compte rendu intégral
Présidence de Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire arménienne
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis heureuse de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de l’Assemblée nationale d’Arménie, conduite par son président, M. Alen Simonyan, et composée de députés du groupe d’amitié Arménie-France, présidé par M. Vladimir Vardanyan. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion se lèvent.)
La délégation est accompagnée par notre collègue Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d’amitié France-Arménie, et par l’ambassadrice d’Arménie en France, Mme Hasmik Tolmajian.
Cette visite s’inscrit dans le cadre des échanges interparlementaires approfondis entre nos deux assemblées, qui sont liées par un accord de coopération signé en 2021 par leurs présidents respectifs, ainsi que dans le cadre des relations anciennes d’amitié entre nos deux pays.
La délégation a été reçue par le président du Sénat, Gérard Larcher, après avoir visité ce matin le Panthéon, où entrera bientôt, avec son épouse, Missak Manouchian, figure éminente de la résistance française, fusillé au Mont-Valérien, où la délégation se rendra demain après-midi. Je veux aussi saluer notre collègue Pierre Ouzoulias, vice-président de ce groupe d’amitié, également présent dans la tribune d’honneur, qui s’est particulièrement investi afin que la France rende à Missak Manouchian et son épouse cet hommage exceptionnel.
La délégation a effectué un déplacement dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Avignon, dans le Var et à Marseille, pour développer des projets de coopération décentralisée et aborder les enjeux liés à l’évolution vers une viticulture raisonnée.
Nous formons le vœu que l’Arménie, qui fait face à des menaces existentielles venues de l’extérieur, trouve le moyen de renforcer et garantir sa sécurité, avec l’appui le plus large de la communauté internationale. Elle peut compter sur la détermination de la France et du Sénat.
Nous souhaitons à nos amis du Parlement arménien la bienvenue au Sénat français, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, applaudissent longuement.)
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Plein emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour le plein emploi (projet n° 710, texte de la commission n° 802, rapport n° 801).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 3.
TITRE Ier (Suite)
UN ACCOMPAGNEMENT PLUS PERSONNALISÉ DES DEMANDEURS D’EMPLOI DANS LE CADRE D’UN CONTRAT D’ENGAGEMENT UNIFIÉ ET D’UN RÉGIME DE DROITS ET DEVOIRS RÉNOVÉ
Article 3
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 262-19 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « suspendu » est remplacé par le mot : « supprimé » ;
b) Au dernier alinéa, le mot : « suspension » est remplacé par le mot : « suppression » ;
2° Le 5° du I de l’article L. 262-25 est complété par les mots : « ou de suppression » ;
3° L’article L. 262-27 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « désigné au sein de l’organisme référent mentionné au IV de l’article L. 5411-5-1 du code du travail » ;
b) À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, les mots : « projet ou l’un des contrats mentionnés aux articles L. 262-34 à L. 262-36 » sont remplacés par les mots : « contrat mentionné à l’article L. 262-34 » ;
c) Après ledit premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément à l’article L. 5411-1 du code du travail, le bénéficiaire et son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité sont automatiquement inscrits, lors de la demande d’allocation, sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du même code. » ;
d) Au second alinéa, les mots : « des organismes mentionnés à l’article L. 262-29 » sont remplacés par les mots : « de l’organisme référent vers lequel il a été orienté en application de l’article L. 5411-5-1 du code du travail » ;
4° L’article L. 262-29 est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-29. – Le président du conseil départemental oriente le bénéficiaire de solidarité active dans les conditions prévues à l’article L. 5411-5-1 du code du travail.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail procède à cette orientation soit lorsque le président du conseil départemental lui a délégué cette compétence par convention, soit lorsque la décision d’orientation n’est pas intervenue dans un délai prévu par décret. » ;
5° L’article L. 262-30 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le référent unique réalise avec le bénéficiaire un diagnostic global de sa situation, sur le fondement du référentiel mentionné à l’article L. 5411-5-2 du code du travail. » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « référent », sont insérés les mots : « unique ou l’organisme référent mentionné au IV de l’article L. 5411-5-1 du code du travail » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
6° L’article L. 262-31 est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-31. – Si, à l’issue d’un délai de six mois à compter de la signature ou de la révision du contrat d’engagement, pouvant aller jusqu’à douze mois dans des cas fixés par décret, le bénéficiaire du revenu de solidarité active qui bénéficie de l’accompagnement à vocation d’insertion sociale mentionné au deuxième alinéa du I de l’article L. 5411-5-1 du code du travail n’est pas en mesure de s’engager dans une démarche de recherche d’emploi, sa situation fait l’objet d’un diagnostic réalisé conjointement par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du même code et le référent unique mentionné à l’article L. 262-27 du présent code, sur le fondement du référentiel mentionné à l’article L. 5411-5-2 du code du travail.
