Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, la résorption de la précarité énergétique doit être une priorité absolue de la Nation en cette période d’inflation, marquée par des enjeux de précarité et des problèmes de pouvoir d’achat.
C’est à la fois un enjeu social et environnemental, au regard de la lutte contre l’effet de serre, mais également de souveraineté, car plus nous consommons d’énergie, notamment du gaz, plus nous sommes fragilisés dans nos échanges commerciaux. Nous devrions mobiliser tous nos efforts face à cette situation.
À cet égard, nous partageons totalement le diagnostic établi par nos collègues du groupe socialiste : la nature même de nos efforts n’est pas à la hauteur de la tâche, ni pour l’immédiat ni pour l’avenir.
Avant d’aborder la question du bâti, je voudrais évoquer quelques décisions urgentes qui s’imposent.
Tout d’abord, la dérégulation des prix du gaz va avoir lieu au début de l’été et emportera des conséquences catastrophiques pour de nombreuses familles, notamment les plus précaires, en dépit des boucliers annoncés. Nous demandons le report de cette mesure et de l’abandon des tarifs réglementés.
Un deuxième sujet majeur concerne la revalorisation du forfait charges de l’aide personnalisée au logement (APL), que nous proposons depuis des années. Celui-ci n’a pas été augmenté, et nous demandons qu’il soit au moins doublé, car il s’agit d’un moyen de solvabiliser les familles.
Certains pourraient évoquer la prime énergie, mais celle-ci n’est pas à la hauteur des problèmes et, dans certains cas, elle n’a même pas encore été mise en œuvre.
Je tiens à exprimer mon soutien à la démarche des gestionnaires de pensions de famille, de résidences sociales et de foyers pour jeunes travailleurs. À ce jour, ces derniers ne bénéficient pas de cette prime énergie. Or, dans la mesure où il n’y a ni bail ni location, c’est bien le gestionnaire qui devrait percevoir cette aide. Ces jeunes, ces personnes en pension de famille rencontrent des difficultés majeures.
Je ne reviendrai pas sur l’ampleur des mobilisations nécessaires pour le bâti, car il n’est pas simplement question d’aider les familles, mais aussi de résorber structurellement les passoires thermiques et de faire muter globalement l’ensemble du parc de logements en matière de qualité environnementale en réduisant la consommation énergétique.
Monsieur le ministre, à vous écouter, j’ai l’impression qu’il suffit de continuer sur la même voie pour atteindre nos objectifs. Cependant, aucun spécialiste ne considère que, dans l’état actuel de MaPrimeRénov’, nous y parviendrons. Une fois de plus, nous risquons d’être sanctionnés par la justice pour inaction climatique. Souhaitons-nous nous retrouver encore au tribunal pour cette raison ? Il faut une révolution copernicienne !
Nous attendons beaucoup des travaux de la commission d’enquête et les propositions actuelles du groupe socialiste constituent une première étape qui devra être complétée et, dans certains cas, réorientée. Pour autant, le signal politique doit être donné ici et maintenant.
Enfin, je voudrais aborder le problème posé par les fameux accompagnateurs Rénov’. Notre grande crainte est que l’on ouvre trop largement la porte à la légitimation de certains acteurs, parfois privés et pas toujours compétents. Je pourrais vous donner de nombreux exemples, en particulier, de pompes à chaleur mal dimensionnées, qui finissent par coûter plus cher aux ménages que leur ancienne chaudière. Il est impératif que ces acteurs d’accompagnement soient certifiés par un service public : l’accompagnement relève d’une prérogative de service public. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Madame la présidente, mes chers collègues, sous l’influence conjuguée de la hausse du coût des matières premières et de l’inflation des prix de l’énergie, la précarité énergétique a atteint, en 2022, un niveau inédit.
Je tiens donc à remercier Rémi Cardon et nos collègues du groupe socialiste d’avoir mis en avant cette problématique essentielle pour notre avenir collectif.
