Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les 30 millions de logements qui existent en France, 5 millions sont considérés comme des passoires énergétiques. Or nous avons tous ici conscience de l’importance des déperditions de chaleur résultant de l’isolation défectueuse d’un logement.
Ce constat nous place devant deux conséquences majeures qu’il faut considérer avec la plus grande des attentions.
Rappelons tout d’abord que, en raison de la piètre isolation de certains foyers, quasiment 4 millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. Nous ne pouvons rester insensibles face à cette situation d’étranglement financier d’une partie non négligeable de la population.
Nous avons déjà agi contre ce phénomène. En effet, le dispositif MaPrimeRénov’ a permis de délivrer 416 000 subventions entre janvier et août 2022.
Ensuite, l’existence de ces passoires énergétiques renforce un phénomène qui représente probablement la plus grande menace de notre siècle : je veux parler des émissions de gaz à effet de serre.
En effet, le secteur du bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2. Il est donc fondamental pour notre société que nous mettions en œuvre toute notre énergie pour contrecarrer cette production qui empoisonne notre planète. Nous subissons déjà les premières conséquences du dérèglement climatique.
L’ensemble de ces constats nous met face à nos responsabilités et nous enjoint d’agir, en tant que législateurs, pour tenter de stopper rapidement tous ces phénomènes.
Par conséquent, les élus du groupe RDPI souscrivent à l’objectif de ce texte.
Cependant, nous émettons plusieurs réserves sur cette proposition. En effet, ce texte est étudié avant des échéances importantes qui concernent le sujet de la précarité énergétique. Je pense notamment aux travaux de la commission d’enquête lancée par le Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments, dont les conclusions seront publiées entre les mois de juin et juillet 2023.
Mes chers collègues, cette proposition de loi me paraît ainsi prématurée d’un point de vue législatif, puisqu’elle précède des événements qui permettraient son enrichissement.
Par ailleurs, j’émettrai quelques réserves sur la pertinence de plusieurs des mesures présentées.
S’il est fondamental d’accélérer la réduction des passoires énergétiques, le conditionnement des incitations financières aux rénovations performantes et globales pourrait potentiellement déstabiliser le secteur. En effet, celui-ci est fortement soutenu par les dispositifs comme MaPrimeRénov’ ou encore par les bouquets de travaux. Leur rôle économique serait donc réduit et pourrait fragiliser les entreprises dépendantes des subventions proposées par l’État. De plus, cette proposition entre en contradiction avec l’objectif de massification des rénovations énergétiques.
Nous nous rallions tous à l’opinion selon laquelle le reste à charge des rénovations est un frein pour les ménages désireux d’entreprendre ce type de travaux. L’Institut de l’économie pour le climat estime ce reste à charge à 35 000 euros pour la rénovation d’un pavillon. Prévoir un reste à charge nul est une idée louable, mais il est nécessaire d’impliquer les foyers financièrement : chacun doit se sentir engagé dans la rénovation de son logement. Une contribution pécuniaire, même minime, permettrait cet engagement.
Enfin, le principe d’extension de la durée de la rénovation énergétique jusqu’à six ans ajouterait de la complexité au dispositif et limiterait son efficacité.
En effet, il est admis qu’une rénovation globale doit être effectuée dans un délai limité. C’est la raison pour laquelle le règlement prévoit une durée de travaux entre dix-huit mois et trois ans selon la situation dans laquelle se trouve le logement concerné.
Mes chers collègues, encore une fois, même si nous partageons l’objectif du texte, celui-ci intervient avant de nombreuses échéances sur le sujet de la précarité énergétique. Plusieurs mesures sont à retravailler, car elles pourraient entraîner des conséquences problématiques notamment d’un point de vue économique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDPI ne votera pas cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, permettez-moi de souhaiter un bon anniversaire à l’auteur de cette proposition de loi, mon collègue sénateur de la Somme Rémi Cardon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chacun reconnaît l’urgence d’une politique de lutte contre la précarité énergétique consubstantielle à celle de rénovation thermique des logements, dans un contexte de baisse de pouvoir d’achat et de hausse des prix de l’énergie.