« Au vu de ce diagnostic :
« 1° Le président du conseil départemental prend, le cas échéant, une nouvelle décision d’orientation ;
« 2° L’organisme avec lequel a été conclu le contrat prévu à l’article L. 262-34 du présent code procède, le cas échéant, avec le bénéficiaire, à la révision de son contrat. » ;
7° Les articles L. 262-32, L. 262-33, L. 262-35 et L. 262-36 sont abrogés ;
8° L’article L. 262-34 est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-34. – Le bénéficiaire du revenu de solidarité active élabore avec le référent unique mentionné au premier alinéa de l’article L. 262-27 le contrat d’engagement prévu par l’article L. 5411-6 du code du travail, dont le contenu est adapté à sa situation dans les conditions prévues au même article L. 5411-6 et à l’article L. 5411-6-1 du même code. » ;
9° L’article L. 262-37 est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-37. – I. – Le président du conseil départemental peut décider la suspension, en tout ou partie et pour une durée qu’il fixe, du versement du revenu de solidarité active lorsque, sauf motif légitime, le bénéficiaire :
« 1° Refuse d’élaborer ou d’actualiser le contrat d’engagement mentionné à l’article L. 262-34 ;
« 2° Ne respecte pas tout ou partie des obligations énoncées dans ce contrat.
« Si, avant le terme de la décision de suspension, le bénéficiaire se conforme à ses obligations, le président du conseil départemental met fin à la suspension.
« II. – Le président du conseil départemental peut décider la suppression, en tout ou partie et pour une durée qu’il fixe, du versement du revenu de solidarité active :
« 1° Si le bénéficiaire dont le versement du revenu de solidarité active a été suspendu persiste, au terme de cette sanction, dans le manquement y ayant donné lieu ;
« 2° Si le bénéficiaire réitère, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, un manquement pour lequel il a fait l’objet d’une sanction de suspension ;
« 3° Si le bénéficiaire refuse de se soumettre aux contrôles prévus au présent chapitre.
« III. – La durée et le montant des décisions de suspension et de suppression sont fixés au regard de la situation particulière du bénéficiaire, dont notamment la composition de son foyer, et en fonction de la nature et de la fréquence des manquements constatés.
« Le bénéficiaire, informé des faits reprochés et de la sanction encourue, est préalablement mis en mesure de faire connaître ses observations, avec l’assistance, à sa demande, d’une personne de son choix. Une sanction de suppression du versement du revenu de solidarité active ne peut intervenir qu’après avis de l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 262-39, à laquelle le bénéficiaire est mis en mesure de présenter ses observations.
« IV. – Lorsque l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail est l’organisme référent chargé de l’accompagnement du bénéficiaire, il propose, s’il y a lieu, au président du conseil départemental, pour les motifs mentionnés aux I et II du présent article, la suspension ou la suppression du versement du revenu de solidarité active. Cette proposition est transmise après que le bénéficiaire, informé par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail des faits reprochés et de la sanction encourue, a été mis en mesure de faire connaître ses observations, avec l’assistance, à sa demande, d’une personne de son choix. Il est informé par l’institution mentionnée au même article L. 5312-1 de la proposition transmise et des motifs qui la fondent.
