M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous auriez pu le faire plus tôt si vous aviez davantage écouté le Sénat !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. De la même manière, Bruno Le Maire a annoncé la sortie progressive du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie.
Dans ce programme de stabilité, le ratio des dépenses publiques par rapport au PIB passera de 57,5 % en 2022 à 53,5 % en 2027, soit une baisse de 4 points. Pour y parvenir, de nouveaux efforts seront évidemment nécessaires.
Là encore, souvenons-nous du précédent PStab que nous vous avions présenté l’an dernier. Nous prévoyions alors une baisse de la dépense, en volume, de 0,4 % pour l’État et de 0,5 % pour les collectivités locales.
Dans ce programme de stabilité, nous avons revu la charge de l’effort, parce que nous avons écouté et entendu les parlementaires, notamment les sénateurs, ainsi que les associations d’élus locaux.
La répartition de l’effort a donc été modifiée : en volume, l’effort passe de 0,4 %, à 0,8 % pour l’État, quand l’effort des collectivités locales reste inchangé. Dans le cadre de ce PStab – qui se concrétisera, je l’espère, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques –, l’État fera donc davantage d’efforts que les collectivités locales, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Un secteur verra ses dépenses augmenter, y compris en volume, celui des administrations de sécurité sociale : celles-ci augmenteront de 0,5 % en volume, ce qui satisfera, je l’espère, Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous préservons ainsi l’hôpital public des économies à réaliser.
Ce programme de stabilité n’est donc pas un programme d’austérité.
D’abord, un pays qui consacre plus de 50 % de sa richesse à ses dépenses n’est pas un pays qui fait de l’austérité. Ensuite, je le dis, nous n’avons jamais mené de politique d’austérité depuis 2017, car c’est à la fois injuste et inefficace. Lorsque la France a cédé à cette tentation, cela s’est toujours soldé de la même manière : plus d’impôts, plus de chômage, moins de croissance, et plus de déficit.
Nous assumons donc le sérieux budgétaire.
Être sérieux, c’est ce qui permet d’être ambitieux pour nos services publics, notre école, notre police, notre justice, notre armée, pour lesquelles nous avons amorcé un réarmement budgétaire, pour notre hôpital public, nos soignants qui ont tant donné pendant la crise sanitaire et qui continuent de donner de leur temps aujourd’hui encore. Je rappelle que, cette année, les moyens consacrés à l’hôpital public dépassent les 100 milliards d’euros, ce qui est inédit dans l’histoire de notre pays.
C’est l’engagement du Président de la République, et nous le tenons. Notre pays en a besoin et les Français l’attendent.
Nous rehaussons notre ambition en matière de déficit sans rien abandonner de notre ambition en matière d’investissement pour nos services publics.
Je le répète : en 2027, la dépense publique représentera encore 53,5 % du PIB. Un pays qui dépense autant doit répondre à un impératif : que chaque euro dépensé le soit au service des Français et au service de l’ambition de ce quinquennat, celle de refaire de nos services publics les meilleurs services publics en Europe.
La réalité, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, c’est que nos concitoyens ont parfois le sentiment de payer beaucoup d’impôts, mais qu’ils ne savent pas toujours à quoi ils servent. Je veux me battre pour ces Français qui ont l’impression de payer toujours plus et parfois d’avoir moins.
Au fond, je souhaite placer notre stratégie de réduction du déficit et de la dette sous le signe de la confiance, cette confiance que les Français doivent retrouver dans l’impôt, cette confiance dans nos services publics, qui sont notre priorité et que nous voulons hisser au rang des meilleurs services publics en Europe, cette confiance, enfin, dans le fait que chaque euro dépensé sera un euro utile, mais aussi que chaque euro dû sera payé – tel est l’objectif du plan de lutte contre les fraudes que je détaillerai dans les prochains jours.
Maîtriser nos comptes pour ne pas renoncer à nos priorités. Dire aux Français à quoi sert leur argent, tout en leur demandant de nous aider et de contribuer à l’employer mieux. Lutter sans relâche contre celles et ceux qui fraudent et qui sapent la confiance dans le pacte républicain. Voilà notre feuille de route.
Je suis convaincu que nous pourrons tous nous rassembler autour de ces combats, que nous devons mener pour servir au mieux l’intérêt des Français.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du déplacement du bureau de la commission des finances à Berlin et à Francfort la semaine dernière, nous avons échangé très directement avec nos homologues allemands sur la réforme des règles européennes de coordination budgétaire prévues par le pacte de stabilité et de croissance.
