M. le président. La parole est à M. François Calvet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Calvet. Monsieur le ministre, dans le cadre du plan d’investissement France 2030, le Gouvernement a annoncé une accélération de la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné, lancée en 2020.
Je m’étonne qu’il n’y soit question que de l’hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau et que l’on ne trouve rien sur l’hydrogène naturel. On sait pourtant, depuis la découverte fortuite, voilà presque dix ans, d’un puits d’hydrogène presque pur au Mali, qu’il existe de nombreuses sources d’hydrogène naturel un peu partout dans le monde.
Aussi, l’hydrogène constitue une source d’énergie primaire à extraire du sous-sol. Le mouvement est maintenant lancé : en Australie du Sud, quelque trente-cinq permis d’exploration ont été déposés.
La France possède sur son territoire, notamment dans les Pyrénées, des poches d’hydrogène qui intéressent beaucoup les sociétés de prospection. L’une d’entre elles a déposé une demande de prospection exclusive sur un périmètre de 226 kilomètres carrés dans les Pyrénées-Atlantiques. Si le projet aboutit, un chantier de production d’hydrogène comme source d’énergie primaire décarbonée et disponible en permanence sera lancé avec un coût de production de moins de 1 euro le kilogramme. La France ne peut ignorer cet énorme potentiel !
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement compte accompagner le mouvement en encourageant et en encadrant les opérations de prospection et d’exploitation, qui vont se multiplier, notamment dans les Pyrénées-Orientales, puisque la présence d’hydrogène et de failles en profondeur a été confirmée dans l’ensemble du massif pyrénéen.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de compléter ma réponse à la précédente. Celle-ci portait sur notre capacité collective à chercher l’hydrogène là où il pourrait se trouver, plutôt que de le produire, ce qui soulève les enjeux du coût des technologies et de la rentabilité, qui ont déjà été évoqués.
Je pense que vous faites référence au projet dit Sauve Terre H2, situé dans les Pyrénées-Atlantiques, c’est-à-dire de l’autre côté des Pyrénées-Orientales. Le dossier est en cours d’instruction par les services miniers.
Il s’agit d’une surface – importante – de 226 kilomètres carrés. Il serait nécessaire de creuser profondément, jusqu’à 6 000 mètres, pour extraire l’hydrogène, mais pour un coût, selon les premières estimations, de 1 euro le kilogramme, ce qui serait extrêmement compétitif par rapport aux autres sources d’hydrogène que nous avons évoquées aujourd’hui.
L’État doit déterminer, selon le code minier, à l’occasion de cette instruction, l’ampleur potentielle du gisement, les fondamentaux économiques, notamment la solidité financière du porteur de projet, les bénéfices énergétiques réels et les éventuels impacts environnementaux de cette extraction.
De telles perspectives nous intéressent fortement, car elles nous permettraient de disposer d’hydrogène peu cher et clairement souverain. Quelques obstacles doivent encore être levés dans le cadre de l’instruction du dossier, monsieur le sénateur, ce que vous comprendrez aisément.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’adresse mes remerciements au groupe Les Républicains – on n’est jamais mieux servi que par soi-même (Sourires.) – pour l’organisation de ce débat. Il nous a permis de nous poser les bonnes questions, si je puis dire, à propos de notre mix énergétique, en dehors de la pression législative qui parfois nuit à la sérénité des débats et à l’objectivité des prises de position.
Au travers des interventions de mes collègues, nous avons clairement perçu une orientation assez pragmatique. En effet, compte tenu de la faiblesse de nos ressources naturelles propres, nous devons diversifier nos modes de production d’énergie tout en convergeant vers la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles, condition indispensable à l’atteinte des objectifs de décarbonation, notamment dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment et de la mobilité.
À ce titre, l’hydrogène est incontestablement un levier d’action. Toutefois, la singularité de ses caractéristiques se traduit par nombre de défis auxquels il nous faut répondre, sans perdre de vue qu’il n’y aura pas de « magie » hydrogène.
Le premier défi, c’est l’abondance de cet élément chimique, qui n’est toutefois pas accessible facilement. Les modes d’isolement de la molécule de dihydrogène ne sont en effet pas tous des plus vertueux.
Ainsi, la production de 1 million de tonnes d’hydrogène sur notre territoire, essentiellement par vaporeformage du méthane, engendre plus de 11 millions de tonnes de dioxyde de carbone. L’enjeu, bien identifié, est donc de parvenir à des modes de production neutres en CO2.
