Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais votre réponse ne me satisfait absolument pas. Je vous parle d’un problème immédiat, sur lequel je vous alerte depuis la fin de la l’année dernière. En effet, la décision de modifier le mode de calcul des indemnités kilométriques a été prise, notamment dans mon territoire, le département de la Haute-Savoie, au mois de novembre 2022.

Si nous ne faisons rien, nous allons au-devant d’une catastrophe sanitaire. Je vous donne un exemple : un infirmier touche désormais 14 euros pour vingt-quatre visites chez des particuliers, soit 60 centimes en moyenne d’indemnité horokilométrique de montagne. Qui peut se déplacer pour seulement 60 centimes ? (M. Jean-Claude Anglars applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. La disparition des services au public, constatée ces dernières années par la plupart des maires des communes rurales, a pour corollaire la dématérialisation croissante des démarches administratives.

Actuellement, près de 99 % des Français vivraient à moins de trente minutes d’une maison France Services et 90 % à moins de vingt minutes. C’est une bonne chose, car cela permet de retrouver, petit à petit, une proximité du service public. Je le constate dans mon département de la Mayenne, avec nos dix-sept espaces France Services, en lien avec les secrétaires de mairie, comme l’ont souligné plusieurs orateurs.

Néanmoins, n’oublions pas que quelque 13 millions de Français sont touchés par l’illectronisme et peinent à faire valoir leurs droits. Dès lors, comment est-il possible d’envisager un accès par voie exclusivement numérique à certains dispositifs, comme le service France Rénov’ ?

Nous courrons le risque de rompre l’égalité d’accès des citoyens devant leurs droits. Autrement dit, la formation au numérique est devenue un véritable enjeu si nous voulons respecter notre pacte social en garantissant l’accès de tous aux services publics.

Pour tenter d’y répondre, le Gouvernement a développé la plateforme Aidants Connect, et les maisons France Services proposent un accompagnement numérique pour la réalisation des démarches en ligne. Plusieurs milliers de conseillers ont d’ailleurs été déployés à cet effet ; il faut s’en réjouir.

Toutefois, gardons à l’esprit que l’illectronisme renvoie à des situations d’isolement, de précarité et de mobilité difficile. Ainsi les personnes âgées sont souvent très affectées par la dématérialisation des services au public, car elles n’ont pas les moyens de s’équiper en matériel informatique ou la capacité de se déplacer pour suivre des ateliers de formation. Ces populations se concentrent souvent dans des zones de revitalisation rurale.

Dans ces conditions, plusieurs questions se posent pour que la proximité des services au public soit réellement assurée : des dispositifs ciblés pour les ZRR sont-ils prévus, par exemple avec un déploiement plus important de conseillers numériques ? Quels moyens donner à ces derniers pour répondre à la demande d’assistance d’une population qui ne se déplace pas ? Une aide au financement de matériel informatique est-elle envisagée pour les populations précaires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous avez évoqué l’absolue nécessité de former au numérique dans nos territoires ruraux ; je ne peux qu’approuver vos propos. Vous avez salué l’action du Gouvernement pour ce qui est de la mise en ligne de la plateforme Aidants Connect et du déploiement de conseillers numériques, et vous nous demandez comment aller plus loin, notamment pour ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas se déplacer.

Je suis en mesure de vous dire que le projet de loi sur lequel je travaille comporte des mesures consacrées aux ZRR, notamment une bonification, à partir de janvier 2024, des aides que l’État accorde aux collectivités pour maintenir ou augmenter le nombre de conseillers numériques dans ces territoires ruraux.

J’estime que nous avons, avec Aidants Connect et les conseillers numériques, trouvé le bon outil. Seulement, il doit être associé à la mise en place de navettes, à l’échelle intercommunale ou communale, pour transporter les séniors dans les maisons France Services, où ils trouveront des conseillers numériques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Lorsque l’on parle de la disparition des services publics dans nos territoires, on oublie trop régulièrement de mentionner une réalité : la fermeture massive de nos trésoreries.

Véritable interlocuteur local de nos concitoyens et de nos collectivités, les trésoreries souffrent des conséquences importantes des réformes intervenues ces dernières années. En Moselle, quasiment la moitié des trésoreries du département ont fermé en dix ans, ce qui s’est accompagné d’une diminution de 50 % des agents des finances publiques.

La disparition brutale de ces interlocuteurs de proximité dans des territoires majoritairement ruraux, comme le mien, a conduit à une situation ubuesque. Nos concitoyens sont contraints à payer leurs impôts, leurs amendes et jusqu’à la cantine de leurs enfants chez le buraliste le plus proche, qui est lui-même en voie d’extinction.