La précarité énergétique, loin d’être uniquement liée aux frimas hivernaux, touche les Français les plus modestes en toutes saisons. Ainsi, un Français sur quatre déclarait avoir souffert du froid pendant au moins une journée complète au cours de l’hiver 2021-2022, tandis que 59 % des foyers interrogés en 2022 par l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) estimaient avoir souffert d’un excès de chaleur dans leur logement durant la période estivale.
Il est donc impératif de concevoir une rénovation énergétique globale pour l’ensemble des saisons.
Les Français ont su participer pleinement à l’effort national en matière de sobriété énergétique, mais la mise en place des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité a été une réponse conjoncturelle salvatrice pour les ménages, nous pouvons tous le reconnaître.
Parallèlement, le Gouvernement lutte depuis des années structurellement contre ces phénomènes de précarité énergétique. La montée en puissance des différents dispositifs, tels que MaPrimeRénov’, doit être saluée ; cependant, des dysfonctionnements persistent, et il reste du travail à accomplir pour améliorer cet outil, le rendre plus opérationnel et massifier les actions de rénovation globale des logements.
En première ligne dans ce combat, les copropriétés ont été dotées d’un dispositif spécifique permettant de faciliter la rénovation collective. En 2022, un peu moins de 645 000 rénovations individuelles de logements ont été réalisées, et seulement 26 000 copropriétés ont été rénovées grâce à MaPrimeRénov’ Copropriétés.
Dans cette perspective, le relèvement des plafonds de ce dispositif, le 25 avril dernier, constitue un nouveau pas vers la massification de la rénovation énergétique. Néanmoins, s’il est encourageant, le bilan de cette dernière demeure perfectible. Sur les 670 000 rénovations déjà réalisées, 604 000 sont des rénovations monogestes, tandis que l’on ne compte que 65 000 rénovations globales.
Monsieur le ministre, nous devons faire plus, et nous serons à vos côtés pour relever ce défi.
Le succès de la lutte contre la précarité énergétique passera incontestablement par une meilleure reconnaissance du rôle joué par nos collectivités pour élaborer des solutions locales et adaptées aux réalités de nos territoires.
À ce titre, je salue les initiatives prises par le département de l’Essonne, notamment la Prime éco-logis 91. Cette aide forfaitaire, versée sous condition, permet aux propriétaires de financer des travaux induisant d’importants gains énergétiques.
Ce type de dispositif local contribue à diminuer le reste à charge et à renforcer les effets de levier en matière de financement des rénovations énergétiques, deux axes qui ont été identifiés par les travaux de la commission d’enquête sénatoriale. Pour autant, ce ne sont pas les seuls.
Pour agir plus efficacement localement, nous devrions également consolider et généraliser le modèle des agences locales de l’énergie et du climat (Alec), qui réalisent gratuitement des diagnostics énergétiques objectifs et indépendants, afin que chacun puisse bénéficier des meilleurs audits dans le cadre de son projet de rénovation.
Ces institutions ont fait leurs preuves, mais elles ne sont pas présentes partout. On compte aujourd’hui, par exemple, une Alec en région Normandie, dix en région Île-de-France et quarante sur l’ensemble de la France. Leur travail doit être mieux associé à celui que réalisent sur le terrain les accompagnateurs Rénov’.
Cessons d’agir en silos et bâtissons de nouvelles synergies afin de coupler plus efficacement diagnostic et rénovation énergétique.
Arrivant à contretemps et esquissant des solutions conjoncturelles qui détricotent les mesures mises en place par nos lois les plus récentes, cette proposition de loi soulève de bonnes questions, mais formule malheureusement de mauvaises réponses.
Je tiens à féliciter notre rapporteure, Dominique Estrosi Sassone, pour l’excellence de son travail, qui met en lumière les limites de ce texte. En effet, l’illusoire reste à charge zéro visé par les auteurs du texte n’est pas la seule préoccupation que nous devons avoir en matière de rénovation énergétique du logement. Si nous devons effectivement diminuer le reste à charge, il nous faut également impliquer et responsabiliser les propriétaires.