Si le mérite des auteurs de cette proposition de loi est de réitérer la nécessité d’une telle politique, la consistance déclarative et la temporalité du texte en limitent l’opérationnalité et l’efficacité, compte tenu du travail en cours de la commission d’enquête sénatoriale sur les politiques publiques en matière de rénovation des bâtiments et de la loi de programmation sur l’énergie et le climat : celle-ci comprendra un volet concernant la stratégie nationale bas-carbone et devrait intervenir au second semestre.
La résorption de la précarité énergétique passe inexorablement par celle de l’insalubrité et des passoires thermiques, à la croisée de l’urgence sociale, qui a le plus souvent recours à des aides modulables et rapides, et de l’impératif environnemental de lutte contre le réchauffement climatique, qui nécessite des actions globales et durables pour tous les types de logements et de propriétaires.
L’idéal de conciliation de ces deux exigences se heurte à la réalité : les contraintes financières des ménages et la difficulté à engager une rénovation globale compte tenu de l’urgence de certains travaux.
Si je souscris à l’objectif de cette proposition de loi qui souligne l’importance de favoriser l’accès aux dispositifs et de les améliorer, je suis plus réservé quant à l’extension de la durée prévue pour réaliser une rénovation globale ainsi qu’à celle des capacités au reste à charge nul.
Plus que les délais, ce sont la détection et l’accompagnement des plus fragiles qui sont en cause, ainsi que la continuité des dispositifs, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, leur simplification et la mise en adéquation des moyens humains et financiers avec cette nécessaire massification et également la coordination de tous les acteurs, dont les collectivités locales, qui jouent un rôle majeur en ces domaines.
Plus de 12 millions de personnes sont dans une situation de fragilité et 5 millions de passoires thermiques devraient faire l’objet d’une rénovation indispensable, mais coûteuse, qui est donc insuffisamment engagée.
En effet, certains usagers ne parviennent pas à finaliser la demande de versement du solde, ce qui induit le recours aux prêts bancaires ou à des prêts familiaux, même s’ils sont souvent impossibles, dans l’attente du versement des aides. C’est ainsi qu’augmente la précarité financière de ces millions de ménages aux revenus modestes, voire très modestes.
Cette discussion est aussi l’occasion de vous demander, monsieur le ministre, de prendre acte du rapport de la Défenseure des droits qui a alerté sur les graves dysfonctionnements de MaPrimeRénov’, outil dématérialisé et en ligne : l’Anah a enregistré 900 réclamations entre les mois d’octobre et d’avril derniers, dont 600 restent encore sans réponse.
Les collectivités servent de relais en saisissant l’Anah des situations individuelles. Elles se heurtent parfois à l’absence d’interlocuteur et à des délais hors normes dans le traitement de leurs demandes, faute de moyens nécessaires pour l’agence.
La rénovation énergétique des bâtiments nécessite un pilotage économique et social pour aider les plus modestes.
La mobilisation de tous les acteurs sur le territoire, la nécessité de diagnostics territoriaux et individuels, l’exigence d’un accompagnement tout au long du processus – plus que d’un allongement des délais, c’est d’un accompagnement administratif, technique et financier dont on a besoin, qui sera rendu possible grâce à l’engagement des collectivités aux côtés de l’État, via des subventions et des régies d’avance, pour garantir l’efficacité des rénovations –, la réduction de la précarité sociale et sanitaire et la diminution des émissions de gaz à effet de serre : telles sont les mesures qu’il faudra décliner dans la future loi de programmation promise par le Gouvernement, si l’on veut qu’elle soit une véritable loi de résorption de la précarité et de lutte contre le réchauffement climatique.
Poursuivons la commission d’enquête sénatoriale ; son analyse et les propositions des acteurs concernés permettent le travail de fond indispensable aux adaptations législatives nécessaires pour vivre mieux et bien logé. Les personnes mal logées sont de plus en plus nombreuses. Rappelons que, dans son rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre estime à 300 000 personnes le nombre de sans domicile fixe en France, soit 30 000 de plus qu’en 2022, et à plus de 4 millions de personnes celui des mal-logés. Les impayés de factures d’électricité ont augmenté de 17 % entre 2019 et 2021.