Tel est le deuxième défi auquel nous sommes confrontés : comment concilier les promesses intrinsèques de ce vecteur énergétique avec des réalités économiques et écologiques qui lui sont aujourd’hui encore assez défavorables ? Comme pour toute filière novatrice, les coûts de production de l’hydrogène bas-carbone, essentiellement par électrolyse de l’eau, sont encore élevés – jusqu’à 8 euros le kilogramme contre environ 2 euros pour l’hydrogène gris.
La marche est haute et l’équilibre ne pourra être atteint sans aides publiques importantes à l’investissement, surtout si l’on veut doubler le volume produit d’ici à 2028 à hauteur de 20 % de la production globale.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a bien identifié le sujet lors du précédent quinquennat. Néanmoins, plusieurs biais ont été soulignés au cours de ce débat.
D’abord, l’ambition : quand la France consacrait 100 millions d’euros pour sa stratégie hydrogène en 2018, notre voisin allemand mettait déjà 7 milliards d’euros sur la table, en affichant son ambition de devenir le leader dans ce domaine. Certes, je vous l’accorde, conscient d’être à la traîne, le Gouvernement a rectifié le tir en 2020 en proposant un nouveau plan doté de financements plus importants, mais sans couvrir entièrement les enjeux de la filière.
Je rappelle que le coût d’un électrolyseur a été divisé par quatre en l’espace de dix ans. Ce simple constat permet de prendre conscience de l’évolution très rapide du secteur, qui va de pair avec l’amélioration des performances en matière de rendement, point crucial pour la rentabilité de la filière hydrogène.
Les technologies évoluent aussi, en particulier l’électrolyse à haute température, avec des rendements deux à trois fois supérieurs aux autres technologies. Cela mérite, me semble-t-il, un soutien fort à la recherche pour accélérer les brevets et les innovations dans ce domaine.
Ensuite, le stockage, point faible de l’électricité, est évidemment un axe important du développement de l’hydrogène. Les batteries issues de l’industrie automobile seront bientôt associées en série et nous disposerons également de gigafactories produisant des batteries XXL, capables de stocker les surplus de production avant leur transformation par électrolyse.
Il reste à identifier les sources de production. Nous en avons beaucoup parlé ; il devrait y avoir un consensus assez large en la matière.
Le surplus de production des énergies renouvelables intermittentes peut devenir intéressant s’il est associé à la production d’hydrogène, se trouvant ainsi à disposition lors des pics de consommation – tout le monde en convient.
En revanche, et c’est très surprenant, le couplage au nucléaire est à ce jour absent des intentions gouvernementales. On ne trouve aucun mot à ce sujet dans les différents plans hydrogène (M. le ministre délégué s’étonne.), certes élaborés avant la conversion au nucléaire du président Macron, révélatrice d’un sacrifice industriel et commercial pour de basses œuvres politiciennes. (M. le ministre délégué marque sa désapprobation.)
Il est temps d’en finir avec cette schizophrénie et de profiter d’un coût marginal très faible de l’électricité d’origine nucléaire pour approvisionner des électrolyseurs ad hoc.
Les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, ainsi que la future programmation pluriannuelle de l’énergie, prévue pour cet été, vous en donneront l’occasion, monsieur le ministre.
Je terminerai par deux points de vigilance, qui n’ont pas été évoqués dans ce débat.
D’une part, la combinaison de l’hydrogène avec le dioxyde de carbone émis par certaines industries permettrait de produire du méthane de synthèse. Cette économie circulaire mériterait davantage d’attention et d’intentions, pour contribuer, au passage, au verdissement de la filière gaz.
D’autre part, les futurs réseaux de distribution doivent être construits en cohérence avec des schémas nationaux robustes et des emprises foncières intégrées dans une enveloppe nationale de l’objectif de « zéro artificialisation nette », par exemple. Mailler le territoire ne sera pas la plus anodine des politiques à mener, avant de structurer des partenariats puissants avec nos voisins européens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quelles solutions pour développer l’hydrogène au sein de notre mix énergétique ? »
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (proposition n° 795, texte de la commission n° 518, rapport n° 517).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, dont j’ai été à l’initiative, avec plus d’une centaine de mes collègues – 139 pour être exact –, de différents horizons politiques.