À l’heure où le Gouvernement entend renforcer la lutte contre la fraude fiscale et sociale et annonce à cet effet le recrutement de près de 1 500 agents spécialisés dans l’investigation fiscale, le manque d’agents des finances publiques n’a jamais été aussi criant.

Madame la ministre, la fraude, de quelque nature qu’elle soit, doit être combattue. L’engagement du Gouvernement en la matière, bien que tardif, est louable. Toutefois, il ne doit pas conduire, par les investissements qu’il requiert, à toujours plus abandonner les services fiscaux dans nos territoires.

Les mesures que vous annoncerez dans le prochain projet de loi de finances pour 2024 permettront-elles de remédier à ce problème ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Belrhiti, vous parlez de fermetures « massives » de nos trésoreries. Comme vous avez pu le constater, je connais bien le sujet pour ce qui concerne les Hautes-Pyrénées, mais c’est un peu un peu moins le cas s’agissant de la Moselle. Aussi, je vous suggère que nous échangions sur la question.

J’ai réalisé soixante-six déplacements, dont 80 % dans des territoires ruraux, et je ne constate pas de fermeture « massive » des trésoreries ces dernières années ; cela a peut-être été le cas au cours des quarante dernières années, mais moins aujourd’hui.

J’ai travaillé sur deux ou trois fermetures de trésoreries, pas seulement celle des Hautes-Pyrénées. Il faut que vous ayez conscience, compte tenu de la forte décroissance de la population, liée à la déprise démographique et à la perte d’attractivité des villes moyennes plutôt que de la ruralité profonde, le nombre de citoyens qui se rendent dans les trésoreries diminue très fortement.

Pour peu qu’une maison France Services, qui offre le même service, se trouve plus près de chez eux que la trésorerie, les habitants s’y rendent.

Pour nos maires et nos élus locaux, chaque fermeture de trésorerie est compensée par la mise à la disposition d’un conseiller financier qui se rend dans les communes à leur demande. Si ce n’est pas le cas dans votre département, je vous invite à me le signaler, et j’appellerai le directeur régional des finances publiques (DRFiP) et le directeur départemental des finances publiques (DDFiP).

J’ai bien compris que nous divergions avec votre collègue s’agissant des Hautes-Pyrénées ; peut-être divergerons-nous également s’agissant de la Moselle.

Quoi qu’il en soit, la baisse du nombre d’agents est liée à la déprise démographique et au fait que de plus en plus de gens payent leurs impôts par la voie numérique. Oui, il reste des personnes qui souhaitent payer physiquement, mais nous ne les abandonnons pas au bord du chemin.

Je vous propose donc d’échanger à propos de la Moselle quand vous le souhaitez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous ne pouvez pas nier que les secrétaires de mairie et les maires étaient autrefois accompagnés par les agents des trésoreries. Leur disparition contribue au sentiment de délaissement qui existe dans nos campagnes.

C’est également l’une des raisons pour lesquelles 50 % des maires ne souhaitent pas se représenter aux prochaines élections municipales.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Bruno Belin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons eu, sur l’initiative de mes collègues du groupe Les Républicains, un débat passionnant. Quinze de nos collègues ont pu exprimer le ressenti d’un territoire.

De quoi parlons-nous ? De service au public sur 85 % du territoire national, pour près de 20 millions de Françaises et de Français. Les sujets ayant été nombreux, répondre aux diverses questions a été pour vous un challenge, madame la ministre.

Première préoccupation : les questions de santé. Partout sur les territoires, on nous demande comment trouver un médecin, un dentiste, comment prendre rendez-vous… Bientôt, ce seront les pharmacies que l’on devra chercher !

La santé tient une place primordiale dans le quinquennat en cours. À Montmorillon, mon collègue Yves Bouloux est confronté en permanence à la question de la fermeture des urgences. Comment répondrons-nous à ces questions dans la décennie à venir ?

Deuxième préoccupation : les écoles. Dans un département comme le mien, lorsqu’une quarantaine de classes ferment, c’est la Saint-Barthélemy du monde rural ! Comment ces territoires peuvent-ils attirer des habitants quand les premiers témoignages à leur sujet portent sur des fermetures de classes ou d’écoles ? Quel terrible message nous envoyons là !

En tant que garants de la responsabilité du service au public, votre collègue ministre de l’éducation et vous-même, madame la ministre, devez engager un moratoire pour laisser respirer le monde rural.

Troisième préoccupation : les mobilités. Le sujet a été évoqué par plusieurs d’entre nous, mais je n’ai pas entendu beaucoup de réponses de votre part. Lorsque vous habitez un territoire comptant vingt habitants au kilomètre carré, les réponses en mobilité sont bien souvent inexistantes.