« Le président du conseil départemental ne peut prendre une mesure plus sévère que celle proposée par l’institution mentionnée audit article L. 5312-1 sans que le bénéficiaire ait été préalablement mis en mesure de faire connaître ses observations, avec l’assistance, à sa demande, d’une personne de son choix. En outre, il ne peut prendre une décision de suppression du versement du revenu de solidarité active qu’après avoir recueilli l’avis de l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 262-39 du présent code, à laquelle le bénéficiaire est préalablement mis en mesure de présenter ses observations.
« V. – Si une délibération du conseil départemental l’y autorise, le président du conseil départemental peut déléguer à l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail, pour une durée qu’il détermine et pour l’ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active résidant dans le département dont cet opérateur est l’organisme référent, le prononcé des mesures de suspension du versement de revenu de solidarité active. L’institution mentionnée au même article L. 5312-1 informe le président du conseil départemental des sanctions qu’il prononce dans ce cadre.
« VI. – Lorsque le bénéficiaire s’est conformé aux obligations dont la méconnaissance a fondé la sanction, les sommes retenues pendant la durée de la sanction, ou pendant les trois derniers mois si cette durée excède trois mois, lui sont versées au terme de la période de suspension définie par la décision de sanction, le cas échéant raccourcie s’il y est mis fin de manière anticipée par application du dernier alinéa du I.
« VII. – Dans tous les cas où le président du conseil départemental prononce une sanction à l’égard d’un bénéficiaire du revenu de solidarité active dont l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail est l’organisme référent, il informe celui-ci de la nature, de la durée et du montant de la sanction qu’il a prononcée.
« VIII. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment :
« 1° La durée minimale et maximale des sanctions mentionnées aux I et II ainsi que la part maximale du revenu de solidarité active pouvant être suspendue ou supprimée ;
« 2° Les éléments pris en compte pour fixer, conformément au III, le montant et la durée de la sanction. » ;
10° L’article L. 262-38 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il en informe l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail. » ;
ab) (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail est l’organisme référent chargé de l’accompagnement du bénéficiaire, elle propose, s’il y a lieu, au président du conseil départemental la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active pour les motifs prévus aux articles L. 5412-1 et L. 5412-2 du même code. Le président du conseil départemental peut alors procéder à la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Il informe l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 dudit code de sa décision. » ;
a) Au second alinéa, les deux occurrences du mot : « suspension » sont remplacées par le mot : « suppression » ;
b) À la fin du même second alinéa, les mots : « projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article L. 5411-6-1 du code du travail ou de l’un des contrats prévus par les articles L. 262-35 et L. 262-36 du présent code » sont remplacés par les mots : « contrat mentionné à l’article L. 262-34 » ;
11° L’article L. 262-39 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « dans des conditions précisées par la convention mentionnée à l’article L. 262-32 du présent code » sont supprimés ;
b) Au second alinéa, les mots : « de réorientation vers les organismes d’insertion sociale ou professionnelle et de réduction ou » sont supprimés et le mot : « suspension » est remplacé par le mot : « suppression » ;
c) Le même second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En fonction de la situation du bénéficiaire du revenu de solidarité active, elles peuvent proposer au président du conseil départemental le prononcé d’une mesure de suspension ou de suppression du versement du revenu ou la réorientation du bénéficiaire vers un autre organisme référent. » ;
12° L’article L. 262-42 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues à l’article L. 5311-8 du code du travail, le président du conseil départemental partage, avec les autres personnes morales constituant le réseau France Travail, les informations et données mentionnées au même article L. 5311-8, en particulier celles relatives à l’orientation et à l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active. » ;
13° Au premier alinéa de l’article L. 262-44, les mots : « projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article L. 262-34 ou de l’un des contrats mentionnés aux articles L. 262-35 et L. 262-36 » sont remplacés par les mots : « contrat mentionné à l’article L. 262-34 » ;
14° L’article L. 263-4-1 est ainsi modifié :
a) Le 3° du I est ainsi rédigé :
« 3° Les organismes de sécurité sociale ; »
b) À la fin de la première phrase du III, les mots : « mis en œuvre par le ministre chargé de l’insertion et, le cas échéant, les ministres chargés de l’emploi ou des affaires sociales » sont supprimés.