La question est donc de trouver les moyens non seulement de territorialiser et d’améliorer les dispositifs, mais aussi d’articuler l’intervention des acteurs concernés afin de produire des changements suffisamment rapides pour permettre à notre pays de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050 et de résorber la précarité énergétique et sanitaire des plus fragiles.
Enfin, j’appelle aussi le Gouvernement à prendre toutes les précautions à l’égard des plus vulnérables, soumis plus que jamais aux arnaques sur les réseaux sociaux : en effet, par manque d’accompagnement, ceux-ci peuvent être amenés à souscrire des contrats malveillants, avec pour risque la noyade dans la grande précarité.
Cette proposition de loi nous semble donc trop peu efficiente pour que nous puissions l’adopter, mais elle offre les bases qui permettront de nourrir le débat lors de l’examen des prochains textes sur le sujet, que nous attendons d’ici à la fin de l’année, pour atteindre les objectifs visés par l’auteur du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique
Chapitre Ier
Pour un recentrage de l’effort budgétaire sur les passoires thermiques
Article 1er
Le 5° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, après le mot : « accrue », sont insérés les mots : « conditionnée à la réalisation de travaux de rénovation énergétique performante et globale », et, après le mot « modestes », sont insérés les mots : « ainsi qu’un dispositif permettant un reste à charge nul au bénéfice des personnes les plus précaires » ;
2° À la troisième phrase, après la référence : « I », sont insérés les mots : « identifie les moyens et actions nécessaires pour résorber prioritairement les logements dits “passoires thermiques”, ».
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Au début de son propos, l’auteur de la proposition de loi a remis en question la manière de procéder de notre commission en caricaturant quelque peu la position de la rapporteure.
Je voudrais donc vous rappeler, cher monsieur Cardon, qu’au Sénat nous évitons les positions caricaturales et préférons un travail de fond, en général transpartisan et collégial. Cela n’empêche pas les différences, bien évidemment, mais celles-ci s’expriment après ce travail transpartisan et collégial de manière d’autant plus respectueuse. La principale raison pour laquelle nous avons souhaité attendre les conclusions de la commission d’enquête en cours tient au respect que nous souhaitons témoigner aux sénateurs qui y réalisent un travail important.
Par ailleurs, sans vouloir être désagréable, un certain nombre de dispositifs de votre proposition de loi sont satisfaits, qu’ils soient pour certains peu opérationnels ou pour d’autres contre-productifs, comme le montre l’exemple de l’extension des compétences du CSTB. C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé un renvoi en commission qui vous aurait permis d’être pleinement intégré aux travaux qu’elle aurait menés. Vous n’avez pas accepté cette proposition et nous respectons votre décision, même si nous la regrettons.
Enfin, je veux vous dire que votre groupe a eu la possibilité de déposer des amendements ; quant à ceux de la rapporteure et des autres groupes, ils vous ont été soumis, ainsi que les avis de la rapporteure, dans le cadre d’un gentleman’s agreement, de sorte que rien ne vous empêchait d’en déposer d’autres. Comme vous connaissiez la position de la commission, la rapporteure n’a pas souhaité être désagréable à votre encontre.
Tels sont les éléments que je voulais rappeler, non pas pour être désagréable, mon cher collègue, mais pour vous dire que vos propos sur la manière dont travaillent les commissions du Sénat étaient pour le moins exagérés et caricaturaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 277 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 237 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Chapitre II
Pour une stratégie de rénovation plus inclusive
Article 2
L’article L. 232-2 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le mot : « guichets », la fin du dernier alinéa du I est ainsi rédigée : « , garantissent aux ménages une égalité d’accès, quelle que soit la densité de population, et veillent à ce qu’ils puissent bénéficier d’un service harmonisé sur l’ensemble du territoire national. » ;
2° À la dernière phrase du premier alinéa du II, après le mot : « également », sont insérés les mots : « , en lien avec l’Observatoire national de la précarité énergétique, mener une mission d’identification des ménages en situation de précarité énergétique et ».
