Mme le président. L’amendement n° 96, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Belin, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
trente-six
II. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
dix-huit
par le mot :
quarante-deux
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Mes chers collègues, je tenterai de vous convaincre d’adopter cet amendement, que j’estime de bon sens.
Dans son baromètre du numérique 2022, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) souligne l’impact environnemental du renouvellement trop fréquent des téléviseurs.
Selon l’autorité, les écrans de télévision seraient parmi les premiers responsables de l’empreinte carbone du secteur numérique en France.
L’Arcep évoque même une obsolescence « culturelle » ou « marketing » qui contraindrait les consommateurs, du fait d’une logique d’accompagnement de l’offre plutôt que de la demande, à changer de téléviseur, y compris lorsque celui qu’ils possèdent est toujours fonctionnel.
Par ailleurs, en septembre 2022, dans une étude intitulée Les Réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique, le Conseil d’État alertait sur les impacts environnementaux de notre consommation numérique et demandait que celle-ci soit intégrée dans notre modèle de régulation.
Cet amendement a donc pour objet de concilier le déploiement de la TNT en UHD et l’impératif de sobriété. Il tend également à rallonger le calendrier de ce déploiement afin de ne pas hâter le renouvellement de téléviseurs toujours fonctionnels.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il est essentiel de préserver l’attractivité de la TNT face aux autres formes de diffusion telles que la fibre.
La TNT est moins énergivore, ma chère collègue, et elle ménage l’anonymat des utilisateurs, ce qui n’est pas rien. Il n’y a donc pas de raison probante de retarder la généralisation de l’UHD.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Il importe d’assurer la compatibilité des téléviseurs avec les normes de diffusion et d’encodage des futurs services ultra-haute définition de la TNT.
Ces normes, qui sont plus efficaces en matière d’utilisation des fréquences et moins consommatrices d’énergie, vont en effet se généraliser à l’ensemble de la TNT, comme c’est le cas dans de nombreux pays, notamment l’Allemagne.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 14 bis.
(L’article 14 bis est adopté.)
Article 15
L’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur est ainsi modifié :
1° Après le IV, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, les équipements de radio vendus par les industriels aux distributeurs d’équipement électronique grand public sur le territoire national permettent la réception des services de radio numérique terrestre.
« Dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, les récepteurs de radio vendus aux consommateurs sur le territoire national permettent la réception des services de la radio numérique terrestre. » ;
2° Le premier alinéa du V est ainsi rédigé :
« V. – Les véhicules automobiles neufs à moteur conçus et construits pour le transport de personnes et ayant au moins quatre roues et mis sur le marché à des fins de vente ou de location sont équipés de terminaux de réception de services de radio permettant la réception de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique en modulation de fréquences et en mode numérique autorisés par application des articles 26, 29 et 29-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. »
Mme le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au premier alinéa du V de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, après les mots : « terminaux de réception de services de radio de première monte », sont ajoutés les mots : « et les équipements terminaux de première monte permettant la réception de contenus audio ou audiovisuels ».
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Le Digital Audio Broadcasting, ou DAB+, est une norme de diffusion qui doit permettre de pérenniser la souveraineté du réseau hertzien terrestre de radio tout en enrichissant l’offre proposée actuellement en FM aux auditeurs. Elle est également plus sobre en matière d’utilisation des fréquences comme de consommation énergétique. C’est un objectif que nous partageons tous.
Il importe donc d’assurer la promotion et l’intégration de cette norme dans les équipements, au côté de la FM, afin de renforcer ses audiences.
Les dispositions en vigueur, prévues à l’article 19 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, imposent d’ores et déjà l’intégration de la réception en DAB+, en complément de la FM, dans les postes de radio hors entrée de gamme et dans les autoradios équipant les véhicules neufs.
Toute velléité d’étendre l’obligation d’intégration de la réception DAB+ aux équipements d’entrée de gamme et aux équipements pour lesquels la fonctionnalité radio est accessoire serait non conforme avec le cadre européen. Par le présent amendement, je propose donc de supprimer le IV bis introduit au 1° du présent article.
En revanche, en cohérence avec l’esprit qui doit présider à l’extension du DAB+, je souhaite étendre l’obligation d’interopérabilité des récepteurs de services de radios automobiles aux véhicules neufs, dès lors que ces derniers disposent d’un équipement multimédia permettant uniquement l’accès à des services et contenus par internet.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le 1° du présent article, qui prévoit de généraliser la compatibilité des récepteurs radio avec le DAB+. Cela aurait pour conséquence de ralentir le déploiement de cette norme, qui a vocation à se substituer à la FM.