Cette réforme repose sur deux principes essentiels : une meilleure prise en compte des investissements nécessaires pour répondre aux défis de demain, d’une part, la possibilité de différencier les objectifs de réduction de la dette et du déficit en fonction de la situation réelle des pays, d’autre part.
La réforme qui est en cours est, à mes yeux, éminemment nécessaire, car nous devons nous adapter : les règles précédentes n’ont pas permis de garantir une maîtrise durable des déficits ; par ailleurs, nos économies sont sorties très endettées des crises sanitaire puis énergétique. Nous ne pouvons en outre plus ignorer ni le réchauffement climatique ni la nécessité de renforcer notre résilience technologique, industrielle et énergétique.
L’approche retenue par les Européens, qui consiste à appliquer les règles budgétaires en fonction des circonstances, est la bonne, mais elle implique que chacun respecte deux grands principes, à savoir, tout d’abord, que les trajectoires des finances publiques présentées soient construites sur des hypothèses crédibles et, ensuite, que les objectifs de maîtrise des comptes soient à la hauteur.
Or, monsieur le ministre, tel ne me semble pas être le cas du programme de stabilité que vous nous présentez : il ne répond, de mon point de vue, à aucun de ces deux objectifs, ce qui fragilise la parole de la France face à ses partenaires.
Dans un premier temps, j’évoquerai le scénario de croissance économique.
S’agissant de la croissance du PIB en volume, le Gouvernement considère que le scénario qu’il avait présenté lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) reste inchangé.
Comme cet automne, les conjoncturistes ne partagent pas ce scénario, qui paraît dès lors très optimiste. Ainsi, lorsque le Gouvernement anticipe 1,7 % de croissance par an en moyenne, le Consensus Forecast, qui agrège les prévisions réalisées par une vingtaine d’instituts, anticipe une croissance de 1,4 % par an.
La principale raison de cet écart résulte de la consommation des ménages que le Gouvernement veut voir évoluer de 1,6 % par an et qui ne progresserait, selon les conjoncturistes, que de 1,1 %.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez décidé de réévaluer très fortement votre estimation du déflateur de PIB, qui mesure l’évolution des prix des biens et services produits durant une année.
Le déflateur de PIB est un paramètre certes très technique, mais absolument majeur pour définir la trajectoire des finances publiques, car il commande l’évolution du PIB en valeur, à partir duquel est calculé le produit des impôts. En clair, plus le déflateur est élevé, plus le PIB est élevé, plus les recettes publiques sont importantes.
Sans que le Gouvernement documente les motifs pour lesquels il l’a révisé, le déflateur de PIB atteindrait ainsi 5,4 % en 2023, soit une augmentation de près de deux points par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi de programmation des finances publiques il y a quelques mois.
En outre, une fois encore – et malheureusement pour l’exécutif –, les conjoncturistes ne partagent pas du tout l’analyse du Gouvernement, à l’instar du FMI et de la Banque de France qui retiennent, eux, le chiffre de 3 %.
Quelles sont les conséquences d’une telle révision ? C’est simple, elle contribue à une augmentation de 50 milliards d’euros du PIB en 2023 par rapport aux prévisions figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques, ce qui permet d’anticiper plus de 13 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Voilà qui constitue, avouez-le, une révision technique bien opportune pour qui voudrait présenter des ratios de dépense publique, de déficit et d’endettement plus favorables.
La difficulté, j’y reviendrai, réside dans le fait que l’ensemble de la stratégie d’amélioration des comptes publics défendue par le Gouvernement repose sur une hypothèse qui n’est ni documentée ni partagée par les conjoncturistes.
Certes, la Commission européenne envisageait, elle aussi, dans ses prévisions d’automne, un déflateur de l’ordre de 5 % en 2023. Mais elle prévoyait alors, dans le même temps, une croissance du PIB bien plus faible. L’écart entre le PIB anticipé pour 2023 par le Gouvernement et la Commission s’élève à plus de 30 milliards d’euros.
En réalité, on a l’impression que le Gouvernement a fait le choix, pour la plupart des indicateurs économiques, de retenir l’hypothèse la plus favorable, ce qui ne me paraît pas raisonnable.
Autre point important, le Gouvernement continue d’évaluer la croissance potentielle à 1,35 % par an.