L’objet de ce texte est clair : répondre aux alertes, répétées depuis des années, relatives aux malfaçons et dégradations récurrentes, qui surviennent lors du raccordement de l’utilisateur final à la fibre optique.
Ces difficultés sont généralement attribuées à une mauvaise gestion du mode « sous-traitance opérateurs commerciaux » (Stoc), par lequel l’opérateur d’infrastructures, responsable du réseau, confie l’étape finale du déploiement aux opérateurs commerciaux. Or ces derniers ont eux-mêmes souvent recours à leurs propres sous-traitants.
Cette pratique, dérogatoire au mode principal de déploiement de la fibre, par lequel l’opérateur d’infrastructures assure le déploiement dans son intégralité, présente deux singularités. D’une part, elle est dépourvue de fondement législatif, puisqu’elle s’est développée sur la base de décisions de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). D’autre part, elle semble entraver la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre, dès lors que la mise en œuvre du mode Stoc est considérée comme de droit par l’Arcep.
Le régulateur avait pourtant prévu un garde-fou en précisant que le recours automatique au mode Stoc ne serait valable qu’à la condition que les opérateurs commerciaux respectent strictement les règles de l’art.
Malheureusement, les désordres persistants sur l’ensemble du territoire démontrent à quel point ce principe demeure théorique.
Bien entendu, le tableau n’est pas entièrement noir. Le mode Stoc a été un élément clé du déploiement massif et rapide de la fibre sur notre territoire. Alors que nous figurions parmi les plus mauvais élèves de l’Union européenne avant 2013, plus de 18 millions de Français sont désormais raccordés à cette technologie.
Toutefois, ce succès ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. La situation actuelle n’est pas acceptable au regard des sommes engagées par l’État et les collectivités territoriales pour le déploiement de la fibre depuis 2013 dans le cadre du plan France Très Haut Débit ; elle l’est encore moins au regard des attentes des usagers quant à la qualité de la connexion, alors que les jours du réseau cuivre sont désormais comptés.
Le Gouvernement, l’Arcep et les opérateurs ont pris conscience du problème : dès 2019, un groupe de travail a été mis en place entre les opérateurs d’infrastructure (OI) et les opérateurs commerciaux (OC), aboutissant en 2020 à l’élaboration d’une feuille de route multilatérale pour l’amélioration de l’exploitation et de la qualité des réseaux fibre jusqu’à l’abonné (FttH, pour Fiber to the Home).
Cette feuille de route envisageait l’évolution des contrats Stoc selon quatre axes : un volet sous-traitance prévoyant une meilleure information de l’OC envers l’OI sur le recours à la sous-traitance et une limitation à deux du nombre de rangs de sous-traitants ; un volet qualité du réseau, incluant l’obligation de communiquer un compte rendu d’intervention (CRI) pour chaque raccordement ; un volet qualité de prestation, imposant aux opérateurs commerciaux de faire appel à des intervenants formés ; enfin, un volet sécurité, selon lequel l’OI doit s’assurer que chaque intervenant dispose des agréments nécessaires.
Alors que ces nouveaux contrats auraient dû être mis en œuvre avant la fin de 2020, ils n’étaient toujours pas appliqués sur une grande partie du territoire à l’été 2022. Face à cette inertie et à l’exaspération légitime des usagers et des élus locaux, j’ai déposé en juillet 2022 la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui.
Monsieur le ministre, dès votre nomination, en juillet dernier, vous avez exprimé votre volonté de vous saisir de ce sujet ; je salue votre engagement. Les opérateurs ont d’ailleurs promis de nouvelles mesures en septembre 2022. Si cette proposition de loi a contribué à les sensibiliser à la nécessité d’accélérer leurs efforts, nous pouvons nous en réjouir.
Néanmoins, nous avons le droit de nous interroger sur la crédibilité de ces annonces comme sur la capacité de la filière à mettre rapidement en place les mesures promises depuis trois ans. La fermeture du réseau cuivre étant désormais engagée, nous ne pouvons plus nous permettre de repousser les échéances.
C’est la raison pour laquelle ce texte a été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Il propose un ensemble de mesures concrètes pour assurer la qualité des raccordements à la fibre par le biais de plusieurs leviers.