Quatrième préoccupation : la téléphonie mobile. On nous parle de zones noires, de zones grises… Vous savez parfaitement qu’à l’heure actuelle France Mobile n’a pas répondu à toutes les promesses qui avaient été faites au début de l’année 2019. Les élus des territoires que nous sommes attendent une réponse claire quant au respect des engagements du Gouvernement.

C’est vrai pour tous les accès à des politiques publiques. Prenons l’accès au sport : un habitant d’un milieu rural n’a pas les mêmes droits qu’un habitant d’un milieu urbain, car il est tributaire du moyen de transport qui va le ramener le mercredi après-midi dans la commune. Quelle inégalité ! L’enjeu est le même pour l’accès à la culture : une discrimination terrible existe entre les territoires.

S’il y a bien un domaine dont la compétence revient à l’État qui n’a pas été abordé – j’ai d’ailleurs une pensée pour un maire du département de l’Eure qui a entamé une grève de la faim parce qu’on ne lui apporte pas de solution pour scolariser son fils –, c’est le médico-éducatif. Que faites-vous pour apporter une réponse en matière de service au public et de droit à l’éducation d’un enfant qui relève d’un institut médico-éducatif (IME) ? Combien de places ont été créées ces dernières années dans les territoires ? Il s’agit bien de votre responsabilité.

Idem s’agissant des établissements et services d’aide par le travail ! Les créations de postes ne sont pas faites en lien avec les directions des services de l’État.

Nous avons dressé la liste des complications. Elles ont été accrues par la loi NOTRe, qui a éloigné les territoires. On crée parfois des machins pour se faire plaisir… Pas un maire n’est capable d’expliquer ce qu’est l’ANCT ! Le maire connaît son sous-préfet et son conseiller départemental ; c’est avec eux qu’il travaille pour trouver des solutions.

Au bout du compte, voilà où se trouve la résilience : on pourrait parler pendant des heures de la France de la souffrance, comme nous le ressentons parfois dans nos territoires, mais l’inventivité des élus en fait également la France de la résilience.

Nous avons évoqué les maisons de service au public. Bien souvent, ce sont les maires qui se battent pour trouver les locaux et qui mettent des moyens humains. De plus, ces établissements ont répondu au constat de l’abandon de vos responsabilités. Cela remonte non pas à quarante ans, mais parfois à moins de dix ans. Des trésoreries, des permanences de la CAF ou de l’assurance maladie ont été fermées. Et pour répondre à ces fermetures, des solutions ont été inventées localement.

C’est la même chose pour les commerces. Il n’y a pas plus dur que le commerce en milieu rural. Ce sont les élus qui ont inventé des solutions, en regroupant les services dans des commerces multiservices.

Pour conclure, puisque nous voyons que la solution réside dans ce rebond que créent les élus locaux, il faut que, là où se trouvent des énergies – élus de proximité, sous-préfets –, l’État leur garantisse des moyens suffisant pour que cette France de l’agilité soit la France de la ruralité de demain ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la France rurale face à la disparition des services au public.

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Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 292 sur l’ensemble du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, mon collègue Jean-Jacques Panunzi souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à tenir compte, dans l'attribution des bourses de l'enseignement supérieur, de la situation de l'étudiant, aidant d'un parent en situation de handicap
Article unique

Bourses d’études et parent en situation de handicap

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à verser automatiquement une bourse d’études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l’un des deux parents est porteur d’un handicap (dont le taux d’incapacité est supérieur à 80 %), présentée par M. Jean François Rapin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 880 [2021-2022], texte de la commission n° 640, rapport n° 639).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

Texte élaboré par la commission

Mme la présidente. Je donne lecture du texte élaboré par la commission.

proposition de loi visant à tenir compte, dans l’attribution des bourses de l’enseignement supérieur, de la situation de l’étudiant, aidant d’un parent en situation de handicap

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à tenir compte, dans l'attribution des bourses de l'enseignement supérieur, de la situation de l'étudiant, aidant d'un parent en situation de handicap
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Le premier alinéa de larticle L. 821-1 du code de léducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lattribution de cette aide tient compte de la situation de létudiant, aidant dun parent en situation de handicap, dans des conditions prévues par voie réglementaire. »

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à tenir compte, dans l'attribution des bourses de l'enseignement supérieur, de la situation de l'étudiant, aidant d'un parent en situation de handicap
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

Mme Toine Bourrat, rapporteure de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite remercier Jean-François Rapin, qui, par son initiative législative, offre au Sénat l’occasion de mettre la lumière sur une population trop méconnue et délaissée des pouvoirs publics : les étudiants confrontés au handicap d’un parent et, de fait, amenés à assumer un rôle d’aidant.