II. – Le IV de l’article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour l’application de l’article L. 262-37 :
« a) Au I :
« i) Au premier alinéa, les mots : “président du conseil départemental” sont remplacés par les mots : “directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 262-16 sur proposition du président du conseil départemental” ;
« ii) Au dernier alinéa, les mots : “président du conseil départemental” sont remplacés par les mots : “directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 262-16” ;
« b) Au premier alinéa du II, les mots : “président du conseil départemental” sont remplacés par les mots : “directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 262-16 sur proposition du président du conseil départemental” ;
« c) Au IV :
« i) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, le mot : “prononce” est remplacé par les mots : “propose au directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 262-16” ;
« ii) Au dernier alinéa, les deux occurrences du mot : “prendre” sont remplacées par les mots : “proposer au directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 262-16” ;
« d) Le V ne s’applique pas ;
« e) Au VII, le mot : “prononce” est remplacé par les mots : “propose au directeur de l’organisme mentionné à l’article L. 262-16”. » ;
2° Au 16°, la première occurrence du mot : « à » est remplacée par les mots : « au premier alinéa de ».
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Lors de la création du revenu minimum d’insertion (RMI), puis sa transformation en revenu de solidarité active (RSA), les parlementaires communistes s’étaient opposés au dispositif, considérant qu’il s’agissait d’une trappe à pauvreté avec des effets de seuil problématiques.
En réalité, il s’agit bien trop souvent de survie, plutôt que de belle vie, comme on voudrait nous le faire croire en brandissant les chiffres de la fraude aux allocations.
Notre objectif est de viser le plein emploi des travailleurs dans les meilleures conditions de revenu, d’épanouissement et de qualité de travail. Il est donc indispensable de renforcer l’accompagnement vers le retour à l’emploi, et non pas, comme nous le proposent les auteurs de ce texte, de réfléchir aux meilleures sanctions.
Comment prétendez-vous lutter contre les 30 % de non-recours en prévenant d’emblée que ce projet de loi est celui de la sanction si les engagements ne sont pas tenus ? Et au-delà du report des nouvelles demandes d’allocation de solidarité active, y aura-t-il, puisque vous parlez d’engagements, une obligation de moyens lorsque se posera la question de la suspension des droits ?
Plus clairement, dans un système où l’automatisation va se développer et où les allocataires – rappelons tout de même que, souvent, ils le sont justement parce qu’ils sont en retrait de la société – vont devoir attester de démarches nouvelles, qui accompagnera ces derniers avant la sanction ?
Notre collègue Michelle Gréaume le précisait lors de la séance plénière du conseil départemental du Nord le mois dernier : « Nous avons constaté, lors de la semaine “Réussis sans attendre” 2022, que de nombreux allocataires s’étaient vu suspendre le RSA pour non-participation, alors même que le caractère obligatoire n’avait pas été signifié formellement. » Cet exemple est inquiétant pour nos concitoyens.
La notion de devoirs des allocataires du RSA ne doit pas se transformer en punition au moindre faux pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Cet article vise à modifier le régime des sanctions applicables aux bénéficiaires du RSA, en créant notamment une mesure de suspension-remobilisation.
Avec ce nouveau régime, certains allocataires du RSA vont passer de la précarité à la très grande précarité ! En effet, il est à craindre que ces sanctions n’aillent pas dans le sens d’une « remobilisation », comme le Gouvernement voudrait le faire croire. Elles risquent surtout d’accroître le non-recours.
La nouvelle sanction, dite suspension-remobilisation, ne respecte pas la nécessité de préserver un reste à vivre. Je rappelle que, selon le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Le RSA est une sécurité de base, dont le montant – 608 euros par mois pour une personne seule – permet seulement de survivre.
Contrairement aux idées reçues, la grande majorité des allocataires du RSA ne se satisfont pas de cette situation et souhaitent travailler. Certains subissent des contextes familiaux particuliers ou des problèmes de santé physique ou psychologique, qui rendent cette situation encore plus difficile.
