu’elle figure dans le texte : cela permettra par la suite de creuser cette très bonne idée.
Le dispositif contribuera à la protection des personnes et favorisera la révélation des réseaux responsables de l’immigration irrégulière. Cette mesure pourrait en outre avoir un effet sur le « stock » – pardonnez-moi de le dire ainsi –, en espérant qu’elle mette aussi fin au « flux », celui qu’entretiennent les marchands de sommeil.
Ces deux amendements sont intéressants, même si je l’avoue, je ne les ai pas examinés dans le détail. Après vous avoir écoutés, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, je suis convaincu.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le ministre, je vous remercie de soutenir notre amendement et de proposer cette ouverture sur un sujet qui nous semble essentiel.
Vous avez évoqué une possible distinction à opérer entre les victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme et les victimes de marchands de sommeil : vous avez affirmé qu’il y avait exploitation dans le premier cas, et pas dans le second. Vous nous avez pourtant expliqué précédemment que la circonstance aggravante pour les marchands de sommeil logeant des étrangers sans titre résidait précisément dans le fait que non seulement ils les logeaient, mais aussi que potentiellement ils les exploitaient, en les faisant probablement travailler par ailleurs.
Je me permets donc de vous rappeler qu’il s’agit, là aussi, d’une forme d’exploitation des étrangers en situation irrégulière.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Monsieur le ministre, si nous réussissons à avancer sur ce dossier, nous parviendrons à débloquer beaucoup de situations auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
Ce dispositif aura plusieurs vertus.
D’abord, il aidera à mieux détecter les immeubles insalubres dans lesquels sévissent des marchands de sommeil.
Ensuite, il permettra de protéger les victimes de marchands de sommeil, qui, bien souvent aujourd’hui, ont peur de porter plainte parce qu’elles craignent, après avoir vécu des événements très difficiles, de se voir infliger une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Je pense qu’il est primordial d’avancer sur ce point.
Enfin, il favorisera le relogement de ces personnes : il contribuera à faire en sorte que les étrangers sans-papiers accèdent au moins à une résidence sociale à titre temporaire avant d’obtenir un logement social, tout cela après qu’ils auront bien souvent vécu l’enfer.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Au bénéfice des explications qui viennent d’être données, la commission – je m’exprime bien sûr avec l’accord des deux rapporteurs – réaffirme qu’elle est très défavorable à l’amendement n° 196.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bien sûr !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Pour autant, elle reconnaît que l’amendement n° 443 pourrait faire l’objet d’un avis de sagesse, dès lors que des précisions utiles pourraient être apportées à son dispositif au cours de la navette parlementaire. (Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
Article 16
La sous-section 1 de la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Aux premier et second alinéas de l’article L. 821-6 et au second alinéa de l’article L. 821-7, après le mot : « visa », sont insérés les mots : « ou de l’autorisation de voyage » ;
2° L’article L. 821-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins du respect des obligations qui leur incombent au titre de l’article 26, paragraphe 1, point b, de la convention précitée, les transporteurs utilisent le service internet mentionné à l’article 13 du règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) et à l’article 45 du règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS), afin d’effectuer les vérifications nécessaires. » – (Adopté.)
Après l’article 16
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, M. Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Wattebled et Pellevat, Mmes Lopez, Herzog, Eustache-Brinio, Micouleau et Belrhiti et MM. Genet et Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 232-1, après le mot : « passagers », sont insérés les mots : « et aux membres d’équipage ou aux personnels à bord d’un train ou aux gens de mer » ;
2° L’article L. 232-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « telles que les données relatives aux membres d’équipage » ;
b) Le cinquième alinéa est complété par les mots : « telles que les données relatives aux gens de mer » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 232-5, les mots : « méconnaître les obligations fixées à l’article L. 232-4 » sont remplacés par les mots : « transmettre aux services du ministère de l’intérieur des données inexploitables en raison du non-respect du format requis fixé par décret en Conseil d’État ou incomplètes ou manifestement fausses ou de ne pas transmettre les données mentionnées à l’article L. 232-4 à ces mêmes services » ;
4° Au premier alinéa du II de l’article L. 232-7, après le mot : « passagers », sont insérés les mots : « et aux membres d’équipage » ;
5° Les quatrième à septième alinéas de l’article L. 232-7-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Pour la mise en œuvre du traitement mentionné au I du présent article, les exploitants de navire recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers et aux gens de mer qui voyagent, à destination et en provenance du territoire national, à bord d’un navire effectuant des voyages internationaux au sens du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires. »
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.