Une nouvelle fois, la plupart des conjoncturistes ne partagent pas cette prévision. Comme le Haut Conseil des finances publiques l’indique, ce scénario de croissance potentielle me paraît trop élevé, d’autant plus qu’il repose sur l’hypothèse selon laquelle notre économie fonctionnerait actuellement en dessous de ses capacités. Pour tout dire, les difficultés actuelles pour recruter me conduisent à en douter.
En conséquence, le scénario macroéconomique que vous présentez, monsieur le ministre, me semble reposer sur un ensemble d’hypothèses trop favorables, trop optimistes, trop peu documentées et, en définitive, trop fragiles. Cela n’est pas de nature à asseoir la confiance dans le cadre de notre dialogue avec la Commission européenne et nos partenaires.
J’en viens maintenant à la trajectoire des finances publiques présentée par le Gouvernement.
Depuis quelques jours, les ministres en disent tout le bien qu’il faudrait en penser : elle montrerait un effort plus important de maîtrise des dépenses et démontrerait que la France s’apprête à réduire son déficit et sa dette dans des délais inespérés jusqu’ici.
En pratique, la réalité est malheureusement assez différente.
Tout d’abord, je l’ai dit tout à l’heure, après avoir revu son scénario macroéconomique, le Gouvernement prévoit qu’en 2027 le PIB sera supérieur, en valeur, de 70 milliards d’euros – excusez du peu ! – à ce qui était envisagé il y a quelques mois lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques.
Dans ce contexte, les recettes publiques augmenteraient mécaniquement d’un peu plus de 33 milliards d’euros, sans aucune mesure nouvelle. En effet, le Gouvernement annonce des baisses d’impôts pour les classes moyennes dans l’avenir, monsieur le ministre, mais je n’en trouve aucune trace dans le programme de stabilité.
En conséquence, la prévision de recettes paraît extrêmement fragile.
Ce qui est plus sûr, c’est la prévision d’évolution des dépenses, à savoir une augmentation d’environ 30 milliards d’euros en 2027 par rapport à la cible définie à la fin de 2022 dans le cadre du projet de loi de programmation.
Sur cette hausse, je mentionnerai deux points d’alerte majeurs : le premier, c’est qu’environ 12 milliards d’euros correspondent à l’augmentation de la charge des intérêts de la dette, qui constituerait le premier poste du budget de l’État ; le second, c’est que le reste – entre 17 et 18 milliards d’euros – correspond à une hausse des dépenses ordinaires, c’est-à-dire hors mesures de crise.
Autrement dit, par rapport au projet de loi de programmation des finances publiques, il est prévu que les dépenses ordinaires augmentent, tant en valeur qu’en volume.
En effet, alors que la LPFP, mise à jour après le vote de la loi de finances pour 2023, prévoyait une hausse des dépenses ordinaires de 0,7 % par an en moyenne, celle-ci s’établit désormais à 0,9 % par an.
À quoi seront consacrés ces crédits supplémentaires sur les dépenses ordinaires ? Le programme de stabilité ne le précise pas, et on se demande bien où se trouvent les 5 % d’économies demandées par la Première ministre aux différents ministères.
Surtout, j’observe que, si la loi de programmation des finances publiques avait été adoptée au mois de décembre, les objectifs en matière de dépenses seraient déjà obsolètes – le temps passe vite…
En outre, je vous ai entendu, monsieur le ministre, ainsi que le ministre de l’économie, dire que vous aviez entendu les collectivités locales et que le programme de stabilité prévoyait désormais un effort plus important de la part de l’État, comparativement à celui des collectivités territoriales.
Or, malgré mes recherches, rien ne permet de le constater dans ce programme de stabilité, qui ne comporte aucun développement, aucun tableau, aucune donnée permettant d’apprécier la trajectoire de dépenses des différentes catégories d’administrations au cours de la période 2023-2027. Nous sommes donc dans l’incantation et dans les paroles.
Je demeure cohérent – cela ne vous surprendra pas – avec la ligne que nous avons défendue lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques : la trajectoire de dépenses qui était proposée n’était ni assez ambitieuse ni documentée.
Je note d’ailleurs que je ne suis pas le seul à douter de la capacité du Gouvernement à mener les réformes structurelles nécessaires à la France : la baisse de notre notation par l’agence Fitch en constitue, me semble-t-il, une preuve supplémentaire.
J’en viens enfin à la question du déficit et de l’endettement public.