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Mes chers collègues, puis-je considérer que le vote est le même que sur l’article 1er ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 n’est pas adopté.
Article 3
Avant le dernier alinéa du 17° bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception au septième alinéa du présent 17° bis, la rénovation globale peut être réalisée par tranches, dans un délai inférieur à six ans à compter du début d’exécution des travaux, lorsqu’elle est réalisée par un propriétaire occupant son logement et à condition que les travaux soient accompagnés par un opérateur de l’État ou agréé par lui, et que les différentes phases de travaux soient planifiées dès le départ. »
Mme le président. Mes chers collègues, sur cet article comme sur les précédents, j’ai été saisie d’une demande de scrutin public. Puis-je considérer que le vote est le même que précédemment ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 3 n’est pas adopté.
Chapitre III
Pour une adaptation des normes dans les territoires d’outre-mer
Article 4
Le 1° de l’article L. 121-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il évalue et promeut les techniques et les matériaux les mieux adaptés aux spécificités locales des différents territoires ; s’agissant des territoires ultramarins, il propose la reconnaissance de normes adaptées et facilitant le recours à des matériaux de construction et de rénovation produits et utilisés localement ; ».
Mme le président. Je vais mettre aux voix l’article 4.
Si cet article n’était pas adopté, je considérerais que le vote serait le même pour l’article 5, devenu sans objet.
Si ces articles n’étaient pas adoptés, il n’y aurait par ailleurs plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les cinq articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Dans ces conditions, quelqu’un demande-t-il la parole pour expliquer son vote sur l’article 4 ?
La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.
M. Rémi Cardon. Je souhaite répondre aux propos de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission des affaires économiques. La question de la temporalité de ce texte a en effet été soulevée à plusieurs reprises. Toutefois, s’il vient à contretemps – et je m’en excuse –, vous êtes bien placées pour savoir que les choix que nous faisons dans les groupes politiques ne tombent pas forcément dans le bon calendrier : l’examen de cette proposition de loi aurait pu être inscrit dans le cadre d’une niche socialiste, au mois de novembre ou de décembre derniers, mais il n’intervient qu’aujourd’hui.
Je suis désolé d’avoir froissé l’ego de certains d’entre vous sur ce sujet. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Je constate en tout cas que les voyants étaient au rouge, précédemment, lors de la séance des questions au Gouvernement, sur la question de la rénovation thermique…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Non, sur celle du logement !
M. Rémi Cardon. En effet, mais elles sont complémentaires.
Or, désormais, il semble qu’il n’y ait plus rien d’alarmant et que tout va bien de sorte que l’on peut continuer ainsi.
Pourtant, les indicateurs de la rénovation globale étaient en baisse en 2022, toutes aides confondues. M. le ministre n’a fait aucun commentaire sur ce sujet, alors que nous souhaiterions entendre ce qu’il a à dire.
Enfin, monsieur le ministre, une mise à jour est en cours sur le logiciel Géodip dont Mme la rapporteure a fait l’éloge. Manifestement, l’Observatoire national de la précarité énergétique attend la validation du financement d’un montant total de 90 000 euros pour pérenniser l’outil et pour le mettre dans les prochains jours au service des collectivités et des différents acteurs concernés. Est-ce que cette mise en œuvre doit se concrétiser ou bien est-elle encore en stand-by ? S’agit-il de nouveau d’un contretemps ? Je m’interroge sur l’avenir de cet outil fortement utilisé, car il présente encore des zones d’ombre.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4.
Mes chers collègues, sur cet article comme sur les précédents, j’ai été saisie d’une demande de scrutin public. Puis-je considérer que le vote est le même que sur l’article 1er ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 4 n’est pas adopté et l’article 5 n’a plus d’objet.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés par le Sénat ou étant devenus sans objet, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Programme de stabilité et orientation des finances publiques
Débat organisé à la demande de la commission des finances
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce programme de stabilité, nous vous présentons une trajectoire de redressement réaliste et déterminée de nos finances publiques.
Nous sommes dans un moment de bascule, celui de la fin de l’ère de l’argent gratuit et celui de l’impératif du désendettement de notre pays.