Le premier, qui est peut-être le plus important, concerne l’encadrement des modalités de recours au mode Stoc. L’article 1er de la proposition de loi vise principalement à clarifier la répartition des responsabilités entre opérateurs et à rappeler le rôle de garant de la qualité des raccordements confié aux opérateurs d’infrastructure.
Cet article souligne que le recours au mode Stoc relève d’un choix de l’OI pour rétablir un véritable principe de sous-traitance et met en place des outils pour assurer la bonne réalisation des travaux et la réparation des malfaçons.
D’une part, il crée un guichet unique auprès de l’OI, chargé de traiter les difficultés de raccordement rencontrées par les usagers. D’autre part, il prévoit la remise systématique à l’utilisateur final, par l’intervenant chargé du raccordement, d’un certificat attestant de la conformité des opérations aux règles de l’art.
L’utilisateur pourra également se prévaloir face aux opérateurs des stipulations des contrats de sous-traitance, lesquels devront intégrer des garanties en matière de qualité de raccordement et de contrôle.
En outre, l’article 3, dans sa rédaction initiale, vise à interdire le recours au mode Stoc dans les zones ayant le statut de zone fibrée, soit 430 communes environ. Dans ces secteurs, déjà entièrement raccordables à la fibre et dans lesquels la transition de l’ADSL vers cette technologie va s’accélérer, il m’a semblé indispensable que la qualité des raccordements fasse l’objet d’une attention particulière.
Le deuxième axe concerne plus spécifiquement les leviers à disposition des collectivités pour contrôler la bonne réalisation des raccordements dans les réseaux d’initiative publique (RIP). La qualité des raccordements revêt en effet une importance supplémentaire dans ces zones, car les réseaux y sont déployés grâce aux deniers publics.
L’article 2 prévoit notamment la remise à la collectivité porteuse du RIP des certificats attestant de la qualité des raccordements afin que celle-ci puisse vérifier la bonne réalisation des travaux. En l’absence de remise de ces certificats, la collectivité ne sera pas tenue de rémunérer l’opérateur pour les travaux de raccordement.
M. François Bonhomme. C’est normal !
M. Patrick Chaize. Le troisième levier concerne les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep.
L’article 4 octroie au régulateur des télécommunications des pouvoirs spécifiques pour garantir la qualité des raccordements à la fibre à plusieurs égards.
Il confère ainsi une base législative au pouvoir de police spéciale des communications électroniques que détiennent conjointement l’Arcep, le ministre en charge du numérique et l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Il prévoit également la publication trimestrielle par l’Arcep d’indicateurs portant sur le niveau de qualité de service des réseaux fibre transmis par les opérateurs.
La réalisation d’audits sur la qualité de l’accès au réseau de fibre optique et l’instauration d’un pouvoir d’astreinte au profit de l’Arcep sur ce sujet sont également prévues. Le texte intègre à ce titre l’ensemble des normes relatives à la qualité du raccordement à la fibre dans le corpus des règles dont l’Arcep sanctionne le respect.
Enfin, le dernier levier concerne la protection des droits des consommateurs en cas d’interruption prolongée de l’accès à internet.
L’article 5 vise ainsi à renforcer cette protection par la création de trois nouvelles pénalités à l’encontre du fournisseur d’accès à internet, selon la durée de la panne : suspension du paiement de l’abonnement d’abord ; versement d’une indemnité à l’abonné par l’opérateur ensuite ; enfin, résiliation sans frais de l’abonnement par l’usager.
Mes chers collègues, tels sont les grands axes du texte qui vous est soumis. Celui-ci a suscité une opposition de principe des opérateurs commerciaux, qui ont fait valoir que des engagements pris par la filière étaient préférables à une proposition de loi. Je pense, pour ma part, que les uns n’excluent pas l’autre.
Nous vous proposons donc de voter ce texte afin d’obtenir les engagements tant attendus et de leur conférer une assise solide. J’entends les inquiétudes concernant les risques qu’engendrerait une remise en cause du mode Stoc pour la continuité du déploiement de la fibre. Je tiens à rassurer sur ce point : notre objectif n’est en aucun cas de remettre en cause le modèle actuel, mais bien de guider et d’accompagner les démarches de qualité en cours afin de mieux les traduire sur le terrain. À cet égard, j’invite les opérateurs à lire le texte.
