Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article auquel nous avons eu recours à plusieurs reprises ce soir.
Je vais essayer de garder toute ma sérénité.
Nous ne sommes pas surpris par l’annonce que vient de faire M. le ministre, car elle était très prévisible. Ce soir, c’est l’article 44, alinéa 2 de la Constitution. Demain, ce sera peut-être l’article 44, alinéa 3 – le Gouvernement en a le droit.
Nous ne sommes pas dupes. Pour reprendre une expression que j’ai entendue lors de la conférence des présidents, mercredi matin, nous ne sommes pas des « perdreaux de l’année ».
La majorité de droite sénatoriale a usé de pratiquement toutes les procédures que lui offre notre règlement. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Oui, vous le savez bien, monsieur Karoutchi ! Et maintenant, c’est au tour du Gouvernement, avec le soutien de la majorité sénatoriale, de nous bâillonner.
Mes chers collègues, que vous dire, après avoir déjà tant dit ?
M. Philippe Tabarot. Rien ! Restez silencieuse…
Mme Éliane Assassi. Que dire, sinon que c’est un signe de faiblesse politique ?
Monsieur le ministre, votre gouvernement est faible politiquement. Vous faites preuve de fébrilité, parce que vous savez que votre réforme est rejetée majoritairement dans le pays, ce qui vous met très mal à l’aise, tout simplement, car elle est injuste.
Aussi, vous réalisez un nouveau coup de force coorganisé, qui va rejaillir…
M. le président. Merci !
Mme Éliane Assassi. … mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, sur les mobilisations de samedi et mercredi prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Gontard. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis de notre règlement.
Monsieur le président, j’avais déjà demandé deux fois la parole, sans succès.
M. le président. Vous l’avez déjà eu une fois !
M. Guillaume Gontard. En tant que président de groupe, j’ai été visé par une mise en cause directe de M. le rapporteur, qui nous reproche de ne pas respecter un accord. Je suis particulièrement choqué par cette accusation. De quoi parlez-vous ? Pour ma part, je le dis clairement, je n’ai signé aucun accord. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Et la parole donnée ?
M. Guillaume Gontard. C’est le contraire qui serait grave. Il faut redescendre sur terre et en revenir à un débat parlementaire un peu sérieux.
Je veux bien, monsieur le ministre, que vous donniez des conseils aux parlementaires sur leur manière de fonctionner. Vous nous reprochez de multiplier les amendements, ce qui freinerait le débat. Je constate tout de même que, jusqu’à l’article 7, nous avons débattu sereinement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. C’était un monologue !
M. Guillaume Gontard. Ce n’est pas moi qui le dis. J’ai lu nombre d’articles de presse qui louaient le travail sérieux et serein du Sénat, qui avançait.
Que s’est-il passé ensuite ? Il y a eu cette nuit du 7 au 8 mars, qui restera, je le pense, dans la mémoire du Sénat, dans le mauvais sens du terme. (Marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
Vous avez voulu museler le Sénat, en allant plus vite que la musique. Vous avez voulu nous censurer.
M. le président. Votre temps de parole est terminé, mon cher collègue.
M. Guillaume Gontard. À partir de là, nous n’avions plus d’autre choix… (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour un rappel au règlement.
M. Yan Chantrel. Mon rappel au règlement est fondé sur son article 44 bis.
Monsieur le ministre, tout a commencé au moment de la discussion de l’article 7, lorsque plus de 1 000 amendements que nous avions déposés ont été supprimés à cause de diverses manœuvres. Vous avez refusé le débat. Comme nous souhaitons débattre sur le fond, nous déposons des sous-amendements reprenant nos propositions.
Monsieur le ministre, je sais que le débat parlementaire est difficile pour vous.
M. Yan Chantrel. En effet, ici, au Sénat, il n’y a pas de 49.3, donc nous débattons. Je me doute que cela vous dérange de ne pas pouvoir brutaliser la Haute Assemblée, comme vous l’avez fait avec l’Assemblée nationale.