La généralisation de cette norme sur les récepteurs vendus aurait pour effet mécanique de ramener le prix de ce type de matériel à un niveau comparable avec le prix des récepteurs FM, selon le principe bien connu des coûts décroissants. Cette disposition n’est donc en rien incompatible avec le droit européen, contrairement à ce que soutiennent ceux qui ne souhaitent pas voir le DAB+ se développer et se substituer à la FM.
L’article 15 est indispensable pour assurer l’avenir de la radio face à la radio IP, ou radio internet.
J’ajoute que la présidente de Radio France, Sibyle Veil, est une ardente avocate du DAB+, car elle a bien compris que cette norme est l’avenir.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 53, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
dix-huit
par le mot :
vingt-deux
II. – Alinéa 4
Remplacer le mot :
vingt-quatre
par le mot :
trente
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous sommes tous favorables au développement du DAB+ – je suis d’ailleurs de ceux qui ont beaucoup milité en faveur de celui-ci quand il ne cessait d’être retardé.
La France, qui, comme toujours, a trop tardé, veut désormais franchir les étapes un peu trop vite.
Aujourd’hui, 3 % des foyers sont équipés d’un récepteur compatible avec le DAB+. Les acteurs du secteur estiment que cette proportion sera de 7 % dans deux ans.
Il faut donc, à mon avis, allonger le délai imparti au déploiement du DAB+. Si je ne remets pas en cause la pertinence d’un tel délai, qui est à mon avis l’un des moyens d’encourager le déploiement du DAB+, j’estime que celui-ci est trop court.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai également l’amendement suivant, car les deux vont de pair.
Mme le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 54, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur les possibilités d’aide à l’équipement des foyers et d’aide à l’investissement et au coût de double diffusion des éditeurs de radios et plus particulièrement de celles indépendantes et à faibles ressources publicitaires afin de permettre, sur l’ensemble du territoire, la réception effective des services de radio numérique terrestre, sur l’ensemble du territoire, dans les délais fixés au premier alinéa du IV bis et au premier alinéa du V de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. David Assouline. Au-delà de la date couperet, un autre moyen de développer le DAB+ est d’allouer des aides financières aux éditeurs et aux foyers qui souhaitent s’équiper, car cela coûte très cher.
Ne pouvant présenter un amendement financier, j’ai déposé le présent amendement, bien que je ne sois pas très favorable aux demandes de rapport.
Nous pourrions, sur la base du rapport qui serait établi par le Gouvernement, soumettre cette aide financière au débat, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, par exemple.
Cette aide bénéficierait tant aux foyers qu’aux éditeurs. Ces derniers subissent un double coût, car ils sont obligés de continuer à diffuser sur les anciennes fréquences, tant qu’elles existent, avant de basculer sur le DAB+, ce qui est particulièrement difficile pour les radios indépendantes et les petites radios.
Nous avions prévu, pour le passage à la TNT, des dispositifs d’aides de ce type, et cela avait fonctionné, malgré les difficultés. Je propose de faire la même chose pour le DAB+.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 53 et 54 ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le déploiement du DAB+ nécessitera du temps et une forte implication des pouvoirs publics.
Il doit se faire rapidement afin de limiter dans le temps la double diffusion FM-DAB+.
Les fabricants de récepteurs que nous avons auditionnés estiment qu’un délai de vingt-quatre mois pour changer les références et épuiser les stocks est suffisant.
Pour autant, le délai fixé aux professionnels importe moins que le principe même d’une date limite, qui obligera les différents acteurs à s’adapter.
C’est pourquoi il n’y a pas d’inconvénient à porter de vingt-quatre à trente mois le délai pour généraliser la vente de récepteurs compatibles avec le DAB+.
L’avis est par conséquent favorable sur l’amendement n° 53.
Il est par ailleurs absolument indispensable que le Gouvernement mette en place une politique publique d’accompagnement du déploiement, puis du basculement vers le DAB+.
Cette politique publique doit non seulement accompagner l’équipement des foyers et l’appropriation de ces nouveaux services par les usagers, mais aussi aider les éditeurs de programmes radio à assumer le coût de la double diffusion, qui constitue un obstacle important sur la route du DAB+.
L’avis de la commission est donc également favorable sur l’amendement n° 54.
Si vous me le permettez, madame la présidente, puisque nous arrivons au terme de l’examen des amendements, je souhaite remercier mon collègue David Assouline d’avoir défendu ses positions avec sa vigueur habituelle.
Les visions, parfois radicalement différentes, qui ont été exprimées ont permis que nous ayons un débat équilibré, conformément à nos habitudes. Tel est le sens du débat démocratique. Merci donc à David Assouline !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Le Gouvernement souhaite accompagner au mieux le déploiement du DAB+.