J’ai travaillé dans un état d’esprit d’équilibre avec la rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Patricia Demas, que je tiens à remercier pour son écoute, son implication et les compléments utiles qu’elle a apportés au texte initial.
La qualité des réseaux fibre est un sujet d’intérêt national qui ne saurait dépendre exclusivement du bon vouloir des acteurs économiques. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour prendre conscience de notre responsabilité collective sur ce sujet et pour nous aider à enrichir et à perfectionner cette initiative sénatoriale dans le cadre de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER. – MM. Ronan Dantec, Frédéric Marchand et Pierre-Jean Verzelen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si elle peut sembler technique au premier abord, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une préoccupation quotidienne de nos concitoyens.
Je tiens à remercier mon collègue Patrick Chaize d’avoir déposé ce texte, qui apporte des solutions pragmatiques pour remédier aux désordres occasionnés dans le raccordement d’utilisateurs finaux à la fibre, en raison du recours à une chaîne de sous-traitance, souvent mal maîtrisée, dans le cadre du mode Stoc. Cette expression désigne un mode de réalisation des raccordements à la fibre par lequel l’opérateur d’infrastructure, responsable du réseau, confie la dernière partie du raccordement aux opérateurs commerciaux, qui font généralement eux-mêmes appel à d’autres prestataires.
Alors que cette pratique était l’exception avant 2015, ce mode opératoire est devenu la règle.
Nous avons tous constaté dans nos territoires l’exaspération des usagers et des élus locaux en raison des dysfonctionnements issus du recours au mode Stoc : débranchements injustifiés, branchements réalisés de façon anarchique, armoires vandalisées et, surtout, absence de recours effectif.
À l’aube de la fermeture du réseau cuivre, le raccordement final à la fibre optique est sans conteste le talon d’Achille du plan France Très Haut Débit. Il est dès lors de notre responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la réussite de ce projet ambitieux, alors même que nous entrons dans sa dernière ligne droite.
Face aux problèmes liés à la qualité des raccordements à la fibre, trois options s’offrent à nous.
La première, privilégiée par le Gouvernement jusqu’à maintenant, consiste à négocier avec les opérateurs une solution contractuelle non prescriptive. Si ce mode d’action apparaît comme le plus souple, force est de constater qu’il est pour le moment insuffisant et qu’il n’a pas produit les résultats escomptés.
La révision des contrats Stoc, engagée en 2020 grâce aux contrats dits Stoc II puis Stoc III, a permis des progrès, qui restent toutefois trop timides. Le constat est clair : trois ans après le début des négociations, les engagements pris par les opérateurs peinent encore à être mis en œuvre.
La négociation avec la filière est indispensable, mais elle gagnerait à être encadrée et accompagnée par le législateur si nous souhaitons accélérer la montée en qualité des réseaux fibre et venir à bout des réticences de certains opérateurs.
La deuxième option, la plus radicale, consisterait à mettre fin au mode Stoc et à charger l’opérateur d’infrastructure de la réalisation du raccordement, passant donc en mode OI. À première vue, il peut s’agir de la solution la plus évidente et je comprends que nombre d’acteurs, certains élus locaux notamment, aient pu l’avoir à l’esprit.
Elle conduirait cependant à changer de plan au milieu de la bataille, alors que, depuis 2018, 20 000 locaux en moyenne sont raccordés chaque jour à la fibre. Changer de mode opératoire à ce stade risquerait de mettre un coup d’arrêt à ce déploiement, ce qui ne serait pas conforme à nos objectifs.
La troisième option, à laquelle je souscris pleinement, consiste à mieux encadrer le mode Stoc. Cette solution pragmatique permet de répondre aux préoccupations des usagers et des collectivités sans pour autant renverser la table ni déstabiliser les dynamiques à l’œuvre.
Le présent texte s’inscrit pleinement dans cette troisième voie d’équilibre. Je remercie Patrick Chaize et la commission de m’avoir accordé leur confiance à ce sujet.
Dans des délais restreints, j’ai entendu toutes les parties prenantes – opérateurs, régulateur, administrations centrales, élus locaux et usagers – et proposé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de reprendre plusieurs de leurs suggestions.
J’en viens à présent aux axes qui ont guidé le travail de la commission et aux principales modifications apportées à la proposition de loi.
Le premier axe a été la clarification des modalités de mise en œuvre du mode Stoc et de la répartition des responsabilités entre les opérateurs.