Alors que la commission d’enquête sur la rénovation énergétique mène des travaux approfondis dans l’optique, notamment, de l’examen prochain de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, cette proposition de loi arrive à contretemps.
Avec Amel Gacquerre et les membres du groupe Union Centriste, je suis consciente que la précarité énergétique est une problématique fondamentale qu’il ne faut pas galvauder par des demi-mesures et de fausses promesses.
Nous suivrons donc notre rapporteure et nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le phénomène de précarité énergétique a pris une place particulièrement médiatisée dans notre espace politique, économique et social. En plus d’être délicate, la situation est inédite et l’enjeu, multiple.
Après la crise du covid-19, qui a mis en évidence l’urgence qu’il y avait à remédier à ce problème, l’année 2022 l’a aggravé en raison de l’inflation élevée, provoquée par la hausse des prix de l’énergie et des matières premières et exacerbée par des enjeux nationaux et internationaux que chacun connaît.
L’année passée, 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid chez eux, et 69 % d’entre eux ont réduit leur consommation énergétique et ont eu des difficultés à payer leurs factures.
Sur la forme, le groupe RDSE rejoint la position de la commission, car il serait préférable, avant de légiférer, d’attendre les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, prévues pour juillet 2023, ainsi que la loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Quant au fond, nous ne pouvons aborder la thématique de la précarité énergétique sous le seul prisme de ses conséquences sociales et économiques.
En effet, si elle est synonyme d’une situation financière dégradée, d’un isolement social et d’une santé physique menacée, sa dimension environnementale témoigne de l’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons.
La rénovation énergétique des logements est un objectif majeur pour la transition vers une économie moins carbonée. Elle n’est d’ailleurs pas seulement une obligation imposée par le changement climatique et une précarité grandissante, mais elle concerne aussi la sauvegarde du patrimoine bâti, la défense de notre balance commerciale et la création d’emplois.
L’action publique dans ce domaine doit donc être largement repensée et nécessite de trouver une articulation juste entre plusieurs principes. Le secteur du bâtiment fonctionnant selon des temps longs, il convient de proposer aux acteurs une vision de long terme et une politique publique stable afin que ceux-ci aient la capacité de préparer et d’anticiper les changements.
Créer une dynamique forte, pérenne et massive de rénovation énergétique implique de s’appuyer sur deux éléments indissociables : d’une part, un signal législatif et réglementaire orientant la réflexion et la décision du propriétaire ; d’autre part, le réflexe de performance énergétique à chaque occasion de travaux. Cela ne peut se faire sans structuration de l’offre ni adaptation de la filière professionnelle.
Par ailleurs, le principe de réduction du besoin de consommation doit guider le projet de rénovation globale. Les rénovations énergétiques partielles, focalisées notamment sur un changement du mode de chauffage, ne peuvent pleinement satisfaire nos objectifs en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Il est nécessaire de rénover les enveloppes de manière performante et d’utiliser une énergie décarbonée. Ainsi, pour que l’accélération soit efficace, la vision doit être globale et embrasser tous les problèmes pouvant y faire obstacle.
Néanmoins, au-delà de la viabilité économique, d’autres freins peuvent empêcher ces rénovations d’être menées à bien : complexité des dossiers, crainte des surcoûts et des malfaçons, difficulté de trouver des artisans, dérangement causé par l’ampleur des travaux de rénovation globale. Les réponses à apporter ne sont pas nécessairement financières, mais se trouvent plutôt dans la qualité des services et de l’accompagnement proposé aux ménages.
En somme, le groupe RDSE souhaite s’assurer que l’ensemble de ces freins soient pris en compte à travers la loi de programmation sur l’énergie et le climat. Nous partageons le constat de l’urgence, mais nous reconnaissons l’inadaptation du calendrier législatif. Sur le texte qui nous est soumis, nos voix se répartiront donc entre le vote favorable et l’abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un constat accablant qui nous réunit ici aujourd’hui, à la lumière des crises que nous traversons et qui s’enchaînent.