Il faut que les Français le sachent, nous avons vu, au moment de la suspension, MM. Retailleau et Dussopt sortir de l’hémicycle main dans la main pour décider ensemble d’activer l’article 44, alinéa 2 de la Constitution… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Roger Karoutchi. C’est un rappel au règlement ?
M. Yan Chantrel. Il faudra se souvenir que la droite et le Gouvernement ont marché de concert dans cette affaire. Désormais, les Français ne peuvent plus être dupes : tout est clair et transparent. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour un rappel au règlement.
Mme Sabine Van Heghe. Mon rappel au règlement est fondé sur son article 44 bis.
Monsieur le ministre, en rejetant nos sous-amendements, vous refusez le vrai débat sur la pénibilité, alors que c’est ce qu’attendent de nous tous les salariés exposés. Il est vrai qu’il est plus facile d’éviter les sujets qui fâchent que de les affronter courageusement…
Mes chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, nous assistons à une démonstration de lâcheté et de mépris vis-à-vis des Français, que vous avez déjà condamnés à travailler deux ans de plus et qui attendent maintenant, à tout le moins, que nous nous penchions sur leurs conditions de travail et sur la santé au travail. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Oh là !
M. Patrick Kanner. … c’est la manière dont les rédacteurs de la Constitution de la Ve République ont placé le Parlement sous une forme de contrôle du Gouvernement, grâce à différents articles. Il est vrai que ces mécanismes ont été modifiés par la réforme de Nicolas Sarkozy en 2008.
Messieurs les ministres, vous utilisez l’article 44, alinéa 2. Heureusement, vous ne pouvez pas utiliser le 49.3 devant le Sénat ; c’est la contrepartie de notre impossibilité de voter une motion de censure contre le Gouvernement.
Vous auriez tout aussi bien pu utiliser l’article 44, alinéa 3, à savoir un vote bloqué clair et net : on vote l’amendement n° 2132 et on arrête les débats. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est peut-être d’ailleurs la prochaine étape que vous envisagez sans nous le dire.
M. Roger Karoutchi. Vous le cherchez bien !
M. Patrick Kanner. Nous voyons bien cette gradation des moyens utilisés pour nous empêcher de faire notre travail, c’est-à-dire de vous apporter la contradiction et de dire notre opposition à cette réforme dont, nous, nous ne voulons pas.
Nous sommes maintenant face à une coalition, qui n’est même plus de fait tant elle est évidente, entre les droites sénatoriales et la droite élyséenne. Nous le regrettons. Nous pensions que nous pouvions trouver d’autres solutions que celles que vous avez utilisées.
Je tiens à vous dire, messieurs les ministres, mes chers collègues de la droite sénatoriale, que nous n’allons pas abdiquer. Nous allons continuer à défendre nos arguments, peut-être avec plus de temps que ce que vous aviez imaginé, et nous le ferons avec conviction, vigueur et détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Breuiller. J’interviens au titre de l’article 44 bis du règlement.
Je constate ce soir que le Gouvernement, qui a déjà choisi de contraindre nos débats par l’article 47-1 de la Constitution, nous bâillonne encore plus grâce à un autre article constitutionnel, qui lui permet de rejeter brutalement un certain nombre de sous-amendements parlementaires. C’est son droit constitutionnel le plus strict.
Je veux le rappeler, sur toutes les travées de cet hémicycle le choix de ce véhicule législatif a été contesté, car il ne permet pas au débat d’avoir l’ampleur et la durée nécessaires. Pourtant, mes chers collègues, vous vous en êtes accommodés, et, aujourd’hui, vous vous résignez à toutes les restrictions au droit d’expression des oppositions.
Je le répète, une démocratie se révèle dans le respect qu’elle accorde aux minorités. En l’occurrence, ce respect vient à manquer.
M. Roger Karoutchi. Vous parlez 70 % du temps !
M. Daniel Breuiller. La question est finalement la suivante : pourrons-nous voter avant dimanche minuit ? Je n’en sais rien. À titre personnel, je n’ai pas un désir fou que nous passions au vote, puisque je m’oppose à ce texte.
