M. Julien Bargeton. La mesure des audiences, qui est au centre des décisions du secteur audiovisuel, s’est complexifiée du fait de la numérisation de l’offre et de la consommation des contenus médiatiques. Cette mesure est notamment rendue difficile par l’accès aux données des plateformes.
Un récent rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires culturelles (Igac), intitulé La Concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation, relève d’ailleurs que « la prise en compte incomplète de l’audience sur les plateformes numériques constitue une limite méthodologique ». Les auteurs notent que le recours croissant aux réseaux sociaux rend nécessaire de mesurer l’audience numérique de ces médias et jugent que l’accès aux données est insuffisant.
Plusieurs plateformes refusent en effet purement et simplement de communiquer leurs données d’audience et ne rendent pas publique leur méthodologie de mesure.
Du fait de leur hégémonie, ces acteurs sont tentés par l’automesure, par laquelle ils imposent leurs données d’audience, réalisées selon leurs propres règles, sans contrôle externe, ce qui rend impossible toute vérification et toute analyse comparative de performance.
Je propose donc que les méthodes de mesure de l’audience des plateformes numériques puissent être contrôlées et comparées. La production de ces méthodologies doit à mon sens être confiée à des tiers indépendants, de façon à garantir la qualité et la fiabilité des données.
En d’autres termes, il s’agit d’étendre la mesure de l’audience scientifique utilisée pour les chaînes de télévision et de radio aux plateformes numériques.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Les audiences revendiquées par les plateformes font rarement l’objet de publications, et leurs méthodes de calcul demeurent inconnues, ce qui constitue une nouvelle asymétrie avec les éditeurs de services traditionnels, lesquels recourent à un prestataire indépendant utilisant des modes de calcul éprouvés.
Le présent amendement vise à rétablir l’équité entre les acteurs en rendant possible la comparaison des audiences des différents médias. Une telle disposition paraît nécessaire pour établir une juste correspondance entre l’audience et les recettes publicitaires afférentes.
L’avis est donc favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Monsieur le sénateur Bargeton, vous soulevez un point très important, qui fait d’ailleurs l’objet d’un article dédié dans le projet de règlement européen sur la liberté des médias, le European Media Freedom Act.
Cet article apportera davantage de garanties que celles que vous proposez en ce qui concerne la méthode de mesure de l’audience. Il s’appliquera en outre à l’ensemble des professionnels européens, alors que la disposition que vous proposez a une dimension strictement nationale. Or les plateformes que vous visez sont très souvent établies en dehors de notre territoire.
Ce débat est primordial, mais je vous propose de retirer cet amendement, car l’adoption d’une telle disposition paraît prématurée au regard du débat qui se tiendra à l’échelon européen. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Monsieur Bargeton, l’amendement n° 80 est-il maintenu ?
M. Julien Bargeton. Cet amendement était le seul, parmi ceux que j’ai déposés, à avoir reçu un avis favorable de la commission, et voilà que le Gouvernement, que je soutiens, me demande de le retirer… (Sourires.) Nous sommes peu de chose, mais un moment de ridicule est vite passé ! (Nouveaux sourires.)
M. Roger Karoutchi. Maintenez-le !
M. Max Brisson. On va le voter !
M. Julien Bargeton. Au regard de vos explications, et pour ne pas vous embarrasser, madame la ministre, je retire mon amendement. (Oh ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Gérard Longuet. La commission le reprend !
M. Julien Bargeton. J’espère que la disposition que je proposais sera reprise dans le règlement européen que vous évoquez, madame la ministre. Nihil obstat ! La petite ouverture que j’avais s’est vite refermée… (Sourires.)
Mme le président. On a parfois raison trop tôt, mon cher collègue !