Le poids des factures énergétiques des logements pèse lourdement sur les Français et aggrave la situation des plus modestes, dont le budget est déjà gangrené par l’inflation depuis des mois.
Ces dépenses sont souvent liées à la vétusté des logements et, en particulier, à leur isolation. Le constat dressé par le sénateur Cardon et ses collègues me semble très largement partagé dans cet hémicycle : la rénovation des logements est actuellement insuffisante et son rythme doit être accéléré dans une logique à la fois sociale, économique et environnementale.
Les objectifs posés par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte étaient pourtant ambitieux et explicites : rénover 500 000 logements par an, dont la moitié sont occupés par des ménages modestes, pour disposer d’un parc à basse consommation d’énergie en 2050 et réduire de 15 % la précarité énergétique à l’horizon de 2020.
Ces objectifs ont été réaffirmés à l’occasion de l’adoption de la loi Climat et résilience en 2021, laquelle fixe comme finalité de disposer d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050.
Inutile d’épiloguer sur la question : cet engagement n’est pas tenu à l’heure actuelle et les quelque 66 000 rénovations globales réalisées en 2022 ne laissent guère présager une amélioration nette dans les prochaines décennies.
Cependant, si ce constat fait consensus, les solutions proposées par le texte soumis à notre examen sont insuffisantes et requièrent un sérieux approfondissement.
Tout d’abord, en matière législative, il convient de ne pas aller trop vite en besogne, afin de conserver une certaine cohérence. Or la pertinence de ce texte est largement remise en cause par le calendrier : le Sénat sera amené à débattre à au moins deux autres reprises et de manière exhaustive de cette question dans les prochaines semaines.
Outre la future loi de programmation sur l’énergie et le climat présentée cet été par le Gouvernement, les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique attendues pour juillet permettront, en mettant en exergue l’ensemble des lacunes des dispositifs d’aide de l’État, de dégager les solutions concrètes à leur apporter.
Cette commission transpartisane a produit jusqu’à présent un travail rigoureux et complet dans ses auditions des différents acteurs du secteur, et je suis persuadé que ses conclusions seront à la hauteur de l’investissement fourni par la présidente Estrosi Sassone et ses collègues.
Dans ce contexte, il serait regrettable d’adopter des dispositions qui iraient à l’encontre des travaux de la commission d’enquête, tout en étant potentiellement en décalage avec les futures propositions gouvernementales. Au-delà de ce calendrier défavorable, l’esprit du texte ne me semble pas non plus parfaitement en adéquation avec les objectifs actuels.
En effet, loin d’être un approfondissement des lois votées précédemment sur le sujet, la proposition de loi de M. Cardon fixe de nouveaux objectifs vertueux à atteindre sans prendre en considération le panorama des défis actuels et sans se doter des moyens nécessaires à leur respect.
Cela transparaît dès l’article 1er, qui conditionne l’accès aux aides à la réalisation d’une rénovation performante et globale et institue un reste à charge nul pour les ménages les plus précaires.
Concernant l’évaluation globale, la loi a déjà prévu une incitation financière accrue, qui doit rester prioritaire. Néanmoins, cette incitation doit demeurer souple et son évolution progressive, pour ne pas déstabiliser le secteur et préserver les premiers succès obtenus par MaPrimeRénov’. En effet, tous les ménages ne peuvent pas se permettre une rénovation globale, laquelle n’est d’ailleurs pas toujours opportune.
Quant au reste à charge, la loi prévoit déjà, sur l’initiative du Sénat, un reste à charge minimal qui, pour le moment, n’est malheureusement pas appliqué. La prise en charge, même infime, des coûts de rénovation est une question de dignité sociale. Cependant, un reste à charge nul pour les ménages qui entreprendraient une rénovation globale aurait un coût exorbitant pour nos finances publiques.