Les analyses juridiques dont je dispose à ce stade indiquent toutefois que l’amendement n° 53 n’est pas totalement compatible avec le cadre européen fixé par la directive du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen. C’est assez technique et complexe à expliquer.
Vous y avez toutefois travaillé plus longtemps que moi, monsieur Assouline. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Vous avez raison, madame la ministre, mais la disposition qui peut être contestée au regard de la réglementation européenne est non pas celle que je propose, mais celle qui figure dans la proposition de loi et que M. Hugonet a voulu soumettre au débat.
Oui, une discussion juridique aura lieu au niveau européen, car la réglementation que vous évoquez donne lieu à différentes interprétations, dont certaines remettent fortement en cause ce que M. le rapporteur et M. Lafon proposent.
Mon amendement vise justement à tempérer le dispositif prévu par le texte, car la disposition que je propose est davantage compatible avec la réglementation européenne.
Je ne sais pas si c’est ce que vous vouliez dire, madame la ministre, mais – j’y insiste – c’est, non pas mon amendement, mais bien le texte de la proposition de loi qui pose problème !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je souhaite remercier le président Laurent Lafon d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, qui a suscité beaucoup de débats et de nombreux amendements de David Assouline.
Je veux aussi remercier Jean-Raymond Hugonet pour son travail de précision, conduit avec un flegme digne d’un animateur de la BBC. (Sourires.)
Voilà six ans que nous attendions une grande loi sur l’audiovisuel, madame la ministre. Cette proposition de loi devait permettre au Gouvernement de sortir de la torpeur et de l’inaction, qui, depuis le départ de Franck Riester du ministère, caractérisent l’action gouvernementale en matière d’audiovisuel public.
Quelle déception ! Le départ de Franck Riester n’annonçait-il pas, en fait, la paralysie de l’action gouvernementale en matière audiovisuelle ? Il n’y aura pas de réforme de l’audiovisuel. Nous nous en doutions ; nous en sommes désormais assurés.
Nous en resterons donc à la loi de 1986. Tout bouge dans le monde audiovisuel, sauf le cadre juridique. Le conservatisme est la règle.
Finalement, madame la ministre, les critiques que vous avez formulées tout au long de cette soirée et de la précédente auraient pu être adressées à votre collègue qui est aujourd’hui chargé des relations avec le Parlement.
Nos débats ont également montré que le conservatisme avait un visage, celui de tous les corporatismes et de la protection de tous les espaces de pouvoir jalousement conservés ; que la mutualisation progressait à la vitesse de la tortue ; que les missions du service public restaient confuses et embrouillées ; que la coopération entre les médias avançait au rythme du petit train de l’interlude d’autrefois. Qu’importe, il ne faut rien bouger ! Voilà ce que la gauche, devenue la gardienne du temple, a défendu pendant toute la soirée !
Merci donc à Laurent Lafon d’avoir fait tomber les masques, et de proposer un accélérateur des indispensables mutations et de la rénovation du service public de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Je regrette pour ma part que nos débats n’aient pas permis de vous convaincre, mes chers collègues, des risques que ce texte fera peser sur l’audiovisuel public, sur ses capacités d’informer et sur l’exception culturelle française.
Je constate également que, près d’un an après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, aucune piste ne se dégage réellement pour satisfaire la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel.
Je reste sincèrement convaincue que le modèle de taxe affectée est le meilleur moyen de garantir l’indépendance budgétaire de l’audiovisuel public sur le long terme. Il est nécessaire que celui-ci puisse remplir sereinement ses missions sans se retrouver chaque année au milieu du gué, compte tenu des débats concernant son financement.
La Commission européenne l’a exprimé très clairement : l’audiovisuel public ne doit pas devenir un outil de propagande politique.
Autour de nous, les choses avancent. L’Australie, le Canada et, maintenant, la Californie ont pris des mesures, par exemple pour taxer les recettes publicitaires immenses des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Dans quelques années, le règlement européen sur la liberté des médias entrera en vigueur en France et en Europe.
Plutôt que de ranimer le fantôme de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), nous avons collectivement la possibilité d’anticiper et de regarder le monde qui vient, mes chers collègues.
M. Loïc Hervé. C’est excessif !
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je souhaite à mon tour remercier le président Lafon d’avoir engagé ce débat – je pense, en effet, que nous en resterons au débat – et M. le rapporteur de l’avoir, d’une certaine manière, « instruit ».