M. Julien Bargeton. C’est avoir tort ! (Nouveaux sourires.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Vous parlez d’or, madame la présidente. Pour ne pas laisser notre collègue Bargeton dans l’embarras, je reprends cet amendement au nom de la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. Je suis donc saisie d’un amendement n° 103, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 95 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 95-… ainsi rédigé :
« Art. 95–…. – Les services de communication audiovisuelle, les services de média audiovisuels à la demande et les services de partage de plateforme de contenus vidéo et/ou audio qui font appel à la publicité pour se financer ainsi que les annonceurs et agences média qui négocient et achètent des espaces publicitaires doivent, lorsqu’ils utilisent, de manière directe ou indirecte, des données d’audiences comparées entre services, recourir à des mesures d’audience réalisées par un ou des tiers qui, cumulativement :
« 1°Ne fournissent eux-mêmes aucun service de communication audiovisuelle, de média audiovisuel à la demande ou de partage de plateformes de contenus vidéo et/ou audio ;
« 2°Ne sont pas eux-mêmes des acheteurs réguliers et significatifs de publicité, pour leur compte ou le compte de tiers ;
« 3°Assurent une concertation large des différents utilisateurs des mesures d’audience pour les élaborer ou les faire évoluer ;
« 4°Assurent une transparence sur les méthodes employées et les soumettent régulièrement à des audits d’experts indépendants dont les conclusions principales sont rendues publiques.
« L’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique vérifie que les tiers qui réalisent les mesures d’audience respectent les principes du présent article. Les conditions et modalités de ce contrôle sont définies par décret. »
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 12.
Article 13
Le 5° de l’article 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est abrogé.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 67 est présenté par M. Verzelen.
L’amendement n° 75 est présenté par M. Bargeton.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Sylvie Robert. Cet article important procède à un assouplissement des règles d’interdiction de concentration verticale entre les activités de diffuseur et de producteur. Il supprime en effet l’un des points de la réglementation d’ordre infralégislatif actuellement en vigueur afin de permettre aux éditeurs-diffuseurs de détenir des parts dans les productions qu’ils cofinancent.
Aujourd’hui, des intérêts opposés sont en présence : ceux des producteurs indépendants, qui peuvent survivre grâce à l’exploitation de leurs droits de production, et ceux des diffuseurs, qui ont investi dans la production sans détenir in fine de droits sur leur part de production.
La solution proposée dans le texte pourrait permettre aux chaînes publiques de récupérer quelques moyens, ce dont elles ont grand besoin. Toutefois, celles-ci ne demandent pas une telle modification de la législation, et encore moins de la réglementation.
Il s’agit donc, encore une fois, d’une disposition visant à satisfaire d’abord les intérêts des diffuseurs privés. Si ces derniers deviennent également diffuseurs, la concentration des médias et des industries culturelles s’en trouvera encore accentuée, et ce au détriment des producteurs indépendants.
Mme le président. L’amendement n° 67 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Julien Bargeton. Il est défendu.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Comme vous l’aurez sans doute noté, mes chers collègues, la commission a peu d’appétence pour les amendements de suppression. (Sourires.)
La disposition que porte cet article est demandée à la fois par les chaînes privées – TF1, M6, Altice, Canal+ –, et par les chaînes publiques de France Télévisions. Elle constitue en effet un préalable pour permettre aux différentes chaînes de faire évoluer leur modèle économique et de mieux résister aux plateformes, dont le modèle est fondé sur de droits « monde », ce qui leur permet de maîtriser leur catalogue.
Une meilleure valorisation des investissements de France Télévisions dans la production constitue pour ce groupe le seul palliatif à l’absence de publicité. Alors que la BBC retire près d’1 milliard de livres sterling de ses investissements dans la production, la réglementation en vigueur en France limite ces revenus à une dizaine de millions d’euros pour France Télévisions.
L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Nous venons à peine de réformer les obligations de financement relatives à la production. La question a été débattue au Parlement, l’Arcom s’est prononcée, et plusieurs mois de consultation et de concertation avec les acteurs ont permis de rééquilibrer les règles du jeu, en particulier entre producteurs et diffuseurs.
L’accès des diffuseurs aux parts de coproduction a été assoupli, un accord interprofessionnel n’est plus nécessaire pour que les éditeurs mutualisent leurs contributions à la production, et surtout, un diffuseur peut désormais acquérir des droits sur tous les supports linéaires et non linéaires, dès lors qu’il finance majoritairement une œuvre.