Dans ces conditions, mes chers collègues, il me paraît impensable de voter en faveur de ce texte. La question de la précarité énergétique, située à l’embranchement de l’économie, de la transition écologique et de la question sociale, est trop importante pour être abordée de manière imparfaite.
Ce texte ne répond pas efficacement aux trois problématiques qui me semblent essentielles dans ce débat : tout d’abord, les modalités de financement et l’équilibre entre les aides de l’État et le nécessaire investissement personnel du ménage ; ensuite, les moyens humains et matériels mis à disposition des ménages, leur déploiement et l’usage qui en est fait par nos concitoyens ; enfin, l’information et la communication sur le sujet, aussi bien au niveau de la sensibilisation que de l’accompagnement à chaque étape de la démarche, de l’initiative à la réalisation des travaux.
La commission d’enquête nous donnera prochainement un premier aperçu de l’étendue du travail qu’il nous reste à accomplir en la matière.
Mme le président. Il faut conclure !
Mme Catherine Belrhiti. À nous, à ce moment-là, de proposer un texte qui corrigera les insuffisances et résorbera, sur le long terme, la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France s’efforce d’atteindre ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre, mais les émissions mondiales ne cessent de croître. Dans ces conditions, il est à craindre que le dérèglement climatique ne se poursuive.
Nous devons redoubler d’efforts pour mettre au point les technologies vertes de demain, celles qui nous permettront de concilier croissance et écologie. Cela ne justifie pas pour autant que nous renoncions à la sobriété.
Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, tout le monde comprend l’intérêt, voire la pertinence, d’investir pour réduire nos dépenses, a fortiori lorsque cela diminue nos émissions de gaz à effet de serre.
La proposition de loi que nous examinons tend à lutter contre la précarité énergétique dans notre pays. Nous partageons tous cette ambition, déjà mise en œuvre par la loi.
L’auteur de ce texte propose plusieurs mesures : il souhaite que les fonds publics soient destinés à la rénovation des ménages en se concentrant sur les plus vulnérables de nos concitoyens et que ceux-ci puissent bénéficier d’un reste à charge nul. L’intention est louable, car, sur le plan économique, ce sont nos concitoyens les plus modestes qui bénéficieraient le plus de ces rénovations.
Pour autant, les besoins sont-ils créateurs de droits ? À notre sens, tel n’est pas le cas. Nous sommes en effet convaincus que les rénovations doivent être réalisées parce qu’elles sont rentables du point de vue économique comme écologique. Cette rentabilité est une condition nécessaire et suffisante à leur fonctionnement. Dans cette logique, la question de l’emploi des fonds publics peut soulever des interrogations.
La mise en place d’un reste à charge nul nous paraît encore plus problématique, dans la mesure où ce sont l’occupant et propriétaire du bien qui récolteront les fruits de cet investissement. Il nous paraît parfaitement incompréhensible que ce dernier ne participe pas du tout au financement de cet effort.
Les travaux de la rapporteure nous ont montré que certaines des autres dispositions du texte sont déjà satisfaites : des guichets itinérants sont déjà en service pour nos concitoyens sur l’ensemble du territoire, sans qu’il soit nécessaire d’en créer de nouveaux ; les spécificités des territoires, notamment ultramarins, sont déjà prises en compte pour le choix des méthodes et des matériaux de rénovation.
Pour nos concitoyens, et notamment parce qu’il est question d’argent public, nous devons nous assurer de l’efficacité des dispositifs existants et, le cas échéant, les améliorer. Nous y sommes particulièrement attachés, c’est la raison pour laquelle notre groupe a proposé au Sénat de mieux lutter contre l’habitat non décent en examinant la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Louis Lagourgue.
En outre, il a été rappelé qu’une commission d’enquête sénatoriale a été lancée en janvier dernier. Celle-ci vise précisément à faire le point sur l’ensemble des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Ses conclusions devraient être rendues avant l’été, nous permettant ainsi de légiférer en connaissance de cause.