J’observe que le programme de stabilité prévoit une amélioration du déficit public d’environ 4 milliards d’euros en 2027 par rapport à la trajectoire inscrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques, soit environ 0,2 point de PIB. Le déficit s’établirait désormais à 2,7 % et non plus à 2,9 % du PIB.
Toutefois, ces bons résultats comptables reposent sur l’hypothèse d’une progression plus rapide des recettes que ne le serait celle des dépenses et, donc, sur un scénario macroéconomique qui nous paraît tout à fait contestable.
En conséquence, si le scénario d’une augmentation des dépenses a de sérieuses chances de se concrétiser, celui d’une hausse des recettes, avec l’ampleur prévue par le PStab, reste très incertain.
En conclusion, ce programme de stabilité repose sur un scénario macroéconomique trop optimiste et fragile.
S’agissant des finances publiques, il prévoit à la fois une trajectoire de recettes fondée sur une révision du déflateur qui ne fait pas consensus, et une accélération des dépenses plus importante que celle qui est prévue dans le projet de loi de programmation des finances publiques. En définitive, l’amélioration du déficit et de l’endettement paraît à la fois très limitée et très incertaine.
Dans ces conditions, le programme de stabilité ne nous semble pas à la hauteur de nos engagements européens. Il affaiblit la France auprès de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances impose au Gouvernement de transmettre le programme de stabilité et le programme national de réforme au plus tard quinze jours avant leur présentation à la Commission européenne, afin que ces documents puissent donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je regrette que, comme chaque année, le Gouvernement ne respecte pas le calendrier fixé et que, cette année, nous ne disposions même pas du programme national de réforme et du rapport d’orientation des finances publiques qui auraient dû nourrir nos échanges.
Cela étant rappelé, notre débat s’inscrit dans un contexte particulier, puisque, comme chacun le sait, la dernière loi de programmation des finances publiques n’a pas été adoptée. M. le ministre délégué nous a indiqué hier que l’Assemblée nationale l’examinerait de nouveau au mois de juillet prochain. Cet exercice est aussi renouvelé, puisqu’il rompt avec la période de la crise sanitaire caractérisée, d’une part, par un très fort niveau d’incertitude en matière de prévision macroéconomique, d’autre part, par la suspension des règles du pacte de stabilité et de croissance.
Désormais, même si la crise énergétique et les risques financiers restent importants, l’exercice de prévision macroéconomique devrait devenir un peu plus fiable. Ensuite – surtout ? –, des règles budgétaires européennes, nous l’espérons réformées, trouveront de nouveau à s’appliquer à compter de 2024.
Le programme de stabilité pour les années 2023 à 2027 réitère la prévision de croissance du PIB en volume figurant dans le projet de loi de programmation. À l’époque et comme actuellement, le Haut Conseil des finances publiques, la Commission européenne et les conjoncturistes ont jugé le scénario trop optimiste. J’observe que le Haut Conseil renouvelle son message de prudence, en particulier en ce qui concerne l’estimation de la croissance potentielle, et indique notamment que l’augmentation de l’emploi total paraît surestimée. De son côté, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que l’année 2023 devrait malheureusement être l’année du retournement du marché du travail.
Lors de l’examen du projet de loi de programmation, une bataille s’est engagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale concernant la trajectoire à suivre en dépenses. Je note que le Gouvernement manque de transparence en ne permettant pas de distinguer ce qui, dans sa trajectoire, relève, d’un côté, de la fin des mesures de soutien temporaires, de l’autre, des dépenses courantes. Il y a sans doute là un point à traiter pour rendre nos débats budgétaires plus lisibles.
La trajectoire de dépenses du programme de stabilité, corrigée de l’inflation, reste, dans les grandes lignes, comparable à celle qui a été proposée lors du projet de loi de programmation. Elle implique donc de réaliser d’importantes économies par rapport à la croissance tendancielle, qui ne sont pas davantage documentées aujourd’hui qu’hier. Vous attendez, je crois – c’est en tout cas ce que l’on a lu dans la presse –, monsieur le ministre, que les ministères vous indiquent comment ils pourraient réaliser environ 5 % d’économies…
On sait néanmoins déjà sur quoi le Gouvernement a fait porter les efforts : les dépenses sociales, avec une volonté plus budgétaire qu’autre chose d’attaquer le système de retraite, n’y revenons pas ici, le système d’indemnisation du chômage et, demain, comme cela a été annoncé, les minima sociaux.