En tout cas, si nous ne pouvons voter sur l’ensemble du projet de loi, c’est bien l’usage de l’article 47-1 de la Constitution qui aura conduit à cette situation, et non pas l’exercice de nos droits parlementaires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.) En effet, si vous aviez eu recours à une loi ordinaire, il y aurait certainement eu un vote.
M. Rémi Cardon. Très bien !
M. Daniel Breuiller. Enfin, s’il y a un vote avant dimanche minuit, celui-ci ne fera aucun doute. Et, si tel n’est pas le cas, la réforme sera approuvée après une CMP, qui, je l’imagine, sera conclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sur quel article vous fondez-vous ?
Mme Monique Lubin. Sur quel article du règlement ?
M. Bruno Retailleau. Vous êtes de farouches opposants et vous vous battez avec ténacité. Ce n’est pas moi, qui ai toujours considéré que l’honneur de la politique était la défense de ses propres convictions, qui vous en ferai le reproche.
Nous avons toujours dit que nous voulions cette réforme – d’ailleurs, est-ce notre habitude de nous cacher ? –, puisque nous la votions depuis quatre ans, ici, au Sénat. Simplement, nous voulons la modifier. C’est la raison pour laquelle nous voulons aller jusqu’au bout du débat.
M. David Assouline. Allez-y !
M. Bruno Retailleau. J’ai entendu des rappels au règlement répétitifs. Mais, nous, nous voulons discuter du fond ! (Nous aussi ! sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Non, c’est faux, vous ne voulez pas discuter du fond. Vous voulez bloquer la discussion !
En effet, vous le savez parfaitement, au rythme où nous allons, nous ne pourrons pas parler de la transition professionnelle, à l’article 13, de l’article 12, de l’assurance vieillesse pour les aidants, qui sont 4 millions, des travaux d’utilité collective (TUC), des jeunes volontaires, qui ont droit aussi à leur retraite, ou encore de la revalorisation des petites retraites. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Vous avez construit, avec ingéniosité et avec une rapidité assez foudroyante, une machine à bloquer le débat et à empêcher les votes, autrement dit une machine à obstruction, reposant à la fois sur des sous-amendements et sur des rappels au règlement. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Vincent Éblé. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Bruno Retailleau. Bien sûr, une démocratie parlementaire s’honore à respecter les minorités. Mais j’exige…
Mme Cathy Apourceau-Poly. « J’exige »…
M. Bruno Retailleau. … que les droits de la minorité ne s’imposent pas à ceux de la majorité.
La démocratie, c’est que, au bout du compte, la majorité puisse voter pour faire valoir son propre avis. C’est ce que nous voulons pour cette réforme, que nous souhaitons éclairer complètement et jusqu’au bout. Nous aurions tellement mieux fait de parler ce soir de pénibilité, plutôt que d’assister à cette litanie de rappels au règlement !
Je vous le dis, l’obstruction, c’est la maladie du parlementarisme ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI. – M. Jean-Claude Requier applaudit également. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour un rappel au règlement.
Mme Corinne Féret. Je formule ce rappel au titre de l’article 44 bis du règlement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues de la droite et du centre, que voulez-vous ? Nous empêcher de parler, de débattre ? Mais de quoi avez-vous peur ? Que craignez-vous ?
Le Gouvernement ne veut pas entendre les milliers de Français qui rejettent cette réforme. Et la majorité sénatoriale, une fois de plus, ne veut pas entendre les sénateurs qui s’opposent à cette réforme. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Mais il n’y a que vous qui parlez !
Mme Corinne Féret. Vous ne voulez pas nous laisser débattre, alors que, mes chers collègues, telle est bien notre intention, contrairement à ce qui est affirmé.
M. Laurent Burgoa. Alors, débattez !
M. Emmanuel Capus. Nous n’attendons que cela !
Mme Corinne Féret. Nous avons des propositions concrètes pour enrichir cette réforme. Nous voulons vous expliquer pourquoi nous sommes contre ce texte, tel qu’il est rédigé.