Le calendrier défavorable à cette proposition de loi n’est pourtant pas l’élément qui motive notre vote. La rénovation énergétique est un investissement qui doit, selon nous, susciter les financements par sa rentabilité et non pas offrir aux propriétaires une rénovation payée par l’argent public. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc contre cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une ambition politique sans cesse réaffirmée et des moyens financiers importants, tous les rapports, qu’ils viennent de la Cour des comptes, de l’Assemblée nationale ou du comité d’évaluation du plan France Relance, déplorent unanimement l’échec des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des logements. De nombreux chiffres éloquents ont été rappelés et je n’y reviendrai pas.
Cette proposition de loi de notre collègue Rémi Cardon part d’une bonne intention et d’un constat auquel nous souscrivons tous, à savoir la trop lente résorption des passoires thermiques, le nombre trop faible de rénovations globales, un reste à charge excessivement élevé pour les familles modestes ou encore des dispositifs d’accompagnement compliqués et trop méconnus ; toutefois, elle se heurte – et nous le regrettons – à un problème de temporalité évident, comme nous l’avons souligné en commission.
Les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, créée sur l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sont encore en cours. Cette commission a été mise en place précisément pour faire la lumière sur les dysfonctionnements actuels, pour formuler des recommandations structurantes et pour permettre ainsi une massification effective de l’indispensable effort national en matière de rénovation énergétique, que nous appelons tous de nos vœux.
Les résultats de ces travaux pourront être traduits dans une future proposition de loi ou dans la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), annoncée a priori pour cet automne.
Pour résorber la précarité énergétique, nous sommes convaincus de la nécessité de certaines mesures qui rejoignent en effet les objectifs du texte.
Ainsi, l’accompagnement personnalisé des ménages par un référent est essentiel. Un parcours simplifié et une prise en charge financière pour les ménages modestes sont nécessaires, le reste à charge actuel étant toujours trop élevé. La formation de la filière, notamment sur les enjeux d’adaptation des normes et de l’innovation dans les techniques et matériaux de rénovation écologiques et durables, est également un sujet majeur.
En ce sens, nous soutenons le principe selon lequel il convient de recentrer l’effort budgétaire sur les passoires thermiques pour respecter nos engagements climatiques et pour répondre à la précarité énergétique de nos concitoyens les plus modestes.
Nous soutenons bien évidemment la prise en compte accentuée des plus précaires grâce aux aides mises en place via le reste à charge zéro, ainsi que le principe de l’égal accès aux guichets France Rénov’ et aux accompagnateurs Rénov’.
Nous soutenons également l’adaptation des normes et de l’innovation dans les techniques et matériaux de rénovation, en particulier selon les spécificités en outre-mer.
Mais nous regrettons l’absence de mesures sur l’efficacité, les moyens financiers et la lisibilité des dispositifs d’ingénierie publique des agences de l’État, au premier rang desquelles l’Anah et l’Ademe, et cela vaut aussi pour l’ingénierie territoriale, notamment des agences locales de l’énergie et du climat (Alec).
Nous regrettons aussi l’absence de propositions sur le rôle et les moyens des collectivités locales pour accompagner cet effort national.
Par ailleurs, les solutions proposées ne sont pas encore assez mûres ni optimales.
En ce sens, nous regrettons la faible portée normative de certaines propositions. Je pense par exemple à l’inscription dans la loi du principe d’égalité d’accès aux guichets France Rénov’ et aux accompagnateurs : cela n’entraînera pas nécessairement de changements concrets.
Le guichet France Rénov’ est en plein déploiement et l’imperfection du dispositif actuel est largement admise. Oui, il existe une inégalité territoriale dans le traitement des demandes, mais l’outil législatif n’est pas forcément le plus adéquat ni le plus efficace pour y remédier.
En conclusion, nous voterons en faveur de ce texte, qui est un début de réponse, car il prévoit des mesures que nous ne pouvons que soutenir, même si des interrogations demeurent quant à leur efficacité. Nous considérons cette proposition de loi comme une étape dans la lutte essentielle contre la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)