Le parcours pour arriver à une formation ou à un emploi est souvent long pour des personnes très éloignées du marché du travail. Ce parcours nécessite une stabilité des droits et un accompagnement de qualité qui ne peut pas se résumer à une injonction à réaliser quinze ou vingt heures d’activité – nous en avons parlé hier.
Suspendre ne serait-ce qu’une partie du RSA, même temporairement, peut avoir des conséquences graves pour des personnes dont le quotidien est déjà fait de nombreuses privations et souffrances psychologiques.
Les représentants des associations engagées dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion que nous avons auditionnés nous l’ont tous dit : les personnes concernées par le RSA, loin d’être remobilisées par la menace des sanctions, ressentent de la peur et de la honte du fait de devoir se justifier en permanence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.
Mme Annie Le Houerou. L’article 2 supprime la notion de réciprocité, et l’on ressent un rapport de subordination des allocataires du RSA face aux référents de Pôle emploi, qui, de leur côté, n’ont aucune obligation de résultat.
L’article 3 vise à renforcer les sanctions contre les allocataires du RSA. Si dans le projet de loi initial ne figurait pas l’obligation de consacrer quinze à vingt heures par semaine – environ un mi-temps, donc – pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle, Mme le rapporteur l’a fait ajouter lors de l’examen du texte en commission et la majorité du Sénat l’a votée hier soir.
Il s’agit là d’un bouleversement de la philosophie initiale du RSA. On s’éloigne drastiquement de la volonté exprimée par François Mitterrand en 1988 dans sa Lettre aux Français, par laquelle il annonçait la création du RMI, le revenu minimum d’insertion : « L’important est qu’un moyen de vivre, ou plutôt de survivre, soit garanti à ceux qui n’ont rien. » Devenue le RSA en 2009, cette allocation est le dernier filet de sécurité contre la pauvreté.
Le RSA est déjà conditionné. La responsabilité est ainsi rejetée sur les plus fragiles ; or ces personnes subissent les conséquences d’un accident de la vie, alors que leur situation est un frein dans l’accès à l’emploi. Il faut prendre en considération les problèmes de santé, de mobilité, de capacité à se mobiliser, de logement ou encore de garde d’enfants, notamment lorsque les femmes se retrouvent seules à assurer la prise en charge des enfants.
Un renforcement des sanctions, comme le prévoit ce texte, aggravera la situation des plus fragiles et entraînera des effets pervers.
D’ores et déjà, 34 % des foyers éligibles au RSA ne recourent pas à la prestation à laquelle ils ont pourtant droit. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 600 000 foyers sont dans ce cas.
Ce renforcement des sanctions risque d’accroître le non-recours au RSA, en décourageant et en stigmatisant encore davantage les allocataires, ce qui ne pourra que faire basculer de nombreux concitoyens dans la très grande pauvreté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, comme je le disais déjà hier, il existe de nombreux freins en outre-mer. Se projeter vers le plein emploi part naturellement d’une bonne intention, et je souscris bien évidemment à cet objectif.
En outre-mer, le taux de chômage est supérieur à celui de l’Hexagone. Il faut donc lever les obstacles qui sont spécifiques à nos territoires, notamment en soutenant les collectivités et les personnes concernées.
Nombre de diplômés originaires d’outre-mer rencontrent des difficultés étonnantes. Ainsi, certaines entreprises négligent leur candidature au bénéfice d’autres personnes. Chez nous, les recrutements ne se font pas de manière transparente. Il faut prendre en compte ce type de difficultés, monsieur le ministre.
Les problèmes qui se posent ne viennent pas nécessairement des gens eux-mêmes, qu’ils travaillent ou qu’ils bénéficient du RSA – bien au contraire ! Certains choix ne sont pas favorables à notre population, à nos jeunes et à ceux, nombreux, qui ont la volonté de travailler. Chez nous, il y a des personnes qui veulent sincèrement travailler.
Je fais partie de celles et ceux qui souhaitent que le plein emploi soit une réalité, mais il faut aussi regarder ce qui se passe concrètement dans nos territoires. Prenons l’exemple de ce que propose Vinci pour la Guadeloupe : c’est une honte ! Allons vers le plein emploi, mais avec d’autres méthodes !