Je vous le dis tout net, vous ne réussirez pas à nous décourager : nous serons là encore demain, après-demain, et le surlendemain, jusqu’à minuit s’il le faut. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous aussi !
M. David Assouline. Vous n’irez pas à la messe, alors !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour un rappel au règlement.
M. Éric Kerrouche. J’interviens moi aussi sur la base de l’article 44 bis de notre règlement.
Tout à l’heure, Alain Richard nous a dit que le droit était une logique. Ce n’est pas vrai ! C’est en politiste que je vous le dis : le droit est simplement un outil, que vous avez décidé d’utiliser ce soir contre la minorité de gauche de cet hémicycle, ce qui est problématique.
Le Parlement français est l’un des plus faibles des grandes démocraties occidentales. Or, vous concourez volontairement à nous infantiliser encore plus. Vous vous êtes mis dans la main du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Vous renoncez à tous vos droits.
Effectivement, monsieur Retailleau, nous sommes frontalement opposés à cette réforme, autant que vous la désirez.
Certes, nous aurions pu travailler en meilleure intelligence.
Mme Dominique Estrosi Sassone. C’est sûr !
M. Éric Kerrouche. Mais si nous avons déposé tous ces sous-amendements, c’est parce que vous aviez supprimé tous nos amendements de suppression.
Je vous le dis très tranquillement, c’est l’équilibre de la terreur : chaque fois que vous chercherez à nous marcher dessus et à nous brutaliser, nous trouverons des moyens pour nous exprimer. Et franchement, cela ne nous pose aucun problème, parce que, derrière nous, il y a des millions de Françaises et de Français, qui ne veulent pas de cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Non, ils ne sont pas derrière vous !
M. Éric Kerrouche. Nous, ici, nous sommes leurs représentants pour vous dire non ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.
M. David Assouline. Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 44 bis du règlement du Sénat.
Monsieur Retailleau, le parlementarisme ne vient pas de naître. Ici, j’ai connu des batailles mémorables sur la laïcité ou sur d’autres sujets. Nous avions alors cinq minutes de temps de parole sur article, cinq minutes pour présenter un amendement et cinq minutes d’explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. On l’a échappé belle ! (Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. David Assouline. En 2010, nous avons passé plusieurs semaines sur une réforme des retraites, qui était de même nature et qui imposait deux ans de plus pour les travailleurs de ce pays. Nous avons été jusqu’au bout du débat et nous avons utilisé plus de temps que celui qui nous est imparti sur ce texte, en l’occurrence jusqu’à dimanche soir.
Le problème ne vient donc pas de nous, monsieur Retailleau. Il vient du Gouvernement, qui a décidé, au travers de l’article 47-1 de la Constitution, et avec votre complicité, de limiter ce débat. Vous qui voulez aller au vote, demandez donc au ministre de lever cette contrainte, et alors nous irons jusqu’au bout de ce texte et il y aura un vote.
Alors que vous êtes des parlementaires et que, à ce titre, vous devez contrôler et tempérer l’exécutif, qui souhaite toujours se passer du débat parlementaire ou le raccourcir, vous avez choisi d’être les supplétifs du Gouvernement contre le Parlement. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
Mme Françoise Gatel. Arrêtez !
M. Bernard Fialaire. C’est digne de Mélenchon !
M. David Assouline. Pour notre part, nous considérons que, à la base de la démocratie et de la République, il y a le parlementarisme, c’est-à-dire la liberté des députés et des sénateurs de contrôler le Gouvernement, de débattre, d’amender et d’expliquer leur vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour un rappel au règlement.
Mme Monique Lubin. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 44 bis de notre règlement.
Monsieur le président Retailleau, vous avez souligné votre respect des élus qui défendent leurs convictions, et je vous en sais gré.