L’adoption de cet article contraindrait le Gouvernement à rouvrir les discussions après seulement un exercice d’application de la réforme. Elle remettrait en cause les équilibres trouvés par la négociation, qui se sont traduits par des accords professionnels entre la plupart des éditeurs et des producteurs.
Je suis donc favorable à ces amendements de suppression.
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce débat s’inscrit dans une histoire.
En leur temps, les décrets Tasca ont permis le développement d’une production très diverse. Ce foisonnement, cette concurrence ont favorisé l’expression d’une créativité importante, que l’internalisation des grands diffuseurs, y compris du service public – à l’époque représenté par la Société française de production (SFP) – avait pour effet de contraindre.
L’instauration de cette réglementation a été vécue de manière positive, même si elle emportait certains effets pervers que le Sénat a tout de suite pris à bras-le-corps. À la faveur de forums, de colloques et d’amendements à des textes de loi, nous avons fait en sorte d’atténuer ces effets pervers, sans tuer la diversité de l’offre. Nous avons de surcroît toujours encouragé la négociation entre éditeurs, producteurs et diffuseurs.
Comme Mme la ministre vient de le rappeler, les mutations dues à la révolution technologique ont été progressivement prises en compte. Mais à peine un chantier est-il achevé que vous souhaitez aller plus loin, mes chers collègues, car les éditeurs privés en demandent toujours plus.
Comment pouvez-vous justifier cet article par une demande de France Télévisions ? Le groupe, que nous avons interrogé, ne demande rien d’autre que le rééquilibrage qu’il a déjà réclamé par le passé.
En revanche, les grandes chaînes privées ne seront jamais rassasiées. Cet article est un cavalier législatif visant à répondre aux attentes et aux pressions des grands groupes privés.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande sa suppression.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 75.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
L’article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, le nombre maximal d’interruptions publicitaires peut être porté à trois pour la diffusion par un service de télévision d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle qui comporte au moins quatre tranches programmées de trente minutes. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le présent article ne fait pas obstacle à l’insertion de messages d’information sur les programmes dans des conditions fixées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. »
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 23 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 66 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 23.
M. David Assouline. Encore un cadeau au privé ! Et celui-là n’est pas mal !
Nous avons déjà voté le plafonnement, pour le service public, des recettes publicitaires et de parrainage. Pour ceux qui se demandent où iront ces recettes, voici la réponse : les chaînes privées pourront désormais interrompre la diffusion des œuvres de fiction après vingt heures pour une troisième coupure publicitaire. Il nous faudra bientôt, comme aux États-Unis, supporter une publicité pour McDonald’s ou d’autres toutes les dix minutes pendant la diffusion d’un film.
Bien que le nombre de coupures publicitaires autorisées ait augmenté depuis la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, nous avons su préserver un cadre, non pas pour les programmes dits de divertissement, mais pour les créations, dont les auteurs n’ont jamais imaginé qu’elles seraient coupées.
Ces coupures, qui sont de nature à changer la perception même de l’œuvre, vont à l’encontre de la culture, mais elles rapportent de l’argent. C’est pourquoi, à la veille de l’été et en catimini, vous cassez notre modèle, mes chers collègues.
C’est un cadeau de plus que vous faites aux chaînes privées, qui vous l’ont demandé. La publicité étant interdite sur France Télévisions, cette troisième coupure publicitaire des fictions ne concernera que M6, TF1 et toutes les grandes chaînes privées. Autant dire qu’à la fin, ces dernières vous seront vraiment redevables.
Mme le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 66.
M. Jérémy Bacchi. L’instauration d’une troisième interruption publicitaire satisfera l’appétit des chaînes privées, qui disposeront d’une part encore un peu plus importante du gâteau publicitaire, au détriment des téléspectateurs et de l’offre culturelle.
D’un côté, on affaiblit l’audiovisuel public en plafonnant ses ressources, et, de l’autre, on augmente la part de recettes publicitaires des chaînes privées.