Au-delà, on sent le Gouvernement prêt à courir un peu tous les lièvres à la fois pour mettre en scène une recherche d’économies.
Récemment, monsieur le ministre, vous avez lancé une initiative, que vous avez rappelée au début de ce débat, pour savoir si l’on en avait pour son argent quand on payait ses impôts. Comme si, au consentement à l’impôt, à la citoyenneté, à la participation à un modèle social patiemment construit pouvait se substituer pour chaque individu la formule thatchérienne bien connue : I want my money back…
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Magnifique pour un prof d’anglais, non ? (Sourires.)
Vous avez fait savoir qu’un accouchement coûtait 2 600 euros à la communauté nationale, mais combien rapporte à la Nation une vie mise au monde par l’hôpital public ? Il faudrait nous le dire.
Ferez-vous preuve de la même transparence en ce qui concerne les aides publiques versées aux entreprises, ainsi que leur rapport au collectif ?
Le programme de stabilité reste, sur ce point, dans la droite ligne de la politique gouvernementale : il n’y aura pas de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires d’ici à 2027 ; s’il y en a, ce seront des baisses d’impôts. Vous avez récemment promis de baisser les impôts des classes moyennes, sans préciser, là non plus, quelles étaient vos intentions. Je ne suis pas sûr qu’une telle annonce rassure nos partenaires, non plus que nos prêteurs.
Finalement, j’observe que ce programme de stabilité répond au schéma habituel : un scénario macroéconomique optimiste et des objectifs de baisse des dépenses très élevés. Vous le savez, monsieur le ministre, je ne partage pas ces orientations, mais, à ce stade, je me rassure : elles ne sont pas véritablement crédibles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales ne sera pas plus indulgente que la commission des finances. Je le regrette, monsieur le ministre, mais c’est ainsi. Vos hypothèses macroéconomiques sont optimistes, comme cela a été dit.
Je ne reviendrai pas longuement sur le regard que porte le Haut Conseil des finances publiques sur ces hypothèses. J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen d’autres textes financiers. Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance effective est élevée – 1,7 % en moyenne pour la période 2025-2027 –, notamment pour ce qui concerne la hausse prévue de la consommation.
Le Haut Conseil doute également des hypothèses retenues en matière de croissance potentielle, qui supposent des « gains de productivité sensiblement plus élevés que ce que laissent attendre les tendances récentes et une augmentation de l’emploi total […] qui paraît surestimée ».
Au-delà de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, monsieur le ministre, comment ne pas retenir l’avertissement que constitue la récente dégradation de la note de la dette française, de AA à AA–, par Fitch, l’une des principales agences mondiales de notation ? La chronique de Bertille Bayart, parue ce matin dans Le Figaro, est intitulée « Tout le monde se fiche de Fitch ». C’est un peu votre idée, puisque vous vantez la notation de l’agence Moody’s, qui vous semble plus correcte au regard de l’appréciation qui pourrait être portée sur les comptes publics. Vous pourriez d’ailleurs nous préciser si vous anticipez les conséquences de cette évolution pour les conditions de financement des administrations publiques.
C’est en tout cas sur le fondement de ces incertitudes qu’il convient de lire les prévisions du Gouvernement relatives aux administrations de sécurité sociale (Asso) qui figurent dans le programme de stabilité.
En termes de solde, il est prévu que les Asso consolident leur contribution positive au solde public au cours des années à venir : après un retour dans le vert en 2022 – +0,3 point de PIB –, le solde consolidé des administrations de sécurité sociale s’établirait à +0,7 point de PIB dès 2023 et oscillerait ensuite entre +0,6 point de PIB en 2024 et +0,9 point de PIB en 2027.
Il est important de rappeler qu’il s’agit d’un solde « toutes administrations de sécurité sociale », plus large que le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.
Ce solde positif est d’ailleurs largement tiré par des organismes en dehors de ce périmètre : d’abord, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), puisque l’amortissement de la dette sociale est enregistré comme un « bénéfice » des Asso, ce qui est assez paradoxal ; ensuite, l’assurance chômage, sous l’effet de la diminution du nombre de demandeurs d’emploi dont l’ampleur devra tout de même être vérifiée, mais dont on se réjouit ; enfin, les organismes complémentaires de retraite, notamment l’Agirc-Arrco.