Nos échanges en commission de jeudi dernier ont montré combien la volonté de répondre à ce problème était partagée par tous. C’est bien la marque de fabrique de notre Haute Assemblée : dépasser les clivages partisans pour aborder les sujets de fond et tenter de trouver une solution partagée.

Cette proposition de loi nous permet de dresser un premier constat : notre méconnaissance collective des étudiants aidants. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Il est bien difficile de le dire, puisque, à ce jour, aucune donnée consolidée n’existe à l’échelon national.

Vous nous avez informés, madame la ministre, que vos services menaient actuellement un travail d’identification de cette population étudiante. Voilà qui va dans le bon sens, car cette lacune statistique est un obstacle à la mise en œuvre d’une politique publique répondant efficacement aux besoins des étudiants aidants.

Ce texte nous confronte ensuite à un deuxième constat : le manque criant de reconnaissance et d’accompagnement, par les pouvoirs publics, des jeunes adultes aidants. Pour ceux qui choisissent de suivre des études supérieures, le parcours est plus compliqué que pour les étudiants qui ne sont pas confrontés au handicap d’un parent.

En effet, ces jeunes se retrouvent partagés entre le désir d’être un bon étudiant et celui d’être un bon proche aidant. Il est plus difficile pour eux, compte tenu des responsabilités, parfois disproportionnées par rapport à leur âge, qu’ils assument, de consacrer le temps nécessaire à leur formation.

Face à ce double constat, notre collègue estime, à raison, urgent que la collectivité nationale apporte un soutien financier à ces jeunes dont la vie, et en particulier le parcours scolaire, est marquée par le handicap d’un parent. Sa proposition de loi attribue ainsi à tout étudiant, dont au moins l’un des parents est porteur d’un handicap entraînant un taux d’incapacité d’au moins 80 %, et, quel que soit le montant de ses ressources, un niveau maximum de bourse.

Madame la ministre, cette initiative législative intervient au moment où vous menez un profond chantier de réforme des bourses de l’enseignement supérieur, que le Sénat avait appelé de ses vœux dès 2021, par la voix du président de la commission de la culture, Laurent Lafon, alors rapporteur de la mission d’information sur la condition de la vie étudiante en France, présidée par notre collègue Pierre Ouzoulias.

En tant que rapporteure, il me semblait important de tenir compte de ce contexte, afin de garantir, dans le cadre du nouveau système en préparation, l’opérationnalité de la mesure proposée – d’autant que le Président de la République a récemment annoncé, lors de la Conférence nationale du handicap, que l’accès aux bourses serait facilité pour les étudiants aidants de parents handicapés ou étant eux-mêmes en situation de handicap.

Comment d’ailleurs ne pas voir, dans cette annonce, l’effet de l’alerte lancée voilà plusieurs mois par notre collègue ? Après un travail de concertation constructif avec vos services, madame la ministre, j’ai donc proposé à la commission une adaptation de la rédaction initiale. Celle-ci a – je m’en réjouis – reçu un assentiment unanime.

Le texte de la commission maintient ainsi le principe de l’attribution d’une aide financière aux étudiants d’un parent en situation de handicap, tout en rattachant directement celle-ci au système de bourses sur critères sociaux. En effet, c’est la condition pour que sa mise en œuvre soit effective dès la prochaine rentrée universitaire, comme vous vous y êtes engagée, madame la ministre.

De plus, nous avons supprimé la mention du taux d’incapacité d’au moins 80 %, qui aurait limité le champ des situations de handicap prises en compte.

Enfin, le texte de la commission précise que l’étudiant est aidant de son parent non pas pour conditionner le bénéfice de l’aide financière à une sorte de justificatif d’aidance, comme certains collègues ont pu s’en inquiéter, mais, au contraire, pour considérer que tout étudiant ayant un parent handicapé est supposé aidant. Nous posons ainsi dans la loi un principe fort, lisible et efficace qui entrera en vigueur dans les tout prochains mois.

Au-delà du soutien financier qui sera apporté aux étudiants aidants, notre commission a tenu à alerter sur la nécessité de mener un chantier complémentaire : celui de l’adaptation du rythme d’études et de l’accompagnement des étudiants aidants et de ceux en situation de handicap.

En effet, les remontées que nous avons du terrain montrent que l’aménagement de leur emploi du temps et leur accompagnement pédagogique sont globalement insuffisants et très variables d’un établissement à l’autre, alors que leurs besoins sont très spécifiques.