Conformément aux objectifs de Patrick Chaize, nous avons prévu, à l’article 1er, que l’opérateur d’infrastructure confie la réalisation du raccordement à la fibre à l’opérateur commercial selon un mécanisme de priorité et sous réserve du strict respect des règles de l’art.
Cette proposition pragmatique permet de conserver la volonté de l’auteur de garantir un principe de sous-traitance, en rappelant que la mise en œuvre du mode Stoc relève d’un choix de l’opérateur d’infrastructure, tout en préservant l’équilibre des contrats de sous-traitance en cours.
Avec le même objectif, la commission a souhaité renforcer le caractère opérationnel du guichet unique pour prendre en charge les difficultés de raccordement à la fibre rencontrées par les utilisateurs. Nous avons renforcé la place de ces derniers dans le dispositif, en leur permettant de suivre la résolution des difficultés rencontrées et en garantissant que celle-ci intervienne dans un délai raisonnable, qui ne pourra excéder dix jours.
Ce guichet unique a suscité des réactions différentes chez les usagers, les opérateurs et le Gouvernement. Si tout le monde s’accorde sur son utilité, la définition de ses modalités opérationnelles fait débat. Notre proposition est une première pierre à l’édifice, mais nous sommes ouverts à la perspective qu’un travail plus approfondi soit mené sur cette question dans le cadre de la navette parlementaire.
Enfin, la commission a modifié l’article 3, qui interdit le recours au mode Stoc dans certaines zones du territoire, pour en affiner le périmètre d’application afin de prendre en compte la fermeture du réseau cuivre et restreindre l’interdiction aux raccordements longs et complexes, de manière à limiter les atteintes à la liberté d’entreprendre.
Le deuxième axe des travaux de la commission a été de consolider les exigences de qualité et de contrôle applicables aux raccordements.
Nous avons prévu, à l’article 1er, l’élaboration d’un socle d’exigences minimales de qualité, que les contrats et les cahiers des charges liant les opérateurs commerciaux et leurs sous-traitants devront respecter.
Nous avons également introduit une obligation de labellisation de tout intervenant chargé de réaliser un raccordement à la fibre, selon un référentiel national. De plus, nous avons consacré dans la loi la réalisation systématique d’un compte rendu d’intervention pour permettre à l’opérateur d’infrastructure et à l’utilisateur de vérifier la bonne réalisation du raccordement.
Enfin, à l’article 2, qui concerne les réseaux d’initiative publique, c’est-à-dire les zones dites RIP, nous avons garanti un délai maximal de quarante-huit heures pour la transmission à la collectivité du calendrier hebdomadaire des interventions de raccordement lorsque cette dernière en fait la demande, de manière à renforcer les moyens de contrôle des élus locaux, souvent démunis face aux malfaçons dans le raccordement final.
Le troisième et dernier axe des travaux de la commission a été d’assurer le caractère opérant des dispositifs.
Nous avons ainsi proposé une nouvelle rédaction de l’article 4, qui étend les pouvoirs en matière de qualité des raccordements à la fibre de l’Arcep, dont nous entendons ainsi clarifier les moyens de contrôle et de sanction.
À l’article 5, qui ouvre de nouveaux droits aux consommateurs en cas d’interruption prolongée du service d’accès à internet, nous avons, d’une part, amélioré l’articulation dans le temps des sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre de l’opérateur commercial et, d’autre part, veillé à protéger ce dernier d’éventuels abus de la part des consommateurs.
En somme, tous ces ajustements de bon sens, qui résultent d’un travail approfondi de concertation avec tous les acteurs, s’inscrivent pleinement dans l’esprit du texte présenté par Patrick Chaize tout en consolidant sa portée et son caractère opérationnel.
Vous l’aurez compris, face aux dysfonctionnements dans le raccordement des utilisateurs finaux à la fibre optique, il n’existe pas de solution miracle donnant satisfaction à l’ensemble des intervenants. Il y a pourtant urgence à agir pour assurer la pérennité et la qualité des raccordements. Le texte de la commission est une proposition ambitieuse et équilibrée, mais nous avons conscience qu’elle est aussi perfectible.
Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp pour poursuivre, dans le cadre de la navette parlementaire, le travail sur cette initiative sénatoriale. Celle-ci répond, vous l’aurez compris, à de très fortes attentes de la part des usagers et des élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)