Au sein d’un texte qui entend renforcer l’audiovisuel public face à la concurrence privée, une telle proposition est pour le moins curieuse.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié.
M. Bernard Fialaire. Je regrette également cette disposition, car les coupures publicitaires dénaturent les œuvres cinématographiques et entraînent une perte de public, celui-ci se tournant vers la télévision à la demande et les plateformes de streaming.
L’augmentation du nombre de coupures publicitaires contribuerait encore davantage au délaissement de la télévision en direct au profit des contenus délinéarisés, qu’ils soient légaux ou illégaux.
Le rapport de force entre les chaînes privées de notre audiovisuel et ces nouveaux acteurs ne peut être rééquilibré par une augmentation du temps de publicité à l’antenne. J’estime que cette tentative ne ferait, au contraire, qu’accroître le problème.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis opposé à cette troisième coupure.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La limitation à deux du nombre de coupures publicitaires a pour conséquence de réduire à la portion congrue la diffusion de fictions sur les chaînes privées en clair, puisque leur coût d’acquisition ne peut faire l’objet d’une valorisation convenable.
L’instauration de cette troisième coupure publicitaire aurait par ailleurs pour effet de mieux répartir le nombre des annonces publicitaires, et donc, d’améliorer le confort du téléspectateur. (M. David Assouline s’esclaffe.)
J’ajoute que cette disposition figurait déjà dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dit projet de loi Riester, qui avait été validé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
M. Max Brisson. Il y avait tout dans ce projet de loi !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. S’il est exact que cette disposition figurait dans le projet de loi dit Riester, j’estime qu’une troisième coupure publicitaire ne permet pas de regarder une œuvre dans les conditions les plus agréables.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire hier, je suis pour ma part plutôt favorable à un statu quo en matière de ressources publicitaires.
Sur ces trois amendements identiques, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 66 et 77 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 70, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « de deux interruptions publicitaires » sont remplacés par les mots : « d’une interruption publicitaire » ;
2° La seconde phrase est supprimée.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Si j’ai bien compris l’intention du rapporteur, celui-ci souhaite améliorer le confort des spectateurs. Je m’inscris dans la même démarche, puisque je propose de revenir à une seule coupure publicitaire, ce qui sera encore plus confortable.
Je rejoins l’argumentaire de David Assouline : hier, nous avons plafonné les ressources de l’audiovisuel public, et aujourd’hui, nous redonnons ce surplus de recettes publicitaires au privé.
Au lendemain de son décès, certains saluent Silvio Berlusconi comme un grand homme politique, mais il est surtout celui qui a introduit la coupure publicitaire dans les films sur La Cinq. En tant qu’élu lyonnais, je tiens à rappeler que Bertrand Tavernier, qui présentait pour sa part cette pratique comme un « saucissonnage » intolérable de la création, avait renvoyé sa médaille de chevalier des arts et des lettres pour cette raison.
Mes chers collègues, je vous propose de revenir à une seule coupure publicitaire afin de soutenir la création et, comme le souhaite M. le rapporteur, d’améliorer le confort du téléspectateur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de fragiliser grandement le modèle économique des chaînes privées, alors même que le coût des programmes est de plus en plus difficile à rentabiliser.
Contrairement aux plateformes, financées par les abonnements, et à l’audiovisuel public, qui peut s’appuyer sur une dotation publique importante, la publicité est la seule ressource dont disposent les chaînes privées. Il est donc essentiel de permettre à ces dernières d’exploiter au mieux cette ressource.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. L’instauration d’une seconde coupure publicitaire date de 2009. Celle-ci ne faisant l’objet d’aucune contestation, je ne vois pas de raison de revenir sur cette possibilité.
De plus, l’adoption de votre amendement instaurerait un encadrement encore plus strict que celui qui prévalait avant 2009, monsieur Dossus, puisqu’à l’époque, le Conseil supérieur de l’audiovisuel pouvait déroger au principe de la coupure unique pour des films de très longue durée.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 13 bis.
(L’article 13 bis est adopté.)