L’enjeu est devant nous. Bien entendu qu’il faut réformer la loi de 1986 ! S’il convient de ne pas toucher à son principe, à savoir la liberté de communication assise sur la volonté d’indépendance et de pluralisme des médias, les outils qui ont été inventés à l’époque correspondaient au paysage audiovisuel tel qu’il était alors.
Toutes les démocraties ont régulé la liberté de communication. De fait, il faut de la régulation, comme toujours, pour éviter que la sauvagerie ne s’installe et que les plus gros ne dévorent les plus petits.
À l’évidence, cette grande loi nécessite plus qu’un travail technocratique d’ajustement. Celle-ci est en effet percluse de rustines, car depuis maintenant des dizaines d’années, nous l’amendons à mesure que le monde change. En nous contentant de boucher les trous, nous ébranlons toutefois la cohérence de ce texte.
Oui, il faut réformer la loi de 1986, et associer la société. Il faut des états généraux des médias pour refonder ce texte en intégrant tous les acteurs – créateurs, éditeurs, producteurs, parlementaires, citoyens – dans cette volonté de construire un nouvel écosystème.
Je ne le verrai pas en tant que parlementaire. J’en ai pourtant rêvé ! Voilà quinze ans que je demande une grande loi aux gouvernements de droite comme de gauche. J’ai été déçu. Il n’y a eu, à chaque fois, que de petites lois ! Celle-là est toute petite – de toute façon, je ne pense pas qu’elle pourra franchir le cap de cet hémicycle.
Pour terminer, je veux dire que c’est probablement ma dernière intervention, dans cet hémicycle, sur un texte de loi relatif à l’audiovisuel.
Depuis dix-neuf ans, je me bats pour la liberté et l’indépendance des médias, pour la place du service public. Ma principale fierté est d’avoir, lors de la révision constitutionnelle engagée par Nicolas Sarkozy en 2008, contribué à inscrire, à l’article 34 de la Constitution, la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. J’espère que, dans cet hémicycle, l’on continuera à porter haut le service public et cette exigence de liberté des médias.
Mme le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote.
M. Jérémy Bacchi. Je remercie à mon tour le président Lafon d’avoir engagé et instruit ce débat. Il nous aura permis de discuter, pendant deux jours – et même plus –, du service public.
Le service public audiovisuel est essentiel pour garantir l’accès de tous les citoyens à une information pluraliste et de qualité, ainsi qu’à des programmes culturels diversifiés.
Alors que l’audiovisuel public se porte plutôt bien, on décide de le déstabiliser.
La proposition de création d’une holding, qui est au cœur de cette proposition de loi, vise à rationaliser le service public. Mon groupe y voit plutôt un risque de fragilisation de celui-ci.
Ni dans le texte ni dans le débat, vous n’avez convaincu mon groupe de la pertinence d’une telle holding et n’avez su rassurer nos inquiétudes relatives aux conséquences que cette nouvelle gouvernance de l’audiovisuel public emportera pour les salariés du secteur comme pour son offre de contenus.
Vous persistez en outre à refuser, pour financer l’audiovisuel public, l’instauration d’une contribution dont tous les Français seraient redevables. Il s’agirait pourtant de la mesure fiscale la plus à même de garantir la plus grande indépendance de l’audiovisuel public.
Au lieu de cela, vous vous êtes fait les porte-voix des chaînes privées, en demandant une troisième interruption publicitaire pour les films diffusés par ces dernières, tandis que les recettes publicitaires des chaînes publiques seraient plafonnées.
Sans compensation financière garantie, de telles mesures fragiliseraient grandement les moyens de l’audiovisuel public, alors même que celui-ci a pour obligation de verser, chaque année, 500 millions d’euros d’investissements dans la création.
L’audiovisuel public a besoin non pas d’une holding, mais de moyens forts et pérennes !
Pour l’ensemble de ces raisons, comme pour d’autres que j’ai eu l’occasion de défendre hier soir et ce soir dans cet hémicycle, mon groupe votera contre cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je vous remercie également pour cet intéressant débat, monsieur Lafon.
Cette proposition de loi comportait deux volets : la création d’une holding – je ne suis pas sûr que nos débats aient montré en quoi celle-ci répondait aux enjeux qualitatifs qui ont été posés au début de la discussion –, et divers dispositifs remettant en cause des équilibres ici ou là.
Ces derniers, notamment les dispositifs concernant les productions indépendantes, peuvent être discutés.
Mes chers collègues, je ne suis pas certain que cet ensemble ait permis de dessiner la façon dont serait portée l’ambition que vous prétendez avoir. Dont acte !