Il y a cinq ans, le Gouvernement annonçait une amélioration très sensible de nos finances publiques. Je le rappelle : grâce aux réformes engagées dès 2017, la France est revenue sous les 3 % de déficit et est sortie de la procédure pour déficit excessif.
Il y a trois ans, la crise de la covid-19 nous frappait de plein fouet, et c’est dans l’urgence que nous avons dû agir pour que le pays, l’économie notamment, ne s’effondre pas.
Nous ne le regrettons pas un seul instant, car c’était le bon choix : oui, notre dette a augmenté pendant la crise – c’est une évidence –, mais il était nécessaire, voire vital de protéger nos concitoyens.
Un certain nombre d’études montrent que, si nous n’avions pas fait ce choix, notre dette aurait augmenté dans des proportions encore plus importantes, en plus des dégâts dont notre économie aurait souffert et des conséquences désastreuses pour des millions de Français qui travaillent.
Ont suivi le plan de relance au sortir de la crise sanitaire pour relancer notre économie, puis les mesures pour faire face à l’inflation avec, en particulier, le bouclier tarifaire qui a permis d’économiser près de 200 euros par facture d’énergie.
Tout au long de ces crises et de la réponse qui a été apportée par les gouvernements successifs, il n’y a eu qu’une seule ligne de force : la protection des Français.
Nos choix ont eu pour conséquence évidente l’augmentation de la dépense publique, qui a progressé de 16 points, passant de 97 % du PIB en 2019 à 113 % du PIB en 2021.
Je tiens à préciser deux éléments.
En premier lieu, cette hausse de la dette se situe dans la moyenne des autres États européens. Durant la même période, l’Allemagne a vu sa dette progresser de 10 points, l’Italie de 16 points, l’Espagne de 20 points.
Le décrochage de la dette française par rapport à celles des autres pays de l’Union européenne a débuté bien avant cette époque, au moment de la crise de 2008.
En second lieu, nous avons changé d’époque.
M. Jérôme Bascher. C’est vrai !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous constatons ainsi une augmentation massive des taux d’intérêt, qui s’élevaient à environ 1 % il y a moins d’un an, et qui s’établissent désormais à 3 %.
Face à cette envolée des taux et à ce renchérissement de notre dette, je le redis clairement : nous sommes à un moment de bascule, celui de la fin de l’ère de l’argent gratuit, celui où nous devons absolument reprendre le contrôle de notre dette pour rester indépendants et garder la maîtrise de nos choix.
Et ces choix sont clairs : il s’agit de soutenir la France qui travaille, de mettre le paquet sur nos services publics, et d’accélérer la transition verte de notre pays.
À cet égard, je souhaite revenir brièvement devant vous sur la publication de l’agence Fitch, vendredi dernier.
Il s’agit d’un sujet important auquel un certain nombre de questions ont été consacrées cet après-midi à l’occasion de la séance de questions au Gouvernement, notamment par M. le rapporteur général, Jean-François Husson, mais aussi par MM. les sénateurs Rémi Féraud et Stéphane Demilly.
Comme cela a été rappelé tout à l’heure, Fitch a en effet décidé de dégrader notre notation souveraine, en l’établissant à AA– « avec une perspective stable », alors que celle-ci était créditée de la note AA « sous perspective négative » depuis près de deux ans.
Bruno Le Maire l’a dit, et je veux l’affirmer à mon tour : ne cédons ni au pessimisme ni au fatalisme. Je sais notre capacité collective à maintenir la crédibilité financière de la France.
Je tiens à rappeler à ce titre que l’agence Moody’s avait décidé la semaine précédente de ne pas revoir la notation de la France, qu’elle a maintenue à AA « avec une perspective stable ».
D’ailleurs, les observateurs extérieurs croient toujours en notre résilience, parce que l’immense majorité des investisseurs et des analystes savent que les réformes structurelles que nous avons lancées continueront à produire leurs effets jusqu’à la fin du quinquennat.
Je pense à la réforme de l’assurance chômage, à la baisse des impôts de production, à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et, bien sûr, à la réforme des retraites.