Article 14
L’article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rétabli :
« Art. 96-2. – I. – À l’issue d’un délai de six mois après la promulgation de la loi n° … du … relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, les équipements terminaux au sens du 10° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques permettant la réception des services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre ainsi que l’accès à des services de communication au public en ligne, mis sur le marché à des fins de vente ou de location, assurent la réception des services interactifs fournis par les éditeurs de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre.
« II. – La réception des services interactifs fournis par les éditeurs de services de communication audiovisuelle est activée sur ces équipements avant leur mise sur le marché, dans des conditions définies par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Elle ne peut être désactivée sans l’intervention explicite de l’utilisateur, sauf en cas de raison technique impérative et après avis de l’autorité. Dans ce cas, la désactivation ne peut être que temporaire.
« III. – Les services interactifs mentionnés au I ne peuvent être modifiés ou supprimés sans l’accord explicite de leurs éditeurs. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique prend les mesures appropriées et proportionnées, de nature à assurer le respect de ce principe. Elle définit les exceptions qui peuvent lui être apportées de manière temporaire et le délai au terme duquel ces exceptions prennent fin en tenant compte des contraintes techniques de diffusion et de distribution justifiées par les distributeurs des services ainsi que de la protection de l’intérêt légitime des éditeurs de services et de celui des utilisateurs. »
Mme le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. La technologie HbbTV – Hybrid Broadcast Broadband TV, en bon français –, offre des perspectives particulièrement intéressantes car elle combine les avantages de la diffusion hertzienne traditionnelle et ceux de l’interactivité permise par l’internet ouvert, ouvrant ainsi une passerelle directe entre les deux univers.
Alors qu’aucune barrière technologique ni juridique ne s’oppose au lancement de services, et que la très grande majorité des téléviseurs sont compatibles depuis plusieurs années avec cette technologie du fait de son utilisation chez bon nombre de nos voisins européens, l’offre de services interactifs HbbTV demeure très limitée.
L’article 14 impose la reprise généralisée, par l’ensemble des distributeurs, des services HbbTV fournis par les éditeurs, ce qui pourrait emporter des conséquences sur l’ensemble du marché de la distribution de services audiovisuels.
Par ailleurs, les dispositions de l’article 20-5 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication permettent déjà à l’Arcom d’encadrer la reprise par les distributeurs de l’ensemble des composantes du flux hertzien émis par les éditeurs.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’article 14 ne me paraît pas nécessaire. J’en propose donc la suppression.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Les éditeurs de services ont aujourd’hui beaucoup de mal à obtenir des distributeurs la reprise de leur signal enrichi, comme le prévoit la norme HbbTV, preuve que le droit en vigueur est insuffisant pour corriger cette asymétrie.
L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Si le Gouvernement est attaché au développement de solutions interactives sur la télévision numérique terrestre (TNT), l’obligation prévue à l’article 14 me semble aller trop loin, tant au regard des contraintes juridiques que des réalités économiques.
De telles obligations sont en effet difficilement conciliables avec le droit communautaire en matière de libre circulation des marchandises.
Il me semble par ailleurs prématuré d’imposer de telles obligations au vu de l’offre encore limitée de services interactifs actuellement disponible sur la TNT.
Il n’existe aujourd’hui aucune barrière technique au déploiement de ces services, la très grande majorité des téléviseurs vendus en France étant compatibles avec cette technologie.
L’avis est donc favorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 14 bis (nouveau)
Après le I de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Au terme d’une durée de douze mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs de plus de 110 centimètres de diagonale d’écran mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location au sens de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques et destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre doivent permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de télévision numérique terrestre en ultra haute définition.
« Au terme d’une durée de dix-huit mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs et les adaptateurs individuels mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location au sens du même article L. 43 et destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre doivent permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de télévision numérique terrestre en ultra haute définition.
« Lorsque la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre atteint un niveau de couverture correspondant à 20 % de la population française, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique cette information.
« Seuls les terminaux permettant la réception des services en ultra haute définition, selon les caractéristiques techniques précisées par application de l’article 12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, peuvent se voir accorder le label “Prêt pour la TNT en ultra haute définition”. »