Je m’exprime ce soir en tant que cheffe de file de mon groupe sur le dossier des retraites. Ce sujet me tient particulièrement à cœur, à l’instar d’autres membres de mon groupe, que j’ai réussi à entraîner derrière ma passion. En effet, j’ai l’envie, chevillée au corps, de défendre des gens modestes, des ouvriers, des salariés, bref, des personnes avec qui je vis toujours.
Mme Sophie Primas. Nous aussi nous vivons avec des gens modestes !
Mme Monique Lubin. Je ne vous fais aucun reproche, ma chère collègue. Je parle juste de mon histoire et de mon expérience personnelle.
Je me suis engagée à défendre ce en quoi je crois profondément pour tous ces gens-là. Il se peut que les membres de mon groupe n’aient pas tous eu la même conviction au départ, mais j’ai réussi à les entraîner derrière moi.
Je vous le dis très clairement, monsieur le président Retailleau, je souhaite débattre jusqu’au bout.
M. Emmanuel Capus. Eh bien alors ?
Mme Monique Lubin. J’avais envie de discuter de l’article 7. Vous nous avez un peu coupé les ailes, mais nous avons tout de même réussi à le faire.
J’avais envie de débattre de l’article 8, ce que nous avons pu faire toute la journée, et cela de manière qualitative.
À présent, j’ai envie de débattre de la suite, de la pénibilité et de l’article 10, avec ses fameux 1 200 euros. (M. Bruno Retailleau manifeste son scepticisme.)
Mme Sophie Primas. Vous ne le montrez guère !
Mme Monique Lubin. Si, je vous assure.
Aussi, laissez-nous faire. D’ailleurs si vous n’aviez pas entrepris vos manœuvres, nous aurions déjà examiné la moitié de l’article 9. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour un rappel au règlement.
M. Olivier Henno. Avec gravité, je vais aller un peu plus loin que vous, monsieur Kerrouche : je pense que votre volonté de vous opposer à la réforme est peut-être plus forte que notre désir de la voter. (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Eh oui, mes chers collègues.
Toutefois, pour nous, et nous différons sur ce point, il y a quelque chose de sacré : les institutions et le Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Oui, ces institutions sont sacrées, et vous jouez avec des allumettes ! (M. Patrick Kanner s’exclame.)
Laissez-moi parler, monsieur Kanner. Je vous ai beaucoup écouté : vous êtes mal à l’aise depuis le début, parce que vous êtes dépassé par votre base radicale ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) Alors, un peu de silence et de respect !
Vous respirez le mal-être, monsieur Kanner ! (Tumulte.)
M. Mickaël Vallet. Et chez les centristes, on est à l’aise ?
M. Olivier Henno. Vous dites vouloir débattre. Nous le voulons aussi, mais, et ce point nous différencie, nous souhaitons surtout pouvoir voter. Voter ! C’est cela aussi le rôle du Parlement ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.) Or vous faites tout pour nous empêcher de voter, depuis le début.
Vous avez sans doute une arrière-pensée – il y en a toujours en politique. Vous espérez tirer les bénéfices de cette crise. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Mais, détrompez-vous, c’est le populisme et les populistes qui vont tirer les marrons du feu ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDPI et RDSE.)
Nous sommes attachés au Sénat, aux institutions et à la démocratie représentative. C’est la raison pour laquelle nous sommes solidaires avec le président du Sénat. Il faut débattre et voter. Voilà l’essentiel ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI.)
M. David Assouline. Oui, il faut voter aux sénatoriales…
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Laurent. Cela fait maintenant deux heures que nous attendons d’entrer dans le débat sur l’article 9. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jacques Grosperrin. La faute à qui ?
M. Pierre Laurent. Or nous allons y entrer par la plus petite porte qui soit, à savoir l’amendement que vous avez appelé en priorité.
Il s’agit pourtant d’un article majeur de la loi.
Mme Sophie Primas. C’est pour cela que vous voulez le supprimer ?
M. Pierre Laurent. Le sujet de la pénibilité est attendu par tous ceux qui nous regardent. Ce sont donc deux heures de perdues à cause de manœuvres procédurales, déclenchées tant par la droite sénatoriale et la commission que par le Gouvernement, en accord avec la droite sénatoriale.