À l’inverse, même après la réforme des retraites, les régimes obligatoires de base de sécurité sociale devraient, eux, rester en déficit au cours de l’ensemble de la période couverte par ce programme de stabilité. Ainsi, l’annexe du récent collectif social prévoit une dégradation des comptes dans les années à venir, avec un déficit consolidé qui passerait de 8,2 milliards d’euros en 2023 à un peu plus de 13 milliards d’euros en 2025 et 2026.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment gérer cette nouvelle accumulation de déficits, alors même que le plafond de transferts à la Cades a été atteint ? Envisagez-vous de demander au Parlement de nouvelles autorisations de transferts à la Cades à court ou à moyen terme ?
S’agissant de l’évolution des dépenses publiques, je relève que le Gouvernement prévoit un fort dynamisme des dépenses de la sécurité sociale en 2023 et en 2024, malgré l’extinction progressive des dépenses exceptionnelles liées à la crise épidémique de covid-19, ainsi que vous l’avez précisé, monsieur le ministre. Cette extinction devrait toutefois être plus que compensée par la progression des prestations sociales liées à l’inflation, en particulier les pensions de retraite et les prestations familiales.
Je conclus en soulignant que les réformes structurelles sur lesquelles s’appuie le Gouvernement pour amorcer une trajectoire de désendettement concernent, pour l’instant, uniquement la sphère sociale, qu’il s’agisse de la réforme de l’assurance chômage ou de la réforme des retraites. Je souligne également, monsieur le ministre, la part que le Sénat, en particulier sa commission des affaires sociales, a prise dans l’examen de ces deux réformes.
Nous avons, à chaque fois, su prendre nos responsabilités et faire preuve de cohérence avec nos positions passées.
Qu’en sera-t-il des mesures à venir qui permettront de « tenir » les dépenses publiques au niveau fixé par ce programme de stabilité ? Pourront-elles concerner de nouveau les administrations de sécurité sociale, alors même que les besoins en matière de santé et d’autonomie sont grandissants ? Ce document est assez lacunaire sur ce point essentiel.
Monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez nous apporter davantage de précisions à l’occasion de ce débat. Laisser creuser la dette est une pure inconscience : c’est une perte de liberté. (M. le ministre délégué approuve. – Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure fatidique a sonné. L’agence de notation Fitch a dégradé la note de la dette française à double A moins (AA–). Les agences de notation visent à transcrire la confiance que devraient avoir les marchés financiers, soucieux d’acquérir des obligations souveraines émises par la direction générale du Trésor ou acquises sur le marché secondaire.
En tant que parlementaire, j’ai à m’exprimer sur la confiance que je place dans le programme de stabilité que vous transmettrez à la Commission européenne. Monsieur le ministre, je crois que je vous mettrais une note bien plus faible que AA–, c’est-à-dire une note encore plus basse que l’agence de notation Fitch. (M. le ministre délégué sourit.)
Comme les agences de notation, je constate que, malgré un contexte macroéconomique favorable pendant la période antérieure à la pandémie, aucune avancée majeure n’est à noter pour les services publics ; pourtant, vous l’aviez répété. C’est même le contraire ! Que constate-t-on ? « Des déficits budgétaires importants » et « des progrès modestes » sur leur réduction.
Comme les agences de notation, je critique vos prévisions de croissances optimistes, qui fondent la perspective de réduction des déficits à 2,7 % en 2027.
Les charges d’intérêt de la dette ont augmenté l’année dernière de 15,2 milliards d’euros, soit plus que l’économie escomptée par la réforme des retraites. Mes chers collègues, cette augmentation, c’est un acharnement à faire plaisir aux marchés financiers, et ce « quoi qu’il en coûte ». De fait, l’augmentation est « presque entièrement due à une augmentation temporaire des paiements d’intérêts sur les obligations indexées sur l’inflation » françaises et européennes. Cette même indexation qui, créée en 1998, permet aux marchés financiers d’assurer leur mise. Quelle hérésie de chercher à satisfaire à ce point les marchés financiers, les mêmes qui, aujourd’hui, vous signifient leur méfiance !
Monsieur le ministre, vous avez décidé de faire payer l’inflation deux fois aux Français : au travers de leur consommation et en leur demandant de s’acquitter des intérêts de la dette indus. Une nouvelle fois, vous faites peser le poids de vos erreurs aux mêmes boucs émissaires, les collectivités étant les principales mises à contribution. En malmenant les collectivités territoriales, c’est la société tout entière que vous malmenez. Combien de territoires se retrouvent déjà en pénurie d’eau ? La désertification médicale produit colère, désarroi et parfois violence.