Nous pensons que des objectifs qui peuvent être partagés, traduisant une ambition similaire, sont tout à fait atteignables sur la base de socles communs, de contrats d’objectifs et de moyens renforcés, d’un approfondissement et, peut-être, de contraintes renforcées afin d’accélérer.
En tout état de cause, l’enjeu principal, qui porte sur les contenus audiovisuels – que produit la télévision publique ? – peut être abordé avec plus de pragmatisme, de souplesse et d’efficacité.
Le texte s’arrête là. Vous vous retournez vers le Gouvernement, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, mais si je voulais être taquin, je pourrais me retourner vers vous : libre à vous de convaincre vos partenaires de l’Assemblée nationale, où nos groupes ont leurs équivalents, d’inscrire cette proposition de loi, qui ne manquera pas d’être adoptée par le Sénat dans un instant, dans le cadre d’une niche parlementaire ! Ce ne sera peut-être pas immédiat, car ils disposent d’un peu moins de temps réservé que vous.
M. Max Brisson. Il pourrait y avoir des surprises !
M. Julien Bargeton. Vous permettrez ainsi que le débat ait lieu à l’Assemblée nationale, si c’est ce que vous souhaitez. Nous savons qu’en réalité, ce texte visait à ouvrir le débat, et qu’il est probable qu’il ne prospère pas au-delà.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je ne nourris pas non plus de grandes illusions quant à l’avenir et au parcours de cette proposition de loi.
J’entends que tout le monde attend une grande loi, mais nous avons tellement de mal à en faire passer des petites, mes chers collègues, que je ne suis pas certain que la grande loi attendue serait davantage soutenue… On s’aperçoit que, dès que l’on essaie de bouger un peu les choses, les conservatismes s’expriment et des blocages apparaissent.
Pour ma part, je n’étais pas opposé à la holding. J’ignore si c’est l’outil absolu, mais, au moins, il donnait un peu de cohérence, de rationalité. Je ne pense pas qu’il soit atroce de recourir à la raison et qu’il faille toujours y renoncer.
Instaurer un peu de mutualisation, donner un peu plus de force et, surtout, de cohérence et secouer un peu certaines inerties pour pouvoir faire travailler ensemble, avec plus d’efficacité, les différents pans de l’audiovisuel me paraissait aller dans le bon sens.
Tout n’est pas parfait à nos yeux. Nous ne nous satisfaisons pas, entre autres, de la troisième coupure publicitaire.
En tout état de cause, je souhaiterais tout de même, madame la ministre, que nous soyons très vite rassurés quant au financement de l’audiovisuel public.
Nous avons bien compris les raisons qui ont présidé à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.
Il nous a été annoncé un financement clair, étayant, rassurant. L’audiovisuel public a désormais besoin d’une réponse très rapide de la part du Gouvernement.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Madame la ministre, si j’étais taquin, je dirais que la majorité présidentielle a voulu la holding et que la majorité sénatoriale l’a faite ! (Sourires.)
En effet, alors que, depuis 2017, les responsables de la majorité présidentielle ont prôné l’instauration de cette holding à de nombreuses reprises, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation inédite, où une majorité se dégage, à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale, dont la commission des affaires culturelles et de l’éducation, même si vous semblez l’ignorer, mes chers collègues, a adopté la semaine dernière à une large majorité un rapport préconisant la création de la holding et où, dans le même temps, le Gouvernement, qui a pourtant déclaré maintes fois souhaiter cette réforme, semble changer de position au moment où il faut passer des déclarations aux actes.
Quelle sera la suite réservée à ce texte ? J’entends ceux qui, de manière péremptoire, affirment qu’il n’ira pas plus loin que le Sénat.
C’est prendre bien peu en considération le travail et l’expression forte de nos collègues députés, qui, eux, ont une vision claire de ce qu’il faut faire.
C’est aussi prendre bien peu en considération la complexité du paysage politique actuel, qui impose des accords.
La vérité, madame la ministre, est que le changement de position du Gouvernement sur la holding, son incapacité à engager la réforme de l’audiovisuel depuis 2017 et, désormais, le débat au sein même du Gouvernement sur le financement de l’audiovisuel public, entre la budgétisation, voulue par Bercy, et le financement par une fraction de TVA, que vous souhaitez, je crois, plonge l’audiovisuel dans une période de flou et d’incertitude.
Le Sénat, au travers de ce texte, a exprimé une vision et posé un cadre.
Mes chers collègues, je suis prêt à prendre le pari que, dans quelques semaines, ou peut-être quelques mois, le Gouvernement se tournera vers le Sénat, comme il l’a déjà fait sur d’autres sujets, pour trouver une solution au problème qu’il a lui-même créé.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)