Madame la ministre, vous nous avez indiqué que des concertations territoriales étaient en cours et qu’elles devraient prochainement aboutir à une homogénéisation nationale des schémas directeurs de la vie étudiante devant comporter un volet handicap. Soyez assurée que notre commission, dans le cadre de sa mission de contrôle, sera très attentive aux évolutions concrètes qui en découleront.

Mes chers collègues, je vous invite à adopter la proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il est important que nous soyons réunis aujourd’hui pour discuter de cette proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Je partage la préoccupation exprimée par le sénateur Rapin, auteur de la proposition de loi initiale. En effet, les étudiants qui aident leur parent en situation de handicap lourd peuvent être confrontés à des difficultés sociales plus importantes que les autres étudiants. Qu’il s’agisse de besoins financiers accrus ou de la difficulté à exercer un job étudiant en marge de leurs études, leur situation appelle une réponse adaptée.

Je remercie Jean-François Rapin, qui m’a signalé le sujet, après quoi, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé que, dès la rentrée 2023, l’accès aux bourses sur critères sociaux sera facilité pour les étudiants aidants, par une bonification de quatre points de charge supplémentaires. Cela leur permettra également d’accéder à un échelon de bourse plus élevé.

Si, pour plusieurs raisons, je ne pouvais pas être favorable à la rédaction initiale, je tiens à saluer le travail qui a été mené en commission. Le texte qui vous est soumis aujourd’hui a reçu un avis favorable de ma part.

Je me dois tout de même de soulever et d’insister sur une réserve que j’ai déjà formulée et que je maintiens, même si je sais que l’argument est rarement bien accueilli au Parlement : il ne s’agit pas d’une matière législative. En effet, l’adoption du texte emportera l’inscription dans la loi d’un public particulier, et de lui seul. Pour cette raison, je reste réservée.

Toutefois, j’ai émis, et je maintiens, un avis favorable sur la proposition de loi telle qu’elle résulte des travaux de la commission.

D’abord, comme je l’ai souligné, j’en partage l’ambition.

Ensuite, l’amendement de réécriture défendu par Mme la rapporteure et adopté en commission lève les difficultés de la rédaction initiale de la proposition de loi.

Premièrement, l’inscription dans la loi d’un échelon de bourse est supprimée, ce qui est pour moi un point de vigilance important. Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, je porte une réforme ambitieuse du système des bourses sur critères sociaux, dont j’ai déjà annoncé la première étape. Je souhaite que nous sortions à terme du système par échelons. C’était d’ailleurs une recommandation du rapport d’information de M. Lafon.

Deuxièmement, la notion d’aidant, qui a été introduite en commission, permet de couvrir un large spectre de situations d’aidance, sans préjuger des travaux de la deuxième stratégie pluriannuelle de soutien aux aidants, pilotée par le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées et par la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

Troisièmement, le texte confie désormais au pouvoir réglementaire le soin de définir le taux d’incapacité qui ouvrira l’accès à un barème de revenus plus favorable pour l’étudiant. C’est un point important. Lorsqu’il s’agit de garantir la réussite étudiante, il faut que nous puissions prendre en compte des situations qui ne l’auraient pas été si un taux d’incapacité de 80 % avait été gravé dans le marbre de la loi.

Je tiens à prendre quelques minutes pour clarifier certains sujets qui ont été abordés lors des discussions en commission, dont je souhaite souligner la grande qualité.

Tout d’abord, la notion d’étudiant aidant s’applique dès lors que le parent est en situation de handicap et que son enfant peut présenter le justificatif associé à la situation de celui-ci. Point.

Mes services, en lien avec ceux de la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, ont engagé un travail, d’une part, sur les situations de handicap qui seront prises en compte et qui ne se limiteront pas aux taux d’incapacité égaux ou supérieurs à 80 % ; d’autre part, sur le périmètre familial que recouvre le terme de « parent ».

De nombreuses actions d’accompagnement autre que financier sont également menées. Elles concernent par exemple l’aménagement pédagogique ou la levée des obligations d’assiduité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous discutons aujourd’hui d’un beau et important sujet : comment mieux prendre en compte les situations particulières des étudiants qui aident un parent en situation de handicap, afin de garantir le déroulement serein de leurs études et leur réussite ?

Je tiens à réaffirmer devant vous mon entière mobilisation pour apporter une réponse adaptée et efficace à cette question importante.

L’accès facilité aux bourses sur critères sociaux à la rentrée 2023 nous permettra de mieux connaître le public des étudiants, aidants d’un parent en situation de handicap, donc de mieux les accompagner. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et RDSE.)