Monsieur le ministre, il y avait 5 238 amendements au début de nos débats ; il en reste 1 126. Autrement dit, nous avons examiné 80 % du total. (Marques d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Corinne Imbert. Bien sûr !
Mme Laure Darcos. Et vous allez en déposer d’autres !
M. Pierre Laurent. Il nous reste trois jours et deux nuits pour en discuter, parce que le Gouvernement a fixé une limite à dimanche soir.
Cependant, au rythme où nous avançons, il n’y a aucune raison de penser à cette heure que nous n’arriverons pas au terme du débat. Cela, c’est vous qui le décrétez.
M. Jean-François Husson. Tout est faux dans ce que vous dites !
M. Pierre Laurent. En réalité, vous êtes en train de mettre en scène depuis mardi la montée en régime des procédures pour limiter les discussions. Cela va crescendo, et c’est vous qui empêchez le débat !
Mme Françoise Gatel. Non !
M. Pierre Laurent. Chers collègues de droite, vous devriez y réfléchir à deux fois. Vous avez décidé d’être les jouets consentants du Gouvernement dans cette affaire. Vous devriez plutôt méditer ce que disait Christian Jacob, ancien président du parti Les Républicains : « On n’est pas obligé d’être la droite la plus bête du monde. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Mickaël Vallet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit d’un rappel au règlement au titre de l’article 44 bis du règlement de notre assemblée.
Voyez-vous, je ne suis pas un spécialiste des retraites, mais j’arrive avec des convictions, avec des interrogations et avec les problèmes spécifiques rencontrés en ce domaine par les Françaises et les Français vivant à l’étranger, que je représente.
Mes amis politiques ont exprimé leurs interrogations et condamné ce projet d’une manière globale. Toutefois, depuis deux jours, nous assistons à des échanges fructueux entre nos chefs de file et le rapporteur, pour enrichir le texte. À cet égard, je veux rendre un hommage particulier à Mme Poncet Monge, qui a suivi l’ensemble du débat. (M. Thomas Dossus applaudit.)
Pourtant, tout dérape ! Au moment précis où nous arrivons au sujet de la pénibilité, vous avancez des interprétations du règlement inédites.
L’article 46 bis est ainsi rédigé : « Les amendements sont mis aux voix dans l’ordre ci-après : les amendements de suppression et ensuite les autres amendements en commençant par ceux qui s’écartent le plus du texte proposé… ». Mais vous nous proposez de faire autrement.
Vous présentez des amendements qui ne sont pas préparés ou qui sont anecdotiques par rapport à la question de la pénibilité, qui, je le rappelle, n’est pas la préoccupation première de la majorité présidentielle. En effet, souvenez-vous, celle-ci a supprimé par ordonnance des dispositions sur ce sujet qui avaient été votées dans le cadre de la loi Touraine.
Par conséquent, il serait préférable que vous repreniez vos esprits, mes chers collègues, et que nous évitions des disputes de bac à sable pour savoir qui a commencé quoi. Retrouvons ce moment où nous pouvions laisser cours au dialogue entre spécialistes.
Monsieur le rapporteur, nous avons encore trois jours pour débattre. De grâce, cessons de jouer !
M. Philippe Tabarot. Merci de cette contribution au débat !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour un rappel au règlement.
M. Ronan Dantec. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis.
Je voudrais ce soir rendre hommage aux pères de la Constitution. Ils ont tout de même énormément réfléchi à ce qu’était le Sénat.
Nous ne sommes pas l’Assemblée nationale. Dans cette chambre, le Gouvernement peut s’imposer à sa majorité quand elle est un peu frondeuse. On voit bien la logique du 49.3, même si son usage est toujours un peu dangereux, comme l’histoire politique de ces dernières années l’a montré, y compris avec d’autres gouvernements.
Cependant, les rédacteurs ont intégré dans leurs réflexions que le Sénat était différent. Au Sénat, on ne peut pas passer en force.