Ces réformes visent un objectif : construire une société du plein emploi. Oui, nous voulons bâtir une société du travail, tout en prenant en compte les aspirations profondes de nos compatriotes qui souhaitent travailler autrement, bénéficier de davantage de liberté dans leur organisation quotidienne et de davantage d’opportunités tout au long de leur vie professionnelle. C’est ce grand chantier que nous souhaitons ouvrir avec les partenaires sociaux, pour construire ce nouveau « pacte de la vie au travail » annoncé par le Président de la République.
Si la crédibilité financière de notre pays reste forte, c’est aussi parce que notre détermination à rétablir les comptes publics est totale.
Pour ma part, je vois d’abord dans la publication de l’agence Fitch la confirmation qu’il faut nous engager de manière encore plus résolue sur ce chemin et accélérer le désendettement de notre pays.
Notre dette n’est pas gratuite et doit évidemment être remboursée. En 2027, la charge des intérêts de la dette devrait s’alourdir de 10 milliards d’euros du seul fait de la remontée des taux.
La conséquence de ces taux qui augmentent et de cette dette qui file, c’est que le poids de la dette s’alourdit : bientôt, les dépenses consacrées à son remboursement constitueront de nouveau le premier budget de l’État.
Malgré ce constat sans appel, certains responsables politiques font croire qu’il existe un chemin consistant à ne jamais rembourser. Mais je le dis clairement : la tentation de l’ardoise magique, c’est la certitude de la faillite.
Arrêtons de nous tromper d’adversaire ! Notre adversaire, c’est la dette, pas le sérieux budgétaire ! La fin de l’argent gratuit ne fait que confirmer l’objectif qui est le nôtre : nous devons tenir nos comptes, et nous le ferons avec plus d’ambition encore, car notre situation nous le permet.
Nous commencerons à rembourser notre dette d’ici à la fin du quinquennat et nous ramènerons le déficit des administrations publiques sous la barre des 3 %.
Je parlais d’accélération de notre trajectoire de désendettement : c’est ce que contient le programme de stabilité (PStab) dont nous discutons aujourd’hui.
Je vous rappelle que, dans le PStab que nous présentions avec Bruno Le Maire l’année dernière, nous prévoyions alors un déficit de 2,9 % et un ratio de dette de 112,5 % en 2027.
Dans le programme que nous vous détaillons aujourd’hui, cette trajectoire s’accélère, puisque nous anticipons désormais un déficit de 2,7 % et un ratio de dette de 108,3 % en 2027, soit 4 points de moins que dans les hypothèses de l’an dernier.
Nous ne céderons pas au réflexe fiscal. Souvenons-nous des quinquennats précédents… Nous n’avons jamais fait ce choix, car nous refusons le matraquage fiscal, et nous refusons de faire payer la facture aux classes moyennes.
D’abord, je considère que la France est « au taquet » en matière d’impôts. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
Ensuite, ce n’est pas aux Français de servir de variable d’ajustement aux soubresauts de l’économie mondiale. Depuis 2017, nous avons baissé les impôts des ménages de plus de 25 milliards d’euros, et ce n’est pas maintenant – au moment où l’inflation alimentaire grignote le pouvoir d’achat – que nous allons les augmenter. Le programme de stabilité prévoit donc une diminution du taux des prélèvements obligatoires.
Nous poursuivrons dans cette voie avec la ferme intention de réaliser des économies en 2024, et ce jusqu’en 2027.
Dans certains secteurs, nous dépensons trop. J’ai d’autant moins de scrupules à l’affirmer que je ne suis pas un ministre du budget allergique à la dépense publique – je l’ai déjà dit.
La revue de dépenses que Bruno Le Maire et moi-même avons commencée permettra d’entrer dans le détail de ces économies, mais nous savons d’ores et déjà que certains secteurs peuvent mieux faire.
Nous avons d’ores et déjà engagé les efforts nécessaires en ciblant davantage nos dispositifs. Je citerai l’exemple de la ristourne sur les carburants, qui a coûté 8 milliards d’euros aux finances publiques l’an dernier, et qui a été remplacée par une indemnité carburant visant les travailleurs modestes, dont le coût s’élève, lui, à 1 milliard d’euros.